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Journal de Jean Héroard - Tome 2: Sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII (1610-1628)

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Il y avoit en ma cuisine
Une petite marcassine,
Laquelle est morte de douleur
D'avoir perdu son gouverneur.

Le 20, jeudi.—Il va au jeu de paume de Grenelle, puis voir le cabinet du sieur de La Chapelle, son joueur d'épinette.

Le 24, lundi.—Il va à la volerie au delà du Bourget, à cheval, à pied.—Mis au lit, il s'amuse à jouer au trictrac.

Le 27, jeudi saint.—Il va au sermon, en la salle, fait par M. l'archevêque d'Aix[178], lave les pieds aux enfants, va à la messe en Bourbon.

Le 30, dimanche, jour de Pâques.—A neuf heures et un quart il va à la messe en Bourbon, revient en la grande galerie, à dix heures et trois quarts, où il a touché quatre cent quarante malades, et à onze heures et demie dîné. Il va en carrosse au sermon, aux Carmes, puis à vêpres à Saint-Victor. A huit heures devêtu, il joue au renard et aux poules sur ses affaires.

Le 31, lundi.—Mis au lit, il se lève pour voir l'écurie de la reine Marguerite qui brûloit devant son logis[179], l'envoie visiter par un gentilhomme nommé le sieur de la Plasse.

Le 2 avril, mercredi, à Paris.—Mené en carrosse hors la porte Saint-Michel, il monte à cheval et va à la volerie à Antony et vers l'étang de Massy, vole et prend deux poulettes d'eau, jette l'oiseau, les prend, et l'entreprend contre l'opinion d'un chacun. Ce vol n'avoit jamais été entrepris.

Avr
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Le 3, jeudi.—Il va en carrosse hors de la porte Saint-Antoine, pour voler des poules d'eau qui étoient dans le fossé, puis va au Mesnil-Montant et de là à Belleville-sur-Sablons, pour y voir les sources des fontaines qui viennent à Paris.

Le 6, dimanche.—Il va chez la Reine, puis, à une heure et demie, en carrosse aux Chartreux, à vêpres, puis à Issy, à la maison de la reine Marguerite, y tire de la harquebuse et blesse un merle auprès de lui, comme il chantoit; il demande au sieur Renard, l'un de ses chirurgiens, s'il guariroit bien, et le lui baille.

Le 7, lundi.—Mis au lit, l'on lui rapporte le décès de M. le connétable[180]; il en demeure touché, et dit: Il y en aura beaucoup qui demanderont cette charge, mais il ne la faut donner à personne.

Le 10, jeudi.—Il va au Pré-aux-Clercs voir faire monstre à sa compagnie de chevau-légers.

Le 11, vendredi.—A dîner le sieur de Blainville, cornette de la compagnie de Sa Majesté, lui dit: «Sire, la Reine m'a fait l'honneur de me commander que dorénavant mes compagnons soient en armes quand nous irons l'accompagner.» Le Roi répond soudain: Pourquoi? Le peuple de Paris pensera que j'ai peur quand il verra cela. Je n'ai point peur, je ne les crains point, entendant parler des princes qui s'étoient retirés mal contents de la Cour.—«Sire, j'estime que le peuple en sera bien aise, voyant le soin que l'on aura de bien conserver la personne de Votre Majesté.»—S'ils venoient, les battrions-nous pas?—«Sire, ils auroient un grand avantage sur nous.»—Quel?—«Autant qu'il y en a d'avoir un pourpoint de toile à un de fer.» Le Roi, ayant un peu songé, répond: Bien, mais dites-leur que, sortant et entrant en la ville, qu'ils mettent leurs manteaux sur leurs armes.

Avr
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Le 13, dimanche.—Il va à Issy, chez la reine Marguerite, chemine fort à pied, monte au haut de la montagne.

Le 15, mardi.—Mis au lit, M. le Grand lui ayant raconté en l'oreille ce qui s'étoit passé à Soissons pour la paix avec M. le prince de Condé, il n'en fait paroître en son visage aucune marque de joie ne de tristesse, et se prend à entretenir la compagnie; et, chacun étant retiré, il nous dit à M. de Préaux et à moi: La paix est faite, je crois que ce sont les prières des quarante heures qui en sont cause[181]; le sieur de Préaux, prenant la parole, le confirma en cette créance.

Le 16, mercredi.—Il va chez la Reine, donne audience à l'ambassadeur de l'Empereur.

Le 18, vendredi.—Il va en carrosse hors la porte Saint-Michel, où il monte à cheval et va près de Vaugirard, où il chasse au chien couchant, tire et tue une perdrix; c'est la première fois qu'il a fait cette chasse.

Le 20, dimanche.—A onze heures il va chez la Reine, la voit saigner et piquer deux fois[182].

Le 22, mardi.—A trois heures il entre en carrosse, la Reine aussi, va au Pré-aux-Clercs où il monte à cheval, pour voir le régiment des gardes en quatre bataillons, puis met pied à terre, et fut bien deux heures, allant à l'un puis à l'autre, leur voyant faire les exercices.

Le 26, samedi.—A dîner, il demande s'il a bu, n'a fait que rêver en dînant, parlant ou chantant.

Le 28, lundi.—Il va en la galerie, fait les exercices, très-bien, veut être mousquetaire; il a trente-deux petits gentilshommes. Étant sur ses affaires, il s'amuse à monter Avr
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des horloges, qui avoient des ressorts à faire prendre feu à la poudre.

Le 1er mai, jeudi, à Paris.—Il va à vêpres aux Bonshommes, puis à Auteuil, au jardin de M. Brouay, pêcher à un petit vivier et dénicher des merles.

Le 2, vendredi.—A huit heures levé, il dit avoir songé que l'on lui tiroit du sang, mais dit que ce n'étoit que de l'eau; c'étoit sur le temps que M. le prince de Condé débattoit pour avoir Amboise; M. Vignier[183] en revient ce matin.

Le 3, samedi.—Il va chez la Reine, à la chapelle de son antichambre, puis au conseil tenu pour savoir si Amboise seroit baillé pour sûreté à M. le prince de Condé, jusques après la tenue des États. Il fut résolu qu'il le seroit.

Le 7, mercredi.—Il va chez la Reine, puis monte en haut, à la chambre de MM. les premiers gentilshommes de la chambre, où il fait les exercices de sa compagnie; celui qui les fait faire c'est le sieur de l'Hostelneau[184], lieutenant au régiment des gardes.

Le 15, jeudi.—Éveillé à sept heures et un quart, il raconte comme il avoit songé qu'il étoit en la petite galerie, où il avoit trouvé le moine bourré[185], qui tenoit un petit diable noir ressemblant à un singe par une laisse tenant à un collier qu'il avoit au col; qu'il dit au moine Mai
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bourré qu'il lui prêtât ce petit diable pour faire peur à Mme de Guise; que s'étant approché de lui, lui a commandé de ne s'approcher pas, lui disant: «Va-t'en au diable»; qu'il s'en va, qu'il alla trouver la Reine, sa mère, et parla à elle à l'oreille, qui lui commanda d'aller faire peur à Mme de Guise.

Le 18, dimanche.—A neuf heures levé, vêtu, il va à la messe en Bourbon, revient à dix heures trois quarts; entrant à la cour du Louvre, il prend du pain, boit du vin fort trempé, touche huit cent sept malades. A midi dîné; il va chez la Reine. A deux heures il entre en carrosse, va au sermon et à vêpres aux Cordeliers[186], puis se promener à Issy.

Le 19, lundi.—Il va en carrosse aux Chartreux, où il fait hâter ses vêpres, puis va à Vanves, au logis du sieur de Montescot, où il court un chevreuil.

Le 23, vendredi.—Il va par la galerie aux Tuileries, où il a tiré au blanc avec la harquebuse; à six heures et demie il y a soupé, au pavillon ancien.

Le 25, dimanche.—Il va au sermon en la chapelle de Bourbon, puis en carrosse à Vanves, chez le sieur Prevost, puis chez le sieur de Bevilliers et après chez le sieur Du Tillet; goûté chez M. de Bevilliers.

Le 28, mercredi.—A sept heures et un quart il entre en carrosse, va à la messe aux Bonshommes, puis à Saint-Cloud où il arrive à dix heures. A dix heures et un quart Mai
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dîné au logis de M. de Gondi; il va par les jardins, aux fontaines, aux grottes; tiré et tué beaucoup de petits oiseaux à la harquebuse. A une heure et demie il va au bois de Boulogne, où il a chassé, tiré, tué des oiseaux, entre autres un auriol[187] et une orfraie.

Le 30, vendredi.—Il va en son cabinet des livres, où il s'amuse à faire diverses figures de bataillons avec des figures de plomb, sur une table percée.

Le 31, samedi.—Après dîner il va en la galerie, va faire ses exercices en armes. A sept heures M. le duc de Longueville arrive de Soissons, après la paix, lui fait la révérence. Soupé, il va chez la Reine, revient à huit heures trois quarts[188].

Le 1er juin, dimanche, à Paris.—Il va en carrosse au Juin
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jeu de paume de Grenelle, où il est frappé sur les dents d'un coup de balle, par le chevalier de Souvré; il saigna un peu.

Le 4, mercredi.—A cinq heures levé, impatient de partir pour aller à Ruel; à six heures déjeuné, à six et demie il entre en carrosse, va à la messe aux Feuillants, arrive à neuf heures et demie à Ruel, où il a dîné, s'amuse dans la maison. A quatre heures il monte à cheval, tire de la harquebuse tout à cheval, tue quantité de petits oiseaux, va chez un menuisier, y fait faire deux petits châssis de son dessein, y travaille lui-même, puis y pend tous les petits oiseaux.

Le 5, jeudi.—On lui dit la mort du chevalier de Guise[189]; il en blêmit, dit en être fort marri, et un témoignage de son intérieur fut qu'il dit: Il étoit toujours auprès de moi; je n'allois jamais à la chasse qu'il ne vînt avec moi.—Il va par la galerie à vêpres, aux Feuillants; joué aux Tuileries, puis il va en carrosse à l'hôtel de Guise.

Le 7, samedi.—Il fait ses exercices en armes, à la galerie; étudié. Il va jouer en son jeu de paume couvert; ce fut la première fois après avoir été couvert[190].

Le 12, jeudi.—Il va en carrosse chez la reine Marguerite[191].

Le 15, dimanche, à Paris.—A onze heures et demie il va chez la Reine, puis dîné. Monsieur est baptisé et la petite Madame en la chapelle qui est dans la tour de l'antichambre de la Reine, sur le midi, par M. le cardinal de Bonzy. Les parrain et marraine de Monsieur ce fut M. le cardinal de Joyeuse et la reine Marguerite, et son nom Gaston-Jean-Baptiste; de Madame ce fut Madame, Juin
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sœur aînée du Roi, et M. le cardinal de la Rochefoucauld, et son nom Henriette-Marie. Il va à vêpres à Saint-Eustache, puis joue en son jeu de paume.

Le 21, samedi.—Il part à six heures et un quart en carrosse, va à la messe aux Feuillants, et, chassant en chemin, tire de la harquebuse tout à cheval, aux petits oiseaux; arrive à neuf heures à Saint-Germain-en-Laye.—Il va au jeu de paume, puis au fossé du bâtiment, où il fait un terrier. A cinq heures et demie soupé; peu après il monte à cheval, passe la rivière, va à la garenne, chasse aux panneaux et aux levriers, revient à huit heures, écrit à la Reine. Peu après devêtu; étant sur ses affaires, il s'amuse à imprimer sur de la cire d'Espagne la gravure d'un Hippocrate et d'un lion, que j'avois en bague[192].

Le 22, dimanche, à Saint-Germain.—Il va à la chapelle de la terrasse, puis monte à cheval et va surprendre M. de Souvré et M. de Frontenac qui déjeûnoient à la petite maison du côté de Carrières. A une heure et demie botté, il monte à cheval, va au parc, y court un cerf et le prend. C'est la première fois qu'il a couru le cerf dans le parc, guidé par M. de Frontenac, premier maître d'hôtel et capitaine de Saint-Germain.—La Reine arrive, il va au-devant.

Le 23, lundi.—Il va chez la Reine, étudié. A trois heures il passe l'eau, va chasser à la garenne en carrosse. Après souper il se va promener sur les terrasses, va voir le feu de la Saint-Jean, sur le pavé du préau.

Le 25, mercredi.—Botté à douze heures et demie, il entre en carrosse jusques au laissez-courre, guidé par le sieur baron de Palluau, fils du sieur de Frontenac, court le cerf, le voit plusieurs fois, et se trouve à la mort. C'est la première fois qu'il a couru le cerf dans la forêt; il courut, Juin
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sans relayer, deux heures et plus.—Après souper il va chez la Reine, au parc, fait faire la curée du cerf, jette des fusées sur la terrasse.

Le 26, jeudi.—Après souper il va au parc, au-devant de la Reine, et à neuf heures à la comédie italienne, dans la galerie du côté du parc.

Le 28, samedi.—Étudié, goûté, il va au parc, à la comédie italienne.

Le 29, dimanche.—Il va à la comédie italienne, à l'entrée de l'allée.

Le 30, lundi.—Il va à la galerie, au conseil.

Le 1er juillet, mardi, à Saint-Germain.—A dix heures et demie il va chez la Reine et au conseil, en la galerie, là ou il fut résolu qu'il partiroit demain pour aller à Paris et de là à Orléans.

Le 2, mercredi.—Il va chez la Reine et chez le sieur Francino, fontainier. Il part de Saint-Germain-en-Laye, en carrosse, à trois heures et demie, et, par les bacs, va à Surênes, en la maison du sieur Parfait, l'un des contrôleurs de sa maison, où il a soupé. A huit heures et demie il entre en carrosse, et arrive à Paris à neuf heures et un quart, va chez la Reine.

Le 4, vendredi, à Paris.—A onze heures il va chez la Reine, au conseil, en la galerie, où les corps des compagnies furent mandés pour leur commander d'avoir soin de la ville pendant son voyage.

Le 5, samedi, voyage.—A sept heures et demie il entre en carrosse, part de Paris pour aller à Orléans, arrive à dix heures et demie à Longjumeau, où il a dîné, va à Chanteloup, voir les chevaux de M. de Brèves, qui lui donne une haquenée, puis arrive à cinq heures et demie à Olinville.

Le 6, dimanche, voyage.—A une heure parti d'Olinville en carrosse, arrivé à Etampes à quatre heures et un quart. A sept heures et demie la Reine arrive, il y va.

Le 7, lundi, voyage.—Il va à la messe à Notre-Dame, Juil
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puis à huit heures part d'Étampes, arrive à dix heures et un quart au Bardé[193], à Angerville, où il a dîné. Parti à deux heures et demie, il arrive à Toury à six heures, à l'Écu de France.

Le 8, mardi, voyage.—A huit heures il part de Toury, arrive à Langallerie à dix heures. Dîné; il va au jardin tirer de la harquebuse aux petits oiseaux; M. de Souvré le mène jouer aux cartes dans une grange, il s'y ennuie. Il n'aimoit pas les jeux oisifs, s'en va faire traire les vaches; il ne pouvoit demeurer oisif. Il part de Langallerie à trois heures en carrosse, monte à cheval en chemin, rencontre bien six mille hommes en armes, par troupes, arrive à cinq heures trois quart à Orléans, va à Sainte-Croix, où le Te Deum fut chanté, revient loger à la grande maison.

Le 9, mercredi, à Orléans.—Il va aux Capucins, va chez la Reine, puis jouer à la paume.

Le 10, jeudi, à Orléans.—Il va à la messe à Sainte-Croix, va chez la Reine; à quatre heures et demie il entre en carrosse et va au Poutil, maison du sieur d'Escures, où il a soupé, la Reine aussi. A neuf heures il rentre en carrosse, revient à Orléans.

Le 11, vendredi, à Orléans.—Il va à la messe aux Récollets, puis jouer à la paume. Étudié; à trois heures et demie il entre en carrosse, va au Poutil, où il a goûté, revient à sept heures et demie, va chez la Reine.

Le 12, samedi, à Orléans.—Il tire au blanc, à la harquebuse, avec les harquebusiers de la ville, donne au rond noir, autour de la cheville, du premier coup; va au jeu de paume.

Le 13, dimanche, à Orléans.—Il va chez la Reine, au jeu de paume, puis à la messe à Sainte-Croix.

Le 14, lundi, voyage.—Il va à la messe, puis à la Juil
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porte d'Illier, monte à cheval et part d'Orléans à neuf heures et un quart, et va, pour être mal guidé, jusques au faubourg de Meung, revient à Saint-Til, où son dîner étoit prêt. A deux heures il entre en carrosse et à cinq heures et un quart arrive à Beaugency, va jouer à la paume, revient au château à six heures.

Le 15, mardi, voyage.—A huit heures et un quart il entre en carrosse et va à Chambord; à demi-chemin il est monté à cheval et a chassé. Arrivé à onze heures et un quart, dîné, il va visiter le château, fut partout, le trouve beau, va pêcher. A deux heures et demie il entre en carrosse, et à six heures arrive à Blois, va à l'église, en fut fâché pour ce qu'on lui dit après que ce n'étoit point un évêché. On lui dit que c'étoit une église de fondation royale; il se contente, puis va au château.

Le 16, mercredi, à Blois.—Il va par la grande allée, à pied, à la Noue, où s'étoit logée Mme de Guise la douairière, pour n'avoir voulu loger au château, à cause de feu M. son mari[194]; le Roi commanda que l'on ne dît pas qu'il y eût été. Il revient à la messe aux Capucins, puis à onze heures chez la Reine, où se tenoit le conseil. Après dîner, il va chez les horlogers, la Reine aussi.

Le 17, jeudi, à Blois.—Soupé en la salle des États; peu après il monte à cheval, et va au-devant de la Reine, qui étoit allée au promenoir[195] à la Noue.

Le 18, vendredi, voyage.—Il va à la chapelle du château, à huit heures et un quart entre en carrosse, part de Blois, et à onze heures arrive à Pont-Levoy, où il a dîné. Parti à une heure, il arrive à quatre heures à Montrichard, va se promener, tire de la harquebuse, va chez la Reine.

Le 19, samedi, voyage.—A huit heures et demie il Juil
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part de Montrichard et va à la Bourdaisière, où il a dîné à midi. Il part à trois heures en carrosse, à un quart de lieue monte à cheval, ayant trouvé en chemin plus de six mille habitants en armes. Entré à Tours, il va à Saint-Gatian, et puis, à sept heures et un quart, loger en l'hôtel de Samblançay.

Le 20, dimanche, à Tours.—Il va en carrosse jouer au palemail, puis à Saint-Gatian. Il va à vêpres au Plessis; M. de Lansac, capitaine du château, donnoit la collation. Il revient en carrosse; à sept heures soupé, il va en sa chambre, puis à l'abbaye Saint-Julien, ouïr la comédie françoise, donnée par M. de Courtenvaux qui y logeoit.

Le 21, lundi, à Tours.—Il va chez la Reine, puis en carrosse à Saint-Martin, revient à onze heures. Étudié, etc.; il va en carrosse au Plessis et à Saint-Côme, où il a fait terrir des blaireaux, a fort travaillé. Après souper il va à Saint-Julien, à la comédie françoise donnée par M. de Courtenvaux.

Le 22, mardi, à Tours.—Il va à la messe aux Capucins et à vêpres à Marmoutiers, puis au Plessis trouver la Reine, où Mme de Lansac lui donnoit la collation. Après souper il va à Saint-Julien, à la comédie françoise.

Le 23, mercredi, à Tours.—Il va en carrosse aux Jacobins, puis au clos de la Bourdaisière, et après jouer au palemail. A quatre heures et demie il va en carrosse sur le quai de la Fère tirer de la harquebuse, au blanc, avec les harquebusiers de la ville, gagne le blanc. Mis au lit, il s'endort à la musique de luths et de voix.

Le 24, jeudi, à Tours.—Il va aux Carmes, au palemail; à trois heures et demie mené en carrosse au Plessis, où il fait chasser ses petits chiens. Après souper il va chez la Reine, puis à la comédie françoise.

Le 25, vendredi, à Tours.—Il va à la messe à Saint-Martin; à deux heures et demie il va en carrosse pour Juil
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mettre la première pierre à la porte de...[196] sur la rivière, puis à Marmoustier.

Le 26, samedi, voyage.—Il part de Tours, va à Cousières, où il a dîné à dix heures. A trois heures il entre en carrosse, et à six heures arrive à Sainte-Maure.

Le 27, dimanche, voyage.—Il va en carrosse à l'église, puis part et arrive à onze heures au port de Piles, où il a dîné. A une heure et demie il entre en carrosse, et à Ingrande, à trois heures et demie, goûté; il monte à cheval, et à six heures arrive à Châtellerault, va jouer à la paume. Après souper il va chez la Reine, achète beaucoup de besognes de coutellerie et de diamants du pays, disant que c'étoit pour envoyer à ses enfants qui étoient à Saint-Germain-en-Laye; c'étoient Monsieur, son frère, et Mesdames, ses sœurs.

Le 28, lundi, voyage.—Éveillé à quatre heures par le bruit des passants et du charroi, il entend les injures qu'ils s'entredisoient, s'en rit. A sept heures et trois quarts il entre carrosse; à une lieue environ, dans la garenne, il y a la fontaine de Nerpuis, sur la main droite, où le sieur de l'Isle-Rouët donnoit à déjeuner à plusieurs de ses amis de la Cour, bons compagnons. Le Roi les voyant, demande que c'est; on lui dit: «C'est l'Isle-Rouët qui donne à déjeuner aux goinfres de la Cour.»—Je y veux aller, dit-il; il met pied à terre, et dit gaiement, faisant du bon compagnon: Çà, j'en veux être des goinfres de la Cour, se prend à déjeuner, mange deux perdreaux, l'estomac de deux poulets, un peu d'une langue de bœuf; M. de la Curée servoit les plats à cheval. Le Roi dit en sautant: Adieu, mon hôte, rentre en carrosse, et arrive à Jaulné, où, à une heure, il a dîné. Il entre à cheval, sous le poële, à six heures et demie à Poitiers, va à Saint-Hilaire.

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Le 29, mardi, à Poitiers.—Éveillé à une heure en sursaut, il se veut lever sans dire la cause; ses valets de chambre, les sieurs de Heurles et Armaignac, l'en veulent empêcher, croyant qu'il rêvât: Laissez-moi, laissez-moi, dit-il; il se lève en chemise et ainsi veut aller à la salle. Remis au lit, il se rendort jusques à neuf heures et un quart. Levé, bon visage, etc., il va chez la Reine, puis en carrosse à Saint-Pierre, revient à onze heures, ne sort point du logis, à cause de la chaleur, jusques à cinq heures et demie, va jouer à la paume.

Le 30, mercredi, à Poitiers.—Il va tirer au prix des harquebusiers de la ville, donne du premier coup dans la cheville; il donne le prix, c'étoit une écharpe, à celui qui avoit fait le meilleur coup après lui.

Le 31, jeudi, à Poitiers.—Il va à la messe à Sainte-Croix, va en sa chambre, chez la Reine; étudié. A trois heures et demie il va au Palais, voir jouer une pastorelle (sic) par les écoliers des Jésuites, la Reine aussi.

Le 1er août, vendredi, à Poitiers.—Il va à la messe à Saint-Pierre, revient à onze heures et un quart chez la Reine, au conseil. Il va à vêpres aux Jacobins, entre en leur jardin. Mis au lit, il joue au tric-trac.

Le 2, samedi, à Poitiers.—Il va en carrosse à la messe, à la Trinité, revient chez la Reine, va à la chasse, joue à la paume. Après souper il va chez M. de Souvré, qui se trouvoit mal, y joue au piquet.

Le 3, dimanche, à Poitiers.—Il va aux Cordeliers en carrosse, va jouer à la paume, puis à la messe aux Carmes et à vêpres aux Cordeliers.

Le 4, lundi, voyage.—A sept heures trois quarts il part de Poitiers, à demi-lieue rencontre le marquis de Cœuvres, revenant de Bretagne, portant assurance de l'affection et fidélité de M. de Vendôme, et obéissance au service de Sa Majesté. Ho! quelle obéissance! il n'a pas encore désarmé, dit le Roi. Il reçoit froidement M. de Cœuvres, et, refusant de recevoir la lettre dudit sieur de Vendôme, Août
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la fait bailler et lire à M. de Souvré, où étoient les mêmes termes, où aussi il redit les mêmes paroles. Il arrive à neuf trois quarts au Breuil, où il a dîné, puis à quatre heures entre en carrosse, et à cinq heures et demie arrive à Mirebeau, va au jeu de paume, au jardin, chez la Reine.

Le 5, mardi, voyage.—Il va à Notre-Dame, part à huit heures et demie de Mirebeau, et arrive à dix heures et demie à Aubourg, où il a dîné. Arrivé à Loudun, il va à l'église et de là, à sept heures et un quart, chez M. d'Armaignac, l'un de ses premiers valets de chambre, où, de son mouvement, il voulut aller souper. Il revient en son logis, et va à la comédie françoise.

Le 6, mercredi, voyage.—A huit heures déjeuné; il va à cheval à la messe, à Notre-Dame-de-Recouvrance, puis encore un peu déjeuner chez le sieur d'Armaignac, ayant su qu'il en donnoit aux sieurs de Termes et de Courtenvaux, premiers gentilshommes de la chambre. Il entre en carrosse, et part de Loudun à huit heures trois quarts, et arrive à dix heures trois quarts à Bellecave, où il a dîné. Il arrive à six heures et demie à Saumur, va à Notre-Dame de Nantilly et à la ville, va chez la Reine.

Le 7, jeudi, voyage.—A neuf heures et demie il entre en carrosse sans déjeuner, va à Saint-Florent, où il est arrivé à dix heures et demie, va à la messe, puis, à onze heures et un quart, dîné au lieu du déjeuner, donné par M. de Souvré, à qui étoit l'abbaye. Il monte au château, va chez la Reine, et à neuf heures revient à Saumur.

Le 8, vendredi, voyage.—Il va à Saint-Pierre, à la messe, puis en carrosse jusques au-dessous du pont où, pour la première fois qu'il a fait voyage sur l'eau, il entre dans le bateau à six heures et demie et part de Saumur. Il arrive à onze heures et un quart à Saint-Mathurin-sur-Loire; durant le chemin il ne fut jamais assis ni en repos, fait charger ses pistolets, tire et les baille Août
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à tirer en salve contre d'autres de sa suite qui étoient en autres bateaux; il fait faire et fait lui-même de petites fusées qu'il fait tirer dans le bateau et dans l'eau. Le peuple étoit amassé à diverses troupes sur les bords de la rivière, avec larmes et grandes acclamations de joie et de Vive le Roi; un peu au-dessous de Roziers, il s'avança environ cinquante ou soixante femmes dans l'eau jusques au genou, pour approcher plus près du bateau et le voir. Il arrive à quatre heures et un quart au Pont-de-Cé, va chez le sieur Bodinet, où il change de chemise et d'habit, entre en carrosse et, à une maison de la ville, monte à cheval, et arrive à Angers à six heures et un quart. Après avoir ouï toutes les harangues, il va à l'évêché, puis en son logis, et après souper chez la Reine.

Le 9, samedi, à Angers.—Il va à la messe aux Carmes, au jardin, chez la Reine, puis jouer à la paume.

Le 10, dimanche, à Angers.—Il va à la messe à Saint-Maurice, puis va voir le château. A trois heures il va à vêpres, puis voir un combat naval et des artifices à feu.

Le 11, lundi, voyage.—A sept heures il entre en carrosse et part d'Angers, va à la messe à la Bamette, entre en bateau, et à deux heures trois quarts, par mauvais temps de vent et de pluie, il arrive à Ingrande. Dans le bateau il mange du pain bis du batelier et du bœuf bouilli pris à un cabaret, sur le bord de l'eau; il met dix pistolets sur une petite planche, comme canons en batterie, accommode des mèches au bout des fourchettes, et y met le feu, les faisant tirer en salve. Le vent étoit si contraire qu'il sort du bateau, et ayant envoyé devant ses carrosses, il trouve celui de M. le marquis de Saint-Chamond, se met dedans, part d'Ingrande, et avant que se mettre dans le carrosse, se voyant mal accompagné, ses gendarmes et chevau-légers étant allés devant, il charge lui-même deux pistolets de deux balles chacun. A sept heures il arrive à Ancenis, au château.

Le 12, mardi, voyage.—A huit heures il part d'Ancenis Août
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en carrosse, est mis à cheval pour le mauvais chemin, et arrive à midi à Maulve, où il a dîné. A trois heures il rentre en carrosse, et à six heures arrive à Nantes, au château; après souper il va chez la Reine.

Le 13, mercredi, à Nantes.—Il va chez la Reine, puis à la messe aux Minimes, va en bateau voir pêcher.

Le 14, jeudi, à Nantes.—Il va à la messe aux Minimes, va chez la Reine, étudie, puis va aux Chartreux.—Mis au lit à neuf heures, il dit son office pour communier le jour suivant.

Le 15, vendredi, à Nantes.—Il va à la messe à Notre-Dame par la poterne, revient à onze heures et demie, et dans la cour du château touche six cents malades. A trois heures il va en carrosse à vêpres, aux Chartreux. Mis au lit, à dix heures et demie, il s'endort en rêvant et parlant: Donnez-moi mon horloge, et tôt; et autres propos jusques à une heure, sans s'éveiller.

Le 16, samedi, à Nantes.—Il va, par la poterne, à la messe aux Minimes, va chez la Reine, puis sur l'eau, aux îles, et à onze heures arrive sur la fosse, à la maison des marchands, où il a dîné. Il regarde de ses fenêtres le préparatif qui se faisoit pour son entrée. A côté de son logis il y avoit un petit échafaud couvert, où il étoit assis dans sa chaise, et là les corps de la ville lui faisoient les harangues. A cinq heures monté à cheval, mis sous le dais, il fait son entrée par la porte Saint-Nicolas, et va à Saint-Pierre. A sept heures il arrive au château, va jouer à la paume.

Le 17, dimanche, à Nantes.—Il va à vêpres aux Minimes, puis jouer à la paume; à six heures il va sur la rivière, descend jusqu'à la fosse et revient à sept.

Le 18, lundi, à Nantes.—Il va à la messe aux Minimes et de là entre en carrosse, va à Chassay, maison de M. l'évêque de Nantes, où il a dîné. Il revient à six heures et un quart à Nantes, va chez la Reine.

Le 19, mardi, à Nantes.—Il va sur la terrasse où est Août
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la treille, y a déjeuné. Vêtu pour aller ouvrir les États de la province, il va chez la Reine, où les députés des États le viennent prendre. Il y va à dix heures et un quart, accompagné de la Reine, où il prononça ces mots du sien, et autres que ceux qu'on lui avoit baillés par écrit: Messieurs, je suis venu ici avec la Roine, ma mère, pour votre soulagement et repos. Monsieur le chancelier vous témoignera le demeurant. Il en revient à douze heures et un quart; dîné.—Après souper il va en sa chambre, fait danser les passepieds et branles de Bretagne aux violons qui étoient venus jouer devant lui.

Le 20, mercredi, à Nantes.—A cinq heures il va à la fosse, pour voir le combat de deux galiotes et autres petits vaisseaux.

Le 22, vendredi, à Nantes.—Étudié, etc.; il va à la messe aux Jacobins, revient à onze heures et demie chez la Reine, où M. de Retz arrive, lui fait la révérence, s'excusant si plus tôt il n'étoit venu lui faire la révérence. Le Roi ne lui répond rien; le général des galères remarquant cela dit audit de Retz qu'il falloit passer outre et demander pardon; M. de Retz en prend l'occasion au sortir de la chambre, et lors le Roi lui répond: Quand vous me le témoignerez par effets, je vous aimerai aussi. A deux heures et demie il entre en carrosse, et va à Chassay.

Le 23, samedi, à Nantes.—A deux heures et demie il va en carrosse à la Touche, où il a goûté.

Le 24, dimanche, à Nantes.—Il va jouer à la paume, est un peu blessé d'un coup de balle sur l'orbite de l'œil droit par le chevalier de S....[197], puis va à la messe aux Minimes. A deux heures et demie il va en carrosse se promener, tire de la harquebuse et tue un oiseau dans la rivière, par-dessus le cheval.

Août
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Le 25, lundi, à Nantes.—Éveillé à trois heures, doucement, il ne se peut rendormir, fait lire, enfin à quatre heures se rendort jusques à huit. Il va jouer à la paume, puis à la messe à Saint-Pierre; à deux heures et demie il va à vêpres, puis au bal à l'hôtel de ville, où il a vu danser avec plaisir les danses du pays. A huit heures et demie il voit, de sa chambre, jouer les artifices à feu faits sur un petit bateau par le sieur Morel.

Le 26, mardi, à Nantes.—A onze heures et demie dîné; M. de Vendôme arrive sur son dîner. Le Roi le salue froidement, et comme il eût fait un simple gentilhomme, sans se retourner. «Sire, lui dit M. de Vendôme, je n'ai voulu faillir à venir trouver Votre Majesté, aussitôt que j'en ai reçu le premier commandement, et pour l'assurer que je n'ai point d'autre volonté que d'être son très-humble et très-obéissant serviteur, désirant de le témoigner par le sacrifice de ma vie». Le Roi, la voix tremblante et la face blême de colère, lui répond: Servez-moi mieux pour l'avenir que vous n'avez fait par le passé, et sachez que le plus grand honneur que vous ayez au monde c'est d'être mon frère.—«Je le crois ainsi», dit M. de Vendôme. Le Roi va en sa chambre puis chez la Reine, où il mène M. de Vendôme, revient en sa chambre, change d'habit, est botté, entre en carrosse, et va en la plaine Saint-Julien pour y voir (lui à cheval) le régiment nouveau des Suisses.

Le 27, mercredi, à Nantes.—Il va hors la ville, à cheval, faire voler ses émerillons, fait plusieurs autres chasses à la harquebuse, aux grenouilles, revient à quatre heures trois quarts, donne audience à l'ambassadeur d'Espagne.

Le 28, jeudi, à Nantes.—Il va à la messe à Saint-Pierre et à onze heures et demie chez la Reine, où l'évêque de Dol parle au nom des États, qui remercient LL. MM. et font don de 400,000 livres au Roi et de 50,000 à la Reine. A midi dîné; il va chez la Reine, donne audience à tous Août
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les députés particuliers des États, selon les bailliages. Il va jouer à la paume, fait courir par ses bassets un jeune cerf dans les fossés du château.—Mis au lit, il s'endort au luth et à la voix du sieur Bailly.

Le 29, vendredi, à Nantes.—Dormi avec inquiétude, par impatience de lever matin pour aller à la chasse; il va à la chasse avec ses émerillons.—Après souper il va en sa chambre, où Messieurs des Comptes viennent prendre congé de lui; M. de Souvré l'instruisant de ce qu'il avoit à leur répondre, ayant su qu'ils devoient venir, lui dit de leur répondre qu'il étoit fort content de leur service, et qu'ils eussent à continuer: Bien, bien, mousseur de Souvré, lui répond le Roi, puis il se retire à part, et dit au sieur de Heurles, l'un de ses premiers valets de chambre: Monsieur de Souvré me baille des harangues que je ne veux pas dire comme il me les dit. Je doute que tous m'ayent bien servi.

Le 30, samedi, voyage.—A sept heures et demie il entre en carrosse par le petit pont, va à la messe aux Bonshommes et part de Nantes en carrosse. Il va à la tour d'Oudon, où il a dîné. A cinq heures il arrive à Ancenis, est débotté, va jouer au jeu du billard au village, revient à six heures; la Reine arrive. Mis au lit, il fait chanter deux pages de la musique pour s'endormir; M. de Vendôme vient pour le voir et demande à M. de Pluvinel si le Roi dormoit; M. de Heurles, premier valet de chambre, va ouvrir doucement le rideau pour le savoir; le Roi lui demande tout bas: Qu'est-ce?—«Sire, c'est M. de Vendôme qui vient voir Votre Majesté.»—Dites que je dors.

Le 31, dimanche, voyage.—A sept heures il monte à cheval, part d'Ancenis et va jusques à Ingrande, où il entre en carrosse jusqu'à Saint-Georges, où il a dîné et goûté. A trois heures il entre en carrosse et part de Saint-Georges; en chemin, à cause de la chaleur fort grande, il se fait descendre dans la forêt pour prendre le frais. Près Août
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d'Angers il monte à cheval, et entre à Angers à sept heures, me dit qu'il avoit mal à la tête, qu'il eût mieux aimé se coucher que souper, si son lit eût été arrivé.

Le 1er septembre, lundi, à Angers.—Éveillé à sept heures et un quart, levé, etc., il reçoit le sieur de Bonnevau, gouverneur du Pont-de-Cé, contre qui il avoit été fâché. Il va en carrosse jouer à la paume, puis à la messe aux Cordeliers, revient à onze heures chez la Reine, s'amuse sur une tringle du lit de la Reine, revêtue de velours, à danser dessus comme s'il eût dansé sur la corde, en tenant la pareille aux mains, pour le contrepoids. A deux heures il entre en carrosse, et va au Pont-de-Cé, au château, où il a goûté, se promène partout, revient à six heures trois quarts.

Le 2, mardi, voyage.—Il entre en carrosse à six heures et demie, va hors la ville à la messe à Saint-Cyre, puis part en carrosse d'Angers, passe par le verger pour voir la maison, et à onze heures et un quart arrive à Duretal, où M. le comte de Schomberg lui fait festin. Il va chez la Reine, puis à la galerie, où il s'amuse à faire et à faire faire des fusées avec des tuyaux de chaume; et parce que le vent qui venoit d'une porte ouverte remuoit les fusées mises sur des planches où il faisoit la traînée pour leur donner le feu, il ferme la porte lui-même et commande à un archer du corps de ne laisser entrer personne, qui que ce soit. Il advient qu'il donne passage au sieur Emmanuel, gentilhomme aragonois et l'un de ses ordinaires, de façon que le vent passant remue ses fusées; il part de la main, va à l'archer: Pourquoi avez-vous ouvert la porte? je le vous avois défendu! je vous fairai casser.—L'archer s'excusant dit que c'étoit un de ses compagnons qui venoit de sortir et, sur cette occasion, ce gentilhomme étoit entré.—Mais je vous avois défendu de laisser entrer personne; et se tournant au sieur Emmanuel, mettant son chapeau au poing, il lui dit gracieusement: Ce n'est pas que je ne veuille bien que vous Sept
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ne soyez entré, j'en suis bien aise, mais c'est que je lui avois défendu de laisser entrer personne
. A six heures il entre en carrosse, et arrive à six heures à la Flèche, va au jardin, chez la Reine.

Le 3, mercredi, à la Flèche.—Il va au jardin voler des petits oiseaux avec ses émerillons, va à la messe, puis au collége des Jésuites, où, en la grande salle, fut représentée la tragédie de Godefroy de Bouillon, et à quatre heures en la grande allée du parc, devant la Reine, la comédie de Clorinde, revient à cinq heures, joue à la paume.

Le 4, jeudi, voyage.—A huit heures il entre en carrosse, part de la Flèche et arrive à dix heures et un quart à Malicorne. Un habitant de Malicorne lui baille un arc de Brésil et six flèches, pour un hommage dont il avoit titre, qui portoit qu'autrefois un roi de France, passant et logeant à Malicorne, donna à un de ses prédécesseurs quelque devoir qu'il devoit au Roi, lequel le lui quitta le lui ayant demandé, à la charge qu'au lieu dudit devoir il payeroit un arc et six flèches.—Il va chez la Reine, joue aux échecs en sa chambre, va à la pêcherie à un quart de lieue, court, va longtemps à pied.

Le 5, vendredi, voyage.—On lui raconte comme le corps de garde des François avoit été en alarme, pour un nombre infini d'ardents qui paroissoient en diverses figures de batailles et approchant jusques auprès de la sentinelle qui faillit à tirer, disparurent peu après; qu'un pourvoyeur se trouva parmi ces ardents avec toutes les frayeurs du monde. Autres disoient que c'étoient des sorciers et qu'il y en a beaucoup en cette contrée-là[198]. A sept heures déjeuné; il va en carrosse à la messe, et part après de Malicorne et va à Nages, où il a dîné. Il se met à la fenêtre et se joue, jetant des petites pommes à ceux Sept
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qui passoient. A trois heures il entre en carrosse, et, par le faubourg de la Couture, fait son entrée au Mans, reçoit les harangues, et à sept heures va à Saint-Julien, puis en sa chambre.

Le 6, samedi, au Mans.—Il va jouer à la paume, va en carrosse à Saint-Vincent, abbaye de moines où l'élection s'observe par triennalité; aussitôt que le Roi eut vu l'abbé, il observa qu'il n'avoit point de suite et le dit à M. Des Maretz, son aumônier, qui lui en rend soudain la raison. A deux heures il entre en carrosse, et va à Beaulieu, abbaye où il tire de la harquebuse aux lapins.

Le 7, dimanche, au Mans.—Il va au jeu de paume, puis à la messe, à l'abbaye de la Couture. Après dîner il va en sa chambre, y fait monter un fort petit mulet qu'on lui avoit donné, fait porter de l'avoine et lui en donne lui-même. Il va chez la Reine à deux heures, au sermon à Saint-Julien, puis en carrosse à Notre-Dame-des-Prés, à vêpres, s'amuse à tirer de la harquebuse aux oiseaux.—Mis au lit, il est entretenu par le sieur de Palmot-Sancy des singularités de la mer Australe, parlant des poissons volants et comme ils se prenoient.

Le 8, lundi, au Mans.—Il raconte comme il avoit songé qu'il voyoit des poissons volants et appeloit de Heurles, son premier valet de chambre; il dormoit et parloit; il étoit hors des draps sur le milieu du lit, se vouloit élancer pour en aller prendre; remis au lit sans s'éveiller jusques à sept heures trois quarts. Il va chez la Reine, puis à la messe à Saint-Julien, va jouer à la paume, va à vêpres aux Augustins.

Le 9, mardi, voyage.—Il monte à cheval, et part du Mans à sept heures, va chassant, et arrive à onze heures à Connaré, où il a dîné. A sept heures et un quart il fait son entrée, à cheval, sous le poële, à la Ferté-Bernard.

Le 10, mercredi, voyage[199].—Il part de la Ferté-Bernard, Sept
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et à onze heures arrive à Nogent-le-Rotrou, où il a dîné. Il va jouer à la longue paume.

Le 11, jeudi, voyage.—Il va à la messe, entre en carrosse, part de Nogent et arrive à onze heures à Champron, où il a dîné. A trois heures il monte à cheval, et en chassant arrive à sept heures à Courville; après souper il va chez la Reine.

Le 12, vendredi, voyage.—Il part de Courville à cheval, et à cinq heures et demie fait son entrée à Chartres, va à la grande église. A sept heures soupé; il va chez la Reine.

Le 13, samedi, à Chartres.—Il va jouer, va à la messe, chez la Reine.

Le 14, dimanche, voyage.—Il va à la messe, monte à cheval, part de Chartres, va au gué de Loré, où il a dîné, arrive à six heures à Saint-Arnoul.

Le 15, lundi, voyage.—A sept heures et un quart il part de Saint-Arnoul en carrosse, passe par Angervilliers et là nous fait l'honneur non espéré ne attendu, et de son propre mouvement, de venir à Vaugrigneuse, l'ayant résolu au partir de Saint-Arnoul et ne l'ayant voulu remettre à l'après-dînée. Il arrive à neuf heures et demie, va au jardin, au clos; déjeuné de ce qui se trouva de prêt: des raisins noirs, d'une fricassée de poulet, assez; la chair de trois côtelettes de mouton en carbonade; d'un pâté de lièvre, beaucoup; pain de la maison, beaucoup (il le trouva si bon qu'il en fit prendre et emporter trois); bu du vin clairet fort trempé. A dix heures trois quarts il entre en carrosse, et s'en va à Limours où, environ midi, il a dîné. A deux heures il rentre en carrosse, et, par Brys, va à Chilly sur Longjumeau.

Le 16, mardi, voyage.—A sept heures et demie il Sept
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entre en carrosse et va au Bourg-la-Reine, où il a dîné. A trois heures il monte à cheval, et à cinq heures arrive aux faubourgs de Paris, parmi une multitude de peuple incroyable des deux côtés, jusques auprès du Bourg-la-Reine, va à Notre-Dame, et au Louvre à huit heures.

Le 18, jeudi, à Paris.—A deux heures il va à Madrid, où il a goûté.

Le 20, samedi.—Il va à Saint-Germain-en-Laye voir Monsieur et Mesdames, ses sœurs.

Le 29, lundi, à Paris.—Il va au bois de Vincennes, revient, et sur les cinq heures, à l'entrée de la rue de la Tixeranderie, rencontre M. le prince de Condé, qui revient en poste, le fait entrer en son carrosse. Je reviens à quatre heures et reprends.

Le 1er octobre, mercredi, à Paris.—Il va par la galerie aux Tuileries et à la messe aux Feuillants, puis chez Haran, qui avoit ses chiens, qui avoit préparé le déjeuner, y a mangé d'un pâté de lièvre et une saucisse. Il revient à dix heures à la galerie, au conseil, et y tient le conseil comme majeur[200]; ce fut le premier.—Mis au lit, il fait vœu à Notre-Dame-des-Vertus s'il peut, le lendemain, au Palais, prononcer sans faire faute ses paroles pour sa majorité.

Le 2, jeudi.—Il va chez la Reine, est fort résolu, et à dix heures monte à cheval pour aller à la cour de Parlement, pour se déclarer majeur, où il prononça hautement, fermement et sans bégayer, ces paroles à l'assemblée: «Messieurs, étant parvenu en l'âge de majorité, j'ai voulu venir en ce lieu pour vous faire entendre que, étant majeur comme je suis, j'entends gouverner mon royaume par bon conseil, avec piété et justice. J'attends de tous mes sujets le respect et l'obéissance qui est due à la puissance souveraine et à l'autorité royale que Dieu Oct
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m'a mise en main; ils doivent aussi espérer de moi la protection et les grâces qu'on peut attendre d'un bon roi, qui affectionne sur toutes choses leur bien et repos. Vous entendrez plus amplement quelle est mon intention par ce que vous dira monsieur le chancelier.»

A la Reine: «Madame, je vous remercie de tant de peine que vous avez prinse pour moi; je vous prie de continuer, et de gouverner et commander comme vous avez fait par ci-devant. Je veux et entends que vous soyez obéie en tout et partout, et qu'après moi et en mon absence vous soyez chef de mon conseil.»

Il revient en carrosse à trois heures et demie, fort gai, se veut coucher, ne veut point dîner. Mis au lit, il se fait apporter des petits jouets; goûté; il s'amuse à peindre sur des fonds de boîtes de sapin. A neuf heures et un quart, il s'endort à la musique.

Le 3, vendredi, à Paris.—A trois heures il dit qu'il a en l'imagination les cérémonies du jour précédent: l'ordre, les rangs, les allées, les venues des uns et des autres, en dormant, que cela trouble son dormir; il se rendort jusques à six heures. Levé, déjeuné, il va jouer à la paume, va à la messe en la chapelle de Bourbon, puis chez la Reine, au cabinet des livres.

Le 5, dimanche.—Il va accomplir le vœu qu'il avoit fait mercredi, à son coucher, à Notre-Dame-des-Vertus[201], y va en chassant, revient à cinq heures, va chez la Reine. Mis au lit, il s'endort à dix heures jusques à onze; éveillé en sursaut, à demi, il se lève sur le lit, disant: Je le veux, je le veux, mais Soupite (le nom de son premier valet de chambre en quartier).—«Mais, que voulez-vous, sire?»—Aller à mes affaires; il s'éveille, et rit de son songe.

Le 10, vendredi.—A sept heures et un quart déjeuné; il voit en la cour des cuisines le pourvoyeur, qui délivroit Oct
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le poisson, y va, voit faire la délivrance, en fait passer, encore qu'ils ne fussent pas de la mesure, donne deux écus à l'huissier du bureau.

Le 11, samedi.—Étudié, etc.; il va chez la Reine, est botté, va voler hors la porte Saint-Martin, revient au jeu de paume, va sur le gué de Grève, où l'on avoit commencé le pont, y plante la première pierre, y met deux pièces d'or et autant d'argent, avec ces devises: l'une d'un pont commencé et imparfait: Ripa regnaturus utraque; et l'autre d'un pont heurté des flots, pour la Reine: Sic illa immota procellis.

Le 12, dimanche.—Il va à la galerie, où il joue au billard.

Le 13, lundi.—Il va vers le Roule où il monte à cheval, court et prend deux lièvres, met pied à terre, mène lui-même son cheval, ne veut même permettre que Charlot, l'un de ses valets de pied, le mène; auquel, pour s'être trouvé seul auprès de lui, il donna un demi-écu. Il s'en va à Villiers-la-Garenne, chez Mlle Brisset, où il fait sa collation, entre en la cuisine, met M. le comte de la Rocheguyon à la porte pour huissier, et lui se fait porter des œufs, ayant été auparavant au poulailler pour en prendre. Il donne deux écus à une femme qui lui en apporta six et un poulet, se prend à faire des œufs perdus et des œufs pochés au beurre noir, et des durs hachés avec du lard, de son invention. M. de Frontenac, premier maître d'hôtel, fait une œufmeslette[202]; le Roi commande au petit Humières de prendre un bâton et de servir de maître d'hôtel, au sieur de Montpouillan d'huissier, à d'autres de prendre des plats et lui prend le dernier et marche ainsi à la salle, où étoit M. de Souvré, auquel il avoit commandé d'attendre ce qu'on alloit lui servir. Il fait l'essai du plat qu'il portoit, s'assied, goûte de Oct
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l'omelette, peu, un peu de raisin noir, pain bis, beaucoup; point bu. Il revient à cinq heures, va en la galerie de Bourbon jouer au billard. Après souper il va chez la Reine; M. de Nevers y arrive, il lui fait froid accueil.

Le 15, mercredi.—Il va au conseil, monte en sa garderobe, s'amuse à ses harquebuses; en même temps il arrive dans la cour de la rumeur entre les pages et laquais de M. de Guise et de M. de Nevers, sur la préférence que débattoient leurs cochers. M. de la Force, capitaine des gardes, étant là près du Roi, va dire: «Il me semble que l'on crie: Tue, tue.» Soudain le Roi dit hardiment: Chargeons à balle; pour le moins ils ne nous prendront pas sans verd. Il descend à la galerie, s'amuse lui-même à travailler avec le menuisier à dresser le jeu de billard; sur les six heures M. de Nevers y vient, le supplie de l'excuser de ce que ses gens avoient fait: Je le trouve pas bon; je m'en sens offensé!—M. de Nevers lui demande s'il lui plaît qu'il les mettra ès mains de qui il commandera.—Non, je leur pardonne pour cette fois, mais que ils ne y retournent plus.

Le 16, jeudi.—Il va au conseil des finances, en la galerie.

Le 22, mercredi.—Il va en la galerie jouer au billard; étudié[203]. Il va à la messe en Bourbon, à la forge de Bourbon et à son écurie, puis au jeu de paume.—A souper, son pourvoyeur se plaignoit de la perte qu'il faisoit pour la viande qu'il avoit tuée, ne sachant pas que l'on dût manger du poisson, à cause du jeûne extraordinaire commandé pour l'assemblée des états; le Roi se retourne à M. Testu, maître d'hôtel, lui commandant et parlant par compassion: Que l'on la lui passe, que l'on la lui passe.—Le maître d'hôtel répond qu'il n'y a pas de fonds.—Vous n'avez que faire de vous en soucier, ce n'est Oct
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pas du vôtre.
—Le maître d'hôtel vouloit repartir, le Roi reprend, fâché: Vous n'avez que faire de vous en soucier, ce n'est pas du vôtre.

Le 25, samedi.—Joué à la cligne-mussete[204], avec les sieurs de Termes, de Courtenvaux, premiers gentilshommes de la chambre, et les sieurs comtes de la Rochefoucauld, maître de la garde-robe, et de la Rocheguyon.

Le 26, dimanche.—A neuf heures et un quart il entre en carrosse, et va aux Augustins, pour la procession générale, revient à trois heures et demie. Devêtu, mis au lit, il s'amuse à faire des petits canons lui-même, et le rouage aussi. A six heures et demie soupé dans le lit; en soupant quelqu'un dit que MM. du clergé des états avoient prié M. le cardinal de Joyeuse de présider en leur chambre par honneur; qu'il étoit le doyen des cardinaux, et que c'étoit une qualité de telle prééminence que si Sa Majesté étoit à Rome, il la précéderoit. Le Roi, après avoir un peu ruminé et branlant la tête, dit: Nous sommes en France; à Rome comme à Rome!—Levé en robe et bottines, il va chez la Reine, revient, s'amuse à faire jouer à Ma compagnie me déplaît et à faire chanter sa musique.

Le 27, lundi.—Il va chez la Reine et, à trois heures et un quart, en la grande salle basse de Bourbon, à l'ouverture des états généraux, où il a prononcé ces paroles hautement, distinctement et avec une belle action: «Messieurs, j'ai désiré de voir cette grande et notable assemblée au commencement de ma majorité, pour vous faire entendre l'état présent des affaires, pour établir un bon ordre par le moyen duquel Dieu soit servi et honoré, mon pauvre peuple soulagé, et que chacun puisse être maintenu et conservé en ce qui lui appartient, sous ma protection et autorité. Je vous prie tous et vous conjure de vous employer comme vous devez pour un si Oct
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bon œuvre. Je vous promets saintement de faire observer et exécuter ce qui sera résolu sur tout ce qui sera avisé en cette assemblée. Vous entendrez plus amplement ma volonté par ce que vous dira monsieur le chancelier.» La Reine étoit à sa main droite, Monsieur à sa gauche, M. de Mayenne, grand chambellan, à ses pieds; au-dessous M. de Fronsac, faisant la charge de grand maître pour M. le comte de Soissons. Le sieur de Marquemont a parlé pour le clergé, le baron du Pont-Saint-Pierre pour la noblesse, et le sieur Miron, président aux Enquêtes et prévôt des marchands, pour le tiers état. A cinq heures et demie le Roi est sorti; à six soupé. Il va chez la Reine, revient à huit heures trois quarts; mis au lit, il s'endort au son des régales[205].

Le 29, mercredi.—Il va par la galerie aux Tuileries, fait voler ses émerillons au premier parterre, va à la messe aux Capucins, puis chez Haran[206], où il fait cuire des œufs et les donne. Il revient à dix heures et demie en carrosse, va chez la Reine, se plaint de douleur de tête, les mains, le nez froids, dit qu'il a peine à respirer, se couche sur des placets, se met vêtu sous la couverture du lit de la Reine; dîné avec la Reine. A quatre heures pouls plein, un peu hâté, par colère passagère[207] du soir précédent, sur ce qu'on lui avoit dit que M. de Souvré vouloit empêcher que le sieur de Luynes n'entrât en sa chambre, jusques à prier la Reine de lui ôter M. de Souvré, qu'il ne pouvoit plus durer avec cet homme-là. Sur les six heures le pouls ondeux, plus reposé; à neuf heures levé, mené en robe et mis dans son lit, en la grande chambre.

Le 30, jeudi.—Remis au lit après dîner, il envoie querir des couleurs chez son peintre Bunel, s'amuse à Oct
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les faire sur l'ardoise et à peindre. A quatre heures levé en robe, il fait porter dans sa chambre le billard qui étoit en la galerie, joue au billard, voit danser un petit ballet à Madame.

Le 31, vendredi.—Il va chez la Reine; à une heure le froid le prend, avec une légère douleur extrême au côté droit des côtes, va à la salle du conseil à deux heures, où il donne audience aux députés des états qui venoient le supplier de se trouver, pour le jour d'après, à leur communion aux Augustins, là où tous les trois ordres étoient assemblés. Après il va en sa chambre, est devêtu, mis au lit à deux heures et demie. A trois heures, le froid passé, il entend vêpres, la Reine y étant. Peu après il demande à se jouer, dit que s'il ne s'amuse à quelque chose qu'il deviendra mélancolique; il se fait donner sa camisole et son petit manteau, et fait porter sa petite table et des cartes. Il en fait des canons, soudés avec de la cire d'Espagne, les charge de poudre et de papier, y met le feu; ils tirent sans crever.

Le 1er novembre, samedi, à Paris.—Éveillé à sept heures et demie, la langue rouge, gorge sèche; il dormoit la bouche ouverte, le nez empêché. Il s'amuse à faire des canons et des châteaux de cartes. Levé, il s'amuse assis à se jouer, va jouer au billard, fait jeter en fonte[208]. La Reine le vient voir; il joue du tabourin en forme de tabar, tout en action.

Le 2, dimanche.—Levé en robe, il fait tirer ses canons faits de cartes à jouer, de son invention, qui ne crevoient point, chargés de poudre et de papier, montés sur des affûts de cartes; joue du tambour.

Le 3, lundi.—Vêtu de son habit de ratine et de sa robe, il joue au billard, fait voler sa pie-grièche, s'amuse diversement et gaiement. La Reine le vient voir; Nov
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ils voient jouer des joueurs de marionnettes. Il fait faire sur-le-champ un ballet qu'il fait danser, dans une heure après, à huit de ses petits enfants, devant la Reine. Mis au lit, il s'endort au son de la lyre par le sieur Bailly.

Le 4, mardi.—Levé en robe, il joue au billard, fait travailler un ouvrier en émail, lui fait faire des figures et autres besognes pour en faire une blanque[209], fait voler des petits oiseaux à ses pies-grièches. La Reine le vient voir.

Le 5, mercredi.—Il se relève de sa maladie, va chez la Reine, puis à la chapelle de son antichambre. Étudié; il dit qu'étant malade au lit et faisant voler des petits oiseaux en sa chambre par ses pies-grièches, il faisoit vœu aux pauvres d'un quart d'écu pour chacun qu'elles prendroient. Il descend en sa chambre; avant que d'aller jouer à la paume on lui vient dire que l'ambassadeur de Savoie desiroit de le voir: Qu'il attende! Monsieur de Savoie a bien fait attendre mon ambassadeur monsieur de Rambouillet. C'est que le soir précédent, peu devant son souper, M. de Créquy, qui venoit de Dauphiné, lui avoit raconté comme M. de Savoie avait envoyé dire à M. de Rambouillet qu'il ne prît point la peine de passer plus outre que Turin, où il étoit arrivé, craignant qu'il ne reçût de l'incommodité d'aller à son armée où il étoit, près de Verceil. Il voit l'ambassadeur de Savoie, puis va au jeu de paume, où il est peu de temps, va jouer au jardin, où il fait courir un levraut par Valet, son bon épagneul, puis va au jardin devant sa chambre.

Le 6, jeudi.—Il dit qu'il a songé que le sieur de Luynes, un gentilhomme qu'il aimoit, étoit habillé à la suisse, avoit des chausses jaunes découpées, une grosse brayette verte et une grande fraise pareille à celle des femmes, et qu'il jouoit du fifre; et que sa maîtresse aussi Nov
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étoit habillée à la suisse et jouoit du tabourin, et qu'elle savoit bien jouer l'abattis[210], mais non pas le fredon (ce qu'il disoit sans dessein). Il le racontoit à tout le monde, et me commanda de l'écrire. Il va chez la Reine et au conseil, puis va à la chasse au Roule, où il monte à cheval, fait voler le cochevis[211] par ses émerillons.

Le 8, samedi.—Il va chez M. de Souvré pour y voir faire des émeraudes, se y plaît et en toutes sortes de besognes et inventions, fait un cabochon de rubis fort bien et beau, revient à deux heures au conseil. Mis au lit, il dit tout son service (divin) ayant à communier le jour suivant pour toucher les malades, s'endort au son de ses orgues.

Le 9, dimanche.—A neuf heures et demie il va à la messe en Bourbon, communie, et à dix heures trois quarts, en la grande galerie du Louvre, touche trois cent vingt malades. A onze heures et demie dîné; à deux heures et demie il entre en carrosse, va à vêpres aux Jésuites, rue Saint-Antoine.

Le 11, mardi.—Il va à Notre-Dame-des-Vertus, à vêpres, fait voler ses émerillons.

Le 12, mercredi.—A une heure il va chez M. le commandeur de Sillery, qui faisoit festin à la Reine, où il mangea des abricots secs et autres confitures, puis s'en alla aux Tuileries.

Le 16, dimanche.—Il va à vêpres à Saint-Germain-de-l'Auxerrois, puis va voir la reine Marguerite.

Le 17, lundi.—Il s'amuse diversement, monte en sa garde-robe, où il fait nettoyer toutes ses harquebuses, pour les montrer à M. le Grand, qui devoit arriver, revenant Nov
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de Bourgogne. Après souper il va chez la Reine et à la comédie françoise.

Le 18, mardi.—Il va au conseil, s'amuse, avec la plume et l'encre, à faire des chevaux qui tirent un canon, à faire des arbres et une petite église, et une mariée de village, et ne laisse pas d'écouter et faire rallumer par plusieurs fois les chandelles éteintes, sur l'adjudication d'un office de trésorier de France à Montpellier.—Mis au lit, il s'endort à la musique des voix et des luths.

Le 21, vendredi.—Étudié; la leçon lui semblant trop longue, il demande à M. de Fleurence: Si je vous donne une évêché, accourcirez-vous mes leçons?—«Non, Sire.» Il ne répondit rien.—M. le grand écuyer arrive au souper du Roi, revenant de son gouvernement de Bourgogne; il le reçoit avec une allégresse non pareille, s'avance au-devant de lui: Il y a longtemps que je vous attends, lui dit-il, l'ayant embrassé un coup sur l'autre, et il le mène chez la Reine.

Le 28, vendredi.—Il va à Gaigny voir une maison qu'il avoit achetée 3,500 écus et donnée à Haran, qui avoit ses chiens.

Le 1er décembre, lundi.—Il va en la galerie, chez le marchand de la Chine, où il a acheté des étoffes et des meubles; va chez la Reine, puis au conseil.

Le 2, mardi.—Il va au logis de M. de Souvré, rentre en carrosse, et va à la messe aux Jésuites, en la rue Saint-Antoine, puis revient au bois de Vincennes, va à Villemunde, où il dîne chez M. Leclerc[212].

Le 8, lundi.—Il monte au cabinet des livres, s'amuse Déc
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à faire des vers sur le nez de M. de Luynes[213].

Le 12, vendredi.—Il mange presque tous les jours du beurre de Bretagne donné par M. de Montmartin. Il va au conseil, joue au billard, travaille peu.

Le 19, vendredi.—Il va à Auteuil, pour voir la maison qu'il vouloit acheter, où il se joue longtemps, va au parc de Madrid, rentre en carrosse. En revenant, au droit des Ternes, le carrosse se rompt, il va un long temps à pied, rentre dans le même carrosse racoustré, rentre et joue à un petit billard qu'il avoit fait faire. Le soir il va chez la Reine.

Le 21, dimanche.—Il va à deux heures au sermon, à Saint-Jacques-la-Boucherie, puis à l'hôtel de Bourgogne, où il a mangé, comme il m'a dit, quatre ou cinq petits choux, achetés par M. de Luynes chez le pâtissier.

Le 30, mardi.—Il va chez la Reine, va par la galerie aux Tuileries; il y faisoit mol. Chaussé, séché, il revient par le même chemin, va chez la Reine. Le soir encore chez la Reine et à la comédie françoise.

Le 31, mercredi.—Il va chez M. de Souvré, joue à la paume, va aux vêpres aux Cordeliers. Le soir il va chez la Reine, puis revient en son petit cabinet; confessé par le père Coton.

ANNÉE 1615.

Le jour de l'an.—M. de Bonneval et le lieutenant général de Luzarches.—Ballet de M. le Prince.—Clôture des États.—Discours du Roi.—Soupé du Roi à Pétonville.—Inondation de la Seine dans le jardin des Tuileries.—Le Roi va constamment à la comédie et danse des ballets.—Congé des États.—Mort de la reine Marguerite.—Son enterrement.—La paulette.—Remontrances du parlement.—Première pierre de la statue de Henri IV au Pont-Neuf-des-Augustins.—Procession de Sainte-Geneviève à cause de la sécheresse.—Le Roi commence à apprendre l'équitation.—Il visite la Bastille.—Dîné aux champs avec des seigneurs de la cour.—Voyage de Guyenne pour son mariage.—Il dîne à Amboise, chez M. de Luynes.—Chenonceaux.—Poitiers.—Le Roi joue encore aux petits soldats.—Ruffec.—Angoulême.—Réception des députés du parlement de Bordeaux.—Arrivée en bateau à Bordeaux.—Fiançailles, par procuration, de Madame avec le roi d'Espagne.—Séjour.—Échange de princesses à Saint-Jean-de-Luz.—Hardie entreprise du cardinal de Sourdis pour sauver un condamné.—Entrée du Roi et de la Reine.—Cadeau et chevaux du roi d'Espagne.—Ballet espagnol.—Les deux époux jouent aux petits jeux.—Le Roi ferre un cheval.—Excuses du cardinal.—L'olla podrida.—Le champ de bataille de Coutras.—Fêtes de Noël à Aubeterre.—La vie du Roi toujours la même.

Le 1er janvier, jeudi.—Levé, bon visage; il va à la messe à Bourbon, revient en la galerie où il touche deux cent trente malades. Il va au sermon et aux vêpres à Saint-Louis.

Le 3, samedi.—Il va chez la Reine botté, à onze heures trois quarts chez M. de Souvré pour le hâter à dîner. A midi il entre en carrosse, va à la volerie, monte à cheval à la plaine de Grenelle jusques auprès du Bourg-la-Reine, vole et prend le milan, le héron et la corneille, dit au sieur de Luynes, gentilhomme qu'il aimoit: Loïnes, dites à monsieur de Plainville (capitaine Janv
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des gardes) qu'il ne laisse pas approcher de moi beaucoup de personnes quand je chasse; pourtant dites-lui qu'il ne se fâche pas, si je me mets quelquefois en colère, puis le lui dit à lui-même, lui disant qu'il y a accoutumé son compagnon.

Le 5, lundi.—Il va chez la Reine, à deux heures au conseil, où M. l'évêque d'Angers parla contre l'autorité du parlement; il tire les Rois, donne la fève à Dieu, puis à soi, avec les sieurs de Grammont, de la Curée et Despréaux.

Le 6, mardi.—Il va au conseil, où le clergé, par l'évêque d'Angers, demandoit que le parlement ne connût plus des affaires d'État, que le premier avocat général fût ecclésiastique, que l'arrêt donné le jour précédent au conseil fût cassé, qui portoit que S. M. évoquât à soi en affaires, et cependant défend au parlement de signer leurs arrêts: qu'ils ne partiroient pas de là qu'en leur présence il ne fût cassé. M. le prince de Condé en voulut parler. Le cardinal du Perron lui dit qu'il le récusoit; et comme il voulut répondre, le Roi se lève de sa chaise et va au sieur Prince, et lui dit: Monsieur, je vous prie, n'en parlez plus, et se retournant à d'autres: puisqu'ils récusent Monsieur le Prince, ils me voudront aussi récuser[214].

Le 22, jeudi.—La Reine le vient voir, et lui apporte les provisions pour le château d'Amboise, que M. le Prince, auquel il avoit été baillé en garde jusques à la tenue des États, lui avoit renvoyées par M. le duc de Ventadour[215]. Il les reçoit en claquant des mains et disant: J'en suis bien aise.

Janv
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Le 31, samedi.—Il étudie et reste en la galerie, il pleuvoit; à trois heures le fils du landgrave de Hessen le vient saluer[216]. Il va au conseil, à six heures chez la Reine, le soir aussi, et à la comédie françoise.

Le 4 février, mercredi.—Il va chez la Reine à deux heures et demie, donne audience à messieurs du tiers état, faisant plainte de ce que le sieur de Bonneval en Limosin avoit battu à coups de bâton le lieutenant général du Luzerche[217] au sortir des Augustins, où les états généraux se tenoient. Le roi le renvoya au parlement. Il va après en carrosse à la foire Saint-Germain-des-Prés, où il a acheté quatre harquebuses, ayant méprisé toutes autres sortes de marchandises. Le soir il va chez la Reine et à la comédie françoise.

Le 11, mercredi.—A quatre heures et demie après minuit, éveillé doucement; il étudie ce qu'il devoit prononcer pour la clôture des états. Levé à six heures, il monte au cabinet des livres, étudie l'espagnol[218].

Le 22, dimanche.—A onze heures et demie il va en la salle pour voir le ballet de M. le Prince, après avoir dormi longtemps chez la Reine.

Le 23, lundi.—A trois heures et demie, accompagné Fév
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de la Reine, il part et va en la salle de Bourbon pour la clôture des États, où parla pour le clergé M. de Richelieu, évêque de Luçon; M. le baron de Seneçay pour la noblesse, et M.[219], prévôt des marchands et président aux enquêtes pour le tiers état. Le Roi leur dit ces paroles: Messieurs, je vous remercie de vos tant bonnes volontés. Je fairai paroître par les réponses qui vous seront faites le désir que j'ai de servir Dieu et soulager mon peuple, de protéger un chacun, de rendre la justice à tous mes sujets et de faire en sorte que vous soyez tous contents[220]. Il se couche à neuf heures, et s'endort jusques à cinq heures et demie après minuit.

Le 26, jeudi.—Il va par la galerie aux Tuileries, conduit sa chelyte (sic), tirée par un cheval, au harnois semé de sonnettes, fait mettre dedans M. le maréchal de Souvré, et M. le Grand, y prend grand plaisir et à se renverser sur la neige. Le soir chez la Reine, à la comédie françoise.

Le 4 mars, mercredi.—Le soir, à sept heures trois quarts, il s'habille en masque, fait des ballets à cheval, monté sur des escabeaux qui plient, puis danse à pied, puis fait jouer la comédie des Juifs.

Le 6, vendredi.—Il va chez la Reine à midi, entre en carrosse, va à la chasse, monte à cheval hors la porte Saint-Martin, vole et prend la corneille, arrive au Bourget, et à l'entrée du bourg, entre en la maison du sieur de Hurles, nommée Petonville, se chauffe. Il faisoit grand froid; il va en la cuisine, fait faire des omelettes, des beignets, des œufs perdus; ce fut lui qui les fit et en mange un peu, dont il a goûté. Puis il remonte à cheval, Mars
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et va jusqu'au Pontyblon, où il vole le héron et le prend.

Le 19, jeudi.—Il va aux Tuileries, tire des harquebuses à des petits oiseaux; la rivière étoit si grosse qu'elle étoit dans le jardin, il y fait venir un bateau, se met dedans et se fait conduire, se met dans son carrosse et se fait tirer par quatre boucs. Le soir il va chez la Reine, puis s'en va avec elle, pour voir danser le ballet de Madame que la Reine faisoit faire. Il revient à quatre heures après minuit.

Le 24, mardi.—Il va chez la Reine, au conseil, où les états des trois ordres ont leur congé.

Le 27, vendredi.—Ce jour mourut la reine Marguerite, entre onze heures et minuit, en son hôtel, rue de Seine, au bord de l'eau; on lui a trouvé une grosse pierre dans le fiel[221].

Le 28, samedi.—Vêtu de deuil violet, pour la mort de la reine Marguerite de Valois.

Le 2 avril, jeudi.—Il va aux Tuileries, revient à deux heures au conseil, où l'on répondoit les cahiers des États.

Le 9, jeudi.—Il va chez la Reine, où, sur les huit heures, M. le commandeur de Sillery revient d'Espagne, y porter le portrait du Roi et un bracelet de diamants[222].

Le 10, vendredi.—Il entre en carrosse à quatre heures pour aller au faubourg Saint-Germain donner de l'eau bénite à la reine Marguerite; MM. de Guise, de Mayenne et d'Elbeuf lui portoient la queue[223].

Avr
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Le 19, dimanche, jour de Pâques.—Il va la messe aux Feuillants, touche les malades, va à vêpres aux Chartreux; communié, confessé au P. Coton.

Le 26, dimanche.—Il va chez la Reine, où M. le prince de Candale prête le serment de premier gentilhomme de la chambre. Il va au sermon à Saint-Étienne-du-Mont, revient au petit jeu de paume à la rue Champfleury. Rentré, il joue au billard.

Le 28, mardi.—Il va au conseil, et ensuite au cabinet des livres, où il s'arme d'une cuirasse, brassards et un habillement de tête, fait de ferblanc. Il étudie ainsi armé.

Le 5 mai, mardi.—Il va chez la Reine, au conseil, monte à la forge, va chez M. de Verneuil, revient à quatre heures et demie par la galerie, s'amuse, sur la balustre du bout de la première galerie, à jeter des quarts d'écu, pour faire entre-battre de pauvres garçons qui étoient en bas.

Le 11, lundi.—La Reine avec lui tient conseil, et donne audience à messieurs de la cour des aides et chambre des comptes, venant pour le supplier de remettre le droit annuel que l'on appelle la paulette[224]; pendant l'audience le dessous près du siége de Leurs Majestés tout d'un coup s'abaissa.

Le 12, mardi.—Il va chez la Reine au conseil, où par arrêt le droit annuel de la palotte est rétabli.

Le 26, mardi.—Il va au conseil à trois heures et demie, où vinrent messieurs du parlement, en nombre Mai
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d'environ quarante ou davantage, porter quelques remontrances par écrit qu'ils avoient à faire, lesquelles furent lues en présence de Leurs Majestés. A cinq heures et demie, le conseil fini, il monte en sa forge, à dix heures prend son habit de ratine, s'amuse à faire brandiller dans un lit de sauvage[225] le petit chevalier de Souvré, le sieur de Blainville, de Montpouillant et M. de Candale.

Le 28, jeudi.—Il entre en carrosse avec la Reine, va au sermon et aux vêpres à Saint-Nicolas-des-Champs, revient à cinq heures à la galerie, au parterre. Le soir il fait jeter des fusées le long de la rivière.

Le 31, dimanche.—Il va chez la Reine, la voit saigner; elle le fut des deux bras. Il faisoit grand chaud.

Le 2 juin, mardi.—A quatre heures il entre en carrosse, va au Pont-Neuf des Augustins, y met la première pierre de l'architecture qui se faisoit pour la statue à cheval du feu Roi[226].

Le 17, mercredi.—A sept heures il entre en carrosse et va à Plaisance, maison de M. le Charron, trésorier de l'extraordinaire des guerres, où il a dîné.

Le 18, jeudi.—Il va à la messe à Bourbon et à la procession en la cour du Louvre, va au sermon aux Jésuites de Saint-Louis.

Le 21, dimanche.—Il entre en carrosse, va près de l'Hôtel-Dieu pour voir passer la châsse de sainte Geneviève, descendue pour la trop grande et trop longue sécheresse; les légumes, grains et blés brûlés. Ce fut la première fois qu'il l'a vue descendue et en procession.

Le 23, mardi.—Il va à l'hôtel de ville pour voir le feu de la Saint-Jean.

Juil
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Le 6 juillet, lundi.—Il va par la galerie au-dessous, en l'endroit du grand parterre, où M. de Pluvinel[227], l'un de ses écuyers, très-excellent en cette science, lui montre à monter à cheval pour la première fois, un petit cheval noir nommé le Couchon, va le pas, le trot et courbettes, et passades, en rond, en battues, en avant, aussi juste qu'il n'y avoit à redire; fit autant sur un cheval barbe de M. de Guise, étant intelligent de la conduite, du talon et de la main, de la houssine, et fermeté du corps, qu'un chacun en étoit en admiration. Je dis ceci à la vérité et sans flatterie, et que tel s'en fût trouvé qui en eût appris un an durant, qu'il n'eût si parfaitement fait, ayant la grâce et prestance sur tout.

Le 12, dimanche.—Il va chez la Reine à trois heures, entre en carrosse, va en la place Royale, chez le sieur d'Escures, la Reine sa mère aussi, pour voir la compagnie de gendarmes de Monsieur, qui se trouva à la tête, et sur les quatre heures goûté de la collation du sieur d'Escures.

Le 13, lundi.—Ce jourd'hui, après dîner, Monsieur a été mis entre les mains de M. de Brèves.

Le 15, mercredi.—Il va par la galerie au manége, va en carrosse, et la Reine aussi, à la Bastille, pour en tirer douze cent mille livres[228], va par toute la Bastille, ne voit point M. le comte d'Auvergne[229].

Juil
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Le 18, samedi.—Il faisoit une des plus excessives et des plus étouffantes chaleurs qu'on eût senties de mémoire d'homme. Il s'en plaint, va au manége. On l'éventoit un peu, cependant il va chasser à une heure.

Le 21, mardi.—Il va à Champs, soudain au parc, monte sur une petite butte, couverte en pavillon, où il fait porter son petit lit, le fait monter et dresser et y aide lui-même, va trouver les seigneurs qui l'avoient accompagné, qui dînoient, MM. les ducs d'Uzès[230], de Montbazon, le maréchal de Souvré, les sieurs de Bassompierre, de Saint-Géran, de Haillier[231], de Vitry et autres, se met à table parmi eux. Ils boivent tous à sa santé. Il but à eux tous du vin clairet fort trempé; retourne à sa butte, se couche dans son lit. Il se fait entretenir par ces seigneurs de propos sérieux, s'amuse à ses fusées. Il revient à Paris souper.

Le 22, mercredi.—Il court, pour la première fois, la bague sur la place Royale: de deux courses, deux bonnes atteintes.

Le 29, mercredi.—Au manége il court la bague et gagne le prix, qui étoit une montre d'horloge.

Le 6, août, jeudi.—Il va chez la Reine, au conseil, où MM. du parlement et de l'hôtel de ville viennent par son commandement, pour recevoir ses commandements durant son absence.

Le 7, vendredi.—Tous les matins il va au manége. Il Août
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donne, après son dîner, audience aux députés de province, envoyés par les états du pays pour désavouer leurs députés envoyés aux états généraux, sur ce qu'ils avoient demandé le concile de Trente[232]. M. Miron, prévôt des marchands, et les colonels de la ville prirent congé de lui.

Le 13, jeudi.—Ce matin le Roi étant encore au lit, et nous parlant à lui, le tonnerre tomba dans la rue des Polies, devant l'hôtel de Sipierne, où j'étois logé; ma nièce Claude du Val, encore couchée, vit passer l'éclair et entendit comme le bruit d'une fusée.

Le 15, samedi.—Il va à confesse, en son cabinet, au P. Coton, touche trois cent cinq malades, va à la messe aux Feuillants, à vêpres à Notre-Dame.

Le 16, dimanche.—Il va avec la Reine à la Bastille tirer de l'argent pour son voyage de Guyenne[233]. En se couchant, il fait mettre son réveille-matin à trois heures et demie.

Le 17, lundi.—A six heures et trois quarts il entre en carrosse, et part de Paris pour le voyage de Bordeaux, va à Chartres dîner à dix heures au Dauphin.

Le 20, jeudi, à Orléans.—Il loge en la maison de M. de Beaumont, bailli d'Orléans, la Reine logée à la grande maison.

Le 24, lundi.—Il arrive à Amboise pour la première fois; M. de Luynes, gouverneur de la place[234], lui donne à dîner. La Reine arrive, il va au-devant, la mène en la salle où le sieur de Luynes lui donne le festin. Le Roi dit qu'il ne veut pas souper, et cependant mangea quelques Août
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grains de raisin. Il étoit assis au-dessous de Madame, et la servoit.

Le 25, mardi.—Il va chez la Reine, donne audience à messieurs les députés de la cour de parlement de Paris, sur la prison du président Le Jay[235], et aux députés de l'assemblée tenue à Grenoble par ceux de la Religion[236]. Le soir la Reine part pour aller souper et coucher à Chenonceaux.

Le 27, jeudi.—Il va au Plessis, où M. de Lansac lui a donné la collation, va le soir à l'abbaye Saint-Julien, où M. de Courtenvaux lui a donné à souper, revient à onze heures à Tours. Il y voit M. du Plessis-Mornay.

Le 31, lundi.—Il arrive à Poitiers, où il dîne et soupe[237].

Le 2 septembre, mercredi.—Il se rend à Saint-Maure, et va en carrosse aux Jésuites, où l'on représente devant lui des jeux dont le sujet étoit l'Assemblée des Dieux pour se réjouir de son mariage. Le soir il va chez la Reine.

Le 3, jeudi.—Le Roi va à Châtellerault, où M. de Sully le vient saluer, et il regagne Poitiers.

Le 14, lundi.—A deux heures chez la Reine, au conseil, puis à Crotelles; il revient souper[238].

Sept
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Le 21, lundi.—Il va chez la Reine, revient à deux heures, va en carrosse à vêpres, à quatre heures en la grande place, où il monte à cheval, et en fait manier, va au jeu de paume, puis chez la Reine à six heures.

Le 28, lundi.—Il va chez la Reine, se trouve un peu mal, a des tranchées. J'étois parti, l'on me renvoie querir; il est fâché de ce qu'il sait que ç'avoit été en son nom, s'en fâche contre M. de Souvré, qui l'avoit fait, disant que tout le monde penseroit qu'il fût malade. Il part de Poitiers avec la Reine à deux heures.

Le 30, mercredi.—Il part de Couay avec la Reine, arrive à cheval à Ruffay, au château, se promène aux jardins, soupe, va voir la Reine.

Le 1er octobre, jeudi.—Il passe la Charente, et arrive à Angoulême à sept heures trois quarts.

Le 7, mercredi.—Il arrive à Bourg, où messieurs les députés de la cour du parlement de Bordeaux viennent lui faire leur soumission. Il entre en un bateau couvert que messieurs de la ville lui avoient envoyé; la Reine, Madame et autres princesses dedans. Il dit qu'il veut souper de ce qu'il avoit commandé lui-même; auprès du gouvernail il accommode une serviette sur un petit ais, a soupé. Il arrive à Bordeaux par la porte de Salinières, va en carrosse à l'église Saint-André et à l'évêché, où il logea.

Le 12, lundi.—La Reine vient au conseil; il va ensuite se promener, et conduit la Reine en son logis chez le trésorier Martin, et déloge du château du Haa; il s'amuse le soir à ses harquebuses.

Le 16, vendredi.—Il va au manége de M. le cardinal de Sourdis, puis chez la Reine.

Le 17, samedi.—Madame a été fiancée en la galerie du logis du Roi, devant la Reine et le Roi, en l'évêché, par M. de Sourdis, archevêque de Bordeaux, et M. de Guise, Oct
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par procuration du roi d'Espagne[239]. Le Roi reconduit la Reine en son logis.

Le 18, dimanche.—A trois heures il sort à pied, en cérémonie, va accompagner Madame à l'église, où elle fut épousée par M. le cardinal de Sourdis à M. de Guise, qui avoit la procuration du roi d'Espagne. Ce même jour le Roi fut épousé à Burgos par M. le duc de Lerme[240].

Le 20, mardi.—La Reine dit brusquement adieu à Madame, de peur des larmes.

Le 21, mercredi.—Le Roi va chez M. de Beaumont-Menardeau, conseiller d'État, où Madame étoit logée pour lui dire adieu; cela ne fut pas sans soupirs et sans larmes jusques aux cris. A onze heures elle entre en carrosse, elle se met sur le devant auprès du Roi, accompagnée de Mlle de Vendôme, de Mme de Conty, Mmes douairière de Guise et duchesse de Guise, Mme de Montmorency; traversent ainsi toute la ville, non sans faire paroître des larmes et des sanglots retenus, et sortent par la porte Saint-Julien. A une demi-lieue de là il fut mis pied à terre; ce fut lors que la nature fit jouer ses plus forts ressorts, larmes, sanglots, soupirs, et cris mêlés avec les baisers et les embrassements, tels qu'ils ne se pouvoient séparer; chacun faisant de même, ému par les larmes de ces jeunes princes, hormis Don Inego de Calderon, ambassadeur d'Espagne, qui avoit négocié le mariage, qui les regardoit d'œil sec, tâchant de rompre ces accolades, criant à haute et puissante voix: «Allons, allons, princesse d'Espagne.» Le Roi s'en revint tout pleurant chez la Reine; il Oct
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fut jusques à deux heures après midi sans pouvoir apaiser son deuil ni ses larmes. Il revient à deux heures et demie, se plaignant de douleur de tête, et me dit: C'est d'avoir pleuré.

Le 27, mardi.—Sur la nouvelle apportée par le sieur d'Adonville, du quartier de M. de Luxembourg, par le maréchal de Bois-Dauphin, le chevalier de Souvré lui demanda s'il y avoit eu beaucoup de morts?—Il y en a eu trois.—«Ce n'est guère!»—Le Roi dit: C'est encore trop, ils sont tous mes sujets; ils reviendront, et me feront service.

Le 31, samedi.—Il va chez la Reine, puis monte en son petit carrosse, va en la maison du président de Lane, la Reine aussi; il y a goûté.

Le 1er novembre, dimanche, à Bordeaux.—Il va à la messe et à confesse à Saint-André, y a communié, y touche les malades, va aux vêpres, au sermon, aux canaux qui sont derrière l'archevêché, où il avoit fait porter un esquif et une nacelle, se met dedans et tire à l'aviron lui-même.

Le 4, mercredi.—Il s'amuse à inventer des trébuchets de cartes pour prendre les mouches.

Le 9, lundi.—Ce jourd'hui fut fait l'échange des princesses à Saint-Jean de Luz.

Le 10, mardi.—Il écrit à la Reine-Infante, à Bayonne, par M. de Luynes:

Madame, ne pouvant, selon mon desir, me treuver auprès de vous, à votre arrivée en mon royaume, pour vous mettre en possession du pouvoir que vous aurez ici, comme de mon affection à vous aimer et servir, j'envoie vers vous Luynes, l'un de mes plus confidents serviteurs pour, en mon nom, vous saluer et vous dire que de moi vous êtes attendue avec impatience pour vous offrir moi-même l'un et l'autre. Je vous prie donc de le recevoir favorablement et de croire ce qu'il vous dira de la part,

Madame,

de votre plus cher ami et serviteur.

LOUIS.

A Bordeaux, le 9e novembre 1615.

Écrit dans son lit, en souffrant.

Nov
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Le 13, vendredi.—Le sieur de Luynes revient de Bayonne avec une lettre de la Reine.

Le 17, mardi.—En ce même temps M. le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux, monté sur un cheval d'Espagne et la croix portée devant lui, suivi de plusieurs seigneurs de qualité, gentilshommes et autres, va à la Conciergerie, fait rompre à coups de gros marteaux les ferrures, où le geôlier fut tué, et tire hors des prisons le sieur de Vaucastels, condamné à perdre la tête, n'attendant que l'exécution, ayant de gros fers aux pieds; il le fait mettre dans un carrosse, l'accompagne jusques à la rivière, le fait mettre dans un bateau et le fait sauver[241].

Le 19, jeudi.—Il écrit à la Reine par le maréchal de Roquelaure.

Le 21, samedi.—Il monte en carrosse pour aller incognito au-devant de la Reine, arrive à Castres, distant de cinq lieues de Bordeaux, la voit par une fenêtre, comme elle entroit en carrosse, assez longtemps; elle part. Le Roi quelque temps après, et à deux lieues de la ville, sur un beau chemin, fait arrêter son carrosse au droit du sien, et, marchant doucement, la regardoit, puis peu après se prend à lui dire gaiement, en se montrant du doigt et tout haut: Io son incognito, io son incognito, touche, cocher, touche. A une lieue de là, il monte à cheval, ses chevaux étant las, arrive à Bordeaux à sept heures. La Reine infante arrive à huit heures; il va dans son antichambre Nov
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et monte sur un haut dais; il y avoit six à sept marches à reposoir et trois chaises en haut. Mme la princesse de Conty reçut la Reine infante au pied du degré; la Reine mère va à deux pas dans la salle pour la recevoir, et la mène au Roi, qui descendit deux degrés et la reçut; monté, il s'assied au milieu, la Reine mère à droite et la jeune à gauche; après il reçut les dames espagnoles de la suite. On fut un quart d'heure ensemble; puis à neuf heures le Roi et sa mère la conduisent dans sa chambre, et il revient chez lui.

Le 22, dimanche.—Vers une heure, il va chez la Reine qui s'habilloit, lui présente M. de Souvré et puis moi, n'en peut sortir. Elle eut besoin d'une plume incarnate pour mêler avec une blanche; le Roi lui présente son chapeau, où il avoit des deux, lui disant qu'elle en prît ce qu'elle en voudroit. Elle le fait, le lui rend, et soudain il lui dit: Il faut que vous me donniez aussi un de vos nœuds, qui étoient incarnats. Elle, se souriant, le lui donne, il l'applique en façon d'enseigne au pied de sa plume.

Le 25, mercredi.—A quatre heures il va à Saint-André, fait le tour de l'église, entend la messe, et se fait la cérémonie accoutumée avec la Reine; ils entendent la messe. Il revient à cinq heures et demie, conduit la Reine en sa chambre; il étoit las, va en la sienne, se couche et soupe au lit à six heures trois quarts. M. de Grammont et quelques jeunes seigneurs lui faisoient des contes gras pour l'assurer; il avoit de la honte et une haute crainte, enfin ils l'assurent. Il demande ses pantoufles, et prend sa robe et va à la chambre de la Reine à huit heures, où il fut mis au lit auprès de la Reine sa femme, en présence de la Reine sa mère; à dix heures un quart il revient après avoir dormi environ une heure et fait deux fois, à ce qu'il nous dit; il y paroissoit, le g.... rouge[242].

Nov
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Le 29, dimanche.—Il fait son entrée à Bordeaux avec la Reine, sa femme, à deux heures, sur un échafaud fait exprès au coin de la maison. Il reçoit les harangues et le serment des corps de compagnies de Bordeaux, puis fait son entrée, arrive à l'évêché, conduit la Reine en sa chambre, et soupe après[243].

Le 30, lundi.—Il descend en la cour, où il voit vingt chevaux d'Espagne, que le roi d'Espagne lui avoit envoyés pour présent, tous caparaçonnés de toile d'or. Il n'y en avoit que dix-neuf, le vingtième s'étoit noyé en chemin, disoit-on. Il en fait monter quelques-uns.

Le 1er décembre, mardi.—Il va chez la Reine, où il voit danser un ballet à l'espagnole par les filles de la Reine; elle en étoit aussi; puis ils se mettent à jouer des petits jeux comme on fait en France, ce qui étoit aussi d'Espagne. Puis il revient, et se met au lit.

Le 4, vendredi.—Il va à midi en carrosse chez la Reine, sa mère, ne veut pas aller aux Jésuites pour y voir représenter en comédie le mariage de Salomon, va à la chasse, revient chez sa mère.—Pendant que le soir il étoit sur sa chaise percée, M. d'Elbeuf lui demanda s'il avoit vu les jeux des Jésuites?—Non, j'aime bien leurs jeux quand ils prêchent bien, mais je n'aime pas ces petites badineries.

Le 5, samedi.—Il va chez la Reine, puis chez la Reine, sa mère, et au conseil.

Le 6, dimanche.—Il va chez la Reine, à l'hôtel de Déc
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ville, où messieurs de la ville lui donnèrent une belle collation de confitures. Il en mangea peu.

Le 8, mardi.—Il va chez le sieur de Bissouze, hors la ville, pour voir des feux d'artifice qui y avoient été faits sur des bateaux par Gerumeau et par Bagaud, artilliers du Roi. Il revient chez la Reine à six heures.

Le 10, jeudi.—A dix heures et demie il monte à cheval sur celui qui se nommoit le Soleil, cheval de couleur isabelle et lequel, du vivant du feu Roi, il nomma le beau cheval de papa, va au Parlement tenir son lit de justice, accompagné des ducs d'Elbeuf, d'Uzès, d'Épernon, du comte de Saint-Paul, des maréchaux de Brissac et de Souvré. Il fut plaidé une cause de fermiers du pied fourchu, qui vouloient faire payer les nouveau-nés; le Roi décida de son mouvement en faveur des innocents, disant: Je veux que mes sujets le gagnent contre moi.

Le 12, samedi.—Il donne audience, à trois heures, à un ambassadeur du Moscovite, venant rechercher l'amitié du Roi et lui offrir la sienne; l'ambassadeur demande avant que parler que le Roi se lève et puis lui donne sa main à baiser; le Roi fait l'un et l'autre.

Le 14, lundi.—Il se va jouer à la galerie vers dix heures, va à la cour, prend plaisir à y courir, se mouille à la pluie à patouiller, et entre à l'office de son pâtissier; le trouvant travaillant, il y fait une petite tarte au coing et une autre à la pomme, y prend de la farine et se joue à fariner aucuns des passants.

Le 17, jeudi.—Il part de Bordeaux par la porte de Salinières, à neuf heures, et va souper à Créon.

Le 18, vendredi.—Il va dehors par le village et mauvais chemin, en son écurie, va par toutes les chambres portant lui-même un flambeau; il pleuvoit, va à l'étable, trouve le maréchal qui ferroit un cheval, y met lui-même trois clous, retourne en son logis. Le lit de la Reine mère n'étoit pas arrivé au soir à Libourne; il lui envoie le sien, et se fait tendre un petit lit de camp, porté par les Déc
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mulets, y travaille lui-même. Il n'y avoit pas de draps, il fait prendre les couvre-chefs et en fait coudre huit ensemble, faisant mettre pour couverture une courtepointe de taffetas en double et le tapis de velours de sa table par dessus; il s'y couche.

Le 19, samedi.—M. le cardinal de Sourdis est venu, et, à deux genoux, lui a demandé pardon[244]. Le Roi lui dit: Oui je vous pardonne, à la charge de ne faire plus telles choses.

Le 21, lundi.—Chaque jour après son dîner il va chez la Reine sa mère et chez la Reine sa femme. Il soupe d'une olla-podrida, faite à l'espagnole de plusieurs sortes de viandes, beaucoup.

Le 22, mardi.—Il part de Libourne, arrive à Coutras, va voir le champ où fut donnée la bataille de Coutras, gagnée sur M. le duc de Joyeuse par le Roi son père[245]. Le soir chez la Reine et chez sa mère.

Le 24, jeudi.—Il part de la Rochechalais, et arrive à Aubeterre. Il se met vêtu sur son lit pour dormir, jusques à la messe de minuit.

Le 27, dimanche.—Il va chez la Reine sa mère, puis chez la Reine sa femme, va à la cuisine de bouche, et fait dresser lui-même l'olla-podrida pour son dîner. Il va chez la Reine avant de se coucher.

Le 29, mardi.—A trois lieues avant la Rochefoucauld le carrosse du Roi verse; il n'y eut pas de mal, que M. de Souvré qui se blessa au bout du nez contre une pierre.

Le 30, mercredi.—Il va chez la Reine, puis à la chasse à l'oiseau, revient donner audience aux députés de la Religion sur la demande qu'ils faisoient de la paix[246].

Déc
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Le 31, jeudi.—Il va à la messe, puis à la garenne, où il court et prend cinq lapins, avec des lièvres, revient à dix heures chez la Reine, dîne ensuite. Il va après chez la Reine, au conseil, goûte à trois heures et demie, va promener aux jardins, revient à cinq heures chez la Reine sa mère. A six heures soupé; le soir il va chez la Reine sa femme; revient à huit heures.

ANNÉE 1616.

Retour du chevalier de Vendôme à Suivray.—Accident au carrosse du Roi.—Tours.—Accident à Tours, dans la salle du Conseil où se tenait la Reine mère.—Heureux hasard qui préserve le Roi.—Le cardinal Ubaldini.—Le Roi joue aux petits soldats.—Conférences de Loudun.—Intimité croissante de M. de Luynes.—Blois.—M. Brulart remet les sceaux au Roi.—Entrée à Paris.—La Reine va à Saint-Germain.—Retour du prince de Condé.—Ambassade du roi d'Angleterre.—Le Roi a une convulsion.—Arrestation du prince de Condé.—Ballet.—Acquisition du domaine de Courcelles.—Le Roi reçoit les officiers des milices de Paris pour les rassurer contre des bruits de désarmement.—Il chasse très-souvent.—Envoyé turc.

Le 1er janvier, vendredi, à Verneuil.—Il communie, puis touche soixante-huit malades dans la cour du château. Il va chez les Reines, retourne chez les Reines après son dîner, va au sermon, aux vêpres, goûte, va à la chasse. Le soir il retourne chez les Reines.

Le 4, lundi, à Suivray.—M. le chevalier de Vendôme revient de son voyage de Malte; le Roi lui fait bonne chère, ne le peut laisser aller changer d'habits, pour être tout mouillé de la pluie.

Le 7, jeudi.—Il arrive à Poitiers avec les deux Reines.

Le 10, dimanche, à Poitiers.—Il va en la grande place pour voir passer le régiment et la compagnie de gendarmes de M. du Bellay.

Le 17, dimanche, à Poitiers.—Il va chez la Reine sa mère, va tenir avec elle à baptême le fils de M. le comte de la Rochefoucauld, le nomme Louis[247], va chez le comte à quatre heures, à la collation.

Janv
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Le 22, vendredi.—Départ de Poitiers.

Le 23, samedi, à Châtellerault.—Il va à la messe, puis va tendre des piéges aux petits oiseaux, à la neige; il faisoit un extrême froid, y dure patiemment. Après son dîner il va chez sa mère et au conseil, sur le retour de M. de Nevers, M. de Boissac[248] et M. de Villeroy devers M. le Prince. Il monte en sa chambre à sept heures et demie.

Le 25, lundi.—Il part de Sainte-Maure, arrive à Confrères, où il a goûté, fait faire des beignets et une omelette au lard par le P. Barthélemy de Crochart, cordelier, natif de Bedarride en Provence, y aide lui-même et mange un peu de l'un et de l'autre. Il rentre en son petit carrosse, le conduit lui-même plus d'une lieue. Le carrosse se rompt, il se met dans celui de M. le comte de la Rocheguyon. Arrivé à Tours, il va au jardin, au lieu de se chauffer; il faisoit un extrême froid.

Le 29, vendredi, à Amboise.—Il se va promener, faisant tirer à ses chiens d'Artois des petits canons achetés à Tours, à l'inventaire de la Bourdaisière.—Il entend la messe, dîne à dix heures et demie, promène, voit ses petits chevaux attelés au carrosse, pour ce qu'il ne vouloit partir qu'à une heure, et qu'un mauvais orage de neige survint, qui les fait remettre dans l'écurie.—L'on a remarqué que ce fut un coup de Dieu, d'autant que s'il fût parti à cette heure-là, sans doute il fût été descendre à Tours, chez la Reine sa mère, et s'y fût trouvé entre deux et trois heures qu'elle étoit au conseil, que le plancher de sa chambre fendit. Elle se trouva sur l'endroit de la poutre, M. le chancelier derrière Janv
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elle, MM. le comte de Soissons, d'Épernon et M. de Villeroy à côté, qui tombèrent sans beaucoup se blesser, et d'autres, comme les sieurs de Bassompierre[249], marquis de Villaines[250], marquis de Sablé, marquis de Nangis et autres.—A une heure il entre en carrosse, le conduisant par la ville, et arrive à trois heures un quart à Tours, va chez la Reine, sa mère puis chez la Reine.

Le 31, dimanche, à Tours.—Il donne à dîner au cardinal Ubaldini, auquel il venoit de donner le bonnet[251], avant de se coucher, vêtu de ses habits de ratine. Il s'amuse diversement dans son cabinet.

Le 3 février, mercredi.—Il dresse une petite collation de confitures sèches pour la Reine, qui le devoit venir voir à deux heures. Après, remis au lit, il s'amuse à faire des bataillons de diverses sortes, avec ses petits hommes d'argent.

Le 6, samedi.—La Reine sa mère logée à la Bordesiaire[252]; il va la voir; M. d'Épernon prend congé de lui malcontent, ce disoit-on.

Le 7, dimanche.—Il va à midi, à cheval, à Saint-Gatian, à Tours, en cérémonie, et la Reine aussi, dans sa Fév
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litière découverte, pour y recevoir l'épée et le chapeau que le Pape lui avoit envoyés et à elle la Rose d'or.

Le 8, lundi.—Il écrit à Mme la princesse d'Espagne, sa sœur.

Le 9, mardi.—Il va à la chambre de M. de Luynes, le trouve à table.

Le 11, jeudi.—Les bouchers d'Amboise lui viennent présenter un bœuf gras, dû au seigneur par eux tout à pareil jour.

Le 14, dimanche.—Il fait danser un ballet par cinq ou six de ses enfants d'honneur; la Reine y vient.

Le 15, lundi.—Il danse un ballet lui-même devant la Reine.

Le 28, dimanche.—Il va au manége, M. de Pluvinel ayant été mandé exprès.

Le 9 mars, mercredi.—Il va à cheval à la chasse, au Plessis, demande au sieur du Fay, l'un de ses gentilshommes ordinaires, quelle heure il étoit; il répond qu'il n'étoit qu'une heure.—Vous me dites qu'il n'est qu'une heure pour ne point rompre mon plaisir; il y a plus de demi-heure qu'elle est sonnée. Je m'en veux aller, il faut que je sois à deux heures au conseil, pour la résolution des articles de la conférence de Loudun[253].

Le 16, mercredi.—Il va en carrosse chez la Reine sa mère, puis au Plessis où il se met en caleçons pour crosser dans le préau du parc, fait crosser M. le prince de Joinville et M. d'Elbeuf.

Le 18, vendredi.—Il va au Plessis, où, dans la basse-cour, il joue à la balle forcée, puis s'amuse à conduire son petit carrosse avec deux de ses six petits chevaux fauves, les fait tourner autour d'un puits couvert en ardoises Mars
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et d'une grosse balle de plomb sur de vieilles charpenteries. En conduisant ce carrosse, il s'amuse à regarder le sieur de Liancourt, son premier écuyer, qui s'amusoit à en conduire un autre; la flèche va donner et heurter l'un des piliers de la charpenterie si fort qu'elle tombe et le comble sur un des chevaux qui étoit à droite, qui se trouva enseveli dessous, et le Roi se jeta dextrement au côté gauche du carrosse, si dextrement qu'il se garantit du danger avec la grâce de Dieu et fut recueilli par le capitaine la Tour, Corse de nation et l'un de ses ordinaires; car sans cela il se trouvoit dessous la ruine. Soudain, sans apparence d'étonnement, il se jeta à terre en disant: Ce n'est rien.

Le 23, mercredi.—Il va au conseil, tenu sur la dernière résolution des articles de la conférence, portés et remportés par M. de Pontchartrain, secrétaire d'État. Le soir il s'amuse à faire et à écrire lui-même un rôle de capitaine de carabins.

Le 24, jeudi.—Il va jouer au palemail, joue quatre parties contre M. le chevalier de Vendôme. Le soir il s'amuse à faire les exercices des gens de pied.

Le 27, dimanche.—Entretenu avec M. d'Elbeuf, qui lui représentoit le contentement qu'il avoit à la guerre, et de se voir à la tête d'une armée de trente mille hommes, le Roi dit: Oui pour un prince. Il se parloit alors de la paix avec le prince de Condé.

Le 5 avril, mardi.—Il va chez M. de Luynes, où dînoit M. de Souvré, y mange des poulets lardés, boit très-bien et à diverses fois de l'hypocras tout pur. Il retourne, après la chasse, en haut du château, à la chambre de M. de Luynes, où il a goûté, part d'Amboise et arrive à Tours à sept heures, chez la Reine sa mère.

Le 7, jeudi.—Il fait cardinal de Lorraine l'archevêque de Reims[254].

Avr
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Le 9, samedi, au Plessis.—Il achève son fort, et y fait venir des petits canons tirés par des chiens, l'un desquels fait difficulté de passer outre sur une planche qui faisoit du bruit. Il le bat rudement et en colère; l'ayant quitté, le reprend: le chien passe sans difficulté; lors il dit froidement et de façon sérieuse: Voilà comme il faut traiter les opiniâtres et les méchants, et, lui donnant du biscuit, et récompenser les bons, les hommes aussi bien que les chiens.

Le 14, jeudi.—Sur les trois à quatre heures les Reines le viennent voir; il leur fait voir son fort, dont il n'avoit pas bougé, encore qu'il eût fort plu et grêlé, s'étant mis à couvert sous une table qu'il y avoit fait porter et élever. Son humeur étoit infatigable.

Le 16, samedi.—Il va au conseil, donne audience à l'ambassadeur du duc de Neubourg, revient à son fort, fait toutes sortes d'exercices. La Reine sa mère y vient; il tire et salue à son arrivée, y donne lui-même le morion à M. le duc d'Elbeuf.

Le 18, lundi.—A sept heures et demie soupé, et la Reine avec lui; c'est la première fois qu'ils ont mangé ensemble. Il ramène la Reine en sa chambre, revient en la sienne à huit heures trois quarts[255].

Le 20, mercredi.—Il va chez M. de Luynes, qui donne à dîner à la compagnie, y fait ripaille et donne sur l'hypocras assez mal trempé. A trois heures et demie il va au clos, où le sieur de Luynes donne la collation au Roi et à la Reine. Il va, il vient, il travaille fort, et passe trois fois la rivière à pied, sans s'essuyer ni sécher; le soir il s'amuse à faire jeter des fusées sur la terrasse par ses fenêtres.

Avr
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Le 21, jeudi.—Il arrive à Blois; à cinq heures la Reine arrive, et le vient voir dans sa chambre, accompagnée de la Reine sa mère.

Le 28, jeudi.—Il entre dans une colère extrême de ce qu'on lui avoit dérobé sa linotte extrêmement brune, a opinion que c'étoient quelques Espagnoles qui étoient à la Reine; fait rouler son petit canon par le cabinet pour leur faire du bruit, et dit que, n'étoit la crainte d'éveiller la Reine sa mère, qu'il le tireroit contre la porte de la chambre, qui étoit celle même de son cabinet; envoie acheter un cadenas et l'attache à la porte.

Le 29, vendredi.—Il va à l'assemblée à Burie, où il a dîné. Il se met à jouer aux cartes, à cause de la pluie et de la grêle.

Le 1er mai, dimanche.—Il va à la chambre de la Reine sa mère, où messire Nicolas Brulart, fait chancelier de France par le feu Roi, remet les sceaux entre les mains du Roi[256]; il n'y avoit qu'eux trois, ayant fait sortir tous ceux qui étoient dedans.

Le 8, dimanche.—Il arrive à Fontainebleau à onze heures; à cinq heures la Reine arrive; il la reçoit, la mène en sa chambre et à la salle du bal.

Le 16, lundi.—Il quitte Fontainebleau, dîne à Bourg-la-Reine, y trouve la Reine, s'habille, se pare; botté, il monte à cheval sur Soleil, son beau cheval et celui du feu Roi, voit un bataillon de dix mille hommes parisiens qui étoient venus au-devant pour le recevoir. M. de Liancourt, premier écuyer et gouverneur de Paris, et M. Miron, prévôt des marchands, lui disent seulement: Mai
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«Que Sa Majesté soit la bien venue!» Il entre à Paris à sept heures et demie, va à Notre-Dame, où le clergé le reçoit et une partie du parlement; rend grâces à Dieu, remonte à cheval, arrive au Louvre à huit heures, chez la Reine sa mère. Le soir il fait sceller en sa présence la commission de garde des sceaux pour M. du Vair, et en reçoit le serment.

Le 20, vendredi.—Il va courir un chevreuil aux Tuileries, avec ses petits chiens. A neuf heures le duc de Mayenne lui fait la révérence, la face pâle; les ducs de la Trémouille, de Bouillon présents. M. de Mayenne, portant la parole, lui dit: «Sire, nous venons nous jeter entre vos bras, suppliant très-humblement Votre Majesté de croire que nous sommes ses très-honorés, très-obéissants et très-fidèles sujets.»—Venez, soyez les bienvenus, je suis bien aise de vous voir; et soudain il change de propos en disant: Je courrai un chevreuil.

Le 22, dimanche.—Il va à la messe à Bourbon, revient en la grande galerie, où il touche mille soixante-six malades. La Reine le voit pour la première fois.

Le 26, jeudi.—Il va à Issy, voir l'une des maisons de feu la reine Marguerite, qu'il avoit achetée.

Le 29, dimanche.—Il va au sermon à Saint-Germain-l'Auxerrois, où il avoit fait présenter le pain bénit, le matin, à la première messe.

Le 6 juin, lundi.—M. le maréchal d'Ancre arrive revenant d'Amiens, le salue; le Roi le fait mettre dans son carrosse à Neuilly, et arrive à Paris à sept heures chez la Reine sa mère; puis il va chez la Reine.

Le 7, mardi.—Il donne audience à messieurs du parlement et à l'ambassadeur de Malte. Il va aux Tuileries, y court à pied un chevreuil, à outrance.

Le 8, mercredi.—Il va chez la Reine sa mère, puis chez la Reine, enferme à la clef les femmes espagnoles, pour avoir, le soir précédent, ôté les clefs des coffres à Louise, fille de sa nourrice.

Juin
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Le 14.—A midi il donne audience à la cour de parlement, en corps, faisant plainte de ce que les prisons du grand Châtelet avoient été rompues par le comte de Vitry, capitaine des gardes, la nuit, et en avoit enlevé le sieur de Beauvau, accusé et convaincu de fausse monnoie[257].

Le 17, vendredi.—Il va à la foire du Landit, à Saint-Denis.

Le 19, dimanche.—Il va à Saint-Germain-en-Laye; Monsieur, son frère, dîne avec lui. Il lui donne de ses viandes avec un soin et action de père.

Le 20, lundi.—Il va au parc, et, à l'exemple de quelques-uns de ses petits gentilshommes, quitte son pourpoint, se coiffe de son mouchoir, débride et desselle son cheval, lui donne à manger du foin nouveau pris dans le pré, tout cela par galanterie.

Le 26, dimanche.—Il reçoit en sa chambre, à cinq heures et demie, le comte d'Auvergne sortant des prisons de la Bastille après douze ans; le genou en terre, il lui demande pardon. Le Roi le veut faire lever, il ne veut point; le Roi lui dit: Vous avez failli deux fois; je vous pardonne; le comte lui demande une épée, le Roi la lui donne.

Le 1er juillet, vendredi.—La Reine ce jour, pour la première fois, se fait servir à la françoise.

Le 4, lundi.—Il va à la rue de Jouy, chez M. de Fourcy, intendant des bâtiments, où il a goûté; puis va à Saint-Gervais, où il a posé la première pierre du portail de l'église[258].

Juil
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Le 8, vendredi.—La Reine vient pour la première fois à Saint-Germain-en-Laye trouver le Roi, qui y étoit depuis le matin; elle étoit avec la Reine mère.

Le 9, samedi.—Il mène la Reine aux grottes pour la première fois, y fait mouiller quelques Espagnoles et Espagnols. Il se va promener, fait jeter des fusées, va à la rivière; on le rencontre presque toujours courant sans se lasser; il avoit chaud et étoit sur les dents.

Le 11, lundi.—Il va à l'assemblée à Joyenval, en passant par le bourg de Saint-Germain.

Le 13, mercredi.—Il va à l'assemblée à Maisons, où il dîne, va courir un cerf à cheval, le réduit à non-plus, et s'il eût eu un cheval frais, il l'eût tué, l'ayant couru plus de trois cents pas l'épée à la main. Il court plus de trois heures, va aux toiles, va à Chambourcy, où il a goûté. Le soir il va chez la Reine sa mère.

Le 15, vendredi.—LL. MM. quittent Saint-Germain.

Le 18, lundi.—Il va au logis du sieur de Maisonnette, capitaine du jardin des Tuileries, où il fait la cuisine, va au conseil ensuite.

Le 20, mercredi.—Ce jour, avant midi, le corps de Marguerite de Valois, dernière du nom, appelée la Reine Marguerite, fut enlevé de la chapelle qu'elle avoit fait édifier derrière sa maison, au faubourg Saint-Germain, sur la rivière, et porté à Saint-Denis, accompagné seulement de deux archers de la garde du corps du Roi. Les moines faisoient difficulté de le recevoir, craignant que ce ne fût une feinte, à cause du peu de compagnie; enfin il fut reçu et mis dans la chapelle des Valois, que la reine Catherine de Médicis a fait construire, où son corps a été mis, et celui du roi Henri III.

Le 27, mercredi.—Le prince de Condé arrive à Paris après la paix; à six heures il arrive au Louvre; on ne Juil
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l'attendoit que le jour suivant. Le Roi va chez la Reine mère, et il le trouve chez la Reine[259]. Le soir il va chez la Reine sa femme.

Le 28, jeudi.—Le Roi va chez la Reine mère, M. le Prince y vient; le Roi s'y trouve mal, étourdi par la grande chaleur qu'il faisoit dans la chambre de la Reine. A quatre heures il va chez la Reine sa femme, qui lui avoit préparé la collation, ne y touche point en tout; mais se couche et se repose. A quatre heures et demie il se trouve mieux, va aux Tuileries, y court un faon de biche avec ses petits chiens.

Le 1er août, lundi.—Il va chez le Gaignier, faiseur de litière de la Reine, en la rue de la Croix du Tiroir, pour voir passer l'ambassadeur d'Angleterre; envoie querir des confitures sèches par le marquis de Mortemart, en a beaucoup mangé. A six heures trois quarts, milord de Haïes, ambassadeur d'Angleterre extraordinaire, arrive fort paré et bien accompagné, et, passant par le Pont-Neuf, va loger à l'hôtel de la reine Marguerite, au faubourg Saint-Germain.

Le 7, dimanche.—Vêtu et paré à cinq heures, en sa chambre, il donne audience au milord de Haïes, ambassadeur pour se réjouir de son mariage[260].

Le 9, mardi.—Il va au manége, où se trouve l'ambassadeur d'Angleterre.

Le 1er septembre, jeudi.—Sur les onze heures, M. le prince de Condé fut arrêté en la chambre de la Reine mère, venant du conseil, par M. de Thémines, lui disant que c'étoit par commandement du Roi; sur ce que M. le Prince lui demanda s'il l'osoit bien entreprendre, il le mène en bas, au logement neuf, que la Reine mère Sept
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avoit fait accommoder pour elle-même. Gardé par M. d'Elbène, commandant de la compagnie des chevau-légers de Monsieur, avec une douzaine de ses compagnons[261]. Le Roi ne veut pas dîner.

Le 2, vendredi.—Il s'amuse à faire la garde lui-même, se couche sur la paillasse, s'endort. Descluseaux, qui faisoit le caporal, l'éveille, le tire par les pieds hors de la paillasse, le met en sentinelle, où il se rendort. Descluseaux le y trouve, le met en prison; ce fut en son lit.

Le 7, mercredi.—A onze heures il monte à cheval, accompagné de la Reine sa mère, et va au Palais, où il parle en ces termes: Messieurs, vous saurez par monsieur le garde des sceaux les raisons pour lesquelles je suis venu m'asseoir en ce lieu.—C'étoit sur l'emprisonnement de M. le Prince.

Le 14, mercredi.—Il fait chevalier de l'accolade l'ambassadeur de Venise, qui prenoit congé pour s'en retourner.

Le 27, mardi.—Il va chez la Reine sa mère, où il voit danser un ballet à la Reine.

Le 8 octobre, samedi.—Ce matin courut un faux bruit que M. de Vendôme ou M. de Bouillon avoit été tué; quelqu'un le disant devant lui avec semblant de joie, le Roi dit froidement et sérieusement: Je ne me réjouis pas de la mort d'autrui.

Le 16, dimanche.—Il va chez la Reine tout élangouri, va à la chapelle de la Tour, puis chez la Reine sa mère, revient à midi fort gai et tout changé, et me dit que la Reine sa mère lui avoit dit qu'il prendroit médecine Oct
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demain matin, et qu'il y étoit tout résolu puisque c'étoit avec un lait d'amandes, comme j'avois accoutumé de les lui faire prendre, et qu'il y avoit quatre jours qu'il sentoit du mal, mais ne l'osoit dire, de peur de prendre une médecine noire.

Le 19, mercredi.—Il va le soir à la comédie françoise.

Le 22, samedi.—Il va chez la Reine sa mère, la trouve à table qui dînoit, y a mangé beaucoup de pain de Mlle de Vendôme, seul et avec de la bouillie de la Reine. Il va à la plaine de Grenelle, puis revient chez sa mère et chez la Reine.

Le 27, jeudi.—Le soir il recorde son ballet[262].

Le 31, lundi.—Il étoit malade, dit qu'il sent ses pieds comme s'il les avoit enflés, se plaint de la colique; bu de l'eau cuite avec du julep rosat, mis une éponge abreuvée de décoction sur sa douleur. Un quart d'heure après je l'entends râler et ronfler fort haut, j'y accours; je le trouve la bouche en bas, contre son bras, je le lève, le porte en terre, et le doigt en la bouche pour lui ouvrir les dents, tant que le sieur de Piolive lui met le manche de son couteau en la bouche; perd les sens; vin, eau-de-vie, promené, eau-de-vie, toujours promené; l'accès dure environ un demi quart-d'heure; remis au lit; c'étoit une convulsion. A huit heures soupé en présence de la Reine sa mère.

Le 1er novembre, mardi.—Il est saigné pour la première fois, à la basilique du bras droit, par Ménard, chirurgien de la Reine sa mère.

Le 2, mercredi.—Il continue à se plaindre, est entretenu par des contes que lui fait sa nourrice, se fait changer de lit.

Le 5, samedi.—Levé en robe et en bottines, il va faire lever M. de Luynes au cabinet, et se couche sur son Nov
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matelas, où il s'amuse sans dormir jusques à près de trois heures, se plaint en se couchant, disant: Je ne saurois dormir, je vois bien que je rêve; soudain il s'endort jusques à une heure après minuit.

Le 9, mercredi.—Levé en robe, il promène un peu. Remis au lit, il s'amuse à écrire lui-même le ragoût des mauvais bouffons de la cour.

Le 10, jeudi.—Sa première sortie; il va par la galerie aux Tuileries, puis chez la Reine et chez la Reine sa mère; va en son cabinet des armes.

Le 22, samedi.—Il va en la grande galerie, accompagné d'un exempt des gardes, du sieur de Mataret, gouverneur de la ville et château de Foix, et d'un autre. Regardant à tout s'il étoit suivi, il se met assez avant en l'une des fenêtres qui regardoit sur la rivière, quand le maréchal d'Ancre entra, accompagné de plus de cent personnes, et s'arrêta aussi à une des fenêtres sans aller vers le Roi, se faisant faire la cour par tous, tête nue; mais il savoit bien que le Roi étoit là, car on lui avoit dit, l'ayant demandé en la chambre. Il s'en va aux Tuileries, le cœur plein de déplaisir.

Le 27, dimanche.—Il monte en la chambre du sieur de Luynes, où il s'habilla de l'habit et pantalon qu'il devoit porter à son ballet. Ce ballet fut le premier qu'il dansa étant Roi. A six heures un quart il soupe avec les onze qui étoient de son ballet avec lui. Il se met au milieu de la table. Il s'amuse à railler premièrement à table avec la compagnie, peu après se met sur le lit où il s'endort doucement environ deux heures. Éveillé en sursaut, en colère, demandant son épée pour combattre Abimélech, et crioit: Ça, ça! Abimelech;[263] il se prit à rire. Dansé à onze heures trois quarts son ballet, sa musique Nov
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s'étant fait attendre deux heures, ce dont il étoit fort fâché. L'entrée étoit de Pantalon; il en étoit. Il dansa son ballet extrêmement bien, alla prendre la Reine, la mena danser aux branles et se retira à deux heures et demie après minuit.

Le 2 décembre, vendredi.—Il va chez la Reine à sept heures du soir, et y joue à divers jeux jusqu'à neuf; il chante souvent des psaumes le soir.

Le 5, lundi.—Il va à la chasse aux plaines du Roule, où il monte à cheval; vole le cochevis qui se sauve dans un grenier, où il monte par une échelle et sa troupe aussi, y font des embûches, et prennent l'oiseau qui se sauve dans son chapeau. Il revient chez la Reine et chez sa mère. Le soir il va encore chez la Reine; en se couchant il chante des Noëls.

Le 12, lundi.—Il va chez la Reine et chez la Reine sa mère, fort blême, revient et me dit qu'il avoit failli à tomber chez sa mère, s'il ne se fût appuyé.

Le 15, jeudi.—Il entre en carrosse et s'en va aux Ternes, qu'il avoit achetés. Le soir il revient en sa chambre où il fait danser un ballet que la Reine faisoit faire à ses filles. Il va chez la Reine sa mère, où il voit encore danser.

Le 18, dimanche.—Il va à Courcelles, près du pont de Neuilly, qu'il vouloit acheter du sieur Galand, avocat au parlement.

Le 19, lundi.—Impatient pour aller à Courcelles, il y fait porter des mousquets pour un fort qu'il y vouloit faire bâtir; il fut d'abord en toile cirée et en bois.

Le 20, mardi.—Il vient dans la galerie, ayant mandé à venir tous les colonels, capitaines, lieutenants, enseignes et quarteniers pour les assurer de sa volonté, contraire à ce que, par bruit commun, on leur faisoit croire qu'il les vouloit désarmer; il va chez la Reine après.

Le 22, jeudi.—Impatient pour aller à sa maison de Courcelles, à midi il entre en carrosse. Arrivé à Courcelles, il monte sur la butte, où il avoit fait un fort; il n'y avoit Déc
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que la charpenterie qu'il avoit fait couvrir d'une toile cirée, en attendant l'ardoise. Il s'arme d'un corselet et d'un morion, et d'une pique. La Reine y étoit venue; elle y monte et le trouve en faction; il lui donne la collation après lui avoir fait voir tout l'ordre de la garde du fort, revient à cinq heures à cheval chez la Reine sa mère.

Le 23, vendredi.—Il monte au cabinet des armes, où il s'amuse à des modèles de quelques machines pour tirer et pour hausser, que l'on y montroit. Il va après chez la Reine sa mère, où il donne audience à un Turc portant des lettres du Grand-Seigneur pour demander la justice des Morisques Gravatins chassés d'Espagne, qui furent volés et fort maltraités, passant par la France. Ce Turc étoit natif de Valence en Espagne et renégat. Le soir il apprend son ballet pour danser au jour de carême-prenant.

Le 24, samedi.—Confessé par le P. Coton, à onze trois quarts il va à la chapelle de la Tour, où il entendit les trois messes et communia.

Le 26, lundi.—Il va encore à Courcelles, s'amuse avec ses petits gentilshommes à faire la garde du fort, y a goûté, revient chez la Reine.

Le 27, mardi.—Il s'amuse à chanter en concert et avec les régales, sur lesquelles jouoit le sieur de la Chapelle.

Le 29, jeudi.—Il va chez la Reine, puis chez la Reine sa mère, entre en carrosse à douze heures et demie, et va à Courcelles, où il fait ses exercices. Il y a goûté, va sur le bord de la rivière à pied, tire à des oies avec un canon sur une fourchette, en tue une, en blesse une autre, va à pied au long de l'eau, tire sur des pigeons, en tue et continue au long de la muraille jusques aux vignes, où il monte à cheval et s'en revient.

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