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Les Muses de la Nouvelle France

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[Illustration]

LES MUSES DE LA
NOUVELLE-FRANCE

AU ROY

ODE PINDARIQUE
presentée à sa Majesté en
Novembre mil six cens sept.

STROPH. 1.

EPTUNE, donne moy des vers
Propres à resonner la gloire
Du plus grand Roy que l’Univers
Ait produit de longue memoire.
Et puis que sur tes moites eaux
Tendent leurs ailes noz vaisseaux,
Fay qu’avec eux ore je vole
Cornant son renom jusqu’au pole,
Et que porté d’un trait leger
Sur l’aile de ta large échine,
Je l’annonce au peuple étranger
Qui demeure au fond de la Chine.

ANTISTROPH.

Muses pourtant pardonnez moy
Si pour cette heure je m’addresse
Ailleurs qu’à vous; & si la loy
De vous invoquer je transgresse.
Je ne boy ici d’Helicon
Les douces eaux, ni ma chanson
Ne ressent les fleurs qu’on amasse
Au sommet du double Parnasse.
Neptune commande en ce lieu,
C’est à lui qu’il faut que je rende
Ores mes voeux, & qu’à ce Dieu
De mon chant le ton je demande.

EPOD.

Car quoy qu’il soit quelquefois
Forcené d’ire & de rage,
Il ayme bien toute fois
Des chansons le doux ramage.
Et de cela soucieux
A ses Syrenes il donne
Mainte chanson qui resonne
D’un chant fort harmonieux,
Qui par ses douces merveilles
Les peu rusez Nautonniers
Attire par les oreilles,
et les fait ses prisonniers.

STROPH. 2.

Vive donc mon Prince & mon Roy
Par qui respire nôtre France
Sentant souz le joug de sa loy
Les doux effects de sa clemence.
Lui qui parmi tant de hazars
Qui l’ont suivi de toutes parts
A vaincu l’effort de la Fortune,
Laquelle en lui n’a part aucune.
Car sa vertu tant seulement
Du haut des cieux favorisée
A jusques dans le Firmament
Sa Majesté authorisée.

ANTISTROPH.

Le jour qu’en France commença
A luire sa belle lumiere
Le conseil des Dieux s’amassa
Pour sçavoir de quelle maniere
Ilz pourroient honorer celui
Qui devoit estre un jour l’appui
De mainte gent abandonnée
A que du ciel n’est point donnée
La conoissance de son bien
Et de maint peuple & mainte ville
Policée souz le lien
De la societé civile.

EPOD.

Mars lui donna sa valeur,
Hercule donna sa force,
Et Jupiter sa terreur,
Qui la force méme force.
Mais Vulcan lui façonna
De fin acier bien trempée
Une foudroyante epée
Qu’en present il lui donna
Pour en frapper les rebelles,
Et la rogue nation
Qui nous a fait des quereles
Souz feinte religion.

STROPH. 3.

Il n’estoit pas hors le berceau,
Il n’avoit quitté son enfance,
Que son âge plus tendre & beau
S’endurcissoit à la souffrance
Des âpres & dures rigueurs
Des froidures & des chaleurs,
Afin qu’un jour il peust à l’aise
Supporter de Mars le mesaise,
Puis que son destin estoit tel,
Que parmi les chaudes alarmes
Il devoit se rendre immortel,
Par l’effort de ses fieres armes.

ANTISTROPH.

Qui l’a jamais veu sommeiller,
Ou les mains avoir endormies,
Quand il a fallu chamailler
Dessus les troupes ennemies?
Témoins en sont tant de combats
Où il a cent fois du trépas
Loin repoussé la violence,
De sorte que méme la France,
France nourrice des guerriers
Par ses longs travaux fatiguée
Est le sujet de ses lauriers
Pour s’estre contre lui liguée.

EPOD.

Et apres s’estre soumis
La populace mutine,
Il a fait qu’ores Themis
Seurement par tout chemin
Afin qu’une ferme paix
Au moyen de la Justice
En sa maison s’établisse
Qui soit durable à jamais,
Et que toujours souz son aile
Fleurisse la pieté,
Sans qu’oncques elle chancelle
Ni d’un ni d’autre côté.

STROPH. 4.

Grand Roy nous te devons ceci,
Vire mille fois davantage.
Mais il reste encore un souci
Digne de ton vieillissant âge,
Afin que la posterité
Entende que ta pieté
N’estoit dedans ta France enclose.
Il faut, grand Roy, faire une chose,
Il faut ores du Tout-puissant
Porter le nom souz ta banniere
Où son Soleil resplendissant
Chacun jour finit sa carriere.

ANTISTROPH.

Aye doncques compassion
De tant de peuples qui perissent
Sans loix & sans Religion
Et de leur misere gemissent.
Si tu veux, grand Roy, tu les peux
Joindre avec nous en méme voeux,
Et faire de tous une Eglise,
Si ta bonté les favorise.
Mais si ton pouvoir souverain
Ne soutient un si grand affaire,
Mais si tu retires ta main,
Que est-ce qui le pourra faire?

EPOD.

C’est, mon Prince, c’est de toy
Qu’une antique destinée
A prononcé qu’un grand Roy
Seroit apres mainte année
Du vieil tige des François,
Que regiroit en justice
Par une saincte police
Conjointe aux divines loix
Les nations infideles
Qui sont encore en maints lieux,
Et par force les rebelles
Conduiroit dedans les cieux.

LESCARBOT


PRES que nous fumes arrivés au Port Royal en la Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti dés le sezième de Juillet, desesperant qu’aucun navire deut arriver de France, pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontré par un grand heur quelques uns de nos gens (qui à la veuë de la terre du port de Campseau s’estoient mis dans une chalouppe, & venoient jusques audit Port Royal suivans la côte) parmi des iles, il tourna le cap à rebours, & nous vint trouver avec beaucoup de rejouïssance d’une part & d’autre. En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque & une patache, & se mit avec quelques cinquante homme qu’il avoit, dans nôtre navire qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d’un peuple contus qui marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent depuis imprimez à la Rochelle.


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