LES PERSONNAGES.
LE SAINT.
SANAE.
LES ARCHERS D'EMESE.
LES ADONIASTES.
LE BON PASTEUR.
LES TROIS COUVEUSES DE CENDRES.
CHORVS SYRIACVS.
On aperçoit les antiques
lauriers du bois d'Apollon,
sur une colline
ronde comme une mamelle.
Ils sont drus et
touffus à l'entour, sombres
et immobiles
comme leurs images votives
de bronze offertes
dans les sanctuaires. Leurs troncs, hérissés de
feuilles aiguës comme les pointes des lances,
surgissent contre le ciel latial où fument les
longues traînées sulfureuses du jour fuyant.
Ils entourent la clairière sainte qu'un autel
triangulaire de pierre occupe, rongé par les
années et les pluies, sans feu dans l'ombre.
Trois femmes sont assises sur les monceaux
des vieilles cendres, silencieusement enveloppées
dans leurs manteaux noirs, les genoux
entre leurs bras et la tête entre leurs genoux.
Sont-elles les Parques filles de l'Erèbe, sans
quenouille, sans fuseau, sans ciseaux? Sont-elles
les Furies filles de la Terre, sans leurs
fouets de couleuvres et sans leurs torches
tartaréennes? Sont-elles les Grâces filles du
Soleil, devenues décrépites et lugubres, couveuses
de cendres? Comme des Sybilles ou
comme des Suppliantes, elles semblent somnoler
ou être accablées de fatigue et de malheur.
De hautes tombes sont éparses dans la
plaine latine; des aqueducs interminables
chevauchent vers la cité et vers la nuit.
On a dépouillé le Martyr pour l'attacher
au tronc d'un grand laurier avec des cordes
de sparte. Debout, les pieds nus sur les racines
noueuses, il repose sur la tige svelte de sa
jambe droite le poids de son corps lisse comme
l'ivoire; et, les poignets liés au-dessus de sa
tête, il ressemble au beau diadumène qui se
ceint du bandeau.
C'est aux Sagittaires d'Emèse que l'Auguste
a ordonné de venger par les flèches le Soleil
seigneur de l'Empire. Ils sont éperdus d'amour
et de crainte. Sanaé, l'archer aux yeux vairons,
est parmi eux. Il épie la plaine.
SANAE.
3605Ils sont loin, ils sont déjà loin!
On n'aperçoit plus les chevaux
de la turme. Une croupe blanche
disparaît au détour, derrière
les Tombeaux: le décurion.
3610Il n'a jamais tourné la tête.
Seigneur, nous allons maintenant
te délier.
 
LE SAINT.
O Sanaé,
tu ne te souviens plus! Tu as
tout oublié. Que t'ai-je dit?
3615«Souvenez-vous. Je suis la Cible.»
Où est mon arc?
 
SANAE.
Nous t'avons sauvé, nous t'avons
sauvé, seigneur, quand tu mourais
étouffé sous l'or et les fleurs.
3620Nous t'avons soustrait et caché,
risquant nos têtes. Et tu as
voulu de nouveau l'affronter,
le Lion! Tu as de nouveau
cherché le danger et la mort.
3625Et le morne Hadès fait toujours
ton envie.
 
LE SAINT.
Hélas, Sanaé,
je t'avais élu, je t'avais
élu!
 
SANAE.
Nous t'aimons, nous t'aimons,
seigneur. Tu pouvais être un dieu.
3630Mais tu es le dieu de nos songes,
et le songe de nos jeunesses;
car tous les nuages qui naissent
de la mer nous sont des navires
mystérieux pour t'enlever,
3635pour t'emporter, pour faire voile
avec tes sorts vers ton empire,
vers ta fable, vers ta Colchide.
Et nous voulons, ô déicide
ivre d'immortalité, tendre
3640à ta soif une pleine coupe
de nepenthès et d'amaranthe
pour qu'il ne te souvienne plus
des douleurs et des épouvantes
qui assiègent ton âme. Écoute,
3645seigneur.
 
LE SAINT.
Pourquoi me trahis-tu?
Je t'avais sacré. Tu étais
marqué par Dieu, du double signe.
 
SANAE.
Écoute, écoute. Le soir tombe.
Le fleuve est proche. Des rameurs
3650sont prêts. Tu trouveras des voiles
ciliciennes à Ostie.
 
LE SAINT.
SANAE.
Et tu vas
choisir ceux de nous qui viendront
avec toi. Mais nous viendrons tous,
3655après. Nous ne voulons servir
que tes sorts, dans notre patrie
qui est la tienne, dans la terre
qui couve les songes des Rois
et les promesses des Voyants.
 
LE SAINT.
3660O Sanaé, comment peux-tu
espérer de troubler mon âme,
si tu sais ce que j'aurais pu
être?
 
SANAE.
LE SAINT.
SANAE.
Rien qu'un esclave
3665dieu.
 
LE SAINT.
Je meurs de ne pas mourir,
 
SANAE.
Rien qu'un simulacre lointain.
Mais, si tu es sauf, si tu es
libre, si tu es fort, si tu
es pur, avec tout ton visage
3670divin tourné vers l'Orient,
vers l'héritage de ton âme,
vers l'héritage de ton dieu,
n'auras-tu pas une plus sainte
guerre et une victoire plus
3675grande que cette insatiable
mort?
 
LE SAINT.
Je meurs de ne pas mourir.
 
SANAE.
César a dit: «Amenez-le
au bois d'Apollon; liez-le
au tronc du plus beau des lauriers;
3680puis décochez contre son corps
nu toutes vos flèches jusqu'à
ce que vous vidiez les carquois,
jusqu'à ce que son corps nu soit
pareil au hérisson sauvage.»
 
LE SAINT.
3685Oui, Sanaé, oui, mes archers,
c'est ce que je veux. Ce sera
beau.
 
SANAE.
Mais César a dit: «Ensuite
coupez sa belle chevelure
et déposez-la sur l'autel,
3690en expiation; coupez
au laurier funeste un rameau
flexible pour me l'apporter,
pour que j'en fasse une couronne
et que, sous son ombre, je pleure.
3695Et livrez son cadavre aux femmes
de Byblos, aux Adoniastes;
puisque l'équinoxe d'automne
vient avec le deuil relevant
le catafalque du dieu mort.
3700Peut-être il va revivre encore
une fois, s'il est comme Hérile
roi de Préneste, qui avait
eu de sa mère les trois âmes
et les trois armures qu'Evandre
3705lui arracha.» Tu vas revivre,
tu vas revivre!
 
LE SAINT.
SANAE.
Or il suffit qu'on coupe
une chevelure de femme
et qu'on apporte à l'Empereur
3710le rameau de laurier.
 
LE SAINT.
Je vais
revivre, Sanaé. J'atteste
mon souffle et le ciel que je vais
revivre; car il est devin,
l'Empereur. Il a deviné.
3715J'ai eu de ma mère trois âmes
et trois armures, comme Hérile
roi de Préneste. Attendez-moi.
Demain, à l'heure de Vesper,
au bord du fleuve attendez-moi,
3720et je me montrerai à vous.
Je vous montrerai mon visage
tourné vers l'Orient. Alors
vous serez prêts. Nous trouverons
des voiles, des voiles gonflées
3725par les vents certains, et des proues
aiguisées comme le désir
de la vie belle.
 
SANAE.
Nous serons
avec toi, libres avec toi,
libres avec toi sur la mer
3730glorieuse!
 
LE SAINT.
Mais pour revivre,
ô Archers, il faut que je meure,
il faut que je meure.
 
LES ARCHERS D'EMESE.
LE SAINT.
Il faut que mon destin
s'accomplisse, que des mains d'hommes
3735me tuent.
 
LES ARCHERS D'EMESE.
LE SAINT.
LES ARCHERS D'EMESE.
LE SAINT.
SANAE.
LE SAINT.
Tendez-les!
Où est votre amour? Vous m'aimez,
vous brûlez de servir mes sorts,
3740et vous empêchez que mes sorts
s'accomplissent, que cet anneau
de mon éternité se ferme.
Vous m'aimez, et vous n'exaltez
pas mon mystère. Je vous dis
3745que je vais revivre. N'ayez
aucune crainte. En vérité
je vous le dis.
 
SANAE.
Seigneur, nous allons donc tuer
notre amour!
 
LE SAINT.
Il faut que chacun
3750tue son amour pour qu'il revive
sept fois plus ardent. O Archers,
Archers, si jamais vous m'aimâtes,
que votre amour je le connaisse
encore, à mesure de fer!
3755Je vous le dis, je vous le dis:
celui qui plus profondément
me blesse, plus profondément
m'aime. Sanaé, souviens-toi!
Souvenez-vous, Élus d'Emèse!
3760Je vous avais commis cet arc
où le fil de mon sang s'incruste
de l'une à l'autre coche et luit.
Voyez. Je sens que dans la paume
de ma main le stigmate brûle,
3765se rouvre et saigne.
 
Un pasteur est apparu entre les branches
des lauriers. Il porte une brebis autour de son
cou, sur ses épaules, tenant deux pieds de la
bête dans chacune de ses mains. Il reste debout,
immobile, en silence, les yeux fixés sur le
Martyr.
O tremblement
de mon âme! Je sens mon âme
et l'arbre trembler jusqu'au bout
des racines les plus cachées.
Ne voyez-vous pas les trois femmes
3770noires sursauter?
 
SANAE.
Quelles femmes,
seigneur? Tu nous effraies.
 
LE SAINT.
Les trois
femmes voilées qui sont assises
au pied de l'autel.
 
SANAE.
Il n'y a,
seigneur, que des monceaux de cendres.
3775Il n'y a que les vieilles cendres
accumulées des sacrifices.
 
LE SAINT.
Elles tressaillent. Je les vois.
 
SANAE.
Tu te trompes. Quelle épouvante
te blanchit!
 
Soudain, le Martyr a rencontré le regard
du pasteur.
LE SAINT.
Parle bas. Ce n'est
3780pas l'épouvante. Parle bas.
Il est là, le Pasteur. Regarde.
 
SANAE.
LE SAINT.
Il porte
la brebis autour de son cou,
sur ses épaules. Le vois-tu?
 
SANAE.
3785Seigneur, seigneur, quels sont tes rêves?
 
LE SAINT.
L'apparition s'évanouit; mais l'ombre du
Crucifié s'étend sur le laurier fatidique. Et
l'ivresse du sang durera jusqu'au dernier
soupir.
Mon sang commence
à couler, dans l'ombre qui croît.
Les lauriers sont comme les lances
hérissées autour de la Croix.
3790Des profondeurs, des profondeurs
j'appelle votre amour, Archers!
Des profondeurs, des profondeurs
je vous appelle! Rapprochez-
vous. La nuit tombe. Il faut qu'on mire
3795de près, de près, pour frapper juste.
Lequel voudrai-je encore élire
d'entre vous? Celui qui ajuste
mieux que tout autre le plus âpre
de ses dards et qui le décoche
3800de telle force (son haleine
toute entre ses dents, les empennes
contre l'œil, le pouce à la tempe)
qu'il blesse l'écorce de l'arbre
me perçant de toute la hampe.
3805Celui-là, certes, je saurai
qu'il m'aime, qu'il m'aime à jamais.
 
Chaque archer, la main tremblante, tire
de dessous son épaule une flèche de son
carquois.
Sanaé, tu as mon arc. Viens,
frère. Presse-le sur ma bouche,
avant de le tendre. Qu'il touche
3810mes lèvres et mon âme. Viens.
 
Sanaé s'approche et tient soulevé devant le
Chef l'arc où ce fil de sublime pourpre luit
comme l'ivoire et l'or.
Souviens-toi! Souvenez-vous! L'arc
figure la Trinité sainte.
Le fût est le Père, la corde
est l'Esprit, la flèche empennée
3815est le Fils qui donna son sang.
Et il n'y aura plus de taches,
sauf la tache du sang tombé
des mains et des pieds du Sauveur.
 
Il tend les lèvres; et l'archer vairon lui
donne la poignée à baiser. Les lèvres pures
s'attardent comme si elles buvaient à longues
gorgées un plein calice. Or sa voix n'est qu'une
flamme vertigineuse.
Des profondeurs, des profondeurs
3820j'appelle votre amour, Élus!
Chaque flèche est pour le salut,
afin que je puisse revivre.
Ne tremblez pas, ne pleurez pas!
Mais soyez ivres, soyez ivres
3825de sang, comme dans les combats.
Visez de près. Je suis la Cible.
Des profondeurs, des profondeurs
j'appelle votre amour terrible.
 
On entend le chœur des Adoniastes, qui
monte par la colline à travers les lauriers.
Éperdument, un des archers, sous le regard
qui le force, tire la corde et décoche. Le dard
se fixe au genou, dans le nœud de l'os.
Béni soit le premier! Bénie
3830soit l'étoile première!
 
Une sorte de subite démence semble s'emparer
des Asiatiques, par la vertu de cette
voix d'ivresse.
De leurs lèvres blêmes buvant leurs larmes,
ils ne visent pas le corps mais ils lancent leurs
flèches vers la voix.
Votre amour! Votre amour!
 
Ils poussent des cris rauques et rompus,
comme des dormants agités dans un combat
aveugle contre un rêve monstrueux.
Quelques-uns, tout à coup, laissent tomber
leurs arcs, se plient sur leurs genoux; et sanglotent,
le front contre la terre.
D'autres, tout à coup, se renversent dans
une convulsion d'épouvante qui agite leurs
mâchoires comme le rire sardonien.
D'autres ont vidé leurs carquois sur l'herbe
et, tenant le faisceau des dards sous le pied
gauche, s'abaissent d'un mouvement rapide
et continu pour les prendre l'un après l'autre.
Et ils tirent désespérément, comme s'ils
n'avaient pas devant eux un corps lié à un
arbre mais une multitude de cavaliers à
désarçonner avant qu'ils n'arrivent et ne les
écrasent sous les sabots de leurs étalons.
Cette voix demandera-t-elle du fer toujours?
Ils lancent toujours du fer, désespérés, hors
d'eux-mêmes, dans une sorte d'étourdissement
farouche, comme s'ils avaient sur leurs
têtes, non le silence des feuilles, mais l'horreur
d'une tour de siège incendiée sur ses roues
tonnantes.
C'est le râle dans la gorge transpercée, le
dernier soupir, le dernier sourire, le suprême
appel. La belle tête s'incline sur l'épaule polie
comme le marbre cynthien frotté de parfum:
les ailerons d'un dard vibrent encore à l'aisselle.
Le corps admirable s'affaisse, étirant les
bras retenus par les liens.
LES ARCHERS D'EMESE.
—Seigneur!
—Bien-aimé!
—Seigneur!
—Bien-aimé!
—Bien-aimé!
 
Ils appellent à grands cris leur amour expirant.
Ils jettent leurs arcs, ils se tordent de
désespoir, ils se traînent sur l'herbe jusqu'aux
deux pieds inanimés, qu'ils baisent. Leurs
chevelures s'accrochent aux empennes des
hampes enfoncées dans les jeunes muscles.
Et le chant des Adoniastes s'approche
toujours. Maintenant le soir est céruléen comme
le verre de Phénicie coloré par l'ocre bleue de
Chypre. Des raies fauves le divisent; les noirs
lauriers l'entaillent. On voit paraître les femmes
de Byblos, les cheveux épars, les ceintures
dénouées, les robes déchirées, traînant une
litière d'ébène et de pourpre violette.
CHORVS SYRIACVS.
Magister Claudius sonum dedit.
3835Il se meurt, le bel Adonis!
Il est mort, le bel Adonis!
O Vierges, pleurez Adonis!
Garçons, pleurez!
Pleurez, ô femmes de Syrie,
3840criez: «Hélas, ma Seigneurie!»
Toutes les fleurs se sont flétries.
Criez, pleurez!
 
D'autres femmes accourent. Elles portent
des draps de pourpre rouge, des lins, des bandelettes,
des vases d'onguents, des couronnes
de cyprès, des «jardins d'Adonis». Elles
entourent le laurier, elles s'empressent à
défaire les nœuds des cordes. La lamentation
se prolonge. Les couveuses de cendres ont
disparu; et au pied de l'autel ne restent que
les monceaux noirâtres.
LES ADONIASTES.
Hélas, ma Seigneurie! Hélas,
ma Seigneurie!
 
LES ARCHERS D'EMESE.
—Hélas!
—Hélas!
3845—Qu'avons-nous fait!
—Qu'avons-nous fait!
 
SANAE.
Nous avons tué notre amour!
 
LES ARCHERS D'EMESE.
—Il va revivre.
—Il va revivre.
—Femmes, doucement, doucement.
—Il faut le délier.
—Il faut
3850le détacher de l'arbre.
—Femmes,
doucement.
—Il respire encore.
—Ne pleurez pas!
—Voyez, voyez
comme sa poitrine se gonfle!
—Il respire, il soupire.
—Femmes,
3855ne pleurez pas. Il va revivre.
—Il va revivre. Il nous l'a dit.
—Il nous l'a dit.
—Donnez des baumes,
donnez des lins!
 
Les cordes sont dénouées. Les bras retombent,
La lamentation se prolonge.
CHORVS SYRIACVS.
Pleurez, ô femmes de Syrie!
3860Il va dans la pâle Prairie.
Toutes les fleurs se sont flétries,
hélas! Pleurez!
 
Tout à coup, les femmes qui reçoivent le corps
dans leurs bras, voient les flèches s'évanouir
comme des rayons dans les blessures. C'est
le tronc du laurier d'Apollon qui maintenant
est hérissé de tout ce fer.
LES ADONIASTES.
—Prodige!
—Prodige!
—Prodige!
—Son corps se détache, laissant
3865tous les dards au tronc du laurier!
—Il n'a plus de flèches! Les hampes
ont disparu dans les blessures
comme un évanouissement
de rayons!
—Elles restent toutes
3870dans l'arbre!
—Prodige! Voyez:
le laurier en est hérissé.
—Voyez!
—Seigneurie, Seigneurie,
tu revivras, tu revivras!
—Tu reviendras!
 
SANAE.
3875Archers, Archers, Élus d'Emèse,
qu'on soulève le corps du Chef
sur les fûts des arcs détendus
et croisés. Qu'on le porte ainsi,
sous les étoiles.
 
Les femmes de Byblos ont déjà reçu sur
leurs bras le corps divin enveloppé dans la
pourpre. Elles marchent lentement vers la
litière. Au delà de la colline sainte, dans la
profondeur du soir, une clarté de perle se
répand, semblable à celle qui précède le lever
de la pleine lune.
LES ADONIASTES.
3880—Archers d'Emèse, nous avons
notre litière, la litière
d'ébène, la couche funèbre
de nos Adonies.
—Sanaé,
le très saint Empereur accorde
3885à la confrérie de Byblos
d'enlever le corps, de dresser
le catafalque pour le deuil.
Et nous le coucherons dans notre
litière, et nous l'emporterons,
3890aux sons des flûtes, dans la nuit.
Faites escorte.
—Qu'on allume
les torches de pin! Qu'on compose
l'ordonnance funèbre! Et vous,
aulètes, rangez-vous auprès
3895de la litière.
 
Les femmes placent le cadavre dans la
couche, en gémissant. La lamentation du
chœur n'a pas de pauses.
CHORVS SYRIACVS.
Il descend vers les Noires Portes.
Tout ce qui est beau, l'Hadès morne
l'emporte. Renversez les torches,
Eros! Pleurez!
 
Dans le ciel du soir la clarté insolite s'élargit
comme si un astre précipité du firmament
s'approchait pour incendier la plaine. Un grand
cri se lève. La lamentation s'interrompt.
L'ordonnance funèbre s'arrête, et demeure
immobile devant le gouffre de la lumière
ineffable. Les Portes du Paradis sont ouvertes
à l'âme de Sébastien.
EXPLICIT
EXTREMVM SANCTI SEBASTIANI
SVPPLICIVM CRVENTVM