Les Muses de la Nouvelle France
ODE EN LA MEMOIRE
du Capitaine Gourgues
Bourdelois.
Voy l’Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX & XX.
OURGUES, l’honneur Bourdelois,
Je veux reveiller ta gloire,
Et faire eclater ma voix
Dans le temple de Memoire,
En racontant ta valeur
Ta conduite & ta prouësse,
Quand, d’un invincible coeur,
Tu mis la main vengeresse
Sur le soldat bazané
Du sang des François avide,
Qui nous avoit butiné
Les beautez de la Floride.
Si-tot que de noz François
Tu entendis la ruine,
Et que le peuple Iberois
Occupoit la Caroline,
Tu prins resolution
De venger le grand outrage
Fait à nôtre nation
Par une Hespagnole rage.
A tes despens tu mis sis
De bons hommes une bende
Au combat bien resolus,
Puis que c’est toy qui commande.
Tu ne leur dis à l’abord
Le secret de ton affaire,
Come Capitaine accort,
Qui sçais bien ce qu’il faut taire.
Mais quant tu te vis porté
Dessus la terre nouvelle,
Tu leur dis ta volonté
De venger une querelle,
Querelle qui les François
Et grans & petits regarde,
Et partant qu’à cette fois
Ne faut, d’une ame coüarde
Reculer quand la saison
De bien faire se presente,
Afin d’avoir la raison
De l’injure violente
Faite aux premiers conquesteurs
D’une terre si lointaine
Par des assassinateurs
De race Mahumetaine.
A ces mots encouragés
Ils se mettent en bataille,
Et vont en ordre rangés
Droit contre cette canaille.
L’un & l’autre petit Fort
Ils attaquent de courage,
Et par un puissant effort
Ilz les mettent au pillage.
Mais il n’estoit pas aisé
D’attaquer la Caroline,
Si GOURGUES n’eust avisé
Prudemment à sa ruine.
Car l’adversaire estoit fort
D’hommes, d’armes & de place,
Mais nonobstant prés du Fort
En fin sa troupe s’amasse.
L’Hespagnol estant sorti
Pour lui faire une saillie
Rencontre un mauvais parti
Qui a sa gent acuillie,
CAZENOVE donne à des
GOURGUES les rencontre en face,
Qui les font (en peu de mots)
Tous demeurer sur la place.
Le reste tout étonné
La Forteresse abandonne,
Mais las! il est mal mené
N’ayant secours de personne.
Car le Sauvage irrité
Ne lui fait misericorde,
Lequel de sa cruauté
Trop frechement se recorde.
Mais ceux qui tombent és mains
Des François, on les attelle
Aux arbres les plus hautains
Pour y faire sentinelle.