LA VÉRITÉ.
LA LOUANGE.
LA VÉRITÉ.
LA LOUANGE.
LA VÉRITÉ.
LA LOUANGE.
LA VÉRITÉ.
PYTHAGORE.
HOMÈRE.
ÉPAMINONDAS.
ALEXANDRE.
NUMA.
BRUTUS L'ANCIEN.
ATTILA.
SYLLA.
ARCHIMÈDE.
PLINE.
OMAR.
TIBÈRE.
COLOMB.
CÉSAR.
LA THÉMIS DES SIÈCLES.
CÉSAR.
LA THÉMIS DES SIÈCLES.
LA PANHYPOCRISIADE.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE MUPHTI.
SOLIMAN.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
CHARLES-QUINT.
LE JÉRONIMITE.
Quel esprit saint remplit ce jeune homme inflexible!
Le silence profond, et l'étude paisible,
Comme deux anges saints l'écartant du péril,
Ont-ils instruit son cœur en son pieux exil,
Et bornant ses regards aux murs d'un monastère,
Et vers Dieu seul tournant son ame solitaire,
Tellement éclairé sa méditation
Qu'il ait vu le néant de toute ambition!
A ses traits, à son œil, pleins d'une ardente flamme,
On n'accusera pas le sommeil de son ame:
Ainsi donc sa vertu comme une aigle a plané
Par-dessus l'univers qu'enfin j'ai dominé;
Et, venu sans fatigue à ce point où j'arrive,
Il foule aux pieds l'orgueil, et rien ne le captive.
Quel exemple! ma gloire a sujet d'en rougir.
Vain jouet des humains que je pensais régir,
Il m'a fallu, traînant mes pompeuses entraves,
Être esclave du joug reçu par mes esclaves....
Vous le savez, palais, qui sous vos riches toits
Me vîtes de ma pourpre étaler tout le poids;
Et vous, larges parvis, et degrés des portiques,
Usés par mon cortège en des fêtes publiques,
Vous, enceintes des camps où, malheureux acteur,
Je m'offrais en spectacle au peuple adorateur,
Dites quels noirs chagrins dévorés en silence
Démentaient de mon front la pénible insolence!
Combien, sous les dehors de ma sérénité,
D'orages menaçants mon cœur a palpité!
Parlez, ô tristes nuits! parlez, ô jours sinistres!
Sans repos consumés près d'assidus ministres;
Terres, fleuves, et mers! dites combien de fois
Je vous ai traversés, et j'ai changé vos lois!
Afrique, parle! Europe, as-tu quelques rivages
Que je n'aie étonnés de mes nombreux voyages?
Eh bien! de ces labeurs quels ont été les fruits?
Des troubles pour le monde, et pour moi des ennuis.
Tant de peuples charmés, courant de ville en ville
Aux décorations de mon faste inutile,
Admirent du même œil mes ingrats successeurs,
De mes nobles tréteaux aujourd'hui possesseurs.
Heureux si pour tout prix, mon siècle, tu m'égales
Aux rois dont j'imitai les scènes théâtrales,
Et si je ne me perds sous tous les monuments
Des princes qu'ont vantés l'histoire ou les romans!
Ai-je assez fait déja pour éclipser leur gloire?....
Non, non, quittons ce cloître où languit ma mémoire.
Reprenons la couronne; et que mes cheveux blancs
Frappent encor les yeux de mes rivaux tremblants!...
Obtenons un triomphe à mon fils, à mon frère,
Et de l'aigle assoupi réveillons le tonnerre....
Superbe! que dis-tu? ne te souvient-il pas
Qu'en litière traîné parmi tes vieux soldats,
Tes débiles esprits, tes forces épuisées,
Trahissant ta fortune, excitaient leurs risées...
Il était temps, hélas! de jeter ton fardeau....
Du trône descendu, marche en paix au tombeau.
Mais pourquoi sans honneur, prêt à fuir la lumière,
Suivre encore un modèle en quittant ma carrière?
Second Dioclétien parmi les empereurs,
Mourrai-je à son exemple en arrosant des fleurs?
Qu'une palme nouvelle orne ma sépulture.
Ici l'orgueil en froc est humble sous la bure:
Dans l'ombre il se conquiert le respect des humains:
J'ai vaincu des héros; je veux vaincre les saints;
Et, de ma pénitence illustrant le supplice,
Faire autant que ma pourpre adorer mon cilice.
CHARLES-QUINT.
SAINT JÉRÔME.
O roi jaloux des saints! eh! quoi donc? prétends-tu
Faire monter l'orgueil où monta la vertu?
Équitable aux humains, l'arbitre tutélaire
Accorde à leurs travaux un différent salaire:
Héros, ceins ton laurier; la palme est notre prix.
Tu régnas sur les corps, et nous sur les esprits:
Ton empire est la terre, et le ciel est le nôtre.
Un trône t'appuyait; nous, le cri d'un apôtre.
On te nommait un dieu dans tes palais dorés:
Nous bravions tes pareils dans les cours adorés.
Les hommes égorgés te servaient de victimes;
Nous pleurions sous la croix les meurtres et les crimes.
Ta politique aux rangs immolait l'équité;
Nos fraternelles voix prêchaient l'égalité:
Nous disions que les grands ne sont bientôt que cendre,
Que de tous leurs degrés la Mort les fait descendre;
Et que seul ferme et libre, en tous temps, en tout lieu,
Le juste clairvoyant craint les rois moins que Dieu.
Ta fierté despotique eût proscrit notre vie:
D'où vient que notre gloire allume ton envie?
Crois-tu qu'il te suffise, au terme de tes ans,
De vouer aux autels tes loisirs impuissants,
D'achever ta vieillesse en un cloître sévère,
Pour t'égaler aux saints que le monde révère?
Tel paraîtrait moins grand, s'il n'eût, jusqu'au trépas,
Traîné durant un siècle un sort obscur et bas,
Et repoussé des cours les faveurs corruptrices,
Pour marcher, pauvre et nu, vainqueur de leurs délices,
Et laisser aux mortels qu'enfle leur vanité
L'exemple patient de son humilité.
Sais-tu quel fut Jérôme, et comment sa doctrine
Consacra dans ces murs son nom, sa discipline?
Né fier, ardent, subtil, instruit dans tous les arts,
Dont le charme étonnait la ville des Césars,
Du monde, en sa jeunesse, écartant les amorces,
En d'austères ferveurs il consuma ses forces.
S'en vint-il comme toi, de fatigue épuisé,
A l'amour du désert offrir un cœur usé?
Au fond de la Syrie, où Dieu fut son étude,
Avec zèle embrassant la triste solitude,
Sous des antres brûlants, disciple des lions,
Il apprit à rugir contre ses passions.
Ce fut là que, couché sans luxe et sans mollesse,
De sa nudité même il connut la richesse:
Ce fut là que ses sens, émus d'objets impurs,
Des beaux cirques de Rome oublièrent les murs;
Et qu'assailli des traits de ses Vénus infâmes,
De ses membres séchés il éteignit les flammes.
Oui, dès-lors proclamant la liberté, la foi,
Il devint plus fameux et plus puissant que toi.
Des sublimes hauteurs où la vertu se fonde,
J'abaissai mes regards sur les pompes du monde;
Comme un pasteur, debout au sommet des rochers,
Voit à ses pieds l'abyme où luttent les nochers.
Qu'ai-je vu? des honneurs, toujours près du naufrage,
Moins grands que la vertu qui se rit de l'orage:
Un crédit et des biens, dignes de peu d'égards,
Ou donnés, ou ravis par le jeu des hasards:
Le seul juste en son cœur a des trésors durables.
Qu'ai-je vu? des cités un moment admirables,
Que l'affreuse misère ou les coups des fléaux,
Que la discorde atroce aiguisant ses couteaux,
Que l'effroi des prisons, l'horreur des funérailles,
Soulevaient, déchiraient jusque dans leurs entrailles;
Tandis qu'inébranlable entre tous leurs enfants,
Le seul juste résiste aux bourreaux triomphants.
Qu'ai-je vu? des banquets, des théâtres, des danses,
Dont le peuple adorait les fausses jouissances;
Spectacles que payaient son pain ou ses affronts,
Que suspendait souvent un seul mot des Nérons,
Et peu fait pour séduire à leur splendeur funeste
Le juste qu'éblouit l'éternité céleste.
Qu'ai-je vu? des mortels, fantômes-empereurs,
Maîtrisant leurs soldats, non leurs propres fureurs;
Un Goth, un vil Gainas, la terreur d'un royaume,
Redoutable à son prince, et non à Chrysostôme,
Qui prouva que le juste est seul fort contre tous
Pour rompre les conseils des intérêts jaloux,
Et que l'ombre et les bois sont la profonde école
D'où sort avec éclat l'invincible parole.
Qu'ai-je vu? des rhéteurs, des sophistes rivaux,
Par la brigue emportant les prix dus aux travaux,
Et confondus chacun en leur science impie
Par un Dieu méconnu, qui leur ôte la vie.
Qu'ai-je vu? de Thémis les magistrats honteux
Au gré des souverains pesant le droit douteux;
Et que le juste seul, observant la balance,
Retient comme assiégés par sa noble présence.
Qu'ai-je vu? cette terre encline à s'abymer,
Gouffre, où tout s'engloutit comme au sein d'une mer;
Et dont les tremblements, pires que les tempêtes,
Renversent de vos toits les plus superbes faîtes.
Enfin, qu'ai-je donc vu, dans les jours, dans les nuits?
Des pervers qui, semant de formidables bruits,
En leur lit désarmés, quand leur fureur sommeille,
Dorment comme au cercueil, lorsque le juste veille.
Je n'ai donc craint que Dieu, je n'ai cherché qu'en lui
Ma gloire, mes trésors, mon véritable appui;
Et je ne daignai pas, en héros sanguinaire,
Briguer de tes grandeurs le comble imaginaire.
Tout chaste, et vraiment saint, plus épuré que l'or,
Sur des ailes de flamme élevant mon essor,
J'ai, libre de ma chair que brûlait l'abstinence,
Vécu par la pensée, et tout intelligence,
Ravi sur les sommets d'où ce globe n'est rien,
Où la vie est un songe, et la mort même un bien.
Toi donc, monstre affamé du miel de la louange,
Nabuchodonosor, qui régnas sur ta fange,
N'espère pas briller entre les aigles saints
Aux cieux qu'habite l'ame, et les anges sereins.
SAINT AUGUSTIN.
Apprends que pour t'asseoir aux limbes où nous sommes,
En pasteur bienfaisant il faut guider les hommes,
Et, plein de charité jusqu'à son dernier jour,
Remplir la douce loi, qui seule est tout; l'amour.
Aime, a dit le grand Paul; et ma voix le publie.
Le juste adorant Dieu vit pour tous, et s'oublie:
Ce précepte jamais se grava-t-il au cœur
D'un prince ivre de soi, politique vainqueur?
Triste sort d'un tel homme, idole de soi-même!
Que fait-il? il s'absorbe en son pouvoir suprême:
Sa vaine ambition jamais ne s'assoupit:
Il prodigue le sang pour venger un dépit:
Il amasse les biens d'une main criminelle:
Il arrache à Naboth sa vigne paternelle,
Tient sur ses seuls périls les yeux toujours ouverts,
Et s'estime le dieu, centre de l'univers.
Qui produit en son cœur ce désordre coupable?
C'est ce besoin d'aimer à tous inévitable,
L'amour qui nous égare alors que fol et vain
Il n'a point un objet éternel et divin;
L'amour, tendre penchant de nos sensibles ames,
L'amour, alimenté par de célestes flammes,
Plus solide, plus pur, en ses liens charmants,
Que ne le sont les nœuds d'or et de diamants;
L'amour, dont les plaisirs consolant nos misères,
Nous attachant à Dieu, nous attache à nos frères!
Complaire à ce qu'on aime est le vœu de l'amour:
Ce doux espoir, ce soin le presse nuit et jour;
Plus d'orgueilleux projets, plus de noire injustice,
Plus de débats jaloux, plus d'infame avarice;
Il chérit en autrui l'opulence et l'honneur,
Et du bonheur de tous compose son bonheur.
L'homme épris de ses feux n'a point l'œil adultère:
Si des femmes qu'il voit la beauté passagère
Se relève d'atours et s'anime de fard,
Il n'idôlatre pas leurs colliers et leur art,
Et ne sent nulle ardeur corruptible et profane
Pour la fleur qui périt et la chair qui se fane.
Voit-il une indigente et muette beauté
Qu'à l'ombre, et gracieuse en sa simplicité,
Semble orner le malheur empreint sur son visage?
Les consolations, piège où l'ame s'engage,
Ne captiveront pas son cœur sanctifié:
Toute humaine douleur a droit à sa pitié.
Voudra-t-il s'ériger des palais, des portiques?
Graver par-tout son nom en lettres magnifiques?
Non; l'aumône en secret, les charitables soins,
Feront de sa bonté parler mille témoins,
Monuments animés, et voix impérissables,
Qui rediront son zèle aux âges innombrables.
Que les schismes trompeurs et les séditions
Aux fureurs de leurs chefs livrent les nations;
Éloquent, il sait vaincre et l'audace et la ruse
Par une bouche d'or comme le fils d'Anthuse;
Et, non moins fort qu'Ambroise, aux portes de Milan
Il osera fermer le saint temple au tyran.
Qui doute que l'amour rende un cœur intrépide?
Contemple le maintien d'une vierge timide:
Elle aime; et s'effrayant de sa fragilité,
Son scrupule frémit d'une infidélité:
La flamme du jeune âge errante dans ses veines
Allume dans ses sens des rebellions vaines;
Sa constante pudeur, ferme en ses chastes vœux,
Traverse noblement les épines, les feux:
Tel un ange sans corps marche dans sa carrière:
Mais d'un front où reluit une pure lumière,
S'il faut, (triste courage en un objet si doux!)
Qu'elle brave la mort pour son divin époux,
Elle court au martyre; et, de regrets suivie,
Brebis sans tache, aux loups abandonne sa vie.
Juge combien l'amour, triomphant des bourreaux,
Nous aide à surpasser la vertu des héros,
Et du tendre orateur de la chaire d'Hippone
Juge si c'est à toi d'envier la couronne!
SAINT-BERNARD.
CHARLES-QUINT.
SAINT-JÉRÔME.
LA PANHYPOCRISIADE.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LE VER.
LA TRISTESSE.
LA TRISTESSE.
LA MORT.
LA TRISTESSE.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA MORT.
LA TRISTESSE.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA TRISTESSE.
CHARLES-QUINT.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA MORT.
CHARLES-QUINT.
LA MORT.
Elle arrache aussitôt l'ame à ce noble corps,
Qui n'est plus rien: Dieu seul sait ce qu'il fait des morts.
Ici la toile tombe, et finit l'acte immense.
Mais au parterre ému quelle guerre commence!
Que je compare au bruit des torrents et des airs
Les applaudissements, les sifflets des enfers;
Que je rappelle ici les volcans, les tempêtes,
En éternel écho des poétiques têtes,
Mes vers ne feront pas ouïr à l'auditeur
Ce cirque furieux, tout vociférateur.
Oh! c'est en cet instant, Muse, que je t'invoque!
Prête, prête à mon luth un son perçant et rauque,
Qui plaise à la discorde et l'imite en ses cris;
Et non ces doux accents dont les cœurs sont épris,
Qui charment les humains de langueurs si touchantes,
Et font aimer la paix, alors que tu la chantes.
Le tumulte confus du cirque ténébreux
Long-temps de tous les bruits ne fit qu'un bruit affreux:
Mais comme, sous les flots d'une épaisse fumée,
Au faîte d'une ville en des feux abymée,
Se perd dans un chaos la face des objets,
Jusqu'à l'heure où, lançant quelques lumineux jets,
La flamme en ces vapeurs éclaire enfin la vue:
Ainsi, lorsque la foule applaudit, siffle, et hue,
Tout se confond d'abord; mais enfin les clameurs
Distinguent deux partis au milieu des rumeurs:
L'un, s'écriant, bravo! veut voir l'auteur paraître,
L'autre, criant, à bas! frémit de le connaître.
Le rideau cependant remonte; et mille voix
Font trembler les piliers et le cintre à-la-fois.
Sans frayeur de l'orage, apparaît au théâtre
L'acteur, encor sali de carmin et de plâtre,
Qui, dépouillé des traits de Charles-Quint joué,
Et du manteau tragique aussitôt secoué,
A repris des Démons les gigantesques formes,
Et leurs mains, et leurs pieds, armés d'ongles énormes.
Ce mime est de l'enfer, où son art s'enflamma,
Le sublime Lekain, le terrible Talma;
Sensible et déchirant, nul ne fut plus habile
A peindre l'ame humaine en sa face mobile;
Son vaste sein, foyer d'un cœur tout véhément,
De pathétique empli, l'épanche largement:
S'il imite l'effroi, le remords sur le trône,
Son front pâle ressemble au front de la Gorgone:
S'il veut des passions exhaler les douleurs,
Brisée en longs sanglots, sa voix se fond en pleurs:
Le parterre, frappé de sa magie extrême,
Pense, au malheur qu'il feint, voir le malheur lui-même.
L'acteur ouvrit la bouche, et crut, par ses accents,
Surmonter la hauteur des bruits retentissants:
Mais ses lèvres formaient des paroles perdues.
Ainsi des noirs hivers quand les neiges fondues
Sur les flancs des rochers tombent avec fracas,
Si, du torrent grossi traversant les éclats,
Les voix de deux pasteurs s'appellent des deux rives,
Son cours emporte et rompt leurs clameurs fugitives.
La fureur des Démons, et huppés, et titrés,
Descend de loge en loge aux plus bas des degrés:
Là, des derniers lutins l'épaisse populace
Autour des cabaleurs, et se rue, et s'entasse.
Ainsi, lorsque les grands accordent aux petits
Ces jeux, payés si cher, qu'on leur donne gratis,
Du plus vil peuple on voit la multitude immense
Couvrir un cirque entier, sali de sa présence:
Ainsi l'amas infect de Diables tout fangeux
Formait le centre obscur du parterre orageux.
Ce sont bandits, experts en tous métiers perfides:
Les uns, noirs recruteurs, sont fumants d'homicides;
D'autres, en plein marché, vendeurs non scrupuleux,
Ont des litres menteurs, et des poids frauduleux:
Ceux-là chez nos Thémis s'inscrivent en faussaires;
Ceux-ci, sur leurs fourneaux, impurs apothicaires,
Dosent leur arsenic en de coupables mains,
Et de l'humeur de vivre ils purgent les humains.
D'autres, fatals Hermès, altèrent la monnaie;
D'autres sont croque-morts, le sépulcre les paie:
Apprentis carabins, ceux-là, d'un coup mortel,
Hâtent l'agonisant, convoité du scalpel.
Huissiers, greffiers, et clercs, engeance de vampires,
Ivrognes, débauchés, filoux, escrocs et sbires,
Sirènes des égoûts, harangères Vénus,
Sous les bourgeons en fleurs vendant leurs charmes nus;
Des enfers, en un mot, la plus vile canaille
Tout-à-coup se déchaîne, et hue, et siffle, et braille.
Elle garda long-temps un silence hébété,
Muette d'ignorance et de stupidité:
Ces ressorts que chez nous le vulgaire idolâtre,
Les éclatants décors, les beaux coups de théâtre,
Et le lustre étoilé des princes histrions,
Avaient conquis, ravi ses admirations:
Mais, répondant aux cris des nobles galeries,
Jusqu'aux voûtes monta le cri de ses furies.
Telle, quand des états les chefs ambitieux
Donnent le premier branle aux partis factieux,
L'écume des ruisseaux, la plèbe enorgueillie
Gronde, fait bouillonner sa plus infâme lie,
S'emporte, se déborde; et, sous le joug des lois,
De la démagogie hurlent toutes les voix:
Telle, de ces damnés la cohue insolente
Au vaste amphithéâtre imprime l'épouvante.
Tout rugit: cependant le Stentor des Démons
Fait sortir ce discours de ses larges poumons;
Perché sur un haut banc, en épervier farouche,
Qu'attache un pied crochu sur une vieille souche:
«Par un juste suffrage accueillons notre acteur,»
Dit-il, «mais que du drame il nous taise l'auteur.
«Son ouvrage sans goût, sans règle, sans morale,
«N'a qu'une vérité hideuse ou triviale.
«J'ai frémi, mais d'horreur; j'ai ri, mais de pitié.
«Le monstre qui le fit doit être châtié,
«Écorché, scié, cuit ... il faut que sur la claie
«On le traîne, percé d'une éternelle plaie;
«Ou qu'il soit à l'oubli condamné sans retour:
«L'orgueil est d'un auteur le plus cruel vautour.
«Mais non, de notre enfer déchaînons la critique;
«Qu'il se torde à jamais sous sa dent satirique,
«Et que, de tous les sens en lambeaux déchiré,
«Il rende au noir chaos ce qu'il en a tiré.»
Il dit, roulant un œil où pétille sa rage,
Qui des autres lutins recherche le suffrage:
Mais l'un des plus bouillants, qui veut lui répliquer,
Sentant à ses esprits les paroles manquer,
Pour mieux humilier sa critique verbeuse,
Lui tire, en grimaçant, une langue moqueuse.
Celui-ci, pour punir ce dédain trivial,
Se tourne, en lui montrant son anti-facial.
Le bruit s'accroît. Voici qu'un autre Diable grimpe,
Ami du nourrisson de l'infernal Olympe:
Son aigre voix glapit sur le vacarme entier.
Tel entre des tambours perce un fifre guerrier.
«Est-ce en vain qu'en ces vers, peintre de la nature,
«Le poëte, arrachant tout masque à l'imposture,
«Produit, s'écria-t-il, sans peur, sans préjugé,
«Du fécond univers un vivant abrégé?
«L'abandonnera-t-on aux cris de la cabale?
«Comment du goût, des mœurs, est-il donc le scandale?
«Il ne saurait blesser les règles des rhéteurs,
«Étant hors de la loi des classiques auteurs;
«Non moins original que le furent eux-mêmes
«Ces hardis inventeurs de nos doctes systêmes,
«On les siffla jadis; on le hue à son tour:
«De l'avenir peut-être il deviendra l'amour.
«Son style, en descendant du ton noble au vulgaire,
«Évite mieux l'ennui qu'en un mode ordinaire.
«A quoi bon asservir l'esprit, né dans son sein,
«Au modèle idéal de l'antique dessin?
«La nature est diverse, immense, affreuse, et belle:
«Son tableau grand, bizarre, et varié comme elle,
«Alliant tous les tons, rompant chaque unité,
«Échappe à la froideur de l'uniformité.
«Les peuples, qu'instruirait le cours d'un tel ouvrage,
«Voyant périr deux rois, les plus grands de leur âge,
«L'un, en cerveau brûlé, l'autre, d'un mal impur,
«Sentiraient que des lois le seul empire est sûr.
«N'est-ce rien que d'avoir calculé dans sa tête
«Ce vaste plan moral? l'auteur est-il si bête?
«Sa fable, dites-vous, mérite un châtiment:
«Que peint-il? ce qu'au monde on fait impunément.
«Ne frémissons-nous pas, tout damnés que nous sommes,
«Lorsqu'il nous faut, témoins des cruautés des hommes,
«Voir les tigres, les ours, orner leurs écussons,
«Et leur gloire nourrir et corbeaux et poissons?
«Voir les peuples agneaux immolés en hosties;
«Le crime sur l'autel asseoir ses dynasties;
«Haine, avarice, orgueil, sous de saints capuchons,
«Dans nos ardents brasiers attiser les brandons;
«Voir le rire apprêter la corde aux calvinistes,
«Et la pudeur en proie au viol des papistes;
«Voir baptiser de sang d'incrédules beautés,
«Dont la Luxure en froc fouette les nudités:
«Des bibles, des missels, voir les sinets mystiques
«Cousus, d'un doigt railleur, aux fesses hérétiques,
«Par d'enjoués bourreaux, par de gais assassins...
«Ah! nous-mêmes, près d'eux, nous serions de vrais saints!
«Osons dire tout...! Non. Notre pudeur m'arrête;
«Je vous ferais dresser les cornes sur la tête!
«L'antropophage impie, en son acharnement,
«Ne fait pas ce qu'ils font, religieusement.
«Quoi! ces hommes, d'un Dieu se prétendant l'image,
«L'un par l'autre écrasés, n'écoutent que leur rage!
«Quoi! ces monstres pourront, dans leurs hideux transports,
«Percer de traits aigus les ames et les corps,
«Et viendront nous chanter ces mots, Indépendance,
«Charité, Sainteté, Chasteté, Tolérance!
«Oh! préférons l'horreur de nos punitions
«A ce qu'ont inventé leurs noires passions!
«Souffrons donc qu'un spectacle aux enfers nous retrace
«Les vices que sur terre on envisage en face.
«Craignez-vous que, honteux d'être moqué de nous,
«L'homme ne se corrige?... Ah! tranquillisez-vous;
«Ses mœurs seront toujours criminelles, infâmes,
«Dût-on, chez les mortels, jouer même nos drames.
«Là, qui les jugerait? un famélique essaim,
«Vendant le fiel jaloux qui bouillonne en son sein,
«Dont l'immoralité, ne prêchant que morale,
«Noie honneur et bon sens dans son encre vénale.
«Qui les écouterait? des spectateurs légers,
«Faibles cerveaux, émus par des traits passagers,
«Et de qui la mémoire, en sa marche incertaine,
«Oublie où s'attacha le long fil d'une scène;
«Peu faits pour mesurer par quels puissants efforts
«Vers un seul but profond tendent de grands ressorts.
«Honneur à ce travail! il est digne d'un Diable.
«Craignons que la colère injuste, impitoyable,
«Comme chez les humains, ne dicte nos arrêts,
«Dont l'affront éternel nous flétrisse à jamais.
«Un ouvrage a, par-fois, les beautés qu'on lui nie.
«Gare au sot tribunal qui proscrit le génie!»
A ce mot, ô discorde! ô désordre! ô terreur!
Le cirque est une arène où combat la fureur.
Les princes infernaux lancent dans le parterre
Trente griffons armés, pour terminer la guerre:
La rage s'en accroît; on mugit autour d'eux.
Les Diablesses, fuyant ce spectacle hideux,
Volent, jetant des cris en nocturnes chouettes.
Des loges et du cintre on perce les retraites;
Et se précipitant des plus hauts des balcons
Sur les derniers des bancs roulent mille Démons.
Tous ceux de qui la foudre avait brûlé les ailes,
Titans, demi-roués en leurs chûtes cruelles,
Bondissent en tombant: telle, d'un pesant choc,
Si du sommet d'un mont le temps détache un roc,
Sa masse retentit sur la plaine ébranlée.
Figure, si tu peux, cette horrible mêlée,
O Muse! aide ma vue à mesurer le tour
Du parquet infernal éclairé d'un faux jour,
Plus vaste que ne sont les abymes stériles
Des ardents souterrains, dévorateurs des villes;
Et non moins spacieux que le cercle étoilé
Qu'embrasse un esprit docte, à qui rien n'est voilé;
Hauteur, d'où les humains, bornés dans leurs limites,
Paraissent à son œil des mouches et des mites.
Misérables damnés! votre dernier loisir
S'écoule en ces fureurs promptes à vous saisir:
L'inflexible Destin déja commande aux Heures
De vous rendre aux tourments de vos tristes demeures.
Xiphorane descend, et s'écriant trois fois:
«Anarchie!» Oh! quel monstre apparut à sa voix!
Hydre informe et sans yeux, de ses mains furieuses,
Elle-même abattant ses têtes odieuses,
En nourrit une seule; et d'un bandeau sanglant
Sur ses propres débris la couronne en hurlant:
Cette tête aggrandie, et d'elle encor frappée,
Tombe, et l'hydre renaît de sang toujours trempée.
Tel est le monstre. «Accours, épouse du Chaos,
«Toi qui souffles la guerre, et qui hais le repos,
«Des équitables lois ennemie éternelle,
«Dans tes cent mains, dit-il, que la flamme étincelle.»
L'hydre aveugle l'entend, plane, et d'un vague essor
S'abat des hauts plafonds sur les balustres d'or:
Des décorations la rougeâtre lumière
Allume tout-à-coup sa torche incendiaire.
Sous vingt trombes de feu, piliers, voûtes, lambris,
Croulent sur les démons embrasés et meurtris;
Et, tel qu'un puits sans fond, le gouffre à ces ruines
Ouvre, en les entraînant, ses routes intestines.
Leur immense théâtre en cendres se réduit,
Et ne laisse après soi que le vide et la nuit.
Sauve-moi de leur gouffre, ô Dieu vengeur du crime!
Dieu, pour qui notre monde est un point dans l'abyme!
Théose! être éternel, présent à l'infini!
A tout ce qui se meut ton mystère est uni.
Être que tout ignore, et que pourtant mon ame
Invoque, et sent par-tout quand s'élève sa flamme!
Dieu, principe sans forme, inaccessible à tous,
Créateur des soleils qui rayonnent sur nous,
Auteur de tant de cieux inconnus de la terre,
Tu formas les tissus de la mouche éphémère;
Tu n'as pas négligé le ressort palpitant
De son corps invisible, atôme d'un instant;
Et la moindre vapeur, globule de rosée,
Suit ta loi souveraine aux sphères imposée.
Tout n'est que profondeur qui cache ton pouvoir.
Toi, que j'ose implorer, te puis-je concevoir?
Sais-je ce que je suis? pourquoi j'entends et pense?
Si ton souffle bientôt retire ma présence
Du théâtre vivant où chacun est acteur,
Ah! que de l'ordre au moins un moment spectateur,
Je voie, avant ma mort, l'homme sincère et libre,
Des lois, reines du monde, observer l'équilibre,
Saper du fol orgueil l'édifice abattu,
N'aspirer qu'aux grandeurs de la noble vertu,
Gouverner par Thémis république ou royaume,
Juger d'un œil égal le palais et le chaume,
Ouvrir son toit, son cœur, à l'humble adversité,
Ne plus, d'un joug sanglant, fouler l'humanité,
Enrichir par le fer la seule agriculture,
Paisible conquérant, explorer la Nature,
Et des Arts, du Commerce, étendant le pouvoir,
Envahir hardiment les trésors du savoir!
Dieu! qu'au néant, enfin, rentre l'Hypocrisie,
Qui change en un enfer le trajet de la vie;
Et je rendrai sans peine, au sein de l'univers,
Cette ame qui te cherche, et qui dicta mes vers.
FIN.