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Madame de Chevreuse: Nouvelles études sur les femmes illustres et la société du 17e siècle

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LETTRE DE MAZARIN A MME DE CHEVREUSE, DU 30 SEPTEMBRE 1650.
(Tandis que Mme de Longueville était renfermée dans Stenay, et que la jeune princesse de Condé avec le duc de Bouillon et La Rochefoucauld essayait de se maintenir dans Bordeaux.)

«Madame, je dois response à deux lettres dont vous avez eu agreable de me favoriser, l'une sans date, et l'autre du 25 de ce mois. J'obéis avec quelque contrainte à la défense que vous me faictes d'user plus d'aucun compliment, ayant peine à ne vous pas tesmoigner le vif ressentiment que je conserve de la continuation de toutes les bontés que vous avez pour moi et pour mes interests en toutes rencontres.

«Dès que j'ai appris vostre pensée touchant la rançon de M. le prince de Ligne, j'en ai parlé à la Reyne, qui vous l'a accordée avec grand plaisir et de la meilleure grâce du monde. Plusieurs personnes avoient eu souvent la mesme pretention, mais on a tousjours rejetté bien loing ces instances sur ce que Sa Majesté vouloit essayer de profiter de cette rencontre pour procurer la liberté à M. de Guise, comme vous aurez peut-estre sceu qu'il s'en est traitté bien avant, joignant quelques autres personnes au dit prince de Ligne. C'est pourquoi il y aura d'abord quelque conduite à tenir en cette affaire avec S. A. R., et je mande à M. Le Tellier de faire en cela tout ce que vous désirerez, si vous estimez qu'il y doive intervenir, quoi que je ne doute nullement que Son A. R. dans le fonds n'en soit aussi aise que la Reyne mesme. Agréez maintenant que comme votre serviteur très passionné, je vous conjure que votre generosité accoustumée ne vous fasse point de préjudice en cette rencontre, et pour cela je me crois obligé de vous donner advis que, quand on a parlé de cette rançon on n'a pas moins offert de six vingts mil florins, et j'estime que tenant bon on pourra porter la chose à cent cinquante mille. Vous sçaurez aussi que le marquis de Pomar, qui n'avoit pas la charge qu'a le dit Prince, paye six vingts mil francs pour sa rançon; je souhaiterois de tout mon cœur que ce fut le double, et pour vostre interest particulier et pour le service du Roy mesme, à qui je connois fort bien qu'il importe, que vous ayez moyen de continuer à soutenir les depenses que vous faites. Il n'y a, ce me semble, autre expédition à vous donner là-dessus, si ce n'est que, quand vous serez d'accord avec le dit Prince du prix de sa rançon et que vous aurez vos suretés pour le payement, on vous mettra ès mains un ordre du Roy pour la déclaration de sa liberté. S'il y faut quelque autre chose, vous n'avez qu'à me le mander. Cependant, je crois que vous jugerez à propos de ne faire rien esclatter jusqu'à ce que vous ayez conclu vostre traité, affin de ne pas faire naistre des obstacles, qui arrivent quelquefois contre ce qu'on a pu prévoir.

«Je vois la Reyne fort résolue de faire si bien traitter Mme la maréchale de Rantzau qu'elle puisse vivre selon sa qualité. Vous croirez bien, Madame, que je m'y employerai avec chaleur par plusieurs motifs, et que la recommandation que vous m'en faites ne sera pas le moindre.

«Pour ce qui est du mémoire que vous a adressé Mgr l'evesque de Verdun, j'ai entretenu, il y a trois semaines fort au long M. Le Tellier sur cette affaire, qui mérite de grandes considérations pour ne rien faire qui nous préjudicie dans les traittés de l'Empire, et pour ne pas faire tort au droit de M. de Feuquières. Particulièrement dans l'estat present des choses, c'est une affaire à accommoder, et cela ne se peut guère bien qu'à vostre retour par delà.

«L'accommodement de ces mouvements-ci est enfin terminé aux conditions que vous avez desjà sceues, et la paix fut hier acceptée à Bourdeaux avec grande joie et acclamation du peuple, malgré tous les efforts de MM. de Bouillon et de La Rochefoucauld, et de ceux qui sont auprès de Madame la Princesse, qui ne se sont pas démentis de leur première conduite jusques au dernier moment. On nous disoit que Madame la Princesse a fait emmener M. le duc d'Enghien par le chevalier de Rivière, nous n'en n'avons pas encore la certitude; mais il se voit qu'ils n'agissent nullement de bonne foi, et que la mesme intention de faire tout le mal qu'ils pourront, dure tousjours. Je me remets du surplus à ce que M. Le Tellier vous dira de toutes ces affaires-ci, et me contenterai de vous asseurer, que je suis, et serai inviolablement jusques à la mort, etc., etc.»

LETTRE DE MME DE CHEVREUSE A MAZARIN, DE L'ANNÉE 1653 [470].

«Monsieur, j'ay receu les marques que m'a apportées M. Ondedei de l'honneur de votre souvenir avec toute la reconnoissance que je dois de l'amitié qu'il vous plaist me tesmoigner. Il est vrai, Monsieur, que ce m'est une satisfaction estreme de voir que vous estes persuadé du plaisir que je prends à vous rendre tous les services dont je suis capable, et je vous proteste que je continuerai, dans toutes les occasions où vous aurez intérest, à vous tesmoigner qu'ils me sont chers au point qu'ils doivent. Je ne doute pas que votre bonté pour M. Bartet ne vous le face plaindre dans l'accident qui lui est arrivé. Je ne lui vois pas d'autre consolation en son malheur que l'honneur de vostre bienveillance qui lui est bien nécessaire pour sortir d'un si grand labyrinte. Je me rejouis bien du bon état où on nous dit ici qu'est le siége de Landreci, et vous souhaite toutes sortes de prospérités, étant plus que personne du monde, Monsieur, votre très-humble et très-obéissante servante,
La D. de Chevreuse.»

FIN DE L'APPENDICE.

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