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Les confessions d'un converti

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CHAPITRE III
AU MONASTÈRE ANGLICAN DE MIERFIELD

I

Il me sera toujours impossible de reconnaître exactement la dette de gratitude que je dois à la communauté de la Résurrection, non plus que d’exprimer l’admiration que j’ai constamment ressentie, et continue de ressentir à l’égard de l’esprit et des méthodes de cette communauté. Tout au plus pourrai-je essayer de décrire l’apparence extérieure de la vie de ses membres, en tâchant de mon mieux à faire entrevoir la profonde charité, la fraternité et la dévotion chrétienne dont elle était imprégnée. Il est vrai que les membres de la communauté ne me permettraient plus, aujourd’hui, d’aller séjourner parmi eux comme j’aimerais souvent à le faire ; mais, individuellement, ils m’ont gardé pour la plupart une touchante amitié. J’ai cependant l’idée qu’une telle visite, en raison même de ce sentiment, risquerait de leur être pénible, ainsi qu’à moi ; mais, d’autre part, il faut songer que le fait, pour un anglican, de devenir catholique n’a pas du tout, aux yeux des anciens amis de cet ex-anglican, la signification qu’aurait pour des catholiques une conversion en sens opposé. Car lorsqu’un catholique abandonne l’Église, ceux dont il se sépare le regardent comme un infortuné qui a quitté le bercail du Christ pour se perdre dans un désert. Peu importe la congrégation religieuse nouvelle à laquelle il s’est désormais attaché ; il n’en a pas moins renoncé à faire partie de ce que ses amis considèrent comme l’unique corps du Christ. Lorsqu’un anglican de la Haute Église devient catholique, au contraire, tout ce qu’il fait, au point de vue de la théorie anglicane, est simplement de se transporter d’une région de l’Église universelle dans une autre. D’après la théorie de la « Branche », il a simplement passé d’une branche à une autre ; et d’après la théorie de la « Province », pour employer une phraséologie encore plus récente, il s’est détaché seulement de Cantorbéry, mais non point de l’Église du Christ, comme l’entendent les anglicans. Il a bien, aux yeux de ceux-ci, le grave tort d’être devenu « schismatique », et celui, plus grave encore, d’avoir dénié la validité des ordres qu’il avait naguère acceptés ; mais il n’en est pas moins impossible pour ses amis de le regarder comme un apostat, au sens commun du mot, et le fait est, il faut leur rendre cette justice, que c’est chose très rare qu’ils le regardent comme tel. Assurément, en tout cas, mes anciens frères de la communauté de Mierfield ne m’ont jamais témoigné d’aucune façon une opinion qui aurait été, de leur part, à la fois discourtoise et parfaitement injuste.

Je dois encore noter, avant de procéder à une description sommaire de notre vie à Mierfield, que tout ce que je mettrai dans cette description de l’existence et de la règle de la communauté anglicane ne dépassera jamais ce que peut avoir observé librement tout visiteur qui a séjourné dans la pieuse maison. Chaque famille a ses « secrets » — par où j’entends simplement ses petites habitudes et méthodes de vie intime — et il ne serait ni décent ni loyal à moi d’en faire mention ici. Je me bornerai à dire que ce côté intérieur de notre vie quotidienne, nos relations mutuelles, leur ton et leur atmosphère, étaient d’une douceur infinie, et, avec cela, merveilleusement « chrétiens ». Je suppose qu’il doit y avoir eu, çà et là, des difficultés, inséparables de l’intimité constante de tempéraments aussi nombreux et variés : mais de ces difficultés je n’ai vraiment conservé aucun souvenir. Je me rappelle seulement l’extraordinaire bonté et générosité dont j’ai toujours été comblé.

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