J. Ogier de Gombauld, 1570-1666: étude biographique et littéraire sur sa vie et ses ouvrages
LA SAINTONGE ET L'AUNIS
A L'ACADÉMIE FRANÇAISE
JEAN OGIER DE GOMBAULD
(1570-1666)
Telle est la courte oraison funèbre que Despréaux, dans le quatrième chant de son Art poétique, consacre au poëte favori de Marie de Médicis, et nous y saisissons cet aveu précieux à recueillir, que Gombauld fut très-goûté et fort loué par ses contemporains. La verve caustique du législateur du Parnasse laisse rarement échapper de ces traits à double portée, qui frappent d'un côté, qui guérissent de l'autre: on dirait qu'un remords l'a saisie au moment où elle allait s'attaquer «au plus ancien des écrivains françois vivants en 1663[1]», et l'on doit supposer que l'impression de ce remords ne fut point passagère; car, une autre fois encore, Boileau crut devoir user de la même arme envers le vieux poëte, quand, parlant des sonnets sans défaut, il prononça cet arrêt:
[1] Chapelain.—Mélanges tirés de ses Lettres manuscrites.
Or, on sait qu'à ses yeux sévères
On peut donc, même en suivant les règles du maître, ne point se montrer trop dédaigneux du talent poétique de Gombauld, et le succès qu'eurent ses ouvrages pendant la plus grande partie du XVIIe siècle suffirait, au besoin, pour nous encourager à entreprendre l'étude de sa longue carrière. On réimprime aujourd'hui les poésies de beaucoup d'anciens auteurs qui ne pourraient soutenir la comparaison devant un choix judicieux de celles du rival et ami de Maynard et de Racan: et ce qui prouve que Boileau a eu tort devant la postérité, c'est qu'une édition de luxe des Épigrammes de Gombauld, imprimée à Lille en 1861, est déjà épuisée, et que des maîtres en l'art de bien dire, parmi lesquels nous citerons principalement M. St-Marc Girardin, s'étant donné la peine de relire et d'analyser plusieurs des ouvrages du poëte saintongeois, n'ont pas hésité à le ranger parmi les plus éminents des quarante fondateurs de l'Académie française[2].
[2] Voici l'énumération succincte des principaux travaux modernes sur les ouvrages ou la carrière de Jean Ogier de Gombauld: M. St-Marc Girardin a longuement analysé et apprécié la pastorale d'Amaranthe, dans son Cours de littérature dramatique (Paris, Charpentier, 4 vol. in-12).—M. Pierre Barbier a consacré près de cinquante pages à Gombauld et à la même pastorale dans ses Études sur notre ancienne poésie (Bourg, Ad. Dufour, 1873, 1 vol. in-8o).—M. Livet a parlé de lui fort avantageusement dans sa Notice sur l'hôtel de Rambouillet, au livre des Précieux et Précieuses (Paris, Didier, in-8o et in-18).—M. Paul de Musset l'a compris dans sa galerie des Originaux du XVIIe siècle (Paris, Charpentier, 1850-1863, in-12), et nous devons dire en passant que cette dernière étude ne doit être lue qu'avec précaution, car elle est beaucoup trop riche en erreurs historiques et surtout en anachronismes flagrants. Ainsi, d'après M. de Musset, les amours de Gombauld et de Marie de Médicis auraient eu lieu du vivant de Henri IV, ainsi que la publication du roman allégorique d'Endymion. Or, Tallemant affirme que Marie aperçut Gombauld pour la première fois au sacre de Louis XIII, et l'Endymion ne parut qu'en 1624, etc.
Au XVIIIe siècle, l'abbé Goujet, dans sa Bibliothèque française; les frères Parfaict, dans leur Histoire du Théâtre-Français; Sabathier de Castres, dans ses Trois Siècles littéraires; Lefort de la Morinière, dans sa Bibliothèque poétique; La Harpe, en plusieurs chapitres de son Cours de littérature, ont diversement apprécié les talents de Gombauld, que Richelet, Fontenelle, Bayle, Moréri, Baillet, Furetière, Guéret, Sorel, Conrart et Pellisson avaient déjà loué sans réserve au XVIIe siècle.
Les Historiettes de Tallemant des Réaux contiennent une foule de détails sur la vie privée du poëte, qui avait été l'ami du chroniqueur, et nous les mettrons largement à contribution.