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Les aventures du jeune Comte Potowski, Vol. 1 (of 2): Un roman de coeœur par Marat, l'ami du peuple

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III
LUCILE SOBIESKA A CHARLOTTE SAPIEHA.

A Lublin.

Tu t'étonnes, Charlotte, que je sois si éprise de Gustave: Mais peux-tu le trouver étrange? Eh! comment n'aimerais-je point un aimable homme qui m'adore, un homme tout occupé de mes plaisirs et de mon bonheur?

D'ailleurs cette fraîche jeunesse, cette beauté ravissante, ces regards tendres et animés, ce sourire fin et gracieux, cette voix touchante, et tant d'autres agréments qui lui sont propres, n'ont-ils pas droit de lui captiver les cœurs?

Que si tu ne fais point de cas des attraits de sa figure: ne compteras-tu pour rien non plus les belles qualités de son âme?

Te dire que mon amant a tous les talents de son état, et tous les agréments d'un homme du monde serait trop peu de chose.

Mais Gustave a de l'esprit, il le sait et il n'en est pas vain: jamais il ne le fit servir à désoler le bon sens, ni à affliger les sots.

Il aime les plaisirs, mais il veut les choisir: il méprise ceux qui manquent de délicatesse, préfère ceux qui récréent à ceux qui ne font qu'étourdir, et ne recherche avec ardeur que ceux qui respirent la tendresse.

Modéré dans ses plaisirs, il sait s'arrêter avant le dégoût. Son humeur est toujours égale: jamais on ne le voit d'une gaîté effrénée, puis, d'une morne tristesse.

Il est riche, aime la dépense, et accorde à son rang ce qu'il exige: mais il ne donne rien au faste, aux caprices, à l'extravagance. Il est quelquefois magnifique; plus souvent généreux, il destine aux infortunés une partie de son superflu, et toujours il sait leur cacher la main qui les soulage.

Il a l'âme fière, mais sans arrogance: il n'est point entiché de sa naissance, et il respecte plus dans l'homme le mérite que les dignités.

Il est bouillant et ne peut souffrir un affront; mais sa colère n'est pas féroce: son ressentiment passe comme un éclair, et la moindre excuse suffit pour le désarmer.

Jamais jeune homme ne reçut une meilleure éducation: mais chez lui, la nature semble avoir tout fait. Son beau naturel, bien dirigé dès l'enfance, est tel qu'il peut s'y abandonner sans crainte et sans précaution. La décence, la candeur, la tendresse en font la base. Ennemi du vice, indulgent aux ridicules, docile aux usages innocents, incorruptible aux mauvais exemples, il est respecté de tout le monde, aimé de toutes ses connaissances, et chéri de tous ses amis.

Tel est mon amant; et tu veux que je justifie ma flamme. Va, Charlotte, je m'applaudis de mon choix, et je ne crains point d'en être jamais punie.

De Varsovie, le 29 février 1769.
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