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Le Martyre de Saint Sébastien
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ICI COMMENCE
LE MYSTERE
DE SAINT SEBASTIEN
LE MESSAGER commence:
Le Dieu qui fict le firmement
Et volsist naistre purement
De la noble Virge Marie
Veuillie garder la compagnie.
Au Nom de Dieu omnipotent
Et des martyrs ensemblement
Entrepris auons le mistayre
Du pieux chiuallier debonayre
De saincte vie et bon maintien
Qui fust vray martir sans le tayre
Cest Monsieur Sainct Sebastien
Duquel par son tressaint moyen
Verres jouer en ceste place
De sa vie tout lentretien
Moyen de Jesuschrist la grace.
L'YSTOIRE DE MONSEIGNEUR SAINCT SEBASTIEN jouée par les habitants Lanlevillar l'année courant M. V. LXVII au moys de may.
NVNCIVS.
Douces gens, un peu de silence!
Soyez recueillis en présence
de Dieu, comme dans la prière:
car vous connaîtrez, par mystère,
ici la très sainte souffrance
de ce Martyr adolescent
qui puise à jamais sa jouvence
dans la fontaine de son sang.
Par les Clous, l'Éponge et la Lance,
très humblement nous vous prions.
Béni soit-il, qui se taira
et devant lui regardera
«sans faire noyse ne tensons».
Entendez, douces gens, les sons
qui meuvent dans vos cœurs le rêve,
avant que le voile se lève
sur ce rouge amour infini.
Au nom de Monseigneur Denis,
au nom de Sainte Geneviève,
par qui vos péchés sont bannis,
(«Dieu Père et Filz et Sains Esperis
gart les habitans de Paris!»)
nous vous prions très humblement
que vous vouliez, en écoutant,
vous souvenir de ce Miracle
où la patronne secourable
de la cité, la claire vierge,
voit le démon éteindre un cierge
d'un côté, pendant que de l'autre
l'ange sans tache le rallume.
Seule, entre la mèche qui fume
et celle qui ard, jusqu'à l'aube
l'âme blanchit dans la prière.
L'artisan de ces cinq verrières,
consacrées à Sébastien
par sa Confrérie, se souvient
de son démon et de son ange.
Quand il colorait la louange
du bel Archer avec la flamme,
pour le remède de son âme,
comme un maître verrier de Chartres,
de Bourges, de Reims ou de Tours,
parfois il voyait tour à tour
l'un de ses puissants fourneaux ardre,
l'autre fumer et s'obscurcir.
Et il priait: «O Art de France!»
sentant trembler son espérance
dans le souffle de son désir.
Et il rêvait: «Si j'ai le sort
du pèlerin de Compostelle,
si l'on me pend ou m'écartèle,
qui soutiendra mon pauvre corps
de ses mains saintes pour le rendre
sain et sauf à mes compagnons?
Ne vaut-il pas seul, pour la grâce,
le Très-Haut Amour qui engendre
tous les miracles?»
Or le nom
de cet ouvrier pèlerin,
de ce Florentin en exil,
qui bégaye en langue d'oïl
comme le bon Brunet Latin,
est tellement dur qu'on l'enchâsse
mal dans la résille de plomb
au bas du vitrail rouge et bleu.
Est-il peut-être, plaise à Dieu,
plus doux dans la langue du si.
Mais l'autre est Claude Debussy,
qui sonne frais comme les feuilles
neuves sous l'averse nouvelle
dans un verger d'Ile-de-France,
où des amandiers sans amandes
illuminent l'herbe alentour,
dans un bosquet de Saint-Germain
qui se souvient de Gabrielle,
du Roi faune, et de leur amour:
«Cher cœur, je vous voyrré demayn…»
Mais l'autre est comme ces chandelles
qui s'allument sur la vielle
du jongleur de Rocamadour,
comme cette contrée bénigne
où Brigitte mène les cygnes,
Gilles trait la biche sauvage,
et la haie fleurit au passage
de Sainte Ulphe de Picardie.
La larme, à Vendôme enchâssée,
que Jésus versa sur Lazare,
devient innombrable rosée
dont se pare toute prairie.
Du haut ciel, tournant son visage
d'Espoir vers Thomas incrédule,
Marie lui jette sa ceinture
qui devient une mélodie.
Or c'est Claude qui la recueille
sur la flûte en aile d'oiseau,
sur la flûte de sept roseaux
qu'il recompose et raffermit
avec du lin d'aube ou d'amict
puis avec des larmes de cierge
pieusement il les enduit.
Très douces gens, par lui, par lui,
vous entendrez chanter la Vierge,
qui est la couleur de l'aurore!
Comme Zachée le publicain,
il regarde passer Jésus
de la cime d'un sycomore.
Comme dans le vitrail de Tours
Saint Martial, il verse l'eau
vive sur les doigts du Sauveur.
Comme dans le vitrail d'Angers,
il laisse couler en ruisseau
le sang précieux sur les fleurs.
Comme Saint Sernin de Toulouse,
il a vu briller le Jourdain
sous les rayons de la colombe;
et de la nef de Saint Brendan
il a vu se dresser la Croix
sur des îles d'azur sans nombre.
Comme Madeleine en Provence,
il mange le miel enivrant
en souvenir de la Parole.
Comme dans les ivoires francs,
il montre la Terre et la Mer
assistant le Dieu qui s'immole.
Très douces gens, sons et chansons
or entendez. Nous vous prions
par Saint Denis et l'Oriflamme.
Puis regardez que de ciel bleu,
que de sang rouge, au nom de Dieu,
pour le remède de votre âme!
AMEN.
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