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Le grand secret

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LA CHALDÉE

La Chaldée, c’est-à-dire la Babylonie et l’Assyrie, est comme la Perse, la patrie des Mages, et on la regarde généralement comme la terre classique de l’occultisme ; mais ici encore, ainsi que nous l’avons vu pour l’Égypte, la légende ne concorde guère avec la réalité historique.

Il semble à priori, que la Chaldée doive nous intéresser spécialement, non qu’il soit probable qu’elle ait à nous apprendre autre chose que l’Inde, l’Égypte et la Perse dont elle est tributaire, mais parce que c’est en elle que se trouve vraisemblablement la source principale de la Kabbale qui est elle-même la grande fontaine où s’alimenta l’occultisme du Moyen âge, tel qu’il s’est prolongé jusqu’à nous.

On avait espéré que la découverte de la clef des écritures cunéiformes, — découverte qui ne remonte guère à plus d’un demi-siècle, — et le déchiffrement des inscriptions de Ninive et de Babylone, nous apporteraient des révélations précieuses sur les mystères de la religion chaldéenne. Mais ces inscriptions qui remontent à 2.000, à 3.750 et même pour l’une d’elles, conservée au British Museum, à 4.000 ans avant J.-C., et dont la lecture est du reste beaucoup plus incertaine et plus controversée que celle des hiéroglyphes et du sanscrit, ne nous ont donné que des biographies royales, des nomenclatures de conquêtes, des formules incantatoires, des litanies et des psaumes qui servirent de modèles aux psaumes hébreux. Nous y voyons que le fond de la religion très primitive des Soumirs ou Sumers et des Accads ou Akkadiens qui peuplaient la basse Chaldée avant la conquête sémite, était la magie et la sorcellerie auxquelles succéda un polythéisme naturaliste que les Sémites conquérants, moins civilisés que leurs vaincus, adoptèrent en partie, jusqu’à ce que, environ 2.000 ans avant notre ère, l’élément sémite ayant pris le dessus, réduisit graduellement les dieux primitifs à n’être plus que des phases ou des attributs de Baal, le dieu suprême, le Dieu-Soleil.

Ces inscriptions ne nous ont donc rien appris sur le secret, — si secret il y a, — de la religion chaldéenne et n’ont pas ajouté grand chose aux renseignements que nous possédions déjà grâce aux fragments de Bérose, dont elles ont du reste permis de contrôler plus d’une fois l’exactitude.

Bérose, comme on sait, était un astronome chaldéen, prêtre de Bélus, à Babylone, qui vers l’an 280 avant J.-C., c’est-à-dire peu après la mort d’Alexandre, écrivit en grec une histoire de sa patrie. Comme il lisait les caractères cunéiformes, il sut mettre à profit les archives du temple de Babylone. Malheureusement l’œuvre de Bérose est presque entièrement perdue et il ne nous en reste que quelques débris recueillis par Josèphe, Eusèbe, Tatien, Pline, Vitruve et Sénèque. Cette perte est d’autant plus regrettable que Bérose, qui paraît avoir été un historien sérieux et consciencieux, affirmait avoir eu accès à des documents attribués à des êtres qui précédèrent l’apparition de l’homme sur cette terre ; et que son histoire, au dire d’Eusèbe, comprenait 215 myriades d’années. Nous avons également perdu sa cosmogonie et avec elle toute la science astronomique et astrologique de la Chaldée, qui était le grand secret des Mages de Babylone dont le zodiaque remonte à 6.700 ans. Nous n’avons plus que le traité connu sous le nom d’Observations de Bel, traduit en grec par Bérose, mais dont le texte qui nous est parvenu est de beaucoup postérieur.

Les quelques pages qui nous restent de la cosmologie chaldéenne offrent une sorte d’« anticipation » des théories darwiniennes au sujet de l’origine du monde et de l’homme. Le premier dieu et le premier homme étaient un dieu et un homme-poisson, — ce qui est du reste confirmé par l’embryologie, — nés de l’immense océan cosmique ; et la nature, en s’essayant à créer, produisit d’abord des monstres hétéroclites et inviables. Quant à l’astrologie, selon la remarque de A.-H. Sayce, le savant professeur d’assyriologie de l’Université d’Oxford, elle semble surtout basée sur l’axiome : Post hoc ergo propter hoc, c’est-à-dire que deux événements se succédant, le second était considéré comme la cause du premier ; de là le soin avec lequel les astrologues observaient les phénomènes célestes, afin de prédire empiriquement l’avenir.

Somme toute, nous ne connaissons que très imparfaitement la religion officielle de l’Assyrie et de la Babylonie dont les dieux paraissent assez barbares. Cette religion ne s’éclaire et ne devient intéressante qu’à partir de la conquête de Cyrus qui apporta les enseignements zoroastriens et hindous, ou confirma et compléta ceux qui vraisemblablement avaient déjà pénétré dans le secret des temples ; car la Chaldée avait toujours été le grand carrefour où se rencontraient forcément toutes les théologies de l’Inde, de l’Égypte et de la Perse. C’est ainsi que ces enseignements s’infiltrèrent dans la Bible, dans la Kabbale et de là dans le christianisme.

Mais en tant que religion-source, il faut constater que les documents authentiques récemment découverts ne nous apprennent presque rien et que tout ce qu’on a dit au sujet de l’ésotérisme et des mystères de la Chaldée ne repose que sur des légendes ou des écrits notoirement apocryphes.

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