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Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 1 (of 2): Un roman de coeœur par Marat, l'ami du peuple

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IX
DU MÊME AU MÊME.

A Sirad.

A l'exemple de tant d'autres aspirants, je n'ai point fait la cour à la mère pour obtenir la fille. Je ne sais même si la comtesse m'avait d'abord choisi au fond de son cœur pour l'époux de Lucile. Mais elle a vu notre inclination mutuelle naître et se développer sous ses yeux. Jamais elle n'y mit obstacle et toujours elle me témoigna beaucoup de bonté.

Au commencement j'avais pour elle cette espèce d'amitié, qu'ont d'ordinaire les enfants pour ceux qui les caressent. Dès que j'ai fait usage de ma raison, cette amitié enfantine s'est changée en vrai attachement, que rien n'altéra jamais.

Cette respectable mère s'est chargée elle-même de l'éducation de sa fille et pour mieux diriger son heureux naturel, elle en devint l'amie et la compagne. Lorsque le cœur de Lucile commença à s'ouvrir à la tendresse, elle en fut la confidente. Lucile n'avait rien de caché pour sa mère, et je ne m'en cachais pas non plus.

Je ne voyais en elle qu'une amie, et même une amie si intime que si mon cœur et ses vertus ne m'eussent sans cesse rappelé le respect que je lui dois, sa familiarité me l'eût fait oublier. Ce n'est pourtant pas qu'elle ne me reprenne quelquefois, mais c'est toujours sous l'air du badinage qu'elle déguise ses leçons.

Malgré que je n'aie jamais eu lieu de me repentir de ma confiance, je ne suis cependant plus aussi ouvert, et je m'en veux mal. A mesure que j'avance en âge, il me semble que sa présence me gêne. Devant elle, mon cœur n'ose plus s'épancher avec Lucile. Cela n'est pas étrange. L'amour, dit-on, aime à s'envelopper des voiles du mystère.

Pourquoi toujours te tenir sur tes terres, cher Panin? Que ne viens-tu nous faire une petite visite? Doutes-tu que nous n'ayons grand plaisir à te voir?

De Varsovie, le 1er juin 1769.
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