L'essayeuse : $b pièce en un acte
SCÈNE VIII
LES MÊMES, RENÉ, avec les lettres
RENÉ
Le chauffeur demande si l’on n’a plus besoin de la voiture.
LISE, lui sautant au cou
Ah ! René, mon René !
(Elle l’embrasse.)
RENÉ
Bon ! qu’est-ce qui te prend ?
LISE
C’est la joie !… Si tu savais !…
RENÉ
Qu’est-ce qui te rend si joyeuse !
LISE
Ce qui s’est passé en mon absence !
RENÉ
Ah !
LISE
Germaine m’a tout raconté !
RENÉ
Hein ?… Qu’est-ce qu’elle a pu te raconter ! C’est faux, Il ne s’est rien passé !
LISE
Grande bête ! Je m’en doute !… Mais tu m’avoueras que Germaine t’a fait des avances !… Ne te fâche pas, c’était concerté entre nous.
GERMAINE
Lise, voyons !… Tais-toi !
LISE
Je ne veux pas qu’il ait mauvaise opinion de toi. (A René.) Je voulais être sûre que tu m’aimes, que je puis avoir confiance en toi ; alors, j’ai imaginé cette épreuve. En mon absence, elle devait t’« essayer », te pousser à bout à force de coquetterie.
RENÉ, vexé
En effet, c’était bien trouvé !… Et j’ai bien passé l’examen ?
LISE
Admirablement ! Il paraît que tu es un mari modèle.
RENÉ
Je respire !
GERMAINE, à part
La canaille !
LISE
C’est égal, j’ai eu bien peur ! J’ai passé vingt minutes abominables ; je pensais tout le temps : « S’il allait céder !… Si j’allais apprendre que mon mari, l’homme que j’aime uniquement, est pareil aux autres, qu’il est faible et menteur comme tant d’odieux maris ! » Je voyais mon bonheur gâché, ma vie finie ! Tiens, je suis stupide ! Tu vois, je pleure comme une petite bête !
GERMAINE
Ma chérie, remets-toi ! puisque te voilà rassurée !…
LISE
Oui !… Ça me serrait à la gorge !… Mon René, mon René à moi !… Il me semble que je te retrouve ! Et c’est si bon !
(Elle se presse contre lui.)
RENÉ
Là, mon petit !… Il faut te calmer, et ne plus penser à ces histoires-là !… Tu es bien tranquille, à présent ?
LISE
Oui, mon aimé !
RENÉ
Alors, va essuyer tes yeux : avec un peu de poudre, il n’y paraîtra plus ! Va !…
(Lise sort.)