Manuel pratique de Jardinage: contenant la manière de cultiver soi-même un jardin ou d'en diriger la culture
Fig. 3.—Greffe en écusson.
On peut encore employer un autre moyen pour lever l'écusson, et il est surtout avantageux quand les greffes sont petites; il consiste à détacher avec un fil de soie ou un crin (voir B, fig. 3) l'écusson, dont on a d'abord soulevé la partie supérieure; on fait ensuite sur l'écorce du sujet à greffer une incision en forme de T (voir C, fig. 3), on soulève les bords de la plaie en glissant la spatule sous l'écorce, de manière à pouvoir placer facilement l'écusson, qu'on introduit en le tenant par le pétiole et en appuyant légèrement sur la partie supérieure; s'il arrivait qu'il ne pût entrer dans toute sa longueur, il faudrait en couper l'extrémité pour qu'il coïncidât bien avec le sujet; ensuite on rapproche les bords de l'entaille sur l'écusson, et l'on entoure le tout d'une ligature de laine, en ayant soin surtout de ne pas engager l'œil (voir D, fig. 3). Nous avons figuré la ligature plus écartée qu'elle ne doit l'être, afin qu'on puisse voir la position de l'écusson. La chute précoce du pétiole est un signe de la reprise de la greffe, ce qui a lieu ordinairement dix ou quinze jours après l'opération; il faut alors rabattre le sujet à quelques centimètres au-dessus de la greffe. On aura soin d'enlever toutes les pousses qui paraîtront sur le sujet, et l'on pincera le bourgeon terminal des greffes de manière à favoriser le développement des yeux inférieurs.
Fig. 4.—Greffe en anneau.
2. Greffe en anneau.—Les mois d'avril et d'août sont les époques les plus favorables pour la reprise de cette greffe. Elle convient pour la multiplication des arbres à bois dur, et particulièrement des noyers. On choisit, sur l'arbre que l'on veut multiplier, une branche de même grosseur que le sujet à greffer; on cerne l'écorce circulairement au-dessous et au-dessus d'un œil, de manière à former un anneau que l'on détache en le fendant perpendiculairement sur la partie apposée à l'œil (voir C. fig. 4); puis on l'enlève à l'aide de la spatule du greffoir. On enlève ensuite sur le sujet un anneau de la même largeur (voir B, fig. 4), et l'on rapporte à sa place la partie d'écorce enlevée sur l'arbre que l'on veut propager. Il faut, pour être certain du succès, avoir la précaution de bien faire joindre les écorces en haut et en bas; puis on assujettit les greffes avec une ligature de laine, en ayant soin surtout de ne pas engager l'œil. On ne rabattra les branches ou la tête du sujet que quand la reprise de la greffe sera assurée. Cette greffe a l'avantage de ne jamais mutiler le sujet; car, dans le cas où la greffe ne végète pas, l'anneau d'écorce reste et tient lieu de celui qu'on a enlevé.
3. Greffe en fente.—Cette greffe peut être également faite au printemps et à l'automne; et, pour être certain du succès, il faut, comme pour la greffe en écusson à œil dormant, qu'il n'y ait plus assez de séve pour faire pousser la greffe, mais qu'il y en ait encore assez pour la souder au sujet, afin qu'elle ne soit pas desséchée par les intempéries de l'hiver.
Pour greffer au printemps, il faut avoir la précaution de couper en janvier les rameaux de l'année précédente sur chaque espèce d'arbre que l'on veut multiplier, puis on les enterre dans du sable, à l'exposition du nord, de manière à en retarder autant que possible la végétation; car, pour être certain du succès de ces greffes, il faut que la séve commence à monter dans le sujet, mais qu'elle n'ait pas encore gonflé les bourgeons du rameau que l'on veut greffer. La première quinzaine d'avril est ordinairement l'époque la plus favorable pour cette opération: alors on coupe horizontalement la tête du sujet, et on le fend au milieu de son diamètre, de manière à faire une entaille de 0m,03 à 0m,06, suivant la force du sujet, et en ayant soin que cette entaille soit toujours un peu plus profonde et plus large que ne l'exigerait en apparence la greffe à insérer. Lorsque le sujet est gros et vigoureux, on peut faire plusieurs entailles (voir A, B, fig. 5); mais il faut qu'elles soient opposées l'une à l'autre, de manière qu'elles ne se rejoignent pas. Une fois le sujet prêt à recevoir la greffe, on choisit un rameau garni de bons yeux et de 0m,06 à 0m,10 de longueur, de sorte qu'après son insertion dans l'entaille, il y ait au moins deux ou trois yeux au dehors. On taille ensuite la partie inférieure de ce rameau de manière à former deux biseaux de 0m,03 à 0m,06 de longueur (voir C, fig. 5), quelle que soit l'épaisseur de la partie qui doit être en dehors, on fait en sorte de conserver son écorce; ensuite on ouvre la fente avec la spatule du greffoir ou avec un coin, et l'on insère la greffe de manière que son écorce coïncide exactement avec celle du sujet; puis on enveloppe le tout d'une ligature, et l'on couvre l'extrémité du sujet avec de la cire à greffer[3]. Il faut, enfin, avoir soin d'enlever toutes les pousses qui se développent sur le sujet, car elles vivraient aux dépens de la greffe.
Fig. 5.—Greffe en fente.
4. Greffe en fente sur tubercule.—Cette greffe est particulièrement employée pour multiplier les Pivoines en arbre. Dans le courant d'août, on prend un tubercule de Pivoine herbacée, on en coupe le sommet transversalement, on fait une fente sur l'un de ses côtés et l'on y insère un rameau dont on aura taillé en biseau la partie inférieure, puis on plante le tubercule dans un pot, mais de manière que toute la greffe se trouve enterrée. Les pots sont placés sur une couche tiède, et on couvre les greffes d'une cloche qu'il faut ombrager pendant quinze ou vingt jours. Au printemps suivant, on peut mettre chacune de ces greffes en pleine terre.
Fig. 6.—Greffe en placage.
5. Greffe en placage.—On taille en bec de flûte allongé le rameau que l'on veut greffer (voir A, fig. 6), puis on enlève sur ce sujet une portion d'écorce (voir B, fig. 6) exactement de la même grandeur que la partie taillée de la greffe; on réunit les deux parties, et l'on fait une ligature. Ces greffes reprennent avec facilité, mais pour cela il faut les étouffer sous cloche.
6. Greffe de la Vigne.—Dans le courant de mars, on coupe le sujet sur le collet de la racine, à environ 0m,08 à 0m,10 en terre, et on laisse sécher la plaie pendant quelques jours; car si l'on greffait aussitôt, la séve monterait avec une telle abondance, qu'il pourrait arriver qu'elle noyât la greffe. On prépare les rameaux comme pour les autres greffes en fente, puis on fait une ou plusieurs entailles, selon la force du sujet, et l'on place les greffes, auxquelles on laisse deux ou trois yeux hors de terre. La greffe et l'extrémité du sujet sont recouvertes ensuite avec de la cire à greffer; quelques personnes se contentent même de comprimer un peu la terre autour de la greffe, en ayant grand soin de ne pas déranger les rameaux.
Dans le midi de la France, on pratique la greffe en fente modifiée de la manière suivante: après avoir déchaussé le cep qui sert de sujet, on le coupe un peu au-dessus du sol, on le fend de part en part, et on y insère latéralement une greffe taillée en lame de couteau vers la moitié de sa longueur, et dont l'extrémité inférieure, entièrement libre, plonge dans le sol de 0m,15 à 0m,20; ce qui sert à alimenter la greffe jusqu'à sa parfaite soudure avec le sujet.
Greffe herbacée.—Cette greffe ne diffère guère de la greffe en fente que par l'époque où on l'exécute. Elle peut être employée pour multiplier presque tous les végétaux encore à l'état herbacé, et particulièrement les arbres résineux et quelques arbrisseaux d'agrément. L'époque de faire cette greffe varie suivant l'état de la saison; ordinairement, le moment le plus favorable est le mois de mai. On coupe l'extrémité du bourgeon au-dessus d'une ou de plusieurs feuilles, qu'il faut avoir soin de ménager, afin d'attirer la séve vers la greffe; puis on fend le sujet d'environ 0m,03 à 0m,06 de longueur, et l'on prépare le rameau comme pour la greffe en fente, en ayant soin de ne pas trop l'amincir. Pour cette opération, il faut se servir d'un instrument bien tranchant et bien affilé, afin de couper bien net. La greffe une fois préparée, on l'introduit dans la fente du sujet, et on l'assujettit avec une ligature de laine. Pour éviter de couper la tête du sujet, on peut procéder d'une autre manière: c'est-à-dire que l'on y fait une incision, comme pour placer un écusson; puis, après avoir taillé le rameau en biseau allongé d'un seul côté, en bec de flûte, on l'introduit entre le bois et l'écorce, et comme toujours, on maintient la greffe avec une ligature, que l'on doit enlever environ un mois après l'opération. Pour assurer le reprise de ses greffes, il est nécessaire de les garantir du soleil et du hâle; ainsi, si l'on opère sur des plantes en pots, il faudra les réunir sous un châssis, que l'on aura soin d'ombrer; et pour celles que l'on fera sur des sujets en pleine terre, on les garantira en les entourant d'un cornet de papier, d'une feuille de vigne, ou de tout autre abri, que l'on pourra enlever dix ou quinze jours après l'opération. Cette greffe peut aussi s'appliquer à la multiplication des plantes tuberculeuses; c'est ainsi qu'au printemps on greffe les jeunes pousses des variétés de Dahlias les plus belles sur des tubercules de variétés inférieures. On prend pour cela un tubercule, on en coupe le sommet horizontalement, et on le fend sur l'un des côtés, puis on fait choix d'un rameau qui ne soit pas encore creux, ce qui arrive lorsqu'ils sont déjà forts, et l'on en taille la partie inférieure en biseau peu aigu, en ayant soin d'enlever seulement l'épiderme; puis on l'insinue dans la fente du tubercule, que l'on plante dans un pot, de telle sorte que toute la greffe se trouve enterrée. On place les pots sur une couche tiède, et on les couvre d'une cloche, qu'il faut avoir soin d'ombrager plusieurs jours.
On pratique aussi la greffe herbacée sur la Vigne.
Cette opération doit avoir lieu, en mai ou juin, sur des bourgeons de 0m,20 ou 0m,25 de longueur. Elle ne diffère en rien de la greffe en fente ordinaire; seulement, il faut, après avoir enveloppé la greffe avec de la laine ou avec de la cire, l'introduire dans une bouteille à large col (bouteille à conserves), qu'on fixe à un tuteur ou à tout autre support, et boucher l'ouverture avec de la mousse fraîche.
Au bout de douze ou quinze jours, lorsque la reprise est certaine, on débouche la bouteille, afin de fortifier la greffe, et peu de temps après on la livre à l'air libre. Il arrive quelquefois que ces greffes portent fruit dès la première année, ce qui fait que ce procédé peut être employé avec avantage, non-seulement comme moyen de multiplication, mais encore pour juger du mérite des variétés nouvelles.
Fig. 7.—Greffe en couronne.
Greffe en couronne, connue sous le nom de greffe Pline.—Cette greffe est employée quand le sujet est trop fort pour être greffé en fente; elle doit être faite à la même époque que cette dernière greffe, et il faut également avoir eu la précaution de couper, pendant l'hiver, des rameaux du sujet à multiplier, pour les empêcher d'entrer trop tôt en végétation. La tête du sujet à greffer doit être coupée horizontalement (voir fig. 7), et il faut entourer l'extrémité avec une ligature pour maintenir l'écorce, dans la crainte qu'elle ne se fende en faisant les entailles; on enfonce ensuite à la profondeur d'environ 0m,05 un petit coin de fer ou de bois dur entre l'écorce et le bois, puis on taille son rameau en biseau, et, après avoir retiré le coin, on enfonce la greffe, de manière que tout le biseau soit caché (voir fig. 7). Le nombre des greffes que l'on posera sur le même sujet sera proportionné à sa grosseur. Elles devront être placées à environ 0m,05 l'une de l'autre; et, aussitôt l'opération terminée, il faudra couvrir l'extrémité du sujet, ainsi que les bords de l'écorce, avec de la cire à greffer.
7. Greffe ordinaire par approche.—Cette opération consiste à appliquer une branche de la variété que l'on veut greffer contre une branche ou la tige d'un sujet de même espèce; on peut l'exécuter pendant tout le temps que les arbres sont en végétation. On devra procéder de la manière suivante: après avoir rapproché les deux branches parallèlement (voir fig. 8), on enlèvera sur chacune une partie d'écorce, de manière à former une plaie longitudinale, dont la longueur doit être toujours proportionnée à la force des individus; puis on les appliquera l'une sur l'autre, en ayant soin de faire coïncider les écorces, et l'on maintiendra les deux branches en contact par une ligature de laine ou de filasse, qu'il est souvent nécessaire de desserrer aussitôt la reprise des greffes, afin que la force de la végétation n'occasionne pas d'étranglement, ce qui non-seulement forme des bourrelets, mais nuit aussi à la reprise des greffes. Il ne faudra détacher les greffes que lorsqu'on sera certain qu'elles seront solidement soudées; et même, il est souvent plus prudent de commencer par couper la tête du sujet, de n'entailler qu'à moitié la partie qui doit être coupée, et de ne la sevrer tout à fait que quelque temps après. Il faudra alors la couper le plus près possible de la greffe, afin que la séve recouvre plus facilement la plaie. Cette opération nécessite beaucoup de précaution, pour ne pas entamer le sujet avec la lame du greffoir.
8. Greffe par approche compliquée.—Cette greffe diffère peu de la précédente: elle est spécialement employée pour donner de la solidité aux haies. On croise les branches les unes sur les autres, de manière à former un losange; et, au point où elles se rencontrent, on fait une plaie longitudinale sur chaque branche, ayant soin de faire coïncider les écorces; on maintient les deux parties au moyen d'une ligature, et l'on recommence l'opération à mesure que les branches prennent de l'accroissement.
CHAPITRE X.
De la Conservation des plantes.
Nous nous bornerons à dire sur ce chapitre que la situation septentrionale de notre pays, l'irrégularité de la marche des saisons, l'humidité de nos printemps et de nos automnes rendraient impraticable la culture de certaines plantes exotiques, si nous n'avions recours à des moyens artificiels de conservation et de multiplication.
Ces moyens sont de plusieurs sortes: ils comprennent, en commençant par les plus simples, pour arriver aux plus composés: 1. les cloches; 2. les châssis; 3. l'orangerie ou serre froide; 4. la serre tempérée; 5. la serre chaude.
1. Cloches.—Les cloches de verre sont les plus simples de tous les abris; elles servent à garantir du froid, et de l'humidité les plantes délicates et les boutures, et à concentrer la chaleur sur celles qui ont besoin d'une température plus élevée que celle de l'atmosphère. Il faut choisir les cloches dont le verre est le plus blanc, car elles sont assez sujettes à se ternir au bout de quelques années. Il faut avoir la précaution de les laver de temps à autre; et, lorsqu'elles ne servent plus, on les met l'une dans l'autre, en ayant soin de les séparer avec un peu de paille pour éviter la casse.
Fig. 9.—Châssis.
2. Châssis.—Les châssis ont pour objet d'activer la germination de certaines graines, d'augmenter la chaleur des couches, de permettre la culture des plantes potagères qui ne réussissent pas à l'air libre, et de garantir contre les injures de l'air les plantes délicates. Ils se composent de deux parties: le coffre a, a (fig. 9), et les panneaux c. Chaque coffre a ordinairement 4 mètres de longueur et 1m,33 de largeur; il est formé de quatre planches clouées sur quatre pieds placés intérieurement aux quatre coins. Le derrière du coffre doit toujours être plus élevé que le devant, afin que les panneaux soient inclinés au midi. On maintiendra l'écartement par deux barres b, b, assemblées à queue d'aronde par le haut et par le bas, et qui servent de support aux panneaux. Les panneaux vitrés doivent être en bois de chêne, d'une bonne épaisseur. Ils se composent d'un cadre de 1m,33 de largeur et d'une longueur arbitraire, divisé par trois petites barres de même épaisseur, que l'on peut remplacer avantageusement par des montants en fer, fixés sur les traverses du haut en bas. On place une poignée à chaque bout, afin de pouvoir les enlever, et, avant de les vitrer, on les peint à l'huile, opération qu'il est bon de refaire chaque année à l'automne.
Paillassons.—Les paillassons servent à couvrir les couches, les cloches, les châssis, les serres, etc.
Avec le métier à paillassons des jardiniers, on peut facilement faire ses paillassons soi-même. Ce métier se compose d'un cadre de bois de 2 mètres de longueur sur 1m,33 de largeur, portant à ses deux extrémités autant de chevilles sans tête qu'on y veut tendre de ficelles, ce qui dépend de la longueur que l'on donne au paillasson. On est dans l'habitude de ne faire que trois rangs; cependant il vaudrait mieux en faire quatre, pour plus de solidité. On attache les ficelles aux chevilles du bas par une boucle fixe, et en haut par un nœud coulant, ce qui permet de les tendre autant qu'il est nécessaire. Une fois chaque ficelle tendue, on lui laisse le double de la longueur du cadre; cet excédant de longueur sert à coudre le paillasson, après quoi on pose en travers, et aussi également que possible, deux couches de paille de seigle, que l'on étend tête-bêche; et, après avoir roulé la ficelle du rang du milieu sur une espèce de navette faite avec un morceau de bois de 0m,08 de longueur et évidé sur les côtés, on prend une pincée de paille, et l'on passe la navette de droite à gauche par-dessous la paille et par-dessus la ficelle, puis on revient en dessus l'engager dans l'anse formée par la ficelle, et l'on serre en tirant droit devant soi, en ayant soin de presser la paille entre le pouce et l'index de la main gauche, afin d'avoir une maille plate et non ronde; puis on continue avec la même navette dans toute la longueur du paillasson, et, lorsqu'on est arrivé au bout, on arrête la ficelle par un nœud. On passe ensuite aux autres rangs, que l'on coud de la même manière, en se guidant pour les mailles du bord sur celles du milieu; et, une fois le paillasson terminé, on coupe les épis qui débordent de chaque côté.
Quoique ces paillassons soient destinés à couvrir des panneaux de 1m,33 de largeur, il faut leur donner 2 mètres de longueur, parce qu'à l'humidité ils se raccourcissent d'environ 0m,50, ce qui fait qu'il ne leur reste plus que la longueur voulue.
3. Orangerie.—L'orangerie, ou serre froide, est destinée à garantir du froid extérieur certains végétaux qui ne demandent qu'un faible degré de chaleur. Elle doit être exposée au midi et construite sur un terrain sec; sa forme est un carré long, et ses dimensions doivent être, tant en hauteur qu'en largeur, proportionnées à la quantité de plantes qu'elle est destinée à contenir. Les murs doivent être assez épais pour que la gelée ne puisse pas facilement les traverser. La façade sera garnie de fenêtres aussi grandes que possible, et la porte d'entrée, placée au centre, sera vitrée et s'ouvrira à deux battants. On y fera construire un poêle, dont les tuyaux circuleront autour des murs intérieurs; mais il ne faudra faire du feu que s'il survient des froids extraordinaires. Pour conserver la santé des plantes, il suffit d'empêcher la gelée de pénétrer dans cette serre; à cet effet, il faut y placer un thermomètre, que l'on doit consulter souvent, afin d'entretenir pour chacune la température nécessaire. L'eau destinée aux arrosements des plantes d'orangerie et même de celles des serres y attenant devra arriver dans le bâtiment par des tuyaux souterrains, et elle sera reçue dans un bassin ou dans un tonneau pour se réchauffer un peu.
§ I.—De la rentrée des plantes d'orangerie et de leur traitement en hiver.
La rentrée des plantes dans l'orangerie doit avoir lieu dans la seconde quinzaine d'octobre, rarement plus tard. Il ne convient de les rentrer que par un temps sec, et il faut avoir soin de placer les plus élevées par derrière, de manière à former un gradin, afin que toutes jouissent autant que possible de la lumière.
Indépendamment des Orangers, les Lauriers, les Grenadiers et beaucoup d'autres plantes rustiques peuvent passer l'hiver dans l'orangerie; on peut même sans inconvénient les placer derrière ou entre les Orangers; mais il n'en est pas de même pour les Myrtes, qui peuvent également être placés dans l'orangerie; car il faut qu'ils reçoivent la lumière directement, faute de quoi ils perdent leurs feuilles. Sur les tablettes on peut mettre les gros Pélargoniums zonale (Géraniums rouges): leur rusticité est telle, qu'ils se contentent parfaitement bien de l'orangerie; il faut même peu les arroser (sans cependant les laisser dessécher), afin d'éviter qu'ils ne végètent pendant leur séjour dans la serre; car alors les pousses sont tellement tendres, qu'il faut les rabattre en les sortant. Pendant les gelées, on peut encore déposer dans l'orangerie les Œillets cultivés en pots et les Giroflées grosse espèce; mais il faut les mettre dehors aussitôt que la température le permet.
On laisse d'abord l'orangerie entièrement ouverte jour et nuit. Lorsque le froid commence à se faire sentir, on la ferme la nuit; puis enfin, quand il gèle, pendant le jour. Alors toutes les fenêtres doivent être fermées hermétiquement et garnies extérieurement de paillassons.
Toutes les fois que le thermomètre placé au dehors marquera 3 ou 4 degrés au-dessus de zéro, on donnera de l'air, à moins que l'atmosphère ne soit trop humide ou le vent trop violent.
Les plantes rentrées dans l'orangerie ne seront arrosées que lorsqu'elles en auront besoin, et il ne faudra leur donner que la quantité d'eau absolument nécessaire à leur entretien. L'hiver étant pour les plantes un temps de repos, il faut éviter à cette époque de ranimer la végétation, ce qui les épuiserait.
§ II.—De la sortie des plantes d'orangerie et de leur traitement pendant l'été.
La sortie des plantes ne peut avoir lieu que dans la première quinzaine de mai, et l'on commencera toujours par les plus rustiques; mais il faut, pour les accoutumer aux influences atmosphériques, leur donner longtemps d'avance le plus d'air possible, et l'on attendra pour les sortir un temps couvert ou pluvieux.
Toutes les plantes seront placées (comme cela a presque toujours lieu) près de l'habitation, mais toujours à bonne exposition et à l'abri des vents; il faut surtout placer les Lauriers-roses à fleurs doubles et les Grenadiers à l'extrême sud, si l'on veut les voir fleurir chaque année. Aussitôt après leur sortie, on rencaissera toutes les plantes qui en auraient besoin, soit qu'elles demandent plus d'espace, soit que les caisses doivent être remplacées; mais on ne le fera qu'après les avoir déposées à leur place, afin d'éviter qu'elles ne soient ébranlées dans le trajet.
En toute circonstance, nous conseillons de ne donner des caisses plus grandes que progressivement et avec beaucoup de réserve; car, rencaissés trop grandement, les Lauriers et les Grenadiers poussent beaucoup, mais ne fleurissent pas, et les Orangers languissent. Jusqu'à l'âge de huit à dix ans, les Orangers doivent être rencaissés à peu près tous les deux ou trois ans, et ensuite tous les cinq ou six ans; mais il est nécessaire de rencaisser les Lauriers et les Grenadiers plus fréquemment, car il est positif que le développement des branches et des rameaux est toujours en rapport avec celui des racines, et comme ces arbustes végètent beaucoup plus vigoureusement que les Orangers, il faut donc les rencaisser plus souvent. Si, en attendant l'époque du rencaissage, il arrivait que les feuilles des arbustes jaunissent, sans que cela provînt d'une trop grande humidité, il faudrait leur donner un demi-rencaissage, ce qui consiste à couper bien net 0m,05 à 0m,10 de terre autour de la caisse et à la remplacer par de la terre neuve appropriée aux besoins de la plante. À la fin de ce chapitre, nous indiquerons la terre qui convient à chaque plante. Le rencaissage différant peu du rempotage, sauf l'exécution, qui doit être modifiée, nous renvoyons à cet article pour la connaissance des détails. Après l'opération, on couvre la surface de la terre d'un paillis de fumier consommé, et l'on donne un bon arrosement à chaque plante.
L'eau que l'on emploiera devra, comme pour les arrosements d'hiver, être restée quelque temps dans un tonneau; il serait même bon d'arroser de temps à autre avec de l'eau dans laquelle on aurait mis à décomposer des substances animales ou végétales.
Les arrosements devront avoir lieu au moins une fois par jour en été. Enfin, ils seront plus ou moins abondants, selon la température; puis on diminue progressivement à mesure que la température se rafraîchit.
Vers la fin d'août ou le commencement de septembre, il faut tailler les Orangers, opération qui consiste à supprimer les bois morts et toutes les petites branches inutiles ou mal placées, celles de l'intérieur, par exemple, car elles rendent la tête trop compacte et nuisent à la circulation de la séve. Enfin, qu'on élève les Orangers sous la forme arrondie ou cylindrique, il faut couper l'extrémité de toutes les branches élancées, de manière à donner à chaque arbre une forme régulière; c'est aussi à cette époque que l'on peut diminuer la tête de ceux qui prendraient trop d'accroissement, ou qui, ne poussant plus, auraient besoin d'être rajeunis, ce qui a lieu en rabattant toutes les branches plus ou moins près du tronc, suivant la force de l'arbre. Les Lauriers peuvent être soumis au même traitement lorsqu'ils s'élancent par trop; mais ils ne doivent pas être taillés annuellement, car alors on serait privé de fleurs. Il faut seulement, aussitôt qu'ils sont défleuris, couper l'extrémité des branches qui portaient les fleurs, afin d'avoir des arbres à tête bien arrondie. Les Myrtes doivent être soumis à une tonte régulière, qui doit avoir lieu aussitôt après qu'ils sont défleuris; les Grenadiers doivent aussi être tondus chaque année, afin de présenter une forme aussi gracieuse que possible; mais cette taille ne doit avoir lieu qu'au moment de la rentrée.
Afin de compléter autant que possible nos renseignements sur les plantes d'orangerie, nous dirons qu'il faut tondre également les Pélargoniums zonale avant de les mettre dans la serre.
§ III.—Composition de la terre qu'il faut donner aux plantes ci-après désignées.
Orangers.—Un quart de terre franche, un quart de bonne terre de potager, un quart de terre de bruyère, un quart de terreau gras.
Myrtes.—Terre de bruyère pure.
Grenadiers et Lauriers-roses.—Bonne terre de potager mêlée de terreau gras.
4. Serre tempérée.—Cette serre diffère de l'orangerie en ce qu'elle est beaucoup plus éclairée, condition indispensable pour la conservation des plantes que nous conseillons d'y placer; elle sera attenante à l'orangerie, et l'on communiquera de l'une dans l'autre: elle aura 8 mètres de longueur sur 3 de largeur, et à partir du sol intérieur, elle aura 2m,45 d'élévation par derrière; le devant aura 0m,80 de hauteur et sera vitré. Les petits châssis qui la fermeront seront fixés dans le haut par des charnières, et s'ouvriront horizontalement de bas en haut; ils porteront par en bas sur un petit mur d'appui recouvert d'une dalle, et ils battront sur les montants qui soutiennent la partie inférieure des chevrons, qui doivent être, comme le reste, en bois de chêne et placés à 1m,33 l'un de l'autre, de manière à recevoir les panneaux vitrés dont la serre doit être couverte. Ceux du premier rang auront 2 mètres de longueur sur 1m,33 de largeur; ils porteront du bas sur une planche d'égout destinée à rejeter les eaux pluviales, et du haut sur une traverse nommée entretoise, qui doit aller d'un chevron à l'autre. Les panneaux du second rang n'auront que 1m,36 de longueur, et pour qu'ils puissent porter sur les chevrons, il faut appliquer une semelle sur chacun d'eux, de manière à former l'épaisseur des panneaux du bas, sur lesquels ceux du second rang devront porter d'environ 0m,03, et du haut sur une traverse qui, comme celle du bas, doit aller d'un chevron à l'autre.
Les panneaux seront fixés en haut par des crochets placés à l'intérieur, et pour donner de l'air on soulèvera le bas, que l'on tiendra ouvert au moyen de petites crémaillères en fer.
On fera en haut de la serre un petit toit avancé, sur lequel on doit pouvoir circuler pour faire le service des paillassons; et, afin d'éviter qu'on ne glisse sur les panneaux, il faut faire placer une main-courante dans toute la longueur de la serre. À l'intérieur, on ménagera au niveau du sol de l'orangerie un chemin de 0m,75 de largeur, soutenu par un mur d'appui; car le reste de la serre doit être de 0m,50 plus bas. Le milieu sera occupé par un gradin de 1m,25 de largeur, formé de six tablettes; la hauteur du gradin doit être calculée de manière que les plantes ne soient pas à plus de 0m,60 ou 0m,80 des vitres; on fera devant le gradin un chemin de 0m,50 de largeur, afin de pouvoir circuler tout autour, puis on établira une tablette contre le mur de derrière, et un autre chemin de 0m,50 de largeur sur le devant de la serre et sous laquelle circuleront les tuyaux du poêle, dont la bouche doit toujours être en dehors. On fera une ouverture dans le pignon de cette serre, et on la garnira d'une double porte, qui servira d'entrée pendant les gelées, ce qui évitera d'ouvrir celle de l'orangerie.
§ IV.—De la rentrée des plantes de serre tempérée et de leur traitement en hiver.
La rentrée des plantes doit avoir lieu dans le courant d'octobre, mais il nous est impossible d'en déterminer au juste l'époque; nous dirons seulement qu'il faut éviter autant que possible qu'elles ne restent exposées à l'humidité de l'automne, et surtout qu'elles ne soient atteintes par les premières gelées. Dès le commencement du mois, les panneaux doivent être prêts à être placés sur la serre; l'intérieur en sera nettoyé et toutes les réparations faites; enfin, dès cette époque, elle doit être prête à recevoir les plantes, que l'on placera dans l'ordre suivant, ce qui ne devra toutefois avoir lieu qu'après avoir nettoyé les pots et gratté légèrement la surface du sol, afin de ne laisser ni herbe ni mousse.
On placera sur le gradin les Pélargoniums, les Calcéolaires, les Cinéraires et les Verveines. Sa disposition permet de placer au-dessous des Hortensias, des Érythrines, des Balisiers, ou les tubercules de Dahlias. On mettra sur la tablette placée contre le mur de derrière les plantes grasses ou celles qui exigent peu de soins pendant l'hiver; mais la tablette du devant sera réservée pour les Camélias, qui doivent toujours être placés dans la partie la plus éclairée de la serre. Toutes ces plantes seront placées sur les tablettes, par rang de taille, en ayant soin de les distancer de manière que les têtes ne se touchent pas; et pendant leur séjour dans la serre, il faut avoir soin de les retourner de temps à autre, afin qu'elles présentent successivement toutes leurs parties à la lumière; car, sans cette précaution, elles s'inclineraient toutes du même côté et n'auraient plus alors qu'une forme disgracieuse. Depuis le placement des plantes dans la serre jusqu'au printemps, les arrosements doivent être modérés et avoir lieu seulement au fur et à mesure que les plantes en ont un véritable besoin. Ils se feront avec un petit arrosoir auquel on ajoutera un bec de prolongement pour atteindre les plantes éloignées, et l'eau que l'on emploiera aura dû être tenue pendant quelque temps à la température de la serre. Les autres soins consistent à entretenir la propreté et à renouveler l'air aussi souvent que possible, en évitant toutefois d'ouvrir les châssis par un temps couvert ou pluvieux, afin de ne pas introduire d'humidité dans la serre; puis, dès l'approche des froids, l'on bouchera hermétiquement toutes les ouvertures avec de la mousse, et quand le soir le temps sera clair, et que le thermomètre placé extérieurement ne marquera plus que 3 ou 4 degrés de chaleur, il faudra couvrir la serre avec des paillassons, car il est probable qu'il gèlera dans la nuit.
En décembre, on garnira les petits châssis du devant de la serre d'un réchaud de fumier sec; et, quel que soit l'état de température, il est prudent de couvrir la serre toutes les nuits, en ayant soin toutefois d'enlever les paillassons pendant le jour, à moins cependant que le temps ne soit couvert et le froid rigoureux. Au reste, l'on peut découvrir sans inconvénient toutes les fois que le thermomètre ne marquera pas plus de 4 à 5 degrés de froid; seulement, il faut avoir soin de remettre les paillassons avant qu'il se soit formé du givre sur les vitres; et si à cette époque il arrivait qu'on donnât de l'air, il faudrait toujours refermer avant la disparition du soleil, afin de concentrer de la chaleur dans la serre, ce qui peut souvent épargner la peine de faire du feu la nuit; enfin, soit en doublant les paillassons, soit en faisant un peu de feu (ce qu'il ne faut faire qu'avec beaucoup de réserve), on veillera à ce que la température de la serre ne descende pas au-dessous de 5 degrés de chaleur, et si l'on se trouvait dans la nécessité de faire du feu, il ne faut pas qu'elle soit portée à plus de 6 à 8 degrés, car le point essentiel est de maintenir les plantes dans un état de repos dont il faudrait qu'elles ne sortissent que vers la fin de l'hiver. Comme presque toutes les plantes dont nous avons parlé sont sujettes à être attaquées des pucerons, il faut, aussi souvent que le besoin s'en fera sentir, avoir recours à une fumigation de tabac, ce qui doit se faire après avoir tout fermé[4].
Arrivé au mois de mars, il n'est plus besoin de faire du feu dans la serre, car ordinairement le soleil échauffe suffisamment l'atmosphère; souvent même, au moment où il rayonne directement sur la serre, il est nécessaire d'étendre une toile de tissu clair sur les panneaux, afin d'éviter que le feuillage des plantes ne soit brûlé. Dès ce moment, les arrosements doivent peu à peu être plus fréquents et plus abondants; il est même nécessaire de seringuer les plantes de temps à autre, opération qui doit à cette époque avoir lieu le matin. Mais, tout bienfaisants que soient ces arrosements, il faut les suspendre dès l'épanouissement des premières fleurs de Pélargonium, car ils en terniraient promptement l'éclat. Dans les premiers jours d'avril, on introduira progressivement, et selon la température, une plus grande quantité d'air dans la serre, afin de fortifier les plantes qui doivent bientôt être exposées à l'air libre. Si l'on veut avoir une brillante floraison de Pélargoniums, il faut les sortir de la serre aussitôt que la température le permettra, et les placer à une bonne exposition, en ayant soin de les disposer de manière que l'on puisse facilement les couvrir la nuit, s'il arrivait que la température l'exigeât; après quoi on les laisse ainsi jusqu'au moment où les premières fleurs commenceront à s'épanouir, et alors on les replacera dans la serre: de cette manière, on aura des plantes moins élancées, plus robustes, et des fleurs d'un coloris plus vif. S'il arrive que quelque circonstance empêche de sortir les Pélargoniums aussitôt que nous l'indiquons, il faudra, pour remédier autant que possible à ce contre-temps, donner de l'air par toutes les ouvertures de la serre.
§ V.—De la sortie des plantes de serre tempérée et de leur traitement en été.
Dans la première quinzaine de mai, et autant que possible par un temps couvert, on sortira les plantes de la serre, excepté les Pélargoniums et les Calcéolaires, que l'on ne sortira qu'après qu'ils seront défleuris, afin de jouir de toute la beauté de leur floraison; et alors on les traitera comme nous allons l'indiquer en parlant des plantes que l'on doit sortir. On les déposera pendant quelques jours à une exposition ombragée, afin qu'elles se fortifient; et avant de les mettre en place, on rempotera celles qui en auraient besoin, ce qui doit avoir lieu chaque année pour celles qui poussent beaucoup. Mais toutes ne peuvent être rempotées à la même époque; car, pour que cette opération soit faite à propos, il faut toujours qu'elle ait lieu quelque temps avant l'époque où les plantes entrent en végétation, et c'est à tort que beaucoup de jardiniers rempotent encore indistinctement toutes les plantes à l'automne. On comprendra facilement le motif qui nous fait blâmer cet usage: le rempotage ne peut guère avoir lieu sans que les racines soient endommagées; il arrive même souvent que, le chevelu ayant complétement tapissé la motte, il devient nécessaire de la diminuer; il est certain alors que cette opération peut être inutile, sinon nuisible, lorsqu'elle a lieu à une époque où les plantes doivent rester plusieurs mois en repos. Ainsi donc, il est préférable de rempoter les plantes au printemps. Cependant, pour celles qui, comme les Pélargoniums, végètent vers la fin de l'hiver, il faut les rempoter vers la fin d'août ou au commencement de septembre, en un mot, assez à temps pour qu'elles puissent refaire de nouvelles racines avant l'hiver. Puisque nous sommes arrivés à parler des Pélargoniums, nous dirons qu'il faut toujours tailler une quinzaine de jours avant le rempotage; cette opération consiste à supprimer les branches maigres ou mal placées, et à rabattre celles de l'année à deux ou trois yeux au-dessous de leur insertion, selon leur position et la vigueur des plantes, mais toujours de manière à former une tête bien arrondie. Immédiatement après l'empotage, dont nous indiquerons les détails dans le chapitre suivant, on arrosera les plantes avec l'arrosoir à pomme, puis on les placera par rang de taille dans un lieu bien aéré, mais à mi-ombre autant que possible; et, à défaut d'abri naturel, on formera des palissades à claire-voie en menus roseaux fixés du haut et du bas sur des gaulettes maintenus par des pieux; on continuera d'arroser à propos; on pourra même continuer les seringages, ce qui, pendant les journées chaudes de juin, juillet et août, ne devra avoir lieu que vers la fin de la journée. Si, peu de temps après l'empotage, il survenait des pluies abondantes, il faudra momentanément coucher les pots de côté, pour éviter qu'une trop grande humidité ne fît pourrir les racines. Bien que nous indiquions d'une manière générale les soins à donner aux plantes de serre tempérée, ils peuvent être appliqués à toutes les plantes cultivées en pots, à moins qu'on n'enfonce les plantes en pleine terre avec leur pot, ce qui cependant ne peut avoir lieu que pour les Verveines, les Pétunias, les Hortensias, les Pélargoniums et quelques variétés de Calcéolaires, toutes plantes avec lesquelles on peut former des groupes très-gracieux.
Il n'est plus besoin alors de les protéger contre l'ardeur du soleil; seulement, il faut les rabattre et les rempoter assez à temps pour qu'elles aient repris au moment de les rentrer dans la serre.
§ VI.—Rempotage.
Avant de procéder au rempotage, on aura dû préparer la terre favorable à chaque plante, ce que nous indiquerions à la fin de ce chapitre; et, lorsque tout sera disposé, on profitera autant que possible d'un temps couvert, ou, à défaut, on se mettra dans un lieu à l'ombre.
On prend alors successivement chaque plante, on la dépote avec précaution en plaçant la main gauche sur la surface de la terre, de manière que la tige passe entre les doigts, puis on renverse la plante la tête en bas, et, en soutenant le pot de la main droite on en frappe légèrement le bord sur un point d'appui, et une fois la motte sortie du pot, on la visite. S'il arrive, ce qui a souvent lieu, que le chevelu qui tapisse la motte soit formé d'un tissu de racines desséchées, on le coupe bien net, puis, en grattant légèrement, on fait tomber une plus ou moins grande partie de vieille terre, selon qu'elle sera plus ou moins décomposée; ensuite on supprime les racines rompues ou pourries. Après avoir ainsi préparé la motte, s'il arrivait qu'elle fût très-sèche, on la plongerait dans l'eau jusqu'à ce qu'elle fût bien imbibée. Après l'avoir fait égoutter, on la place dans le pot qu'on lui destine, et qui doit toujours être proportionné au volume des racines et à la vigueur de la plante, ce qui cependant ne doit avoir lieu qu'après avoir placé un tesson ou un lit de gravier au fond du pot, afin de faciliter l'écoulement de l'eau des arrosements. Ensuite on met un lit de terre dont l'épaisseur doit être calculée de telle sorte que la surface de la motte se trouve de 0m,04, à 0m,05 au-dessous des bords du pot; puis on coule de la terre entre la motte et les parois du pot, en ayant soin de maintenir la tige de la plante juste au milieu, et, afin qu'il n'existe aucun vide, on la foule avec une spatule; on frappe légèrement le fond du pot par terre, puis on achève de remplir le pot avec de la terre, qu'on tasse cette fois avec les pouces, en ayant soin de laisser la surface de la terre d'environ 0m,01 plus basse que les bords du pot, afin de recevoir l'eau des arrosements.
Tel est l'ensemble des soins que nécessitent les plantes de serre tempérée. Bien que donnés d'un manière très-succincte, ces conseils suffiront toujours pour cultiver toutes les plantes qui ne s'écartent pas de la culture ordinaire.
§ VII.—Composition de la terre qu'il faut donner aux plantes ci-après désignées.
Pélargoniums.—Un tiers de terre de bruyère, un tiers de terre franche, un tiers de terreau de feuilles, ou, à défaut de fumier, un peu de poudrette bien tamisée[5].
Calcéolaires.—Terre de bruyère, terre franche et terreau de feuilles.
Verveines.—Terre de bruyère mêlée d'une partie de bonne terre de potager.
Cinéraires.—Terre de bruyère et terreau.
Camélias.—Terre de bruyère pure.
Hortensias.—Terre de bruyère pure.
Plantes grasses.—Terre de bruyère mêlée d'un peu de poudrette bien tamisée.
5. Serre chaude.—Cette serre communique, ainsi que la serre tempérée, avec l'orangerie. Comme sa structure est exactement semblable à celle de la serre tempérée, nous renvoyons à celle-ci pour la construction, et nous ne parlerons que des dispositions intérieures.
Le chemin intérieur aura 0m,75 de largeur, et la couche 2m,25, y compris un petit mur d'appui de 0m,45 de hauteur pour la soutenir; et un autre sur le devant de la serre, où circulent les tuyaux du poêle, dont la bouche sera toujours en dehors. La tablette placée contre le mur de derrière est destinée à recevoir des Fraisiers en pots. On pourra remplacer la couche de fumier par un thermosiphon, dont les tuyaux circuleront sous un plancher recouvert d'un lit de tannée assez épais pour que l'on puisse enterrer les pots, et la température intérieure pourra être produite par le même appareil à l'aide de tuyaux qui circulent au-dessus de la couche.
La culture des plantes de serre chaude étant fort restreinte, nous nous bornerons à dire que pendant l'hiver il faut entretenir la température de la serre entre 15 et 18 degrés centigrades. En avril, on commence à seringuer les plantes et à donner un peu d'air vers le milieu de la journée.
Dans la seconde quinzaine de mai, on sort les plus rustiques, pour les rentrer dans le courant de septembre; enfin, on peut dire que les soins généraux à donner aux plantes de serre chaude sont les mêmes que ceux indiqués pour les plantes de serre tempérée.
CHAPITRE XI.
Jardin potager.
Ail (Alium sativum).—Il se multiplie de caïeux que l'on plante en planches et en bordures, vers la fin de février et au commencement de mars. Toutes les terres lui conviennent, mais il préfère celles qui sont légères et substantielles. Au commencement de juin, on fait un nœud avec les feuilles et la tige, afin d'arrêter la séve au profit des bulbes, que l'on arrache aussitôt que les feuilles commencent à se dessécher; et avant de les mettre en bottes, on les laisse quelque temps sur le terrain, où ils achèvent de mûrir; puis on les suspend dans un endroit sec pour les conserver jusqu'au printemps.
Ail d'Espagne ou Rocambole.—Cette espèce, moins répandue que la précédente, en diffère en ce qu'elle produit, au lieu de graines, des bulbilles qui peuvent servir à sa reproduction. Du reste, la culture est la même.
Fig. 10.—Serre à Ananas.
Ananas (Ananassa sativa).—Pour élever les Ananas et les préparer à la fructification, il faut avoir des châssis de 1m,65 de longueur sur 1m,33 de largeur, et, pour les faire fructifier, une serre bien exposée, à une ou deux pentes peu élevées, de manière que les plantes ne se trouvent pas trop éloignées du verre.
La première quinzaine d'octobre est l'époque la plus favorable pour la plantation des couronnes et des œilletons, et cela parce que les jeunes plantes ne demanderont pas plus de soins pour passer l'hiver en terre qu'il n'en faudrait pour conserver les vieux pieds, et au printemps on aura des plantes déjà fortes et tout enracinées. Vers la fin de septembre, on prépare une bonne couche d'environ 0m,60 d'épaisseur, composée de moitié fumier neuf, moitié feuilles mêlées, ou, à défaut, d'une partie de fumier provenant d'anciennes couches. La hauteur de la couche aura dû être calculée de telle sorte, qu'après avoir été rechargée de 0m,20 ou 0m,30 de tannée, ou, à défaut, de mousse, les plantes se trouvent être aussi près du verre que possible. Les œilletons destinés à la plantation doivent être pris de préférence dans l'aisselle des feuilles, où ils sont toujours plus forts. Après avoir enlevé ces œilletons, on ne conserve les vieux pieds que si l'on est à court de plants, et seulement jusqu'à ce qu'ils aient produit le nombre d'œilletons dont on a besoin. Avant de planter les œilletons, on dégarnit de feuilles la partie qui doit être en terre (environ 0m,05 à 0m,06); puis on rafraîchit proprement la plaie, et on les plante immédiatement dans des pots de 0m,10 à 0m,12 de diamètre, suivant leur force. Ce que nous conseillons pour les œilletons est, en toutes circonstances, applicable aux couronnes. Nous dirons à ce sujet que l'on peut, si le besoin l'exige, conserver les couronnes pendant un mois au moins, en les plaçant à l'ombre dans un lieu sec. Pour la plantation, on emploiera de la terre de bruyère pure, ou, à défaut, une terre composée d'un cinquième de terre franche, moitié de terre de bruyère et un sixième de terreau, le tout préparé depuis six mois au moins, remué plusieurs fois et passé à la claie. Il faut que cette terre, au moment de l'empotage, ne soit pas humide, sans cependant être desséchée, bien qu'il vaille mieux toutefois l'employer sèche qu'humide. Aussitôt après la plantation, on enfonce les pots dans la couche, en commençant par le rang du haut et en choisissant toujours les plants les plus élevés, ce qu'il faut observer chaque fois qu'on les replace, en raison de la pente que l'on doit toujours donner aux châssis. Il faut avoir soin de les espacer suivant leur force. Pendant la nuit, on couvre les châssis avec des paillassons; pendant le jour, on atténue l'intensité des rayons solaires avec une toile ou du paillis, qu'on étend sur les châssis; enfin, pendant un mois, espace de temps nécessaire pour qu'ils prennent racine, on les soigne comme des boutures. Quand ils commencent à végéter, on leur donne un peu d'air en soulevant les châssis au moment du soleil; puis on les arrose au pied, mais seulement au fur et à mesure du besoin. Vers le commencement de novembre, c'est-à-dire à l'époque des froids et des temps humides, on entoure le coffre d'un bon réchaud de fumier qui doit descendre à la même profondeur que la couche, et à partir de cette époque jusqu'au printemps, il doit être remué au moins tous les mois, en y ajoutant chaque fois une partie de fumier neuf. Quand les froids sont rigoureux, il faut doubler les paillassons pendant la nuit, étendre sur le tout une bonne couche de litière, et avoir soin d'entretenir les réchauds à hauteur de châssis: puis on découvre les panneaux tous les jours, à moins que le thermomètre ne descende au-dessous de 4 ou 5 degrés de froid.
Au printemps, les arrosements doivent être plus fréquents et plus abondants, et l'on donne de plus en plus d'eau, à mesure que le soleil prend de la force. Dans les premiers jours de mai on fait une couche qui doit être beaucoup plus longue que celle d'automne, en raison du développement qu'ont pris les plantes; mais, la température étant plus douce, il n'est pas nécessaire qu'elle soit aussi chaude qu'à l'automne. Il en est de même des réchauds, que l'on ne fait pas aussi profonds et que l'on ne remanie que de loin en loin. Cette fois, on remplace la tannée par une couche de terre de 32 centimètres d'épaisseur, semblable à celle qu'on emploie pour l'empotage des œilletons; puis on dépote les Ananas, on visite les racines, et s'il s'en trouve quelques-unes qui soient pourries, on les supprime; dans le cas contraire, on les ménage toutes; seulement on retranche à chaque pied quelques feuilles du bas; après quoi on les plante sur la couche, en ayant soin de les enfoncer de manière que l'ancienne motte se trouve recouverte de quelques centimètres de terre, afin de favoriser l'émission de nouvelles racines, qui partent du collet. Quelque temps après la plantation, on commence à donner un peu d'air; puis on augmente progressivement, suivant la température; car, arrivé à ce point, il est préférable de ne pas habituer les Ananas à être ombragés; par ce moyen on aura des plantes beaucoup plus rustiques, mais on comprend qu'il faut alors leur donner plus d'air. Pendant les chaleurs on peut, sans inconvénient, les arroser avec l'arrosoir à pomme, surtout si l'on a planté sur une bonne couche, car l'humidité ne leur est réellement préjudiciable qu'en hiver. Ainsi traités, les Ananas auront pris à l'automne un développement qu'on trouverait à peine chez ceux cultivés constamment en pots depuis deux ans. Vers la fin de septembre ou dans le commencement d'octobre, on relève les Ananas de pleine terre; on supprime alors tous les œilletons, puis quelques feuilles du bas; et comme l'Ananas est au nombre des plantes dont les racines périssent chaque année et sont remplacées par de nouvelles, on supprime toutes les anciennes en les coupant près de la plante; après quoi on lie les Ananas avec un lien de paille, de manière à les rempoter plus facilement, ce qui doit avoir lieu dans des pots de 0m,24 de diamètre seulement. Cette opération s'appelle planter à cul nu. Après l'empotage on les place sur une nouvelle couche, et jusqu'à ce qu'ils aient de nouvelles racines on leur donne les mêmes soins qu'aux œilletons du premier âge. Vers le mois de janvier on les place dans une serre où l'on a préparé une couche d'environ 6m,65 d'épaisseur et de toute la largeur de l'encaissement, qui ne doit pas avoir moins de 2 mètres. Cette couche doit être chargée d'un bon lit de tannée ou de mousse, de manière à pouvoir facilement y enterrer les pots, que l'on place à environ 0m,50 les uns des autres en tous sens; enfin, suivant la force des plants, on les laisse ainsi jusqu'à ce qu'ils marquent fruit, c'est-à-dire depuis avril jusqu'en juillet, et alors on les plante en pleine terre sur la même couche, après l'avoir remaniée et avoir remplacé la tannée par un lit de terre. Pendant tout le temps que les Ananas restent dans la serre, on peut avec avantage remplacer la couche dont nous avons parlé par un chauffage au thermosiphon; dans ce cas on place la tannée, et par suite la terre, sur un plancher sous lequel circulent les tuyaux de l'appareil. On règle le chauffage de manière à entretenir à peu près 25 à 30 degrés dans la couche, chaleur bien suffisante pour les besoins de ces plantes.
Au printemps, on commence à moins chauffer, pour cesser complétement en mai, car, à partir de cette époque jusqu'en septembre, la chaleur du soleil suffit. La serre dans laquelle on place les Ananas est ordinairement divisée en deux par une cloison vitrée, de manière à faire deux saisons. Les plus fortes plantes doivent être placées dans le premier compartiment, et l'on commence ordinairement à les chauffer vers la fin de janvier. À partir de cette époque, la température de la serre doit être entretenue à une chaleur constante de 25 à 30 degrés; pendant la nuit, jusque vers la fin d'avril, on couvre la serre avec des paillassons, qu'il faut enlever tous les jours. Pour les arrosements qui ont lieu au pied des plantes, on emploie avec avantage de l'eau dans laquelle on aura fait décomposer des substances animales ou végétales. Pendant l'hiver il faut subordonner les arrosements à la chaleur de la couche et avoir soin que l'eau soit à la température de la serre; mais, en été, ils doivent être abondants, et même de temps à autre on donne des bassinages. Comme nous l'avons précédemment indiqué, il est nécessaire de donner beaucoup d'air, afin de ne point ombrer. Les fruits de la première saison mûrissent ordinairement de juillet en septembre.
On a soin de ne pas élever à plus de 12 degrés la température du côté de la serre où se trouvent placées les plantes destinées à faire la seconde saison; mais au mois de mars, époque où l'on commence habituellement à les chauffer, on observera tout ce qui a été indiqué pour la première.
Les fruits de la seconde saison mûrissent ordinairement de septembre en décembre. On voit qu'en traitant les Ananas comme nous venons de l'indiquer, on obtient des fruits bons à récolter vingt ou vingt-six mois après la plantation des œilletons, ce qui démontre d'une manière concluante la supériorité de ce mode de culture sur celui que l'on pratiquait autrefois.
Variétés.—De la Martinique, — de Cayenne, — de la Jamaïque, — de la Providence, — de Mont-Serrat, — Duchesse-d'Orléans, — Comte-de-Paris, — Enville, — Poli blanc, — Charlotte-Rothschild.
Arroche des jardins. Belle-Dame, Bonne-Dame (Atriplex horensis).—Cette plante n'est guère cultivée que pour adoucir l'acidité de l'Oseille.
On la sème au printemps, et elle n'exige aucun soin; elle se ressème ordinairement d'elle-même; et, quand on en possède quelques pieds, il est rare qu'il soit nécessaire d'en semer.
Les graines d'Arroche ne se conservent bonnes que pendant une année.
Variétés.—Arroche blonde, — Arroche rouge.
Artichaut (Cynara Scolymus).—Pour cultiver les Artichauts avec succès, il faut une terre douce et substantielle; ils aiment la chaleur, et craignent l'humidité froide. On peut les multiplier de graines semées sur une couche en février et mars, ou bien immédiatement on place en avril et mai; mais, comme ils reproduisent rarement leurs variétés, il est préférable de les propager par œilletons. Cette opération a lieu de la manière suivante: En avril, on éclate les rejetons qui naissent au collet des vieux pieds, en ayant soin de les enlever avec le talon ou portion du collet de la racine; puis on choisit les plus forts, on raccourcit l'extrémité des feuilles, et, après avoir bien préparé le terrain, on les plante en échiquier, à environ 0m,75 dans les terres un peu maigres, et à 1 mètre dans celles où l'on espère une végétation vigoureuse. S'ils sont binés et arrosés, une bonne partie de ces œilletons donneront fruit à l'automne, et tous fructifieront abondamment au printemps suivant. Chaque année, à l'automne, il faut avoir soin de couper les vieilles tiges et l'extrémité des feuilles les plus longues; puis, dans le courant de novembre, en un mot, avant les gelées, il faut les butter, opération qui consiste à relever la terre autour de chaque pied; et quand la gelée commence à se faire sentir, on les couvre complétement avec des feuilles ou de la litière, qu'on écarte toutes les fois que le temps se radoucit. Dans le courant de mars, lorsque les gelées ne sont plus à craindre, on détruit les buttes des Artichauts, et on leur donne un bon labour; puis, en avril, on les œilletonne, comme nous l'avons indiqué précédemment, de manière à ne laisser que les deux ou trois plus beaux œilletons sur chaque pied. Une plantation d'Artichauts ne produit abondamment que pendant quatre ans; il faut donc replanter tous les trois ans, afin de ne pas éprouver d'interruption dans les récoltes. Comme les racines des Artichauts ne prennent pas un grand développement, elles n'épuisent en rien le terrain environnant, et l'on peut sans inconvénient contre-planter d'avance de jeunes Artichauts entre ceux que l'on doit détruire, de manière que le terrain se trouve, au moment d'arracher les vieux Artichauts, garni de jeunes pieds en plein rapport.
On peut facilement avancer l'époque de production des Artichauts. Soit qu'on les force sur place, soit qu'on les relève en mottes, dans le courant de novembre, pour les planter dans un coffre, les soins consistent à entourer le coffre d'un réchaud de fumier pendant les gelées, à couvrir les panneaux pendant la nuit et à donner de l'air pendant le jour. Les Artichauts ainsi traités produisent en avril. On peut aussi, ce qui est beaucoup plus simple, forcer les Artichauts de la manière suivante:
Dans la première quinzaine de février, on enlève la terre des sentiers qui entourent la planche à environ 0m,50 de profondeur, et on la remplace par un réchaud de fumier neuf; après quoi on met des cerceaux de loin en loin en travers de la planche, de manière à servir de support aux paillassons qu'on emploie pour couvrir les Artichauts pendant la nuit et par le mauvais temps; puis on couvre le sol avec du fumier chaud, afin d'activer la végétation, on remanie les réchauds tous les dix ou quinze jours, en ajoutant chaque fois plus ou moins de fumier neuf, suivant l'état de la température.
Les graines d'Artichaut se conservent bonnes pendant cinq ans.
Variétés.—Vert de Provence, — vert de Laon, — Camus de Bretagne, — violet.
Asperge (Asparagus officinalis).—On en cultive deux variétés: la commune ou Asperge verte, et celle connue sous le nom de grosse Asperge violette ou de Hollande. Celles de Marchiennes, d'Ulm, de Besançon et de Vendôme ne sont que des variétés de la dernière, résultant d'influences locales.
Les Asperges se multiplient de graines, qu'on sème en mars, soit en place, soit en pépinière, en pleine terre ou sur couche, pour être plantées ensuite.
Les méthodes de plantation varient suivant les pays; celle que nous exposons ayant produit d'excellents résultats dans toutes les localités où elle a été mise en pratique, nous croyons devoir lui donner la préférence.
Après avoir fait choix d'un emplacement favorable, on enlève en automne 0m,25 à 0m,30 de terre sur toute la surface du terrain destiné à la plantation. Si, à cette profondeur, la terre ne se trouve pas être de bonne qualité, on enlève un fer de bêche en plus, que l'on remplace par égale quantité de bonne terre prise à la surface du sol ou dans toute autre partie du jardin. On pourrait même y mélanger de vieux gazons consommés ou des débris de vieilles couches, si le fonds était trop humide ou de nature trop compacte et capable de retenir l'eau; mais, dans un cas comme dans l'autre, on étend au fond de la tranchée un bon lit de fumier de vache ou tout autre bon engrais; car, pour que les Asperges réussissent bien, il leur faut un sol non-seulement léger et sablonneux, mais encore bien amendé; puis, par-dessus le tout, on rapporte un lit de bonne terre, dont l'épaisseur doit être calculée de telle sorte que les griffes d'Asperges soient plantées à 0m,15 de profondeur, au lieu de 0m,35 que l'on indiquait autrefois par suite d'une erreur que l'expérience a démontré la nécessité de modifier.
Dans le courant de mars on donne un bon labour, on passe le râteau sur le tout, afin d'enlever les mottes et les pierres; on divise le terrain par planches de 1m,33 de largeur, entre chacune desquelles on laisse un sentier d'environ 0m,50; après quoi on trace quatre rangs qui doivent être distancés également entre eux et de manière que les deux rangs extérieurs soient à 0m,16 des bords de la planche. On prend ensuite des plants d'un ou de deux ans de semis, arrachés à la fourche avec précaution, afin que les racines ne soient pas brisées; on place les griffes à environ 0m,40 les unes des autres sur la ligne, et, après avoir bien étendu les racines, on les recouvre de terre bien meuble; il faudrait même la passer à la claie, si elle était mêlée de pierres de mottes ou de terre mal brisées.
Une fois les planches également recouvertes, on étend sur chacune un bon paillis de fumier à moitié consommé.
Chaque année, à l'automne, on coupera de vieilles tiges, on donnera un léger binage, puis on étendra sur le tout un bon paillis de fumier à moitié consommé. En procédant ainsi, les Asperges seront en plein rapport à la troisième pousse; on coupera les plus grosses à l'aide du couteau à asperge. Ce qui, arrivé à ce point, peut avoir lieu sans nuire en rien à la récolte de l'année suivante.
On peut aussi faire le semis en place, après avoir préparé les planches comme nous l'indiquons plus haut. On sème en lignes en février ou mars; et, quand le plant est assez fort, on n'éclaircit en ne laissant que les plus beaux pieds et à une distance égale à celle que nous avons indiquée; après quoi les autres soins à leur donner sont les mêmes que pour les Asperges plantées.
Nous ajouterons encore un autre procédé, communiqué au Cercle général d'horticulture par M. Lenormand, qui le pratique avec succès depuis un grand nombre d'années. Nous laisserons cet habile horticulteur indiquer lui-même la manière dont il établit ses plantations d'Asperges:
«Au mois d'avril 1834, je fis des tranchées de 1m,30 de largeur sur 0m,33 de profondeur, dans lesquelles je fis des couches, qui, foulées et mouillées, avaient de 0m,38 à 0m,40 d'épaisseur; après les avoir recouvertes de terre bien nivelée, je plaçai les coffres destinés à recevoir les châssis, et dans chaque châssis je plantai douze griffes d'Asperges d'un an de semis. Après la plantation, je tapissai la terre d'un bon paillis et je plantai deux pieds de Melons qui sont parfaitement venus sans nuire aux Asperges. Lorsque les pieds de Melons ont été aux trois quarts de leur force, j'ajoutai quatre Choux-fleurs par châssis, et après la récolte des Melons, au mois de septembre, je semai des Mâches pour l'hiver; le tout a complétement réussi.
«Au mois de février suivant, la couche ayant tassé, je rechaussai mes griffes avec la terre des sentiers, puis je plantai sur le tout des Laitues et des Romaines, avec deux rangs de Choux-fleurs par planche, ce qui a fait disparaître toute trace de couche. Le tout a poussé avec une rapidité et une force étonnantes, puisque j'ai eu des Asperges de 0m,07 de circonférence. En bonifiant ainsi la terre, on peut obtenir deux récoltes par an, indépendamment des Asperges que l'on peut forcer dès la seconde année, et continuer ainsi en leur laissant une année de repos sur trois. Ce plant, établi en 1834, existe encore aujourd'hui, ce qui prouve que l'on ne fait rien perdre aux griffes de leur vigueur, quoique les mettant en rapport trois ans plus tôt qu'on ne pouvait le faire par l'ancien procédé.»
Les cultivateurs d'Argenteuil, dont les produits maraîchers jouissent d'une réputation justement méritée, cultivent les Asperges en lignes, le plus souvent entre la vigne, dont il existe de grandes étendues dans cette localité. Plantées peu profondément à 1 mètre les unes des autres en tous sens, les Asperges d'Argenteuil sont régulièrement fumées tous les deux ans. On les bine aussi souvent qu'il est nécessaire de le faire; on les déchausse chaque année, dans le courant de novembre, ce qui consiste à enlever quelques centimètres de la surface du sol; puis on les butte en février ou mars.
Pratiquée avec intelligence, cette culture donne des résultats tellement remarquables, qu'elle peut être adoptée avec confiance par toutes les personnes qui tiennent à récolter de très-grosses Asperges.
Si l'on veut avoir des Asperges précoces, on peut commencer à en forcer une planche dans les premiers jours de novembre, et l'on peut continuer successivement jusqu'en février, ce qui se fait de la manière suivante: après avoir placé les coffres sur les planches que l'on veut forcer, on étend un lit de terreau sur les Asperges, puis on enlève la terre des sentiers à 0m,50 de profondeur, et on la dépose sur les planches de manière à les recharger de 0m,33 environ, et cela afin d'avoir des Asperges beaucoup plus longues; puis on remplace la terre des sentiers par un réchaud de fumier neuf qui doit être élevé jusqu'à la hauteur des panneaux avec lesquels on couvre les coffres; mais, avant de placer les panneaux, on étend un lit de fumier sur les planches, afin d'activer la végétation; on aura soin toutefois d'enlever ce fumier aussitôt que les Asperges commencent à sortir de terre. Quel que soit l'état de la température, on ne donne pas d'air à ces Asperges. Pendant la nuit et par le mauvais temps, on couvre les panneaux avec de bons paillassons, afin de concentrer la chaleur. On remanie les réchauds tous les dix ou quinze jours environ, en ajoutant chaque fois plus ou moins de fumier neuf, suivant l'état de la température, enfin de manière à obtenir sous les panneaux une chaleur qui ne doit pas être moindre de 15 degrés, et qu'il est inutile d'élever à plus de 25. Ces Asperges sont ordinairement bonnes à couper vingt ou vingt-cinq jours (suivant l'état de la température) après qu'on aura commencé à les forcer.
Les vieilles griffes ou celles qu'on se propose de détruire peuvent être plantées sur couche, où elles produiront, une fois seulement, des Asperges minces et vertes propres à être mangées en petits pois.
Pour cela, on prépare une couche de 0m,60 à 0m,80 d'épaisseur, dont la chaleur soit de 20 à 25 degrés; on pose des coffres, on charge la couche de quelques centimètres de terreau, puis on remplit les sentiers, mais à moitié seulement. Lorsque la couche a jeté son premier feu, on prend les griffes d'Asperges, et, sans rien retrancher de la longueur des racines, on les place sur la couche les unes à côté des autres; on les laisse en cet état pendant quelques jours, après quoi on coule un peu de terreau entre les griffes, de manière à les recouvrir légèrement, puis on achève de remplir les sentiers, et on les remanie au besoin. Pendant la nuit, on couvre les panneaux avec des paillassons, et dès que les Asperges commencent à pousser, il faut leur donner de l'air pendant le jour, à moins que la température ne soit par trop défavorable. Au bout de douze ou quinze jours, les Asperges commencent à produire, et l'on coupe pendant tout le temps qu'elles donnent, c'est-à-dire pendant trois mois environ.
Les graines d'Asperges mûrissent vers la fin d'octobre, et sont bonnes pendant quatre ans.
Aubergine ou Mélongène (Solanum Melongena).—Sous le climat de Paris, on sème l'Aubergine vers la fin de décembre ou au commencement de janvier, sur une couche dont la chaleur soit de 20 à 25 degrés. Pendant la nuit, on couvre les panneaux avec des paillassons; quinze jours ou trois semaines après les semis, on repique le plant en pépinière, mais sur une couche moins chaude que la première; au bout de quelque temps, on le relève, pour le repiquer une seconde fois avant de le mettre en place. Lorsque le plant est repris et que l'état de la température le permet, on commence à donner un peu d'air.
Dans le courant de mars, on prépare une dernière couche, dont la longueur doit être proportionnée à la quantité de plants qu'on veut cultiver; on place les coffres, on charge la couche de terreau, et lorsque la chaleur de la couche est convenable (15 à 20 degrés), on plante quatre Aubergines sous chaque panneau de 1m,33; on les prive d'air pendant quelques jours, afin de faciliter la reprise des plantes; après quoi, on commence à donner un peu d'air, soit par le haut, soit par le bas des panneaux; puis on augmente progressivement à mesure qu'on avance en saison, de manière à enlever les panneaux et les coffres dans le courant de mai. Les autres soins consistent à arroser au besoin, il nettoyer les feuilles qui sont attaquées par les kermès.
Les graines d'Aubergine sont bonnes pendant sept ans.
Variétés.—Violette, — blanche, — panachée, — géante.
Baselle (Basella).—Plante grimpante, dont les feuilles remplacent les Épinards. On sème en mars sur couche, et lorsqu'on n'a plus de gelées à craindre, on repique en pleine terre, au pied d'un mur, à bonne exposition.
La durée de la germination des graines de Baselle est de trois ans.
Variétés.—Baselle rouge, — Baselle blanche.
Basilic commun (Ocimum Basilicum).—Plante annuelle, que l'on emploie, ainsi que ses variétés, comme assaisonnement. Toutes se sèment en mars, sur couche, pour être replantées en mai à une exposition ombragée.
Les graines de Basilic se conservent pendant six ans.
Betterave (Beta vulgaris).—On la sème à la fin d'avril ou au commencement de mai, en lignes ou à la volée, en terre profondément labourée et fumée de l'année précédente; puis, lorsque les plants ont cinq ou six feuilles, on les éclairait de manière qu'ils se trouvent à environ 0m,35 les uns des autres, et l'on en repique dans les places où il en manque, opération qu'il ne faut faire que par un temps pluvieux. Dans le courant de l'été, on leur donne plusieurs binages, et vers la fin d'octobre ou au commencement de novembre, on fait la récolte des racines, après en avoir coupé les feuilles. On les met dans la serre à légumes ou dans une cave bien saine; on peut en conserver ainsi jusqu'en mai.
Les graines de Betterave mûrissent en septembre et se conservent bonnes pendant cinq ou six ans.
Variétés.—Rouge, — rouge de Castelnaudary, — rouge foncé de Whyte, — Turnep, — jaune, — jaune de Castelnaudary.
Bourrache (Borrago officinalis).—Plante dont on emploie les fleurs pour orner les salades; elle vient dans tous les terrains, et se sème en place au printemps et à l'automne.
La durée germinative des graines de Bourrache est de trois ans.
Capucine grande (Tropæolum majus).—On la sème en avril, au pied d'un mur, à bonne exposition. On peut aussi la semer isolée, mais alors il faut la ramer. On emploie les fleurs pour parer les salades; les graines cueillies encore vertes se confisent au vinaigre et remplacent les câpres.
La durée des graines de Capucine est de cinq ans.
Cardon (Cynara Cardunculus).—Il faut aux Cardons une terre douce et profonde, ainsi que de fréquents arrosements en été. Ils se multiplient de graines semées en avril sur couche, ou mieux en mai, immédiatement en place. On fait des trous à 1 mètre l'un de l'autre, on les remplit de terreau, puis on sème deux ou trois graines dans chacun, et lorsqu'elles sont bien levées, on choisit le pied le plus vigoureux, en supprimant les autres. Dans le cas où l'on aurait à craindre les ravages des vers blancs ou des courtilières, il faudrait, à la même époque, en semer en pots, afin de pouvoir regarnir les places vides. Vers le mois de septembre, lorsqu'ils sont assez forts pour être blanchis, on les empaille en fixant au collet de la plante un lien fait avec de la litière, puis on l'enroule de bas en haut, de manière à ne laisser voir que l'extrémité des feuilles. Au bout de quinze jours ou trois semaines, les côtes sont blanches, et doivent être consommées sur-le-champ, sans quoi elles pourriraient; il ne faut donc les empailler que successivement.
Avant les fortes gelées, on arrache les Cardons en mottes pour les replanter l'un près de l'autre dans la serre à légumes, où ils blanchiront sans couverture; mais il faut les visiter souvent et enlever toutes les feuilles pourries. On peut par ce moyen les conserver jusqu'en mars.
Les graines de Cardon mûrissent dans la première quinzaine de septembre, et sont bonnes pendant sept ans.
Variétés.—Cardon de Tours, — d'Espagne, — Puvis, — plein inerme, — à côtés rouges.
Carotte (Daucus carota).—Les premiers semis ont lieu sur une couche, en décembre. On prépare une couche de 0m,35 à 0m,40 d'épaisseur, dont la chaleur soit de 15 à 20 degrés; on place les coffres, on charge la couche de 0m,15 de terreau, et, à moins de froid rigoureux, on ne remplit les sentiers qu'à moitié. Lorsque la chaleur de la couche est favorable, on sème la variété connue sous le nom de Carotte courte hâtive ou de Hollande.
On peut repiquer parmi les Carottes quelques Laitues petite noire, ou semer un peu de Radis roses. Pendant la nuit, on couvre les panneaux avec des paillassons; lorsque le semis est en bonne voie, on remanie les réchauds, que l'on fait alors de toute la hauteur des coffres. Ces Carottes sont ordinairement bonnes à récolter dans le courant d'avril. Si, dans la seconde quinzaine de mars, le temps est doux et qu'on ait besoin des panneaux qui couvrent les Carottes, on peut les enlever, ainsi que les coffres; mais alors on récolte plus tard.
En pleine terre, les premiers semis peuvent se faire dès le mois de février, et être continués jusqu'en juillet, ce qui toutefois ne peut avoir lieu que pour la Carotte courte hâtive; car, pour les autres variétés, il ne faut pas dépasser le mois d'avril, afin qu'elles puissent atteindre tout leur développement avant l'hiver.
Quelle que soit l'époque du semis, le terrain doit être bien préparé, après quoi on sème à la volée. On herse légèrement à la fourche, on foule le terrain, puis on étend une couche de terreau sur chaque planche. On passe légèrement le râteau sur le tout, et l'on arrose toutes les fois qu'il en est besoin. Lorsque les Carottes sont levées, on éclaircit le plant, qui est presque toujours dru si le semis a réussi.
En novembre, on coupe le collet de chaque Carotte; on les met en jauge, puis on les couvre de grand fumier pendant les gelées, ou bien on les dépose dans la serre à légumes, afin d'en avoir pendant l'hiver. Dans les terres légères et saines, on peut se dispenser de les arracher; il suffit de couvrir les plants de Carottes pendant les gelées.
On récolte les graines de Carotte en août; leur durée germinative est de quatre ans.
Variétés.—Rouge-courte de Hollande, — demi-longue, — longue, — d'Altringham, — jaune longue, — rouge pâle de Flandre, — blanche, — violette d'Espagne.
Céleri cultivé.—Variété à l'Apium graveolens.—On le sème sur couche, mais à l'air libre, dès le mois de février; la graine doit être très-légèrement recouverte. En avril, on plante en pleine terre à environ 0m,33 de distance.
D'avril en juin, on sème en pleine terré à une exposition ombragée, pour repiquer immédiatement en place. On favorise la germination des graines par de fréquents bassinages, et s'il arrivait que le plant fût trop dru, il faudrait l'éclaircir pour éviter qu'il ne s'étiolât. En juin et juillet, on repique le plant en place. On trace quatre rangs par planche de 0m,33 de largeur, puis on plante à 0m,33 de distance sur la ligne. Aussitôt après la plantation, on arrose pour faciliter la reprise, et l'on continue jusqu'à ce que le Céleri soit assez fort pour être blanchi, ce qui doit avoir lieu de la manière suivante: on ouvre une tranchée de 1 mètre de largeur, dont on jette la terre à droite et à gauche, après quoi on relève le Céleri en mottes pour le planter dans la tranchée; on en met huit par rang, puis on coule du terreau entre chaque rang, de manière qu'il se trouve complétement enterré, sauf l'extrémité des feuilles. Au bout d'une quinzaine de jours, il est ordinairement assez blanc pour être récolté; mais, comme il ne se conserve pas longtemps après ce terme, il ne faut en faire blanchir que successivement, de manière à prolonger la récolte aussi longtemps que possible. Pendant les gelées, on le couvre de litière, que l'on enlève toutes les fois que la température le permet. Avec des soins, on peut en conserver jusqu'à la fin de février.
Variétés.—Plein blanc, — Turc, — Cole's superb red, — Plein rose, — violet, — à couper.
Céleri-rave.—Les semis peuvent avoir lieu en avril, en pleine terre, à une exposition ombragée; mais il vaut mieux semer en février sur couche, repiquer le plant sur couche; après quoi on le met en pleine terre, après avoir retranché les grandes feuilles et toutes les racines latérales. On arrose abondamment pendant l'été; puis on retranche toutes les feuilles inutiles, en ayant soin de ménager celles du cœur, opération qu'il faut recommencer aussi souvent qu'il est nécessaire, afin de favoriser le développement du tubercule. On arrache le Céleri-rave au commencement de l'hiver pour le mettre en jauge, et on le couvre pendant les gelées; ou bien on le rentre dans la serre à légumes après en avoir coupé les feuilles. Ainsi traité, on peut en conserver facilement jusqu'en mars.
Cerfeuil (Scandix cerefolium).—On le sème presque toute l'année: au printemps et à l'automne, au pied d'un mur et à une bonne exposition, et pendant les chaleurs, à celle du nord.
Cerfeuil frisé.—Cette variété n'exige rien de plus que le Cerfeuil ordinaire; elle sert aux mêmes usages, et a sur ce dernier l'avantage de ne pouvoir être confondue avec la Ciguë.
Les graines du Cerfeuil mûrissent en juin, et se conservent pendant deux ans.
Cerfeuil bulbeux (Chærophyllum bulbosum).—Le Cerfeuil bulbeux est une plante alimentaire dont la racine ne dépasse pas les proportions d'une petite Carotte de Hollande. Elle est très-féculente et d'une saveur agréable.
On sème le Cerfeuil bulbeux en septembre, c'est-à-dire aussitôt après la récolte des graines; autrement elles ne lèvent que la seconde année, à moins qu'on ne prenne la précaution de les conserver dans du sable jusqu'au moment de faire les semis, qui peut alors n'avoir lieu qu'au printemps.
Après le semis, on recouvre la graine d'une bonne couche de terreau; cela fait, le cerfeuil bulbeux ne demande plus aucun soin particulier autre que les sarclages et les arrosements que réclament tous les produits du potager.
Quelle que soit l'époque des semis, le Cerfeuil bulbeux est bon à récolter en juillet.
On récolte la graine de Cerfeuil bulbeux en juillet. Elle n'est bonne que pendant un an.
Champignon comestible (Agaricus edulis).—Le succès des couches ou meules de Champignons dépend du choix, de la préparation des fumiers et des soins à donner aux meules. Pour établir une meule à Champignons, il faut prendre du fumier provenant des chevaux qui font un travail pénible; car, étant renouvelé moins souvent, il est plus moelleux, c'est-à-dire plus imprégné d'urine, et contient plus de crottin que celui des chevaux de luxe.
On commence par déposer le fumier en tas, afin qu'il entre en fermentation; puis, un mois après environ, on le reprend à la fourche pour en former une couche (nommée planchée) d'environ 0m,65 d'épaisseur sur 1m,33 de largeur. On étend un premier lit, en ayant soin de retirer les plus longues pailles, les liens et le foin, puis de bien mélanger les parties sèches avec celles qui sont le plus imprégnées d'urine; et pour former les bords de la couche on retourne le fumier sur les côtés, de manière que les bouts se trouvent en dedans. Dès qu'on a formé un lit de fumier, on le mouille avec l'arrosoir à pomme, puis on le foule avec les pieds. On refait un second lit, que l'on traite de la même manière, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la hauteur indiquée. Huit ou dix jours après, on remanie la couche, en commençant par un bout, puis on la retourne de la même manière que la première fois, mais en ayant soin de remettre au centre ce qui se trouvait sur les bords et en dessus. Après l'avoir laissé encore fermenter huit ou dix jours, le fumier doit enfin être bon à mettre en meule, c'est-à-dire être gras sans être trop humide, et n'avoir plus que le degré de chaleur qui convient à l'opération. Comme pendant l'été les orages font souvent avorter le blanc, on ne commence à cultiver les Champignons à l'air libre qu'en septembre; et à partir de cette époque, on continue successivement jusqu'en décembre. Après s'être assuré de la bonne condition du fumier, on commence à dresser les meules; elles doivent avoir 0m,50 de largeur à la base et autant de hauteur. On foule le fumier à mesure qu'on élève la meule, afin qu'elle éprouve le moins de tassement possible. On la monte en dos d'âne, de telle sorte qu'elle n'ait que 0m,10 de largeur au sommet. Pendant la durée de l'opération, on a soin de bien affermir les côtés de la meule en frappant légèrement avec le dos de la pelle, puis avec le râteau on enlève les longues pailles qui dépassent de chaque côté. Si, après avoir monté les meules, il survenait une pluie abondante, il faudrait les envelopper d'une chemise (couverture de grande litière), ce qui, par un temps favorable, ne doit avoir lieu qu'après le gobetage des meules, opération dont nous parlerons plus loin. Au bout de huit à dix jours, on s'assurera du degré de chaleur au moyen d'un thermomètre à couche, et s'il ne marque pas plus de 15 à 18 degrés, on pourra larder la meule, c'est-à-dire qu'on pratiquera sur ses deux côtés, à 0m,10 ou à 0m,15 du sol, selon qu'il est sec ou humide, une rangée de petites ouvertures qui doivent être faites avec la main, et à 0m,33 les unes des autres, dans lesquelles on place le blanc[6] à fleur du flanc de la meule, puis on appuie légèrement, afin de mettre le blanc en contact parfait avec le fumier; mais, dans le cas où l'on craindrait qu'il n'y eût encore trop de chaleur, on ne rapprocherait le fumier qu'au bout de quelques jours. Si, huit ou dix jours après avoir lardé la meule, on aperçoit de petits filaments blanchâtres qui commencent à s'étendre sur toute la surface, on prendra de la terre légère et maigre, salpêtrée autant que possible, on la passera à la claie et l'on en étendra partout une épaisseur d'environ 0m,03 que l'on appuiera légèrement avec le dos de la pelle, ce qu'on appelle gobeter.
Dans le cas où l'on n'aurait pas remarqué les traces dont nous avons parlé, il faudrait recommencer l'opération en remettant de nouveau blanc dans des ouvertures pratiquées à côté des anciennes.
Si le temps est doux et sec, on rafraîchit la meule par de légers bassinages; mais il faut bien se garder de lui donner trop d'eau à la fois, car l'excès d'humidité détruirait les Champignons naissants. Après avoir gobeté, on couvre la meule d'une chemise de 0m,05 à 0m,06 de grande litière (une couverture plus épaisse pourrait faire de nouveau fermenter le fumier, ce qui détruirait tout espoir de récolte), qu'on augmentera pendant les gelées et suivant la rigueur du froid. Environ six semaines après, on commencera à cueillir les premiers Champignons. Pour les chercher, on relèvera la litière avec soin, et après les avoir cueillis, on remplira les trous qu'ils occupaient avec de la terre de même nature que celle qui a servi à gobeter la meule. Si l'on trouvait quelques petites places où les jeunes Champignons eussent péri, il faudrait enlever toute la partie détruite et remettre de la terre nouvelle. Il faut en tout temps, même après avoir épuisé un côté de la meule, la recouvrir soigneusement avec de la litière. Une meule peut produire de trois à cinq mois en tout temps, mais mieux en été. On peut établir ses meules dans une cave peu éclairée, et alors, vu l'égalité de température qui règne dans ces localités, il devient inutile de couvrir les meules de litière.
Chenillette (Scorpiurus vermiculata), Vers (Astragalus hamosus). Limaçon (Medicago turbinata).—Plantes annuelles indigènes de la famille des Papilionacées, dont les fruits imitent des chenilles, des vers ou des limaçons, et qui doivent être semées en place, en avril et mai, à environ 0m,30 les unes des autres.
Chervis ou Chirouis (Sium sisarum).—Plante dont les racines, charnues et très-sucrées, se mangent comme les Scorsonères. On la sème au printemps ou en septembre, en terre franche bien meuble, puis on bine et l'on donne de fréquents arrosements.
La durée germinative de la graine de Chervis est de deux ans.
Chicorées. Chicorée sauvage (Cichorium intubus).—Avec les feuilles naissantes de cette espèce on fait une salade fort estimée, que l'on peut se procurer presque toute l'année en en semant sur couche dès le mois de mars; puis en pleine terre, à partir du mois d'avril jusqu'à l'automne. Si l'on veut faire avec les racines la salade appelée Barbe-de-capucin, il faut, en avril, semer en rayons, et tous les soins consistent à donner des binages et quelques arrosements; puis, à l'approche des gelées, on arrache les racines, en les soulevant à la fourche afin de ne pas les rompre. On les met en jauge de manière à les avoir à sa disposition, et dans le courant d'octobre, époque à laquelle on commence ordinairement ce travail, on prépare une couche d'environ 0m,40 d'épaisseur, dont la chaleur soit de 15 à 20 degrés. L'endroit le plus favorable pour cette opération est une cave basse sans air ni lumière. Lorsque la couche a jeté son premier feu, on réunit les racines par bottes, mais seulement après en avoir enlevé avec soin les vieilles feuilles et toutes les parties qui seraient susceptibles d'engendrer de la moisissure; après quoi on les place debout sur la couche, puis on bassine fréquemment avec l'arrosoir à pomme; mais, comme toujours, les arrosements doivent être proportionnés à la chaleur de la couche; dès que la Chicorée commence à pousser, les arrosements doivent être donnés avec beaucoup de ménagement pour éviter d'engendrer la pourriture dans l'intérieur des bottes. Ordinairement, au bout de quinze à dix-huit jours la Chicorée est assez longue pour être récoltée. On peut successivement en faire blanchir depuis le mois d'octobre ou de novembre jusqu'en avril. On peut encore faire blanchir de la Chicorée en enterrant des racines sur une couche recouverte de panneaux à cadres pleins, afin d'intercepter la lumière, ou de panneaux ordinaires, que l'on tiendra constamment couverts de paillassons.
Les graines de Chicorée sauvage mûrissent en septembre, et se conservent bonnes pendant huit à dix ans.
Chicorée frisée (Cichorium endivia).—Les premiers semis peuvent avoir lieu en septembre sous cloches, mais à froid. À partir de cette époque jusqu'en juin, on sème la Chicorée frisée ou d'Italie. Dans les premiers jours d'octobre, on repique le plant également sous cloches, et vers la fin d'octobre ou au commencement de novembre, on plante la Chicorée sur terre, mais sous panneaux; on donne de l'air aussi souvent que possible, et pendant les gelées on couvre les panneaux dans la nuit. En janvier ou février, on sème sur couche chaude et sous panneaux. La couche ne doit pas avoir moins de 20 à 25 degrés de chaleur, car pour obtenir du plant qui ne monte pas, il faut que les graines germent en vingt-quatre heures, n'importe l'époque; mieux vaut recommencer le semis que de repiquer du plant qui aurait langui. Douze ou quinze jours après le semis, on repique le plant en pépinière, pour le planter quinze jours ou trois semaines après, toujours sous panneaux, mais sur une couche moins forte. Dans la seconde quinzaine de mars, on peut commencer à repiquer ses Chicorées en pleine terre, mais sous cloches ou sous panneaux, qu'on enlève aussitôt que le temps est favorable. En avril, mai et juin, on sème encore les Chicorées sur couche; mais alors le plant peut être repiqué immédiatement en pleine terre. On trace quatre rangs par planche de 1m,33 de largeur, et l'on plante à 0m,40 de distance sur la ligne.
En juin et juillet, on sème la Chicorée de Meaux en pleine terre à une exposition ombragée. Toutefois, dans bien des terrains, il vaudrait mieux continuer de semer sur couche, mais à l'air libre. Lorsque le plant est de force à être repiqué, on étend un bon paillis sur chaque planche, puis on plante à la distance ci-dessus indiquée, et l'on donne un bon arrosement pour faciliter la reprise; les autres soins consistent à arracher les mauvaises herbes et à mouiller au besoin. Lorsque les Chicorées sont suffisamment garnies, on profite d'un temps sec pour relever les feuilles, qu'on lie avec du jonc ou de la paille pour en faire blanchir l'intérieur; mais comme elles blanchissent en peu de temps, il n'en faut lier qu'à proportion de la consommation. Dès qu'elles sont liées, il ne faut plus les arroser qu'au goulot, afin d'éviter de les mouiller, ce qui pourrait les faire pourrir, et, dès les premières gelées, il faut les couvrir avec des paillassons ou de la litière, que l'on enlève toutes les fois que le temps le permet; puis, lorsque les gelées augmentent, on les arrache et on les rentre dans la serre à légumes, où on les enterre à moitié dans du sable: de cette manière on en conserve jusqu'en janvier.
Chicorée frisée de la Passion.—Cette intéressante variété que nous devons à l'obligeance de M. Charvet, propriétaire à la Cellette, près de Blois, est tout aussi rustique que la Laitue dont elle porte le nom. Semée dans le courant du mois d'août, repiquée en septembre et mise en place en octobre, la Chicorée frisée de la Passion est bonne à récolter en mars et avril, époque de l'année où les produits du potager sont généralement peu abondants. À ce titre, la Chicorée frisée de la Passion peut être considérée comme une bonne acquisition.
Chicorée toujours blanche.—Cette variété n'est pas aussi répandue qu'elle le mérite, car elle peut, et avec avantage, remplacer les Épinards, surtout en été, époque où il est souvent difficile de se procurer ce légume. On sème cette Chicorée en place et à la volée pour être coupée toute jeune; on peut la semer sur couche ou en pleine terre, depuis le mois de février jusqu'au mois d'août.
Scarole.—La Scarole est une variété de Chicorée dont la culture est tout à fait analogue à celle de la Chicorée de Meaux.
Les graines sont bonnes à récolter à la fin de septembre, et elles se conservent pendant cinq ou six ans.
Variétés.—Frisée de Meaux, — fine d'été ou d'Italie, — de Rouen, ou corne-de-cerf, — de la Passion, — toujours blanche, — sauvage, — panachée, — améliorée, — Scarole ordinaire, — blonde ou à feuilles de laitue.
Choux (Brassica).—Les choux demandent une terre un peu fraîche et surtout bien fumée; car plus ils ont d'engrais, plus ils deviennent gros. Ils sont très-nombreux en variétés, mais toutes peuvent se rapporter à cinq races principales, savoir: 1o les Choux cabus ou pommés; 2o les Choux de Milan ou pommés frisés; 3o les Choux verts ou non pommés; 4o les Choux-raves, et 5o les Choux-fleurs et Brocolis.
N. 1. Choux cabus ou pommés.—Vers la fin d'août ou dans les premiers jours de septembre, on sème les Choux cabus hâtifs. En octobre, on repique le plant en pépinière le long d'un mur à bonne exposition, pour le mettre en place vers la fin de novembre ou au commencement de décembre, et en février ou mars dans les terres froides ou humides. Si l'hiver est rigoureux, il sera nécessaire de garantir le plant, soit avec de la litière, soit avec des paillassons posés sur des gaulettes. Si, au printemps, il arrivait que l'on manquât de plants, on pourrait en semer en février sur couche et en mars sur plate-bande bien terreautée.
Les Choux cabus de seconde saison et les Choux cabus tardifs ne se sèment ordinairement qu'en février ou mars; cependant on peut aussi les semer dans le courant d'août. Quelle que soit l'époque du semis, ces Choux doivent être repiqués immédiatement en place, à 50, 60 ou 80 centimètres les uns des autres, suivant les proportions que doivent acquérir les variétés que l'on cultive; le terrain doit être largement pourvu d'engrais: car il ne faut pas oublier que c'est seulement à force de fumier et d'eau que l'on peut obtenir tout ce que cette plante doit produire.
Variétés.—Cabus hâtifs, d'York, — cœur-de-bœuf, — pain-de-sucre.
Cabus 2e saison, de Poméranie, — de Winigstadt, — Joannet, — de Schweinfurt.
Cabus tardifs, de Saint-Denis, — de Hollande, — vert de Vaugirard, — d'Allemagne dit Quintal, — rouge foncé.
Conservation des Choux cabus.—Comme les fortes gelées sont très-préjudiciables aux Choux pommés, il faut, en novembre, arracher tous ceux dont les pommes sont faites et les mettre en jauge dans une planche, mais près l'un de l'autre et en ayant soin d'en incliner un peu la tête. Lorsqu'il vient de fortes gelées, on les couvre de litière ou de feuilles que l'on retire dès que le temps est doux. Dans les terres légères, on peut enterrer la tête au lieu des racines: de cette manière, les Choux peuvent se conserver jusqu'au mois de mai sans couverture; il est bon cependant d'en couvrir une partie, afin de pouvoir en arracher pendant les gelées.
N. 2. Choux de Milan.—On les sème depuis la fin de février jusqu'en juin, on les repique immédiatement en place comme les Choux cabus. Plus rustiques que ces derniers, les Choux de Milan supportent ordinairement l'hiver sans abris.
Variétés.—Hâtif d'Ulm, — pied-court, — Victoria, — ordinaire, — doré, — pancalier, — des Vertus, — de Bruxelles.
N. 3. Choux verts non pommés.—Nous les divisons en deux catégories: ceux de la première sont à peu près les seuls cultivés dans le potager; les autres sont cultivés en grand comme fourrage, et quelques-uns comme plante d'ornement. On sème les premiers en mai et juin, pour les planter en juillet et août; ils craignent peu le froid, et sont même plus agréables à manger lorsque la gelée les a attendris.
Variétés.—Chou à grosse côte, — Chou à grosse côte frangé, — Choux fraise-de-veau.
Ceux de la seconde catégorie se sèment en juillet et août, ou mieux en mars et avril, et l'on repique le plant immédiatement à demeure; mais on peut aussi semer en place, soit en lignes, soit a la volée. Ces Choux donnent leurs produits en feuilles pendant tout l'hiver et jusqu'à leur seconde année.
Variétés.—Cavalier ou Chou-arbre, — Caulet de Flandre, — branchu de Poitou, — de grand Jouan.
N. 4. Choux-raves.—Les premiers semis ont lieu vers la fin de février, et peuvent se continuer jusqu'en juin; on sème sur une plate-bande terreautée, pour plus tard mettre en place. Ces Choux différent des autres par leur collet, qui est renflé et charnu, et que l'on emploie en cuisine comme les Navets; mais, pour les avoir bien tendres, il faut, en été, leur donner de fréquents arrosements.
Variétés.—Blanc ou de Siam, — blanc hâtif, — violet, — violet hâtif.
Le Chou-navet, assez semblable au précédent, produit en terre une tubérosité charnue de même saveur que le Chou-rave. On le sème en place, en mai et juin, soit en lignes, soit à la volée; puis les autres soins consistent à éclaircir le plant de manière que les Choux se trouvent à environ 0m,40 les uns des autres. Ils craignent peu la gelée, et, à moins d'un hiver rigoureux, on peut ne les arracher qu'au fur et à mesure du besoin.
Les graines de Chou mûrissent en juillet; elles se conservent bonnes pendant cinq ou six ans.
Variétés.—Chou-navet blanc, — Rutabaga ou navet de Suède.
N. 5. Choux-fleurs.—Ils sont beaucoup plus délicats que les autres races de Choux, aiment une terre légère, bien fumée et surtout beaucoup d'arrosements en été. On en cultive plusieurs variétés, mais il est impossible de conseiller plutôt l'une que l'autre, car les résultats tiennent uniquement à des causes locales. Les premiers semis se font en septembre, sur une plate-bande bien terreautée ou sur une vieille couche, pour être repiqués, en octobre, en pépinière, sur un ados; et lorsqu'il gèle, on pose des cloches ou des panneaux sur le plant. Il faut avoir soin de donner de l'air tous les jours et aussi longtemps que la température le permettra. Si, malgré cette précaution, il arrivait que le plant avançât trop, il faudra l'arracher et le replanter pour en retarder la végétation; puis, quand les froids deviennent rigoureux, on entoure les cloches avec de la litière, et l'on couvre le tout avec des paillassons; on découvre toutes les fois que le temps le permet, et l'on donne de l'air. En décembre, on peut planter une partie de ses Choux-fleurs sur couche et sous panneaux, et entre eux quelques Laitues. Pendant la nuit, on couvre les panneaux avec des paillassons, on arrose au besoin, et l'on donne de l'air toutes les fois que la température le permet; puis, lorsque les Choux-fleurs atteignent les vitraux, il faut avoir soin d'exhausser les coffres; si dans la seconde quinzaine de mars, le temps est favorable, on enlève les panneaux. Ces Choux-fleurs produiront en avril et mai; en mars, on plantera l'autre partie en pleine terre, et ils donneront depuis la fin de mai jusqu'en juillet. On peut aussi semer sur couche, en février et en mars, et peu de temps après on repique le plant également sur couche, pour le planter en pleine terre vers la fin de mars ou au commencement d'avril, et il produira en juin et juillet.
On sème les derniers Choux-fleurs en juin: c'est l'époque où l'on en sème le plus et celle où la culture en est le plus facile: c'est celle des Choux ordinaires, et tout le succès dépend de l'abondance des arrosements, qui doivent être très-fréquents, surtout pendant les premiers mois. Il faut semer à une exposition ombragée sur une plate-bande bien terreautée; puis, lorsque le plant est assez fort, on repique immédiatement en place. Ces Choux-fleurs produisent depuis la fin d'août jusqu'en novembre; on peut même en conserver jusqu'en février, et quelquefois jusqu'en avril. Pour cela, il faut ne les couper que le plus tard possible, et surtout par un temps bien sec, afin de ne les rentrer que bien ressuyés, car de là dépend toute la durée de leur conservation.
Conservation des Choux-fleurs.—Après avoir bien enlevé toutes les feuilles de ses Choux-fleurs, on les dépose sur les tablettes de la serre à légumes, ou bien, ce qui est encore préférable, on les pend la tête en bas; et, comme en séchant ils se réduisent beaucoup, il faut, la veille du jour où l'on veut les manger, rafraîchir le bout du trognon et les mettre tremper dans l'eau fraîche pendant quelques heures, en ayant soin d'éviter de mouiller la tête; ils ne tardent pas à reprendre leur forme primitive, sans avoir rien perdu de leur qualité.
On récolte la graine de Choux-fleurs en septembre. Sa durée germinative est de cinq ans.
Variétés.—Tendre ou petit Salomon, — demi-dur ou gros Salomon, — Lenormand, — dur de Paris, — d'Angleterre, — de Hollande.
Chou brocoli.—On sème les Brocolis en mars, avril et mai, en commençant par les variétés les plus hâtives. Lorsque le plant est suffisamment fort, on le repique en pépinière, et plus tard on le plante en lignes comme les Choux-fleurs.
Les variétés hâtives semées en mars sont bonnes à récolter en septembre. Les autres donnent successivement pendant l'hiver et le printemps.
Plus rustique que le Chou-fleur, le Brocoli peut supporter sans souffrir quelques degrés de froid. Cependant, il est plus prudent de relever les pieds en mottes à l'approche des gelées, pour les replanter dans une tranchée sur laquelle on place des châssis ou des paillassons.
La durée germinative de la graine de Brocoli est de cinq ans.
Variétés.—Blanc hâtif, — blanc tardif, — violet hâtif, — violet tardif, — Sprouting (cette dernière variété produit de petites pommes comme le Chou de Bruxelles).
Chou marin (Crambe maritima).—Le Crambé est un fort bon légume dont on mange les feuilles naissantes, qu'on fait blanchir en buttant le pied; il est rustique et d'une culture facile. Dans des conditions favorables (c'est-à-dire dans un terrain sablonneux et bien fumé), il produit pendant fort longtemps. Nous avons vu une plantation de Crambés en plein rapport, qui depuis quinze ans donne chaque année plusieurs récoltes. On le multiplie de graines semées en place ou en pépinière peu de temps après la récolte; car les semis d'automne réussissent généralement mieux que ceux de printemps. On peut aussi multiplier les Crambés par boutures de racines, mais le semis produit toujours, comme il est facile de le comprendre, des plants plus vigoureux.
On plante les Crambés en automne ou au printemps. On trace alors deux rangs dans Une planche de 1m,33 de largeur, et l'on plante à 0m,50 de distance sur la ligne. Chaque année, à l'automne, on enlève les feuilles mortes, on donne un binage; puis on étend sur les planches un bon lit de fumier à moitié consommé. Dès la seconde pousse, on pourrait commencer à couper les feuilles des Crambés; mais il est préférable d'attendre la troisième, car alors ils seront dans toute la force de leur végétation, et on les conservera beaucoup plus longtemps. On commence ordinairement à butter les Crambés vers la fin de janvier ou au commencement de février; mais, afin que tous ne donnent pas ensemble, on n'en butte qu'une partie, et le reste quinze jours après, ce qui a lieu de la manière suivante: on dépose sur chaque pied un tas de terreau (ou de terre légère) d'environ 0m,20, et l'on recouvre le tout d'un bon lit de fumier ou de feuilles, afin d'activer la végétation; un mois après environ, lorsque l'extrémité des feuilles commence à paraître, on les coupe rez terre, mais en ayant soin de ménager les yeux qui se trouvent au collet de la plante, car sans cette précaution elle ne repousserait plus. Après la récolte, on les butte de nouveau, et ils donnent une seconde récolte souvent aussi abondante que la première. Après la seconde coupe, on détruit les buttes, on étend une partie du terreau sur les planches, et l'on enlève le reste. On peut aussi forcer le Crambé sous panneaux, comme les Asperges: ce qui consiste tout simplement à placer, en janvier ou février, des coffres et des panneaux sur les Crambés, après les avoir buttés; à défaut de panneaux à cadre plein, on peut utiliser les panneaux ordinaires, à la condition de les tenir constamment couverts de paillassons. Pour activer la végétation des Crambés, on peut entourer les coffres d'un réchaud de fumier, car la chaleur ne nuit en rien à cette plante. On peut même, comme cela se fait en Angleterre, placer pendant l'hiver de fortes touffes de Crambés dans la serre à forcer, afin d'en avoir de bons à récolter avant l'époque, ou donner ceux forcés sur place.
On récolte les graines de Crambé en août; elles se conservent bonnes pendant trois ans.
Ciboule commune (Allium fistulosum).—Les premiers semis ont lieu dans le courant de février, en place et à la volée; et à partir de cette époque, on peut continuer de semer successivement jusqu'en juillet. Après le semis, on couvre les graines d'une légère couche de terreau, et l'on arrose toutes les fois qu'il en est besoin. Pour ne pas manquer de Ciboule en hiver, il faut en arracher en novembre, la mettre en jauge, puis la couvrir de litière sèche pendant les gelées.
Les graines mûrissent en août, et se conservent pendant deux ans.
Ciboule vivace.—Elle se multiplie d'éclats au printemps ou à l'automne.
Ciboulette. Civette (Allium Schœnoprasum).—Cette plante se multiplie par ses caïeux, que l'on sépare en février et mars pour les planter en bordures. Elle est d'autant plus tendre et pousse d'autant mieux, qu'on la coupe plus souvent.
Pour lui faire passer l'hiver, on la coupe au niveau du sol, puis on la couvre de terreau.
Concombre (Cucumis sativus).—On sème les Concombres en janvier, février et mars, sur couche chaude et sous panneaux. Lorsque les cotylédons et les premières feuilles sont bien développés, on les repique dans de petits pots, qu'on enfonce sur une couche chaude, pour les planter quelque temps après également sur couche et sous panneaux. Plus tard, lorsque les gelées ne sont plus à craindre, on peut planter les Concombres en pleine terre. Dans les terres légères, faciles à s'échauffer, on peut même semer les Concombres en place, dans de petites fosses remplies de terreau.
Comme les Melons, les Concombres doivent être taillés pour donner de beaux fruits; ce qui doit avoir lieu comme il est indiqué à l'article Melon.
Concombre vert petit à cornichons.—On le sème au commencement de mai sur couche et sous panneaux. Peu de temps après, on repique le plant en pépinière également sur couche et sous panneaux. Dès qu'il est repris, on commence à donner un peu d'air, afin de le fortifier, et vers la fin de mai ou le commencement de juin, on le relève en mottes pour le mettre en pleine terre à bonne exposition, à 0m,60 de distance.
On peut aussi semer le Cornichon en pleine terre; plus rustique même que les autres Concombres, il n'a pas besoin d'être taillé.
Dans les terrains naturellement humides, il faut, pour récolter de beaux fruits, ramer les Concombres et les Cornichons, comme les Pois et les Haricots, afin qu'ils ne posent pas sur le sol.
La durée germinative des graines de Concombre est de cinq ans.
Variétés.—Blanc hâtif, — blanc gros, — jaune long, — vert long anglais, — de Russie, — serpent.
Courge Potiron (Cucurbita maxima).—On sème les potirons en mars, sur couche chaude et sous panneaux; en avril, on les repique en pépinière également sur couche et sous panneaux. Quelques jours après le repiquage, on commence à donner un peu d'air, afin de fortifier le plant; et, en mai, on prépare des trous que l'on dispose de manière que les Potirons soient au moins à 1m,65 les uns des autres. On remplit les trous de fumier, que l'on couvre d'environ 0m,15 de terreau. Si, après la plantation, il survient de petites gelées blanches pendant la nuit, il faut couvrir les Potirons avec des cloches, ou, à défaut, avec de la litière. Pendant leur végétation, il faut les arroser abondamment, et les autres soins consistent à pincer la première tige au-dessus du second œil, afin de favoriser le développement d'une ou de deux branches sur chacun. Lorsqu'elles ont environ 1m,50 de longueur, on les marcotte, ce qui consiste à coucher les branches en terre, afin qu'elles produisent des racines; de cette manière, on obtient une végétation beaucoup plus vigoureuse. Dès qu'un fruit est noué et jugé digne d'être conservé, il faut pincer la branche qui le porte à deux ou trois yeux au-dessus du fruit; et si l'on veut en obtenir de volumineux, on ne doit en laisser qu'un ou deux sur chaque pied, excepté sur celui de Hollande, variété dont les fruits sont moins gros, mais d'excellente qualité; c'est même celui que l'on doit réserver de préférence pour les provisions d'hiver; car, cueilli avant les gelées et déposé sur les tablettes du fruitier ou de l'orangerie, il se conserve souvent jusqu'en mars et avril.
Les Courges à la moelle, pleine de Naples, de l'Ohio, de Valparaiso, de Barbarie, de Madère, des Patagons, le Giraumont turban et le Pâtisson, se cultivent exactement comme le Potiron.
La durée germinative des graines de Courge est de cinq ans.
Variétés.—Jaune gros, — d'Espagne, — de Hollande, — blanc, — de Corfou.
Cresson de fontaine (Nasturtium officinale).—Cette plante, jusqu'à présent employée en cuisine comme salade et fourniture seulement, peut aussi être préparée à la manière des Épinards, et sous cette forme elle a une saveur fort agréable. La consommation du Cresson est devenue tellement considérable que, dans un rayon très-rapproché de Paris, des terrains très-étendus sont consacrés à cette culture.
Ces cressonnières sont alimentées par des sources naturelles ou artificielles, et disposées de manière à être submergées à volonté. Le terrain est divisé par fosses larges chacune d'environ 3 mètres sur 0m,40 à peu près de profondeur, séparées par des plates-bandes élevées, destinées à divers genres de culture, tels que Artichauts, Choux, etc. On multiplie le Cresson de graines semées au printemps, ou mieux de boutures faites en août. Avant la plantation, il faut bien unir le terrain; et s'il arrivait qu'il ne fût pas assez humide, on y laisserait couler un peu d'eau. Une fois le terrain bien préparé, on prend du Cresson, et on le place au fond des fosses par petites pincées, à environ 0m,12 à 0m,15 l'une de l'autre. Au bout de peu de temps, il est enraciné et couvre complétement le sol; alors on étend sur toute sa surface une légère couche de fumier de vache bien consommé; puis, au moyen d'une planche à laquelle on adapte un manche placé obliquement, on comprime le tout légèrement; après quoi, on introduit 0m,10 à 0m,12 d'eau, quantité bien suffisante pour cette culture. En été, on cueille le Cresson tous les quinze jours ou toutes les trois semaines. Pour le cueillir avec plus de facilité, on pose une planche en travers de la fosse. Dès qu'une fosse est récoltée, on la met à sec, et l'on étend de nouveau un peu de fumier de vache, qu'on appuie avec l'instrument mentionné ci-dessus, opération qu'il faut recommencer immédiatement après chaque coupe. Quand une fosse a produit pendant un an, on la détruit pour la replanter, comme nous l'avons indiqué précédemment, mais seulement après avoir enlevé les vieilles racines et les débris de fumier, qui forment une épaisseur assez considérable dans le fond.
On peut aussi en semer ou en planter sur le bord des cours d'eau, comme il en circule souvent dans les jardins d'agrément. Les tiges ne tardent pas à s'étendre, et l'on peut en couper chaque année jusqu'aux gelées, pourvu qu'on le fasse assez souvent pour l'empêcher de monter en graine.
La durée germinative des graines de Cresson de fontaine est de quatre ans.
Cresson de terre, Cresson vivace (Erysimum præcox).—Il peut remplacer le Cresson de fontaine, dont il a tout à fait la saveur. On le sème au printemps, en rayons, dans une terre franche, légère et humide.
La durée germinative des graines de Cresson de terre est de trois ans.
Cresson alénois (Lepidium sativum).—Comme cette plante monte très-vite en graine, on est obligé d'en semer très-souvent; les semis se font en rayons, au printemps sur couche, et en été à une exposition ombragée.
Les graines de Cresson alénois mûrissent en juin, et se conservent pendant cinq ans.
Variétés.—Cresson alénois frisé, — Cresson doré.
Échalote (Allium Ascalonicum).—On ne la cultive avec succès que dans une terre légère et substantielle, fumée de l'année précédente. Elle se multiplie de caïeux plantés en février et mars, à 0m,08 ou 0m,10 de distance, et presque à fleur de terre, afin d'éviter l'humidité, qui lui est très-préjudiciable. On choisit, pour replanter, les Échalotes les plus minces et les plus allongées, car ce sont celles qui produisent les plus belles bulbes. On les arrache en juillet ou en août, lorsque les feuilles sont sèches, et on les laisse deux ou trois jours au soleil, puis on les rentre dans un lieu sec.
Épinards (Spinacia oleracea).—On les sème, en lignes ou à la volée, depuis le mois de mars jusqu'à la fin d'octobre; et comme ils restent peu de temps en terre, on en sème souvent parmi les plantes nouvellement repiquées ou pour garnir les planches qui doivent être employées à une autre culture environ un mois après. Les semis d'été doivent se faire à une exposition ombragée; il faut arroser fréquemment, pour les empêcher de monter.
Les graines d'Épinards mûrissent en juillet, et se conservent pendant cinq ans.
Variétés.—Épinards de Hollande, — d'Angleterre, — de Flandre, — d'Esquermes, à feuilles de laitue.
Estragon (Artemisia dracunculus).—On le multiplie de graines, mais plus fréquemment par éclats des pieds, qu'on replante au printemps à bonne exposition. On coupe les tiges à l'entrée de l'hiver, et on couvre les touffes de quelques centimètres de terreau.
Fenouil (Anethum feniculum).—On en cultive plusieurs variétés; mais, comme légume, le Fenouil doux est le plus estimé. On le multiplie de graines que l'on tire d'Italie chaque année; celles qu'on récolte dans nos jardins dégénèrent promptement. On sème, de mars en juin, en place ou en pépinière, et on repique à 0m,40 de distance; puis on donne des binages et de fréquents arrosements pendant la sécheresse. Quand le Fenouil est assez fort, on le fait blanchir à la manière du Céleri. On mange les racines et les jeunes pousses.
La durée germinative des graines de Fenouil est de cinq ans.
Fève (Faba vulgaris).—On sème les premières Fèves en janvier, sous panneaux (pour semer à cette époque, on prend de préférence la Fève naine hâtive); en février, on les repique en rayons un peu profonds, qu'on trace à 0m,35 les uns des autres; on les couvre de litière pendant les mauvais temps, et lorsqu'elles ont quelques centimètres de hauteur on donne un binage, puis on achève de remplir les rayons, ce qui augmente la vigueur des plantes et des produits; lorsqu'elles sont défleuries, l'on pince toutes les extrémités, afin de forcer la séve à se porter vers le fruit. En février, on sème en pleine terre, par touffes ou en rayons; et à partir de cette époque, les semis peuvent être continués successivement jusqu'à la fin de mai; enfin, quelle que soit l'époque des semis, les soins consistent à donner quelques binages et à pincer l'extrémité des tiges, comme nous l'avons précédemment indiqué.
La durée germinative des semences de Fèves est de six ans.
Variétés.—Naine hâtive, — Julienne, — de marais, — de Windsor, — toujours verte, — violette, — à fleur pourpre, — à longue cosse.
Fraisier (Fragaria vesca).—On multiplie les Fraisiers de graines ou de filets, qui ne doivent être pris que sur du plant d'un an; car ceux qui proviennent de vieilles touffes produisent beaucoup moins, les fruits en sont moins beaux et de moins bonne qualité. On sème en mars, à une exposition ombragée; on couvre les graines d'une légère couche de terre fine, mêlée de terreau, et l'on entretient la fraîcheur de la terre par des bassinages.
Dès que le plant a quatre ou cinq feuilles, on le repique en pépinière, deux par deux, sur une vieille couche. Aussitôt après le repiquage, on bassine avec l'arrosoir à pomme, ce que l'on continue de faire suivant le besoin; et pendant quelques jours on garantit les jeunes plants contre l'action du soleil avec un peu de litière, qu'on étend bien légèrement.
Dans le commencement de juillet, on relève les plants en mottes pour planter en pleine terre, à environ 0m,15 de distance l'un de l'autre, et, comme après le premier repiquage, on protége la reprise par de fréquents arrosements. Le résultat de ces repiquages est de favoriser le développement d'une grande quantité de jeunes racines; et plus les Fraisiers en sont garnis, plus ils deviennent productifs. À partir de cette époque jusqu'au moment de les mettre en place, on a soin de supprimer toutes les fleurs et les filets qui se développent sur le jeune plant, et d'arracher ceux qui paraissent dégénérer, ce qu'il est facile de reconnaître à leur vigueur et à l'absence des fleurs.
Vers la fin de septembre, on donne un bon labour aux planches dans lesquelles on doit planter ses Fraisiers; et si le terrain ne se trouvait pas être de bonne qualité, il faudrait pour l'améliorer n'employer que des engrais bien consommés: car lorsque les racines des Fraisiers atteignent le fumier non consommé, les feuilles se dessèchent successivement, et souvent les touffes périssent. Après avoir bien préparé le terrain, on trace cinq rangs par planche de 0m,33 de largeur; puis on plante ses Fraisiers à 0m,35 de distance sur la ligne, ce qui toutefois ne doit avoir lieu que pour les Fraisiers des Quatre-Saisons, car pour ceux à très-gros fruits, tels que le Fraisier Keen's seedling, on trace quatre rangs seulement, et l'on plante à 0m,50 de distance sur la ligne; après quoi l'on continue de couper les fleurs et les filets de chaque touffe avant qu'ils soient enracinés, afin de concentrer sur chaque pied la force de reproduction dont ils sont doués.
Au printemps, on donne un binage à chaque planche; dès que les fleurs commencent à paraître, il faut couvrir la terre d'un paillis un peu long, ce qui d'une part a l'avantage de conserver l'humidité du sol, et de l'autre empêche les fruits de porter sur la terre. Les arrosements doivent être faits avec les arrosoirs à pomme, au printemps le matin, et le soir en été. L'année suivante, on continue les mêmes soins; mais, comme au bout de quelques années les produits dégénèrent, il ne faut pas conserver les Fraisiers plus de deux ans. Cependant, dans un bon terrain, on peut les conserver trois ou quatre ans, en ayant soin de les rechausser chaque année au printemps avec de la terre neuve.
Les Fraisiers qu'on multiplie de filets doivent être plantés en juillet, et comme ce que nous venons de dire pour les Fraisiers provenant de graines est en tout applicable à ces derniers, nous croyons inutile de traiter ce sujet plus longuement.
Des Fraisiers forcés.—Les Fraisiers cultivés pour forcer sont: le Fraisier des Quatre-Saisons, Keen's seedling, Princesse royale, Marguerite Lebreton, Victoria Trolopp, Elton.
Dans le courant de janvier ou dans les premiers jours de février, on pose des coffres, puis des panneaux, sur les planches des Fraisiers qu'on veut forcer; on enlève la terre des sentiers qui entourent les coffres jusqu'à environ 0m,45 de profondeur, après quoi on remplit les sentiers de fumier, mais jusqu'au niveau du sol seulement, et dans la première quinzaine de février on achève de les remplir. À partir de cette époque, il faut avoir soin de les entretenir à la hauteur des panneaux: pour cela, on rapporte du fumier au fur et à mesure qu'il en est besoin. On couvre les panneaux pendant la nuit avec des paillassons, et l'on donne de l'air au moment du soleil. Vers la fin d'avril, on commence à donner quelques bassinages, si la température l'exige, ce que l'on continue de faire au besoin. Les Fraisiers étant ainsi traités, les fruits commenceront à mûrir dans le courant d'avril.
Après la récolte, ou enlève les panneaux (qui peuvent encore servir pour mettre sur les Melons), ce qui n'empêchera pas les Fraisiers, ceux des Quatre-Saisons surtout, de fructifier jusqu'aux gelées. Néanmoins, on peut également obtenir une seconde récolte des Keen's seedling et autres variétés à gros fruits. Pour cela, il faut les priver d'eau pendant quelque temps, afin d'en arrêter la végétation; et lorsque les touffes sont presque fanées, on supprime une bonne partie des feuilles, on les bine légèrement, puis on favorise leur végétation par de bons arrosements. Dans les premiers jours d'août, on aura une seconde fructification, tout aussi abondante que la première.
Au lieu de détruire, après la récolte, les Fraisiers cultivés en pots, comme on a l'habitude de le faire, on peut, dans le courant de l'automne, retrancher les vieilles racines et renouveler la terre des pots. Traités après cette opération comme les jeunes plants que l'on renouvelle chaque année, ces Fraisiers donnent des fruits tout aussi beaux et tout aussi abondants que les jeunes plants. Nous avons vu à Tours, chez M. Bellanger, un de nos amis, des Fraisiers soumis à ce traitement depuis quinze ans, dont la vigueur ne laisse véritablement rien à désirer.
Depuis l'adoption du chauffage au thermosiphon, on a modifié la culture forcée des Fraisiers. Ainsi, après avoir traité les Fraisiers comme nous l'avons indiqué, vers la fin de septembre ou au commencement d'octobre, on les relève en mottes pour les planter dans des pots de 0m,15. On emploie pour l'empotage une bonne terre douce, passée à la claie, et, aussitôt après la plantation, on place les pots l'un à côté de l'autre dans un coffre, de manière à pouvoir les garantir des grandes pluies et des gelées, en posant dessus des châssis ou des paillassons; puis on les arrose pour en faciliter la reprise, et, comme pour les pieds cultivés en pleine terre, on supprime les filets et les fleurs au fur et à mesure qu'ils paraissent. Dans le courant de janvier, on prépare les coffres à recevoir les Fraisiers; puis on les place sur le sol, tous à côté les uns des autres, ou sur un gradin sous lequel on fait circuler les tuyaux du thermosiphon. Après avoir tout disposé, on bine la terre des pots, on enlève les feuilles mortes, et l'on pose les panneaux, que l'on couvre de paillassons pendant la nuit. Arrivé à ce point, on commence à les chauffer, ce qu'il ne faut faire que modérément et de manière à entretenir sous les panneaux une température de 12 à 15 degrés, et, comme nous l'avons indiqué pour les Fraisiers forcés en pleine terre, on bassine et on donne de l'air toutes les fois que la température est favorable. On peut, par ce moyen, avoir des fruits mûrs dès les premiers jours de mars. Comme ceux de pleine terre, les Fraisiers forcés en pots sont susceptibles de donner une seconde récolte; il suffit de les dépoter, de les planter en pleine terre et de leur donner les soins ci-dessus indiqués.
On divise les Fraisiers en plusieurs sections, qui contiennent chacune un grand nombre de variétés. Nous indiquerons seulement celles qui entrent le plus communément dans la culture.
La durée germinative des graines de Fraisiers est de trois ans.
Variétés.—Des Quatre-Saisons, — Ambroisia, — Amiral Dundas, — British Queen, — Eleonor Myatt, — Elton, — Jacunda, — Keen's sedling, — Lucas, — Marguerite Lebreton, — Napoléon III, — Princesse royale, — Sir Harry, — Victoria Trolopp, — Vicomtesse Héricart de Thury.
Haricot (Phaseolus vulgaris).—On sème les premiers Haricots en décembre, sur couche et sous panneaux; mais, comme à cette époque, il y a souvent absence complète de soleil, ce qui est très-défavorable à ce genre de culture, il est préférable de ne commencer ce travail que dans le courant de janvier, et à partir de cette époque l'on peut continuer jusqu'à la fin de mars. On sème sur couche et sous panneaux, et aussitôt après le développement des cotylédons, on repique les Haricots en pépinière, toujours sur couche et sous panneaux. Quelques jours après, on prépare une couche d'environ 0m,50 d'épaisseur dont la chaleur soit de 20 à 25 degrés; on pose les coffres, on charge la couche de 0m,12 à 0m,15 de terre légère, et l'on plante les Haricots.
On trace quatre rangs par coffre, et l'on plante à environ 0m,15 sur la ligne; après quoi les soins à donner consistent à refaire les réchauds de temps à autre, afin d'entretenir la chaleur nécessaire dans la couche; à couvrir les panneaux pendant la nuit; à donner de l'air toutes les fois que la température le permet; enfin, à bassiner au besoin, surtout au moment de la floraison, afin d'empêcher les fleurs de couler; et lorsque les Haricots ont environ 0m,25 de hauteur, on les couche vers le haut du coffre, puis on les maintient dans cette position au moyen de petites tringles de bois qu'on pose sur les tiges. Peu de jours après, l'extrémité des tiges se relève (on peut alors enlever les tringles), mais la partie inférieure reste couchée sur le sol. Ainsi traités, on commence ordinairement à cueillir les premiers Haricots six semaines après le semis.
C'est souvent à tort que l'on détruit les Haricots aussitôt après qu'on en a récolté les premiers produits; car en les nettoyant avec soin, opération qui consiste à enlever les feuilles mortes et les fruits que l'on a trouvés trop petits pour être cueillis, ils donneront au bout de quelque temps une seconde récolte aussi abondante que la première.
On peut faire avec avantage l'application du chauffage par le thermosiphon à la culture des Haricots sous panneaux. Il suffit alors de préparer une couche très-mince dans le but seul de garantir les Haricots de l'humidité du sol, puis on fait circuler les tuyaux de l'appareil au-dessus de la couche; on entretient la chaleur de 15 à 20 degrés sous les panneaux; et comme l'on peut régler ce chauffage à volonté, on découvre tous les jours, sans avoir égard à l'état de la température, et l'on donne de l'air aussi souvent qu'il est nécessaire, ce qui contribue puissamment au succès de l'opération.
En avril, on semé encore sur couche, mais on repique en pleine terre et sous cloches. On repique trois Haricots sous chacune; au bout de quelques jours, on commence à donner de l'air, puis on enlève les cloches lorsque les gelées ne sont plus à craindre et que la température est favorable. Il va sans dire qu'on peut indifféremment employer des cloches ou des panneaux.
On sème en pleine terre en mai; en terre légère, on sème dans la première quinzaine du mois; mais en terre forte, dans la seconde seulement, par touffes, ou mieux en rayons, car, par ce moyen, on obtient une végétation beaucoup plus vigoureuse, et par conséquent, des produits plus abondants. On trace des rayons d'environ 0m,05 de profondeur à 0m,40 les uns des autres; après quoi, on sème les Haricots un à un, à 0m,15 ou 0m,20 sur la ligne, puis on les couvre d'environ 0m,02 de terre.
Pour semer par touffes, on fait des trous de 0m,05 à 0m,06 de profondeur, disposés en échiquier, à 0m,40 les uns des autres; on sème cinq ou six Haricots dans chacun, puis on les recouvre de la même quantité de terre que ceux qui sont semés en rayons. Quelque temps après, on donne un binage pour faciliter la levée des graines; mais c'est seulement lorsque les Haricots sont bien levés qu'on finit de remplir les trous ou les rayons. À partir de l'époque ci-dessus indiquée, on peut semer des Haricots en pleine terre, jusqu'à la mi-août, pour manger en vert (les Haricots qu'on cultive particulièrement pour cet usage sont: le Nain de Hollande, le Flageolet et le Bagnolet); mais, quand on veut récolter en sec, il ne faut pas semer après le mois de mai, excepté pour quelques variétés naines hâtives, que l'on peut encore semer dans la première quinzaine de juin. On cultive encore un grand nombre de variétés de Haricots, que l'on divise en deux catégories.
La durée germinative des semences de Haricots est de trois ans.
Haricots à manger en vert ou écossés.—Nain de Hollande, h. 0m,30,—Noir de Belgique, h. 0m,35,—de Soissons nain, h. 0m,50.—de la Chine, h. 0m,35,—Flageolet, h. 0m,35,—Fl. jaune, h. 0m,40,—Suisse blanc, 0m,45,—S. gris, h, 0m,45—de Chartres, h. 1m,40,—de Soissons, h. 2m,—Sabre, h. 2m,—Riz, h. 0m,60.
Haricots sans parchemin ou Mange-tout.—Nain blanc, h. 0m,50,—Sabre nain, h. 0m,50,—de Prague marbré nain, h. 0m,45,—Princesse nain, h. 0m,40,—Jaune du Canada, h. 0m,40,—Beurre nain, h. 0m,35,—Predomme, h. 1m,50,—Princesse, h. 2m,—Beurre 2m,50,—B. blanc, h. 2m,—de Prague rouge, h. 2m,50,—de P. marbré, h. 2m,—de P. bicolore, h. 2m,50,—de Villetaneuse, h. 2m.
Igname de la chine (Dioscorea Batatas).—Cette plante, dont l'introduction en France date de 1848, a résisté à l'épreuve du temps, sous laquelle ont succombé un grand nombre de plantes nouvelles. Elle justifie de plus en plus les espérances fondées sur les services qu'elle rend dans son pays natal, et l'on peut dire maintenant qu'elle est digne à tous égards de figurer au premier rang sur la liste de nos plantes potagères.
La saveur des racines tuberculeuses de l'Igname de la Chine diffère peu de celle de la Pomme de terre; elles sont aussi riches en fécule, et peuvent, comme la Pomme de terre, recevoir toute sorte d'assaisonnements.
Ces racines sont annuelles; laissées en terre, elles s'atrophient chaque année, mais seulement après avoir donné naissance à de nouvelles racines, qui partent du collet de la plante.
On multiplie l'Igname de la Chine en plantant, en mars ou avril, sans plus de soins que n'en exige la culture bien comprise de la Pomme de terre, soit les bulbilles qui naissent dans les aisselles des feuilles, soit les jeunes racines que produisent les bulbilles, soit enfin le collet des racines destinées à la consommation. On plante les Ignames de la Chine en lignes, à 0m,20 ou 0m,25 les unes des autres, en tous sens. Dans les terrains siliceux, qui conviennent mieux que tous les autres à la culture de cette plante, la récolte des Ignames de la Chine peut être faite l'année même de la plantation. Les frais d'arrachage ne dépassent pas sensiblement alors ce que coûte ordinairement la récolte des Carottes longues, par exemple. Néanmoins, pour obtenir de cette plante tout ce qu'elle peut produire, il faut laisser les racines en terre pendant deux ans. D'après ce que nous avons été à même de constater dans nos propres cultures, le rendement en racines de l'Igname de la Chine dépasse toujours de beaucoup la seconde année ce que la même étendue de terrain aurait pu produire de Pommes de terre. Il en résulte que, malgré les deux années de culture et les frais d'arrachage, cette opération offre encore des avantages certains.
Bien que les tiges de l'Igname de la Chine soient grimpantes, elles n'ont pas besoin d'être ramées, et l'on peut les laisser ramper sur le sol. S'il arrivait même qu'elles prissent un trop grand développement la seconde année, on pourrait sans inconvénient en donner une partie aux bestiaux, qui les mangent avec plaisir comme fourrage frais. L'Igname de la Chine est peu sensible au froid; sous le climat de Paris, elle passe très-bien en pleine terre les hivers ordinaires. Cependant, il est prudent d'arracher les Ignames de la Chine dès que les tiges sont complétement sèches.
Placée dans les mêmes conditions que la Pomme de terre, l'Igname de la Chine peut se conserver facilement cinq et six mois hors de terre.