La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 2
LV
A L'ABBÉ DE LUBERSAC.
15 mai 1792.
Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit, Monsieur; ce n'est pas faute d'en avoir envie: mais je mène une vie si coupée, qu'il ne m'est pas possible d'écrire comme je le voudrois. Je ne puis vous dire assez combien j'ai été touchée de votre lettre. Le désir que vous me témoignez de me voir réunie à celles qui ont tant de bontés pour moi, m'a fait un grand plaisir; mais il est des positions où l'on ne peut pas disposer de soi, et c'est là la mienne: la ligne que je dois suivre m'est tracée si clairement par la Providence, qu'il faut bien que j'y reste; tout ce que je désire, c'est que vous vouliez bien prier pour moi, pour obtenir de la bonté de Dieu que je sois ce qu'il désire. S'il me réserve encore dans ma vie des moments de calme, ah! je sens que j'en jouirai bien, au lieu de me soumettre aux épreuves qu'il m'envoie! J'envie ceux qui, calmes intérieurement et tranquilles à l'extérieur, peuvent à tous les instants ramener leurs âmes vers Dieu, lui parler, et surtout l'écouter: pour moi, qui suis destinée à tout autre chose, cet état me paroît un vrai paradis.
Si Minette vaut quelque chose, c'est bien à vous qu'elle le devra. J'en ai été contente dans le court séjour qu'elle a fait ici: elle n'est pas heureuse, et c'est une bonne école. Elle a trouvé à Chartres un homme de mérite, à en juger d'après ce qu'elle dit, et en qui elle paroît avoir confiance. Je l'ai fort engagée à le voir souvent; j'espère qu'elle y est exacte.
Je vois avec peine approcher les chaleurs; c'est un mauvais temps pour vous: je désire beaucoup qu'elles soient moins fortes que l'année passée. Adieu, Monsieur: croyez que vos lettres me font un vrai plaisir, et que je serai charmée le jour où je pourrai vous revoir. En attendant, priez Dieu pour nous.
J'ai si peu de temps, qu'il m'est difficile de m'unir aux prières que l'on fait; mais j'y dresserai quelquefois mon intention, pour participer aux grâces qu'elles doivent attirer. Vous voyez que le moi n'est point du tout mort en moi.
LVI
A L'ABBÉ DE LUBERSAC.
22 juin 1792.
Cette lettre sera un peu longtemps en chemin; mais j'aime mieux ne pas laisser échapper une occasion de causer avec vous. Je suis persuadée que vous avez ressenti presque aussi vivement que nous, Monsieur, le coup qui vient de nous frapper[213]; il est d'autant plus affreux, qu'il déchire le cœur, et ôte tout repos d'esprit. L'avenir paroît un gouffre, d'où l'on ne peut sortir que par un miracle de la Providence; et le méritons-nous? A cette demande, on sent tout le courage manquer. Qui de nous peut se flatter qu'il lui sera répondu: Oui, tu le mérites! Tout le monde souffre; mais, hélas! nul ne fait pénitence; on ne retourne point son cœur vers Dieu. Moi-même combien de reproches n'ai-je pas à me faire! Entraînée par le tourbillon du malheur, je ne m'occupois pas de demander à Dieu les grâces dont nous avons besoin; je m'appuyois sur les secours humains, et j'étois plus coupable qu'un autre; car qui plus que moi est l'enfant de la Providence? Mais ce n'est pas tout de reconnoître ses fautes, il faut les réparer; je ne le puis seule, Monsieur: ayez la charité de m'aider. Demandez au Ciel, non pas un changement qu'il plaira à Dieu de nous envoyer quand il l'aura jugé convenable dans sa sagesse; mais bornons-nous à lui demander qu'il éclaire, qu'il touche les cœurs; que surtout il parle à deux êtres bien malheureux, mais qui le seront encore plus si Dieu ne les appelle à lui. Hélas! le sang de Jésus-Christ a coulé pour eux comme pour le solitaire qui pleure sans cesse des fautes légères. Dites-lui souvent: Si vous voulez, vous pouvez les guérir; et démontrez-lui bien la gloire qu'il en tirera. En me lisant, vous allez me croire un peu folle, mais pardonnez à l'excès des maux dont mon âme est atteinte: jamais je ne les ai si vivement sentis. Dieu les connoît; Dieu sait les remèdes qu'il doit appliquer, mais sa bonté permet qu'on lui fasse les demandes dont on a besoin: et j'use, comme vous voyez, de cette permission.
Je suis fâchée de vous écrire dans un style aussi noir; mais mon cœur l'est tellement, qu'il me seroit bien difficile de parler autrement. Ne croyez pas pour cela que ma santé s'en ressente; non, je me porte bien: Dieu me fait la grâce de conserver de la gaieté. Je désire vivement que la vôtre se conserve; je voudrois la savoir meilleure; mais comment l'espérer avec votre sensibilité? Rappelons-nous qu'il est une autre vie, où nous serons amplement récompensés des peines de celle-ci, et vivons dans l'espoir de nous y réunir un jour, après cependant avoir eu encore le plaisir de nous revoir dans celle-ci; car, malgré l'excès de ma noirceur, je ne puis croire que tout soit désespéré. Adieu, Monsieur: priez pour moi, je vous en prie, après avoir prié pour les autres, et donnez-moi souvent de vos nouvelles: c'est une consolation pour moi.
LVII
A MADAME DE RAIGECOURT.
3 juillet 1792.
Depuis trois jours on comptoit sur un grand mouvement dans Paris; mais on croyoit avoir pris les précautions nécessaires pour parer à tous les dangers. Mercredi matin, la cour et le jardin étoient pleins de troupes. A midi, on apprend que le faubourg Saint-Antoine étoit en marche; il portoit une pétition à l'Assemblée, et n'annonçoit pas le projet de traverser les Tuileries. Quinze cents hommes défilèrent dans l'Assemblée, peu de gardes nationaux, quelques invalides; le reste étoit des sans-culottes et des femmes. Trois officiers municipaux vinrent demander au Roi de permettre que la troupe défilât dans le jardin, disant que l'Assemblée étoit gênée par l'affluence, et les passages si encombrés, que les portes pourroient être forcées. Le Roi leur dit de s'entendre avec le commandant pour les faire défiler le long de la terrasse des Feuillants, et sortir par la porte du Manége. Peu de temps après les autres portes du jardin furent ouvertes, malgré les ordres donnés. Bientôt le jardin fut rempli. Les piques commencèrent à défiler en ordre sous la terrasse de devant le château, où il y avoit trois rangs de gardes nationaux; ils sortoient par la porte du pont Royal, et avoient l'air de passer sur le Carrousel, pour regagner le faubourg Saint-Antoine. A trois heures, ils firent mine de vouloir enfoncer la porte de la grande cour. Deux officiers municipaux l'ouvrirent. La garde nationale, qui n'avoit pas pu parvenir à obtenir des ordres depuis le matin, eut la douleur de les voir traverser la cour sans pouvoir leur barrer le chemin. Le département avoit donné ordre de repousser la force par la force; mais la municipalité n'en a pas tenu compte. Nous étions, dans ce moment, à la fenêtre du Roi. Le peu de personnes qui étoient chez son valet de chambre vinrent nous rejoindre. On ferme les portes; un moment après nous entendons cogner: c'étoient Aclocque et quelques grenadiers et volontaires qu'il amenoit; il demanda au Roi de se montrer seul. Le Roi passa dans sa première antichambre. Là, M. d'Hervilly vint le joindre avec encore trois ou quatre grenadiers qu'il avoit engagés à venir avec lui. Au moment où le Roi passoit dans son antichambre, des gens attachés à la Reine la firent rentrer de force chez son fils. Plus heureuse qu'elle, je ne trouvai personne qui m'arrachât d'auprès du Roi. A peine la Reine l'étoit-elle, que la porte fut enfoncée par les piques. Le Roi, dans cet instant, monta sur des coffres qui sont dans les fenêtres; le maréchal de Mouchy, MM. d'Hervilly, Aclocque et une douzaine de grenadiers l'entourèrent. Je restai auprès du panneau, environnée des ministres, de M. de Marsilly et de quelques gardes nationaux. Les piques entrèrent dans la chambre comme la foudre; ils cherchoient le Roi, surtout un, qui, dit-on, tenoit les plus mauvais propos. Un grenadier rangea son arme en disant: Malheureux! c'est ton Roi! Ils se mirent en même temps à crier: Vive le Roi! Le reste des piques répondit machinalement à ce cri; la chambre fut pleine en moins de temps que je n'en parle, tous demandant la sanction et le renvoi des ministres. Pendant quatre heures, le même cri fut répété. Des membres de l'Assemblée vinrent peu de temps après; MM. Vergniaux et Isnard parlèrent fort bien au peuple pour leur dire qu'ils avoient tort de demander ainsi au Roi la sanction, et les engagèrent à se retirer; mais ce fut comme s'ils ne parloient pas. Ils étoient bien longtemps avant que de pouvoir se faire entendre; et à peine avoient-ils prononcé un mot, que les cris recommençoient. Enfin Pétion et des membres de la municipalité arrivèrent; le premier harangua le peuple, et, après avoir loué la dignité et l'ordre avec lequel il avoit marché, il l'engagea à se retirer dans le même calme, afin que l'on ne pût lui reprocher de s'être livré à aucun excès dans une fête civique. Enfin, le peuple commença à défiler. J'oubliois de vous dire que, peu de temps après que le peuple fut entré, des grenadiers s'étoient fait jour et l'avoient éloigné du Roi. Pour moi, j'étois montée sur la fenêtre du côté de la chambre du Roi. Un grand nombre de gens attachés au Roi s'étoient présentés chez lui le matin; il leur fit donner ordre de s'éloigner, craignant la journée du dix-huit avril. Je voudrois m'étendre là-dessus; mais, ne le pouvant, je me promets simplement d'y revenir; tout ce que je puis dire, c'est que celui qui a donné l'ordre a bien fait, et que la conduite des autres est parfaite. Mais revenons à la Reine, que j'ai laissée entraînée malgré elle chez mon neveu; on avoit emporté si vite ce dernier dans le fond de l'appartement, qu'elle ne le vit plus en entrant chez lui; vous pouvez imaginer l'état de désespoir où elle fut. M. Hue, huissier, et M. de Vincent, officier, étoient avec lui; enfin on le lui ramena. Elle fit tout au monde pour rentrer chez le Roi, mais MM. de Choiseul et d'Haussonville, ainsi que nos dames qui étoient là, l'en empêchèrent. Un moment après, on entendit enfoncer les portes: il n'y en avoit plus qu'une que le peuple ne put trouver; et trompé par un des gens de mon neveu, qui lui dit que la Reine étoit à l'Assemblée, il se dispersa dans l'appartement. Pendant ce temps-là, les grenadiers entrèrent dans la chambre du conseil: on la mit, et les enfants, derrière la table du conseil; les grenadiers et d'autres personnes bien attachées l'entourèrent, et le peuple défila devant elle. Une femme lui mit le bonnet rouge sur la tête, ainsi qu'à mon neveu. Le Roi l'avoit presque du premier moment. Santerre, qui conduisoit le défilé, vint la haranguer, et lui dit qu'on la trompoit en lui disant que le peuple ne l'aimoit pas; quelle l'étoit, et qu'il l'assuroit qu'elle n'avoit rien à craindre. «L'on ne craint jamais rien, répondit-elle, lorsque l'on est avec de braves gens.» En même temps, elle tendit la main aux grenadiers qui étoient auprès d'elle, qui se jetèrent tous dessus. Cela fut fort touchant.
Les députés qui étoient venus étoient venus de bonne volonté. Une vraie députation arriva et engagea le Roi à rentrer chez lui. Comme on me le dit, et que je ne voulois pas me trouver rester dans la foule, je sortis environ une heure avant lui; je rejoignis la Reine, et vous jugez avec quel plaisir je l'embrassai. J'avois pourtant ignoré les risques qu'elle avoit courus. Le Roi rentré dans sa chambre, rien ne fut plus touchant que le moment où la Reine et ses enfants se jetèrent à son cou. Des députés qui étoient là fondoient en larmes: les députations se relevèrent de demi-heure en demi-heure, jusqu'à ce que le calme fût rétabli totalement. On leur montra les violences qui avoient été commises. Ils furent tous très-bien dans l'appartement du Roi, lequel fut parfait pour eux. A dix heures, le château étoit vide, et chacun se retira chez soi.
Le lendemain, la garde nationale, après avoir montré la plus grande douleur d'avoir eu les mains liées, et d'avoir vu devant ses yeux tout ce qui s'étoit passé, obtint de Pétion l'ordre de tirer. A sept heures, on dit que les faubourgs marchoient: la garde se mit sous les armes avec le plus grand zèle. Des députés de l'Assemblée vinrent de bonne volonté demander au Roi s'il croyoit qu'il y eût du danger, pour qu'elle se transportât chez lui. Le Roi les remercia. Vous verrez leur dialogue dans tous les journaux ainsi que celui de Pétion, qui vint dire au Roi que ce n'étoit que peu de monde qui vouloit planter un mai[214].
[La lettre jusqu'à cet alinéa est de main étrangère; le dernier paragraphe est seul de la main de Madame Élisabeth.]
Comme je savois que la duchesse de Duras t'avoit donné de mes nouvelles, et que je n'ai pas trouvé un instant pour t'écrire, je ne me suis pas trop tourmentée; aujourd'hui même, je n'ai qu'un moment. Nous sommes jusqu'à ce moment tranquilles; l'arrivée de M. de La Fayette fait un peu de mouvement dans les esprits. Les Jacobins dorment. Voilà le détail de la journée du 20. Adieu, je me porte bien, je t'aime, je t'embrasse, et suis bien aise que tu ne te sois pas trouvée dans cette bagarre.
LVIII
A MADAME DE RAIGECOURT.
Ce 8 juillet 1792.
Il faudroit vraiment toute l'éloquence de madame de Sévigné pour rendre tout ce qui s'est passé hier; car c'est bien la chose la plus surprenante, la plus extraordinaire, la plus grande, la plus petite, etc., etc. Mais heureusement l'expérience peut un peu aider la compréhension. Enfin, voilà les Jacobins, les Feuillants, les Républicains, les Monarchistes, qui, abjurant tous leurs discordes, et se réunissant près de l'arbre inébranlable de la Constitution et de la liberté, se sont promis bien sincèrement de marcher la loi à la main, et de ne pas s'en écarter[215]. Heureusement, le mois d'août s'approche, moment où toutes les feuilles étant bien développées, l'arbre de la liberté présentera un ombrage plus sûr. Notre ville est tranquille et le sera pour la fédération. Je tremble qu'il n'y ait quelque cérémonie religieuse: tu connois mon goût pour elles: demande à Dieu, mon cœur, qu'il me donne force et conseil. Adieu; je t'embrasse et t'aime de tout mon cœur.
NOTES, DOCUMENTS
ET
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
I
LETTRE ÉCRITE DE PARIS PAR M. REPIQUET,
Fédéré d'Autun, district d'Autun, département de Saone et Loire, à M. Repiquet, son frère, citoyen audit Autun, sur les événements du 10 août 1792, l'an 4 de la liberté. Imprimée aux frais de la Société, des Amis de la Constitution de ladite ville.
Mon fraire, mon cher ami,
Je ne peut pas atantre que les chose soit terminé pour tan faire par, ainsi qua toute la société des ami de la constitussion d'Autun, qui sont mes fraire, que jesper que tu voudra bien leur témogné la fraternité qui ne finira qua la mort envair moi. Je te fait par de la bataille que nous avont u yaire vendredi dix aoust, comme je te lavais promis, que je ne quiterais Paris que quant le coup serait porté; mais se coup ne sera jamais houblié, car il doit aitre ymmortelle.
Ci je te parle, croit que c'est un raive; si j'éxiste, c'est que la mort n'a pas voulu de moi. Mon ami, je te diré que la nuit du neuf au disse, nous somme sorti des Jacobin à minuit, ayant les hordre de nos commissair.
Lhordre était de nous transporter tous les fédérés, les un au faubourgt St. Entoine, et les autre au Cordelié ou sont les Marsaillois; les autre dans les section les plus patriote, de fasson que nous avons passé cette maime nuit sans panser à dormir. Pour conquir sa liberté, il ne faut plus panser de fermé les yeux, au contraire, il faut les ouvrire, et avoir de bonnes aureille. Moi qui ne connais pas assés les section de Paris, je messuis transporté de suite avecque quelques un des jeune gens d'Autun, dans le bataillon de Marsaille, comme javais ma confiance en eux. Les fédérés de Nime, de Monpeillé, de Macon, nous nous somme tous joint, de fasson que nous nous somme trouvé aux environ de trois bataillon, tous desterminé à périre pour conquir la liberté. Nous lavons juré, nous la soutiendront: aprest nous, nos enfant prendront vengensse, et ils trionferont. Pour moi, mon ami, jétais chef de ploton, quand nous avons entré au tuillerie, il li en avait quelqun qui ne se soussiest pas di entrer, parce que les bal commensait desja a pleuvoir; pour les en courager dantrer, je leur ai dit courage mes enfent, ce nest pas sur nous quon tire.
Je neu pas prononsé ses mot quil en tomba catorse de mon ploton, et moi surpri de me voir qua trois de ma section, les gueux nous on tiré a mitraille, car ils croyoit nous faire reculer et doné la terreur au peuple. Mais des fédéré qui on juré devant leur munisipalité respective, qui sacrifirait leur sanc, leur fortune, pour la deffance de la patrie, ne peuve pas reculer. Nous ne pouvous pas mourire pour la plus bel cose, et moi comme tu sai qui suis acoutumé de mourir, je ni pansait pas.
Je nés pas encore vu tous les jeune gensse d'Autun; je les cherche tous les jour, tout ce que jan sait, quil se sont bien montré et bien ardie au feu: il ni a que Mersié de blessé dans une main, je ne sai sil en sera extropié. Je cherché dans les cor mort si je ne trouverai pas le petit Migniot, frère du charpantier de Marchau, que lon ma dit avoir été tué dans la compagni de Monpellié; mais il ma été impossible dans navoir de nouvelle. Comme nous étion tous séparés, il ni avait pas possible que nous fussion dans la maime compagnie, dhalleur il n'est pas possible de reconnaître personne dans les mort. On fait nombre de quatre mille, san conté que la riviere en est presque plaine, on dirait du bois a flotter. Le chatau des tuillerie brule toujours trai fort, le feu ne peut si éteindre, car sest un enfaire. Les diable son sorti et demande pardon au peuple; mais le peuple courageux et plaint de bonté, a méprisé ses demon, et les a lessé alé à leur malheureu sor. Le cheffe des diable avec proserpine se sont sauvé avec leur famille, dans l'assemblé nationalle ou on a commi que des péché mortelle; comme tu voi qui se ressemble sasemble. Il navais pas malle choisi, car il avait choisi des homme abillé de rouge, appelés Suisse, pour desfendre les crime qu'il comaitait dans ces enfair.
Enfin, mon ami, nous étion plus de cinq cent mille soldat commandé par le dieux de lunivert, nous ne lavons pas vu, mais nous lavon entendu; il a parlé dans nos cœur, nous étion tous fraire. Des charbonier, des masson, des porte fait, en généralle de toute les langue, nous navion que le maime langage; nous nous embrassion tous, et nous ne fesion qune maime famile. Jés étés mangés par des charbonnié et par baucoup douvrier, de sorte qu'il manbrassait. Enfin mon cher ami il li a eu des section de Paris qui ont tiré sur nous comme sur des lou garou, mais nous les avons baré par la rue de Grenelle et de la section des grenadier des file St. Thomas. Jan on compté 48 étandu, entrautre le capitaine qui étais d'une grosseur a faire peur a un enfant trouvé; on voyoit bien que ce bougre navais été nourie quau chatau des tuillerie, car il ni a que des cochon de cette espaisse. On ne veut pas dire combien ce qui li a de mort, car cest tairible: ce nest pas fini, car il ni a point de nosse quil ni ai de landemain. Aujourdhui jé vu couper au moins trois cent taite; on jette les corp dans la rivier, et porte les taite. On ne fini pas; tous les aristocrate i passeront: on prent leur non en écri, et il y a des comissaire pour montrer leur maison. Mais, mon ami, je te prie de faire par à tous les patriote DE FAIRE COULER DU SANG LE MOINS QU'IL SERA POSSIBLE dans notre pays, peut aitre que ces gensse ecaré ne tarderont pas à vous demandés pardon: nessités pas à les pardonner, mais faitte leur sentir quil sont dans la poussier; Paris leur doit doner exemple.
Toute la cavallerie étais pour nous et l'infanterie, mais il li en a eu baucoup de tué par les section aristocrate. Il ni a plus daristocrate à Paris, tous crie vive la nation; mais il ne faut pas si fié que quant nous en auront curé le ny. A linstant que je técri, on bat la généralle de toute par. Je fini vite en courant dans mon bataillon qui sont les Marsaillois. Les misérable ont perdu 150 homme, tant tué que blaissé, jé vu faire lapelle. Mon amie, tu sai que je né point d'ortograffe, et que je ne sé point faire de frase, mais au moin il me raiste que je parle de cœur en jurant de vivre libre ou mourir.
Poste scriptome.
Je te diré quil métait arrivé davoir desja tué un Garde du Roi, près le pallais royale, et un autre le bras, qui na pas mieux vécu que le premier, car il avait lalter coupé, pour avoir dit vive le Roi, et merde pour la nation. Il li a un trop lon destaille pour tans faire par; tu le saura par les Autunois.
Jés tué quatre Suise dans les cavau des tuillerie, quil sestais cachés derrier des taunaux: il était comme des lievre caché. Le premier je lui ai coupé un bras, ausito une femme la porté au bout d'une pique. Pour ten dire davantage je ne peut; tout ce qui li a, que nous en avons tué soixante traise dans les cavos. Actuelment on peut me tué quent on voudra; jé tué le nombre que je demandais auparavant; mais puisque ji suis, il ne me turont quen ma présence.
A AUTUN, DE L'IMPRIMERIE DE P. P. DE JUSSIEU, 1792.
II
COMMUNE DE PARIS.
Le 20 octobre 1792, l'an 4e de la liberté, 1er de la République française, et 1er de l'égalité.
SECRÉTAIRE-GREFFIER.
Je joins ici, Citoyens, une lettre adressée à Madame Élisabeth, dont ce renvoy par devers vous a été arrêté par le conseil général de la Commune.
Je vous prie de m'en accuser réception.
Les citoyens membres de la Convention nationale et composant la commission des 24.
Notre sœur Élisabeth,
Prenez votre chapelet,
Il sera la victoire,
Toute pleine, de gloire.
Commencés, par la Croix,
C'est le signe, des Roys,
Jésus, fils de Marie,
Ditte, qu'il vous marie,
Avec le Roy François,
Oh Dieu quelle joye.
N'est-ce pas un bon souhait?
Voilà une bonne proye.
Rions, chantons cette fois,
L'amour a fait son employe.
———
Je t'ay vu, mon Citron,
Dans la Loire, en plongeon;
Bien nager quelle gloire?
Estre mis dans l'histoire.
Ah le brave Français,
Je ne suis point Anglais,
Parti pour l'Allemagne?
Oui voilà ma campagne.
Traître, grand ennemi,
Trop infidèle ami!
Contre nous porter arme!
Quelle plus triste allarme!
J'aime le Roy François.
Comme moy donc, franc sois.
Citron est le chien du prince Louis, que j'ay vu en passant à Tours. Il s'amusoit avec luy, à le faire nager dans la Loire. J'ay fait ce petit sonnet à sa gloire. A ce titre, s'il pouvoit vous recréer un moment, je m'en féliciterois: et ma joye iroit de pair avec le respect dans lequel je suis pleinement,
Madame,
7 octobre 1792.
A Madame, Madame Élisabeth, dans le Temple, rue du Temple, à Paris.
Madame Élisabeth dit dans une de ses lettres qu'elle était effrayée de l'ignorance du bas clergé: elle avait bien raison. B.
III
Après avoir esquissé, au livre huitième de cette histoire, la distribution intérieure de l'édifice du Temple, essayons de donner une idée générale de sa physionomie extérieure, un aperçu du personnel commis à sa garde et des dispositions prises par l'autorité républicaine.
A la grande porte de la rue du Temple était un portier nommé Darque, naguère bedeau du grand prieuré, homme simple et bon, qui n'avait pas la prétention de descendre du même sang que la glorieuse vierge d'Orléans, quoique souvent cette consonnance de noms lui attirât des plaisanteries grossières. Serviteur sexagénaire de l'hôtel de Conti, il avait été surpris par la Révolution dans l'exercice de ses fonctions paisibles et dans la quiétude de ses vieux jours. Du reste, il comprenait peu les choses qui se passaient alors sous ses yeux, et c'était un grand bienfait de la Providence; les vicissitudes qui entraînaient les hommes et les choses lui avaient laissé un abri sous le toit où il avait vieilli, et cela lui suffisait; il se regardait comme étant partie intrinsèque du Temple.
Dans la loge de Darque pendait un cordon à sonnette correspondant par un fil de fer à l'intérieur de la salle du conseil, située, dès le premier jour de la détention du Roi dans l'intérieur du palais du Temple, et, à dater du 8 décembre, au rez-de-chaussée de la grosse tour. Un nombre de coups convenu révélait aux officiers municipaux préposés à la garde du Temple la nature des messages ou l'importance des visiteurs. Un carillon prolongé annonçait la venue d'une autorité supérieure. A ce bruit, les municipaux venaient eux-mêmes reconnaître les personnages puissants et les introduire, s'il y avait lieu. Ces membres de la Commune furent d'abord au nombre de huit, jour et nuit de service dans l'intérieur du Temple, un près de Louis XVI, un près de Marie-Antoinette, et les six autres composant le conseil de la garde du Temple. Deux couchaient dans l'antichambre du Roi et deux dans celle de la Reine, les quatre autres dans la chambre du conseil. Ces huit commissaires, dont le service durait pendant quarante-huit heures, se renouvelaient chaque jour quatre par quatre, désignés par le sort dans le conseil de la Commune. Étant de service auprès des prisonniers, ils étaient tenus de ne répondre qu'aux questions vagues et sans importance qu'on leur faisait, et le plus laconiquement possible.
A droite et à gauche, dans la cour, s'élevaient plusieurs corps de bâtiment affectés à différents services; à droite, était l'appartement de Jubaud, ancien concierge du palais; le nouvel économe, du nom de Coru, occupa une partie de ce logement.
Dans le bâtiment de gauche, faisant face à l'habitation de Coru, demeurait l'ancien suisse du château du Temple, nommé Gachet, protégé de M. le comte d'Artois, vieux débris, comme Darque, de cet ancien régime sous lequel on buvait et l'on chantait, sans prévoir quel terrible visiteur viendrait briser les verres et interrompre les chansons. Les orages du temps avaient quelque peu assombri l'humeur joviale du vieux Gachet, mais ils n'avaient pas dérangé l'antique habitude qu'il avait prise de vendre à boire à ses voisins. Depuis 1784 sa petite industrie était exploitée par un vieux célibataire nommé Lefèvre; assez étranger au grand drame qui se jouait sous ses yeux, Lefèvre ne voyait dans le passage au Temple des officiers municipaux et de la force armée, qu'une chance heureuse pour son commerce, et, sans souhaiter malheur à la famille royale dont il avait reçu les bienfaits, il acceptait volontiers un état de choses qui achalandait son cabaret. La triste humanité est ainsi faite; quand on n'est pas soutenu par un sentiment plus haut, on juge l'histoire générale au point de vue de sa propre histoire. On s'assemblait chez le père Lefèvre pour savoir ce qui se passait, pour converser sur les affaires du jour: c'était le rendez-vous des nouvellistes du voisinage.
A gauche également, et sous le même toit que la buvette du père Lefèvre (car c'est ainsi qu'on appelait cet établissement), se trouvaient les cuisines qui alimentaient non-seulement les prisonniers, mais les commissaires de la Commune, les officiers, et dans la suite le poste tout entier de la force armée; enfin tous les employés tenus par leur service à ne pas sortir du Temple.
Le palais ou château faisait face à la porte d'entrée et fermait dans toute sa largeur la première cour. Dans le château était le grand poste du Temple. Il résulte des états journaliers du service de cette époque, que la garde du Temple se composait de: 1 commandant général, 1 chef de légion, 1 sous-adjudant général, 1 adjudant-major, 1 porte-drapeau, 20 artilleurs, 2 pièces de canon, et formait, avec les gardes nationaux, en y comprenant les officiers et sous-officiers, un effectif de deux cent quatre-vingt-sept hommes. Cette garde était fournie chaque jour au Temple tour à tour par les huit divisions de la garde nationale parisienne. Après la mort du Roi, cet effectif fut réduit à deux cent huit hommes, y compris quatorze canonniers.
On entrait au jardin par l'intérieur du château: ce fut pour obvier à cet inconvénient que, d'après l'ombrageuse inspiration de la Commune et sous sa surveillance sévère, le patriote Palloy (on ne le nommait jamais sans cette qualification) éleva plus tard, au milieu de l'espace qui séparait le château de la tour, un gros mur qui forma ainsi une nouvelle cour entre le château et le jardin.
Ce nouveau mur avait deux portes, l'une charretière, fermée par une forte cloison de chêne, garnie de barres de fer et de verrous, et que l'on ne pouvait ouvrir sans le concours de deux guichetiers, possesseurs chacun d'une clef différente.
La seconde porte, à gauche et tout à côté de la première, consistait en un guichet étroit; deux clefs étaient également nécessaires pour en opérer l'ouverture; ces clefs étaient aux mains de deux hommes dont les loges étaient situées à côté de ces deux portes, l'une en dedans, l'autre en dehors. Un fil de fer et une double sonnette ralliaient ces deux cases à travers le mur. Les deux guichetiers passaient là les jours et les nuits sans interruption aucune, dérangés à toute minute, dépendant l'un de l'autre, et condamnés, comme Sisyphe, à une action continuelle. L'un de ces suppliciés s'appelait Richard, l'autre Mancel.
Dès qu'on avait franchi ces portes, tous les bâtiments contigus à la tour ayant été démolis, le sombre édifice, dépositaire des débris de la royauté, apparaissait dans sa libre tristesse, dégagé de toutes parts, et renfermé, avec quelques bouquets d'arbres, entre quatre murailles nues. Son complet isolement lui imprimait encore un caractère plus religieux et plus redoutable. A ses angles, quatre tourelles rondes élançaient leurs toits aigus, que dominait de sa masse imposante le pignon également aigu du donjon. L'œil ne retrouvait dans leurs girouettes découpées à jour aucunes traces d'armoiries; aucun cartouche de pierre n'indiquait non plus, au-dessus de la porte d'entrée, la féodalité des âges de foi: le passage des templiers n'y était pas inscrit; les écussons des grands maîtres n'étalaient point leurs émaux sur un portail guilloché. Tout le monument était grave et empreint de la physionomie des temps guerriers, mais n'ayant rien d'épique ni de romanesque dans son architecture simple et sévère, dépouillée de ces belles fantaisies, de ces images capricieuses que le moyen âge taillait dans la pierre.
Depuis que, veuf de ses nobles hôtes, veuf aussi de son arsenal et de ses trophées, il avait, silencieux, servi d'asile à de poudreuses archives, une sombre mélancolie planait sur lui et semblait annoncer qu'il devait un jour servir de prison. On sentait, en effet, en le regardant, qu'absente à l'extérieur, la gaieté ne pouvait habiter le dedans, et que la main de l'adversité devait seule pousser des habitants dans une telle demeure. Théâtre parfaitement approprié à la terrible tragédie qui allait s'y accomplir, l'architecte, en le faisant si lugubre, semblait l'avoir prédestiné à l'usage qu'il venait de recevoir.
Voici l'état nominatif de toutes les personnes employées à la bouche et à la sûreté de la maison du Temple pendant les premiers temps de la captivité de la famille royale. Nous mettons en regard le traitement qui leur était alloué.
| Gagnié[216], chef de cuisine | 4,000 | fr. par an. |
| Remy, chef d'office | 3,000 | — |
| Maçon, second chef d'office | 2,400 | — |
| Nivet, pâtissier | 2,100 | — |
| Meunier, rôtisseur[217] | 2,400 | — |
| Mauduit, argentier, homme du garde-manger | 2,400 | — |
| Penaut, garçon de cuisine | 1,500 | — |
| Marchand[218], garçon servant | 1,500 | — |
| Turgy[219], id. | 1,500 | — |
| Chrétien[220], id. | 1,500 | — |
| Guillot, garçon d'office | 1,200 | — |
| Adrien, laveur | 1,200 | — |
| Fontaine, garçon pour le service de la bouche | 600 | — |
| Tison, au service de Marie-Antoinette, d'Élisabeth, et de la fille d'Antoinette | 6,000 | — |
| La femme dudit Tison (Anne-Victoire Baudet) | 3,000 | — |
| Mathey, concierge de la Tour | 6,000 | — |
| Rocher, guichetier | 6,000 | — |
| Risbey, id. | 6,000 | — |
| Richard-Fontaine[221], gardien du guichet entre le Château et la tour | 3,000 | — |
| Mancel[222], d'abord balayeur, depuis collègue de Richard-Fontaine, aux gages de | 1,000 | — |
| Le Baron[223], concierge et gardien des scellés | 2,000 | — |
| Le Baron, porte-clef | 1,200 | — |
| Jérôme[224], id. | 1,200 | — |
| Gourlet[225], id. et garçon du conseil | 1,200 | — |
| Angot[226], scieur de bois | 1,000 | — |
| Vincent-Petit Ruffon, scieur et porteur de bois | 1,200 | — |
| Herse, id. | 1,000 | — |
| Jean Quenel, commissionnaire | 1,000 | — |
| Danjout, perruquier | 600 | — |
| Roekenstroh[227], surveillante de la lingerie | 1,000 | — |
| Roekenstroh, commis de l'économe (âgé de 15 ans et demi) | 1,000 | — |
| Darque, portier à la grande porte | 1,500 | — |
| Picquet[228], portier des écuries | 600 | — |
Ce nombreux personnel fut successivement modifié et diminué; les traitements, qui tous étaient imputés sur le fonds de 500,000 francs décrété le 12 août 1792 pour la dépense du Roi et de sa famille, furent réduits; les abus qui s'étaient glissés dans une première organisation furent redressés par l'autorité; plusieurs employés furent destitués, d'autres remplacés. C'est ainsi que dès le 12 décembre 1792 Rocher et Risbey furent renvoyés; que Guillot, Adrien et Fontaine furent remplacés par Caron, Lermuzeaux et Vandebourg; que plus tard, le 13 octobre 1793, Turgy, Chrétien et Marchand furent congédiés; que Coru, l'économe qui avait pris la place de Jubaud, fut contraint de la donner à Lelièvre; et que celui-ci, compromis par des dénonciations, la perdit un instant, la reprit, et finit par la céder à Liénard. C'est sous ce dernier, en fructidor an II, que les grandes réformes furent opérées. Liénard en donna lui-même l'exemple, en proposant de restreindre son propre traitement à 3,000 francs. Gagnié fut remercié et remplacé par Meunier.
Un document indique aussi que Monnier, porte-clefs en chef de la tour (qui ne fut, à ce qu'il semble, employé que peu de temps en cette qualité, car son nom ne figure même pas sur les contrôles), avait été, sur la proposition de l'économe Lelièvre, remplacé par Gourlet le 1er ventôse an II.
IV
Mémoire de madame Marie Antoinette,
Pare Sainte Foy dite Breton couturier.
Du 27 janvier 1793.
Bon pour cent quarante-neuf livres dix sols.
Mémoire des fournitures d'étoffe de soye faites pour le service de Marie-Antoinette.
Par Le Normand, marchand à Paris.
| Livré à mademoiselle Bertin: | ||||
| Mars. | 6 aunes fleuret noir large à 9# | 54 | # | |
| 2 voile noir a 3 | 6 | |||
| 28... | Livré à madame Chaumet: | |||
| 21 aunes double florence noir à 6 10 | 136 | 10 | ||
| Livré à madame Le Breton: | ||||
| 11 aunes fleuret noir large à 10 | 110 | |||
| 5 aunes ½ tafétat noir première qualité à 12. | 66 | |||
| 2 aunes ½ florence noire à 6 10 | 16 | 5 | ||
| 388 | 15 | |||
Memoire de madame Élisabeth,
Pare Sainte Foy dite Breton couturier.
Du 27 janvier 1793...
| Une redingotte chemise de florence noire hoittés | 30 | # | |||
| Fournie la hoitte | 5 | ||||
| Fournie du bougrand pour le collet | 2 | 10 | s. | ||
| Fournie les rubans et bouton | 6 | ||||
| Fournie les ballene | 6 | 10 | |||
| Un pierrot de fleures grand deüille | 24 | ||||
| Fournie les rubans et bouton | 6 | ||||
| Fournie les ballene | 6 | 10 | |||
| Le 29 déshoittés la robe de florence noire | 15 | ||||
| Faitte deux jupon de tafetas dHithaly noire | 12 | ||||
| Fournie les rubans | 2 | ||||
| Le 4 avrille refaite un pierrot et remis des manches neuf | 15 | ||||
| Fournie une aune de fleürés pour manche à 9#, f. | 9 | ||||
| Plus une aune de florence pour doublure à 6# 10 s. | 6 | 10 | |||
| Fournie les rubans pour le jupon et pierrot | 6 | ||||
| Fournie les ballene | 6 | 10 | |||
| Le 13 une redingotte chemise de florence noire | 30 | ||||
| Fournie du bougrand pour le collet | 2 | 10 | |||
| Fournie les rubans | 6 | ||||
| Fournie les ballene | 6 | 10 | |||
| Fournie les bouton | 1 | 4 | |||
| Total | 204 | # | 14 | ||
Bon pour cent quarante livres dix sols.
Barbier et Tétard, marchands de toutes sortes d'étoffes de soies d'or et d'argent, à la Barbe-d'Or, rue des Bourdonnois, au coin du cul-de-sac, vis-à-vis la rue de la Limace, à Paris.
Du 26 mars 1793.
Certifié véritable et conforme à mon livret le présent mémoire montant à soixante et trois livres dix sols. Paris, le 4 avril 1793.
Barbier et Tétard, marchands de toutes sortes d'étoffes de soie d'or et d'argent, à la Barbe-d'Or, rue des Bourdonnois, au coin du cul-de-sac, vis-à-vis la rue de la Limace, à Paris.
Du 4 avril 1793.
| Fourni à Élisabeth Capet: | ||||||||||
| 22 aunes florence noir. | 6 | 10 | s. | 143 | # | » | ||||
| 10 — fleuret noir. | 11 | » | 110 | » | ||||||
| 6 aunes ½ taffetas noir. | 11 | » | 71 | 10 | ||||||
| Total. | 324 | # | 10 | |||||||
Certifié véritable et conforme à mon livret le présent mémoire montant à trois cent vingt-quatre livres dix sols. Paris, le 4 avril 1793.
(Archives de l'Empire, carton E, no 6,207.)
V
Mémoire des médicaments fournis au Temple pendant le mois de may, pour Marie Antoinette, ses enfants et sa sœure, par le citoyen Robert apothicaire authorisé par la commune et par les ordonnances du citoyen docteur Thiery.
Memoire des medicaments fournis au Temple pendant le courant du mois de juin, pour Marie Antoinette, ses enfants et sa sœure, par le citoyen Robert apothicaire authorisé par la commune et par ordonnance du citoyen docteur Thiery.
| Pour le fils de Marie Antoinette: | ||||||
| 1793. Juin 1er. Une bouteille de petit lait clarifié | 1 | |||||
| 2. 3. 4. 5. Chaque jours le petit lait réitéré | 4 | |||||
| Plus fournis un thermometre pour les bains | 4 | |||||
| 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. Chaque jouis une bouteille de petit lait | 7 | |||||
| 13. | Un bouillon médicinal fait au bain marie, composé avec cuisses et reins de grenouilles, avec addition de sucs de plantes, et terre folliée minérale | 5 | ||||
| 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Chaque jours le bouillon réitéré | 35 | |||||
| 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. Chaque jours le bouillon idem. | 50 | |||||
| Pour Marie Thérèse Charlotte, fille de Marie Antoinette. | ||||||
| Juin 1er. | Un bouillon médicinal fait au bain marie (composé avec sucs de plantes, sel de Glauber, etc.) | 4 | ||||
| 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Chaque jours le bouillon réitéré. | 28 | |||||
| Plus douze onces d'eau de roses. | 3 | |||||
| 9. 10. 11. 12. 13. Chaque jours le bouillon. | 20 | |||||
| 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Chaque jours le bouillon réitéré | 28 | |||||
| 189 | # | |||||
Memoire des medicaments fournis au Temple pendant le mois de juillet pour Marie Antoinette, ses enfants et sa sœure par le citoyen Robert apothicaire, authorisé par la commune et par ordonnances du citoyen docteur Thiery.
(Archives de l'Empire, série E, no 6207.)
VI
DÉTAILS DE LA CONDUITE DU CITOYEN LOMÉNIE
Depuis le 1er mai 1789 jusqu'à ce jour.
Au 1er mai 1789 j'étais à Paris, où je remplissais tous les devoirs d'un bon citoyen; j'en suis parti le 18 juin de cette année pour Brienne; je n'ai cessé d'y annoncer à mes concitoyens une révolution qui devait les rétablir dans leurs droits et faire un jour leur bonheur. Je n'ai cessé de prendre à tous les événements publics la part que tout bon patriote devait prendre; j'ai envoyé la plus grande partie de ma vaisselle, j'ai payé mes dons patriotiques; enfin l'établissement des assemblées primaires et des municipalités ayant été décrété, mes concitoyens me connaissant, me rendant justice depuis longtemps, me proposèrent d'être maire; je l'acceptai avec reconnaissance, en leur disant en même temps que s'ils avaient plus de confiance en quelque autre, je les priais de le choisir; que je me verrais avec le même plaisir un de leurs concitoyens sans charge, et que je n'acceptais celle qu'ils me proposaient que par l'espoir de pouvoir leur être utile et leur donner des preuves de mon attachement. Je fus élu maire à l'unanimité; je fus également électeur, et depuis ce moment jusqu'à ce jour je n'ai cessé d'être maire et de recevoir chaque jour des marques de la confiance de mes concitoyens. Je ne suis pas sorti de Brienne jusqu'au mois de décembre 1791, que pour aller passer de temps en temps trois ou quatre jours à Sens et trois fois en 1790, et deux autres en 1791, pour aller passer à Paris trois ou quatre jours chaque fois, en 1790. J'y ai passé un mois au mois de janvier. Au mois de décembre 1791 j'ai été à Paris et j'y suis resté jusqu'au mois de mai 1792, que je suis revenu à Brienne. Au mois de novembre précédent, lors du renouvellement des municipalités, je représentai à ma commune que devant aller à Paris où j'avais affaire, si elle pensait que mon voyage fût incompatible avec les fonctions de ma place de maire, je la priais de ne pas m'y réélire. Elle s'y refusa constamment, me réélut de nouveau, et pendant mon séjour à Paris j'ai fait deux ou trois petits voyages à Brienne pour venir remplir quelquefois les fonctions de ma place. Depuis le mois de mai 1792 jusqu'à ce jour je ne suis pas sorti de Brienne que pour aller quelquefois à Sens, voir trois fois ou quatre fois mon malheureux frère, qui vient de mourir victime des mauvais traitements que lui ont fait éprouver des hommes qui n'en méritent pas le nom; j'ai fait tous les dons patriotiques demandés, et bien au delà. Lors de l'invasion de l'ennemi jusqu'à Châlons, à quinze lieues de Brienne, je n'ai cessé d'exciter tous mes concitoyens à voler au secours de la patrie. Leur bonne volonté ayant été arrêtée par les ordres venus de n'envoyer que des hommes armés, j'ai engagé à mes dépens plusieurs citoyens, j'ai contribué à leur équipement, armement, et j'ai établi une correspondance avec nos armées pour avoir des nouvelles; mes chevaux ont été employés à cet usage et au service de la gendarmerie nationale et à des patrouilles continuelles pour surveiller les malveillants; ils l'ont été au transport des vivres et des fourrages. Je n'ai cessé d'exercer jour et nuit mes fonctions avec zèle et activité, et mes concitoyens me rendront sur cet objet la justice qui m'est due.
Depuis, je n'ai cessé d'exciter le zèle de mes concitoyens pour entrer au service de la patrie, j'en ai engagé près de vingt à mes dépens, et donné des gratifications aux autres; tous mes chevaux n'ont pas cessé de faire tous les envois utiles à la patrie; lorsque l'on a planté l'arbre de la liberté, j'ai parlé à mes concitoyens comme un bon patriote doit parler, et tous l'attesteront; j'ai établi à mes frais l'autel de la patrie. J'ai contribué à toutes les fêtes civiques et en ai presque toujours fait les frais. Je suis honteux de parler de ces misères, personne n'est plus persuadé que moi que c'est aux riches à faire ces dépenses, qu'ils sont trop heureux d'être en état de les faire, et que les égoïstes qui s'y refusent sont des hommes méprisables; mais on veut un compte de ma conduite, et je le rends.
L'armée de Mayence a passé à Brienne au mois d'août 1793, j'ai été averti de son passage la veille de celui de la première colonne, et l'on m'a annoncé que suivant toutes les apparences il faudrait fournir du pain; secondé par le zèle de mes concitoyens, auxquels je ne puis donner trop d'éloges, j'ai préparé dans la nuit même six mille rations de pain, j'en ai fourni à l'armée plus de quinze mille et à un prix très-inférieur à celui que payait la nation partout ailleurs; sachant la pénurie où était la ville de Troyes pour fournir cette armée, j'ai envoyé dix-huit cents rations de pain; la viande, le vin, le logement, tout a été fourni abondamment et de manière que les citoyens composant cette armée, en passant dans des villes bien plus considérables que Brienne, criaient: Vive la commune de Brienne! J'ai passé quatre jours et presque quatre.....[230] [Ici s'arrête ce fragment.]
VII
EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉPÔTS
AU GREFFE DU TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE.
[Orthographe conservée.]
Du 22 floréal.
- Femme Crussolle Damboise.
- Est comparu le citoyen Richard, lequel a déposé:
- Une tabatière d'agathe, fond vert, à cercles d'or, octogone;
- Une tabatière de cristal avec un cercle et gorge d'or;
- Un petit cœur de verre garni en or, dans lequel un petit crucifix;
- Un étui à dez en or avec un dez d'or;
- Un étui de nacre à gorge d'or dans sa boîte de chagrin;
- Un tire-bouchon à queue d'or ou de vermeil;
- Un chapelet avec médailles d'argent;
- Un cachet d'argent;
- Et soixante-dix-huit livres en écus qu'il a déclaré appartenir à la femme Crussolle Damboise, condamnée à mort.
- Buart.
- Plus une paire de boucles d'oreilles d'or;
- Un anneau d'or;
- Une épingle à chignon d'argent;
- Qu'il a déclaré appartenir à Buard, aussi condamné à mort.
- Inconnu.
- Plus un couteau garni en or;
- Une paire de ciseaux garni en or avec étui de galuchat;
- Deux couteaux à manches garnis en or, dont un à lame d'or;
- Qu'il a déclaré appartenir à un des condamnés à mort avec Élisabeth Capet, dont il ignore le nom.
- Femmes d'Élisabeth.
- Plus deux couverts;
- Un couteau à lame d'argent;
- Une cuillère à caffé d'argent;
- Qu'il a déclaré appartenir à des femmes condamnées à mort avec la femme Élisabeth Capet.
- Inconnu exécuté le 21.
- Plus une montre d'argent, du nom de Lecomte, no 557, qu'il a déclaré appartenir à un particulier exécuté avec Élisabeth Capet, dont il ignore le nom.
- Femme Crussolle.
- Plus un peignoir;
- Une petite boite de sapin;
- Une chemise;
- Sept mouchoirs blancs;
- Trois mouchoirs de mousseline;
- Un fichu de linon;
- Une paire de bas de soie blancs;
- Une paire de poches;
- Trois serviettes, un torchon, un bandeau, un sac-ouvrage de toile;
- Qu'il a déclaré appartenir à la femme Crussolle, aussi condamnée à mort; Déchargé le 25 floréal.
- Femme Rosset-Crécy.
- Plus une petite boite;
- Un peignoir;
- Dix fichus de mousseline ou linon;
- Un bonnet monté;
- Un tabellier;
- Une taie d'oreiller;
- Une mantille noire;
- Sept paires de manchettes;
- Et un paquet de chiffons qu'il a déclaré appartenir à la femme Rosset-Crécy.
- Déchargé le 25 floréal.
- Aux six femmes complices d'Élisabeth.
- Plus un drap;
- Neuf chemises de femme;
- Quatre chemises d'homme;
- Douze camisoles et corsets;
- Sept jupons;
- Quatre gilets blancs et de couleur;
- Une petite redingotte de toile de couleur rayée;
- Une autre de drap marron;
- Une autre de drap mélangé verdâtre;
- Un jupon de soie vert;
- Un jupon et son casaquin de toile de coton rayé;
- Une robe de toile de coton rayé;
- Un autre jupon aussi rayé;
- Trois tabliers de différentes couleurs;
- Cinquante serviettes;
- Trente-cinq mouchoirs blancs;
- Trente petits fichus simples et autres;
- Deux peignoirs;
- Une paire de poches;
- Cinq mantilles blanches;
- Huit bonnets ronds de nuit;
- Sept paires de bas;
- Un paquet de chiffons;
- Un bonnet de coton;
- Qu'il a déclaré appartenir à six femmes condamnées à mort avec Élisabeth Capet, et dont il ne se souvient pas du nom.
- Déchargé le 25 floréal.
- Sœur de Capet.
- Plus deux anneaux d'or;
- Un étui de chagrin vert, contenant deux flacons à bouchons d'or, dont l'un est cassé, avec charnière et bouton d'or;
- Une montre à boite d'or à répétition, portant sur le mouvement le no 127, avec une chaîne d'or cassée, garnie d'un cachet d'or à trois compartiments, dont le premier est gravé des armes de France du tems des tirans;
- Trois cachets en acier;
- Deux clefs de montre;
- Et deux clefs de portefeuille aussi en acier;
- Une bague en or en forme de navette, sur laquelle est incrusté des cheveux et des lettres en perles fines, le cristal cassé;
- Un portefeuille de maroquin rouge;
- Qu'il a déclaré appartenir à ladite Élisabeth Capet, condamnée à mort;
- Déchargé le 6 pluviôse.
Et a signé avec moi, greffier soussigné.
Du même jour.
Est comparu le citoyen Desmouret, commis de l'exécuteur des jugemens criminels, lequel a déposé:
- Élisabeth Capet.
- Un médaillon en verre à cercles d'or renfermant un crucifix de même métal;
- Un cachet d'or en trois parties représentant l'un les armes de France et de Navarre de l'ancien régime, l'autre une colombe, et le dernier une tête d'homme;
- Une chaîne de col en or, à laquelle est attachée un cœur renfermant des cheveux et une petite croix d'or;
- Une médaille d'argent représentant une immaculée conception de la ci-devant Vierge, et une petite clef de portefeuille;
- Qu'il déclare appartenir à Élisabeth Capet, condamnée à mort, et qu'il a trouvé sur elle en la conduisant au supplice.
Et a signé avec moi, greffier soussigné.
VIII
ACTE DE DÉCÈS DE MARIE.
Anno millesimo octingentesimo trigesimo quinto, die vero quinta januarii, mortua est Maria Francisca, filia Francisci Josephi Magnin, ex Marsens, et Claudiæ natæ Bosson, ex loco Riaz, uxor vero Jacobi Bosson ex Bellegarde, Bulli habitans, et die septima ejusdem a me infra scripto parocho in cœmeteria ecclesiæ parochialis Sancti Petri ad Vincula urbis Bulli sepulta est.
Quod conforme sit originali testor:
Bulli, die 8væ 7bris 1861.
Marie-Françoise, fille de François-Joseph Magnin, de Marsens, et de Claudie Bosson, du lieu de Riaz, femme de Jacques Bosson, de Bellegarde, demeurant à Bulle, y est morte le 5 janvier 1835, et a été enterrée le 7 du même mois dans le cimetière de l'église paroissiale de Saint-Pierre aux Liens de la ville de Bulle. B.
IX
ACTE DE DÉCÈS DE JACQUES.
38. Anno millesimo octingentesimo trigesimo sexto, die vero secunda septembris, obiit Jacobus, filius defuncti Jacobi Boschong vel Bosson ex Bellegarde [verbum radiatum, conju], viduus vero Mariæ-Franciscæ natæ Magnin, ex Marsens, defuncto die quinta januarii anno millesimo octingentesimo trigesimo quinto, Bulli habitans, et die quarta ejusdem mensis a me infra scripto parocho in cœmeterio ecclesiæ parochialis Sancti Petri ad Vincula urbis Bulli sepultus est.
Quod conforme sit originali testor.
Bulli. die 8væ 7bris 1861.
L'an 1836, le 2 septembre, mourut Jacques, fils de feu Jacques Boschong ou Bosson, de Bellegarde, veuf de Marie-Françoise, née Magnin, de Marsens, décédée le 5 janvier 1835, demeurant à Bulle, et le quatrième jour du même mois a été enterré dans le cimetière de l'église paroissiale de Saint-Pierre aux Liens de la ville de Bulle. B.
X
MAISON DE MADAME ÉLISABETH.
I.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ.
Charles Delacroix, représentant du peuple, en mission dans le département de Seine-et-Oise;
Vu la loi du 7 messidor dernier, portant, art. 5, qu'il sera formé sans délai à Versailles un établissement d'horlogerie automatique; que les citoyens Lemaire et Glaesner y jouiront pendant quinze années gratuitement d'une maison nationale qui sera déterminée par le comité d'agriculture et des arts et des finances réunis, sur le rapport de la commission des arts;
Que cette manufacture prendra chaque année cent élèves dont le régime sera le même que pour ceux de Besançon; copie certifiée de l'arrêté du comité de salut public, en date du 12 fructidor dernier; la lettre du comité d'agriculture et des arts, en date du 22 du courant, par laquelle il m'engage, pendant mon séjour à Versailles, à donner tous mes soins à l'établissement de ladite manufacture. Instruit qu'il avoit été pris un arrêté du comité des finances portant que ladite manufacture seroit établie dans la maison nationale du garde-meuble; mais que différents obstacles se sont opposés à l'exécution de ce projet, ainsi que de ceux qui y avoient substitué le ci-devant couvent des Ursulines ou celui des Récollets; qu'il est urgent de destiner à cet établissement une maison convenable et qui ne soit occupée par aucun établissement public:
Après avoir visité avec lesdits citoyens Lemaire et Glaesner et le citoyen Grenus, agent de la commission d'agriculture et des arts, la maison d'Élisabeth, située avenue de Paris, et m'être convaincu qu'elle présente des emplacements convenables et suffisants pour l'établissement des ateliers et le logement des ouvriers, n'exigera que des réparations peu considérables, telles que rétablissement de quelques cloisons, portes et cheminées, enlevées ou détruites pour l'établissement d'un hôpital qui y avoit été formé; j'arrête ce qui suit:
Article 1er. La maison dite d'Élisabeth, l'orangerie et la vacherie qui en dépendent, les cours et terrains situés entre lesdits bâtiments sont affectés à la manufacture d'horlogerie automatique établie à Versailles.
Art. 2. Lesdits terrains seront bornés au levant par un mur qui sera construit dans la direction de celui qui ferme le petit jardin de la vacherie, au levant, et prolongé jusqu'au mur de clôture du côté de l'avenue de Paris.
Art. 3. Les terrains au levant dudit mur resteront à la disposition de l'administration du district pour être aliénés. Elle sera tenue d'imposer à l'adjudicataire la clause expresse de construire ledit mur à ses frais dans six mois, pour tout délai, à compter de l'adjudication.
Art. 4. Les citoyens Lemaire et Glaesner seront remis sans délai en possession desdits bâtiments et terrains ci-dessus désignés.
Art. 5. Le citoyen Loiseleur, inspecteur des bâtiments nationaux à Versailles, est requis de faire le détail et devis estimatif des cloisons, cheminées et portes à rétablir dans lesdits bâtiments, et des menues réparations à y faire.
Art. 6. Lesdits ouvrages, attendu l'urgence, seront faits par économie sous l'inspection et surveillance immédiate dudit citoyen Loiseleur, qui rendra compte de l'exécution à l'administration dudit département et à la commission d'agriculture et des arts.
Art. 7. Les dépenses qu'exigeront ledit ouvrage seront acquittées par le receveur du district de Versailles et imputées sur les fonds mis à la disposition de ladite commission.
Art. 8. Le citoyen Loiseleur est autorisé à tirer des magasins des bâtiments nationaux les matériaux qui peuvent s'y trouver propres à la confection desdits travaux. Il l'est également à se faire délivrer, des exploitations qui se font dans le territoire de Versailles, les bois de charpente, madriers et planches qui ne se trouveraient pas dans les magasins des bâtiments nationaux, et qui seront nécessaires tant pour lesdits travaux que pour l'établissement des ateliers.
Art. 9. Il sera libre auxdits citoyens de défricher les bouquets de bois existants dans le local ci-dessus désigné, et de les cultiver ainsi qu'ils jugeront à propos.
Art. 10. Il sera dressé un état des lieux aussitôt après la confection des réparations et rétablissements ci-dessus désignés, lequel sera souscrit par lesdits citoyens Lemaire et Glaesner, avec l'obligation de les remettre en bon état, au terme prescrit par le décret ci-dessus cité pour leur jouissance. Ce terme court à compter du 1er brumaire prochain.
Art. 11. Le procureur général syndic du département, et par suite le commissaire national près ladite administration, est chargé de surveiller l'exécution du présent arrêté, qui sera de suite communiqué aux comités de salut public, des finances et d'agriculture et arts réunis. A Versailles, le 29 brumaire de l'an IV de la République françoise.
II.
Extrait des registres des délibérations des consuls de la République.
Paris, le 17 ventôse l'an IX de la République française, une et indivisible (8 mars 1801).
Les consuls de la République, sur le rapport du ministre de l'intérieur, le conseil d'État entendu, arrêtent:
Article 1er. Les manufactures d'horlogerie établies à Versailles, sous la direction des citoyens Lemaire et Glaësner, et à Grenoble, sous celle des citoyens Flaissière et compagnie, sont supprimées.
Art. 2. Le ministre de l'intérieur réglera les indemnités qui peuvent être dues, soit aux entrepreneurs de ces horlogeries, en supposant qu'ils aient rempli leurs engagements, soit aux autres artistes venus de l'étranger pour partager leurs travaux, à la charge par les entrepreneurs de rendre compte de l'emploi des fonds qui ont été mis à leur disposition. Les fonds nécessaires au payement des indemnités seront pris sur ceux accordés annuellement pour l'encouragement des arts.
Art. 3. La régie des domaines nationaux fera faire sur-le-champ l'inventaire du mobilier appartenant à la nation, dépendant desdites manufactures, et elle en prendra possession. Les maisons nationales occupées par ces établissements seront rendues à la disposition de la régie dans le délai de trois mois.
Art. 4. Les ministres de l'intérieur et des finances sont chargés de l'exécution du présent arrêté.
Pour ampliation,
Le ministre de l'intérieur, Chaptal.
III.
Paris, le 9 fructidor an VIII de la République une et indivisible
(27 août 1800).
Le conseiller d'État ayant le département des domaines nationaux au préfet du département de Seine-et-Oise.
Vous savez, citoyen préfet, qu'un arrêté des consuls du 17 ventôse dernier a supprimé la manufacture d'horlogerie établie à Versailles, et ordonné que la maison dite Élisabeth, qui étoit affectée à cet établissement, seroit mise à la disposition de la régie du domaine national et de l'enregistrement dans le délai de trois mois.
L'architecte du palais national de Versailles ayant prévenu le ministre de l'intérieur que cette maison étoit tellement endommagée qu'il faudroit employer une somme de vingt-cinq mille francs pour la réparer, ce ministre, citoyen préfet, vous a demandé votre avis, et vous avez pensé, ainsi que le même ministre l'a marqué à celui des finances, le 3 floréal dernier, qu'il seroit plus avantageux de vendre cette maison, dans l'état où elle se trouve, que de la réparer.
De son côté, la régie des domaines a adressé au ministre des finances, le 18 du mois dernier, un devis dressé le 9 par l'architecte des bâtiments nationaux. Il en résulte que les frais de réparations indispensables s'élèveroient à 10,157 fr. 82 c., dont 4,018 fr. 61 c. à la charge des occupants, mais que la totalité de la dépense tomberoit vraisemblablement au compte de la République, attendu que les occupants jouissoient, soit comme attachés à la manufacture d'horlogerie, soit en vertu d'une permission du ministre de l'intérieur, et que lors de leur entrée en jouissance l'état des lieux n'a pas été constaté.
La régie a observé que, vu le grand nombre des bâtiments inoccupés à Versailles, les locations de la maison Élisabeth y seroient difficiles et d'un foible produit; qu'en conséquence il étoit plus avantageux d'aliéner cette maison.
Tout concourt donc, citoyen préfet, à ce que vous preniez des mesures pour l'aliénation de la maison dont il s'agit.
Je vous salue.
IV.
VENTE DES DOMAINES NATIONAUX
en exécution des lois des 15 et 16 floréal an X (5 et 6 mai 1802).
DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE.—Commune de Versailles.—3e
arrondissement.
L'an X de la République française, le vingt-troisième jour du mois de messidor à midi, il a été procédé, devant le préfet du département de Seine-et-Oise, en exécution des lois des 15 et 16 floréal an X, à la réception des premières enchères pour la vente des biens nationaux désignés dans l'affiche approuvée le 8 dudit mois messidor, laquelle a été publiée et apposée dans les lieux prescrits par l'article II du titre III du décret du 14 mai 1790. En conséquence, il a été annoncé que les premières enchères alloient être reçues sur chacun des articles de l'affiche, lecture préalablement faite d'icelle et du cahier des charges rédigé par le directeur de la régie de l'enregistrement, présent à la séance.
ARTICLE II DE L'AFFICHE 71.
Biens provenant de la ci-devant liste civile.
La maison dite Élisabeth et ses dépendances, situées dans la ville de Versailles.
Cette propriété est divisée en cinq lots, suivant le procès-verbal d'estimation qui en a été dressé par le citoyen Duclos, le 5 vendémiaire an X, dûment enregistré, lesdits lots désignés et évalués ainsi qu'il suit:
Réserves.
Ne font point partie de la vente les glaces, tablettes, chambranles de marbre, bras de cheminées, bronzes incrustés ou tenant au corps principal de maçonnerie des cheminées, les jalousies, les poêles, bancs de pierre et autres ornements qui pourroient exister dans les bâtiments; ces objets sont réputés mobilier et seront vendus comme tels.
Charges particulières.
Dans le cas où la propriété dont il s'agit seroit adjugée partiellement, chaque acquéreur sera tenu de se conformer aux clauses et conditions insérées au procès-verbal d'estimation annexé au présent, et qui lui sont imposées relativement au partage du jardin, à la distribution des eaux, à la clôture des terrains respectivement affectés à chaque lot, à la mitoyenneté des murs et aux charges auxquelles seront spécialement assujettis les acquéreurs.
Pour l'exécution de ces clauses il sera délivré extrait dudit procès-verbal à chacun de ces acquéreurs, qui sera également tenu de laisser faire au citoyen Hubert, portier de ladite maison, la récolte des grains, fruits et légumes, existant actuellement sur les terrains dépendants de ladite propriété, sauf cependant à l'indemniser à dire d'experts, attendu que ledit Hubert a été autorisé à les cultiver par décision du préfet du 24 floréal dernier.
Nota. Il ne sera fait aucune coupure à la conduite qui donne l'eau au cinquième lot: cette conduite devant subsister telle qu'elle est.
Lecture faite à haute et intelligible voix, par le secrétaire général de la préfecture, des charges, clauses et conditions ci-dessus, les enchères ont été ouvertes:
| Savoir: | ||
| 11,220 | f | montant de la mise à prix du 1er lot. |
| 7,920 | — — 2e lot. | |
| 1,584 | — — 3e lot. | |
| 1,056 | — — 4e lot. | |
| 1,320 | — — 5e lot. | |
| Et enfin sur celle de 23,100 | — — de l'ensemble |
de la propriété, personne n'ayant enchéri, tant sur la mise à prix de chacun de ces lots que sur celle de la totalité du domaine, le préfet a renvoyé l'adjudication définitive au 27 du mois de messidor, jour indiqué par l'affiche, et le présent procès-verbal a été clos.
Et le vingt-septième jour du mois de messidor l'an X de la République française, le préfet du département de Seine-et-Oise, en présence du directeur de la régie de l'enregistrement, et lecture préalable faite par le secrétaire général du cahier des charges insérées dans le procès-verbal ci-dessus, a procédé, en exécution des lois précitées, à l'adjudication définitive du bien national (en question); duquel bien la désignation a été insérée dans le procès-verbal des premières enchères ci-dessus, suivant lequel il n'a point été porté d'enchère au-dessus de la mise à prix tant des différents lots que de l'ensemble de la propriété; en conséquence il a été allumé des feux, d'abord sur le montant de la mise à prix de chacun des lots telle qu'elle est établie d'autre part.
Au huitième feu, la dernière enchère est restée au citoyen Durand, moyennant 34,600 francs; un neuvième feu s'étant éteint sans que pendant sa durée il ait été mis aucune enchère, le préfet en a donné acte audit citoyen Durand.
DEUXIÈME LOT.
Au quatrième feu, la dernière enchère est restée au citoyen Durand pour 17,400 francs. Un cinquième feu s'étant éteint, sans qu'il ait été fait aucune offre, le préfet en a pareillement donné acte audit Durand.
TROISIÈME LOT.
Au troisième feu, la dernière enchère est restée au citoyen Boucher pour 6,800 francs. Un sixième feu s'étant éteint sans que pendant sa durée il ait été mis aucune enchère, le préfet en a aussi donné acte au citoyen Boucher.
QUATRIÈME LOT.
Au quatrième feu, la dernière est restée au citoyen Cossin pour 6,750 francs. Un cinquième feu s'étant éteint sans qu'il ait été fait aucune offre, le préfet en a donné acte au citoyen Cossin.
CINQUIÈME LOT.
Au sixième feu, la dernière enchère est restée au citoyen Boucher pour 7,850 francs. Un septième feu s'étant éteint sans que pendant sa durée il ait été mis aucune enchère, le préfet en a donné acte audit citoyen Boucher.
Cette opération terminée, les enchères ont été reçues en la manière accoutumée sur l'ensemble du domaine, prenant pour base la somme de 73,400 francs, montant des offres faites pour acquérir divisément cette même propriété.
Au premier feu, la dernière enchère est restée au citoyen Durand, moyennant la somme de 75,200 francs; au deuxième, au citoyen Villers pour 75,600 francs; au troisième, au même, moyennant 75,900 francs.
Un autre feu ayant été allumé et s'étant éteint sans que pendant sa durée il ait été mis aucune enchère, le préfet a déclaré le citoyen Jean-Michel-Maximilien Villers, demeurant à Paris, rue de l'Université, 269, adjudicataire définitif, et lui a adjugé la totalité de la maison dite Élisabeth et ses dépendances, tel que ce domaine est ci-devant désigné, moyennant le prix et somme de soixante-quinze mille neuf cents francs, aux charges, clauses et conditions insérées dans le premier procès-verbal d'enchères, sous l'obligation et garantie de tous les biens meubles et immeubles, présents et à venir, dudit citoyen Villers, et spécialement les biens présentement vendus, sans qu'une obligation déroge à l'autre.
L'acquéreur a déclaré qu'il se réservoit la faculté de nommer son command dans les délais prescrits par la loi.
Enregistré à Versailles, le 7 thermidor an X de la République. Reçu seize cent soixante-neuf francs quatre-vingts centimes.
Archives de Versailles.
XI
DISTRICT DE VERSAILLES.—COMMISSION DES ARTS.—PLANTES.
Nous, commissaire nommé par le Directoire du département de Seine-et-Oise, en conformité des loix et lettres ministérielles sur la disposition du mobilier national à l'effet d'opérer la distraction des objets précieux et particulièrement des plantes rares qui se trouveront dans les maisons cy-devant royales, religieuses et des émigrés dudit département, pour procéder à l'enlèvement desdits objets et les faire transporter au lieu désigné pour le dépôt.
Nous nous sommes transporté à la maison cy-devant à Élisabeth à Montreuil, accompagné d'un officier de la municipalité, où étant avons sommé le citoyen Coupry, jardinier de ladite maison, de nous introduire dans les jardins à l'effet d'y remplir notre mission, ce qu'ayant fait, nous avons procédé au triage et estimation des plantes de la manière suivante.
OBJETS RÉSERVÉS POUR LE DÉPÔT.
- Plantes d'orangerie.
- 4 Atriplex portulacoïdes.
- 4 Pistacia Terebinthus.
- 2 Erica mammosa.
- 2 Lavatera gallica.
- 5 Buphthalmum fruticosum.
- 2 Lycium afrum.
- 4 Salvia aurea.
- 2 Conyza glutinosa.
- 2 Salvia mexicana.
- 2 Salvia argentea.
- 3 Salvia paniculata.
- 1 Salvia pomifera.
- 1 Salvia canariensis.
- 2 Salvia macrophylia.
- 1 Salvia cretica.
- 6 Teucrium latifolium.
- 4 Teucrium betonicæfolium.
- 1 Teucrium fruticans.
- 5 Teucrium chamædrifolium hirsutum.
- 4 Artemisia capillaris.
- 3 Artemisia moxa.
- 3 Solanum sodomæum.
- 3 Phillyrea angustifolia.
- 1 Phillyrea latifolia.
- 1 Anagyris fœtida.
- 4 Atropa solanacea.
- 2 Ephedra nova.
- 2 Cineraria populifolia.
- 4 Cineraria maritima.
- 6 Cineraria amelloïdes.
- 2 Medicago arborea.
- 1 Medicago marina.
- 1 Anthyllis barba-Jovis.
- 2 Anthyllis Hermanniæ.
- 2 Tarchonanthas camphoratus.
- 4 Rhus angustifolia.
- 1 Rhus glabra.
- 4 Hypericum marylandicum.
- 1 Marrubium crispum.
- 2 Vitex agnus castus.
- 1 Agave americana variegata.
- 5 Carex plantaginea.
- 3 Gnaphalium fœtidum.
- 2 Gnaphalium stœchas.
- 2 Gnaphalium orientalis.
- 12 Pots d'ixia, différentes espèces.
- 3 Gladiolas tristis.
- 1 Cistus populifolius.
- 1 Cistus purpareus.
- 2 Cistus laurifolius.
- 6 Cneorum tricoccum.
- 1 Asparagus acutifolius.
- 1 Serratula chamæpeuce.
- 2 Carthamus salicifolius.
- 2 Quercus suber.
- 4 Physalis somnifera.
- 4 Centaurea sempervirens.
- 2 Vaccinium oxycoccos.
- 2 Salicornia fruticosa.
- 4 Sonchus fruticosus.
- Cotyledon orbiculata.
- 2 Echium orientale latifolium.
- 1 Echium angustifolium.
- 1 Asclepias fruticosa.
- 1 Statice mucronata.
- 1 Statice Limonium.
- 2 Parietaria arborea.
- 1 Erigeron fœtidum.
- 1 Cercodia erecta.
- 1 Sida nova.
- 1 Aristolochia sempervirens.
- 2 Rumex Lunaria.
- 2 Lavandula stœchas.
- 1 Scabiosa palæstina.
- 1 Ficus pumila.
- 1 Statice monopetala latifolia.
- 1 Psoralea pinnata.
- 1 Atraphaxis undulata.
- 1 Athanasia maritima.
- 1 Eupatorium angustifolium.
- 2 Œnothera rosea.
- 6 Œnothera pumila.
- 1 Urtica nivea.
- 3 Inula crithmoïdes.
- 1 Hypoxis japonica.
- 4 Senecio halimifolia.
- 1 Tanacetum novum.
- 1 Polypedium cambricum.
- 1 Phlomis laciniata.
- 1 Chrysophyllum glabrum.
- 3 Arenaria balearica.
- 3 Linnæa borealis.
- Arundo donax variegata.
- 1 Ulmus pumila.
- 1 Clutia pulchella.
- 1 Spartium lusitanicum.
- 2 Mimosa arborea.
- 2 Sterculia platanifolia.
- 1 Bignonia crucigera.
- 1 Baccharis ivæfolia.
- 3 Scolymus maculatus.
- 4 Chrysanthemum serotinum.
- 1 Panicum novum.
- 1 Lantana odorata.
- 1 Cassia marylandica.
- 4 Centaurea ferox.
- 1 Teucrium novum.
- 1 Zanthoxylum trifoliatum.
- 1 Malva Sherardiana.
- 1 Ceratonia siliqua.
La totalité des plantes en pots réservées pour le dépôt se monte à la quantité de deux cent quarante-cinq individus et environ un cent de plantes vivaces.
OBJETS DÉSIGNÉS POUR LA VENTE.
Il se trouve aussi dans une des cours un dépôt de terre de bruyère que l'on peut estimer à soixante tombereaux environ, réserve pour le dépôt des plantes à Trianon. Près de cette cour est un grand carré planté de différents arbres étrangers pour former une école de botanique; on se réserve aussi d'en enlever ce qui conviendra pour être transporté audit dépôt.
- OBJETS RÉCLAMÉS PAR LA CITOYENNE BROWN,
ci-devant jardinière du potager à Versailles. - 28 Orangers en caisse de 14 à 18 pouces.
- 2 Lauriers-roses.
- 50 Pots de lilas de Perse.
- 50 Pots de rosiers.
- Et différents arbustes et arbres verts.
Cette réclamation est attestée de nombre de citoyens.
Et après avoir fait l'examen général, tant en ce qui concerne les plantes d'orangerie que celles de pleine terre, et n'y ayant plus rien trouvé, nous avons terminé le présent inventaire et avons signé à Versailles, le 8 octobre 1793, l'an deuxième de la République une et indivisible.
Nota. Le commissaire estime qu'il seroit plus avantageux de faire la vente de tous ces objets sur le lieu au mois de mars prochain, que de transporter une partie à l'orangerie et l'autre à Trianon; que d'ailleurs l'orangerie de cette maison est grande et en assez bon état pour contenir cette quantité de plantes tant en caisses qu'en pots; en y faisant cependant une petite réparation, soit pour ce qui regarde la maçonnerie pour poser l'imposte, le vitrier pour six carreaux cassés, et les châssis des volets de la porte d'entrée, et le cintre à garnir en grosse toile; si l'administration se décide à envoyer le tout tant à l'orangerie qu'à Trianon, il faudra nécessairement abattre deux parties de mur pour la sortie des orangers. Cette dépense sera beaucoup plus considérable que celle pour la réparation de ladite orangerie, et l'opération plus longue et plus difficile.
Cette observation a été communiquée au directoire du district.
II.
Rapport du commissaire à la disposition des plantes, relativement au jardin d'Élisabeth Capet, à Montreuil.
Le commissaire à la disposition particulière des plantes, d'après différents renseignements pris en ce qui concerne le jardin appartenant cy-devant à Élisabeth Capet, à Montreuil, et examiné les pièces suivantes, particulièrement le rapport du comité de surveillance, qui annonce que celui fait par les citoyens Richard et Pineaux, nommés commissaires par les représentants du peuple à l'effet de rendre compte du produit et des frais d'entretien dudit jardin; que ces deux commissaires ont observé qu'il seroit plus avantageux de confier à deux cultivateurs l'entretien et le produit de ce jardin, c'est-à-dire que Virey seroit chargé de la conduite de l'orangerie et plantes rares, et Doré de la partie des fruits et légumes.
Ayant examiné en outre un marché fait par le citoyen Couturier, qui accorde à Virey la jouissance en totalité des productions du jardin pour lui tenir lieu d'indemnité pour son entretien, indépendamment des gages d'un premier garçon qui lui seront accordés, à la charge par lui de fournir des légumes à l'infirmerie pour la valeur de 200#[231] à son estimation, ainsi qu'il est énoncé audit marché.
De plus, un autre rapport des citoyens Richard et Pineaux, où il est dit que la dépense pour l'entretien du jardin peut être mise en compensation avec le produit des fruits et légumes, et que même le jardinier pourra fournir à l'infirmerie des légumes pour la valeur de 200#, ce qui forme, on l'aperçoit, une grande différence avec le marché fait par le citoyen Couturier.
D'après toutes ces observations, le commissaire estime que, pour l'intérêt de l'administration, aucun des marchés ou arrangements tels que ceux susdits ne peuvent avoir lieu.
1o L'entretien desdits jardins, serres et orangeries, ne doit être alloué qu'à une seule personne, comme il s'est pratiqué jusqu'à présent; 2o que le marché fait par le citoyen Couturier est onéreux à l'administration, par la raison qu'il s'est présenté deux soumissionnaires, dont l'un, connu autant par sa probité que par son talent, s'est offert le premier, et a fait sa soumission d'entretenir les jardins, bosquets, orangerie, etc., pour la jouissance du produit seulement.
Quant au rapport des citoyens Richard et Pineaux, où il n'est point parlé de gages de premier garçon, mais au contraire que le jardinier sera encore assez indemnisé en fourniture sur son produit pour la somme de 200# de légumes à l'infirmerie, l'administration décidera dans sa sagesse sur cet objet; elle voudra bien observer que le citoyen Virey est un père de famille, bon patriote et bon cultivateur; qu'il occupe maintenant cette place, et semble mériter la préférence, en acceptant toutefois les conditions du premier soumissionnaire.
Il existe dans cette maison la quantité de cinquante-huit panneaux, dont quelques-uns sont mutilés, et dix-huit arrosoirs en cuivre rouge et jaune; l'administration voudra-t-elle accorder quelques-uns de ces objets à Virey pour son usage, et vendre l'autre partie, excepté ceux qui sont en réquisition?
A Versailles, le 10 ventôse, l'an II de la République une et indivisible (28 février 1794).
III.
14 ventôse l'an II de la République une et indivisible
(4 mars 1794).
Suivant le rapport fait à l'administration par le citoyen Peradon, commissaire artiste, sur le jardin cy-devant appartenant à Élisabeth Capet, à Montreuil, il s'est présenté pour l'entretien de ce jardin plusieurs soumissionnaires, également connus par leurs talents et leur probité, qui proposent de se charger de la culture du potager, de l'orangerie et des jardins sans appointements, moyennant qu'on leur en abandonne les produits;
Le citoyen Virey, qui cultive actuellement ce jardin, demande, outre la jouissance des fruits, le traitement annuel de premier garçon, qui est de 1,000 à 1,200#.
La disproportion qui existe entre ces différentes soumissions est d'autant plus sensible que, par un rapport des citoyens Richard et Pineaux, où il n'est point fait mention de gages, il est dit que le jardinier sera suffisamment indemnisé par le produit du jardin, en fournissant même pour 200# de légumes à l'infirmerie.
Quelques égards que mérite le citoyen Virey, on ne peut se dissimuler que l'intérêt de la République ne permet pas de faire en sa faveur un sacrifice annuel de 1,200#, lorsqu'il est notoire que le jardin peut être cultivé par des mains habiles sans qu'il en coûte rien à la nation. Tout ce que semble exiger la justice en faveur du citoyen Virey, bon patriote et père de famille, c'est de lui accorder la préférence dans le cas où il se chargeroit de l'entretien desdits jardins aux mêmes conditions que les autres soumissionnaires.
Il existe dans la maison cinquante-huit panneaux et dix-huit arrosoirs en cuivre rouge et jaune, dont la commission propose de mettre une partie à la disposition du jardinier; il demande à cet égard les ordres de l'administration;
Ouï l'agent national en ses conclusions,
L'administration, considérant que l'intérêt de la République lui impose impérieusement la loi de mettre dans toutes les parties l'économie dont elles sont susceptibles, lorsqu'à cette économie se trouvent joints les avantages qui résulteroient d'une plus forte dépense, et désirant d'ailleurs concilier les égards dus au citoyen Virey avec le bien public, premier objet de ses considérations, estime que les potager, orangerie et jardins, cy-devant appartenants à Élisabeth Capet, à Montreuil, seront loués à l'enchère en la manière accoutumée, et aux charges qui seront prescrites par les cahiers;
Arrête en outre que, sur les cinquante-huit panneaux et dix-huit arrosoirs qui se trouvent dans ladite maison, il sera mis à la disposition du locataire trente panneaux et dix arrosoirs, dont l'estimation sera faite pour qu'il ait à les représenter, lorsqu'il en sera requis, tels qu'il les aura reçus, et que les panneaux et arrosoirs restants seront mis en réserve pour servir lorsqu'il y aura lieu et ainsi que l'administration en ordonnera.
IV.
Versailles, le 25 frimaire l'an III de la République une et indivisible
(15 décembre 1794).
Le directeur de l'agence nationale de l'enregistrement et des domaines à l'agent national du district de Versailles.
Citoyen,
Par une lettre du 15 thermidor dernier, l'administration du district a informé la commission des revenus nationaux que, malgré les précautions qu'elle avoit prises, elle n'avoit pu empêcher les dégradations considérables qui se commettoient journellement dans la maison d'Élisabeth Capet, située à Montreuil, et elle a imputé ces dégradations aux malades de l'hospice militaire qui avoit été établi dans cette maison.
Il résulte des informations prises par la commission des secours publics, à laquelle la commission des revenus nationaux avoit porté ses plaintes, que ces dégradations ont été principalement commises par le citoyen Leblanc, locataire actuel du jardin, qui y laisse habituellement pâturer ses vaches.
Ces faits étant consignés dans un procès-verbal, rapporté le 9 thermidor dernier par les membres du comité de surveillance de l'hôpital, je te prie de faire informer sur ce délit, et d'intenter, s'il y a lieu, une action contre le locataire, tant en réparations qu'en indemnité des dommages qui seront reconnus être procédés de son fait. Comme je ne doute nullement qu'avant de mettre le locataire en jouissance il n'ait été dressé un état descriptif des lieux, et que le cahier des charges de l'adjudication ne l'ait expressément assujetti à les entretenir et à les rendre en bon état de culture à l'expiration de sa jouissance, il sera facile de l'obliger à réparer les dégradations commises.
Salut et fraternité.
XII
RÉCIT DU PÈRE CARRICHON,
PRÊTRE DE LA CONGRÉGATION DE L'ORATOIRE,
Témoin de la mort de mesdames la maréchale de Noailles, la duchesse d'Ayen, et la vicomtesse de Noailles, condamnées à mort par le tribunal révolutionnaire le 4 thermidor an II (22 juillet 1794).
Mesdames la maréchale de Noailles, la duchesse d'Ayen et la vicomtesse de Noailles furent détenues dans leur hôtel depuis le mois de septembre 1793 jusqu'en avril 1794. Je connoissois la première de vue seulement, et d'une manière particulière les deux autres, que je voyois ordinairement une fois la semaine. La Terreur croissoit avec le crime. Leurs victimes devenoient plus nombreuses. Un jour qu'on en parloit et qu'on s'exhortoit à se préparer à l'être, je leur dis par une espèce de pressentiment: «Si vous allez à la guillotine et que Dieu m'en donne la force, je vous y accompagnerai.» Elles me prennent au mot, ajoutant avec vivacité: «Nous le promettez-vous?» J'hésite un moment. «Oui, repris-je, et pour que vous me reconnoissiez bien, j'aurai un habit bleu foncé et une veste rouge.» Depuis elles me rappelèrent souvent ma promesse. Au mois d'avril, la semaine, je crois, après Pâques, elles sont conduites toutes trois au Luxembourg. J'en ai souvent des nouvelles par celui qui leur a rendu avec un zèle si délicat tant de services et dans leurs personnes et dans celles de leurs enfants. Ma promesse est rappelée. Le 27 juin, un vendredi, il vient de leur part me prier de rendre au maréchal de Mouchy et à sa femme le service que je leur avois promis. Je vais au palais. Je parviens à entrer dans la cour. Je les ai sous les yeux et de fort près pendant plus d'un quart d'heure. M. et madame de Mouchy, que je n'avois vus qu'une fois chez eux et que je connoissois mieux qu'ils ne me connoissoient, ne me reconnoissent point. Je fais ce que je peux pour eux. Le maréchal étoit singulièrement édifiant et prioit vocalement de tout son cœur. La veille il avoit dit, en quittant le Luxembourg, à ceux qui lui marquoient de l'intérêt: «A dix-sept ans j'ai monté à l'assaut pour mon Roi, à soixante-dix-huit je vais à l'échafaud pour mon Dieu; mes amis, je ne suis pas malheureux.» J'évite des détails qui deviendroient immenses. Ce jour-là, je crois inutile et même je ne me sens point capable d'aller jusqu'à la guillotine. J'en augure mal pour la promesse spéciale faite à leurs parentes. Que j'aurois à dire sur tous les nombreux convois qui précédèrent et suivirent celui du 27, convois fortunés ou infortunés, selon les dispositions de ceux qui les formoient, tableaux déchirants lors même que les caractères et tous les signes extérieurs annonçoient une mort chrétienne, lors même qu'ils étoient accompagnés des grandes consolations produites par les vertus chrétiennes; mais bien autrement déchirants, lorsqu'ils en fournissoient peu ou point, et que les condamnés sembloient passer de l'enfer de ce monde à celui de l'autre!
Le 22 juillet, un mardi, jour de sainte Madeleine, j'étois chez moi, et vers onze heures. J'allois sortir. On frappe. J'ouvre et je vois les enfants Noailles et leur instituteur; les enfants avec la gaieté de leur âge qui couvroit le fond de tristesse que nourrissoit en eux la détention de leurs parentes; ils alloient se promener et prendre l'air de la campagne: l'instituteur, pâle, défiguré, pensif et triste.—Ce contraste me frappe. «Passons, me dit-il, dans votre chambre, laissons les enfants dans votre cabinet.» Nous nous séparons; les enfants se mettent à jouer; nous entrons dans la chambre. Il se jette dans un fauteuil: «C'en est fait, mon ami; ces dames sont au tribunal révolutionnaire. Je viens vous sommer de tenir votre parole. Je vais les conduire à Vincennes pour y voir la petite Euphémie. Dans le bois je préparerai ces malheureux enfants à cette terrible perte qu'ils ignorent.» Quelque préparé que je fusse depuis longtemps, je suis déconcerté. Toute cette affreuse situation des mères, des enfants, de leur digne instituteur, cette gaieté suivie de tant de tristesse, la petite Euphémie âgée alors d'environ quatre ans, tout se peint à mon imagination en traits de feu inimitables. Je reviens à moi à l'instant, et après quelques demandes, réponses et autres lugubres détails, je dis: «Partez, je vais changer d'habits. Quelle commission! Priez Dieu qu'il me donne la force de l'exécuter.»—Nous nous levons, passons dans le cabinet où nous trouvons les enfants, s'amusant, gais et contents autant qu'ils pouvoient l'être; ce que nous éprouvions à leur vue, ce qu'ils ignoroient, ce qu'ils alloient apprendre, rend le contraste plus frappant, me serre le cœur. Je fais bonne contenance et les congédie. Resté seul, je me sens épouvanté, fatigué. Mon Dieu, ayez pitié d'elles, d'eux et de moi!
Je change d'habits et vais faire quelques courses projetées, avec un poids dans l'âme bien accablant. Je les interromps pour aller au palais entre une et deux heures. Je veux entrer. Impossibilité. Je prends des informations de quelqu'un qui sort, comme doutant encore de la réalité de l'annonce; l'illusion de l'espérance est la dernière détruite. Par ce qu'il me dit, je ne peux plus douter. Je reprends mes courses, elles me conduisent jusqu'au faubourg Saint-Antoine, et avec quelle pensée, quelle agitation intérieure, quel effroi secret joint à une tête malade! Ayant affaire à une personne de confiance, je m'ouvre, elle m'encourage au nom de Dieu. Pour dissiper le mal de tête, je la prie de me faire un peu de café. Il me fait quelque bien. Je reviens au palais très-lentement, très-pensif, très-irrésolu, désirant de ne point arriver, ou de ne point trouver celles qui m'y appellent: j'arrive avant cinq heures. Rien n'annonce le départ. Je monte tristement les degrés de la Sainte-Chapelle, je me promène dans la grande salle, aux environs, je m'assieds, je me lève, je ne parle à qui que ce soit, je cache sous un air sérieux un fond très-agité et très-chagrin; de temps en temps un triste coup d'œil sur la cour pour voir si le départ s'annonce. Je reviens. Ma fréquente exclamation intérieure étoit: Dans deux heures, dans une heure et demie, elles ne seront donc plus! Je ne puis exprimer combien cette idée m'affectoit et m'a affecté toute la vie quand j'ai pu l'appliquer: jamais heure ne m'a paru si longue et si courte que celle qui s'écoula depuis cinq heures jusqu'à six, pour divers motifs qui se croisoient, se combattoient, se détruisoient et me faisoient passer des illusions du vain espoir à des craintes malheureusement trop réelles.
Enfin aux mouvements je juge que les victimes vont sortir de la prison. Je descends et vais me placer près de la grille par où elles sortent, puisqu'il n'est plus possible depuis quinze jours de pénétrer dans la cour. La première charrette se remplit, s'avance vers moi. Il y avoit huit dames très-édifiantes, sept pour moi inconnues; la dernière, dont j'étois fort proche, étoit la maréchale de Noailles. De n'y point voir sa belle-fille et petite-fille, ce fut là un foible et dernier rayon d'espérance; car, hélas! sur la deuxième charrette montent la mère et la fille. Celle-ci étoit en blanc, qu'elle n'avoit quitté depuis la mort de son beau-père et de sa belle-mère; elle paroissoit âgée de vingt-quatre ans au plus; celle-là de quarante, en déshabillé rayé bleu et blanc. Je les voyois encore de loin. Six hommes se placèrent après elles, les deux premiers, je ne sais comment, à un peu plus de distance qu'à l'ordinaire, comme pour leur donner plus de liberté, et avec un air d'égard et de respect dont je leur sus bon gré. A peine sont-elles placées, que la fille témoigne à sa mère ce vif et tendre intérêt si connu: j'entends dire auprès de moi: «Voyez donc cette jeune fille, comme elle s'agite! comme elle parle!»—Elle ne paroît pas triste. Je crois qu'elle me cherche des yeux; il me semble entendre tout ce qu'elles se disent: «Il n'y est pas.—Regarde encore.—Maman, rien ne m'échappe, je vous l'assure, il n'y est pas.» Elles oublient que je leur avois fait annoncer l'impossibilité de me trouver là. La première charrette reste près de moi au moins un quart d'heure. Elle avance. La deuxième va passer. Je m'apprête. Elle passe, ces dames ne me voient pas. Je rentre dans le palais, fais un grand détour et viens me placer à l'entrée du pont au Change, dans un endroit apparent. Mesdames de Noailles jettent les yeux de tous côtés; elles passent et ne me voient pas. Je les suis le long du pont, séparé de la foule, cependant assez près d'elles; madame de Noailles, toujours cherchant, ne m'aperçoit pas.
L'inquiétude se peint sur la physionomie de madame d'Ayen, sa fille redouble d'attention sans succès. Je suis tenté d'y renoncer. J'ai fait ce que j'ai pu; partout ailleurs la foule sera plus grande, il n'y a pas moyen. Je suis fatigué.—J'allois me retirer. Le ciel se couvre, le tonnerre se fait entendre au loin. Tentons encore. Et par des chemins détournés j'arrive dans la rue Saint-Antoine, après la rue de Fourcy, presque vis-à-vis la trop fameuse Force, avant la charrette. Alors souffle un vent violent, l'orage éclate; les éclairs, les coups de tonnerre se succèdent rapidement. La pluie commence. C'est un torrent. Je me retire sur le seuil d'une boutique qui m'est toujours présente et que je ne vois jamais sans attendrissement. En un instant la rue est balayée. Plus de monde qu'aux portes, boutiques et fenêtres: plus d'ordre dans la marche; les cavaliers, les fantassins vont plus vite, comme ils peuvent, les charrettes aussi. Elles sont au petit Saint-Antoine et je suis encore indécis: la première passe devant moi. Un mouvement précipité et comme involontaire me fait quitter la boutique, et me voilà seul tout près de ces dames. Madame de Noailles m'aperçoit, et souriant semble dire: «Vous voilà donc enfin! Ah! que nous en sommes aises! Nous vous avons bien cherché.—Maman, le voilà.» A cet instant madame d'Ayen renaît, et toutes mes irrésolutions cessent, je me sens un courage extraordinaire. Trempé de sueur et de pluie, je n'y pense plus, je continue à marcher près d'elles. Sur les marches de l'église Saint-Louis, j'apperçois un ami pénétré pour elles de respect, d'attachement, cherchant à leur rendre le même service. Son visage, son attitude annoncent tout ce qu'il sent en les voyant. Je lui prends la main avec un saisissement d'attendrissement mais aussi tout de force. «Bonsoir, mon ami.» Là est une place, plusieurs rues y aboutissent. L'orage est au plus haut point, le vent plus impétueux. Les dames de la première charrette en sont fort tourmentées, surtout la maréchale de Noailles; son grand bonnet renversé laisse voir quelques cheveux gris; elle chancelle sur sa misérable planche, sans dossier, les mains liées derrière le dos. Aussitôt un tas de gens qui se trouvent là, la reconnoissent, ne font attention qu'à elle, et augmentent son tourment, qu'elle supporte avec patience, par leurs cris insultants. «La voilà donc cette maréchale, menant autrefois si grand train et qui alloit dans des beaux carrosses, la voilà dans la charrette tout comme les autres!» etc. Rien de plus insupportable pour tout être sensible que ces cris de cannibales. Les malheureux sont des objets sacrés, surtout quand ils sont innocents. Les cris continuent, le ciel est plus noir, la pluie plus forte. Nous voilà à la place qui précède le faubourg Saint-Antoine. Je devance, j'examine, et je me dis: Voilà le meilleur endroit pour leur accorder ce qu'elles désirent tant. La charrette alloit moins vite; je m'arrête, je me tourne vers elles: je fais à madame de Noailles un signe qu'elle comprend parfaitement.—«... Maman, M. X. va nous donner l'absolution.» Aussitôt elles baissent la tête avec un air de piété, de repentance, de joie, d'attendrissement qui m'embaume; je lève la main, reste la tête couverte, et prononce très-distinctement, et avec une attention surnaturelle, la formule entière d'absolution et les paroles qui la suivent; elles s'unissent mieux que jamais. Je n'oublierai jamais ce ravissant tableau, digne du pinceau d'un Raphaël, après lequel tout ce qui reste n'est que baume et consolation.
Dès ce moment l'orage s'apaise, la pluie diminue, il semble n'avoir existé que pour le succès si désiré de part et d'autre; j'en bénis Dieu, elles en font autant, leur extérieur n'annonce que contentement, sérénité, allégresse. En s'avançant dans le faubourg, la foule curieuse revient, borde les deux côtés, insulte les premières dames, surtout la maréchale, rien à ses deux parentes; la pluie cesse.
Tantôt je devance, tantôt j'accompagne. Après l'abbaye Saint-Antoine, j'aperçois auprès de moi un jeune homme, prêtre, dont pour quelques motifs je suspecte les sentiments. Il m'embarrasse. Je crains qu'il ne me reconnoisse, je rétrograde, j'avance, heureusement il ne me reconnoît point; il double le pas et je ne le vois plus.
Enfin nous arrivons au lieu fatal. Ce qui se passe en moi ne peut se peindre. Quel moment! Quelle séparation! Quelle douleur dans ces enfants, dans ces sœurs, nièces, qui restent dans cette vallée de larmes! Je les vois encore pleines de santé. Elles auroient été si utiles à leur famille, et dans un instant je ne les verrai plus!..... Quelle idée! quel déchirement! mais non sans de grandes consolations en les contemplant si résignées. Les charrettes s'arrêtent, l'échafaud se présente, je frissonne; les cavaliers et les fantassins l'entourent; autour d'eux un cercle plus nombreux de spectateurs, la plupart riant et s'amusant de ce désolant spectacle: je suis au milieu d'eux dans une situation bien différente. J'aperçois le maître bourreau et deux valets, dont il est distingué par la jeunesse, par l'air d'un petit-maître manqué et le costume. L'un des valets est remarquable par sa taille, son embonpoint, la rose qu'il a à la bouche, ses manches retroussées, ses cheveux en queue et crépus, l'air de sang-froid et de réflexion avec lequel il agit, enfin une de ces physionomies régulières et frappantes, quoique sans élévation, qui ont pu servir de modèles aux grands peintres quand ils ont représenté des bourreaux dans l'histoire des martyrs. Il faut le dire, soit par un fonds d'humanité, soit habitude ou désir d'avoir plus tôt fait, le supplice étoit singulièrement adouci par leur promptitude, leur attention à descendre tous les condamnés avant de commencer à les placer le dos à l'échafaud, de manière qu'ils ne puissent rien voir; je leur en sus quelque gré, ainsi que de la décence qu'ils observoient et de leur sérieux constant, sans aucun air riant, insultant, tout le temps que je les vis.
Pendant qu'ils aident à descendre les dames de la première charrette, madame de Noailles me cherche des yeux; elle m'aperçoit: c'est ici le pendant ravissant du premier tableau, si ravissant aussi. Que ne me dit-elle pas par ses regards, tantôt élevés au ciel, tantôt abaissés vers la terre, si doux, si animés, si expressifs, si célestes, tantôt fixés sur moi de manière à me faire distinguer si mes compagnons tigres avoient été plus réfléchis! J'enfonce mon chapeau sans la perdre de vue; je l'entendois: «Mon sacrifice est fait. Que je laisse de personnes chères! Mais Dieu m'appelle; nous en avons la douce et ferme espérance. Nous ne les oublierons point. Recevez nos tendres adieux pour elles, nos remercîments pour vous. Adieu! Puissions-nous nous revoir dans le ciel! Adieu!» Il est impossible de rendre des signes aussi pieux, aussi vifs, d'une éloquence aussi touchante, qui faisoient dire à mes tigres: «Ah! cette jeune, comme elle est contente, comme elle lève les yeux au ciel, comme elle prie! Mais à quoi cela lui sert-il?» Puis par réflexion: «Ah! les scélérats de calottins!» Le dernier adieu prononcé, elles descendent. Je ne me sentois plus, à la fois déchiré, attendri et consolé. Combien je remercie Dieu de n'avoir pas attendu ce moment pour leur donner l'absolution, encore plus quand elles montèrent à l'échafaud! Elles n'auroient pas pu s'unir comme elles avoient fait. Je quitte l'endroit où j'étois. Je passe d'un autre côté. Pendant qu'on fait descendre les autres, je me trouve en face de l'escalier, sur lequel étoit appuyée la première victime, qui étoit un vieillard en cheveux blancs, grand, l'air d'un bonhomme, qu'on disoit être un fermier général. Auprès de lui une dame très-édifiante que je ne connoissois pas; ensuite la maréchale, vis-à-vis de moi, en deuil, assise sur un bloc de bois ou de pierre qui s'étoit trouvé là, ouvrant des yeux grands, fixes. Tous les autres, sur plusieurs lignes, étoient rangés au bas de l'échafaud du côté qui regardoit l'ouest ou le faubourg Saint-Antoine. Je cherche ces dames. Je ne peux apercevoir que la mère, mais dans cette attitude de dévotion simple, noble, résignée, les yeux fermés, plus l'air inquiet, en un mot telle qu'elle étoit lorsqu'elle approchoit de la table sacrée. Quelle impression j'en reçus! Elle est ineffaçable. Plût à Dieu que j'en profitasse! A cet instant me revient à l'idée un passage de cette belle lettre des Églises de Vienne et de Lyon sur le martyre de saint Pothin et ses compagnons, où il est dit en parlant de sainte Blandine, attachée au poteau et exposée aux bêtes: «Ses compagnons croyoient voir en la personne de leur sœur Celui qui avoit été crucifié pour les sauver.»
Tous sont descendus. Le sacrifice va commencer. La joie, le bruit, les affreux quolibets des spectateurs tigres redoublent et accroissent le supplice, doux en lui-même, mais atroce par trois coups qu'on entend l'un après l'autre, surtout par la quantité de sang versé et la vue de cette foule bruyante et tigresse. Le bourreau et ses valets montent, arrangent tout. Le premier se revêt, sur ses habits, d'un surtout ensanglanté, se place à gauche, à l'ouest, les autres à droite, à l'est, regardant Vincennes. Son grand valet est surtout l'objet de l'admiration et des éloges des cannibales, par son air capable et réfléchi, comme ils disent. Tout étant prêt, le vieillard monte à l'aide des bourreaux. Le maître bourreau le prend par le bras gauche, le grand valet par le droit, l'autre par les jambes; en un instant il est couché sur le ventre, la tête séparée et jetée ensuite avec le corps tout habillé dans un vaste tombereau, où tout nage dans le sang. Et toujours de même. Quelle horrible boucherie! Comme le cœur bat! C'est à ce moment qu'on voudroit être loin! c'est à ce moment qu'on voudroit être prêt et monter tout de suite si on étoit bien préparé, tant la mort, atroce pour ceux qui restent et qui sont sensibles, paroît facile et douce pour ceux qui s'en vont, quand on songe aux circonstances où il faut vivre! Combien j'ai regretté de n'avoir pas suivi ces victimes, en pensant que plus on avance, plus on reçoit de grâces divines, et plus on en abuse!
La maréchale monte la troisième sur l'échafaud; il fallut échancrer le haut de son habillement pour lui découvrir le cou. Impatient de m'en aller, je voulois avaler le calice jusqu'à la lie et tenir ma parole, puisque Dieu me donnoit la force de me posséder au milieu de tant de frissonnements. Madame d'Ayen monte la dixième. Qu'elle me parut contente de mourir avant sa fille, et la fille de ne pas passer avant la mère! Montée, le maître bourreau lui arrache son bonnet. Comme il tenoit par une épingle qu'il n'avoit pas eu l'attention d'ôter, les cheveux soulevés et tirés avec force lui causèrent une douleur qui se peignit sur ses traits. La mère disparoît, et sa digne et tendre fille la remplace. Quelle émotion en voyant cette jeune dame tout en blanc, paroissant beaucoup plus jeune qu'elle n'étoit, semblable à un doux et tendre agneau qu'on va égorger! Je croyois assister au martyre d'une de ces jeunes vierges ou saintes femmes telles qu'elles sont représentées dans les beaux tableaux du Corrége et du Dominiquin.
Ce qui est arrivé à sa mère lui arrive. Même inattention pour l'épingle, même douleur, même signe. Quel sang abondant et vermeil sortit de la tête et du cou! Que la voilà bienheureuse! m'écriai-je intérieurement quand on jeta son corps dans cet épouvantable cercueil. Je m'en vais; mais je suis arrêté un moment par l'air, les traits et la taille de celui qui venoit après elle. C'étoit un homme de cinq pieds huit à neuf pouces, gros à proportion, d'une figure très-imposante. Je l'avois remarqué au bas de l'échafaud. Il s'en étoit éloigné pendant qu'on immoloit les autres, afin de voir ce qui s'y passoit. Sa grande taille avoit servi sa curiosité. Il monte avec fermeté, regarde les bourreaux, le lit et l'instrument de mort avec des regards intrépides, trop fiers peut-être. O mon Dieu! dis-je en moi-même, faites qu'il n'y ait en lui que christianisme, et non la seule philosophie! Quel dommage qu'un si bel homme fût damné! ajoutai-je en me rappelant le pape saint Grégoire, qui, en voyant à Rome de beaux esclaves anglois, s'écria: «Quel dommage que de si beaux visages soient sous l'empire du démon!» Cette vue lui donna la première idée de la célèbre mission d'Angleterre, dont il chargea dans la suite son disciple saint Augustin.
L'homme dont je viens de parler était Gossin[232] ou Gossuin, qui a tant contribué à diviser la France en départements. J'ai entendu dire qu'il avoit de la religion, et que ses malheurs, sa prison, en avoient ranimé, fortifié tous les sentiments. Amen.
Après sa mort, je quitte tout, hors de moi-même. Je m'aperçois alors que je suis tout glacé, à cause d'une forte transpiration et d'une forte pluie que j'avois éprouvées et qui s'étoient séchées; mais, grâce à Dieu, je ne me sentois point incommodé. Je double le pas, tout rempli de ce déchirant mais bien beau, bien grand, bien consolant, bien touchant spectacle. Je répétois ce que j'ai répété souvent: «Non, je ne voudrois pas pour cent mille écus n'en avoir pas été témoin. Je n'ai rien vu qui approche de cela. Que de profit à en tirer!» Quand je le quittai, il étoit près de huit heures. En vingt minutes, on avoit fait descendre quarante ou cinquante personnes, et immolé douze.
Bientôt je suis à la rue Saint-Antoine. Je monte dans une maison où étoit une respectable famille de ma connoissance, composée du mari, de la femme et d'un fils unique charmant d'environ quatre ans. «Vous voilà! D'où venez-vous si tard, si loin de chez vous?—Ah! je viens d'être témoin d'un spectacle après lequel nous sommes les plus insensés des hommes et les plus grands ennemis de nous-mêmes, si nous n'en profitons pas pour travailler plus fortement à notre salut.» J'entre ensuite dans les détails qui, en produisant leur attendrissement, renouvelèrent le mien. J'y soupai, et me retirai fort tard. La nuit fut très-agitée; un sommeil entrecoupé ou accompagné de tout ce que j'avois vu ou entendu. La fatigue, que j'avois peu sentie, se fit sentir les jours suivants, mais, grâce à Dieu, sans indisposition. J'étois tout attendri, mais tout embaumé. Ah! m'écriois-je souvent, que mon âme vive de la vie des justes et que je meure de leur mort! Pendant longtemps la pensée de ce spectacle a produit en moi un certain frémissement, surtout lorsque je passois dans ces endroits si remarquables par ce que j'y avois vu. Ce frémissement venoit de ce que cette pensée étoit accompagnée d'une autre sur leur bonheur contrastant avec le vide qu'elles avoient laissé, la perte que nous avions faite, les dangers et les malheurs toujours renaissants où nous vivions. Le vendredi suivant, 25 juillet, je dînois avec et chez deux amis. Après le dîner, nous nous livrions à d'intéressants épanchements qui, malgré tous les accents de la tristesse, nous paroissoient si doux par les réflexions et consolations qui s'y mêloient et par la sage liberté qui y régnoit, dans une crise où tout étoit licence pour les méchants, tout étoit servitude pour les autres, au point de craindre, pour ainsi dire, que les murs ne parlassent. A cinq heures du soir, on frappe, et je vois entrer le digne ami qui m'avoit déjà averti deux fois. «Qui vous amène?—Je vous cherche depuis deux heures; désespérant de vous trouver, à tout hasard je suis venu ici.—Pourquoi?—Pour vous engager à rendre aux tantes des enfants, mesdames de Duras et Lafayette, le même service que vous avez rendu à leurs mères. Elles vont partir pour l'échafaud.—Ah! cher ami, que demandez-vous encore? Je connois peu ces dames, et il n'est pas sûr qu'elles me reconnoissent et que je les reconnoisse.»
Je combats, il redouble de prières; mes amis se joignent à lui. Je cède et je reprends ce triste chemin du palais. Il est temps, les charrettes sortent, s'arrêtent en attendant les dernières. Sur la première étoient des dames: je n'en reconnois aucune. J'examine, considère, tourne, retourne; non, ou je suis bien trompé, les tantes n'y sont point, grâce à Dieu. Cependant, pour ne rien omettre, j'interroge des spectateurs bien instruits, et avec la douleur que nous font éprouver ces inconnues, j'ai la joie de n'y point trouver les chères tantes. Dieu vouloit les conserver pour leurs familles qui les respectent et les aiment tant et avec tant de raison, me procurer l'avantage de les connoître d'une manière aussi particulière que celles dont la vie et surtout la mort m'ont tant édifié, et me faire trouver dans leur connoissance ce que j'avois perdu dans les autres, et dans ma situation, mes chagrins, mes malheurs, dont un irréparable, ces marques d'intérêt, d'attachement, et ces consolations que partage si bien un beau-frère, ami, et que je chercherois en vain dans plusieurs liés cependant avec moi. Puisse le Dieu tout-puissant et tout miséricordieux répandre sur leurs familles toutes les bénédictions que je lui demande pour la mienne, et nous réunir tous avec celles qui nous ont devancés dans ce séjour où il n'y aura plus de révolution à craindre ou à espérer, dans cette patrie qui aura, comme dit saint Augustin, la vérité pour roi, la charité pour loi, et pour mesure l'éternité!
Le Père Carrichon (Antoine-Philibert), ecclésiastique, prêtre de la ci-devant congrégation de l'Oratoire, est décédé le 30 juillet 1818, en sa maison, rue Saint-Jacques, no 277; ses obsèques se firent le 1er août, à sept heures du matin, en l'église de Saint-Jacques du Haut-Pas, sa paroisse. Il était âgé de soixante-neuf ans. B.