La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 2
XIII.
A Versailles, le 7 mars 1793, l'an II de la République.
Citoyen,
Je vous prévient que Madame Élisabeth, avoit une chien de sûreté a sa maison, elle faisoit donner six livres de pain par jour, le citoyen Thierry, boulanger du ci-devant Roi, est m'en avoit donnez la garde comme étant le gardien de ladite maison, mais trouvant qu'un seul chien ne suffisoit pas pour la sûreté de la maison, Madame Élisabeth m'a ordonnez en différentes fois d'en élever plusieurs, comme il plaisoit à Madame Élisabeth d'en disposer à sa volonté, et quel en faisoit des cadots, laqu'elle m'avoit promis un dedomagement, mais comme n'étant point revenuë, je n'ai toujours eut que la nouriture du premier, dont ledit citoyen Thierry a cessez de fournir le pain le 1er mars de la présente année 1793; est je me trouve avoir trois gros chiens à ma charge, est des frais d'en avoir elever et nourries plusieurs dont deux jusqu'à présent s'en avoir eut aucun dédomagement; est ayant prévenüe les citoyens qui ont posez les scellés, comment est que je pouroit faire avec ces chiens, s'il falloit m'en défaire, où en prévenir la municipalité, ils monts ordonnez de les garder jusqu'à la levée des scellés. Mais n'ayant plus le pain est n'ayant aucun dédomagement pour les nourirents je ne peut pas garder trois gros chiens à ma charge.
Avis du directeur de la régie nationale de l'enregistrement.
Le directeur de la régie nationale qui a pris communication de la pétition de l'autre part, est d'avis:
1o Que le citoyen Hubert soit autorisé à conserver un chien de basse-cour pour la garde de la maison Élisabeth Capet, située à l'extrémité de l'avenüe de Paris;
2o Qu'il lui soit tenu compte de cet objet de dépense à compter du 1er de ce mois, sur le pied qui sera déterminé par le directoire du district;
3o Enfin, que ledit Hubert vende, s'il est possible, ou donne les autres chiens qui sont inutiles. Le directeur observe au surplus que si les meubles existants dans cette maison étoient vendus ou transportés ailleurs, on trouveroit sans doute à la louer, ce qui produiroit le double avantage de supprimer toute espèce de dépense, et de procurer à la République un revenu dont elle est privée.
Versailles, 18 mars 1793, le deuxième de la République françoise.
XIV.
Extrait du registre des délibérations du directoire du département de Seine-et-Oise.
Séance publique du 8 juin 1793, l'an II de la République française.
Vu par le directeur la réclamation de sept ouvriers jardiniers, employés au jardin ci-devant appartenant à la sœur de Louis Capet, dépendant de la liste civile et situé au grand Montreuil, qui a pour objet le payement de trente-six livres chacun, qu'ils déclarent avoir ci-devant été dans l'usage de recevoir annuellement à titre de gratification, et n'avoir pas touché depuis 1791 inclusivement;
Le certificat du jardinier de ce jardin qui atteste cet usage;
Le renvoi de ladite demande de la part du district au directeur de la régie;
L'avis du directeur de la régie du 2 janvier dernier;
L'avis au district de Versailles du 11 dudit mois de janvier;
Ouï le procureur général sindic,
Le directoire, attendû que les sept ouvriers réclamants n'étoient pas mis en œuvre de l'ordre direct de la ci-devant Madame Élisabeth, mais bien pour le jardinier personnellement, et que c'est conséquemment à celui-ci de pourvoir tant à leurs salaires qu'à leurs gratifications s'il le juge à propos;
Arrête qu'il n'y a pas lieu d'accorder les gratifications requises.
Pour expédition, signés Richaud et Bocquet, secrétaire.
Pour copie conforme:
XV.
Aujourd'hui lundi cinq août mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deux de la République une et indivisible, nous, J. M. Musset, Claude-Étienne Contant et Nicolas Monjardet, commissaires de la Convention nationale du district de Versailles et de la municipalité de ladite ville, nous sommes transportés dans la maison ci-devant occupée par Élisabeth Capet, avenue de Paris, à l'effet d'examiner si les meubles des appartements de cette maison n'étoient point endommagés par les vers ou autrement. Nous nous sommes fait accompagner dans la visite que nous avons faite de plusieurs de ces appartements par le citoyen Hubert, l'épouse du citoyen Fleury et le citoyen Prévost, tous trois gardiens des scellés de ladite maison.
Les meubles que nous avons examinés sont ceux des appartements dont les portes d'entrée sont numérotées 1 et 2, — 16 et 17, — 12 et 13, — 14, 15, — 18 et 20, desquelles portes nous avons levé les scellés, trouvés intacts.
Voyant que ces meubles étoient tout neufs et fort peu endommagés des vers, nous avons jugé inutile d'en examiner un plus grand nombre, et nous nous sommes bornés à en faire battre plusieurs couchers et chaises sortis à cet effet dans la cour, en en prenant note; après quoi nous avons fait exactement replacer chacun à sa place, avons fait entièrement refermer lesdits appartements, et les scellés ont été réapposés par le commissaire du district sur chacune desdites portes.
Ensuite nous avons cru devoir, avant de terminer, visiter aussi les meubles de l'appartement d'Élisabeth Capet. Nous avons à cet effet levé les scellés mis sur la porte d'entrée, et après avoir entré dans l'antichambre, nous avons trouvé déchiré dans le milieu, et vis-à-vis la jonction des deux battants de la porte, le papier des scellés mis sur la porte à gauche qui est celle de l'appartement; et cette porte ouverte, le pesne de la serrure étant hors de la gâche, sur quoi il nous a été observé par lesdits gardiens que cette porte, fermée ainsi peut-être par inadvertance, pouvoit avoir été la cause du déchirement de ce papier dans quelque moment où il y aura eu du vent.
Nous avons vérifié que les meubles de cet appartement, qui sont précieux, n'étoient nullement endommagés. Nous avons refermé ladite porte trouvée ouverte, mais sans y apposer de nouveaux scellés, observant que ceux de la porte d'entrée suffisoient, et les scellés ont été réapposés sur celle-ci.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal, fait double pour être déposé au district et l'autre entre les mains des représentants du peuple, et avons signé avec lesdits gardiens présents, l'un d'eux représentés par son épouse, les an, mois et jour susdits. Et avons remis à la maison commune les clefs desdits appartements où elles étoient déposées.
XVI.
Aux citoyens administrateurs du directoire du district de Seine-et-Oise.
Citoyens,
Coupry, jardinier dans la ci-devant maison d'Élisabeth Capet, est décédé hier 8 nivôse à la suite d'une maladie; comme j'ai toujours veillié autant qu'il a dependû de moi aux interest de la République, si j'ai pû obtenir quelque confiance, je prie les citoyens administrateurs de vouloir bien me maintenir dans l'emploi provisoire de la surveillance du jardin et orangerie, ou il ce trouve maintenant beaucoup de plantes appartenant à la nation auxquelles j'ai toujours donné mes soins.
A Versailles, ce 9 nivôse, l'an second de la République françoise (29 décembre 1793).
Salut et fraternité.
Avis du directeur de la régie nationale.
Le directeur de la régie observe que, vû la vigilance et la probité bien reconnues du citoyen Lacolonge, l'administration adoptera une mesure fort sage, en lui confiant provisoirement le soin de veiller à la conservation des jardins, orangerie, plantes et arbustes de la maison d'Élisabeth Capet: il avoit la confiance de Coupry; personne ne connoît mieux que lui les détails de cette maison, il n'est donc pas possible de faire meilleur choix.
Il est vraisemblable que des anciens ouvriers, qui ont travaillé dans le jardin dépendant de ladite maison, feront des démarches pour remplacer Coupry; mais il seroit contraire à l'intérêt de la République de les laisser s'immiscer dans une administration où il régnoit une foule d'abus qu'on a attribués à plusieurs d'entr'eux.
Versailles, ce 21 nivôse de l'an II de la République une et indivisible (10 janvier 1794).
XVII.
Aujourd'hui sept ventôse, an second de la République françoise une et indivisible (25 février 1794), à quatre heures de relevée, moi, soussigné, comissaire nommé par l'administration du district de Versailles, département de Seine-et-Oise, par comission en datte du 24 pluviôse, pour la levée des scellés apposés au local du palais National et autres lieux dépendants de la ci-devant liste civile, assisté du citoyen Tissot, notable, comissaire pour la municipalité, nous nous sommes transporté au local dit Maison Élisabeth, où, après vérification faite des scellés apposés sur différentes portes environnant le jardin et autres issues de la maison, nous en avons fait la levée ainsi qu'il suit, savoir:
Po A une porte de la cour des cuisines;
2o Une grande porte donnant sur l'avenue de Paris;
3o Une porte donnant sous la voûte qui conduit à l'avenue de Paris;
4o Une porte donnant sur la ruelle, au bout du jardin Lemonier;
5o A la porte de communication du jardin dudit Lemonier;
6o A la porte de communication du jardin de la citoyenne Makau;
7o A la porte donnant à la maison de la femme Diane Polignac;
8o A la porte du jardin du petit bâtiment détaché;
9o A la porte cochère du petit bâtiment id.
Plus, le citoyen Flury, concierge de laditte maison, nous a fait voir des chassis de couche vitré, au nombre de soixante-dix-sept de 4 pieds carrés, et huit de 18 pouces sur 4 pieds, dont il a donné note au citoyen L'Oiseleur, inspecteur de laditte maison.
La levée des scellés étant terminés, nous donnons décharge aux gardiens ci-après dénommés, savoir:
Le citoyen Flury,
Prévost,
Heubert,
Bonifacy.
Et a ledit citoyen Flury signé avec nous, comme restant concierge, ce jour et an que dessus.
XVIII
Aux citoyens administrateurs composant le directoire du district de Versailles.
Citoyens,
Le citoyen Jean-Philippe Quadot, ci-devant balayeur de la maison de ci-devant Élisabeth Capet, soumets sous vos yeux sa triste position, etant pere de famille: est peu favorisez de la fortune, il ose espérer de votre justices le soutien que tous citoyen doit attendre de vous magistrats, lorsque la demande d'un réclamant ce trouve fondé; c'est dans cette espoir qu'ils vous soumets les reclamations suivante.
Jean-Philippe Quadot, âgé de soixante ans, pere de famille et indigent, a servie sous le règne du tyran Louis quinzième du nom, dans le ci-devant régiment de Normandie, où il fit cinq campagne durant les guerres d'Hanôvre; sortie du service militaire en 1757 (v. stile) il entra l'année ensuite au ci-devant château, en qualité de garçon marbrier pour l'entretien et la propreté de toute les marbres qui dépendoient des appartements dudit château, ainsi que de ceux de la chapelle; ayant de paye vingt sols par jour; ce qui ne pouvoit qu'à peine le faire subsanter lui est sa famille, mais dans lespoir où le réclamant étoit que l'on prendroit son sort et son ancien service en considération fait qu'il a toujours espérez jusqu'en 1789 (v. stile) où la ci-devant Élisabeth le prit à son service en qualité de balayeur, ordonnant qu'il fut habillez logez chauffez et eclairez, lui accordant aussi trente sols par jours de gage. Ce qui ne fut pas exécuté t'elle qu'elle l'avoit ordonnée, n'ayant étté logez qu'un an après etre entrée à son service, est n'ayant point étté habillez du tout, pour les trente sols par jour de gage la première année nayant étté payéz par le citoyen Sulleau concierge de la maison qui en etoit chargéz à raison de vingt quatre sols la seconde à raison de vingt six sols et la troisième à raison de vingt huit sols par jour jusqu'aux premier novembre; où ayant fait observer audit citoyen Sulleau que ce n'étoit point là les ordres de la maîtresse de le payer depuis vingt quatre sols jusqu'à vingt huit sols puisqu'elle avoit ordonné de le payer à raison de trente sols par jour; sur quoi le dit concierge lui dit qu'il n'étoit jamais content et comment faisoit-il au château lorsqu'il n'avoit que vingt sols, à quoi le citoyen Quadot a répondu qu'il avoit des Bonnes-âmes qui l'aidoit lui est sa famille, est que sa femme travailloit mais que n'étant plus jeune ni lui non plus ils seroit bien malheureux qu'ils fussent obligéz d'aller mendier leurs pains, tandis que lui concierge ne ce contentant pas de sa place cherchoit encor à retenir le salaire d'un malheureux. Cependant d'après cette explication il le paya à raison de trente sols par jour depuis le mois de novembre 1792 (v. style); quand au bois et la chandelle, il n'en avoit pas la moitié de son besoin.
Voici le précis de son état qu'il vous a exposéz.—Actuellement voici où ce borne sa demarche auprès de vous citoyens administrateurs.
Le citoyen Flüry garçon du citoyen Sulleau, ordonna le 18 ventôse au citoyen Quadot dévacuer le logement qu'il occupe dans la maison de rendre les meubles dans le délai de vingt-quatre heures; le malheureux Quadot malade d'un coup de pied de cheval qu'il a reçue dans lestomac, s'en le sols s'en lit pour ce coucher lui et sa famille...
Je pase sous silence a votre humanité le tableau douloureux d'une famille abandonnée, réduite au désespoir.
N'ayant aucunes resources que de votre justices et ayant une conduite s'en reproche.
Vous fait la demande de son logement jusqu'au moment où l'on disposeroit de la maison autrement: en titre de charité après trente-six ans de service; est vous demande aussi de lui faire avoir son lit à la prissez un sixième en sus de l'estimation.
Justices qu'il attend de vous citoyens administrateurs ce qui le pénétrera de la plus vive reconnoissance.
Le citoyen Quadot ne schachant point signée à fait une
La demande du sieur Quadot est appuyée ainsi par sa section.
Les président et secrétaires de la treizième section au nom de leurs concitoyens atestent que le citoyen Kadot est un bon citoyen, qu'il est père de quatre enfans dont trois à sa charge et un dans l'armée révolutionnaire, qu'en outre il est privé de toute fortune. En conséquence, il invite les membres du district de prendre en considération son honnêteté, les besoins de sa famille, et de permettre qu'il reste dans le logement qu'il occupe jusqu'à ce qu'il plaise à la justice du district d'en ordonner autrement.
Versailles, le 21 ventôse, l'an deuxième de la République une et indivisible. (11 mars 1794.)
Le registre des délibérations de l'administration du district de Versailles nous apprend que,
Dans la séance publique du 16 germinal an II (5 avril 1794),
«Ouï l'agent national provisoire,
»L'administration considérant que la position du réclamant exige des égards; que l'humanité souffrante ne peut qu'engager à secourir les infortunés;
»Considérant que les intérêts de la République ne doivent pas être compromis;
»Arrête que le citoyen Kadot jouira provisoirement du logement qu'il occupe à la ci-devant maison d'Élisabeth Capet, jusqu'à ce qu'il ait été pris un parti par l'administration pour la vente ou la location de cette maison.
»Pour expédition,
XIV
LETTRE DES PRINCES AU ROI.
Sire, notre Frère et Seigneur,
Lorsque l'assemblée qui vous doit l'existence, et qui ne l'a fait servir qu'à la destruction de votre pouvoir, se croit au moment de consommer sa coupable entreprise; lorsqu'à l'indignité de vous tenir captif au milieu de votre capitale, elle ajoute la perfidie de vouloir que vous dégradiez votre trône de votre propre main; lorsqu'elle ose enfin vous présenter l'option, ou de souscrire des décrets qui feroient le malheur de vos peuples, ou de cesser d'être roi, nous nous empressons d'apprendre à Votre Majesté que les puissances dont nous avons réclamé pour elle le secours, sont déterminées à y employer leurs forces; que l'Empereur et le roi de Prusse viennent d'en contracter l'engagement mutuel. Le sage Léopold, aussitôt après avoir assuré la tranquillité de ses États et amené celle de l'Europe, a signé cet engagement à Pilnitz, le 29 du mois dernier, conjointement avec le digne successeur du grand Frédéric; ils en ont remis l'original entre nos mains, et pour le faire parvenir à votre connoissance nous le ferons imprimer à la suite de cette lettre, la publicité étant aujourd'hui la seule voie de communication dont vos cruels oppresseurs n'aient pu nous priver.
Les autres cours sont dans les mêmes dispositions que celles de Vienne et de Berlin. Les princes et États de l'Empire ont déjà protesté, dans des actes authentiques, contre les lésions faites à des droits qu'ils ont résolu de soutenir avec vigueur. Vous ne sauriez douter, Sire, du vif intérêt que les rois Bourbons prennent à votre situation; Leurs Majestés Catholique et Sicilienne en ont donné des témoignages non équivoques. Les généreux sentiments du roi de Sardaigne, notre beau-père, ne peuvent pas être incertains. Vous avez droit de compter sur ceux des Suisses, les bons et anciens amis de la France. Jusque dans le fond du Nord, un roi magnanime[235] veut aussi contribuer à rétablir votre autorité; et l'immortelle Catherine, à qui aucun genre de gloire n'est étranger, ne laissera pas échapper celle de défendre la cause des souverains.
Il n'est point à craindre que la nation britannique, trop généreuse pour contrarier ce qu'elle trouve juste, trop éclairée pour ne pas désirer ce qui intéresse sa propre tranquillité, veuille s'opposer aux vues de cette noble et irrésistible confédération.
Ainsi, dans vos malheurs, Sire, vous avez la consolation de voir les puissances conspirer à les faire cesser, et votre fermeté, dans le moment critique où vous êtes, aura pour appui l'Europe entière.
Ceux qui savent qu'on n'ébranle vos résolutions qu'en attaquant votre sensibilité, voudront sans doute vous faire envisager l'aide des puissances étrangères comme pouvant devenir funeste à vos sujets; ce qui n'est que vue auxiliaire, ils le travestiront en vue hostile, et vous peindront le royaume inondé de sang, déchiré dans toutes ses parties, menacé de démembrements. C'est ainsi qu'après avoir toujours employé les plus fausses alarmes pour causer les maux les plus réels, ils veulent se servir encore du même moyen pour les perpétuer; c'est ainsi qu'ils espèrent faire supporter le fléau de leur odieuse tyrannie, en faisant croire que tout ce qui la combat conduit au plus dur despotisme.
Mais, Sire, les intentions des souverains qui vous donneront des secours sont aussi droites, aussi pures que le zèle qui nous les fait solliciter; elles n'ont rien d'effrayant ni pour l'État, ni pour vos peuples: ce n'est point les attaquer, c'est leur rendre le plus signalé de tous les services, que de les arracher au despotisme des démagogues, aux calamités de l'anarchie. Vous vouliez assurer plus que jamais la liberté de vos sujets, quand des séditieux vous ont ravi la vôtre; ce que nous faisons pour parvenir à vous la rendre, avec la mesure d'autorité qui vous appartient légitimement, ne peut être suspecté de volonté oppressive; c'est au contraire venger la liberté que de réprimer la licence; affranchir la nation, que de rétablir la force publique, sans laquelle elle ne peut être libre. Ces principes, Sire, sont les vôtres; le même esprit de modération et de bienfaisance qui caractérise toutes vos actions sera la règle de notre conduite: il est l'âme de toutes nos démarches auprès des cours étrangères; et dépositaires des témoignages positifs des vues aussi généreuses, qu'équitables qui les animent, nous pouvons garantir qu'elles n'ont d'autre désir que de vous remettre en possession du gouvernement de vos États, pour que vos peuples puissent jouir en paix des bienfaits que vous leur avez destinés.
Si les rebelles opposent à ce désir une résistance opiniâtre et aveugle, qui force les armées étrangères de pénétrer dans le royaume, eux seuls les y auront attirées, sur eux seuls rejailliroit le sang coupable qu'il seroit nécessaire de répandre; la guerre seroit leur ouvrage. Le but des puissances étrangères n'est que de soutenir la partie saine de la nation contre la partie délirante, et d'éteindre au sein du royaume le volcan du fanatisme, dont les éruptions propagées menacent tous les empires.
D'ailleurs, Sire, il n'y a pas lieu de croire que les François, quelque soin qu'on prenne d'enflammer leur bravoure naturelle, en exaltant, en électrisant toutes les têtes par des prestiges de patriotisme et de liberté, veuillent longtemps sacrifier leur repos, leurs biens et leur sang pour soutenir une innovation extravagante qui n'a fait que des malheureux. L'ivresse n'a qu'un temps; les succès du crime ont des bornes; et on se lasse bientôt des excès, quand on est soi-même victime. Bientôt on se demandera pourquoi on se bat, et l'on verra que c'est pour servir l'ambition d'une troupe de factieux qu'on méprise, contre un roi qui s'est toujours montré juste et humain; pourquoi l'on se ruine, et l'on verra que c'est pour assouvir la cupidité de ceux qui se sont emparés de toutes les richesses de l'État, qui en font le plus détestable usage, et qui, chargés de restaurer les finances publiques, les ont précipitées dans un abîme épouvantable; pourquoi on viole les devoirs les plus sacrés, et l'on verra que c'est pour devenir plus pauvres, plus souffrants, plus vexés, plus imposés qu'on ne l'avoit jamais été; pourquoi on bouleverse l'ancien gouvernement, et l'on verra que c'est dans le vain espoir d'en introduire un qui, s'il étoit praticable, seroit mille fois plus abusif, mais dont l'exécution est absolument impossible; pourquoi l'on persécute les ministres de Dieu, et l'on verra que c'est pour favoriser les desseins d'une secte orgueilleuse qui a résolu de détruire toute religion, et par conséquent de déchaîner tous les crimes.
Déjà même toutes ces vérités sont devenues sensibles, déjà le voile de l'imposture se déchire de toutes parts, et les murmures contre l'assemblée qui a usurpé tous les pouvoirs et anéanti tous les droits s'étendent d'une extrémité du royaume à l'autre.
Ne jugez pas, Sire, de la disposition du plus grand nombre par le mouvement des plus turbulents; ne jugez pas le sentiment national d'après l'inaction de la fidélité et son apparente indifférence. Lorsque vous fûtes arrêté à Varennes et lorsqu'une troupe de satellites vous reconduisit à Paris, l'effroi glaçoit alors tous les esprits et faisoit régner un morne silence. Ce qu'on vous cacha, ce qui dénote bien mieux le changement qui s'est fait et se fait encore de jour en jour dans l'opinion, ce sont les marques de mécontentement qui percent de toutes les provinces, et qui n'attendent qu'un appui pour éclater davantage; c'est la demande que plusieurs départements viennent de former pour que l'Assemblée ait à rendre compte des sommes immenses qu'elle a dilapidées depuis sa gestion; c'est la frayeur que ses chefs laissent apercevoir, et leurs tentatives réitérées pour entrer en accommodement; ce sont les plaintes du commerce et l'explosion récente du désespoir de nos colonies; c'est enfin la pénurie absolue du numéraire, le refus des contribuables de payer les impôts, l'attente d'une banqueroute prochaine, la défection des troupes qui, victimes de tous les genres de séduction, commencent à s'en indigner, et le progrès toujours croissant des émigrations. Il est impossible de se méprendre à de pareils signes, et leur notoriété est telle que l'audace même des séducteurs du peuple ne sauroit en contester la vérité.
Ne croyez donc pas, Sire, à l'exagération des dangers par lesquels on s'efforce de vous effrayer. On sait que, peu sensible à ceux qui ne menaceroient que votre personne, vous l'êtes infiniment à ceux qui tomberoient sur vos peuples, ou qui pourroient frapper des objets chers à votre cœur, et c'est sur eux qu'on a la barbarie de vous faire frémir continuellement, en même temps qu'on a l'impudence de vanter votre liberté. Mais depuis trop longtemps on abuse de cet artifice, et le moment est venu de rejeter sur les factieux qui vous outragent l'arme de la terreur qui jusqu'ici a fait toute leur force.
Les grands forfaits ne sont point à craindre lorsqu'il n'y a aucun intérêt à les commettre, ni aucun moyen d'éviter, en les commettant, une punition terrible. Tout Paris sait, tout Paris doit savoir que si une scélératesse fanatique ou soudoyée osoit attenter à vos jours ou à ceux de la Reine, des armées puissantes, chassant devant elles une milice foible par indicispline, découragée par les remords, viendroient aussitôt fondre sur la ville impie qui auroit attiré sur elle la vengeance du ciel et l'indignation de l'univers. Aucun des coupables ne pourroit échapper aux plus rigoureux supplices; donc aucun d'eux ne voudra s'y exposer.
Mais si la plus aveugle fureur armoit un bras parricide, vous verriez, Sire, n'en doutez pas, des milliers de citoyens fidèles se précipiter autour de la famille royale, vous couvrir, s'il le falloit, de leurs corps, et verser tout leur sang pour défendre le vôtre... Eh! pourquoi cesseriez-vous de compter sur l'affection d'un peuple dont vous n'avez pas cessé un seul moment de vouloir le bonheur?
Le François se laisse facilement égarer, mais facilement aussi il rentre dans la route du devoir; ses mœurs sont naturellement trop douces pour que ses actions soient longtemps féroces; et son amour pour ses rois est trop enraciné dans son cœur, pour qu'une illusion funeste ait pu l'en arracher entièrement.
Qui pourroit être plus porté que nous à concevoir des alarmes sur la situation d'un frère tendrement chéri? Mais, au dire même de vos plus téméraires oppresseurs, ce refus du résumé constitutionnel, que nous apprenons vous avoir été présenté par l'Assemblée, le 3 de ce mois, ne vous exposeroit qu'au danger d'être destitué par elle de la royauté; or ce danger n'en est pas un. Qu'importe que vous cessiez d'être roi aux yeux des factieux, lorsque vous le seriez plus glorieusement et plus solidement que jamais aux yeux de toute l'Europe et dans le cœur de tous vos sujets fidèles? Qu'importe que, par une entreprise insensée, on osât vous déclarer déchu du trône de vos ancêtres, lorsque les forces combinées de toutes les puissances sont préparées pour vous y maintenir et punir les vils usurpateurs qui en auroient souillé l'éclat?
Le danger seroit bien plus grand si, en paroissant consentir à la dissolution de la monarchie, vous paroissiez affaiblir vos droits personnels aux secours de tous les monarques, et si vous sembliez vous séparer de la cause des souverains en consacrant une doctrine qu'ils sont obligés de proscrire. Le péril augmenteroit en proportion de ce que vous montreriez moins de confiance dans les moyens préservateurs; il augmenteroit à mesure que l'impression du caractère auguste qui fait trembler le crime aux pieds de la majesté royale dignement soutenue, perdroit de sa force; il augmenteroit lorsque l'apparence de l'abandon des intérêts de la religion pourroit exciter la fermentation la plus redoutable; il augmenteroit enfin, si, vous résignant à n'avoir plus que le vain titre d'un roi sans pouvoir, vous paroissiez, au jugement de l'univers, abdiquer la couronne, dont chacun sait que la conservation exige celle des droits inaliénables qui y sont essentiellement inhérents.
Le plus sacré des devoirs, Sire, ainsi que le plus vif attachement, nous portent à mettre sous vos yeux toutes ces conséquences dangereuses de la moindre apparence de foiblesse, en même temps que nous vous présentons la masse des forces imposantes qui doit être la sauvegarde de votre fermeté.
Nous devons encore vous annoncer, et même nous jurons à vos pieds, que si des motifs qu'il nous est impossible d'apercevoir, mais qui ne pourroient avoir pour principe que l'excès de la violence et une contrainte qui, pour être déguisée, n'en seroit que plus cruelle, forçoient votre main de souscrire une acceptation que votre cœur rejette, que votre intérêt et celui de vos peuples repoussent, et que votre devoir de roi vous interdit expressément, nous protesterions à la face de toute la terre, et de la manière la plus solennelle, contre cet acte illusoire et tout ce qui pourroit en dépendre; nous démontrerions qu'il est nul par lui-même, nul par le défaut de liberté, nul par le vice radical de toutes les opérations de l'Assemblée usurpatrice, qui, n'étant pas assemblée d'états généraux, n'est rien. Nous sommes fondés sur les droits de la nation entière à rejeter des décrets diamétralement contraires à son vœu exprimé par l'unanimité des cahiers, et nous désavouerions pour elle des mandataires infidèles qui, en violant les ordres et transgressant la mission qu'elle leur avoit donnée, ont cessé d'être ses représentants; nous soutiendrions, ce qui est évident, qu'ayant agi contre leur titre, ils ont agi sans pouvoir, et que ce qu'ils n'ont pu faire légalement ne peut être accepté validement. Notre protestation, signée avec nous par tous les princes de votre sang qui nous sont réunis, seroit commune à toute la maison de Bourbon, à qui ses droits éventuels à la couronne imposent le devoir d'en défendre l'auguste dépôt. Nous protesterions pour vous-même, Sire, en protestant pour vos peuples, pour la religion, pour les maximes fondamentales de la monarchie et pour tous les ordres de l'État.
Nous protesterions pour vous et en votre nom contre ce qui n'en auroit qu'une fausse empreinte. Votre voix étant étouffée par l'oppression, nous en serions les organes nécessaires, et nous exprimerions vos vrais sentiments, tels qu'ils sont consignés au serment de votre avénement au trône, tels qu'ils sont constatés par les actions de votre vie entière, tels qu'ils se sont montrés dans la déclaration que vous avez faite au moment où vous vous êtes cru libre; vous ne pouvez pas, vous ne devez pas en avoir d'autres, et votre volonté n'existe que dans les actes où elle respire librement.
Nous protesterions pour vos peuples, qui, dans leur délire, ne peuvent apercevoir combien ce fantôme de constitution nouvelle qu'on fait briller à leurs yeux et aux pieds duquel on les fait jurer vainement, leur deviendroit funeste. Lorsque ces peuples, ne connoissant plus ni chef légitime, ni leurs intérêts les plus chers, se laissent entraîner à leur perte; lorsque, aveuglés par de trompeuses promesses, ils ne voient pas qu'on les anime eux-mêmes à détruire les gages de leur sûreté, les soutiens de leur repos, les principes de leur subsistance et tous les liens de leur association civile, il faut en réclamer pour eux le rétablissement, il faut les sauver de leur propre frénésie.
Nous protesterions pour la religion de nos pères, qui est attaquée dans ses dogmes et dans son culte, comme dans ses ministres; et suppléant à l'impuissance où vous serez de remplir vous-même vos devoirs de fils aîné de l'Église, nous prendrions en votre nom la défense de ses droits, nous nous opposerions à des spoliations qui tendent à l'avenir; nous nous élèverions avec force contre des actes qui menacent le royaume des horreurs du schisme, et nous professerions hautement notre attachement inaltérable aux règles ecclésiastiques admises dans l'État, desquelles vous avez juré de maintenir l'observation.
Nous protesterions pour les maximes fondamentales de la monarchie, dont il ne vous est pas permis, Sire, de vous départir, que la nation elle-même a déclarées inviolables, et qui seroient totalement renversées par les décrets qu'on vous présente, spécialement par ceux qui, en excluant le Roi de l'exercice du pouvoir législatif, abolissent la royauté même; par ceux qui en détruisent tous les soutiens, en supprimant les rangs intermédiaires; par ceux qui, en nivelant tous les états, anéantissent jusqu'au principe de l'obéissance; par ceux qui enlèvent au monarque les fonctions les plus essentielles du gouvernement monarchique, ou qui le rendent subordonné dans celles qu'ils lui laissent; par ceux enfin qui ont armé le peuple, qui ont annulé la force publique, et qui, en confondant tous les pouvoirs, ont introduit en France la tyrannie populaire.
Nous protesterions pour tous les ordres de l'État, parce que, indépendamment de la suppression intolérable et impossible prononcée contre les deux premiers ordres, tous ont été lésés, vexés, dépouillés, et nous aurions à réclamer tout à la fois les droits du clergé, qui n'a voulu montrer une ferme et généreuse résistance que pour les intérêts du ciel et les fonctions du saint ministère; les droits de la noblesse, qui, plus sensible aux outrages faits au trône dont elle est l'appui qu'à la persécution qu'elle éprouve, sacrifie tout pour manifester par un zèle éclatant qu'aucun obstacle ne peut empêcher un chevalier françois de demeurer fidèle à son roi, à sa patrie, à son honneur; les droits de la magistrature qui regrette, beaucoup plus que la privation de son état, de se voir réduite à gémir en silence de l'abandon de la justice, de l'impunité des crimes et de la violation des lois dont elle est essentiellement dépositaire; enfin, des droits des possesseurs quelconques, puisqu'il n'est point en France de propriété qui ait été respectée, point de citoyens honnêtes qui n'aient souffert.
Comment pourriez-vous, Sire, donner une approbation sincère et valide à la prétendue constitution qui a produit tant de maux!
Dépositaire usufruitier du trône que vous avez hérité de vos aïeux, vous ne pouvez ni en aliéner les droits patrimoniaux, ni détruire la base constitutive sur laquelle il est assis.
Défenseur-né de la religion de vos États, vous ne pouvez pas consentir à ce qui tend à sa ruine, et abandonner ses ministres à l'opprobre.
Débiteur de la justice à vos sujets, vous ne pouvez pas renoncer à la fonction essentiellement royale de la leur faire rendre par les tribunaux légalement constitués et d'en surveiller vous-même l'administration.
Protecteur des droits de tous les ordres et des possessions de tous les particuliers, vous ne pouvez pas les laisser violer et anéantir par la plus arbitraire des oppressions.
Enfin, père de vos peuples, vous ne pouvez pas les livrer au désordre de l'anarchie.
Si le crime qui vous obsède et la violence qui vous lie les mains ne vous permettent pas de remplir ces devoirs sacrés, ils n'en sont pas moins gravés dans votre cœur en traits ineffaçables, et nous accomplirons votre volonté réelle en suppléant, autant qu'il est en nous, à l'impuissance où vous êtes de l'exercer. Dussiez-vous même nous le défendre, et fussiez-vous forcé de vous dire libre en nous le défendant, ces défenses évidemment contraires à vos sentiments, puisqu'elles le seroient au premier de vos devoirs; ces défenses sorties du sein de votre captivité, qui ne cessera réellement que quand vos peuples seront rentrés dans le devoir et vos troupes sous votre obéissance; ces défenses qui ne pourroient avoir plus de valeur que tout ce que vous avez fait avant votre sortie et que vous avez désavoué ensuite; ces défenses enfin, qui seroient imprégnées de la même nullité que l'acte approbatif contre lequel nous serions obligés de protester, ne pourroient certainement pas nous faire trahir notre devoir, sacrifier vos intérêts et manquer à ce que la France auroit droit d'exiger de nous en pareille circonstance; nous obéirons, Sire, à vos véritables commandements, en résistant à des défenses extorquées, et nous serions sûrs de votre approbation en suivant les lois de l'honneur. Notre parfaite soumission vous est trop connue pour que jamais elle vous paroisse douteuse. Puissions-nous être bientôt au moment heureux où, rétabli en pleine liberté, vous nous verrez voler dans vos bras, y renouveler l'hommage de notre obéissance et en donner l'exemple à tous vos sujets.
Nous sommes, Sire, notre frère et seigneur, de Votre Majesté
Les très-humbles et très-obéissants frères, serviteurs et sujets,
Au château de Schonburnstust, près Coblentz, le 10 septembre 1791.
XV
PROCLAMATION DU ROI
A L'OCCASION DE LA JOURNÉE DU 20 JUIN 1792.
Les Français n'auront pas appris sans douleur qu'une multitude égarée par quelques factieux est venue à main armée dans l'habitation du Roi, a traîné du canon jusque dans la salle des gardes, a enfoncé les portes de son appartement à coups de hache, et là, abusant audacieusement du nom de la nation, elle a tenté d'obtenir par la force la sanction que Sa Majesté a constitutionnellement refusée à deux décrets.
Le Roi n'a opposé aux menaces et aux insultes des factieux que sa conscience et son amour pour le bien public.
Le Roi ignore quel sera le terme où ils voudront s'arrêter; mais il a besoin de dire à la nation française que la violence, à quelque excès qu'on veuille la porter, ne lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu'il trouvera contraire à l'intérêt public. Il expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté; il sacrifie même sans peine la jouissance des droits qui appartiennent à tous les hommes, et que la loi devrait faire respecter chez lui, comme chez tous les citoyens; mais, comme représentant héréditaire de la nation française, il a des devoirs sacrés à remplir; et, s'il peut faire le sacrifice de son repos, il ne fera pas le sacrifice de ses devoirs.
Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus, ils peuvent le commettre. Dans l'état de crise où elle se trouve, le Roi donnera jusqu'au dernier moment à toutes les autorités constituées l'exemple du courage et de la fermeté qui seuls peuvent sauver l'empire. En conséquence, il ordonne à tous les corps administratifs et municipaux de veiller à la sûreté des personnes et des propriétés.
FIN.
TABLE
DU SECOND VOLUME.
- Livre VIII. Captivité de la famille royale au Temple (depuis le 13 août 1792 jusqu'au 21 janvier 1793) 1
- —— IX. Depuis la mort de Louis XVI jusqu'à la translation de Marie-Antoinette à la Conciergerie (21 janvier—2 août 1793) 103
- —— X. Depuis le départ de la Reine jusqu'à celui de Madame Élisabeth.—Interrogatoire de cette princesse (2 août 1793—9 mai 1794) 149
- —— XI. Meurtre de Madame Élisabeth 191
- Appendice.—Documents concernant les recherches qui ont été faites pour retrouver et constater les restes de Madame Élisabeth 263
- Lettres de Madame Élisabeth 371
- Notes, documents et pièces justificatives 477
- I. Lettre écrite de Paris par M. Repiquet, fédéré d'Autun, département de Saône-et-Loire, à M. Repiquet, son frère, citoyen audit Autun, sur les événements du 10 août 477
- II. Lettre du vicaire de Fontenay de Vincennes à Madame Élisabeth 480
- III. Aspect extérieur de la tour du Temple; personnel commis à sa garde; dispositions prises pour la sûreté de cette prison 481
- IV. Mémoire de madame Marie-Antoinette 486
- V. Mémoires des médicaments fournis au Temple pendant les mois de mai, juin et juillet 1793 489
- VI. Détails que M. de Loménie de Brienne, ancien ministre de la guerre, n'a pu lire ni faire lire pour sa justification 493
- VII. Extrait du registre des dépôts au greffe du tribunal révolutionnaire 496
- VIII. Acte de décès de Marie Magnin, femme de Jacques Bosson 499
- IX. Acte de décès de Jacques Bosson 500
- X. Maison de Madame Élisabeth 500
- I. Arrêté de Delacroix, affectant à la manufacture d'une horlogerie automatique la maison dite Élisabeth, l'orangerie et la vacherie qui en dépendent, et plaçant cet établissement sous la direction des citoyens Glaesner et Lemaire 500
- II. Arrêté consulaire supprimant la manufacture d'horlogerie de Versailles 503
- III. L'aliénation de la maison Élisabeth est décidée 503
- IV. Vente de la maison Élisabeth 504
- XI.—I. Le 8 octobre 1793, triage, réserve et vente des fleurs du jardin de Montreuil 509
- II. Le 10 ventôse an II (28 février 1794), le commissaire à la disposition des plantes fait son rapport 513
- III. Le 14 ventôse an II (4 mars 1794), l'administration décide que la location des potagers, orangerie et jardins, ci-devant appartenant à Élisabeth Capet, sera mise à l'enchère 515
- IV. Le 25 frimaire an III (15 décembre 1794), le directeur de l'agence nationale de l'enregistrement et des domaines annonce qu'il résulte des informations prises que les dégradations journalières commises dans le jardin Élisabeth sont le fait du citoyen Leblanc, locataire actuel du jardin, qui y laisse habituellement pâturer ses vaches. Il invite l'agent national à intenter au délinquant, s'il y a lieu, une action judiciaire 516
- XII. Récit du Père Carrichon 517
- XIII. Pièces diverses concernant Madame Élisabeth 527
- I. Son acte de baptême 527
- II. Sa nourrice 528
- III. État des appointements de ses dames de compagnie 530
- IV. État des meubles de son appartement au château de Versailles 533
- V. État de ses diamants et perles 547
- VI. État des distributions d'étrennes 548
- VII. Registre des pensions trouvé chez Madame Élisabeth 554
- VIII. Appointements de ses dames de compagnie en 1790 557
- IX. Détail des dépenses extraordinaires de la chambre de Madame Élisabeth 558
- X. Déménagement des meubles de la chambre de Madame Élisabeth, qui ont été transportés au Garde-meuble, rue Neuve-Notre-Dame, no 9, par Jubin, valet de chambre tapissier 561
- XI. Liste des livres de Madame portés à Paris 565
- XII. Livres retirés de la bibliothèque de Montreuil 569
- XIII. Nouvelles publications 570
- XIV. Mémoire des ouvrages faits et fournis pour S. A. R. Madame Élisabeth de France par Bourbon 574
DOCUMENTS RELATIFS A LA MAISON ÉLISABETH, SISE AU GRAND MONTREUIL.
- I. Maison de Montreuil et son jardin; le produit pendant l'année 1790 575
- II. Consigne du suisse de garde pour le jardin et les bosquets de la maison de Montreuil, donnée par M. Huvé 576
- III. Autre consigne, donnée par le sieur Sulleau 576
- IV. Ouvrages de la bibliothèque de Montreuil qui seraient également bien placés dans celle de Paris 578
- V. Apposition des scellés sur les portes de la maison Élisabeth, 12 mars 1792 581
- VI. 8 octobre 1792. Les individus autorisés à demeurer dans la maison Élisabeth témoignent, par l'organe du citoyen Sulleau, concierge garde-meuble de ladite maison, le désagrément et la gène qu'ils éprouvent de l'apposition des scellés 582
- VII. Les citoyens Boissy et Borel, avec l'autorisation de la commune de Versailles, apposent les scellés sur toutes les portes extérieures de la maison et du jardin Élisabeth, malgré les représentations du sieur Sulleau 583
- VIII. État de la vacherie au mois d'octobre 1792 584
- IX. Heuber, suisse et gardien de la maison Élisabeth, et Bonifacy, garde-bosquets, se plaignent des dégâts qui se font journellement dans l'enclos 584
- X. Réclamations de Noël Gauthier et de Jullien Gauthier frères 585
- XI. Règlement de l'apposition des scellés, noms des personnes employées et autorisées à loger dans la maison Élisabeth 585
- XII. Lettre du maire de Versailles autorisant l'ouverture de la grande porte de la maison: ordre donné à ce sujet par le directoire du district de Versailles 586
- XIII. Heuber, gardien de la maison Élisabeth, n'ayant pas de pain pour nourrir ses trois gros chiens, demande ce qu'il doit en faire.
- Avis du directeur de la régie nationale de l'enregistrement 587
- XIV. Sept ouvriers jardiniers de la maison Élisabeth réclament le payement de trente-six livres chacun, qu'ils recevaient annuellement, à titre de gratification, de l'ordre de la princesse.
- Réponse du directoire du département 588
- XV. Musset, Contant et Monjardet, commissaires de la Convention nationale, du district de Versailles et de la municipalité de ladite ville, visitent la maison Élisabeth, et en examinent les appartements et les meubles 589
- XVI. Le 9 nivôse an II, Lacolonge sollicite la place de jardinier de la maison Élisabeth, laissée vacante par le décès de Coupry. Cette demande est appuyée par le directeur de la régie nationale 590
- XVII. Le 7 ventôse an II (25 février 1794), les scellés sont levés sur toutes les portes extérieures de la propriété 591
- XVIII. Le citoyen Quadot, qui a servi sous le tyran Louis XV, et qui est chargé de famille et sans ressource, réclame la faveur d'être réintégré dans le logement qu'il occupait dans la maison Élisabeth. Sa demande, appuyée par sa section, est couronnée de succès 592
- XIV. Lettre des Princes au Roi 594
- XV. Proclamation du Roi à propos de la journée du 20 juin 1792 602
PLACEMENT DES GRAVURES ET AUTOGRAPHES.
- Portrait de Madame Élisabeth à vingt-neuf ans Au frontispice.
- Acte d'accusation 204
- Procès-verbal d'exécution de mort 230
- Plan du cimetière de Monceaux 232
- Plan de l'ancien cimetière de la Madeleine 251
Notes
1: «M. la Fayette, qui jugeoit plus sainement alors l'état des choses qu'au commencement de la révolution, dit Malouet, étoit de bonne foi dans son désir de se consacrer au salut du Roi et de la Constitution, après avoir contribué à mettre l'un et l'autre fort en péril. Il étoit sûr de son armée et de celle de son collègue Luckner, si le Roi consentoit à se mettre à leur tête. Il étoit venu au mois de mai à Paris pour lui en faire la proposition, et comme il savoit que Sa Majesté avoit confiance en moi, il me fit demander un rendez-vous chez madame la princesse d'Hénin, où étoient madame de Poix et madame de Simiane.» (Mémoires de Malouet, publiés par son petit-fils, t. II, p. 143.)
2: «Il étoit bien entendu, dit Malouet, que l'adhésion du Roi à l'acte constitutionnel et à ceux qui le défendoient seroit franche et entière.» Plus loin il ajoute: «Quels que furent les vœux, les espérances de la famille royale, rien ne peut justifier l'imprudence du Roi de s'être isolé sans défense au milieu de ses ennemis, de n'avoir su ni voulu rallier à lui un parti national.»
Malouet, malgré ses bonnes intentions, retombe ici dans la logomachie qui fit tant de mal à cette époque. Où était ce parti national? Savait-il ce qu'il voulait, ce qu'il faisait? Avant et après Varennes, n'avait-il pas traité le Roi en ennemi?
3: C'est la conviction de l'honnête Malouet: «Croira-t-on, dit-il, que le Roi, qui avoit l'esprit juste; que la Reine, qui ne manquoit ni de lumière ni de courage; que Madame Élisabeth, qui en avoit beaucoup, se réduisissent volontairement, au milieu des plus grands dangers, à une complète inaction?»
4: La Reine écrivait le 4 juillet au comte de Mercy: «Vous connoissez déjà les événements du 20 juin, notre position devient tous les jours plus critique. Il n'y a que violence et rage d'un côté, foiblesse et inertie de l'autre. On ne peut compter ni sur la garde nationale ni sur l'armée; on ne sait s'il faut rester à Paris ou se jeter ailleurs.» La journée du 10 août donna tristement raison à la Reine pour la garde nationale; la nécessité où fut le général la Fayette de s'enfuir et d'émigrer après le 10 août lui donna tristement raison pour l'armée. Malouet dit lui-même: «Dans Paris, où la majorité constitutionnelle étoit encore plus nombreuse que dans l'Assemblée, ce fut la plus vile populace et les scélérats dont elle suivait l'impulsion qui se montrèrent les plus forts, et imprimèrent à tous les citoyens la terreur qui les a dominés pendant tout le cours de la révolution.» (Arneth, Marie-Antoinette, Joseph und Leopold, p. 265.)
5: «Le Roi, dit Malouet, n'avoit pas contre les constitutionnels une aversion aussi prononcée que la Reine et Madame Élisabeth; mais il ne s'y fioit pas, et croyoit pouvoir éviter de s'en rapprocher. Le parti jacobin leur inspiroit plus de mépris que de crainte..... Ils supposoient les révolutionnaires plus corrompus que fanatiques. (Tome II, page 157.)
6: La terre de Lamotte, appartenant au duc d'Orléans, qui cherchait en effet à la vendre. Le parc s'étendait jusqu'au bord de la mer.
7: Voir à la fin du volume aux pièces justificatives, no I.
8: Séance du 13 août 1792.
9: Voir à ce sujet les registres de la Commune et les Archives de l'Empire.
10: On avait pendu Favras sur la place de Grève, on y avait amené les restes palpitants de Flesselles et de de Launay: mais la révolution ne voulut pas que le palais du peuple fût souillé du sang de ses ennemis. Elle reporta ce spectacle devant le palais des rois. Le 24 août, M. de Laporte fut décapité sur la grande place du Carrousel, vis-à-vis du château des Tuileries. Il était âgé de quarante-neuf ans. C'était lui qui, le 22 juin 1791, avait remis à l'Assemblée nationale la déclaration que Louis XVI avait écrite avant de partir pour Varennes. Il avait entendu sa condamnation sans trouble; il monta sur l'échafaud avec dignité. Là, se tournant vers le peuple, il dit avec douceur: «Citoyens, soyez sûrs que je meurs innocent; car je ne puis regarder comme un crime ma fidélité à mon Roi: puisse mon sang, que vous désirez, vous donner plus de bonheur et rendre la paix à ma patrie!»
11: Marchant à la mort le 25 août, fête de saint Louis, Durosoi s'écria: «Il est beau pour un royaliste comme moi de mourir le jour de saint Louis.»
12: Seul moment où il pouvait laisser tomber une parole sans qu'elle fût ramassée par le municipal de service.
13: La vertu de Madame Élisabeth a produit la même impression sur tous ceux qui l'ont connue. Madame Elliot, cette Anglaise qui régna tour à tour à la cour du prince de Galles et à celle du duc d'Orléans, en parle comme Joseph de Maistre. Lorsqu'il s'agit de défendre la Reine contre les calomnies auxquelles cette grande et infortunée princesse était en butte, la première pensée qui lui vient à l'esprit est celle-ci: «Marie-Antoinette fut l'amie de Madame Élisabeth.»—«Que ses ennemis réfléchissent un moment aux personnes qui formoient la société la plus intime de la Reine, s'écrie-t-elle. C'étoit Madame Élisabeth, sœur du Roi, qui étoit un ange aussi pur que la neige. L'attachement de Madame Élisabeth pour la Reine dura jusqu'à ses derniers moments, ce qui est une preuve surabondante de l'innocence de Marie-Antoinette.» (Mémoires de madame Elliot sur la révolution française, p. 36.)
14: Elle était née à Ajaccio le 3 janvier 1777. Plus connue sous le nom d'Élisa, grande-duchesse, ayant le gouvernement des départements de la Toscane, elle épousa, le 5 mai 1797, Félix Baciocchi, gentilhomme corse, capitaine d'infanterie, nommé en 1805 prince de Lucques et de Piombino.
15: Son admission avait été accordée dix-sept mois plus tôt:
Brevet de place à Saint-Cyr pour Mademoiselle de Buonaparte.
«Aujourd'hui 24 novembre 1782, le Roi étant à Versailles, bien informé que la demoiselle Marie-Anne de Buonaparte a la naissance, l'âge et les qualités requises pour être admise au nombre des Demoiselles qui doivent être reçues dans la maison royale de Saint-Louis établie à Saint-Cyr, ainsi qu'il est apparu par titres, actes, certificats et autres preuves, conformément aux lettres patentes des mois de juin 1686 et mars 1694, Sa Majesté lui a accordé une des deux cent cinquante places de ladite maison, enjoignant à la supérieure de la recevoir sans délai, de lui donner des instructions convenables et de la faire jouir des mêmes avantages dont jouissent les autres Demoiselles, en vertu du présent brevet, que Sa Majesté a, pour assurance de sa volonté, signé de sa main, et fait contre-signer par moi, ministre et secrétaire d'État et de ses commandements et finances.
Archives de la préfecture de Versailles.
16:
A Messieurs les administrateurs de Versailles.
«Messieurs,
»Buonaparte, frère et tuteur de la Demoiselle Marianne Buonaparte, a l'honneur de vous exposer que la loi du 7 août, et particulièrement l'article additionnel décrété le 16 du même mois, supprimant la maison de Saint-Louis, il vient réclamer l'exécution de la loi, et ramener dans sa famille ladite Demoiselle sa sœur. Des affaires très-pressantes et de service public l'obligeant à partir de Paris sans délai, il vous prie de vouloir bien ordonner qu'elle jouisse du bénéfice de la loi du 16, et que le trésorier du district soit autorisé à lui escompter les vingt sols par lieue jusqu'à la municipalité d'Ajaccio, en Corse, lieu du domicile de ladite Demoiselle, et où elle doit se rendre auprès de sa mère.
»Avec respect,
»Le 1er septembre 1792.»
»J'ai l'honneur de faire observer à messieurs les administrateurs que n'ayant jamais connu d'autre père que mon frère, si ses affaires l'obligeoient à partir sans qu'il ne m'amène avec lui, je me trouverois dans une impossibilité absolue d'évacuer la maison de Saint-Cyr.
»Avec respect,
17: C'était un paysan sans instruction, mais d'un sens très-juste; il a administré pendant trente-huit ans sa commune. Il est mort en 1828.
18: «Nous, maire et officiers municipaux de Saint-Cyr, district de Versailles, département de Seine-et-Oise, nous étant transportés en la maison de Saint-Louis établie en ce lieu, et nous étant fait représenter les brevets et autres titres, nous avons reconnu que la Demoiselle Marie-Anne Buonaparte, née le 3 janvier 1777, est entrée le 22 juin 1784 comme élève de ladite maison de Saint-Louis, où elle est encore dans la même qualité. Elle nous auroit témoigné le désir qu'elle auroit de profiter de l'occasion du retour de son frère et tuteur pour rentrer dans sa famille.—Vu les différentes choses que nous venons d'énoncer et l'embarras où se trouveroit ladite Demoiselle de faire un voyage aussi long, seule, et dès lors de l'impossibilité absolue où elle seroit d'évacuer la maison de Saint-Louis pour le 1er octobre, en conformité de la loi du 7 août dernier, nous n'empêchons, et croyons même qu'il est nécessaire de faire droit à la demande desdits sieur et demoiselle Buonaparte.
»Fait et délivré à Saint-Cyr, au greffe municipal, cejourd'hui, 1er septembre 1792, le quatrième de la Liberté et le premier de l'Égalité.
19: Voici ce qu'était devenu M. Hue:
Entré dans la salle de la Commune, on le plaça auprès du président. A quelques pas était Santerre. Ce commandant de la milice parisienne écoutait, d'un air grave et capable, les plans que des gens à moitié ivres développaient devant lui pour arrêter les armées étrangères: les uns, d'un air rusé, expliquaient les roueries différentes de leurs opérations stratégiques; les autres prenaient la ligne droite, et, tout franchement, proposaient de se lever en masse pour marcher à l'ennemi. Au parquet, place ordinaire du procureur de la Commune, s'agitait Billaud-Varenne, l'un des substituts, et près de lui Robespierre, criant, donnant des ordres et paraissant très-animé.
Dans cette salle et dans les pièces voisines, le tumulte était extrême. Au milieu de ce désordre, le président interroge l'accusé. Avant que celui-ci puisse répondre, on crie de toutes parts: A l'Abbaye! à la Force! Dans ce moment on y massacrait les prisonniers.
Le calme se rétablit, l'interrogatoire commence. Des faits, la plupart imaginaires, sont reprochés. «Tu as, dit l'un des municipaux, fait entrer dans la tour du Temple une malle renfermant des rubans tricolores et divers déguisements; c'était pour faire évader la famille royale.—J'ai entendu, s'écrie un autre, le Roi lui dire quarante-cinq et la Reine cinquante-deux. Ces deux mots lui désignaient le prince de Poix et le traître Bouillé.» Un troisième prétend qu'il avait commandé une veste et une culotte couleur savoyard, preuve certaine d'une intelligence avec le roi de Sardaigne[19-A]. Un quatrième revient sur des correspondances clandestines au moyen de caractères hiéroglyphiques dont nous avons parlé. D'autres l'accusent d'avoir chanté dans la tour l'air et les paroles: O Richard! ô mon roi! l'univers t'abandonne! etc., ce qui était faux, M. Hue ne chantait jamais; puis enfin de s'être attiré de la part de la famille royale un intérêt qu'elle affectait de lui témoigner, tandis qu'à peine elle parlait aux commissaires de la Commune, ce qui était vrai. A ce dernier reproche, l'accusé reste muet. Les clameurs se renouvellent: A l'Abbaye! à la Force! Enfin, la fureur contre le coupable est au comble, quand Billaud-Varenne s'écrie: «Ce valet, renvoyé au Temple une première fois, a trahi la confiance du peuple; il mérite une punition exemplaire.»—Un municipal se lève et dit: «Citoyens, cet homme tient les fils de la trame ourdie dans la tour. S'assurer de lui, le mettre au secret, en tirer tous les renseignements qu'il peut donner, sera plus utile et plus sage que de l'envoyer à l'Abbaye ou à la Force.» Quel que fût en ce moment le motif du municipal, son observation sauva la vie à M. Hue. Il fut décidé que l'accusé serait enfermé dans un des cachots de l'hôtel de ville. Remis aussitôt à la garde d'un guichetier, il fut conduit au lieu de réclusion qui lui était destiné.
19-A: M. Hue avait en effet signé et fait viser par les commissaires de garde la demande d'un vêtement semblable pour Tison.
20: Madame Elliot est une de ces femmes à la vie légère du dix-huitième siècle qui, jusque dans le désordre, conservaient un cœur dévoué, une âme forte, le sentiment de l'honneur politique et de la foi chrétienne. B.
21: Conservé dans les archives de la préfecture de police.
22: Madame Marie-Angélique de Fitte de Soucy, baronne de Mackau, sous-gouvernante des Enfants de France, née au château de Soucy le 16 novembre 1723, est morte à Vitry-sur-Seine le 16 février 1800.
Madame Élisabeth-Louise Le Noir, comtesse de Soucy, belle-sœur de madame de Mackau, et comme elle sous-gouvernante des Enfants de France, née à Paris le 31 octobre 1729, est morte à Vitry-sur-Seine le 21 décembre 1813.
Adélaïde Rotin, femme Camille, qui n'avait jamais quitté le service de ses deux maîtresses, ne s'éloigna pas d'elles après leur mort; grâce à une petite pension que la famille de Mackau lui faisait, elle passa ses derniers jours dans ce village, gardienne de deux tombes près desquelles elle espérait la sienne. Son vœu a été réalisé le 5 juillet 1855. Elle était née à Versailles en 1768.
Nous avons visité plus d'une fois cette pauvre femme, que son dévouement et sa mémoire rendaient fort intéressante. Voici comment elle nous a raconté la manière dont elle avait échappé aux massacres de septembre:
«Née à Versailles en 1768, j'avois conséquemment vingt-quatre ans lorsque je me constituai prisonnière à la Force, après le 10 août 1792. On fit beaucoup de difficulté pour m'admettre dans cette prison; mais mes instances furent si vives que j'eus le bonheur d'y entrer avec ma maîtresse, madame la baronne de Mackau. Elle et moi nous couchâmes sur la paille, et fûmes nourries au pain et à l'eau. En face de notre cachot étoit celui de la princesse de Lamballe, entrée à la Force quelques jours avant nous. La concierge de la prison étoit une très-brave femme: elle eut grande pitié de nous, et c'est à elle que nous dûmes de ne pas mourir de faim. Elle nous apporta pendant la nuit différentes nourritures pour nous soutenir.
»Dans la matinée du 3 septembre, une espèce de tribunal s'installa à la Force dans une salle basse. Il y avoit sept ou huit personnes de la maison du Roi. On nous interrogea toutes; quand on s'adressa à madame de Mackau: «Qu'allez-vous faire? leur dis-je; elle est aliénée, elle ne peut vous répondre sur rien.—Prends Dieu à témoin qu'elle est aliénée.—Oui, certes, je prends Dieu à témoin qu'elle est aliénée, et qu'il lui est impossible de répondre.—Mais elle a des parents émigrés?—Elle n'en a aucun, m'écriai-je, bien que je susse pertinemment qu'elle en avoit deux.» Mon ton assuré sauva ma maîtresse. Immédiatement mise en liberté, elle se réfugia chez madame de Chazet, sa fille. Retenue après elle à la Force, on eut la cruauté de me faire assister au meurtre de madame de Lamballe. Dès qu'elle eut passé le guichet et mis le pied sur le pavé où avoit lieu le massacre général et où le sang couloit à flots, elle fut abattue immédiatement; on la dépouilla de tous ses vêtements, on lui ouvrit le corps et on lui arracha le cœur. On m'avoit entraînée pour être immolée aussi, et c'est ainsi que je fus témoin de toutes ces horreurs. Je perdis connoissance, et quand je repris mes sens j'étois toute nue moi-même et j'avois été livrée à toutes les brutalités. Au moment où on alloit me frapper, un gendarme prit intérêt à moi; il pleuroit à chaudes larmes; il me protégea avec son sabre, fut blessé au poing, et parvint à m'envelopper de son manteau. Plusieurs spectateurs prirent comme lui ma défense. Mon premier protecteur me fit aussitôt monter dans une voiture, et la populace, qui un instant auparavant avoit demandé ma mort, cria autour de cette voiture: «Vive l'innocence reconnue!» Les chevaux pouvoient à peine traverser les flots de cette multitude, et l'on mit près de deux heures à me conduire rue des Boucheries-Saint-Honoré, chez la lingère de madame de Mackau. Tout le monde se disputa le moyen de m'apporter des secours. Pendant que je devenois ainsi l'objet de soins et d'égards empressés, madame de Mackau, qui avoit appris le massacre général des prisonniers, ne doutoit pas que je ne fusse moi-même au nombre des victimes, et elle me pleuroit.
»La lingère me donna tout ce qu'il me falloit pour me vêtir. Le gendarme qui m'avoit sauvée me conduisit chez madame de Chazet, où se trouvoit madame de Mackau. Obligées de quitter Paris sur-le-champ, nous vînmes demeurer à Vitry chez madame de Soucy.
»Dans ce village où s'est écoulée presque toute mon existence, j'ai survécu de longues années à mes deux respectables maîtresses. Ma seule pensée de bonheur est de les rejoindre: ma tombe est prête auprès de la leur.
»A Vitry-sur-Seine, le mardi 13 juillet 1853.»
23: Du nom de Mennessier.
24: Mon témoignage sur la détention de Louis XVI et de sa famille dans la tour du Temple, par Ch. Goret, ancien membre de la Commune du 10 août 1792.—Paris, Maurille, 1825, in-8o de 71 pages.
25: C'était encore une erreur. Madame et mademoiselle P. de Tourzel, sauvées de la Force par M. Hardy, avaient été conduites par lui dans un petit logement à Vincennes, où elles demeurèrent cachées pendant plus de trois mois. B.
26: C'étaient Hébert, si connu sous le nom de Père Duchêne, et Destournelles, depuis ministre de l'instruction publique.
27: Archives de l'Empire.
28: Archives de l'Empire.
29:
Extrait du registre des délibérations du conseil général du 19 octobre 1792.
«Le conseil général nomme le citoyen Léger, l'un de ses membres, qu'elle charge de se transporter au Temple sur-le-champ pour y prendre une lettre adressée à Madame Élisabeth par le vicaire de Fontenay-sous-Bois, et l'apporter au conseil.
(Archives de l'Empire.)
30: Commune de Paris.—Sûreté du Temple. L'an Ier de la République française, le 27 octobre 1792.
Extrait du registre des délibérations du conseil de service au Temple, en date du 26 octobre présent.
«Sur les observations faites par l'un des membres de service au Temple que le fils de Louis Capet était jour et nuit sous la direction de femmes, mère et tante, considérant que cet enfant est dans l'âge où il doit être sous la direction des hommes, le conseil, délibérant sur cet objet, a arrêté et arrête qu'à l'instant le fils de Louis Capet sera retiré des mains des femmes pour être remis et rester entre celles de son père les jours et nuits, excepté qu'après l'heure du dîner il montera dans le logement de ses mère et tante, durant le moment où son père se repose, et en descendra sur les quatre à cinq heures du soir; le tout sous la surveillance et conduite de l'un des commissaires de service.
»Fait au Conseil séant au Temple lesdits jour et an que dessus.
»Pour extrait conforme à l'original:
Délivré au citoyen Cléry, de service auprès de Louis et de sa famille.
31: Commune de Paris.
Extrait du registre des délibérations du conseil général, du 26 octobre 1792.
«Le conseil général approuve l'arrêté pris par les commissaires des travaux du Temple et les commissaires du conseil du Temple, relatif à la translation des femmes dans la grosse tour, au troisième étage, et le fils du ci-devant Roi avec son père.
»Les autorise à faire disposer ses (sic) guichets qu'ils croiront nécessaires dans cette même tour.
32: Archives de l'Empire, carton E, no 6, 206.
33: Le lecteur trouvera à la fin du volume (Documents et pièces justificatives, no III) une esquisse de la physionomie extérieure du Temple, un aperçu du personnel commis à sa garde, et des dispositions prises par l'autorité républicaine.
34: Archives de l'Empire, carton E, no 6, 206.
35: «Le conseil général arrête:
»1o Que le citoyen Cléry, valet de chambre des prisonniers, sera logé et couchera dans la Tour, du côté gauche donnant dans la salle à manger, sans qu'il puisse coucher ailleurs sous aucun prétexte;
»2o Que le conseil du Temple sera placé dans la Tour;
»3o Que le citoyen Mathey, concierge, aura la surveillance de ladite Tour, et ne pourra en sortir sous aucun prétexte;
»4o Que les guichetiers actuels, devenant inutiles par la nouvelle disposition, seront réformés immédiatement, après avoir été payés de ce qui leur est dû;
»5o Que la cuisine sera placée dans la Tour, et que les agents sous-employés ne sortiront point;
»6o Pendant la nuit, deux officiers municipaux garderont les prisonniers de chaque étage;
»7o Et enfin la même cuisine servira pour les commissaires du Temple.»
Nota. L'article 1o depuis longtemps était observé; chaque soir les municipaux avaient soin de fermer la porte de la chambre de Cléry, donnant dans le couloir qui conduisait à la chambre du Roi, et d'en emporter la clef. L'article 5o ne fut pas mis à exécution: il y eut impossibilité matérielle de placer la cuisine dans la Tour.
36: Récit de Marie-Thérèse-Charlotte.
37: Le lecteur doit connaître la lettre de cet avocat, ex-constituant, qui avait accepté la défense du méprisable cardinal de Rohan et qui refusait son ministère au Roi:
«Depuis le décret de ce matin, il devient embarrassant pour moi d'avoir un avis sur les faits imputés à Louis XVI. Je dois au moins m'abstenir de le prononcer. Je satisferai ce devoir; mais âgé de près de soixante ans, fatigué de maux de nerfs, de douleurs de tête et d'étourdissements qui durent depuis quinze ans, qui m'ont fait quitter la plaidoirie en 1785, et que quatre années de travaux ont aigris à un point insupportable, je conserve à peine les forces suffisantes pour remplir pendant six heures dans chaque journée les fonctions paisibles de juge, et j'attends avec quelque impatience le moment d'en être déchargé par les prochaines élections. C'est dire assez qu'il m'est impossible de me charger de la défense de Louis XVI. Je n'ai absolument rien de ce qu'il faut pour un tel ministère, et par mon impuissance je trahirois à la fois et la confiance du client accusé et l'attente publique. C'est à l'instant même que j'apprends cette nomination, qu'il m'étoit impossible de prévoir. Un homme libre et républicain ne peut pas accepter des fonctions dont il se sent entièrement incapable.
Notre impartialité nous oblige à réunir toutes les pièces de ce procès sous les yeux du lecteur. Dans une lettre adressée à M. de Lamartine, le 22 mars 1847, lors de la publication de l'Histoire des Girondins, M. P. Target, alors auditeur au conseil d'État, explique ainsi la conduite de son grand-père: «M. Target, affaibli par une longue maladie, craignit que ses efforts restassent au-dessous de son zèle, et il aima mieux décliner l'honneur qui lui était fait que de présenter une défense incomplète. Mais s'il ne parla pas, il écrivit. Avant les plaidoiries, il fit imprimer, publier, colporter par les rues un écrit signé de son nom, et dans lequel il présentait avec beaucoup de force les seules raisons qui pussent alors sauver l'auguste accusé. Les faits que je viens de rappeler sont en outre consignés dans un éloge de mon grand-père prononcé en 1807 par M. Muraire, alors premier président à la Cour de cassation. «Lorsque, dans cette circonstance difficile, disait M. Muraire, M. Target, renonçant à tout ce qu'il eût obtenu, se dévouait à ce qui ne lui offrait que du danger, faut-il laisser peser sur sa mémoire l'impression fâcheuse et injuste produite par un fait que ses détracteurs n'ont pas pris la peine d'approfondir?»
38:
«Paris, 11 décembre 1792.
»Citoyen président, j'ignore si la Convention donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre et si elle lui en laisse le choix; dans ce cas-là, je désire que Louis XVI sache que, s'il me choisit pour cette fonction, je suis prêt à m'y dévouer. Je ne vous demande pas de faire part à la Convention de mon offre, car je suis bien éloigné de me croire un personnage assez important pour qu'elle s'occupe de moi. Mais j'ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître dans le temps que cette fonction étoit ambitionnée par tout le monde: je lui dois le même service lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. Si je connoissois un moyen possible pour lui faire connoître mes dispositions, je ne prendrois pas la liberté de m'adresser à vous. J'ai pensé que, dans la place que vous occupez, vous aurez plus de moyens que personne pour lui faire passer cet avis.
»Je suis avec respect, etc.
39: Voir la séance de la Convention du 13 décembre 1792.
40: Dans cette lettre, le Roi félicitait le général sur la conduite qu'il avait tenue à Nancy.
41: Séance du conseil général de la Commune du 27 décembre 1792.
42:
Extrait du registre des délibérations des commissaires de la Commune de service au Temple.
«Du 22 décembre 1792, an Ier de la République française.
»A six heures du soir, le conseil s'est rassemblé pour prendre une délibération sur les deux objets ci-après:
»1o Louis Capet paroît embarrassé de la longueur de sa barbe; il l'a témoigné diverses fois. On lui a proposé de le faire raser. Il en a montré de la répugnance, et a laissé voir le désir de se raser lui-même.
»Le conseil pensa hier pouvoir lui donner l'espérance d'accéder aujourd'hui à sa demande; mais ce matin, on s'est aperçu que les rasoirs de Louis Capet n'étoient pas restés au Temple: on a pris de là occasion de discuter de nouveau la matière; elle a été amplement controversée, et le résultat a été l'opinion unanime de soumettre la question au conseil général de la Commune, qui, dans le cas où il jugera convenable de permettre à Louis Capet de se faire lui-même la barbe, voudra bien ordonner qu'il lui soit confié un ou deux rasoirs dont il fera usage sous les yeux de quatre commissaires auxquels ces mêmes rasoirs seront aussitôt rendus, et qui constateront que la remise leur en aura été faite.
»2o La femme, la sœur et la fille de Louis Capet ont demandé qu'il leur soit prêté des ciseaux pour se couper les ongles.
»Le conseil en ayant délibéré, a pareillement arrêté à l'unanimité que cette demande seroit soumise au conseil général de la Commune, qui seroit prié, dans le cas où il y donneroit son consentement, de fixer aussi le mode à employer à cet égard.
»Arrête que la présente délibération sera envoyée au conseil général de la Commune dans le jour et d'assez bonne heure pour que la réponse soit connue dès aujourd'hui au conseil du Temple.
»Et ont signé au registre:
»Pour copie conforme, les jour, mois et an que dessus.
43:
«Citoyen président,
»Représentant du peuple, je connois mes droits et mes devoirs, et j'ai toujours trop bien rempli les uns pour jamais perdre les autres.
»Un délit a été commis en moi contre la nation: ne pas le dénoncer à la nation, ce seroit la trahir.
»Secrétaire de la Convention, après une séance de quarante heures, où s'est décidé à cinq voix le sort de plus d'un empire, je sortois avec le besoin extrême d'un air plus pur, lorsqu'une bande de juges tombe sur moi, sur le député d'un peuple libre! Mon premier mouvement fut de les punir à l'instant; mais j'étois dans la Convention, c'étoit à la Convention entière à se venger.
»Représentants, qu'avez-vous fait? Avec la toute-puissance, vous n'avez pas celle d'envoyer aux quatre-vingt-quatre départements la liste de quelques désorganisateurs qui, par le seul talent de faire du bruit, vous ôtent la force de faire du bien.
»La première fois que vous vous êtes laissé avilir, législateurs, vous avez exposé la France. Et tels que vous êtes (la vérité m'échappe), oui, tels que vous êtes, vous ne pouvez pas la sauver. L'homme de bien n'a plus qu'à s'envelopper de son manteau.
»Pour moi, citoyen président, qui, quand je n'espère plus, ne crains encore rien, après avoir protesté à la Convention que je me précipiterois devant elle dans le gouffre de Curtius pour que le peuple fût enfin heureux, je crois devoir à ma conscience et à mes principes de la prévenir par ma démission, que je vous prie de recevoir, qu'il n'est pas en moi de le servir au poste où il m'a mis.
»Je le servirai mieux dans mes foyers en me consacrant par mes écrits et par mes exemples à l'éducation de mes enfants, car il ne manque à la révolution que des hommes.»
44: Compte rendu à la Convention par le ministre de la justice.
45: Le bruit de cette maladie transpira dans Paris. On lit dans le Moniteur universel du jeudi 24 janvier 1793:
Commune de Paris.
«Du 22.—On répand dans les lieux publics et dans les sociétés patriotiques que la fille de Louis est morte, que la femme de Louis est transférée de l'hôtel de la Force à la Conciergerie. Le conseil général m'autorise à démentir tous ces bruits. La fille de Louis n'est pas malade; les personnes qu'un décret renferme au Temple y resteront aussi longtemps que ce décret ne sera pas rapporté.
46: Commune de Paris.—Séance du mercredi 23 janvier 1793.
«Le conseil général entend la lecture d'un arrêté du conseil du Temple qui renvoie au conseil général à se prononcer sur deux demandes faites par Antoinette.
»La première d'un habillement de deuil très-simple pour elle, sa sœur et ses enfants. Le conseil général arrête qu'il sera fait droit à cette demande.
»Sur la seconde, à ce que Cléry soit placé auprès de son fils, comme il l'était primitivement, le conseil général prononce l'ajournement.»
47: Voir, à la fin du volume, les Pièces justificatives, no IV.
48: Voici les quatre premiers couplets de cette œuvre modeste, qui emprunte aux circonstances un touchant intérêt:
LA PIÉTÉ FILIALE.
Eh quoi! tu pleures, ô ma mère!
Dans tes regards fixés sur moi
Se peignent l'amour et l'effroi:
J'y vois ton âme tout entière.
Des maux que ton fils a soufferts
Pourquoi te retracer l'image?
Puisque ma mère les partage,
Puis-je me plaindre de mes fers?
Des fers! ô Louis! ton courage
Les ennoblit en les portant.
Ton fils n'a plus, en cet instant,
Que tes vertus pour héritage.
Trône, palais, pouvoir, grandeur,
Tout a fui pour moi sur la terre;
Mais je suis auprès de ma mère,
Je connais encor le bonheur.
Un jour, peut-être... l'espérance
Doit être permise au malheur;
Un jour, en faisant son bonheur,
Je me vengerai de la France.
Un Dieu favorable à ton fils
Bientôt calmera la tempête!
L'orage qui courbe leur tête
Ne détruira jamais les lis.
Hélas! si du poids de nos chaînes
Le ciel daigne nous affranchir,
Nos cœurs doubleront le plaisir
Par le souvenir de nos peines.
Ton fils, plus heureux qu'aujourd'hui,
Saura, dissipant tes alarmes,
Effacer la trace des larmes
Qu'en ces lieux tu verses pour lui.
49: Quelques souvenirs ou notes fidèles sur mon service au Temple, depuis le 8 décembre 1792 jusqu'au 26 mars 1793. 2e édition. Paris, 1817.
50: Nous avions été contraints d'évacuer Aix-la-Chapelle et de lever le siége de Maëstricht.
51: La Reine voulut aussi remercier M. de Jarjayes et lui expliquer les motifs de son refus. Elle lui écrivit de sa main le billet suivant, qu'elle chargea Toulan de lui remettre; billet admirable que M. Chauveau-Lagarde fit, le premier, connaître dans sa Note historique sur les procès de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth.
«Nous avons fait un beau rêve. Voilà tout. Mais nous y avons beaucoup gagné en trouvant dans cette occasion une nouvelle preuve de votre entier dévouement pour moi. Ma confiance en vous est sans bornes. Vous trouverez toujours en moi du caractère et du courage; mais l'intérêt de mon fils est le seul qui me guide. Quelque bonheur que j'eusse éprouvé à être hors d'ici, je ne peux consentir à me séparer de lui. Je ne pourrais jouir de rien sans mes enfants, et cette idée ne me laisse pas même un regret.»
52: Le billet de la Reine adressé à Monsieur était ainsi conçu:
«Ayant un être fidèle sur lequel nous pouvons compter, j'en profite pour envoyer à mon frère et ami ce dépôt qui ne peut être confié qu'entre ses mains. Le porteur vous dira par quel miracle nous avons pu avoir ces précieux gages; je me réserve de vous dire moi-même un jour le nom de celui qui nous est si utile. L'impossibilité où nous avons été jusqu'à présent de pouvoir vous donner de nos nouvelles, et l'excès de nos malheurs, nous fait sentir encore plus vivement notre cruelle séparation; puisse-t-elle n'être pas longue! Je vous embrasse, en attendant, comme je vous aime, et vous savez que c'est de tout mon cœur.
Au bas de ce billet, Marie-Thérèse écrivit ces deux lignes:
«Je suis chargée pour mon frère et moi de vous embrasser de tout notre cœur.
Voici le billet adressé par la Reine au comte d'Artois:
«Ayant trouvé enfin le moyen de confier à notre frère un des seuls gages qui nous restent de l'être que nous chérissions et pleurons tous, j'ai cru que vous seriez bien aise d'avoir quelque chose qui vînt de lui; gardez-le en signe de l'amitié la plus tendre, avec laquelle je vous embrasse de tout mon cœur.
53: M. de Jarjayes se rendit d'abord à Turin, où le roi de Sardaigne le retint et l'employa auprès de sa personne. C'est ce prince qui envoya lui-même à Monsieur, par un courrier extraordinaire, les dépêches de M. de Jarjayes. Monsieur écrivit de sa main à M. de Jarjayes une lettre datée de Hamm, le 14 mai 1793, dans laquelle il lui exprime ainsi ses sentiments:
«Vous m'avez procuré le bien le plus précieux que j'aie au monde, la seule véritable consolation que j'aie éprouvée depuis nos malheurs.
»Combien leur billet et l'autre gage de leur amitié, de leur confiance, ont pénétré mon cœur des plus doux sentiments!...
»Je ne puis qu'approuver les raisons qui vous font rester en Piémont. Continuez à servir notre jeune et malheureux Roi comme vous avez servi le frère que je pleurerai toute ma vie.»
54: Municipalité de Paris.
Extrait du registre des délibérations du conseil général du 1er avril 1793, IIe de la République.
«Sur le réquisitoire du procureur de la Commune,
»Le conseil général arrête:
»1o Qu'aucune personne de garde au Temple ou autrement ne pourra y dessiner quoi que ce soit, et que si quelqu'un est saisi en contravention au présent arrêté, il sera sur-le-champ mis en état d'arrestation et amené au conseil général, faisant en cette partie les fonctions de gouverneur;
»2o Enjoint aux commissaires du conseil de service au Temple de ne tenir aucune conversation familière avec les personnes détenues, comme aussi de ne se charger d'aucune commission pour elles;
»3o Défenses sont pareillement faites auxdits commissaires de rien changer ou innover aux anciens règlements pour la police de l'intérieur du Temple;
»4o Qu'aucun employé au service du Temple ne pourra entrer dans la tour;
»5o Qu'il y aura deux commissaires auprès des prisonniers;
»6o Que Tison ni sa femme ne pourront sortir de la tour ni communiquer avec qui que ce soit du dehors;
»7o Qu'aucun commissaire au Temple ne pourra envoyer ou recevoir de lettres sans qu'elles aient été préalablement lues au conseil du Temple;
»8o Lorsque les prisonniers se promèneront sur la plate-forme de la Tour, ils seront toujours accompagnés de trois commissaires et du commandant du poste, qui les surveilleront scrupuleusement;
»9o Que, conformément aux précédents arrêtés, les membres du conseil qui seront nommés pour faire le service du Temple passeront à la censure du conseil général, et sur la réclamation non motivée d'un seul membre, ils ne pourront être admis;
»10o Enfin, que le département des travaux publics fera exécuter dans le jour de demain les travaux mentionnés dans son arrêté du 26 mars dernier.
»Pour extrait conforme:
»Copié au registre.
55:
Décret de la Convention nationale du 4 avril 1793, l'an II de la République française.
»La Convention nationale décrète que le conseil général de la Commune de Paris fera doubler sur-le-champ la garde du Temple.
»Vérifié par nous, inspecteur des bureaux des procès-verbaux,
»Collationné à l'original par nous, président et secrétaire de la Convention nationale,
»Paris, ce 5 avril 1793, an II de la République française.»
56: Voici ce qui se passa au conseil général de la Commune à l'occasion de cette dénonciation:
Un des commissaires du Temple fait lecture d'un procès-verbal dressé au Temple en présence du maire, du procureur de la Commune et des commissaires de service.
Ce procès-verbal contient deux déclarations faites l'une par Tison, faisant le service du Temple, et l'autre par Anne-Victoire Baudet, épouse de Tison, aussi employée au service du Temple.
Il résulte de ces déclarations que quelques membres du conseil, savoir: Toulan, Lepitre, Brunot, Moelle, Vincent, entrepreneur de bâtiments, et le médecin du Temple, sont suspectés d'avoir eu des conférences secrètes avec les prisonniers du Temple; de leur avoir fourni de la cire et des pains à cacheter, des crayons, du papier, et enfin d'avoir favorisé des correspondances secrètes.
Toulan et Vincent requièrent qu'à l'instant il soit nommé des commissaires pour apposer les scellés chez eux.
En conséquence, le conseil général nomme Cailleux et Jérôme pour se transporter à l'instant chez le citoyen Toulan, à l'effet d'apposer les scellés sur ses papiers.
Nomme pareillement Favanne et Souard pour se transporter à l'instant chez le citoyen Vincent, à l'effet d'apposer les scellés sur ses papiers, en exceptant ceux qui ont rapport à la commission des blessés du 10 août, dont il est chargé.
A la charge par ces quatre commissaires de requérir le juge de paix de la section sur laquelle ils se trouveront, pour les assister dans leurs opérations.
Quant aux citoyens suspects et absents, savoir: Lepitre, Moelle, Brunot et le médecin, le conseil général arrête que les administrateurs de police feront à l'instant apposer les scellés sur leurs papiers.
Et sur le réquisitoire du procureur de la Commune, le conseil général nomme Follope, Minier, Louvet et Benoît, à l'effet de se transporter sur-le-champ au Temple, pour, dans les appartements des prisonniers, faire toutes visites et recherches qu'ils jugeront convenables, comme aussi de fouiller lesdits prisonniers.
Arrête en outre que ces mêmes commissaires lèveront les scellés apposés sur l'appartement du défunt Louis Capet, pour y faire également toutes recherches nécessaires.
Hébert, substitut du procureur syndic, a été nommé avec les autres commissaires pour aller faire des recherches chez les prisonniers du Temple.»
(Séance du 20 avril 1793.)
57: Fragments historiques sur la captivité de la famille royale, par Turgy, publiés par Eckard, à la suite de ses Mémoires historiques sur Louis XVII, troisième édition.
58:
Extrait du procès-verbal dressé par les commissaires nommés à l'effet de faire une perquisition exacte chez les prisonniers détenus à la tour du Temple.
«Aujourd'hui 20 avril 1793, à dix heures trois quarts du soir, en exécution de l'arrêté du conseil général, nous, soussignés, nous sommes transportés à la tour du Temple, où, à l'heure susdite, sommes montés à l'appartement tant de Marie-Antoinette, veuve Capet, que de ses enfants, pour commencer la visite des meubles et la perquisition sur les personnes comme il suit:
»D'abord, entrés dans la chambre de ladite veuve Capet, avons fouillé dans les meubles, où nous n'avons trouvé rien de suspect. Sur une table de nuit seulement, avons trouvé un petit livre intitulé: Journée du chrétien, où étoit une image coloriée en rouge, représentant d'un côté un cœur embrasé, traversé d'une épée et entouré d'étoiles, avec cette légende: «Cor Mariæ, ora pro nobis; de l'autre côté, une couronne d'épines et une croix au-dessus du cœur avec cette légende: Cor Jesu, miserere nobis. Avons trouvé de plus une feuille imprimée, de quatre pages, intitulée: Consécration de la France au sacré Cœur de Jésus; elle commence par ces mots: «O Jésus-Christ!» On y remarque les passages suivants: «Tous les cœurs de ce royaume, depuis le cœur de notre auguste Monarque jusqu'à celui du plus pauvre de ses sujets, nous les réunissons par les désirs de la charité pour vous les offrir tous ensemble... Oui, Cœur de Jésus, nous vous offrons notre patrie tout entière et les cœurs de tous vos enfants... O Vierge sainte! ils sont maintenant entre vos mains; nous vous les avons remis en nous consacrant à vous comme à notre protectrice et à notre mère; aujourd'hui, nous vous en supplions, offrez-les au cœur de Jésus... Ah! présentés par vous, il les recevra, il leur pardonnera, il les bénira, il les sanctifiera, il sauvera la France tout entière, il y fera revivre la sainte religion. Ainsi soit-il, ainsi soit-il!»
»Dans les poches de Marie-Antoinette étoit un portefeuille en maroquin rouge, où nous n'avons reconnu digne de description qu'un des feuillets en peau anglaise, sur lequel étoit écrit au crayon ce qui suit: «Brugnier, quai de l'Horloge, no 65 (et autres noms et demeures de différentes personnes dont les prisonniers pouvoient avoir besoin).» Plus, dans les mêmes poches, un nécessaire roulé, et dans lequel étoit un porte-crayon d'acier non garni de crayon...
»Avons fait ensuite perquisition dans la chambre qu'occupe Élisabeth-Marie, sœur de feu Louis Capet, où nous n'avons rien trouvé de suspect; seulement avons découvert dans une cassette un bâton de cire rouge à cacheter qui avoit déjà servi, avec de la poudre de buis dans le même papier... Et environ deux heures après minuit, avons clos le présent procès-verbal en présence desdites dames, qui ont signé avec nous.
59: Rue Richelieu, au coin de la rue des Filles-Saint-Thomas.
60: Il est bon de faire remarquer ici que le nombre des municipaux envoyés au Temple varia plusieurs fois. D'abord on en envoya quatre, puis huit à l'époque du procès de Louis XVI; six après le 21 janvier; plus tard huit encore, ensuite quatre, puis trois. Le nombre variait suivant la gravité des circonstances.
Il devint quelquefois si difficile de trouver des commissaires pour aller au Temple qu'il fallait recourir à des mesures de rigueur pour triompher de la résistance des récalcitrants. L'amende et la dénonciation du citoyen peu zélé à sa section ne suffirent pas longtemps. Le conseil général se vit contraint de prendre la décision suivante, à la date du 12 septembre 1793:
«Le conseil général arrête que lorsqu'un de ses membres auquel il aura été écrit pour aller au Temple refusera ce service, deux gendarmes seront chargés de l'aller chercher pour le conduire au Temple;
»Arrête en outre que le présent sera mis sur la lettre d'invitation.»
Cette mesure ne tarda pas à trouver son application: «Mercredi, 18 septembre 1793, le conseil arrête à l'égard de Forestier la stricte exécution de son arrêté, qui porte que lorsqu'un membre refusera de se rendre au Temple, d'après l'invitation qui lui en aura été faite par écrit, il y sera conduit par deux gendarmes;
»Arrête en conséquence que deux gendarmes iront chercher Forestier.»
Conformément à la même décision, deux gendarmes allèrent chercher
- Le municipal Soulès, le 26 septembre 1793;
- Le municipal Mourette, le 3 novembre;
- Le municipal Gibert, le 21 novembre;
- Le municipal Follope, le 13 décembre;
- Le municipal Laurent, le 21 janvier 1794, etc.
61: Cet arrêté est signé Cambon fils aîné,—L. B. Guyton,—Jeanbon Saint-André, G. Couthon,—B. Barère,—Danton. (Archives de l'Empire, armoire de fer, carton 13.)
62: Demandé le 14 juin, cet ouvrage avait été mis le 23 à la disposition des prisonnières.
«Du vendredi, 14 juin 1793, l'an II de la République française.
»Sur la demande des commissaires de service au Temple, le conseil arrête que Baron, garde de la Bibliothèque, fournira sur récépissé
»Les livres ci-après:
- »Dictionnaire historique, 4 vol. in-8o, rel.
- »Les nos I, II, III et IV des Œuvres de Voltaire.
»Nous, membres du conseil général de la Commune, de service au Temple, donnons le récépissé de quatre volumes intitulés: Dictionnaire historique, Œuvres de Voltaire, qui ont été transportés à la Tour.
»Fait au conseil du Temple ce 23 juin 1793, l'an II de la République française une et indivisible.
63: Fragments historiques sur la captivité de la famille royale, par Turgy, publiés par Eckard, à la suite de ses Mémoires historiques sur Louis XVII, troisième édition.
64: Nous donnons ici sans commentaire l'extrait des registres du conseil du Temple relatif à l'enlèvement du Prince.
«Le 3 juillet 1793, neuf heures et demie du soir, nous, commissaires de service, sommes entrés dans l'appartement de la veuve Capet, à laquelle nous avons notifié l'arrêté du Comité de salut public de la Convention nationale du 1er du présent, en l'invitant de s'y conformer. Après différentes instances, la veuve Capet s'est enfin déterminée à nous remettre son fils, qui a été conduit dans l'appartement désigné par l'arrêté du conseil de cejourd'hui, et mis entre les mains du citoyen Simon, qui s'en est chargé. Nous observons au surplus que la séparation s'est faite avec toute la sensibilité que l'on devait attendre dans cette circonstance, où les magistrats du peuple ont eu tous les égards compatibles avec la sévérité de leurs fonctions.
65: Nous possédons les mémoires des médicaments fournis au Temple pendant les mois de mai, juin et juillet, pour Marie-Antoinette, ses enfants et sa sœur, par le citoyen Robert, apothicaire autorisé par la Commune, et par ordonnance du citoyen docteur Thierry; et nous voyons que pendant tout le mois de juillet il y eut des remèdes livrés chaque jour pour le fils de Marie-Antoinette. (Pièces justificatives, no V).
66: «Les commissaires du Temple écrivent que la citoyenne Tison a la tête aliénée, ainsi qu'il est constaté par les certificats des médecins Thierry et Soupé.
»Le conseil général, d'après les observations du maire, et le procureur de la Commune entendu, arrête:
»1o Que la citoyenne Tison sera traitée dans l'enclos du Temple et hors de la tour;
»2o Qu'elle aura une garde particulière;
»3o Le conseil renvoie à l'administration du Temple pour désigner le local.» (Conseil général de la Commune, séance du 29 juin 1793.)
«Le conseil du Temple fait part des mesures qu'il a prises relativement à la maladie de la citoyenne Tison.
»Le conseil général en adopte les dispositions.» (Séance du 1er juillet 1793.)
67: Municipalité de Paris.
Extrait du registre des délibérations du conseil du Temple.
«Et le même jour, nous nous sommes informés sur-le-champ d'une garde pour l'installer provisoirement. L'on nous a enseigné la nommée Jeanne-Charlotte Gourlet, demeurant ordinairement au Temple. Nous l'avons acceptée, lui avons demandé de prêter le serment de discrétion, et de ne communiquer avec personne, ce qu'elle a promis et a fait à l'instant, et nous a déclaré ne savoir signer.
»Pour copie conforme:
»Vu et approuvé par le conseil général de la Commune, ce 1er juillet 1793, l'an II de la République une et indivisible.
(Archives de l'Empire, carton E, no 6206.)
68: Récit de Turgy.
69: «On donne lecture d'une lettre des commissaires de service au Temple, accompagnée d'un certificat de chirurgiens et médecins, qui attestent que la citoyenne Tison, dont l'esprit est altéré, a besoin d'être transférée dans une maison particulière destinée pour le traitement de ce genre de maladie. Le conseil général arrête qu'elle sera transférée à l'Hôtel-Dieu et soignée aux frais de la Commune.» (Conseil général de la Commune, séance du 6 juillet 1793.)
70: Récit de la captivité du Temple.
71: Municipalité de Paris.—Conseil du Temple.
«Du dimanche quatre août 1793, l'an II de la République une et indivisible.
»Citoyens collègues,
»Le conseil, faisant droit à votre demande de ce jour, vous envoie la redingote et la jupe demandées, un jupon de dessous également en basin, plus deux paires de bas de filoselle, une paire de chaussettes, et le bas à tricoter renfermé dans une corbeille; le tout inclus dans une serviette marquée M, coton rouge.
»Il vous plaira donner un reçu desdits effets à l'ordonnance qui vous les remettra.
»Vos collègues, les commissaires composant le conseil du Temple.
Département de police.—Commune de Paris.
«Le 5 août 1793, l'an II de la République française une et indivisible.
»Nous, administrateurs au département de la police, après en avoir conféré avec le citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public du tribunal révolutionnaire, invitons nos collègues les membres du conseil général de la Commune formant le conseil du Temple, à faire porter chaque jour deux bouteilles d'eau de Ville-d'Avray à la veuve Capet, détenue à la maison de justice de la Conciergerie, et sur la provision qui vient tous les jours de cette eau au Temple.
(Archives de l'Empire, carton E, no 6206.)
72: Privée de ses aiguilles, la Reine tira les fils d'une vieille tenture, et à l'aide de deux bouts de plume, elle tricota une espèce de jarretière, que le sieur Bault, concierge de sa prison, recueillit avec soin, et qu'il confia à M. Hue pour en faire hommage à Madame Royale, qui le reçut avec un respect religieux. (Dernières années du règne de Louis XVI.)
73: On la traitait déjà en condamnée avant même qu'elle fût jugée; voici le procès-verbal de la visite que lui firent les administrateurs de police pour s'emparer, au nom de la nation, de ces objets dont on ne se sépare ordinairement qu'avec la vie.
Département de police.—Commune de Paris.
«Du 10 septembre 1793, l'an IIe de la République française une et indivisible.
»Nous, administrateurs au département de police, en vertu de l'injonction du comité de sûreté générale de la Convention nationale, datée d'hier, nous sommes transportés à la maison de justice de la Conciergerie, où étant parvenus à la chambre occupée par la veuve Capet, l'avons sommée, au nom de la loi, de nous remettre ses bagues et joyaux, ce qu'elle a fait à l'instant, consistant en un anneau d'or qui s'ouvre, dans lequel elle a déclaré qu'il y avait des cheveux, et sur lequel il y a différents chiffres; une autre à pierre et à talisman; une autre à pivot, émaillée, ayant une étoile d'un côté et un T et un L de l'autre, laquelle elle a déclaré renfermer aussi des cheveux; une autre en forme de petit collier et destinée pour le petit doigt; une montre d'or à répétition et à quantième, inventée par Bréguet, à Paris, no 46, quai de l'Horloge, marquée R. A., ensuite A. M., avec une autre aiguille dont nous n'avons connu l'usage, laquelle est garnie d'une chaîne en acier et à une branche, avec un cachet en or s'ouvrant, dont une partie représente un A et un M; un autre cachet en acier portant pour empreinte deux flambeaux et pour légende l'amour et la fidélité, et différents chiffres sur les côtés simulant un almanach; un médaillon en or appendu à une petite chaîne, aussi d'or, servant de collier, ledit médaillon renfermant des cheveux entrelacés; un bouton à jour qui nous a paru être d'argent.
»Lecture à elle faite du présent, a dit icelui contenir vérité, qu'elle y persiste et a signé avec nous et les deux citoyens gendarmes de service auprès d'elle, et la citoyenne Harel, aussi de service; le citoyen Leblanc, chef du bureau central; la Bussière, secrétaire du département de police, et la citoyenne Richard, épouse du citoyen Richard, concierge de ladite maison de la Conciergerie; et après ladite lecture, nous nous sommes aperçus qu'il était dit dans le présent que la montre était à quantième, qu'au contraire elle est à secondes.
»Signé à la minute:
«Et à l'instant, nous, administrateurs et dénommés d'autre part, nous sommes transportés au domicile du citoyen Richard, concierge, où étant parvenus, nous avons intimé l'ordre aux citoyens des Frennes et Gilbert, gendarmes, et à la citoyenne Harel de se retirer à l'instant, avec tous les effets qui pourraient leur appartenir, de la chambre occupée par la veuve Capet, où ils ont été de garde jusqu'à présent, à quoi ils ont obéi à l'instant; et leur avons aussi enjoint de rester dans ladite maison de justice jusqu'après notre rapport fait à nos collègues; nous avons aussi enjoint au citoyen Richard, concierge, de prendre toutes les mesures et précautions envers ladite veuve Capet, qu'il est d'usage et d'obligation de prendre envers ceux qui sont détenus au secret; avons pareillement enjoint au commandant du poste de la gendarmerie, appelé à cet effet, de faire poser à l'instant un factionnaire à la porte de ladite chambre de la veuve Capet, et en dehors, lequel aura pour consigne de ne laisser parler, ni communiquer, ni approcher personne de ladite porte, que le citoyen concierge et son épouse, et un autre factionnaire dans la cour, près les fenêtres de ladite chambre occupée par la veuve Capet, lequel aura pour consigne de ne laisser approcher personne à la distance de dix pas, et ne laisser parler ni communiquer qui que ce soit, sous tel prétexte que ce puisse être, laquelle consigne a été donnée à l'instant, et les factionnaires posés suivant le rapport dudit citoyen commandant du poste et du brigadier de service à la grande réserve, laquelle consigne ledit citoyen commandant s'oblige de faire exécuter de relevée en relevée, et transmettre à celui par qui il sera remplacé.
»Lecture à eux faite du présent, ont dit icelui contenir vérité, qu'ils satisferaient au contenu, et ont signé avec nous.
»Signé à la minute:
»Pour copie conforme à l'original:
74: «Citoyens collègues, Marie-Antoinette me charge de lui faire passer quatre chemises et une paire de souliers non numérotés, dont elle a un pressant besoin.
»J'espère que vous voudrez bien les faire remettre au porteur de la présente.
»Je suis avec fraternité,
(Archives de l'Empire, carton E, no 6206.)
Commune de Paris.
«Le 26 septembre 1793, l'an II de la République une et indivisible.»
«Citoyens, nos collègues, sur la demande qui nous a été faite par la veuve Capet de différents objets relatifs à des besoins de vêtements, l'administration de police vous invite à faire des recherches dans tout ce qui reste d'habillements au Temple à l'usage de la veuve Capet, afin de savoir si les articles qui lui sont nécessaires et qu'elle demande sont dans la garde-robe qui est au Temple, et, dans le cas où ils y seraient, de nous les envoyer de suite, attendu qu'il en résultera une économie.
»Nous vous envoyons ci-joint la note des objets.
(Archives de l'Empire, carton E, no 6206.)
75: Municipalité de Paris.
»Nous recommandons aux citoyens commandants de la force armée de laisser sortir la fille du citoyen Tison avec un paquet dans une serviette, contenant des vieux souliers et un vieux paquet de gaze, lesquels nous avons vérifiés au Temple, ce 26 août 1793.
76: Voici le compte rendu de ce qui s'était passé dans la journée au conseil général de la Commune.
«Le substitut du procureur de la Commune demande, comme mesure de sûreté et conforme à l'égalité, que demain toute la cuisine du Temple soit supprimée et tous les domestiques et valets renvoyés, et que les prisonniers qui y sont renfermés ne soient pas traités différemment que tous les détenus dans les autres maisons d'arrêt, et que, dès ce soir, il sera nommé une commission pour aller faire exécuter cet arrêté au Temple. Son réquisitoire est adopté à l'unanimité.
»Les membres nommés pour cette commission sont: Grenard, Lelièvre, Camus et Jonquoy.
»Les mêmes mesures sont prises relativement à la veuve Capet; le conseil arrête que la nourriture de ladite Capet sera réduite au simple nécessaire; que, par respect pour l'égalité, elle sera traitée comme tous les autres prisonniers indistinctement, et qu'elle n'aura d'autres domestiques que ceux qui servent les prisons, et que cet arrêté sera aussi signifié au concierge de la Conciergerie.» (Archives de l'hôtel de ville.)
77: «Un des commissaires nommés par le conseil général pour faire perquisition chez les prisonniers du Temple et en retirer tous les objets de luxe, rend compte de sa mission.
»Il dit que les commissaires ont retiré et fait mettre sous les scellés les porcelaines qu'ils ont trouvées.
»Il a ajouté qu'ils ont trouvé dans une commode appartenant à Élisabeth deux rouleaux chacun de quarante pièces d'or de la valeur de vingt-quatre livres, que ladite Élisabeth a déclaré lui avoir été donnés en dépôt par la veuve Lamballe à l'époque du 10 août 1792, et que ces mêmes pièces avaient été confiées à la veuve Lamballe par une autre personne.
»Le conseil arrête le dépôt au trésor national des pièces d'or ci-dessus mentionnées, ainsi que des mille écus trouvés lors de la mort de Capet, ainsi que des différentes décorations qu'il portait de son vivant; et a nommé pour commissaires à cet effet les commissaires déjà nommés.
»Sur le réquisitoire du procureur de la Commune, le conseil général arrête que le lit, les habits et tout ce qui servait au logement et au vêtement de Capet sera, dimanche prochain, brûlé en place de Grève; les commissaires nommés à cet effet sont Grenard, Lelièvre, etc.
(Séance du mardi 24 septembre 1793.)»
78:
Conseil général de la Commune de Paris.
(Séance du lundi 30 septembre 1793.)
«Le secrétaire greffier rend compte du brûlement de la garde-robe de Capet, qui a eu lieu hier dimanche, 29 du présent.
»Le dimanche 29 septembre 1793, l'an II de la République française, le citoyen Camus, commissaire nommé à cet effet par le conseil général, ayant fait transporter au dépôt du secrétariat de la maison commune la garde-robe de feu Capet, j'ai trouvé qu'elle était enveloppée dans une toile cousue et cachetée en six endroits; après avoir reconnu les cachets sains et entiers, j'ai fait l'ouverture du paquet, et j'ai trouvé les effets suivants, savoir:
»Un chapeau, une boîte d'écaille cassée, un petit paquet de lisières et de rubans blancs, six habits, tant de drap que de soie et de petit velours; une redingote de drap, huit vestes, tant de drap, petit velours, soie que de lin; dix culottes idem, deux robes de chambre blanches, une camisole de satin ouatée, cinq pantalons, dix-neuf vestes blanches.
»Lesquels effets j'ai fait transporter sur la place de Grève par les garçons de bureau, après les avoir préalablement fait vérifier par les citoyens Pierre-Jacques Legrand et Étienne-Antoine Souard, commissaires, qui se sont transportés avec moi en ladite place, où j'ai trouvé un bûcher préparé, sur lequel tous les effets ont été rangés, et les commissaires y ayant mis le feu, ils ont été réduits en cendres, au désir de l'arrêté du conseil général.
»Signé à la minute:
79: Vie de Madame Élisabeth de France. Paris, Vauquelin, 1814, in-24 de 105 pages.
80:
«Paris, ce 5 octobre 1793, l'an IIe de la République une et indivisible.
»Citoyen président,
»J'ai l'honneur d'informer la Convention que le décret par elle rendu le 3 de ce mois, portant que le tribunal révolutionnaire s'occupera sans délai et sans interruption du jugement de la veuve Capet, m'a été transmis hier soir. Mais jusqu'à ce jour, il ne m'a été transmis aucunes pièces relatives à MARIE-ANTOINETTE; de sorte que, quelque désir que le tribunal ait d'exécuter les décrets de la Convention, il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter ce décret tant qu'il n'aura pas ces pièces.
81: Le conseil général nomme Laurent et Friry, qui s'adjoindront au citoyen maire, au procureur de la Commune et aux commissaires déjà nommés pour aller au Temple. (Séance du 4 octobre 1793.)
82: Déjà, depuis un mois, la Commune avait pris un arrêté qui expulsait du Temple Turgy, Chrétien, Marchand, et en général toutes les personnes suspectées d'incivisme.
«Lecture faite d'un arrêté du conseil du Temple, qui demande le remplacement de plusieurs individus occupés maintenant dans cette maison, et qui ont appartenu autrefois au ci-devant comte d'Artois;
»Le conseil général en confirme les dispositions; arrête en conséquence que les citoyens Piquet et sa famille, portiers; Rockentroh et sa famille, lingers; Baron, portier; Gourlet et sa femme, guichetiers; Quenel, commissionnaire; Chrétien, Marchand et Turgy, garçons servants; la citoyenne Leclerc, femme d'un gendarme ci-devant piqueur du comte d'Artois; la femme et les enfants de Salmon, ci-devant son valet de pied, et la famille Ango, au nombre de quatre personnes, ci-devant garçon d'argenterie, seront expulsés.»
83: Le procureur de la Commune se récrie sur les dépenses énormes que nécessite la garde des individus détenus dans la Tour. Il requiert, et le conseil arrête que, le décadi prochain, il se transportera en masse à la Convention pour lui demander que les prisonniers du Temple soient renvoyés dans les prisons ordinaires et traités comme les détenus ordinaires, et que ces individus soient jugés dans le plus court délai. (Conseil général de la Commune; séance du 26 brumaire an II, 16 novembre 1793.)
Cette résolution fut renouvelée cinq jours après:
«Le conseil général arrête que, le quintidi prochain, il se transportera en masse à la Convention pour lui demander à être déchargé de la garde du Temple, et que les prisonniers qui y sont détenus soient transférés dans les prisons ordinaires, et charge Legrand de faire une pétition à cet égard.» (Séance de la Commune du 1er frimaire an II, 21 novembre 1793.)
84: Expression d'un membre du conseil général.
85: Les derniers régicides, ou Madame Élisabeth de France et Louis XVII, par M. le Cher de M.... (Brochure in-8o de 109 pages, publiée à Londres; J. de Boffe, Gerard street, Soho, 1796.)
86: Le 4 germinal an II (24 mars 1794), fournée de dix-neuf personnes, parmi lesquelles le général Ronsin (ci-devant homme de lettres), général de l'armée révolutionnaire; Momoro, imprimeur-libraire et administrateur du département de Paris, et Anacharsis Clootz, l'orateur du genre humain.
87: Le 16 germinal an II (5 avril 1794), fournée de quinze, parmi lesquels figurent Fabre d'Églantine, François Chabot, Camille Desmoulins, Phelippeaux, Bazire, Hérault de Séchelles, les deux frères Frey et le général Westermann.
88: Le 24 germinal an II (13 avril 1794), fournée de vingt et un. On y remarque le général Arthur Dillon, Gobel, ci-devant évêque de Paris, et la jeune veuve de Camille Desmoulins.
89: Voici comment, dès le 6 avril 1793, la Commune de Paris avait prescrit l'exécution de cette mesure:
«Le conseil général, considérant la négligence que les citoyens apportent à l'exécution de la loi concernant l'affiche, à l'extérieur des maisons, des noms de tous les individus qui y habitent;
»Arrête que l'instruction suivante sera imprimée, affichée, et que les commissaires de police des sections seront tenus, sous leur responsabilité, de faire mettre ladite loi à exécution.
»Instruction relative au tableau qui doit être fait de tous les citoyens habitants de Paris, et placé à l'extérieur de chaque maison, aux termes du décret du 29 mars dernier.
- »1o Indiquer en tête le nom du propriétaire, s'il habite la maison, ou à son défaut le principal locataire, s'il y en a un, ou du régisseur.
- »2o Diviser par étages de la manière suivante:
REZ-DE-CHAUSSÉE.
N. N.
ENTRE-SOL.
PREMIER ÉTAGE, ETC.
»L'état doit présenter sans interruption toutes les personnes qui logent au même étage, et même toutes celles qui composent un ménage.
Exemple:
A tel étage: Le citoyen tel, son épouse, tant d'enfants de tel sexe; ensuite les domestiques.
»Il est nécessaire de mettre les prénoms ou noms de baptême et les surnoms, le sexe et l'âge de chacun. Le nom principal à désigner est celui que porte ordinairement l'individu et sous lequel il est généralement connu, et non celui de sa famille, si ce n'est pas celui qu'on lui donne dans le public.
»On ne peut se dispenser de faire connaître l'état de chaque individu ou de déclarer qu'il est sans état, car le titre de citoyen ou de citoyenne est une désignation trop vague ou plutôt n'en est pas une.
»L'affiche doit être écrite lisiblement, placée au lieu le plus apparent à l'extérieur, et de manière que tout le monde puisse aisément la parcourir des yeux tout entière sans en perdre un seul nom.
»Il ne doit être omis aucune personne; une seule omission enfreint la loi et expose à des peines sévères.
»Chaque fois qu'il y a du changement, il faut en faire mention dans l'affiche, soit en retranchant le nom des personnes qui ont quitté la maison, soit en ajoutant celui des nouveaux locataires et de ceux mêmes qui ne logent que momentanément.
»Toutes les contraventions seront imputées aux propriétaires ou principaux locataires, ou régisseurs, et seront punies avec sévérité; car on ne veut pas que cette mesure de salut public reste sans exécution ou soit éludée et tournée en dérision.
»Le conseil général arrête que le double des tableaux d'inscription sera visé par les comités des sections;
»Que les commissaires de police vérifieront l'exactitude desdits tableaux et prendront les mesures nécessaires pour empêcher qu'ils ne soient enlevés ou détériorés.» (Séance du conseil général de la Commune de Paris du samedi 6 avril 1793.)
90: Au milieu de tant d'immolations, la tristesse de la physionomie était devenue une trahison et la gaieté un devoir. Dans la séance du 23 ventôse an II (15 mars 1794), Barère disait:
«Allez aujourd'hui dans les rues de Paris, vous y reconnaîtrez les aristocrates à leur mine allongée...»
«Oui, ajoutait Couthon, en temps de révolution, tous les bons citoyens doivent être physionomistes: c'est sur la physionomie que vous reconnaîtrez un conspirateur, le complice des traîtres mis sous la loi de la justice; ces hommes ont l'œil hagard, l'air consterné, des mines basses et patibulaires. Bons citoyens, saisissez ces traîtres et arrêtez-les!» (Vifs applaudissements.)—(Moniteur du 26 ventôse an II, 16 mars 1794.)
91: Mémoires et correspondance secrète du Père Lenfant. Paris, 1834, t. I, p. 343.
92: J'ai voulu lire dans le tome III de Bonneville l'article qui commence ainsi:
«Huitième et dernier enfant de Louis, Dauphin de France, fils de Louis XV, et de Marie-Josèphe de Saxe, sa seconde femme, Élisabeth-Philippine-Marie-Hélène, dite de France, eut bien peu de temps à se féliciter du hasard qui avoit placé son berceau à côté du trône...» Je n'infligerai pas cet odieux factum à mes lecteurs. Il est d'autant plus infâme qu'il est hypocrite. Bonneville procède par insinuation et par réticence, et il n'a pas même le triste courage de ses ineptes calomnies. Il affecte même quelquefois de prendre la défense de Madame Élisabeth contre les attaques inqualifiables qu'il reproduit. Il a de la peine, dit-il, à croire qu'elles soient vraies... C'est une vipère qui panse avec sa bave la blessure que vient de faire sa dent venimeuse.
93: Procès-verbal de la translation d'Élisabeth-Marie Capet à la Conciergerie.
94: Guillotiné le 11 thermidor an II.
95: On appelle guichet une petite porte haute d'environ trois pieds et demi, pratiquée dans une porte plus grande. Lorsqu'on entre, il faut en même temps hausser le pied et baisser considérablement la tête, de manière que si on ne se casse pas le nez sur son genou, on court risque de se fendre le crâne contre la pièce de traverse de la grande porte, ce qui est arrivé plus d'une fois. On appelle aussi guichet la première pièce d'entrée.
96: Nous reproduisons ici la continuation de ce récit, à la fin duquel on verra dans quel état tombaient les âmes qui n'étaient point soutenues par la force surnaturelle de la religion: elles se dissolvaient pour ainsi dire sous l'excès de la souffrance, et le sentiment moral, ce soleil des intelligences, s'y éteignait.
«Du greffe, on entre de plain-pied, en ouvrant toutefois d'énormes portes, dans des cachots appelés la Souricière. Il faudroit plutôt les nommer la Ratière. Un citoyen nommé Beauregard, homme aussi honnête qu'aimable, acquitté par le tribunal révolutionnaire, fut mis à son arrivée dans ce cachot. Les rats lui mangèrent en différents endroits sa culotte, sans respect pour son derrière; nombre de prisonniers ont vu les trous, et il fut obligé de se couvrir toute la nuit la figure de ses mains pour sauver son nez et ses oreilles.
»Le jour pénètre à peine dans ces cachots; les pailles dont se compose la litière des prisonniers, bientôt corrompues par le défaut d'air et par la puanteur des seaux (en terme de prison griaches) où les prisonniers font leurs besoins, exhalent une infection telle, que dans le greffe même on est empoisonné lorsqu'on ouvre les portes.
»En face de la porte d'entrée est le guichet qui conduit à la cour des femmes, à l'infirmerie, et en général ce qu'on appelle, je ne sais pourquoi, le côté des douze. Nous y reviendrons.
»A droite, sur deux angles, sont des fenêtres qui éclairent fort imparfaitement deux cabinets où couchent les guichetiers de garde pendant la nuit; c'est aussi dans ces cabinets qu'on dépose les femmes qui ont été condamnées à mort. Entre ces deux angles est un troisième guichet qui conduit au préau; c'est le côté le plus recommandable de cette prison et le mieux fait pour fixer le regard de l'observateur. Il faut pour y arriver franchir quatre guichets. On laisse à gauche la chapelle et la chambre du conseil, deux pièces également remplies de lits dans ces derniers temps; la seconde étoit occupée par la veuve de Capet.
»Je n'entreprendrai point de décrire tous les lieux de cette vaste et dégoûtante enceinte. Je remarquerai seulement qu'à droite en entrant dans la cour, à l'extrémité d'une espèce de galerie, est une double porte, dont l'une entièrement de fer; que ces portes ferment le cachot surnommé de la Bûche nationale depuis le massacre du mois de septembre 1792 (vieux style), et que l'on traverse ce cachot pour arriver dans les salles du palais, au moyen d'un obscur escalier dérobé et verrouillé dans deux ou trois endroits différents. Les prisonniers sont à la pistole, ou à la paille, ou dans les cachots. Ces prisonniers ont un régime différent. Les cachots ne s'ouvrent que pour donner la nourriture, faire les visites et vider les griaches. Les chambres de la paille ne diffèrent des cachots qu'en ce que leurs malheureux habitants sont tenus d'en sortir entre huit et neuf heures du matin. On les fait rentrer environ une heure avant le soleil couché. Pendant la journée, les portes de leurs cachots sont fermées, et ils sont obligés de se morfondre dans la cour ou de s'entasser, s'il pleut, dans les galeries qui l'entourent, où ils sont infectés de l'odeur des urines, etc. Du reste, mêmes incommodités dans ces hideuses demeures; point d'air, des pailles pourries.
»Entassés jusqu'à cinquante dans un même trou, le nez sur leurs ordures, ils se communiquent les maladies, les malpropretés dont ils sont accablés. Allez visiter les cachots qui sont pratiqués dans les grosses tours que vous voyez du quai de l'Horloge, ceux qu'on appelle le grand César, Bonbec, Saint-Vincent, Bel-Air, etc., et dites si la mort n'est pas préférable à un pareil séjour.
»Ne croyez pas que les incommodités du logement soient les seules que les prisonniers aient à supporter; il faudroit pour juger jusqu'à quelle humiliation, jusqu'à quelle dégradation on peut réduire des hommes, il faudroit assister à la fermeture des portes et à l'appel nominal qui la précède. Figurez-vous trois ou quatre guichetiers ivres, avec une demi-douzaine de chiens en arrêt, tenant en main une liste incorrecte qu'ils ne peuvent lire. Ils appellent un nom, personne ne se reconnoît; ils jurent, tempêtent, menacent; ils appellent de nouveau, on s'explique, on les aide, on parvient enfin à comprendre qui ils ont voulu nommer. Ils font entrer en comptant le troupeau, ils se trompent; alors, avec une colère toujours croissante, ils ordonnent de sortir; on sort, on rentre, on se trompe encore, et ce n'est quelquefois qu'après trois ou quatre épreuves que leur vue brouillée parvient enfin à s'assurer que le nombre est complet.
»Mais quel contraste! Est-ce une bizarrerie de la nature ou un effet de sa sagesse? La première lueur d'espérance, l'approche d'un plaisir dissipent en un instant les plus noirs chagrins, les plus cruelles inquiétudes, et la prison la plus hideuse, l'enfer va se changer en un temple de Gnide. Vous entendez dans la cour du préau un éternel bourdonnement, un murmure sombre et les cris effrayants des guichetiers; ils ont des voix terribles et qui semblent avoir été faites exprès. Rien n'est plus fatigant que ce bruit et ce spectacle, si vous pouvez y échapper pour revenir au principal guichet.
»Après avoir franchi la première grille, j'ai déjà dit qu'il y en a quatre, vous vous trouvez dans une enceinte formée toute de barreaux de fer. Lorsque les communications avec l'extérieur subsistoient, c'est là que les prisonniers de ce côté voyoient leurs connoissances. Les femmes, dont la sensibilité, le courage plus résolu, l'âme plus compatissante, plus portée à secourir, à partager le malheur, les femmes étoient presque les seules qui osassent y pénétrer....
»Le guichet d'entrée, occupé de même par les prisonniers du côté des douze, n'offroit pas un spectacle moins pittoresque. En effet, quoi de plus singulier pour l'œil de l'observateur? des femmes et leurs maris, des maîtresses et leurs amants rangés sur des bancs contre les murs: les uns s'attendrissent, versent des larmes; d'autres, condamnés à mort, quelquefois chantent. Par une fenêtre de ces cabinets, on aperçoit sur un lit de douleur une malheureuse femme veillée par un gendarme, et qui attend, la pâleur sur le front, l'instant de son supplice. Des gendarmes remplissent les guichets; ceux-ci conduisent des prisonniers, dont on délie les mains, et que l'on précipite dans un cachot; ceux-là demandent d'autres prisonniers pour les transférer, les lient et les emmènent, tandis qu'un huissier, à l'œil hagard, à la voix insolente, donne des ordres, se fâche, et se croit un héros parce qu'il insulte impunément à des malheureux qui ne peuvent lui répondre par des coups de bâton.
»Il n'y a rien d'exagéré dans ce que je viens de dire, et plusieurs personnes qui sont venues ou ont vécu dans les prisons se rappelleront d'avoir vu tout cela dans le même moment.
»J'ai dit que les chiens jouoient un grand rôle dans ces prisons; cependant un fait que j'ai entendu souvent raconter prouvera que leur fidélité n'est pas à toute épreuve. Parmi ces chiens, il en est un distingué par sa taille, sa force et son intelligence. Ce Cerbère se nomme Ravage. Il étoit chargé pendant la nuit de la garde de la cour du préau. Des prisonniers avoient, pour s'échapper, fait un trou (en argot, un housard); rien ne s'opposoit plus à leur dessein, sinon la vigilance de Ravage et le bruit qu'il pourroit faire. Ravage se tait; mais le lendemain matin, on s'aperçut qu'on lui avoit attaché à la queue un assignat de cent sous avec un petit billet où étoient écrits ces mots: On peut corrompre Ravage avec un assignat de cent sous et un paquet de pieds de mouton. Ravage promenant et publiant ainsi son infamie, fut un peu décontenancé par les attroupements qui se formèrent autour de lui et les éclats de rire qui partoient de tous côtés. Il en fut quitte, dit-on, pour cette petite humiliation et quelques heures de cachot.
»Revenons au côté des douze. Ce côté a aussi une cour qu'occupent les femmes. La partie occupée par les hommes n'a d'autre promenade qu'un corridor obscur, dans lequel il faut tenir le jour le réverbère allumé, et un petit vestibule séparé de la cour des femmes par une grille. Les hommes peuvent parler aux femmes à travers cette grille, et plus d'une fois les tendres épanchements de l'amour y ont fait oublier aux malheureux l'horreur de leur demeure.
»Les chambres des femmes sont aussi divisées en chambres à la pistole et en chambres à la paille. Les pistoles occupent le premier, les chambres des pailleuses[96-A] sont au rez-de-chaussée, derrière une arcade; elles sont obscures, humides, et aussi malsaines que malpropres. Le gouvernement devroit bien s'occuper de les rendre salubres, en n'oubliant jamais que l'innocence a été forcée de les habiter. Il faudroit aussi un régime qui ne tendît pas à dégrader les êtres qui y sont soumis.
»Il n'y a de ce côté pour les hommes que des chambres a la pistole, c'est-à-dire que l'on paye le loyer des lits que l'on occupe. Il y a autant de lits dans une chambre qu'elle en peut contenir. On payoit d'abord pour un lit 27 livres 12 sous le premier mois et 22 livres 10 sous les mois suivans. On a réduit ce loyer à 15 livres par mois. Le même lit a souvent rapporté plusieurs loyers en un mois[96-B]; aussi la Conciergerie est-elle le premier hôtel garni de Paris quant au produit.
»L'un des grands inconvénients de ce côté étoit le voisinage de l'infirmerie; on y a longtemps vécu au milieu des fièvres les plus dangereuses. Les malades, entassés deux à deux sur de méchants grabats, étoient bien ce que la misère humaine peut offrir de plus déplorable: les médecins daignoient à peine les examiner; il sembloit qu'il y eût des cœurs faits pour s'endurcir à l'approche du malheur. Ils avoient une ou deux ptisannes qui étoient, comme on dit, des selles à tous chevaux, et qu'ils appliquoient à toutes maladies, encore étoient-elles administrées avec une négligence vraiment impardonnable. C'étoit une chose curieuse de voir avec quel dédain et quelle suffisance ils faisoient leurs visites. Un jour, le docteur en chef s'approche d'un lit et tâte le pouls du malade. «Ah! dit-il, il est mieux qu'hier.—Oui, citoyen docteur, répond l'infirmier, il est beaucoup mieux, mais ce n'est pas le même; le malade d'hier est mort, et celui-ci a pris sa place.—Ah! c'est différent; eh bien, qu'on fasse la ptisanne.»
»Cette anecdote en rappelle une autre qui eut lieu à peu près dans le même temps. On se souvient peut-être d'un individu qui se faisoit appeler Marat-Mauger, commissaire du pouvoir exécutif à Nancy et dans le département de la Meurthe, dénoncé comme ayant usé envers les citoyens de toutes sortes de vexations. Ce Mauger donna l'exemple le plus terrible de la manière dont un coquin peut être tourmenté par les remords. Il rappela les fureurs d'Oreste, et Le Kain auroit pu trouver en lui un modèle. Attaqué d'une fièvre très-violente, il se levoit sur son lit, et là, avec des convulsions vraiment effrayantes, et d'une voix épouvantée, il s'écrioit: «Voyez-vous dans les ombres de ces voûtes la main de mon frère? Il écrit en lettres de sang: Tu as mérité la mort!» Il périt en effet au milieu des transports de cette frénésie[96-C].
»Il régnoit parmi les prisonniers de ce côté un genre de courage et de gaieté vraiment remarquable; on ne se fera jamais une idée juste d'une existence semblable: aussi je n'entreprendrai pas de la dépeindre; je me contenterai de citer quelques passages de deux lettres de l'un de ces prisonniers à un ami, et que celui-ci a bien voulu me communiquer:
«....... Si je vois avec quelque sang-froid le moment où je perdrois la vie, je le dois surtout au spectacle qui se renouvelle à chaque instant dans cette maison; elle est l'antichambre de la mort. Nous vivons avec elle. On soupe, on rit avec des compagnons d'infortune; l'arrêt fatal est dans leur poche. On les appelle le lendemain au tribunal; quelques heures après nous apprenons leur condamnation; ils nous font faire leurs compliments en nous assurant de leur courage. Notre train de vie ne change point pour cela; c'est un mélange d'horreur sur ce que nous voyons et d'une gaieté en quelque sorte féroce, car nous plaisantons souvent sur les objets les plus effrayants, au point que nous démontrions tous les jours à un nouvel arrivé de quelle manière cela se fait, par le moyen d'une chaise à qui nous faisions faire la bascule. Tiens, dans ce moment, en voici un qui chante:
Quand ils m'auront guillotiné,
Je n'aurai plus besoin de né.
»Je dois t'ajouter, pour te prouver combien nous avons de moyens de nous endurcir, qu'une malheureuse femme condamnée vient de me faire appeler: «La source de mes larmes est tarie, m'a-t-elle dit, il ne m'en est pas échappé une depuis hier soir. La plus sensible des femmes n'est plus susceptible d'aucun sentiment; les affections qui faisoient le bonheur de ma vie ont perdu toute leur force. Je ne regrette rien, et je vois avec indifférence le moment de ma mort.»
»Cette femme est madame Lariolette de Tournay: elle dit avoir dépensé des sommes énormes pour la cause de la liberté; commissaires nationaux, généraux, officiers des armées françoises, ont été accueillis dans sa maison avec autant de distinction que de zèle. Elle attribue ses malheurs à son mari. Elle s'est fait peindre ces jours-ci la main appuyée sur une tête de mort; elle a dû lui envoyer ce portrait. L'allégorie est cruelle si le motif en est vrai!...
»Les hommes sont trop méchants, trop inutilement atroces, et je ne regretterois pas une existence aussi pénible et qui ne me présente qu'un avenir encore plus affreux. Tu vas me croire fou; ma foi, non!
»Je ne fus jamais si raisonnable; j'apprécie les choses ce qu'elles valent, et le plus grand bienfait de la nature (la vie, dont tu me parles dans une de tes lettres), me paroît à moi une corvée fort incommode, que la nature, si toutefois elle n'est pas une force aveugle, pouvoit épargner à des êtres qui n'ont pas même assez de raison pour apercevoir leurs sottises. Je suis si las de vivre parmi les hommes, que je ne serois pas fâché de les quitter. J'ai déjà, comme je t'ai dit, essayé l'épreuve; c'est le moment de véritable calme que j'aie goûté depuis que je suis ici, etc...»
»C'étoit une chose touchante de voir un nombre de prisonniers prévenus de délits contre la patrie ne respirer cependant que pour elle et pour sa liberté.»
96-A: On appelle pailleux et pailleuses ceux et celles qui, n'ayant pas de moyen de payer le loyer d'un lit, sont obligés de coucher sur la paille.
96-B: Dans les derniers temps de la tyrannie de Robespierre, lorsque le tribunal envoyait les victimes à la mort par charretées, quarante ou cinquante lits étaient occupés tous les jours par de nouveaux hôtes qui payaient quinze livres pour une nuit, ce qui donnait par mois un produit de dix-huit à vingt-deux mille livres.
96-C: On honore sa mémoire de cette épitaphe:
Dans un corps sale et pourri
Gisait une âme épouvantable.
Depuis ce matin, Dieu merci,
Et l'âme et le corps sont au diable.
97: Madame de la Fayette, née Noailles, était un modèle de bienveillance, de piété et de dévouement conjugal. La journée du 15 octobre 1795 fut un des plus beaux jours de sa vie. Ce jour-là, elle obtint la faveur de se constituer prisonnière avec ses deux filles dans les cachots d'Olmutz, auprès de son mari, dont elle partagea la captivité pendant deux ans.
Elle mourut à Paris dans la nuit de Noël (25 décembre) 1807, et fut, selon son désir, inhumée à Picpus, funèbre asile qu'elle avait fondé avec sa sœur, la marquise de Montaigu. B.
98: Les prisons en 1793, par madame la comtesse de Bohme, née de Girardin, 1 vol. in-8o, p. 130.
99: Nous intercalons à cette page le commencement de ce factum, reproduisant en fac-simile la pièce imprimée et remplie par l'écriture autographe de l'accusateur public.
100: Nous possédons quelques pages écrites par lui à la hâte pour sa défense, et qu'on ne lui donna point le temps de lire devant le tribunal. Voir aux Pièces justificatives, no VI.
101: Voir, p. 205, la liste des coaccusés de Madame Élisabeth.
102: Cejourdhuy vingt un floréal, l'an deuxième de la République, sur l'avis à nous donné par l'accusateur public qu'une des condamnées par jugement du tribunal de cejourd'huy avoit des déclarations à faire, nous Pierre André Coffinhal, juge du tribunal, en présence de Michel Nicolas Gribauval, l'un des substituts de l'accusateur public, et assisté de Anne Ducray, commis greffier, nous sommes transporté au greffe de la maison d'arrêt de la Conciergerie, où nous avons mandé et fait venir par devant nous la nommée Anne Marie Louise Thomas, femme Serilly, âgée de trente un ans, condamnée à la peine de mort par jugement du tribunal de cejourdhuy, laquelle nous a déclaré quelle étoit enceinte d'environ six semaines, de laquelle déclaration lui avons donné acte; en conséquence et ouy l'accusateur public, disons quelle sera vue et visitée à l'instant par les officiers de santé assermentés près le tribunal, pour, après leur rapport sur l'état deladitte fe Serilly, être par l'accusateur public requis et par le tribunal ordonné ce qu'il appartiendra.
De ce que dessus avons dressé le présent procès verbal, que nous avons signé avec laditte fe Serilly, l'accusateur public et le commis greffier.
Nous, officiers de santé assermentés au tribunal criminel révolutionnaire, assiste de la citoyene Paquin, femme sage, pour le tribunal;
Sur la réquisitoire de laqusateur publique, nous nous sommes transporte en la maison dite de la Conciergerie pour y voir et visiter la nomé Anne Marie Louise Thomas, femme Cerilly, condanné à mort cejourdhuy par jugement dudit tribunal, afin dy constater létat de grossesse de six semaine, conformément à sa déclaration.
Après la visite la plus scrupuleuse tant des parties intérieures questerieure, nous avons trouvée le col de la matrice très bas et dure et gonflé, le ventre tendue et gonflé, les seins douloureux et peu élevé; nous ayant répondue sur les diférentes questions que nous lui avons faite sur son état, quel avoit éprouvé quelque uns des simptomes et accident qu'éprouvent ordinairements les femmes dans le commencement de leurs grossesse. Nous avons reconue que tout ces signes annonçoient bien un commencement de grossesse, que depuis près de deux mois elle n'avoit pas ses règles. Mais comme tout ces signes et simptomes souvent en imposent et ne sont pas sufisans pour porter un jugement définitif, nous renvoyons a un termes plus éloigné, qui est le cinquième mois, ou la nature n'y les simptomes ne peuvent plus en imposer. A Paris, ce vingt un floréal de l'an deux de la République françoise une et indivisible.
Tribunal révolutionnaire.
Vu par le tribunal révolutionnaire établi par la loi du 10 mars 1793, sans recours au tribunal de cassation, et encore en vertu des pouvoirs délégués au tribunal par la loi du cinq avril de la même année, séant au Palais de justice, à Paris, la déclaration faite par Anne Marie Louise Thomas, femme Serilly, le vingt-un floréal présent mois, l'ordonnance du tribunal étant ensuite; ensemble le rapport des officiers de santé et matrone assermentés; ensemble le réquisitoire de l'accusateur public; tout considéré,
Le tribunal assemblé en la chambre du conseil, attendu l'incertitude sur l'état actuel de la femme Serilly, résultant du rapport des officiers de santé du tribunal, ordonne qu'il sera surcis à l'exécution du jugement dujourdhuy à l'égard de la femme Serilly, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
Fait et jugé en la chambre du conseil, le vingt deux floréal l'an deuxième de la République, par les citoyens Subleyrac, vice président, Denizot, Ardouin, Deliége et Maire, juges, qui ont signé le présent jugement avec le commis greffier.
Nota. Anne-Marie-Louise Thomas, femme Megret-Serilly, fut transférée à l'Évêché, d'où elle fut mise en liberté après le 9 thermidor. B.
103: Cette expression ironique Élisabeth de France dans la bouche de Dumas, en rappelant la réponse qu'elle lui a faite elle-même quand il lui a demandé son nom, apporte, ce me semble, une grande force à l'opinion que j'ai émise plus haut. B.
104: Ces détails ont été affirmés par des membres du jury et par des spectateurs présents au jugement; M. Georges Duval, qui les tenait d'eux, les rapporte dans ses Souvenirs thermidoriens.
105: Nous devons ces détails au sieur Ferry, garçon de bureau (en 1825) au département des beaux-arts, qui les tenait du sieur Geoffroy, son oncle, gardien (en 1794) de la maison d'arrêt de la Folie-Renaud, lequel se trouvait à cette heure à la Conciergerie, où il venait, selon l'usage, faire le dépôt de la défroque des suppliciés.
106: Une sainte fille du nom de Marguerite, au service de M. le marquis de Fenouil, et qui avait été jetée à la Conciergerie pour n'avoir point voulu déposer contre son maître, fut témoin de cette scène. Elle connaissait madame de Montmorin, dont son père infirme avait reçu plus d'un bienfait. Ayant appris en 1828 que Marguerite était au service de M. le marquis de la Suze, grand maréchal des logis du Roi, je demandai à la voir, et elle me raconta ces détails, que je suis heureux de consigner ici. B.
107: S'il était vrai, comme on l'a prétendu, que Fouquier eût fait la proposition de saigner les condamnés pour affaiblir le courage qui les accompagnait jusqu'à la mort, on serait disposé à croire qu'il regretta que l'application de cette atroce mesure n'ait pu être faite à la fournée du 10 mai 1794.
«Le fait de cette proposition, dit M. Berriat-Saint-Prix, ne figure pas dans le compte rendu de Donzelot, mais il n'en est pas moins prouvé à mes yeux, et voici mes raisons:—Les questions résolues affirmativement par le jury embrassaient vingt-neuf faits distincts, y compris celui-là[107-A]; sur ce nombre, vingt-sept se retrouvent dans le compte rendu, lequel s'arrête à l'audience du 2 floréal. Il est permis de supposer que la proposition de la saignée fut établie sur les neuf audiences suivantes, omises par Donzelot. On ne comprend pas, en effet, comment le jury aurait sans preuve déclaré constant ce fait si étrange, alors qu'il ne constatait les vingt-sept autres que sur d'évidentes démonstrations.»
(La Justice révolutionnaire à Paris, Cosse et Marchal, place Dauphine, 1861.)
107-A: Jugement rendu contre Fouquier, in-4o, page 1 à 5. Bibliothèque du Louvre.
108: Son mari. A. E. F. G. Crussol d'Amboise, âgé de soixante-sept ans, ex-membre de l'Assemblée constituante, né à Aurillac, département du Cantal, domicilié à Paris, fut condamné à mort comme conspirateur, le 8 thermidor an II (26 juillet 1794), par le tribunal révolutionnaire de Paris.
109: Extrait du registre des dépôts au greffe du tribunal révolutionnaire, à la date du 22 floréal.
«Est comparu le citoyen Desmouret, commis de l'exécuteur des jugemens criminels, lequel a déposé un médaillon en verre à cercles d'or renfermant un crucifix de même métal;
»Un cachet d'or en trois parties représentant l'un les armes de France et de Navarre de l'ancien régime, l'autre une colombe, et le dernier une tête d'homme;
»Une chaîne de col en or, à laquelle est attaché un cœur renfermant des cheveux et une petite croix d'or;
»Une médaille d'argent représentant une Immaculée Conception de la ci-devant Vierge, et une petite clef de portefeuille qu'il déclare appartenir à Élisabeth Capet, condamnée à mort, et qu'il a trouvée sur elle en la conduisant au supplice, et a signé avec moi greffier soussigné.
Cette déclaration du commis de l'exécuteur est précédée (sur le registre des dépôts faits au greffe du tribunal révolutionnaire) de la déclaration faite par le concierge de la maison d'arrêt de la Conciergerie des objets de garde-robe ou autres appartenant à Élisabeth Capet et à ses complices. Voir aux Documents, no VII.
110: Le témoin dont il est ici question est madame Marie Valienne, femme Hervé, puis femme Baudoin, concierge de l'hospice Devillas, rue du Regard.
111: Mémoires de madame de Genlis. Paris, Ladvocat, 1825, t. VI, p. 117.
Madame de Genlis ajoute en note: «On voit dans la Vie des saints que ce miracle d'une odeur suave se répandant tout à coup est arrivé plus d'une fois au moment de la mort de saints personnages.»
On trouve dans l'ouvrage de Görres intitulé: la Mystique divine, le récit d'une multitude de phénomènes identiques. En voici un extrait:
«Lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il est en odeur de sainteté, cette expression n'est pas seulement une figure, mais elle est fondée sur l'expérience. La chambre de la bienheureuse Liduine était, au témoignage de Thomas à Kempis, remplie d'un parfum délicieux qu'exhalait sa personne, et qui faisait croire à tous ceux qui entraient qu'elle avait sur elle quelque aromate.
»Lorsque saint Ménard fut assassiné dans sa solitude, il sortit de son cadavre une odeur très-agréable qui se répandit jusque dans la forêt environnante. Le corps de saint Dominique exhalait une odeur semblable, et elle s'attacha pour longtemps aux mains de ceux qui l'avaient enseveli. Après la mort de saint Gandolphe, son corps répandit aussi un doux parfum qui remplit la maison pendant quinze jours. Ce même phénomène se reproduisit chez le frère Robert, de Naples, chez Jeanne de la Croix, chez François de Sainte-Marie et chez François de la Conception, quoique tous fussent morts de maladies qui ont coutume d'être accompagnées de mauvaises odeurs. Il faut que ce parfum de sainteté soit bien pénétrant, puisque les actes de saint Trévère rapportent qu'on le sentait à un mille à la ronde lorsqu'on ouvrit son tombeau.» (La Mystique divine, naturelle et diabolique, par Görres, ouvrage traduit de l'allemand par C. Sainte-Foi; Poussielgue-Rusand. Paris, 1854. Tome I, chap. IV, p. 292 et 295.)
112: Les charrettes qui devaient transporter les condamnés à l'échafaud étaient commandées d'avance en nombre suffisant; les places des victimes étaient comptées; ces charrettes arrivaient à la porte de la Conciergerie vers dix heures du matin, midi au plus tard. Plusieurs fois l'audience de la salle de l'Égalité (aujourd'hui la chambre civile de la Cour de cassation) ayant été terminée par la condamnation de cinq ou six accusés seulement, Fouquier fit ajouter au bas de l'ordre pour l'exécuteur, que lui présentait à signer le greffier: «L'exécuteur fera amener six ou sept charrettes», ce qui annonçait l'espoir que les accusés alors en jugement dans la salle de la Liberté, au nombre de trente, plus ou moins, seraient également condamnés. (Note empruntée au livre de M. Berriat Saint-Prix, la Justice révolutionnaire.)
113: Déjà, à l'époque des grandes chaleurs de l'été précédent, les habitants du quartier de la Madeleine avaient exprimé des plaintes à ce sujet. Un citoyen du quartier du Roule, dans la séance de sa section, le 17 juillet 1793, avait proposé d'adresser à cet égard une réclamation au conseil de la Commune. Les exigences hygiéniques avaient enfin déterminé l'ouverture d'un nouveau cimetière.
«Séance de la section du Roule du 17 juillet 1793.
»Un membre monte à la tribune, et lit un mémoire signé d'un grand nombre de citoyens, tendant à inviter la Commune à donner un autre emplacement au cimetière de la paroisse de la Madeleine, dont l'odeur cadavéreuse et putréfiante, y est-il dit, devient insupportable aux citoyens qui l'avoisinent, et dangereuse à la ville de Paris.
»La section arrête que cette demande sera transmise à la Commune.»
«Séance du 18.
»À propos de la lecture du procès-verbal, un membre fait observer que l'arrêté pris dans la séance précédente est dangereux, impolitique et capable d'accréditer les bruits faux que les ennemis du bien public font courir en disant que la peste règne dans Paris.
»L'assemblée, considérant qu'il n'est rien que la malveillance n'emploie pour éloigner les bons citoyens de Paris, rapporte son arrêté.»
114: Le lecteur trouvera à la fin de l'Appendice les listes des fournées de victimes qui ont précédé, accompagné ou suivi dans l'enclos du Christ la dépouille de Madame Élisabeth.
115: Ludovico Bottiglia. Traduction de J. B. Idt, professeur au collége royal de Lyon. Lyon et Paris, in-8o, p. 79 à 82.
116: L'année 1796 devait la soumettre à de nouvelles épreuves. La mort du roi Victor-Amédée appelait son époux au trône de Sardaigne, ébranlé depuis quatre ans par la révolution française. La nouvelle reine se servit de son autorité pour honorer la religion, protéger les arts et soulager les pauvres. Elle ne jouit guère que deux ans de cette consolation. Le 6 décembre 1798, le Directoire déclara la guerre à Charles-Emmanuel IV, et le força de quitter Turin. La Reine le suivit en Toscane, et s'embarqua avec lui à Livourne. Arrivés en Sardaigne, ils y passèrent sept mois. Ayant un moment espéré que quelques avantages remportés par les Russes pourraient leur ouvrir la route de leurs États, ils revinrent sur le continent: la fortune se tourna de nouveau contre eux, et les réduisit à changer souvent de séjour. Ils habitèrent tour à tour Florence, Rome et Naples. Dans ces différentes demeures, les habitudes de la Reine restaient les mêmes: elle prodiguait à son mari, souffrant fort souvent d'une névralgie, les soins les plus assidus comme les plus affectueux; et le temps qu'elle avait de libre après l'accomplissement de ses devoirs, elle le consacrait aux pratiques de la religion, au soulagement de la souffrance et de la misère, auxquelles elle donnait elle-même l'exemple de la douceur, de la patience et de l'humilité.
Ayant appris que le souverain Pontife avait été enlevé de Rome, et se trouvait momentanément dans la Chartreuse, près de Florence, le Roi et la Reine de Sardaigne, ainsi que le grand-duc de Toscane, s'empressèrent de l'aller visiter. On imagine mieux qu'on ne le décrit ce que dut avoir de touchant une telle entrevue, dans une circonstance qui réunissait des exemples si éclatants de la fragilité des grandeurs humaines. En s'inclinant devant le chef suprême de l'Église, Charles-Emmanuel lui dit: «J'oublie dans des moments si doux toutes mes disgrâces; je ne regrette point le trône que j'ai perdu: je retrouve tout à vos pieds.—Hélas! cher Prince, répondit le Saint-Père, tout n'est que vanité; nous en sommes, vous et moi, la triste preuve. Portons nos regards vers le ciel, c'est là que nous attendent des trônes qui ne périront jamais.» Le Roi et la Reine, qui se disposaient à retourner en Sardaigne, pressaient le saint vieillard de les accompagner. «Venez, venez avec nous, Saint-Père, disait la sœur de Madame Élisabeth, nous nous consolerons ensemble: vous trouverez dans vos enfants tous les soins respectueux que mérite un si tendre père.—Je ne puis accepter vos offres généreuses, répondit le Pape, mon grand âge ne le permet pas, mes infirmités le refusent, et la crainte d'éveiller le soupçon de nos ennemis le défend.» Leurs adieux furent déchirants: c'était la séparation d'amis qui ne doivent plus se revoir.
Marie-Clotilde mourut à Naples le 7 mars 1802. Dans tous les lieux qu'elle avait habités, la réputation de sa sainteté s'était répandue. Le pape Pie VII, qui avait été témoin de ses vertus, la déclara vénérable par un décret du 10 avril 1808.
117: Le prince Béda, abbé de Saint-Gall, était propriétaire du château de Wartegg.
Il avait donné à bail ce manoir à la famille de la Tour-Valsassina, qui, au moment de l'émigration française, le loua au marquis de Bombelles.
Dans son journal manuscrit, conservé aux archives de Saint-Gall, t. 284, nous voyons que la famille de Bombelles était installée à Wartegg en décembre 1791, et que le 4 janvier 1792 M. de Bombelles vint avec toute sa famille à Saint-Gall faire visite au prince abbé et dîner avec lui.
118:
Traduction d'un article de la Gazette de Brünn du mercredi 1er octobre 1800.
«Le vrai mérite est sans ostentation; il n'appartient qu'à la justice de l'histoire de lui ériger un autel incorruptible dans le cœur de tout homme de bien. La vertu la plus pure, la piété sans hypocrisie, la tendresse conjugale et maternelle portée au plus haut degré, le courage et la grandeur d'âme dans les plus grands malheurs, la bonté du cœur, une bienfaisance sans bornes dans une situation gênée, un esprit cultivé, une amitié noble et constante, toutes ces qualités se trouvoient réunies dans une femme: toutes ces qualités firent vénérer madame de Bombelles, qu'une mort prématurée arracha des bras de six orphelins, à la suite d'une couche malheureuse, dans la trente-neuvième année de son âge, et conduisit dans un monde où elle reçoit la récompense due à ses souffrances et à ses vertus. Tous ceux qui l'ont connue, qui l'ont vue grande et élevée dans le malheur, qui l'ont admirée sous les titres respectables de mère, d'épouse et d'amie, ne pourront refuser des larmes à sa mémoire, et à ses mânes le souhait d'une paix sainte et inaltérable.»
Traduction d'un autre article de la même gazette, du samedi 4 octobre 1800.
«Les hommes reconnoissants forment, dans le grand tableau du monde, le groupe le plus intéressant; car il n'est aucune vertu, si élevée qu'elle soit, à laquelle le céleste sentiment de la reconnoissance ne mérite de servir de pendant. Nous fûmes témoin, lundi dernier, d'une scène des plus touchantes, des plus sublimes, près du cercueil de la défunte madame de Bombelles. La gratitude y célébra une fête digne du Ciel, et offrit un laurier à la vertu dans le tombeau. Les habitants de Menowitz (village non loin de Brünn, où la défunte habita quelque temps) apprirent la mort de cette vénérable femme, et plusieurs d'entre eux se hâtèrent d'arriver à la ville et dans la maison du deuil. C'étoit le jour des funérailles, et le cercueil étoit déjà fermé. Les bonnes gens en demandèrent l'ouverture avec des cris déchirants, pour voir encore une fois leur bienfaitrice, leur mère, pour baiser encore une fois ses froides mains. Le cercueil fut ouvert; et ces créatures reconnoissantes, pâles et plongées dans une douleur muette, les yeux baignés de larmes, entourèrent le corps de leur bienfaitrice. Ce spectacle étoit digne de compassion, et en même temps de l'enthousiasme des âmes sensibles qui savent apprécier le mérite de la vertu. Enfin ce chagrin muet éclata en plaintes amères: alors sa main glacée fut couverte de baisers brûlants; alors les vêtements de la défunte furent arrosés des larmes du sentiment, de ces larmes que tous les trésors de la terre ne peuvent acheter sans la vertu, dont elles sont le prix. Chacun de ces hommes reconnoissants essaya de peindre aux assistants, avec tout le feu renfermé dans ses veines, les bienfaits qu'il en avoit reçus: «Au lit de ma femme malade, elle veilloit jour et nuit.—Elle ferma les yeux de ma mère.—Elle me donna des drogues de sa propre main et me soigna.—Elle pansa mes plaies, et me mit en état de soutenir mes vieux parents.» Ainsi s'écrioient ensemble ces cœurs nobles et sensibles; et ils adressoient leurs vœux au Ciel pour qu'il accordât la paix éternelle à sa belle âme, pour prix de tant de bienfaits. Que sont toutes les louange achetées avec de l'or auprès d'un tel éloge funèbre! Oh! celui qui, au récit de pareilles scènes, n'aimeroit pas la vertu, n'ouvriroit pas son cœur aux malheureux, qui ne répandroit pas des trésors, souvent mal acquis, dans le sein des infortunés; celui qui ne cesseroit pas de poursuivre la vertu, d'opprimer le mérite, qu'il descende un jour au tombeau sans être aimé, sans être pleuré! c'est la plus grande punition, et dont il sentira, dans un autre monde seulement, toute l'étendue.»
119: «Liste civile.—Bosson et sa femme, ci-devant attachés au service d'Élisabeth Capet, réclament de la justice des magistrats administrateurs du directoire du district les six derniers mois 1793 de leurs gages, et jusqu'à l'évacuation de leur logement, pour laquelle ils ont obéis à l'instant même que les ordres leur a été signifiés, au lieu qu'ils occupoient en la maison du Grand-Montreuil.
»Ils sont sans place et sans pain;—se recommandent à votre bienfaisance.
«Soit communiqué au directeur de l'agence nationale de l'enregistrement et des domaines, pour donner des renseignements et son avis le plus promptement possible, attendu l'extrême misère où les requérants ont été réduits par l'effet d'une détention non méritée. Fait au district de Versailles, le trois germinal, l'an second de la République.
«Avis du directeur de l'agence nationale de l'enregistrement.—Vû la pétition du citoyen Bosson et de sa femme, tendante à obtenir de l'administration le payement de leurs gages des six derniers mois de 1793, comme attachés à la maison du Grand-Montreuil, séquestrée sur Élisabeth Capet.
»Le directeur de l'agence nationale de l'enregistrement observe que Bosson et sa femme, qui n'ont justifié ny de leur qualité ny de leurs droits, étoient l'un vacher et la femme laitière dans la maison d'Élisabeth Capet;
»Que les vaches ayant été vendues en octobre 1792, le vacher et la laitière sont devenus inutiles; que les dispositions des loix concernant les gagistes de la cy devant liste civile sont communes aux personnes qui étoient attachées à Élisabeth Capet;
»Qu'ainsi Bosson et sa femme ont dû se regarder comme supprimés à compter du 31 décembre 1792; mais qu'ils ont droit aux indemnités ou pensions promises par le décret du 27 août 1793, et qu'ils doivent être renvoyés devant le citoyen Henry, commissaire-liquidateur de la cy-devant liste civile.
»A Versailles, 11 germinal de l'an II de la République françoise, une et indivisible.
120: Nous en avons trouvé des traces dans le registre des archives de la noble bourgeoisie et ville de Bulle:
«1798.
»Cette année mémorable qui changea la face des affaires en Suisse fut précédée par des démonstrations qui furent très-vives dans le pays de Vaux déjà dès le commencement du mois de décembre. Le lendemain de la foire du mois de janvier 1798 fut le jour où l'arbre de la liberté fut arboré sur le Tilleul, à Bulle. Dès lors Bulle se constitua en comité central correspondant avec Vevey et Lausanne. Un autre comité central s'établit à Grand-Villard, qui correspondit aussi, comme celui de Bulle, avec Vevey et Lausanne. Il s'agissait de récupérer les droits de l'ancienne patrie de Vaux.
»Parmi les actes de dévouement pour la cause de la liberté, on peut citer celui des frères Gex, qui fabriquèrent un canon de bois cerclé en fer, et qui figura au camp de Russille, près d'Avry-devant-Pont.
»Les détails de cette révolution se trouveront dans un autre ouvrage. L'heure étoit venue où la Suisse devoit aussi avoir son tour, et au 4 mars les François entrèrent à Fribourg; combat meurtrier à la Singine; Berne est prise par Schombourg; les gouvernements aristocratiques disparoissent; la Suisse se constitue en une république une et indivisible; un directoire, un sénat, un grand conseil, siégent d'abord à Arau, ensuite à Lucerne, enfin à Berne, où, après plusieurs changements dans ces premières autorités et dans sa forme, le gouvernement unitaire fut culbuté par la troupe du général Bachman et de son collègue Aufdermour, qui forcèrent le gouvernement unitaire à se réfugier à Lausanne, où le général Rapp se trouva et fit connoître aux Suisses la volonté de Napoléon, premier consul de France, d'être le médiateur de la Suisse. Bachman et sa compagnie mirent bas les armes; le gouvernement unitaire fut rétabli à Berne, et une consulte fut envoyée à Paris de toute la Suisse, qui en apporta l'acte de médiation, qui fut mis en activité par M. le comte Louis d'Affry, en sa qualité de premier landamman de la Suisse; avoyer de Fribourg sous ce régime, mort d'un coup d'apoplexie, il emporta les regrets de ses concitoyens.
»Sous le gouvernement de l'acte de médiation tout comme sous l'unitaire, Bulle conserva une préfecture et un tribunal de première instance.
»L'acte de médiation faisoit de Bulle le chef-lieu d'un des cinq districts du canton de Fribourg.—Il donna un membre au conseil d'État dans la personne de M. Nicolas-André de Castella, dernier banneret de Bulle.» (Extrait d'un registre intitulé: Annalise des Archives de la noble bourgeoisie et ville de Bulle.)
121: Voir, aux Pièces justificatives, no VIII, son acte de décès.
122: Voir son acte de décès, au no IX des Pièces justificatives.
123: Voir Pièces justificatives, no X.
124: Voir Pièces justificatives, no X.
125: Voir Pièces justificatives, no X.
126: Voir Pièces justificatives, no X.
127: Voir Pièces justificatives, no XI.
128: Ce cimetière qui porta d'abord la dénomination de Champ de Repos, fut créé par un arrêté de l'administration centrale du département de la Seine, du 8 messidor an VI (26 juin 1798), dans un terrain d'un hectare deux mille sept cent trente-six mètres cinquante-sept centimètres, situé au-dessus du boulevard de la barrière Blanche, cédé à la ville par le citoyen Aymé pour la somme de quatre mille huit cents francs. Par cet arrêté, le cimetière Roch fut définitivement fermé.
Le Champ de Repos se trouva bientôt trop petit.
Par un décret, daté du camp impérial d'Ebersdorf, du 28 mai 1809, le conseiller d'État, préfet du département de la Seine, fut autorisé à acquérir, pour cause d'utilité publique, au nom de la ville de Paris, un terrain de quinze hectares, situé à l'entrée de la plaine de Clichy, pour servir à l'établissement d'un nouveau lieu de sépulture, destiné à remplacer le cimetière Montmartre.
Un autre décret impérial, du 13 août 1811, modifiant ce décret, ordonna que le cimetière existant au bas de Montmartre serait agrandi dans sa partie nord et nord-ouest, et autorisa la ville de Paris à faire acquisition de douze hectares de terrain pour l'agrandissement du cimetière, en le prolongeant à travers le chemin des Batignolles, qui sera déplacé.
Enfin, un arrêté préfectoral du 10 février 1818 fit procéder immédiatement au mesurage des douze hectares de terrain dont l'acquisition est ordonnée par le décret susrelaté. B.
129: Voir page 232 de ce volume.
130: Le sieur Fauconnier, 12, rue d'Asnières, Batignolles-Paris.
131:
Déclaration de M. Descloseaux, chevalier de l'Ordre du Roi, du 22 mai 1816, devant Me Deguingand, notaire à Monceaux.
Je soussigné, Pierre-Louis Ollivier Descloseaux, chevalier de l'Ordre du Roi, demeurant actuellement rue d'Anjou, faubourg Saint-Honoré, no 62, premier arrondissement, déclare erroné le certificat que j'ai signé le quatre juin mil huit cent quatorze, étant à la suite d'une liste imprimée par Lottin, dans le courant de la même année, ayant pour titre: «Liste des personnes qui ont péri par jugement du tribunal révolutionnaire, depuis le vingt-six août dix-sept cent quatre-vingt-douze, jusqu'au treize juin dix-sept cent quatre-vingt-quatorze (vingt-cinq prairial an deux), laquelle liste contient les noms de treize cent quarante-trois victimes.»
Attendu qu'il est constant et hors de doute que, sur la demande des propriétaires et habitans de la rue d'Anjou, le cimetière de la Madeleine a été fermé antérieurement au vingt-quatre mars dix-sept cent quatre-vingt-quatorze (quatre germinal an deux), et que de suite il a été ouvert près de la barrière de Monceaux (vulgairement Mousseaux) un autre cimetière, dans lequel a été porté Hébert, dit le Père Duchesne, indiqué sous le no 496 de ladite liste, d'où il résulte la preuve, d'après la liste imprimée par Lottin, que huit cent quarante-huit victimes ont été portées au cimetière de Monceaux, et non à celui de la rue d'Anjou; en conséquence je déclare, moi Descloseaux, que c'est par erreur qu'il est dit, dans le certificat signé de moi, que toutes les personnes comprises dans cette liste, et au nombre de treize cent quarante-trois, ont été inhumées dans le cimetière de la rue d'Anjou, et que je n'ai pas entendu y comprendre celles qui ont été reçues au cimetière de Monceaux, indiquées sous les huit cent quarante-huit derniers numéros. Cette erreur provient de ce que j'ai considéré la désignation du cimetière de la Madeleine comme étant commune aux deux cimetières de la rue d'Anjou et Monceaux, attendu qu'ils avaient successivement servi au même usage.
De ce qui vient d'être dit, il reste constant que les tristes restes de Madame ÉLISABETH, sœur de Sa Majesté Louis XVI, et de M. de Malesherbes, sont déposés dans le cimetière de Monceaux. (Voir les nos 679 et 901.)
En foi de quoi j'ai signé le présent certificat pour rendre hommage à la vérité, consentant qu'il soit déposé par-devant notaire, et qu'il en soit délivré toutes copies nécessaires à qui de droit et à mes frais.
A Paris, ce dix-neuf mai dix-huit cent seize.
Approuvé le contenu au certificat ci-dessus écrit de la main de M. d'Anjou, mon gendre. Signé Ollivier Descloseaux, chevalier de l'Ordre du Roi.
En marge est écrit: Enregistré à Neuilly, le vingt-un mai mil huit cent seize, fol. 14 recto, cases 1 et 2. Reçu deux francs vingt centimes. Signé Mauroy.
«Il est ainsi en ladite déclaration, duement certifiée véritable, signée, paraphée et annexée à un acte de dépôt passé devant Me Élie Deguingand, notaire à Monceaux, boulevard extérieur de Paris, soussigné, le vingt-deux mai mil huit cent seize, enregistré; le tout étant en la possession dudit Me Deguingand.» Délivré ces présentes le trente juin mil huit cent seize.
132:
Acte de notoriété concernant le cimetière de Monceaux, du 30 et 31 mars 1817, devant Me Deguingand, notaire.
Par-devant Me Élie Deguingand, notaire royal à la résidence de Monceaux, boulevard extérieur de Paris, en présence des témoins ci-après nommés, soussignés,
Sont comparus:
- 1o M. Philippe Cardinet, marchand de vin traiteur;
- 2o M. Louis-Auguste Poitevin, propriétaire et cultivateur;
- 3o M. François Curel, propriétaire et marchand épicier;
- 4o M. Étienne Desgrais, propriétaire et cultivateur;
- 5o M. François Charles, propriétaire et cultivateur;
- 6o M. Étienne-François Fauconnier, propriétaire et cultivateur;
- 7o M. Pierre Gillet, propriétaire et cultivateur;
- 8o M. Claude Lebert, cultivateur et propriétaire;
- 9o Et M. Jacques-Louis Charles, propriétaire et paveur;
Tous demeurant à Monceaux, commune de Clichy-la-Garenne, département de la Seine;
Lesquels ont attesté pour notoriété constante, et comme étant à leur parfaite connaissance, les faits ci-après rapportés;
Savoir:
1o Que, lors de la fermeture du cimetière de la Madeleine de Paris, c'est-à-dire au mois de mars dix-sept cent quatre-vingt-quatorze, le Gouvernement, existant à cette époque s'est emparé pour le même usage d'un terrain dépendant de la maison dite du Christ, située à la barrière de Monceaux (vulgairement Mousseaux).
2o Que pour l'entrée de ce dernier cimetière on a démoli une partie du mur d'enceinte de Paris, et pratiqué sur le boulevard extérieur, vis-à-vis le bâtiment de la barrière, une ouverture, depuis fermée par une grande porte qui existe encore actuellement.
3o Et que c'est dans ce lieu qu'ont été portés, le dix mai dix-sept cent quatre-vingt-quatorze, les restes mortels de Madame ÉLISABETH, sœur de Sa Majesté Louis XVIII, roi de France.
Trois jours après, l'ancien concierge du cimetière de Monceaux faisait devant le même officier public la déclaration suivante:
Par-devant Me Élie Deguingand, notaire royal, à la résidence de Monceaux, boulevard extérieur de Paris, en présence des témoins ci-après nommés, soussignés,
Est comparu,
Étienne-Pierre Joly, ancien concierge du cimetière de Monceaux, et actuellement concierge du cimetière de Montmartre, demeurant aux Batignolles, no 42, commune de Clichy.
Lequel a attesté pour notoriété constante, et comme étant à sa parfaite connaissance, les faits ci-après rapportés;
Savoir:
1o Que, lors de la fermeture du cimetière de la Madeleine de Paris, c'est-à-dire au mois de mars mil sept cent quatre-vingt-quatorze, le gouvernement existant à cette époque s'est emparé, pour le même usage, d'un terrain actuellement dépendant de la maison dite du Christ, situé à la barrière de Monceaux (vulgairement Mousseaux);
2o Que pour l'entrée de ce dernier cimetière on a démoli une partie du mur d'enceinte de Paris, et pratiqué sur le boulevard extérieur de Paris, vis-à-vis le bâtiment de la barrière, une ouverture, depuis fermée par une grande porte qui existe encore actuellement;
3o Que c'est dans ce lieu qu'ont été portés, le dix mai mil sept cent quatre-vingt-quatorze, les restes mortels de Madame ÉLISABETH, sœur de S. M. Louis XVIII, roi de France;
4o Et enfin que c'est dans ce lieu qu'ont aussi été apportés tous les corps des personnes qui ont été condamnées par le tribunal révolutionnaire, et exécutées sur la place Louis XV, depuis le quatre germinal an deux (vingt-quatre mars mil sept cent quatre-vingt-quatorze) jusqu'à la fermeture dudit cimetière.
Desquelles déclarations il a été dressé le présent acte pour servir et valoir ce que de raison.
Fait et passé à Monceaux, en l'étude, l'an mil huit cent dix-sept, le trois avril, en présence de Jean-Nicolas Couttard, instituteur, et Pierre-Augustin Meigneux, commis marchand épicier, demeurant tous deux audit Monceaux, témoins instrumentaires requis conformément à la loi, et a le comparant signé avec lesdits témoins et ledit Me Deguingand, notaire soussigné, après lecture faite de la minute des présentes, demeurée à Me Deguingand, notaire soussigné.
En marge de ladite minute est écrit:
Enregistré à Neuilly, le quatre avril mil huit cent dix-sept, folio 167 recto, case 7. Reçu deux francs vingt centimes. Signé Mauroy.
Délivré ces présentes le cinq avril mil huit cent dix-sept.
133: Se déclarant propriétaire et gardien depuis vingt-sept ans de l'enceinte où repose la dépouille mortelle de Madame Élisabeth, clos inaccessible au public, resté inculte et vierge depuis le 10 mai 1792, et ayant pour objet la possibilité de l'érection d'un monument à la mémoire de cette princesse. (Catalogue Laverdet, mai 1857.)
134: C'est par erreur qu'un article du Droit du mois de juillet 1865, et après lui plusieurs autres journaux, ont prétendu que «cet emplacement faisait autrefois partie du cimetière de la Madeleine de la Ville-l'Évêque, où avaient été déposés les corps de Louis XVI et de Marie-Antoinette, ainsi que ceux des victimes de la Terreur.» Il y avait loin du cimetière de la Madeleine au cimetière de Monceaux. B.
135: MM. les vicaires généraux ont cherché à connaître et à retrouver ceux d'entre les ecclésiastiques qui, par pitié comme par humanité, suivaient discrètement, encourageaient, consolaient, exhortaient des yeux les victimes qu'on traînait à la mort par vingtaine et trentaine à la fois, afin de savoir si quelqu'un de ces prêtres bienfaisants n'aurait pas quelques lumières à donner sur la sépulture de Madame Élisabeth. M. de Sambucy est jusqu'à présent le seul qu'ils aient pu découvrir. Mais M. de Sambucy n'a suivi les victimes ce jour-là que jusqu'à la place où elles ont été frappées; il se rappelle des circonstances de leur supplice, et notamment de celui de Madame Élisabeth, qui fut réservée pour la dernière et avait dû voir périr conséquemment dix-huit personnes avant elle, suivant M. de Sambucy, et vingt-quatre suivant ce qu'ont assuré les dames Desclozeaux[135-A]. Sur d'autres indications, MM. les vicaires généraux doivent voir encore deux ecclésiastiques, et donner connaissance demain au ministre de l'intérieur de ce qu'ils auraient pu apprendre.
135-A: Il est de notre devoir de rectifier cette note sur deux points: 1o Ni M. de Sambucy ni mesdames Desclozeaux n'étaient dans le vrai: la fournée du 21 floréal an II (10 mai 1794) se composait de vingt-cinq personnes qui toutes, sans exception, furent condamnées à mort. Madame Mégret de Sérilly, quoiqu'elle se crût enceinte, ne réclama point. Madame Élisabeth, nous l'avons dit plus haut, avertie de l'état de cette malheureuse femme, le dénonça au tribunal, qui fit suspendre pour elle l'exécution du jugement. Donc le nombre exact des victimes de cette journée était de vingt-quatre. 2o Je m'étonne que MM. les vicaires généraux n'aient point cité le nom du respectable Père Carrichon à côté de celui de M. de Sambucy. Le lecteur trouvera, au no XII des documents mis à la fin de ce volume, un témoignage éclatant du dévouement de ce digne prêtre.
136: Le sieur Joly n'a point été consulté par le propriétaire avant qu'il eût désigné par une pierre le lieu où il supposait que reposent les cendres de Madame Élisabeth, mais depuis il fut appelé par le sieur de Jolival. Celui-ci lui montrant le terrain et l'affaissement qu'il avait désignés comme recouvrant les restes de la princesse, le concierge Joly lui dit: «Vous vous trompez, elle n'est pas là. Mais il ne lui indiqua point, ajouta-t-il, l'endroit où elle est réellement.»
Le sieur Joly n'a revu que cette seule fois le terrain de l'enclos, qui, étant déjà cultivé, avait bien changé d'aspect.
137: A l'exception d'un commissaire ou agent de la Commune, quand il s'agissait d'inhumations ordinaires, car il assure que pour les suppliciés on ne faisait pas de procès-verbal d'inhumation, que l'on se contentait de tenir note de leurs dépouilles.
138: Une plus ample explication et des questions réitérées faites au sieur Joly font connaître qu'outre le premier rang horizontal on plaçait immédiatement un second rang horizontal sur le premier, et toujours le haut du corps et les pieds en opposition ou sens opposé, ainsi que les faces, afin de ménager l'emplacement. Cette observation fait prévoir les plus grandes difficultés à obtenir un résultat, mais enfin il faut dire les choses comme elles se passaient et comme elles sont.
139: Cependant, afin d'écarter toute possibilité et même tout soupçon de fraude et de supercherie, il serait convenable de nommer plusieurs commissaires, dont un au moins serait sans cesse présent au travail et en dresserait chaque jour une espèce de rapport ou procès-verbal.
Il conviendrait aussi, en cas que l'entreprise fût faite, que la fosse fût garantie par un toit en planches ou une toile, afin que la pluie ne dérangeât point le travail et ne nuisît point aux opérations.
140: Dans sa déclaration du 28 avril, le sieur Joly a dit le contraire. B.
141: «Le ci-devant duc de Villeroy, le plus nul des hommes et le plus circonspect, fut une des victimes de la loi des suspects; ses domestiques l'accompagnèrent et ne le quittèrent que quand les verrous furent tirés sur lui. Personne n'avait fait plus de dons à la nation. Sommes immenses, chevaux, équipages, il avait tout offert à son pays. Ses gens avaient ordre de ne le plus servir, de faire exactement leur service dans la garde nationale; à ces conditions, ils étaient par lui nourris, logés et vêtus; il était riche, il faisait le bien, il fut à l'échafaud.» (Mémoires sur les prisons, t. II, la Mairie, la Force et le Plessis, p. 238.)
«Le duc de Villeroy et le comte de Brienne, lors de leur détention à la Conciergerie, refusèrent un jour de faire une partie de piquet, parce qu'on leur présentait des cartes qui n'étaient pas républicaines. (Riouffe, Mémoires d'un détenu, p. 85.)
(Détails reproduits dans le Tribunal révolutionnaire de Paris, de E. Campardon, in-8o, t. I, p. 311.)
142: Le jeune comte de Fleury avait été, en 1793, envoyé comme suspect dans la prison du Luxembourg. Il conservait, quoique détenu, toute la gaieté, tous les goûts de son âge, et jouait pendant une bonne partie de la journée à la balle et aux barres dans la cour du Luxembourg. Ayant vu périr presque toute sa famille, il écrivit au président du tribunal révolutionnaire le billet suivant, que deux ou trois feuilles du temps ont publié: «Homme de sang, égorgeur, cannibale, monstre, scélérat, tu as fait périr ma famille; tu vas envoyer à l'échafaud ceux qui paraissent aujourd'hui devant ton tribunal; tu peux me faire subir le même sort, car je te déclare que je partage leurs sentiments.» Dumas dit à Fouquier en lui présentant le petit papier: «Voilà le billet doux qu'on m'écrit; je t'invite à en prendre lecture; que faut-il répondre à celui qui me l'adresse?—Ce monsieur me paraît pressé, répond l'accusateur public; eh bien, nous allons le satisfaire.» Des gendarmes tout aussitôt furent chercher ce jeune homme, que l'on fit monter sur les gradins avec cinquante-trois personnes accusées d'être les assassins ou les complices des assassins de Collot d'Herbois ou de Maximilien Robespierre. Il n'en connaissait aucun. Il n'en fut pas moins, comme les autres, conduit à l'échafaud en chemise rouge.
143: Madame Élisabeth assistait volontiers aux professions religieuses, y trouvant une sorte d'édification.
144: M. van Blarenberghe, maître de dessin de Madame Élisabeth et des princes, fils du comte d'Artois.
145: La comtesse Diane de Polignac, dame d'honneur de Madame Élisabeth.
146: Médecin du Roi, n'ayant quartier.
147: Fille du marquis de Montesquiou-Fezensac, qui avait pris dans la révolution un parti dont sa famille était fort affligée.
148: Madame la comtesse de Choiseul-Gouffier, femme de l'ambassadeur du Roi à Constantinople.
149: Voitures du temps qui étaient encore en usage sous la Restauration et stationnaient sur la place Louis XV; elles étaient alors connues sous le nom de coucous.
150: Né à Lyon le 6 septembre 1726, l'abbé Lenfant, jésuite, avait été prédicateur du roi de Pologne Stanislas et de l'empereur Joseph II. Rentré en France, il fut choisi par Louis XVI pour son confesseur, lorsque l'abbé Poupart, curé de Saint-Eustache, eut prêté serment à la constitution civile du clergé. Conduit à l'Abbaye après la catastrophe du 10 août, il y fut massacré dans la matinée du 3 septembre.
«Le lundi 3 septembre, raconte Saint-Méard, à dix heures du matin, l'abbé Lenfant et l'abbé de Rastignac parurent dans la tribune de la chapelle qui nous servoit de prison. Ils nous annoncèrent que notre dernière heure approchoit, et nous invitèrent à nous recueillir pour recevoir leur bénédiction. Un mouvement électrique impossible à définir nous précipita tous à genoux, et, les mains jointes, nous la reçûmes. Ce moment, quoique consolant, fut un des plus terribles que nous ayons éprouvés. A la veille de paroître devant l'Être suprême, agenouillés devant deux de ses ministres, nous présentions un spectacle indéfinissable. L'âge avancé de ces deux vieillards (l'abbé Lenfant avait soixante-dix ans), leur position au-dessus de nous, la mort planant sur nos têtes et nous environnant de toutes parts, tout répandoit sur cette cérémonie une teinte auguste et lugubre; elle nous rapprochoit de la Divinité; elle nous rendoit le courage; tout raisonnement étoit suspendu, et le plus froid, le plus incrédule en reçut autant d'impression que le plus ardent et le plus sensible. Une demi-heure après, ces deux prêtres furent massacrés, et nous entendîmes leurs cris. (Agonie de trente-huit heures.)
151: Ce docteur de Sorbonne, principal du collége d'Harcourt, était né à Vire en 1682, et avait pris le goût de la poésie dans la compagnie de Thomas Corneille. Ses vers, empreints d'un caractère religieux, furent couronnés aux Jeux floraux, voire à l'Académie française; ce qui ne l'empêcha pas de mourir presque ignoré dans sa retraite, à Issy, le 11 octobre 1767.
152: La physique, dont l'abbé Nollet avait fait une étude particulière, et dont il avait répandu le goût en France. Ce savant, né en 1700 au village de Pimpré, près de Noyon, mourut entre les bras de ses élèves le 24 avril 1770, aux galeries du Louvre, où le Roi lui avait accordé un logement.
153: Madame de Raigecourt.
154: Ces trois mots, placés en tête de la lettre, sont de la main de Madame Élisabeth.
155: Le baron de Breteuil, alors ministre de la maison du Roi et du département de Paris, avait été représentant du Roi près l'électeur de Cologne, près Catherine II, près le roi de Suède, puis avait remplacé le cardinal Louis de Rohan près l'empereur d'Autriche. Dans les phases diverses de sa carrière, il avait conquis l'estime de tous les gens de bien.
156: Le maréchal de Castries.
157: La reproduction de cette lettre et des deux suivantes, jusqu'à ce jour inédites, est interdite.
158: Le premier Dauphin.
159: Architecte des bâtiments royaux, restaurait en ce moment la maison de la princesse.
160: M. de Breteuil.
161: Constantinople. Cette ambassade, dont les émoluments étaient considérables, était l'objet de l'ambition de M. de Bombelles, qui n'avait point de fortune, avait déjà plusieurs enfants, et était, par sa position officielle, obligé à une grande représentation. B.
162: Madame la marquise de Causans avait quatre filles:
L'aînée, mademoiselle de Causans, avait épousé M. de Sade;
La seconde, Caroline de Causans, titrée comtesse de Vincens, fut mariée au marquis de Raigecourt;
La troisième, Marie de Causans, comtesse de Mauléon, après avoir perdu sa mère, était entrée comme novice au Saint-Sépulcre, à Bellechasse. Les troubles de la Révolution mirent forcément obstacle à la réalisation de son projet d'entrer en religion.
Elle en éprouvait d'autant plus de regrets qu'elle avait sous sa garde sa jeune sœur, Françoise de Causans, comtesse d'Ampurie, dont il est ici question, et qui plus tard fut mariée au comte de Schulenburg.
163: Les petits défauts qui sont à peine remarqués dans le monde deviennent un objet de scandale au couvent, où l'on doit vivre de la vie parfaite. Les lignes qui suivent expliquent clairement la pensée de Madame Élisabeth.
164: M. le baron de Breteuil.
165: M. Champion de Cicé. Ce prélat, député de la sénéchaussée de Bordeaux aux états généraux, passa un des premiers à la chambre du tiers, fit, le 27 juillet 1789, au nom du comité de constitution, un long rapport sur les droits de l'homme et sur la forme à donner au Corps législatif. La popularité que ces actes lui acquirent le porta à la place de garde des sceaux. Il contre-signa à ce titre le décret de la constitution civile du clergé. Il donna sa démission en novembre 1790, époque à laquelle on déclara que les ministres avaient perdu la confiance de la nation. Il passa à l'étranger, revint en France le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), fut pourvu en 1802, par le premier consul, de l'archevêché d'Aix. Né à Rennes en 1735, il est mort en 1810. Mademoiselle Champion de Cicé, sa sœur, avait été compromise dans le complot du 3 nivôse an IX (24 décembre 1800) (pour avoir donné asile à Carbon, dit le petit François, qui conduisait la charrette de la machine infernale); mais elle fut acquittée par le tribunal criminel de la Seine.
166: Né en 1715, ce frère de l'auteur de Didon, fort recommandable par ses lumières et ses mœurs, étant premier aumônier de Louis XV, répondit à ce prince qui lui demandait s'il saurait bien dire le Benedicite: «Non, Sire, près de Votre Majesté, je ne sais que rendre grâce.» D'abord évêque du Puy, puis archevêque de Vienne, il combattit les philosophes et les idéologues. Entré au conseil et chargé de la feuille des bénéfices, le Pape s'adressa à lui pour l'engager à combattre de tous ses efforts toute innovation relative au clergé. «Vous êtes, lui disait-il, mieux à même que tout autre de rendre le service éminent que je vous demande. Vous avez déjà plus d'une fois prouvé votre zèle à sauvegarder la saine doctrine. Le temps presse; il n'y a pas un moment à perdre pour sauver la religion, le Roi et votre patrie. Vous pourrez certainement engager Sa Majesté à refuser cette funeste sanction. La résistance fût-elle pleine de dangers, il n'est jamais permis de paroître un instant abandonner la foi catholique, même avec le dessein de revenir sur ses pas quand les circonstances auront changé.» L'archevêque était affaibli par l'âge, et n'avait plus assez de caractère pour faire une telle démarche. Sa santé périclitant de jour en jour, il s'éteignit le 29 décembre 1790, dans sa soixante-quinzième année.
167: La Tour du Pin (Jean-Frédéric, comte de), lieutenant général des armées du Roi, fut député de la noblesse de Saintes aux états généraux, se rangea du côté de la minorité de son ordre, et fut bientôt après appelé au ministère de la guerre. Le 4 août, il informa l'Assemblée de sa nomination, protesta de son attachement à ses décrets, et présenta un plan pour l'organisation de l'armée. Il donna sa démission avec les autres ministres dès qu'ils furent déclarés avoir perdu la confiance nationale. Appelé en témoignage dans le procès de la Reine, il rendit à cette auguste princesse la justice qu'elle méritait et l'entoura des respects qui lui étaient dus. Traduit quelques jours après elle, il monta à son tour sur le même échafaud. Né à Grenoble en 1728, il périt le 28 avril 1794.
168: Si le maréchal Charles-Just de Beauvau eût précédé Bayard, on lui eût probablement donné le surnom de cet incomparable chevalier. Nommé gouverneur du Languedoc, Beauvau se distingua dans ses nouvelles fonctions par la chaleur de son zèle à secourir les tristes victimes de la révocation de l'édit de Nantes, et par une persévérance que la crainte même d'une disgrâce ne put ébranler. Des femmes protestantes qui gémissaient dans les cachots durent à l'humanité du maréchal un adoucissement à leurs maux. Le chevalier de Boufflers, qui a fait son éloge, raconte la belle réponse faite par M. de Beauvau à quelqu'un qui lui adressait une observation à ce sujet: «Le Roi, monsieur, est maître de m'ôter le commandement qu'il m'a donné, mais non de m'empêcher de remplir mes devoirs selon ma conscience et mon honneur.»—Né à Lunéville le 10 septembre 1720, le maréchal de Beauvau mourut à Paris le 21 mai 1793.
169: 5 et 6 octobre.
170: Concierge de la maison Élisabeth.
171: Maître jardinier, mort le 8 nivôse an II (28 décembre 1793).
172: Marie Magnin, femme de Jacques Bosson.
173: Target passait avec raison pour le membre le plus actif du comité de la constitution. Aussi dans le monde n'était-il question que des couches de Me Target. On publia cinq bulletins des couches de Me Target, père et mère de la constitution des ci-devant François, conçue aux Menus, présentée au Jeu de paume et née au Manège.
174: «Il étoit question de m'employer militairement à la suite de M. le comte d'Artois, et Madame Élisabeth le voyoit avec peine.» (Note du marquis de Bombelles.)
175: Mère de M. Beaugeard, secrétaire des commandements de la Reine pour les années paires.
176: La reproduction de cette lettre et de la suivante est interdite.
177: Stanislas, l'aîné de ses enfants, filleul de Monsieur et de Madame Élisabeth.
178: M. de Bombelles retournait à son poste.
179: L'Empereur. (Note de M. de Bombelles.)
180: Diane de Polignac, dame d'honneur de Madame Élisabeth. (Note de M. de Bombelles.)
181: Première femme de chambre de la princesse; elle était de son nom mademoiselle Antoinette-Jacqueline Brochet.
182: La reproduction de cette lettre est interdite.
183: Il est question de M. Le Blond au premier livre de cet ouvrage comme donnant des leçons d'histoire et de géographie à Madame Élisabeth.
184: Deux députés du côté gauche, que l'excès du mal ramenait à de meilleurs principes, et qui avaient eu aux Tuileries des conférences pour concerter ce qu'ils voulaient ou pouvaient faire. Madame Élisabeth repousse les idées que la méchanceté voulait attacher à ces entretiens. (Note de M. Ferrand.)
Ces deux députés étaient Danton et Guadet. (Voir Louis XVII, tome 1er, livre V, p. 227, 6e édition, in-8o.—Henri Plon.)
185: C'est de M. de Calonne que Madame Élisabeth entend parler ici.
186: Le prince de Condé.
187: Les ressorts qui faisaient mouvoir le peuple l'avaient dirigé, le lundi 28 février, vers le donjon de Vincennes. Depuis la prise de la Bastille, on ne voulait plus de prisons royales: en conséquence, rien ne paraissait plus sage et plus juste que de détruire celle-là aussi bien que les autres. Pendant que La Fayette se portait avec la troupe à la défense du donjon, un flot de peuple envahissait le château des Tuileries, d'où l'on tentait, criaient-ils, d'enlever le Roi pour le conduire à Metz. De leur côté, environ quatre cents jeunes gens armés s'étaient donné rendez-vous au château, croyant le Roi en danger. Cette échauffourée reçut le nom de Journée des poignards.
188: Jour et heure de la naissance de Madame Élisabeth. «Comme toutes ces petites recherches de l'amitié sont bonnes, simples, touchantes! Il n'y a ni étude ni contrainte; c'est un cœur plein qui a besoin de s'épancher.» (Note de M. Ferrand.) Voir aux Pièces justificatives, no XIII, à la fin de ce volume, et autres documents concernant Madame Élisabeth.
189: Officier des gardes du corps, fort dévoué à la famille royale, émigré en 1790; rentré en France après le 18 brumaire, il vécut dans la retraite jusqu'à la Restauration. Louis XVIII le nomma major général de ses gardes du corps.
190: Dans la Correspondance de Madame Élisabeth, page 245, M. Feuillet de Conches nous apprend que le signe ⊖ veut dire le comte d'Artois, et le signe ⍫ M. de Calonne.
191: Cette princesse venait de donner sur sa cassette une pension de douze mille livres à M. de Bombelles. (Voir la page 240 de ce volume.)
192: Ce jour-là, le Roi avait formé le projet d'aller à Saint-Cloud pour faire ses pâques. On répandit dans le public que ce voyage n'était qu'un prétexte pour fuir la capitale. On appuyait ces soupçons sur le départ des évêques de Senlis et de Metz, les premiers aumôniers de Louis XVI. Une masse de peuple pénétra dans les cours du palais. Malgré les cris d'opposition qui s'élevaient, le Roi parut et monta en voiture. M. de La Fayette voulut protéger la volonté du Roi, la troupe refusa de lui obéir. Plus d'une heure se passe entre la volonté du Prince et celle du peuple, entre une partie des troupes qui veut obéir et l'autre qui refuse. Ennuyé d'une scène aussi scandaleuse, Louis XVI descendit de voiture, et rentra dans son palais. Il se rendit au sein de l'Assemblée, et lui fit part de son mécontentement avec d'autant plus de raison qu'il eût désiré prouver à l'Europe qu'il était libre dans Paris.
193: La reproduction de cette lettre est interdite.
194: Voir aux Pièces justificatives, no XIV.
195: Réunis au château de Pilnitz, en Saxe, où s'était rendu le comte d'Artois, l'empereur Léopold II, Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse, et Frédéric-Auguste, électeur de Saxe, signèrent la célèbre déclaration dans laquelle ils signalaient à toutes les cours de l'Europe la cause du Roi de France comme la cause commune de toutes les têtes couronnées. Ce château royal, détruit en 1818, a été rebâti depuis.
196: «Montreuil, où Madame Élisabeth avoit une maison de campagne, et qui est une sorte de faubourg de Versailles.» (Note de M. de Bombelles.)
197: Clément-Venceslas, prince de Saxe, né le 28 septembre 1739, électeur et archevêque de Trèves le 10 février 1768.
198: Voici ce décret, qui était l'œuvre de Couthon:
Article I. Au moment où le Roi entrera dans l'Assemblée, tous les membres se tiendront debout et découverts.
Art. II. Le Roi arrivé au bureau, chacun des membres pourra s'asseoir et se couvrir.
Art. III. Il y aura au bureau, et sur la même ligne, deux fauteuils semblables; celui à gauche du président sera destiné pour le Roi.
Art. IV. Dans le cas où le président ou tout autre membre de l'Assemblée auroit été préalablement chargé par l'Assemblée d'adresser la parole au Roi, il ne lui donnera, conformément à la Constitution, d'autre titre que celui de Roi des Français, et il en sera de même dans les députations qui pourront être envoyées au Roi.
Art. V. Lorsque le Roi se retirera de l'Assemblée, les membres seront, comme à son arrivée, debout et découverts.
Art. VI. Enfin la députation qui recevra et qui reconduira le Roi sera de douze membres.
Ce décret, dès qu'il fut connu dans Paris, y produisit le plus fâcheux effet; il fut dès le lendemain matin rapporté sur la proposition de M. Vosgien.
199: La reproduction de cette lettre est interdite.
200: Lecteur de la Chambre et du Cabinet du Roi.
201: Philibert-François Rouvel de Blanchelande, gouverneur de Saint-Domingue, né à Dijon en 1735, dut tout à lui-même. Resté orphelin en bas âge, sans fortune, il entra à douze ans dans un régiment d'artillerie, et devint, jeune encore, major au régiment des grenadiers de France. S'étant plus tard distingué dans la défense de l'île de Saint-Vincent, où avec cent cinquante hommes il força quatre mille Anglais à reprendre la mer, il reçut pour récompense le grade de brigadier, suivi de près du gouvernement de l'île de Tabago. A l'époque de la Révolution, il rentra en France, et se retira dans le village de Chaussin, en Franche-Comté; bientôt après il fut arraché au repos pour aller reprendre le gouvernement de Saint-Domingue. A cette époque, un décret de la Convention affranchissait les nègres; Blanchelande ne put conjurer l'orage; il mit quelque temps sa tête à l'abri en cherchant un refuge au Cap; dénoncé par Brissot et Lasource, il fut amené en France, et sur la proposition de Garnier, de Saintes, il fut envoyé au tribunal révolutionnaire, où, malgré les efforts de Tronçon-Ducoudray, il fut condamné à mort le 15 avril 1793. Le président lui ayant demandé s'il avait quelque chose à dire: «Je jure par Dieu que je vais voir tout à l'heure, répondit-il, que je n'ai trempé pour rien dans le fait que l'on m'impute.» Il était âgé de cinquante-huit ans. Son fils, qui avait été son aide de camp, fut traduit aussi devant le tribunal de sang et mis à mort le 2 thermidor an II (20 juillet 1794). Il n'avait que vingt ans.
202: «Voilà qui réfute les mensongères assertions de M. de Bertrand de Moleville sur ce que le baron de Breteuil n'avoit pas de pleins pouvoirs du Roi en novembre 1791.» (Note du comte de Bombelles.)
Voici quelle était la formule des pleins pouvoirs confiés par Louis XVI à M. de Breteuil:
«Monsieur le baron de Breteuil, connoissant tout votre zèle et votre fidélité, et voulant vous donner une preuve de ma confiance, je vous ai choisi pour vous confier les intérêts de ma couronne. Les circonstances ne me permettent pas de vous donner des instructions sur tel ou tel objet et d'avoir avec vous une correspondance suivie. Je vous envoie la présente pour vous servir de pleins pouvoirs et d'autorisation vis-à-vis les différentes puissances avec lesquelles vous pouvez avoir à traiter pour moi. Vous connoissez mes intentions, et je laisse à votre prudence à en faire l'usage que vous jugerez nécessaire pour le bien de mon service. J'approuve tout ce que vous ferez pour arriver au but que je me propose, qui est le rétablissement de mon autorité légitime et le bonheur de mon peuple. Sur ce, je prie Dieu, monsieur le baron de Breteuil,» etc.
203: Le papier est arraché à cette place.
204: La reproduction de cette lettre est interdite.
205: Les Trappistes.
206: Françoise de Causans, comtesse d'Ampurie, sœur de madame de Raigecourt.
207: Le comte d'Artois.
208: La Reine.
209: Louis XVI.
210: Le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de l'Empereur près le Roi.
211: Henri-Louis-René Desnos, sacré le 25 décembre 1769, dépossédé en 1790.
A sa place, que rendait vacante son refus de prêter serment à la constitution civile du clergé, fut élu Jean-Baptiste Aubry, curé de Véel dans le duché de Bar. Le président de l'Assemblée nationale, à l'ouverture de la séance du 24 février 1791, annonça la nomination d'Aubry comme évêque constitutionnel de la Meuse en même temps que celle de Robert Lindet, évêque de l'Eure, et celle de Massieu, évêque de l'Oise. Aubry était inconnu. Député du clergé du bailliage de Bar-le-Duc aux états généraux, il n'y avait donné aucun signe de vie: son silence y fut regardé comme une adhésion aux principes révolutionnaires, et les suffrages étaient volontiers allés chercher un homme dont l'existence était simple, et paraissait étrangère à toute intrigue. Il quitta en 1793 la crosse épiscopale pour exercer la profession d'avocat, et devint ensuite administrateur de son département.
Lors de la réorganisation des tribunaux, qui eut lieu en 1811, il obtint la place de conseiller à la cour impériale de Colmar, qu'il occupait encore au moment de la Restauration.
212: Voir la note mise au bas de la page 431 du tome Ier.
213: Journée du 20 juin.
La même date avait, on le voit, après un an, ramené de nouveaux malheurs: le Roi, blessé dans ses droits les plus sacrés par la violation de sa propre demeure et les outrages dirigés contre sa personne et sa famille, n'obtint d'autres satisfactions que celles qu'il se fit à lui-même, en publiant une proclamation pleine de sagesse, de courage et de modération. Voir aux Pièces justificatives, no XV.
214: Le 6 juillet, le directoire du département de Paris, considérant que Pétion avait manqué à son devoir en n'empêchant point les désordres de cette affreuse journée, le suspendit de ses fonctions, sans avoir égard à la défense élevée en sa faveur par Rœderer, procureur général du département.
Le Roi, à la date du 11 juillet, approuva cette mesure; l'Assemblée, par un décret daté du 13, leva la suspension, après avoir, par un décret du 11, proclamé la patrie en danger.
215: Dans la séance du samedi 7 juillet 1792, Lamourette, évêque constitutionnel du Rhône, rappela l'Assemblée nationale à l'union et à la concorde: «A quoi, dit-il, se réduisent ces défiances? Une partie de l'Assemblée attribue à l'autre le dessein séditieux de vouloir détruire la monarchie; les autres attribuent à leurs collègues le dessein de vouloir la destruction de l'Église constitutionnelle, et le gouvernement aristocratique connu sous le nom des deux Chambres. Voilà les défiances désastreuses qui divisent l'empire. Eh bien, foudroyons, Messieurs, par une exécration commune et par un irrévocable serment, foudroyons et la République et les deux Chambres. (La salle retentit d'applaudissements unanimes de l'Assemblée et des tribunes, et des cris plusieurs fois répétés de: Oui, oui, nous ne voulons que la Constitution!) Jurons de n'avoir qu'un seul esprit, qu'un seul sentiment, de nous confondre en une seule et même masse d'hommes libres, également redoutables et à l'anarchie et à l'esprit féodal... Je demande que l'Assemblée mette aux voix cette proposition simple: Que ceux qui abjurent également et exècrent la République et les deux Chambres se lèvent. (Les applaudissements des tribunes continuent. L'Assemblée se lève tout entière. Tous les membres se confondent et s'embrassent.)
Cette scène est connue sous le nom de Baiser de Lamourette.
216: Ci-devant employé à la bouche du Roi, aux Tuileries.
217: Ci-devant employé à la bouche du Roi, aux Tuileries.
218: Ci-devant servant aux Tuileries.
219: Id.
220: Id.
221: Ci-devant terrassier.
222: Ci-devant balayeur à la maison d'Artois. Vieil invalide auquel le comte d'Artois avait donné cette retraite.
223: Ci-devant frotteur à la maison d'Artois (dont il portait la livrée ainsi que Mancel).
224: Ci-devant tourneur.
225: Ci-devant employé au service du citoyen Jubaud.
226: Ci-devant gardien d'argenterie à la maison d'Artois.
227: Ci-devant employée en cette qualité à la maison d'Artois.
228: Ci-devant employé en cette qualité à la maison d'Artois.
229: Nous avons cru devoir conserver à ces pièces leur orthographe.
230: Note conservée au dossier de Madame Élisabeth, Archives de l'Empire, W. 363; pièce no 24:
«Jugement du 21 floréal.
»Acte d'accusation contre Loménie et autres.
»Il y avait au procès une foule de délibérations de communes qui attestaient le civisme de Loménie de Brienne, ex-ministre, et cependant Fouquier, qui ne pouvait pas ignorer toutes ces attestations, lui en fait un crime dans son acte d'accusation.
»Le jugement a été signé en blanc rempli depuis; un grand blanc est rayé, il est signé Deliége, Dumas, Maire.
»Dans la même affaire, la femme Maigret de Sérilly s'étant déclarée enceinte, il a été sursis à son exécution. Quoiqu'elle ait été postérieurement élargie par ordre du comité de sûreté générale, elle est néanmoins inscrite au nombre des morts sur les registres de la Commune.»
Madame Maigret de Sérilly, on le voit, ne monta point sur l'échafaud. Cependant son nom est inscrit sur les registres de l'état civil comme ayant péri avec Madame Élisabeth. Au procès de Fouquier-Tinville, le 17 floréal an III (6 mai 1795), elle se présenta à l'audience, tenant en main son extrait mortuaire, qui lui avait été délivré par la municipalité de Paris.
Grandpré fit la déposition suivante dans le procès de Fouquier-Tinville:
«Je me rappelle que le tour d'un des Loménie venu, il dit au tribunal: «Vous m'accusez d'émigration; je n'ai pas eu le pouvoir de produire mes moyens de défense à un défenseur officieux; mais je n'en ai pas besoin, j'ai dans ma poche tous mes certificats de résidence qui constatent ma présence en France depuis le commencement de la Révolution jusqu'au moment de mon incarcération. Ils sont signés, aux termes de la loi, de neuf témoins, et ils sont sans interruption. Comme je ne suis prévenu que du fait d'émigration, ma défense consiste dans la représentation de ces certificats, et je demande au tribunal de vouloir bien les faire mettre sous les yeux des jurés.» Ces certificats ont été effectivement remis sur-le-champ aux jurés, qui les emportèrent, sans les lire, dans la chambre des délibérations, et revinrent une demi-heure après, bien convaincus des crimes de tous les accusés. Loménie fut condamné comme tous les autres en qualité d'émigré.» B.
231: Surchargé: il y avait auparavant 150.
232: P. F. Gossin, né à Souilly, arrondissement et à trois lieues et demie de Verdun, âgé de quarante ans, un des plus beaux hommes de ce temps, ex-lieutenant civil et criminel au bailliage de Bar-le-Duc et ex-député aux États généraux, avait été mandé par le roi de Prusse à Verdun, après la prise de cette ville, en septembre 1792. Il avait d'abord refusé d'obéir; mais ayant fini par céder aux désirs du peuple de Bar et aux instances de ses collègues, ses ennemis en profitèrent, après la retraite des Prussiens, pour l'accuser de trahison. Le 5 septembre, il annonça à l'Assemblée nationale qu'il avait été forcé d'obtempérer à la sommation du duc de Brunswick, pour régler les affaires du département. Un décret le mit en accusation. D'abord enfermé au Luxembourg, il fut condamné à mort le 4 thermidor an II (22 juillet 1794) par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme ayant obéi aux ordres du roi de Prusse et comme complice d'une conspiration dans la prison où il était détenu. B.
233: Archives, section historique, K 147, no 4.
234: Retirée le 14 janvier en 1787, remplacée par la demoiselle Malivoire.
235: Le roi de Suède.