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Le soleil intérieur

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PRÉFACE

Au chapitre XIV de l’Évangile selon saint Jean, il est rapporté que Jésus, parlant à ses disciples, leur dit :

« L’Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le connaît point, vous, vous le connaîtrez, parce qu’il sera en vous… »

Et plus loin :

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera ; et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure… »

Pénétrée de cette divine présence, sainte Térèse compare l’âme où elle se manifeste à « un cristal limpide » au centre duquel Dieu rayonne comme un soleil. Elle établit la réalité sensible de cet astre qui, « par essence et par puissance », vivifie de sa flamme les contemplatifs humbles et souffrants dont le cœur est pareil à celui d’un enfant.

Le faux sage se détourne du Soleil intérieur pour chercher des clartés parmi les marais décevants où croupissent les sciences humaines. Les phosphores de la décomposition l’hallucinent ; ses regards se saturent de mirages ; il en poursuit les prestiges à travers des brumes où les feux follets livides de son orgueil dansent, s’éclipsent, se rallument, l’entraînent toujours plus loin du foyer de grâce et finissent par l’égarer dans ces ténèbres extérieures dont il est dit qu’elles ne comprennent pas la lumière.

Alors, quel trouble en lui ! Quel tumulte de notions contradictoires ! Le doute universel s’infiltre dans ses veines. Sa raison tourbillonne comme une feuille sèche, au souffle de « l’Esprit de négation ». Les systèmes et les doctrines qu’il échafaude croulent l’un après l’autre. Il erre en trébuchant parmi des ruines vêtues de mousses aux nuances cadavéreuses. Et mille fantômes l’escortent.

Il s’écrie, avec le douloureux Baudelaire :

Mon âme est un palais hanté par la cohue !…

Bientôt il se diluera dans la nuit sans étoiles du désespoir, si Dieu ne lui envoie une grâce de conversion qui l’oblige de rebrousser chemin vers le Soleil méconnu.

Les trop prudents, ceux qui s’efforcent d’établir une cote mal taillée entre le service de Dieu et celui de Satan, cherchent à se tenir à la limite entre la région qu’illumine l’astre aux clartés de foi, d’espérance et de charité, et la contrée où se bousculent les nuées inquiètes de l’amour-propre. Ils usent leurs jours à tenter un bizarre mélange d’ombres et de lumière. Ils n’aiment pas Dieu, mais, comme ils le craignent, ils calculent la mesure dans laquelle ils lui obéiront sans trop déplaire au Démon. L’Apôtre a beau leur dire : « Ne vous conformez pas à ce siècle », ils lui répondent : « Il faut être de son temps. »

Mais si ce temps, ainsi que le fait le nôtre, s’enfonce dans un matérialisme épais et noir comme poix ? — Tant pis pour Dieu ! Ils s’y englueront en multipliant les excuses et en promettant de se repentir après qu’ils auront léché, pendant des années, le cambouis des portes de la Géhenne.

Cependant, comme le dit encore sainte Térèse, « les puissances de leur âme qui remplissent les fonctions d’alcade, d’intendant et de maître d’hôtel font très mal leur office ». Privées du principe régulateur, elles s’entre-heurtent dans l’anarchie. A cause de leur mauvaise conscience, ils vivent dans l’incertitude et le chagrin…

Mais les Simples, les véritables enfants de Dieu qui demeurent, avec une tranquille confiance, fondus dans le rayonnement du Soleil intérieur, ceux-là connaissent les joies de la paix dans la certitude. Même lorsque la croix pèse sur leurs épaules, ils se félicitent de souffrir avec Notre-Seigneur. Et c’est pourquoi, selon la promesse du Bon Maître, ils sont « entièrement dans la lumière sans aucun mélange d’obscurité. Tout est lumineux en eux. Ils sont éclairés comme par une lampe toute brillante. »


Dans les pages qui vont suivre, on essaya d’évoquer quelques-unes de ces âmes solaires. Durant leur existence terrestre, elles subirent bien des tribulations ; souvent elles eurent à savourer le mépris des personnes — positives. Mais, en compensation, divers amoureux de Jésus vinrent se réchauffer à leur flamme.

Aujourd’hui, où, même chez beaucoup de fidèles, il est de bon ton de réduire le sens surnaturel de la vie à un minimum, où la lanterne fumeuse du sens commun est trop souvent considérée comme une étoile de première grandeur, certains ne goûteront guère les « exagérations » des prédestinés dont l’histoire va être rapportée.

Toutefois, peut-être se trouvera-t-il un certain nombre d’âmes chrétiennes pour apprécier ces élus de la vraie Lumière parce qu’ils n’aimèrent que Dieu, ne vécurent que pour Dieu, ne connurent que cette seule sagesse : la folie de la Croix, et ne voulurent rien savoir de plus.

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