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Mémoires d'Outre-Tombe, Tome 3

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1: Ce livre a été composé à Paris en 1839 et revu en juin 1847.

2: Chateaubriand l'avait acheté de M. de Fontanes pour une somme de 20,000 francs (Préface des Mélanges littéraires, tome XVI des Œuvres complètes).

3: Voir l'Appendice no I; L'Article du Mercure.

4: L'acquisition de la Vallée-aux-Loups est du mois d'août 1807. Joubert écrivait à Chênedollé le 1er septembre: «Chateaubriand viendra tard à Villeneuve, car il a acheté au delà de Sceaux un enclos de quinze arpents de terre et une petite maison. Il va être occupé à rendre la maison logeable, ce qui lui coûtera un mois de temps au moins et sans doute aussi beaucoup d'argent. Le prix de cette acquisition, contrat en main, monte déjà à plus de 30,000 francs. Préparez-vous à passer quelques jours d'hiver dans cette solitude, qui porte un nom charmant pour la sauvagerie. On l'appelle dans le pays: Maison de la Vallée-aux-Loups. J'ai vu cette Vallée-aux-Loups: cela forme un creux de taillis assez breton et même assez périgourdin. Un poète normand pourra aussi s'y plaire. Le nouveau possesseur en paraît enchanté, et, au fond, il n'y a point de retraite au monde où l'on puisse mieux pratiquer le précepte de Pythagore: Quand il tonne, adorez l'écho

5: «En attendant d'aller prendre possession de la Vallée-aux-Loups, nous prîmes un appartement dans un hôtel garni, rue des Saints-Pères. Cet hôtel, où depuis longtemps nous avions coutume de loger quand nous n'avions pas d'appartement, était tenu par un ancien officier du Gobelet de Louis XVI, coiffé à l'oiseau royal, et royaliste enragé. Sa chère femme était une demoiselle de très bonne maison, veuve d'un marquis de Béville pour lequel elle conservait un souvenir d'orgueil qui ne nuisait en rien à la tendresse qu'elle portait à son nouvel époux. Elle était sourde au point de ne rien entendre avec un cornet long d'une demi-aune et qui ne quittait jamais son oreille. M. de La Valette—c'est ainsi qu'il s'appelait—était le meilleur homme du monde; il se serait mis au feu pour nous et même nous aurait donné sa bourse, si ce n'est qu'il prenait souvent la nôtre pour la sienne. Le pauvre homme, Dieu ait son âme! ne pouvait aimer quelqu'un sans se mettre de suite en communauté de biens avec lui. Il était d'une obligeance extrême, et, pour être plus tôt prêt à se mettre en course pour rendre un service, il ne quittait jamais sa canne à pomme d'or.» Souvenirs de Mme de Chateaubriand.

6: L'Infirmerie de Marie-Thérèse, située rue d'Enfer, au numéro 86 (aujourd'hui rue Denfert-Rochereau no 92), avait été fondée par M. et Mme de Chateaubriand, qui y consacrèrent des sommes considérables. Mme de Chateaubriand a été enterrée sous l'autel de la chapelle. Derrière l'autel, sur une tablette de marbre noir, on lit cette inscription:

Distinguée par l'exercice des bonnes œuvres qu'inspire la religion, elle a voulu faire bénir sa mémoire par la pieuse fondation de l'Infirmerie de Marie-Thérèse, faite de concert avec son époux.

7: «Quand nous quittions le jardin, M. de Chateaubriand se mettait à travailler à ses Martyrs et à son Itinéraire, et nous passions ainsi très heureusement notre vie, quand, au mois d'avril 1808, M. de Chateaubriand fut atteint d'une fièvre lente, avant-coureur d'une grave maladie qu'il fit pendant l'été 1808. Vers le mois de juillet (ou juin) il tomba tout à fait malade. Nous revînmes loger à l'hôtel de Rivoli. Cette maladie fut longue et extrêmement douloureuse.» Souvenirs de Mme de Chateaubriand.

8: Anne-Louis Girodet (1767-1824), le peintre d'Endymion, de la Scène du déluge, etc. Il avait exposé dans un précédent Salon les Funérailles d'Atala. Chateaubriand lui paya sa dette au premier chant des Martyrs, où, après avoir décrit le sommeil d'Eudore, il ajoute: «Tel, un successeur d'Apelles a représenté le sommeil d'Endymion.» Et, dans une note de son poème: «Il était bien juste, dit-il, que je rendisse ce faible hommage à l'auteur de l'admirable tableau d'Atala au tombeau. Malheureusement je n'ai pas l'art de M. Girodet, et tandis qu'il embellit mes peintures, j'ai bien peur de gâter les siennes.»

9: Dominique Vivant, baron Denon (1745-1825). Il était, sous l'Empire, directeur général des Musées.

10: Le portrait de Chateaubriand fut exposé au Salon de 1808.

11: «Maître Benjamin, le plus fripon des jardiniers...» Souvenirs de Mme de Chateaubriand.

12: «À la fin de l'été de 1808, M. de Chateaubriand ayant achevé ses Martyrs, voulut, pour en surveiller l'impression, passer l'hiver à Paris; nous louâmes un appartement rue Saint-Honoré, au coin de la rue Saint-Florentin.» Souvenirs de Mme de Chateaubriand.—Les Martyrs parurent au mois de mars 1809.

13: Jean-François Boissonade (1774-1857). Attaché au Journal des Débats depuis 1802, il y donna régulièrement jusqu'en 1813 des articles bibliographiques qui ont été recueillis par M. Colincamp, sous le titre de: Critique littéraire sous le premier Empire (1863, 2 vol. in-8o).

14: Malte-Conrad Brun, dit Malte-Brun, né à Thisted (Jutland) le 12 août 1775, mort à Paris le 14 décembre 1826. Il écrivait, comme Boissonade, dans le Journal des Débats.

15: François Benoît Hoffman (1760-1828).—Il avait débuté dans le Journal des Débats, en 1807, par des Lettres champenoises, où un soi-disant provincial, membre de l'Académie de Châlons, rend compte à un cousin de tout ce qu'il voit de curieux à Paris. Elles obtinrent un très vif succès. Ses articles sur les Martyrs parurent dans les Débats. Ils ont été recueillis au tome IX des Œuvres complètes d'Hoffman, p. 125 et suiv.

16: L'abbé Clausel de Montals qui devait devenir, sous la Restauration, évêque de Chartres. Mme de Chateaubriand qui était beaucoup moins bonne que son mari, a fait durement expier au pauvre abbé sa critique des Martyrs. «Nous vîmes, écrit-elle dans ses Souvenirs, des gens se disant royalistes, des prêtres mêmes, sous prétexte que les Martyrs n'étaient pas tout à fait exempts des censures ecclésiastiques, se mettre à en dire pis que pendre. C'était une manière un peu hypocrite de faire sa cour ... Ce fut ensuite, je le dis à regret, M. l'abbé H. de Clausel, aujourd'hui évêque de Chartres et frère de notre meilleur ami: il était alors grand vicaire d'Amiens et il pensa avec raison que ses diatribes lui vaudraient la croix d'honneur: il reçut effectivement quelque temps après cette insigne faveur».—Voir, au tome II, l'Appendice sur les Quatre Clausel.

17: Voir l'Appendice, no II: Les Martyrs et M. Guizot.

18: Les Martyrs, livre XXIII.

19: Il avait épousé, en 1795, à Jersey, où elle mourut en 1857, (Jeanne Le Brun d'Anneville; Armorial of Jersey, I. 51).

20: Pierre-François-Joachim Henry-Larivière (1761-1838), ancien député à l'Assemblée législative de 1791, à la Convention et au Conseil des Cinq-Cents, où il avait été envoyé par 63 départements. Proscrit après le 18 fructidor (septembre 1797), il ne cessa, depuis cette époque jusqu'à la Restauration, de travailler au rétablissement de la monarchie. Louis XVIII le nomma avocat général, puis conseiller à la Cour de cassation. Après la révolution de juillet, il refusa de prêter serment au nouveau roi.

21: Les originaux du procès d'Armand m'ont été remis par une main ignorée et généreuse.—Ch.

22: M. de Goyon-Vaurouault.

23: Laya, l'auteur de l'Ami des lois, et l'abbé Sicard, l'apôtre des sourds-muets. Henry-Larivière était homme d'esprit et ses lettres étaient pleines de railleries piquantes à l'adresse du gouvernement impérial. Sicard et Laya se tirèrent tous les deux à assez bon compte de cette périlleuse affaire.

24: Elle eut lieu le jour du vendredi saint, 31 mars 1809.

25: Voir l'Appendice no III: Armand de Chateaubriand.

26: Chateaubriand ne dit rien du temps qui s'écoula d'avril 1809 à janvier 1811. Ces vingt mois ne furent, en effet, marqués pour lui par aucun événement politique ou littéraire. Mme de Chateaubriand, de son côté, se borne ici à ces quelques lignes: «À la fin de mai (1809) nous retournâmes à la campagne, où M. de Chateaubriand s'occupa de son Itinéraire. Dans le courant de l'été, nous fûmes, comme de coutume, passer quelques jours à Méréville, ensuite à Verneuil chez M. de Tocqueville, d'où nous allâmes au Ménil chez Mme de Rosambe. Cette vie de château était fort agréable et fort à la mode sous Bonaparte: une partie de la société, celle qui n'allait point à la nouvelle cour, passait neuf mois de l'année à la campagne.»

27: L'Itinéraire parut au mois de mars 1811.

28: Le succès fut attesté, comme autrefois celui d'Atala, par plusieurs parodies, dont la plus spirituelle avait pour titre: Itinéraire de Pantin au Mont-Calvaire, en passant par la rue Mouffetard, le faubourg Saint-Marceau, le faubourg Saint-Jacques, le faubourg Saint-Germain, les quais, les Champs-Élysées, le bois de Boulogne, Auteuil et Chaillot, etc., ou Lettres inédites de Chactas à Atala; ouvrage écrit en style brillant et traduit pour la première fois du breton sur la 9e édition par M. de Châteauterne (René Perrin).—Paris, Dentu, in-8o.—Une autre parodie, qui avait pour auteur Cadet de Gassicourt, était intitulée: Itinéraire de Lutèce au Mont Valérien, en suivant le fleuve Séquanien et en revenant par le mont des Martyrs. Cadet de Gassicourt avait déjà publié, en 1807, contre Chateaubriand, une brochure intitulée: Saint-Géran ou la nouvelle langue française, anecdote récente.

29: Louis-François de Bausset (1748-1824). Il était évêque d'Alais depuis 1784, lorsque ce siège épiscopal fut supprimé par l'Assemblée constituante. Obligé d'abandonner son diocèse, il émigra en Suisse au commencement de 1791, mais ne tarda pas à rentrer en France. Il fut incarcéré pendant la Terreur et, après le 9 thermidor, se retira à Villemoisson, près de Longjumeau. Lors du Concordat, il donna sa démission à la demande du Pape et ne figura point parmi les nouveaux évêques, sa santé ne lui permettant pas d'accepter encore un ministère actif. Nommé pair de France en 1815 et cardinal en 1817, il fut, la même année, créé duc par Louis XVIII. Son Histoire de Fénelon avait paru en 1808; son Histoire de Bossuet parut en 1814.

30: Joseph-Marie-Blaise de Chénier (1764-1811).

31: Un contemporain, M. Auguis, qui fut député des Deux-Sèvres, raconte ainsi de quelle façon cavalière Chateaubriand fit ses visites: «Lorsque Chateaubriand alla faire ses visites d'Académie française, il se rendit à cheval chez ses futurs confrères. Aux renommés et aux puissants, il faisait la visite entière; au fretin, il remettait sa carte et ne descendait point du fougueux coursier. Quand on en vint à la délibération, M*** vota pour le cheval du nouveau confrère, disant que c'était de lui seul qu'en bonne conscience il avait reçu visite.».—Journal inédit de Ferdinand Denis, auteur des Scènes de la Nature sous les Tropiques et d'André le Voyageur.

32: L'élection eut lieu le mercredi 20 février 1811, quarante jours révolus après la mort de Marie-Joseph Chénier. Il n'y avait que vingt-cinq membres présents. Chateaubriand obtint la presque unanimité. (Villemain, M. de Chateaubriand, p. 181.)

33: Elle était composé de MM. François de Neufchâteau, Regnaud de Saint-Jean d'Angély, Lacretelle aîné, Laujon, Legouvé.

34: Voir l'Appendice no IV: le Discours à l'Académie.

35: M. de Boufflers.

36: L'abbé Delille.

37: C'est un vers du Dithyrambe sur l'immortalité de l'âme, composé par l'abbé Delille pendant la Terreur. Voici les strophes auxquelles Chateaubriand faisait allusion:

Oui, vous qui, de l'Olympe usurpant le tonnerre,
Des éternelles lois renversez les autels;
Lâches oppresseurs de la terre,
Tremblez, vous êtes immortels!

Et vous, vous du malheur victimes passagères,
Sur qui veillent d'un Dieu les regards paternels,
Voyageurs d'un moment aux terres étrangères,
Consolez-vous, vous êtes immortels!

38: M. de Fontanes.

39: M. Suard.

40: L'abbé Morellet, qui avait publié en 1795 deux éloquents écrits en faveur des victimes de la Révolution, le Cri des familles et la Cause des pères.

41: Le comte de Ségur, fils du maréchal de Ségur et père du général de Ségur. Ce dernier, le futur historien de la guerre de Russie, avait été criblé de balles, à la bataille de Sommo-Sierra, le 30 novembre 1808; il avait reçu en pleine poitrine un biscaïen qui lui avait mis le cœur à découvert. Mutilé, sanglant, de sa main crispée tenant toujours son sabre, il lui fallut faire retraite avec ses compagnons sous une pluie de fer et de feu, exposé sans cesse à recevoir le coup décisif; il tomba enfin dans les bras de nos grenadiers du 96e. Pendant que le colonel de La Grange lui donnait les premiers soins, animé par la lutte, il criait encore: «En avant! en avant! que l'infanterie nous venge!» L'empereur le vit de loin, et s'étant informé: «Ah! pauvre Ségur! s'écria-t-il. Yvan, allez vite et sauvez-le moi!» (Le général Philippe de Ségur, par Saint-René Taillandier, p. 97.)

42: L'abbé Sicard.

43: Le comte d'Aguesseau.

44: Ducis,—le vieux Ducis fut particulièrement sensible à ce que Chateaubriand disait de lui. Il écrivait à M. Odogharty de La Tour, le 20 juillet 1814: «Dites bien, mon cher ami, à M. de Chateaubriand, combien je suis sensible à l'honneur de son estime. Ce qu'il a dit de moi dans son Discours de réception n'est point une chose vulgaire ni dite vulgairement. Il a le secret des mots puissants, et son suffrage est une puissance encore.»

45: Gabriel Legouvé, auteur de la Mort d'Abel, d'Epicharis et Néron et de la Mort d'Henri IV.

46: Raynouard, auteur de la tragédie des Templiers.

47: Laujon.

48: Parny, le chantre d'Éléonore, né à l'île Bourbon.

49: Bernardin de Saint-Pierre.

50: Esmenard, auteur d'un poème sur la Navigation.

51: Le cardinal Maury, déjà nommé par l'Empereur archevêque de Paris (16 octobre 1810), mais dans lequel Chateaubriand ne voulait voir que l'évêque de Montefiascone, nommé par le pape Pie VI (21 février 1794).

52: Allusion à une tirade de la satire de Marie-Joseph Chénier, intitulée les Nouveaux Saints et qui commence ainsi:

Ah! vous parlez du diable? il est bien poétique,
Dit le dévot Chactas, ce sauvage érotique.

53: Marie-Françoise-Sophie Nichault de Lavalette, Mme Sophie Gay (1776-1852), auteur de romans qui ont eu du succès et dont les meilleurs sont: Léonie de Montbreuse, Anatole, les Malheurs d'un amant heureux, un Mariage sous l'Empire, la Duchesse de Châteauroux, le Comte de Guiche. Elle a eu pour fille Mlle Delphine Gay, qui devint Mme Émile de Girardin.—Mme Sophie Gay a publié, dans la Presse du 14 août 1849, la lettre que Chateaubriand lui avait écrite, au mois d'avril 1811, pour la remercier du service qu'elle venait de lui rendre. En voici le texte:

«Vous êtes, Madame, si bonne et si douce pour moi que je ne sais comment vous remercier. J'irais à l'instant même mettre ma reconnaissance à vos pieds, si des affaires de toutes les sortes ne s'opposaient à l'extrême plaisir que j'aurais à vous voir. Je ne pourrai même aller vous présenter tous mes hommages que jeudi prochain, entre midi et une heure, si vous êtes assez bonne pour me recevoir. Je suis obligé d'aller à la campagne. Pardonnez, Madame, à cette écriture arabe. Songez que c'est une espèce de sauvage qui vous écrit, mais un sauvage qui n'oublie jamais les services qu'on lui a rendus et la bienveillance que l'on lui témoigne.

«Mardi.

«De Chateaubriand.»

54: Voir l'Appendice no V: Le Génie du christianisme et les prix décennaux.

55: C'est une épigramme de l'Anthologie. L'oiseau à qui s'adresse le poète grec, c'est l'hirondelle, «trop amie de l'auteur, selon la très fine remarque de M. de Marcellus (p. 189), pour qu'il ose la nommer quand il va en médire.»—Chateaubriand aimait beaucoup l'Anthologie grecque et se plaisait à la citer. Lui-même aurait pu, au besoin, lui fournir des modèles. J'en trouve la preuve à la date même où nous sommes. «À cette époque de perfection, dit Sainte-Beuve (Chateaubriand et son groupe littéraire sous l'Empire, II, 98), à cette époque de perfection où il était parvenu (1811-1813), il excellait même dans des bagatelles; il portait de sa grandeur jusque dans les moindres élégances; et j'ai trouvé sur un Album du temps (celui de Mme de Rémusat) cette admirable épigramme écrite de sa main; elle serait célèbre si elle était traduite de l'Anthologie et ferait chef-d'œuvre entre les plus belles de l'antique recueil, entre celles d'un Antipater de Sidon ou d'un Léonidas de Tarente:

«La Gloire, l'Amour et l'Amitié descendirent un jour de l'Olympe pour visiter les peuples de la terre. Ces divinités résolurent d'écrire l'histoire de leur voyage et le nom des hommes qui leur donneraient l'hospitalité. La Gloire prit dans ce dessein un morceau de marbre, l'Amour des tablettes de cire, et l'Amitié un livre blanc. Les trois voyageurs parcoururent le monde, et se présentèrent un soir à ma porte: je m'empressai de les recevoir avec le respect que l'on doit aux Dieux. Le lendemain matin, à leur départ, la Gloire ne put parvenir à graver mon nom sur son marbre; l'Amour, après l'avoir tracé sur ses tablettes, l'effaça bientôt en riant; l'Amitié seule me promit de le conserver dans son livre.

«De Chateaubriand.—1813.»

56: Le 4 septembre 1812, Chateaubriand reçut du préfet de police l'ordre de s'éloigner de Paris; il se retira à Dieppe. (Voir le tome I des Mémoires, p. 63.)—Avant de quitter Paris, il adressa ce billet à Joubert, par manière d'adieu: «Mon cher ami, je voulais aller vous embrasser. Je pars cette nuit pour Dieppe; j'ai grand besoin de respirer un peu l'air de ma nourrice, la mer. La Chatte (Mme de Chateaubriand) va se trouver bien seule, puisque vous partez aussi. Je vous embrasse donc tendrement, ainsi que le Loup (Mme Joubert).»—À la page 191 de son livre sur Chateaubriand, M. Villemain, qui brouille volontiers les dates, place en 1813, au lieu de 1812, l'exil à Dieppe.

57: Voir, sur cet épisode, l'Appendice no VI: Petite guerre pendant la campagne de Russie.

58: Voir la lettre de Chateaubriand à M. de Pommereul, à l'Appendice no VI.

59: Au tome II des Mémoires, p. 180.

60: «Lorsqu'en 1800 je quittai l'Angleterre pour rentrer en France sous un nom supposé, je n'osai me charger d'un trop gros bagage: je laissai la plupart de mes manuscrits à Londres. Parmi ces manuscrits se trouvait celui des Natchez, dont je n'apportais à Paris que René, Atala et quelques descriptions de l'Amérique.

«Quatorze années s'écoulèrent avant que les communications avec la Grande-Bretagne se rouvrissent. Je ne songeai guère à mes papiers dans le premier moment de la Restauration; et d'ailleurs comment les retrouver? Ils étaient restés renfermés dans une malle, chez une Anglaise qui m'avait loué un petit appartement à Londres. J'avais oublié le nom de cette femme; le nom de la rue et le numéro de la maison où j'avais demeuré, étaient également sortis de ma mémoire.

«Sur quelques renseignements vagues et même contradictoires, que je fis passer à Londres, MM. de Thuisy eurent la bonté de commencer des recherches; ils les poursuivirent avec un zèle, une persévérance dont il y a très peu d'exemples...

«Ils découvrirent d'abord avec une peine infinie la maison que j'avais habitée dans la partie ouest de Londres, mais mon hôtesse était morte depuis plusieurs années, et l'on ne savait ce que ses enfants étaient devenus. D'indications en indications, de renseignements en renseignements, MM. de Thuisy, après bien des courses infructueuses, retrouvèrent enfin, dans un village à plusieurs milles de Londres, la famille de mon hôtesse.

«Avait-elle gardé la malle d'un émigré, une malle remplie de vieux papiers à peu près indéchiffrables? N'avait-elle point jeté au feu cet inutile ramas de manuscrits français?

«D'un autre côté, si mon nom sorti de son obscurité avait attiré dans les journaux de Londres l'attention des enfants de mon ancienne hôtesse, n'avaient-ils point voulu profiter de ces papiers, qui dès lors acquéraient une certaine valeur?

«Rien de tout cela n'était arrivé: les manuscrits avaient été conservés; la malle n'avait pas même été ouverte. Une religieuse fidélité, dans une famille malheureuse, avait été gardée à un enfant du malheur. J'avais confié avec simplicité le produit des travaux d'une partie de ma vie à la probité d'un dépositaire étranger, et mon trésor m'était rendu avec la même simplicité. Je ne connais rien qui m'ait plus touché dans ma vie que la bonne foi et la loyauté de cette pauvre famille anglaise.» Préface de 1826.

61: Il se composait de deux mille trois cent quatre-vingt-trois pages in-folio. (Avertissement des Œuvres complètes.)

62: Sauf en ce qui concerne les incidents de sa vie littéraire, les Mémoires de Chateaubriand ne nous fournissent presque aucun détail sur ces deux années de 1812 à 1814. Les Souvenirs de Mme de Chateaubriand nous permettent heureusement de combler cette lacune. En voici quelques extraits:

«Au commencement de l'hiver (1811-1812) nous louâmes un appartement appartenant à Alexandre de Laborde, dans la rue de Rivoli. Vers ce temps-là, M. de Chateaubriand commença à se sentir fort souffrant de palpitations et de douleurs au cœur, ce que plusieurs médecins qu'il consultait en secret, attribuèrent à un commencement d'anévrisme...

«Nous restâmes à Paris jusqu'au mois de mai (1812). De retour à la campagne, les palpitations de M. de Chateaubriand augmentèrent au point qu'il ne douta pas que ce ne fût vraiment un mal auquel il devait bientôt succomber. Comme il ne maigrissait pas et que son teint restait toujours le même, j'étais convaincue qu'il n'avait qu'une affection nerveuse. Cela ne m'empêchait pas d'être horriblement inquiète. Je ne cessais de le supplier de voir le docteur Laënnec, le seul médecin en qui j'eusse de la confiance. Enfin, un soir, Mme de Lévis, qui était venue passer la journée à la Vallée, le pressa tant qu'il consentit à profiter de sa voiture pour aller à Paris consulter Laënnec. Je le laissai partir; mais mon inquiétude était si grande qu'il n'était pas à un quart de lieue que je partis de mon côté, et j'arrivai quelques minutes après lui. Je me cachai jusqu'au résultat de la consultation. Laënnec arriva. Je ne puis dire ce que je souffris jusqu'à son départ. Je le guettais au passage, et lui demandai ce qu'avait mon mari. «Rien du tout», me répondit-il. Et là-dessus il me souhaita le bonjour et s'en alla. En effet, cinq minutes après, j'entendis le malade qui descendait l'escalier en chantant, et quand il rentra, vers onze heures, il fut enchanté de me trouver là pour me raconter que Laënnec trouvait son mal si alarmant qu'il n'avait pas même voulu lui ordonner les sangsues; il n'avait qu'une douleur rhumatismale. M. O..., qu'il rencontrait chez Mme de Duras, avait un anévrisme des plus caractérisés; et l'imagination s'en étant mêlée, une douleur à laquelle M. de Chateaubriand n'aurait pas fait attention dans un autre moment, pensa lui causer une maladie réelle...

«Nous passâmes l'hiver à Paris dans l'appartement que nous avions loué rue de Rivoli. Nos soirées étaient fort agréables: M. de Fontanes et M. de Humbold étaient nos plus fidèles habitués. Nous voyions aussi beaucoup Pasquier et Molé...

«Dès le mois d'avril (1813), nous retournâmes dans notre chère Vallée. Nous continuions à voir nos amis de l'un et de l'autre bord. Quelquefois, cependant, nous trouvions insupportable d'entendre des préfets, des grands juges et des chambellans de Bonaparte se traiter de monarchiques, et appeler Jacobins tout ce qui ne pliait pas sous la royauté corse...

«Nous revînmes à Paris au mois d'octobre. L'étoile de Bonaparte commençait à pâlir...»

63: Mémoires de Mme la duchesse d'Abrantès, tome I, p. 32 et suiv.—D'après Mme d'Abrantès, «lorsque Constantin Comnène aborda en Corse, en 1676, à la tête de la colonie grecque, il avait avec lui plusieurs fils, dont l'un s'appelait Calomeros ... Calomeros, traduit littéralement, signifie bella parte ou buona parte. Le nom de ce Calomeros, qui s'établit ensuite en Toscane, a donc été italianisé

64: Las Cases. Ch.

65: Bonaparte est resté trois mois et demi au collège d'Autun, du 1er janvier au 12 mai 1779. (Napoléon inconnu, par Frédéric Masson, tome I, p. 47-52.)

66: Bonaparte est resté à l'École militaire de Brienne du 19 mai 1779 au 30 octobre 1784. (Masson, tome I, p. 53-86.)

67: Ce nom de Buonaparte s'écrivait quelquefois avec le retranchement de l'u: l'économe d'Ajaccio qui signe au baptême de Napoléon a écrit trois fois Bonaparte sans employer la voyelle italienne u. Ch.

68: La brochure d'Eckard, publiée en 1826, a pour titre: Question d'état civil et historique, Napoléon Buonaparte est-il né Français?

69: Depuis Eckard et Chateaubriand, cette question a été souvent agitée. Voir notamment, en faveur de la date de 1768, Th. Iung, Bonaparte et son temps, t. Ier, p. 39 et suiv.—Dr Fournier, Napoléon Ier (traduction Jaeglé, tome Ier, p. 5);—en faveur de la date de 1769, Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire, p. 898 et suiv., et surtout Frédéric Masson, Napoléon inconnu, t. Ier, p. 15-18.—Dans les Souvenirs intimes du baron Mounier, publiés en 1896, je trouve, sous la date du 22 février 1842, cette curieuse note: «J'avais cru que l'histoire de la naissance de Napoléon n'était qu'une petite invention en dénigrement; mais, l'autre jour, M. Séguier m'a dit qu'ayant été présenté au premier consul et persuadé que celui-ci était né en 1768, il lui avait répondu, à la question habituelle de l'âge,—le premier Consul ayant l'air de le trouver trop jeune: «J'ai le même âge que Votre Majesté, je suis né en 1768»; et que le premier Consul s'était tourné vers Caulaincourt en lui disant avec humeur: «Comment donc sait-il mon âge?» Quelques années après, M. Séguier en prit pied pour tenir un pari contre Hamelin (le mari de la célèbre), qui faisait naître Napoléon en 1769; M. Séguier gagna, au moyen de l'acte de naissance annexé à l'acte de mariage déposé aux archives des actes civils.»

70: Les papiers dont parle ici Chateaubriand avaient été, en 1815, enfermés par Napoléon lui-même dans un carton qu'il avait scellé de son cachet impérial et sur lequel il avait écrit ces mots: À remettre au cardinal Fesch seul. Ce carton fut emporté à Rome par Fesch, qui, dit-on, n'eut point la curiosité de l'ouvrir. À la mort du cardinal (13 mai 1839) son grand vicaire et futur biographe, l'abbé Lyonnet, rapporta à Dijon le carton impérial. Guillaume Libri, qui avait appris l'existence de ces papiers, décida leur détenteur à les lui vendre au profit des pauvres. La cession fut faite par acte notarié moyennant sept à huit mille francs. Après les avoir utilisés pour son travail de la Revue des Deux-Mondes: Souvenirs de la Jeunesse de Napoléon, manuscrits inédits, Libri les vendit très cher au comte d'Ashburnham. Le fils de ce dernier ayant mis en vente, en 1883, la collection paternelle, l'une des plus riches de l'Europe en documents de toutes sortes, le gouvernement italien s'est rendu acquéreur, l'année suivante, moyennant la somme de 23,000 livres sterling (675,000 francs), d'un lot d'environ dix-huit cents manuscrits, parmi lesquels figuraient les papiers de jeunesse de Napoléon. Ils se trouvent aujourd'hui à la Bibliothèque Laurentienne, à Florence.—Voir Frédéric Masson, Napoléon inconnu, tome Ier, Introduction.

71: Mémorial de Sainte-Hélène.

72: Vanina d'Ornano, femme du corse Sampietro, fut étranglée par son mari, qui la tenait pour criminelle, parce que, voulant le sauver, elle avait imploré sa grâce auprès du sénat de Gênes, qui l'avait frappé de proscription (1567).

73: Théodore, baron de Neuhof, né à Metz vers 1690, était parvenu, après d'étranges aventures, à se faire nommer roi de Corse en 1736 sous le nom de Théodore Ier, et à délivrer presque en entier son royaume de la tyrannie génoise. Obligé de quitter la Corse pour chercher de nouveaux secours sur le continent, il tenta d'y revenir en 1738 et en 1743 et, empêché de débarquer, se réfugia à Londres où ses créanciers le firent enfermer dans la prison pour dettes. En 1753, Horace Walpole ouvrit en sa faveur une souscription, dont le produit servit à adoucir les rigueurs de sa captivité, et plus tard il lui fit ériger un tombeau dans le cimetière de Sainte-Anne de Westminster.

74: Mathieu, comte de Buttafuoco (1731-1806). Lors de la réunion de la Corse à la France, à laquelle les Génois venaient de céder leurs droits (1768), il devint un des principaux agents choisis par le ministre Choiseul pour traiter avec Pascal Paoli, qui ne consentait qu'au protectorat français; Buttafuoco réussit à faire prévaloir l'annexion. Il fut élu en 1789, par la noblesse de l'île de Corse, député aux États-Généraux, et siégea dans les rangs de la minorité. Il émigra après la session, rentra en Corse avec les Anglais en 1794 et resta, à partir de ce moment, étranger à la vie politique.

75: Le Projet de constitution pour les Corses, par J.-J. Rousseau a été publié pour la première fois en 1861 dans le volume de M. Streckeisen-Moulton, Œuvres et correspondance inédites de J.-J. Rousseau.

76: Contrat social, livre II, chapitre X.

77: Voici le texte complet de cette note, dont l'auteur, le chevalier de Kéralio, maréchal de camp, était chargé de l'inspection des treize écoles royales militaires créées en 1775 par Louis XVI: «M. de Buonaparte (Napoléon) né le 15 août 1769, de 4 pieds 10 pouces, a fait sa quatrième. Constitution, santé excellente, caractère soumis, doux, honnête, reconnaissant, conduite très régulière, s'est toujours distingué par son application aux mathématiques. Il sait très passablement son histoire et sa géographie. Il est très faible dans les arts d'agréments. Ce sera un excellent marin, digne d'entrer à l'école de Paris.»

78: Dans une note de sa main, qu'il intitule: Époques de ma vie, Bonaparte a donné une date un peu différente. La note porte: Parti pour l'École de Paris le 30 octobre 1784.

79: Napoléon est resté un an à l'École militaire de Paris, du 31 octobre ou du 1er novembre 1784 au 28 octobre 1785.

80: La Note, déjà citée, de Napoléon porte: Parti pour le régiment de la Fère en qualité de lieutenant en second. 30 octobre 1785. Le régiment de la Fère était un régiment d'artillerie; il était alors en garnison à Valence.

81: Pierre-Auguste Lajard (1757-1837). Il fut ministre de la guerre du 16 juin au 24 juillet 1792. Décrété d'accusation après le 10 août, il passa en Angleterre et y resta jusqu'après le coup d'État de brumaire. Bonaparte ne lui accorda pas l'autorisation de reprendre son rang dans l'armée, mais sous l'Empire il lui donna une pension de 6,000 francs comme ancien ministre.

82: Bonaparte fut, en effet, destitué un moment, à la fin de 1791, pour ne s'être point trouvé présent à la revue de rigueur du mois de décembre: il était alors lieutenant au 4e régiment d'artillerie. Le 10 juillet 1792, il fut réintégré dans son emploi. Ce fut le ministre Lajard qui le réintégra dans ses droits, mais ce n'était pas lui qui avait signé la mesure de révocation. Le ministre qui destitua le lieutenant Bonaparte, et qui était alors aussi fameux que Lajard était ignoré, devait devenir plus tard l'aide de camp particulier de Napoléon, l'accompagner pendant la campagne de Russie et être nommé, en 1813, son ambassadeur à Vienne: c'était le comte Louis de Narbonne.

83: Le corset était un petit assignat de 5 livres.

84: Les termes dont se sert ici Chateaubriand sont de nature à donner lieu à une confusion de dates. L'an I va du 21 septembre 1792 au 21 septembre 1793; l'an II va du 22 septembre 1793 au 21 septembre 1794. Le mois de janvier an II appartient donc à l'année 1794. Or, ce n'est pas de l'année 1794 que veut parler ici Chateaubriand, puisque les divers incidents dont il va parler sont tous antérieurs à 1794. La Lettre à Matteo Buttafuoco est du mois de janvier 1791; le Souper de Beaucaire est du mois de juillet 1793; c'est dans la première quinzaine de septembre 1793 que Bonaparte arrive et est employé devant Toulon. L'erreur commise par Chateaubriand est venue de ce que Bonaparte a daté comme suit sa Lettre à Buttafuoco: «De mon cabinet de Milleli, le 23 janvier, l'an II.» Or, cette lettre, je l'ai dit, est du 23 janvier 1791. L'usage, à ce moment, était d'appeler l'année 1791 l'an deux de la liberté.

85: Lettre de M. Buonaparte à M. Matteo Buttafuoco, député de la Corse à l'Assemblée nationale; brochure de 21 pages in-8o, sans lieu ni nom d'imprimeur. D'après Quérard, elle fut imprimée de fait à Dôle chez Fr.-X. Joly.

86: Voici le titre complet de cette brochure qui fut imprimée à Avignon, où elle eut deux éditions: Souper de Beaucaire ou Dialogue entre un militaire de l'armée de Carteaux, un marseillais, un nîmois et un fabricant de Montpellier sur les événements qui sont arrivés dans le ci-devant Comtat à l'arrivée des Marseillais.

87: M. Frédéric Masson (Napoléon inconnu, tome II, p. 400) a donné un fac-similé de ce brevet du 30 août.

88: Voir cette lettre de Lajard et les explications dont M. Frédéric Masson l'accompagne, au tome 11, page 400, de Napoléon inconnu.

89: Le 27 août 1793.

90: Bonaparte, lors du siège de Toulon, était chef de bataillon au 2e régiment d'artillerie.

91: Mémoires de M. de Bourrienne, tome I, p. 78.

92: Malheur et Pitié, par l'abbé Delille, chant III.

93: Jean-André-Antoine Moltedo, né à Vico (Corse) le 14 août 1751, grand-vicaire de l'évêque constitutionnel de la Corse, membre de l'administration de ce département, député de la Corse à la Convention nationale, puis au Conseil des Cinq-Cents, consul de France à Smyrne (1797-1798), directeur des Droits-réunis dans les Alpes-Maritimes (1804), conseiller à la Cour impériale d'Ajaccio (1811-1815), mort à Vico le 26 août 1829.

94: Lucien Bonaparte, à l'époque du siège de Toulon, était garde-magasin des subsistances à Saint-Maximin (Var). «Bien que Saint-Maximin, dit M. Frédéric Masson (Napoléon et sa famille, I, 86), fût un médiocre théâtre pour un homme tel que lui, il n'avait point dédaigné de mettre les habitants à la hauteur. Grâce à lui et à Barras, Saint-Maximin était devenu Marathon; lui-même ne se nommait plus Lucien mais Brutus. À la Société populaire, où il était l'unique orateur, il régnait sous le titre de président, et il cumulait avec ce pouvoir délibératif, le pouvoir exécutif comme président du Comité révolutionnaire. Il en usait: plus de vingt habitants de la ville, des plus honorables et des plus respectés, étaient, par ses ordres, en prison comme suspects. «Des gens que j'aurais rougi d'approcher, a-t-il écrit plus tard, des galériens, des voleurs, étaient devenus mes camarades.»—Lorsqu'il se maria quelques mois plus tard, le 4 mai 1794 (15 floréal an II), avec Catherine Boyer, sœur de l'aubergiste chez qui il logeait, il prit, dans l'acte de mariage, la dénomination de Brutus Buonaparte.

95: Mémoires de la duchesse d'Abrantès, tome I, p. 181.

96: «Château-Sallé, une de ces bastides ensoleillées qui seraient ailleurs des maisons bourgeoises, mais qui, du paysage, de la végétation et de la lumière, prennent des airs pittoresques et reçoivent des apparences.» Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, I, 85.

97: Au cours du siège, Bonaparte avait été nommé par les représentants adjudant général chef de brigade le 27 octobre 1793, confirmé le 1er décembre. Le 22 décembre, après la prise de la ville, il est élevé au grade provisoire de général de brigade. Confirmé dans ce grade le 7 janvier 1794, il est chargé à la fois du commandement en chef de l'artillerie de l'armée d'Italie et de l'armement des côtes.

98: 13 juillet 1794.

99: Jean-François Ricord (1760-1818). Député du Gard à la Convention, il se signala par son ardeur montagnarde. Très lié avec Augustin Robespierre, il devint, comme lui, l'ami du jeune Bonaparte et le protégea puissamment. Après le 9 thermidor, Ricord fut dénoncé à la Convention et arrêté; il fut rendu à la liberté par l'amnistie du 4 brumaire an IV (26 octobre 1795). Ressaisi bientôt comme complice de Babœuf, il fut traduit devant la haute cour de Vendôme, qui l'acquitta. Après le 18 brumaire, son ancien protégé, devenu tout puissant, ne parut guère se souvenir des services qu'il en avait autrefois reçus. En l'an IX, ordre lui fut donné de s'éloigner de Paris; il refusa, fut arrêté le 19 novembre 1800, et relâché quelque temps après. Emprisonné de nouveau à la Force le 23 juillet 1806, il resta douze jours au secret, fut remis en liberté, mais fut placé en résidence à Saint-Benoist-sur-Loire, sous la surveillance de la police. Pendant les Cent-Jours, il obtint du gouvernement impérial les fonctions de lieutenant extraordinaire de police à Bayonne. Atteint par la loi du 12 janvier 1816 contre les régicides, il partit pour la Belgique en février suivant, et y mourut deux ans après.

100: Antoine-Christophe Saliceti (1757-1809). Il fut successivement membre de la Constituante, de la Convention et du Conseil des Cinq-Cents. Après le 18 brumaire, le Premier Consul lui confia diverses missions administratives en Corse, en Toscane et à Gênes. Nommé en 1806 ministre de la police générale à Naples, auprès du roi Joseph, il joignit bientôt à ces fonctions celles de ministre de la guerre, mais Joachim Murat se priva de ses services. Il revint en France et fut nommé par l'empereur membre de la Consulta qui devait prendre possession de Rome (1809). Il était dans cette ville quand une armée anglo-sicilienne débarqua en Calabre. Il se rendit aussitôt à Naples, que menaçait l'ennemi, rétablit l'ordre, et mourut subitement, empoisonné, a-t-on dit, à la suite d'un dîner que lui avait offert le génois Maghella, ministre de la police (23 décembre 1809).

101: Souvenirs du lieutenant-général comte Dumas, (t. III, p. 317).—Ch.

102: Le 29 fructidor an III (15 septembre 1795), le Comité de Salut public, dont Cambacérès est président, prend un arrêté par lequel «le général de brigade Buonaparte, ci-devant mis en réquisition près du Comité, est rayé de la liste des officiers généraux employés, attendu son refus de se rendre au poste qui lui a été assigné».

103: Le Sultan venait de demander à la France des officiers et des ouvriers d'artillerie pour réorganiser son armée. Bonaparte songea sérieusement à répondre à cet appel. Il écrivit à son frère Joseph, qui déjà, trois mois auparavant, l'avait entretenu d'un projet d'établissement en Turquie: «Si je demande, j'obtiendrai d'aller en Turquie, comme général d'artillerie, envoyé par le gouvernement pour organiser l'armée du Grand Seigneur, avec un bon traitement et un titre d'envoyé très flatteur; je te ferai nommer consul et ferai nommer Villeneulve ingénieur pour y aller avec moi; tu m'as dit que M. Anthoine y était déjà: ainsi, avant un mois, je viendrais à Gênes; nous irions à Livourne, d'où nous partirions.» Le 13 fructidor (30 août 1795), il formula sa demande, qui fut sérieusement examinée par le Comité de Salut public.

104: Mémoires de la duchesse d'Abrantès, tome I, p. 195.

105: Le 1er prairial an III.

106: Boissy d'Anglas, qui présidait la séance du 1er prairial, salua religieusement la tête sanglante de son collègue. Dans un article du Journal des Débats (22 août 1862), M. Saint-Marc Girardin a donné sur cet épisode de curieux détails qui ne diminuent en rien l'héroïsme déployé par Boissy d'Anglas en cette occasion: «Quelque temps après cette terrible séance, dit-il, Boissy d'Anglas montrait à M. Pasquier et à quelques amis la salle de la Convention et leur expliquait sur les lieux la scène du 1er prairial. «Étant monté avec lui sur l'estrade du fauteuil du président, disait M. Pasquier, j'aperçus au fond de cette estrade une porte que je n'y avais pas encore vue:—Qu'est-ce donc que cette porte nouvelle? lui dis-je.—Oui, vous avez raison, dit tout haut M. Boissy d'Anglas, elle n'est percée et ouverte que depuis peu de jours, et bien heureusement peut-être pour ma gloire. Car, qui peut savoir ce que j'aurais fait, si j'avais eu derrière moi cette porte prête à s'ouvrir pour ma retraite? Peut-être aurais-je cédé à la tentation.» Voilà bien, ajoutait M. Pasquier, le mot d'un vrai brave! Il avoue sans rougir que la peur est possible à l'homme. Il n'y a que ceux qui se croient capables d'être faibles qui ne le sont pas, et il n'y a aussi que ceux-là qui sont indulgents pour les faibles.»

107: Louis-Marie-Stanislas Fréron (1754-1802), fils du célèbre critique de l'Année littéraire et neveu de l'abbé Royou, le rédacteur de l'Ami du roi. Député de Paris à la Convention, et l'un des membres les plus exaltés de la Montagne, il fut, après le 31 mai, désigné avec Barras, Saliceti et Robespierre le jeune, comme commissaire auprès de l'armée chargée de reprendre Marseille sur les insurgés. À Marseille, et plus tard à Toulon, il se signala par d'abominables cruautés. Après la chute de Robespierre, il revendiqua le titre de Thermidorien et quitta la Montagne pour aller siéger au côté droit. Autrefois, dans l'Orateur du peuple, il avait rivalisé de fureur révolutionnaire avec Marat; il devient maintenant, toujours dans l'Orateur du peuple, le défenseur des contre-révolutionnaires. À la tête d'une bande de jeunes aristocrates, parés d'habits élégants, coiffés en cadenettes et la tête ornée de poudre—la Jeunesse dorée de Fréron,—il parcourt la ville en insultant et en malmenant «les patriotes» aux accents du Réveil du peuple, chanson royaliste à la mode. Puis voici qu'après le 13 vendémiaire, quand les royalistes sont vaincus, il revient à la Montagne. Tel est l'homme qui faillit épouser Pauline Bonaparte, et devenir le beau-frère du futur Empereur. On lira, dans Napoléon et sa famille (tome I, p. 150-163) les curieux détails que donne M. Frédéric Masson sur les amours de Paulette et de Fréron. Bonaparte, après le 18 brumaire, donna à son beau-frère manqué une place modeste dans l'administration des hospices, puis, en 1802, le nomma sous-préfet de l'un des arrondissements de Saint-Domingue. Fréron, pour se rendre à son poste, partit avec le général Leclerc,—et avec Paulette, devenue Mme Leclerc, en attendant d'être la princesse Borghèse. À peine arrivé à destination, il succomba victime des rigueurs du climat.

108: Andoche Junot, duc d'Abrantès (1771-1813). Ami du général Bonaparte, qu'il avait connu au siège de Toulon, il fut emmené par lui en Égypte; général de division en 1801, il devint commandant et gouverneur de Paris (1804). Mis en 1807 à la tête de l'armée dirigée contre le Portugal, il s'empara facilement de ce royaume et fut créé duc d'Abrantès; mais, l'année suivante, à la suite de la défaite de Vimeiro, il dut signer la capitulation de Cintra et abandonner sa conquête. Cet insuccès lui valut la disgrâce de Napoléon; il fut cependant admis à prendre part à la guerre d'Espagne (1810) et à la campagne de Russie. En 1813, il fut nommé gouverneur des provinces illyriennes. Tomber gouverneur à Trieste, après avoir été à la veille—il le croyait du moins—d'être roi à Lisbonne, le coup était rude. Le malheureux perdit la raison. Ramené en France, il mourut à Montbard le 27 juillet 1813.—Voir sur lui les Mémoires de sa femme et surtout les Mémoires du général Thiébault, tomes II, III, IV et V.

109: José Marchena (1768-1821). Poursuivi en Espagne par l'Inquisition pour des écrits clandestins, il se réfugia en France, fut accueilli par Marat et collabora à l'Ami du peuple. De Marat il passa aux Girondins, en attendant de passer aux royalistes sous le Directoire. Ses écrits contre-révolutionnaires le firent expulser de France en 1797. En 1800, secrétaire de Moreau à l'armée du Rhin, il s'amusa à composer en latin un morceau érotique qu'il attribua à Pétrone. Un grand nombre de savants se laissèrent prendre à cette supercherie, qu'il renouvela du reste en 1806 à propos de Catulle. Il a traduit en espagnol les Lettres persanes de Montesquieu, les Contes de Voltaire et la Nouvelle Héloïse de Rousseau.

110: Charles-Jean-Dominique de Lacretelle, dit le Jeune (1766-1855). Membre de l'Académie française, auteur de nombreuses publications historiques sur les Guerres de Religion, le XVIIIe siècle, la Révolution, le Consulat, l'Empire et la Restauration. On lui doit en outre de très intéressants Mémoires, parus en 1842 sous ce titre: Dix années d'épreuves pendant la Révolution.

111: Auguste Danican (1763-1848). Après avoir servi contre les Vendéens en 1793 et 1794, et s'être fait battre en maintes rencontres, il fut destitué, pour être bientôt replacé et envoyé à Rouen. Après le 13 vendémiaire, il se réfugia en Angleterre, où il publia contre les hommes de la Révolution un très curieux écrit intitulé: les Brigands démasqués (1796). À la chute de l'Empire, il rentra en France, mais n'ayant pu obtenir d'être réintégré dans les cadres de l'armée, il retourna à Londres et finit par se fixer dans le Holstein, où il termina obscurément ses jours au mois de décembre 1848.

112: Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795).—Au 13 vendémiaire, Bonaparte est encore général de brigade; dix jours après, le 24 vendémiaire (16 octobre), il est général de division dans l'arme de l'artillerie; encore dix jours, et le 4 brumaire (26 octobre) il est général en chef de l'Armée de l'Intérieur. Il a vingt-six ans.

113: Mémoires de M. de Bourrienne, tome I, p. 103.

114: Plus exactement cinq mois.

115: Le 12 avril 1796.

116: Le 14 avril.

117: Le 22 avril.

118: Le 25 avril.

119: Le 10 mai 1796.

120: Le 5 août 1796.

121: Septembre-octobre 1796. Les généraux de division Reynier, Desaix, Gouvion-Saint-Cyr, et le général Dessoles, chef de l'état-major, partagent avec Moreau l'honneur de cette admirable retraite.

122: Le 2 février 1797.

123: Le 19 février.

124: Le 16 mars.

125: Forteresse importante, contiguë au Frioul; elle est emportée de vive force, le 19 mars, par le général Bernadotte, soutenu du général Sérurier.

126: Le 24 mars.

127: Le 15 avril.

128: Elle était formée de la Lombardie autrichienne, du Bergamasque, du Bressan, du Crémasque et d'autres contrées de l'État de Venise, de Mantoue, du Modénais, de Massa et Carrara, du Bolonais, du Ferrarais et de la Romagne.

129: Coup d'État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797).

130: Campo-Formio est un hameau du Frioul, près d'Udine. L'Autriche cédait à la France les Pays-Bas autrichiens, ainsi que les pays d'Empire jusqu'au Rhin; elle reconnaissait la République cisalpine, à laquelle elle cédait Milan, Mantoue et Modène. L'État de Venise était abandonné à l'empereur, à la réserve des îles Ioniennes, que la France retenait.

131: Bonaparte avait été nommé par le Directoire premier plénipotentiaire; Treilhard et Bonnier d'Arco lui étaient adjoints. Les trois plénipotentiaires de l'Autriche étaient le comte de Metternich, père du futur chancelier, qui représentait l'Empereur; le comte Lehrbach, député de l'Autriche; le comte Cobenzl, envoyé du roi de Hongrie et de Bohême. La Prusse était représentée par le comte de Goërz, le baron Jacobi Klœst et le baron Dohm.

132: Il arriva à Paris le 5 décembre 1797.

133: Un arrêté du département de la Seine donne à la rue Chantereine, où demeure Bonaparte, le nom de rue de la Victoire. (Moniteur du 20 nivôse an VI, 9 janvier 1798).

134: Le Directoire, au lendemain du Coup d'État du 18 fructidor, avait notifié officiellement à l'Institut la loi de déportation, qui lui enlevait, dans la classe des Sciences mathématiques, le directeur Carnot; dans la classe des Sciences morales, Pastoret, du Conseil des Cinq-Cents, et le directeur Barthélemy; dans la classe de Littérature, Sicard et Fontanes. Bonaparte fut élu à la place de Carnot, le 26 décembre 1797. Dix jours après l'élection, le 5 janvier 1798, il parut pour la première fois à une séance publique. L'affluence fut extraordinaire. Le jeune général entra sans faste, vêtu d'un petit frac gris, et prit place entre Lagrange et Laplace. Garat définit son nouveau collègue «un philosophe qui avait paru un moment à la tête des armées.» Chénier lut son Vieillard d'Ancenis, poème sur la mort du général Hoche, dont les derniers vers annonçaient la défaite prochaine de l'Angleterre:

Quels rochers, quels remparts deviendront leur asile,
Quand Neptune irrité lancera dans leur île
D'Arcole et de Lodi les terribles soldats,
Tous ces jeunes héros vieux dans l'art des combats,
La grande nation à vaincre accoutumée
Et le grand général guidant la grande armée.

L'auditoire tout entier se leva et salua de ses acclamations le poète et le grand général.

135: Arrêté du Directoire (13 germinal, 2 avril 1798), portant que le général Bonaparte se rendra à Brest dans le courant de la décade, pour y prendre le commandement de l'armée d'Angleterre.

136: Le 13 avril 1798, vers six heures du soir, Bernadotte, alors ambassadeur à Vienne, fit suspendre au balcon du premier étage de son hôtel un drapeau tricolore d'environ quatre aunes, attaché à une hampe extrêmement longue avec cette inscription: «République française». Jamais à Vienne les ambassadeurs n'arboraient le drapeau de leur pays. Aussi des groupes se formèrent très vite devant l'hôtel, et le peuple viennois vit une provocation véritable dans le fait d'avoir arboré ce grand drapeau contre tous les usages: l'ambassadeur, disait-on, avait voulu déclarer ainsi qu'il regardait Vienne comme une ville conquise. Bientôt une foule immense se rassembla devant l'ambassade. Un aide de camp de Bernadotte vint à la porte du palais et, la main sur la poignée de son sabre, il harangua les Viennois avec mépris et déclama avec rage contre la police. La foule lança alors des pierres contre les fenêtres; un serrurier grimpe au balcon et en arrache le drapeau qui fut immédiatement brûlé. La police arrivait, mais elle n'était pas encore assez forte pour dissiper un attroupement aussi nombreux. La porte du palais fut enfoncée, et une foule furieuse pénétra dans l'intérieur, et se trouva en face de l'ambassadeur, de ses secrétaires et de ses aides de camp armés de sabres et de pistolets. Bernadotte brandissait son sabre et criait avec fureur: «Qu'ose donc cette canaille? J'en tuerai au moins six», et menaçait de venir châtier ce peuple à coups de canons. Un de ses domestiques tira deux coups de pistolet, dont fort heureusement les envahisseurs ne parurent pas s'émouvoir beaucoup. Ils pénétrèrent dans la cuisine et les écuries, et brisèrent les voitures de l'ambassadeur. Les troupes étaient casernées dans les faubourgs, à une grande distance de l'ambassade. Ce fut seulement à minuit qu'une division d'infanterie et un régiment de cavalerie arrivé de Schœnbrünn vinrent mettre fin à l'émeute. (Ludovic Sciout, Le Directoire, tome IV, p. 421.)

137: Le grand-maître de l'Ordre de Malte, le comte Ferdinand de Hompesch, bailli de Brandebourg, capitula le 11 juin 1798. Malte et les îles voisines furent cédées au Directoire. La ville fut rendue dans la journée du 12 juin. Le 13, au matin, Bonaparte y fit son entrée; il trouva quinze cents pièces de canon, trente-cinq mille fusils, douze cents barils de poudre, une infinité d'armes de toute espèce, et de grandes richesses.

138: La flotte française arriva le 1er juillet près d'Alexandrie. Le lendemain, les Français s'emparèrent de la ville. Kléber, qui commandait l'assaut, fut blessé d'une balle au front.

139: Proclamation du 2 juillet 1798.

140: 21 juillet.

141: 23 juillet.

142: 1er août.

143: 21 octobre.

144: Vers du P. Lemoyne, dans son poème épique, Saint Louis, ou la Sainte couronne reconquise sur les infidèles, 1653.

145: «Bonaparte n'est pas entré dans la grande pyramide; il n'en a pas même eu la volonté, ni la pensée. Certes, je l'y aurais suivi. Je ne l'ai pas quitté une seconde dans le désert. Il fit entrer quelques personnes dans l'une des grandes pyramides. Il se tenait devant, et en sortant on lui rendait compte de ce que l'on voyait dans l'intérieur, c'est-à-dire qu'on lui annonçait que l'on n'avait rien vu. Toute cette conversation avec le muphti, les ulémas, est une mauvaise plaisanterie; il n'y en avait pas plus que de pape et d'archevêques ... Cet entretien de Bonaparte dans l'une des pyramides avec plusieurs imans et muphtis, est de pure invention.» Mémoires de M. de Bourrienne, t. II, p. 300.

146: Callisthène, disciple et petit-neveu d'Aristote, né vers 365 av. J.-C. Il suivit Alexandre dans ses expéditions. De mœurs sévères, il blâma les excès auxquels se livrait le Macédonien; impliqué dans la conspiration d'Hermolaüs, il fut, dit-on, enfermé dans une cage de fer, puis mis à mort à Cariate en Bactriane, l'an 328 av. J.-C.

147: Étienne Pasquier (1529-1615).

148: Elle fut publiée à Londres, et bientôt après à Paris, sous ce titre: Correspondance de l'Armée française en Égypte, interceptée par l'escadre de Nelson; publiée à Londres avec une introduction et des notes de la Chancellerie anglaise, traduites en français; suivies d'Observations, par E.-T. Simon. Un vol. in-8o, an VII.

149: Jeanne-Marie-Ignace-Thérésia Cabarrus (1773-1835). Elle fut mariée: 1o en 1788, à Jean-Jacques Devin ou Davin de Fontenay, avec lequel elle divorça en 1793; 2o en 1794, au conventionnel Tallien, avec lequel elle divorça en 1802; 3o en 1805, au comte de Caraman, plus tard prince de Chimay.

150: Tallien avait donné ce nom à l'opulente maison de campagne qu'il possédait dans le voisinage de Paris.

151: Cette lettre est datée de Rosette, le 17 thermidor an IV (4 août 1798). Voir Correspondance de l'armée française en Égypte, pages 197 et suiv.

152: Le Voyage d'Anténor en Grèce et en Asie, par Étienne Lantier, parut en 1798, l'année même de l'expédition d'Égypte. Il eut un succès prodigieux et fut traduit dans presque toutes les langues. Dans cet ouvrage, imité du Voyage du jeune Anacharsis, l'auteur s'est attaché surtout à peindre le côté galant et licencieux des mœurs grecques, ce qui lui valut d'être surnommé l'Anacharsis des boudoirs.

153: Le 22 février 1799 (4 ventôse an VII).

154: Le 24 février.

155: Le 6 ventôse an VII (24 février 1799).

156: Le 7 mars.

157: «Le 7 mars, les Français prirent la ville d'assaut, et pendant trente heures massacrèrent sans distinction soldats et habitants. Il restait à peu près trois mille hommes de la garnison qui s'étaient réfugiés dans les mosquées et avaient mis bas les armes. Bonaparte les fit fusiller en masse, bien que son armée désapprouvât cet égorgement décrété de sang-froid. Pour justifier cette boucherie, on prétendit qu'il aurait été impossible de nourrir un si grand nombre de prisonniers, et que parmi eux se trouvaient les soldats de la garnison d'El-Arisch qui avaient violé leur serment de ne plus servir contre les Français. Mais, d'après les rapports de Bonaparte, on avait trouvé à Jaffa, et précédemment à Gaza et à Ramla, des quantités de vivres plus que suffisantes pour nourrir, avec tous les captifs, une armée bien plus nombreuse que la sienne. Comme les soldats de la garnison d'El-Arisch ne formaient pas le tiers des prisonniers de Jaffa, Bonaparte commettait évidemment un acte de barbarie atroce en faisant égorger avec eux deux mille malheureux qui n'avaient fait que leur devoir.» Ludovic Sciout, le Directoire, tome IV, page 621.

158: Vie de Napoléon, par Walter Scott (1827), tome II.

159: Sir Robert-Thomas Wilson (1777-1849). Il avait combattu les Français en Égypte, avec le régiment formé par le baron de Hompesch. Après son retour en Angleterre, il publia une Relation historique de l'expédition anglaise en Égypte (2 vol. in-8, Londres, 1802). En 1811, il fit paraître la Relation des campagnes de Pologne en 1806 et 1807, avec des remarques sur le caractère et la composition de l'armée russe. Lors de la campagne de 1812, il fut attaché au quartier général de l'armée russe et y joua un rôle des plus importants. On le retrouve en 1815 à Paris, où avec deux autres officiers anglais, MM. Bruce et Hutchinson, il favorise l'évasion de Lavallette, et, en 1823, en Espagne, où il met son épée au service des Cortès. Après l'avènement de Guillaume IV (1830), il fut élevé au grade de lieutenant général. Nommé en 1842 gouverneur de Gibraltar, il quitta ce poste quelques semaines seulement avant sa mort.

160: Mémoires de M. de Bourrienne, tome II, p. 226.

161: François Miot, né à Versailles en 1779. Il fit la campagne d'Égypte en qualité de commissaire-adjoint des guerres. Entré dans l'armée comme capitaine en 1803, il passa en 1806 au service du roi Joseph à Naples, et le suivit en Espagne, où il devint son écuyer, avec le grade de colonel (1809); il ne revint en France qu'après la bataille de Vittoria (1813). Sous la Restauration, il fut réintégré dans l'armée comme colonel, grade qu'il n'avait eu jusque-là qu'à titre espagnol, et il fut nommé chef du bureau de recrutement, au ministère de la Guerre. En 1804, il avait publié ses Mémoires pour servir à l'histoire des expéditions en Égypte et en Syrie pendant les années VI à VIII de la République française. Une seconde édition, plus complète, parut en 1814.—François Miot était le frère d'André Miot, comte de Melito (1762-1841), auteur des Mémoires sur le Consulat, l'Empire et le roi Joseph, publiés en 1858, avec un grand et légitime succès. Ces Mémoires sont considérés, à juste titre, comme un document de premier ordre pour l'histoire de la période napoléonienne.

162: Mémoires de M. de Bourrienne, tome II, p. 256.

163: Antoine-Jean, baron Gros (1771-1835). Ce fut le roi Louis XVIII qui, en 1824, lorsqu'il eut achevé de peindre la coupole de Sainte-Geneviève (le Panthéon), lui donna le titre de baron. Son tableau des Pestiférés de Jaffa est un chef-d'œuvre. D'autres toiles, également admirables, lui ont été inspirées par la campagne d'Égypte et de Syrie, la bataille d'Aboukir, la bataille de Nazareth et Bonaparte aux Pyramides.—«Le tableau de Gros—représentant Bonaparte visitant et consolant les pestiférés de Jaffa—reste comme un chef-d'œuvre de l'art,» dit très bien Chateaubriand; mais la vérité reste aussi, et la vérité c'est que Bonaparte a fait empoisonner les pestiférés qui se trouvaient dans l'hôpital de Jaffa. Ce fut le pharmacien Royer qui, au refus de l'honnête Desgenettes, se chargea d'exécuter l'ordre du général en chef. Marmont, dans ses Mémoires, ne conteste ni l'ordre, ni son exécution. Il essaie seulement de justifier Bonaparte en disant que ce fut là, après tout, un acte d'humanité. «La guerre, ajoute-il, est un jeu d'enfants, et malheur aux vaincus!» (Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse, tome II, p. 12 et suiv.)

164: Le 18 mars 1799.

165: Le 4 avril, Junot, qui n'avait avec lui que cinq cents hommes, rencontra l'avant-garde turque à Nazareth et la mit en déroute.

166: La victoire du Mont-Thabor, remportée par Bonaparte et Kléber, est du 16 avril.

167: Les Martyrs, livre XI.

168: Rigord, moine de l'Abbaye de Saint-Denis, mort vers 1207, a laissé une Histoire de Philippe-Auguste (en latin), continuée par Guillaume le Breton. Elle a été traduite en français dans la Collection Guizot.

169: Jean Lannes, né en 1769 à Lectoure (Gers). Il s'enrôla en 1792 comme volontaire. Colonel dès 1795, général de brigade en 1797, il avait accompagné Bonaparte en Égypte. En 1800, il se couvrit de gloire à Montebello et, quelques jours après, contribua puissamment à la victoire de Marengo. Napoléon le créa maréchal d'Empire et duc de Montebello. En Allemagne, à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, il ajouta de nouveaux lauriers à ses lauriers d'Italie, mais à Essling (22 mai 1809), il fut blessé mortellement et mourut quelques jours plus tard, après avoir été amputé des deux jambes.

170: Sir W. Sidney Smith (1764-1840). Marin intrépide et audacieux, il avait été pris, le 17 mars 1796, par un bâtiment français à l'embouchure de la Seine. Le Directoire refusa de le comprendre dans un cartel d'échange, sous le prétexte déloyal qu'il n'était pas un prisonnier de guerre, mais un conspirateur qui avait voulu incendier le Havre. Il fut enfermé au Temple: le 21 avril 1798, on le fit évader au moyen d'un faux ordre de translation à Fontainebleau, porté par un faux officier, escorté de faux gendarmes. Ce fut lui qui signa en 1800 avec Kléber la Convention d'El-Arisch. Contre-amiral depuis 1805, il fut fait amiral en 1821.

171: A. le Picard de Phélippeaux (1768-1799). Ancien camarade de Bonaparte à Brienne, et comme lui officier d'artillerie, il émigra en 1791, fit la campagne de 1792 dans l'armée des princes, rentra en France en 1795, pour tenter d'organiser une insurrection royaliste dans les départements du Centre, s'empara le Sancerre, fut pris et enfermé à Bourges, s'échappa, osa venir à Paris, réussit à faire évader du Temple sir Sidney Smith, qu'il suivit à Londres, puis en Syrie. Ce fut lui qui dirigea la défense de Saint-Jean-d'Acre. Il mourut de la peste peu de jours après la levée du siège.

172: Saint-Jean d'Acre était l'ancienne Ptolémaïs.

173: René-Nicolas Dufriche, baron Desgenettes (1762-1837). Médecin en chef de l'armée d'Égypte, lors de la peste de Jaffa, il ne craignit point, pour relever le courage du soldat, de s'inoculer le virus pestilentiel. Devenu en 1804 inspecteur général du service de santé, il fit en cette qualité toutes les campagnes de l'Empire. On lui doit une Histoire médicale de l'armée d'Orient, publiée en 1812.

174: Mémoires de M. de Bourrienne, T. II, p. 262.

175: Chateaubriand est le premier en France qui se soit refusé à voir dans l'ouvrage de Walter Scott un pamphlet,—et il a eu pleinement raison. Combien d'historiens français, depuis M. Lanfrey jusqu'à M. Michelet et à M. Taine, ont jugé Napoléon avec plus de rigueur et, il faut bien le dire, avec moins de justice, que l'historien anglais!

176: Mémoires de M. de Bourrienne, T. II, p. 250.

177: Le 14 juin 1799.

178: La victoire d'Aboukir eut lieu le 25 juillet 1799.

179: Sir William Parry (1790-1856), navigateur anglais. Il s'est illustré par quatre périlleux voyages au pôle Nord (1819-1826). Il a publié lui-même le récit de ses quatre expéditions.

180: Kléber fut assassiné au Caire, le 14 juin 1800, par un jeune fanatique appelé Soliman, qui le frappa de quatre coups de poignard. Kléber disparaissait le jour même où Bonaparte triomphait à Marengo.

181: Bonaparte s'embarqua secrètement le 22 août 1799, avec Berthier, Lannes, Murat, Andréossy, Marmont, Berthollet et Monge.

182: Le 30 septembre 1799.

183: 9 novembre 1799.

184: Washington mourut le 9 novembre 1799.

185: 25 septembre 1799.

186: Campagnes du général Bonaparte en Italie, pendant les année IV et V de la République française, par un officier général (M. de Pommereul). An VI.

187: Henri, baron de Jomini, né à Payerne (canton de Vaud) le 6 mars 1779, décédé à Passy le 22 mars 1869. D'abord au service de la France, il passa, en 1813, à celui de la Russie. Ses principaux écrits, également importants au point de vue de l'histoire militaire de son temps et de la science stratégique, sont: le Traité des grandes opérations militaires (1803); l'Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution, de 1792 à 1801 (1805); la 3e édition, celle de 1719-1824, n'a pas moins de 15 vol. in-8o; la Vie politique et militaire de l'empereur Napoléon, racontée par lui-même au tribunal de César, d'Alexandre et de Frédéric (1827).

188: Jean Sarrazin (1770-1840). À la suite de négociations secrètes avec les Anglais, en 1809, le général Sarrazin fut condamné à mort par contumace et passa à l'étranger. Il servit en Espagne contre les Français. À l'époque des Cent-Jours, il eut l'audace d'offrir ses services à Napoléon, qui le fit arrêter. En 1814, il avait recouvré son grade de maréchal de camp; mais en 1817, une ordonnance royale lui retira son grade et sa pension. L'année suivante, il fut traduit devant la cour d'assises de la Seine sous l'inculpation de trigamie et condamné à dix ans de travaux forcés et au carcan. Au bout de trois ans, il fut gracié par Louis XVIII et s'embarqua pour Lisbonne: il n'a plus reparu en France. En 1815, il avait publié une Histoire de la guerre de Russie et d'Allemagne, bientôt suivie d'un autre écrit intitulé: Correspondance entre le général Jomini et le général Sarrazin.

189: La reddition de Gênes eut lieu le 5 juin 1800.

190: Le général Lannes occupa la ville de Pavie le 7 juin.

191: Le 9 juin.

192: La victoire de Marengo est du 14 juin. À quinze ans de là, presque jour pour jour, le 18 juin 1815, aura lieu la défaite de Waterloo.

193: François-Étienne Kellermann, duc de Valmy (1770-1835). Fils du maréchal Kellermann, le vainqueur de Valmy, il fut admis à siéger à la Chambre des pairs, par droit héréditaire, le 28 décembre 1820, en remplacement de son père. Il a publié en 1828 la Réfutation du duc de Rovigo ou la Vérité sur la bataille de Marengo.

194: La victoire d'Héliopolis est du 20 mars.

195: Le 19 juin 1800.

196: Comme Moreau, Villars, le 20 septembre 1702, avait remporté à Hochstedt une glorieuse victoire; mais, le 13 août 1704, les Français et les Bavarois, commandés par le maréchal de Tallart et l'Électeur de Bavière, avaient été entièrement défaits par le prince Eugène de Savoie et le duc de Marlborough. Les Anglais ont donné à cette dernière bataille le nom de Blenheim, village situé dans la même plaine qu'Hochstedt.

197: Le 25 décembre 1800.

198: «Il n'est jamais sorti de sa bouche un seul mot gracieux ou seulement bien tourné vis-à-vis d'une femme ... Il ne leur parle que de leur toilette, de laquelle il se déclare juge minutieux et sévère, et sur laquelle il leur fait des plaisanteries peu délicates, ou bien du nombre de leurs enfants, leur demandant en termes crus si elles les ont nourris elles-mêmes, ou les admonestant sur leurs relations de société.» C'est pourquoi «il n'y en a pas une qui ne soit charmée de le voir s'éloigner de la place où elle est.» (Mme de Rémusat, Mémoires, II, 77, 179.)—Quelquefois, ajoute M. Taine (Le Régime moderne, I, 92), il s'amuse à les déconcerter; il est médisant et railleur avec elles, en face, à bout portant comme un colonel avec ses cantinières: «Oui, mesdames, leur dit-il, vous occupez les bons habitants du faubourg Saint-Germain; ils disent, par exemple, que vous, Madame A..., vous avez telle liaison avec M. B...; vous, Madame C, avec M. D...» Si, par des rapports de police, il découvre une intrigue, «il ne tarde guère à mettre le mari au courant de ce qui se passe».—Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, p. 18: «Il leur faisait quelquefois de mauvais compliments sur leur toilette ou leurs aventures, c'était sa manière de censurer les mœurs.»—Le comte Chaptal, Mes Souvenirs sur Napoléon, p. 321: «Souvent même, il était malhonnête et grossier. Dans une fête de l'Hôtel de Ville, il répondit à Mme ***, qui venait de lui dire son nom: «Ah! bon Dieu! on m'avait dit que vous étiez jolie ...»; à une autre: «C'est un beau temps pour vous que les campagnes de votre mari»; à de jeunes personnes: «Avez-vous des enfants?»

199: «Sur ses propres fantaisies, dit M. Taine, p. 93, il n'est pas moins indiscret; ayant brusqué le dénouement, il divulgue le fait et dit le nom: bien mieux, il avertit Joséphine, lui donne des détails intimes et ne tolère pas qu'elle se plaigne: «J'ai le droit de répondre à toutes vos plaintes par un éternel moi

200: La loi portant création de la Légion d'honneur (19 mai 1802) avait rencontré au Tribunat et au Corps législatif une opposition à laquelle on n'était plus habitué. Les tribuns Savoye-Rollin et Chauvelin lui reprochèrent de relever une institution de l'ancien régime, de porter une atteinte réelle à l'égalité, en rétablissant la noblesse par voie détournée. Ils signalaient (et en cela ils ne se trompaient point) le germe d'une nouvelle aristocratie qui ne se contenterait pas longtemps d'être viagère. Au Corps législatif, malgré les efforts de Rœderer et de Lucien, la loi eut contre elle une puissante minorité.

201: La translation du corps de Turenne à l'église des Invalides avait eu lieu, avec un grand appareil, le 22 septembre 1800.

202: Le capitaine Nicolas Baudin avait appareillé du Havre, le 19 octobre 1800, avec les corvettes le Géographe, le Naturaliste et la goëlette la Cazuarina, commandant Louis Freycinet, pour une expédition autour du globe, et spécialement aux terres australes. Interrompue au bout de trois ans par la mort de son chef, l'expédition rentra à Lorient, en 1804, après avoir découvert et reconnu une portion considérable des côtes ouest et sud de la Nouvelle-Hollande, et enrichi la science de travaux hydrographiques estimés. Le naturaliste Péron, qui avait été attaché comme médecin à l'expédition, en a écrit la relation, qui fut publiée, de 1811 à 1816, sous ce titre: Voyage de découverte aux Terres australes.—L'amiral Charles Baudin (1784-1854), le vainqueur de Saint-Jean d'Ulloa (1838), n'avait aucun lien de parenté avec le capitaine Nicolas Baudin.

203: Le complot du 18 vendémiaire an IX (10 octobre 1800) avait pour objet l'assassinat du Premier Consul à l'Opéra, pendant une représentation extraordinaire à laquelle il devait assister. Il était l'œuvre de quelques jacobins exaltés: le sculpteur Ceracchi, le peintre Topino-Lebrun, un ancien secrétaire de Barère, appelé Demerville, et le corse Aréna, frère d'un ancien député aux Cinq-Cents. Tous les quatre furent condamnés à mort et exécutés le 31 janvier 1801.

204: Le 24 décembre 1800 (3 nivôse an IX), comme le Premier Consul, se rendant à l'Opéra, passait dans sa voiture avec Berthier, Lannes et Charles Lebrun, par l'étroite rue Saint-Nicaise, qui, du Carrousel, aboutissait à la rue de Richelieu, un baril de poudre, placé en travers sur une charrette, fit explosion. Sept ou huit personnes furent tuées sur le coup et vingt-cinq furent plus ou moins grièvement blessées; mais la voiture consulaire ne fut pas atteinte: le feu avait été mis quelques secondes trop tard. Bonaparte parut à l'Opéra, où il fut salué par des transports d'enthousiasme. Le complot, cette fois, était l'œuvre des royalistes. Deux des coupables, Carbon et Saint-Régeant, purent être saisis; traduits devant le Tribunal criminel du département de la Seine, ils furent guillotinés le 20 avril 1801. Le troisième, Picot de Limoëlan, qui avait été le camarade de collège de Chateaubriand, réussit à s'échapper et à gagner l'Amérique.—Sur Limoëlan, voir la note 1 de la page 204 du tome I des Mémoires.

205: William Pitt, après avoir occupé le pouvoir sans interruption pendant dix-sept ans, donna sa démission le 5 février 1801. Ce fut son successeur, Henri Addington, vicomte Sidmouth, qui signa la paix d'Amiens. Redevenu chef du cabinet au mois de mai 1804, il mourut le 23 janvier 1806, à l'âge de 47 ans.

206: L'empereur Paul Ier fut assassiné le 23 mars 1801.

207: Le 25 mars 1801, le Capitan-Pacha débarqua à Aboukir, avec un corps nombreux de Turcs; le 23 mai suivant, le général Baird débarquait à Kosséïr, port d'Égypte, sur la mer Rouge, amenant de l'Inde 1,000 Anglais et 10,000 Cipayes.

208: Le traité de paix d'Amiens entre les républiques française et batave et l'Espagne, d'une part; l'Angleterre, d'autre part; fut signé le 25 mars 1802. Il terminait une guerre de neuf années.

209: Le 26 août 1802, l'île d'Elbe fut réunie au territoire français.

210: Toussaint-Louverture, que Chateaubriand appelle ailleurs le Bonaparte noir, mourut au fort de Joux le 27 avril 1803.

211: Porto-Ferrajo était la capitale de l'île d'Elbe. Napoléon y résidera du 4 mai 1814 au 26 février 1815; c'est de là qu'il appareillera pour débarquer au golfe Jouan et pour aller aux Tuileries, à Waterloo, à Sainte-Hélène.

212: Le Sénatus-Consulte proclamant Napoléon Bonaparte consul à vie est du 2 août 1802.

213: Le 11 septembre 1802.

214: Le 21 octobre 1802.

215: Ce fut, en effet, la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), qui réunit sous le titre de Code civil des Français toutes lois sur les matières civiles précédemment votées par le Corps législatif.

216: Jean-François Curée (1756-1835), avait fait successivement partie de l'Assemblée législative, de la Convention, du Conseil des Cinq Cents et du Tribunat. Son nom pourtant était resté ignoré. Ce fut sans doute en raison de son obscurité même qu'il fut choisi pour déposer sur le bureau du Tribunat une motion demandant l'établissement de l'Empire en faveur de Napoléon Bonaparte et de sa famille: «Avec lui, disait-il, le peuple français sera assuré de conserver sa dignité, son indépendance et son territoire...» Le tribun Curée n'était pas prophète. Si ses prévisions ne se réalisèrent pas, ses espérances du moins ne furent pas déçues. Six semaines après sa motion, le 14 juin 1804, il était nommé commandeur de la Légion d'honneur. Le 14 août 1807, après la suppression du Tribunat, l'Empereur le fit entrer au Sénat conservateur. Le 15 juin 1808, il était créé comte de la Bédissière.

217: Le 4 mai 1804, le Sénat conservateur, sur le rapport de Lacépède, émit à son tour le vœu que Napoléon fût empereur, que l'Empire fût héréditaire. Il y eut seulement trois opposants, dont deux connus: Grégoire et Lambrechts. Sieyès et Lanjuinais étaient absents.—Au Tribunat, il n'y avait eu qu'un seul vote négatif.

218: Le sénatus-consulte voté le 18 mai, portait que l'Empire serait héréditaire de mâle en mâle; que l'Empereur aurait la faculté d'adopter un successeur ou de transmettre son pouvoir en ligne collatérale à ses frères Joseph et Louis, et à leurs descendants; qu'il exercerait une autorité absolue sur tous les princes de sa famille; qu'il jouirait d'une liste civile de vingt-cinq millions, outre les palais royaux; qu'une dotation d'un million serait affectée à chacun des princes.—Lucien et Jérôme étaient privés de l'hérédité pour avoir contracté des mariages peu en rapport avec leur rang, et sans autorisation du chef de leur famille.

Le même jour, 18 mai, les sénateurs se précipitèrent sur la route de Saint-Cloud pour aller porter leurs hommages au nouvel empereur. Celui, qui le premier, le salua du nom de Majesté, fut le régicide Cambacérès, qui, dans la nuit du 19 au 20 janvier, avait dit: «Citoyens représentants, en prononçant la mort du dernier roi des Français, vous avez fait un acte dont la mémoire ne passera jamais, et qui sera gravé par le burin de l'immortalité, dans les fastes des nations ... Qu'une expédition du décret de mort soit envoyée, à l'instant, au Conseil exécutif, pour le faire exécuter dans les 24 heures de la notification

219: L'établissement de l'Empire avait été soumis à la sanction du peuple. Le résultat de 60,000 registres ouverts dans les 108 départements constata 3,572,329 votes affirmatifs et 2,569 négatifs. Ce fut le 1er décembre 1804 que le Sénat présenta à Napoléon les résultats de ce plébiscite.

220: Napoléon, dans ce discours du 18 mars, prononça des paroles que sa conduite devait singulièrement démentir: «... Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour mettre le continent en guerre. Ce qui a été réuni à notre empire, par les lois constitutionnelles de l'État, y restera réuni. Aucune nouvelle province ne sera incorporée dans l'Empire ... Dans toutes les circonstances et dans toutes les occasions, nous montrerons la même modération; et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il a toujours montrés pour défendre ses légitimes droits.»

221: Aux termes du traité de Saint-Pétersbourg, entre la Grande-Bretagne et la Russie, signé le 11 avril 1805, les deux puissances contractantes s'engageaient à aider dans la mesure de leurs forces à la formation d'une grande ligue européenne, destinée à assurer l'évacuation du Hanovre et du nord de l'Allemagne, l'indépendance effective de la Hollande et de la Suisse le rétablissement du roi de Sardaigne en Italie, la consolidation du royaume de Naples, enfin la complète évacuation de l'Italie, y comprise l'île d'Elbe.—L'Autriche accéda, le 9 août 1805, au traité de Saint-Pétersbourg.—Dans toutes les éditions des Mémoires, on a imprimé par erreur, au lieu de traité de Pétersbourg, traité de Presbourg.

222: Une entrevue eut lieu à Potsdam, entre l'empereur Alexandre et le roi Frédéric-Guillaume III, le 1er octobre 1805. Les deux souverains se promirent, sur le tombeau de Frédéric II, d'unir leurs efforts pour réprimer l'ambition de Napoléon.—Les «moqueries» auxquelles Chateaubriand fait ici allusion se trouvent dans le 17e bulletin de la Grande-Armée (campagne de Prusse), daté par Napoléon de Potsdam, 25 octobre 1806: «Le résultat du célèbre serment fait sur le tombeau du grand Frédéric a été la bataille d'Austerlitz ... On fit quarante-huit heures après sur ce sujet une gravure qu'on trouve dans toutes les boutiques et qui excite le rire même des paysans. On y voit le bel empereur de Russie, près de lui la reine, et, de l'autre côté le roi qui lève la main sur le tombeau du grand Frédéric. La reine elle-même, drapée d'un schall, à peu près comme les gravures de Londres représentent lady Hamilton, appuie la main sur son cœur et a l'air de regarder l'empereur de Russie

223: André Hofer—le glorieux aubergiste, le Cathelineau du Tyrol, celui que M. Thiers appelle le nommé Hofer, absolument comme on dit, dans un procès-verbal de police dressé contre un cabaretier: le nommé un tel,—André Hofer ne périt point à ce moment, mais cinq ans plus tard, en 1810. Lors de la guerre de 1809, il défendit héroïquement l'indépendance de sa patrie. Après le traité de paix signé à Vienne entre la France et l'Autriche (14 octobre 1809), il mit bas les armes avec les paysans qu'il avait soulevés. Accusé de conserver des intelligences avec les Autrichiens, il fut arrêté et conduit à Mantoue. Le conseil de guerre, devant lequel il fut traduit, n'osa pas le condamner à mort; deux voix se prononcèrent même pour l'acquittement; la majorité vota la détention dans une forteresse. Napoléon ne l'entendait point ainsi, et, le 10 février 1810, il écrivit au prince Eugène: «Mon fils, je vous avais mandé de faire venir Hofer à Paris; mais puisqu'il est à Mantoue, envoyez l'ordre de former, sur le champ, une commission militaire pour le juger et faire exécuter à l'endroit où votre ordre arrivera. Que tout cela soit l'affaire de vingt-quatre heures.» (Mémoires du prince Eugène, tome VI).—À peine le vice-roi eut-il reçu cet ordre, qu'il s'empressa de le faire exécuter. Hofer marcha au supplice avec une fermeté calme et sereine: il refusa de se laisser bander les yeux, et lorsqu'on voulut qu'il se mît à genoux: «Je suis debout, dit-il, devant Celui qui m'a créé, et c'est debout que je lui veux rendre mon âme.» Il donna lui-même l'ordre de faire feu; il ne fut tué qu'à la seconde décharge.

224: La princesse Augusta-Amélie, née le 21 juin 1788, fille de Maximilien-Joseph, électeur de Bavière, et de Frédérique-Guillelmine-Caroline, princesse de Bade. Le traité de Presbourg (26 décembre 1805) avait fait de l'électorat de Bavière un royaume auquel avait été annexé le Tyrol. La princesse Augusta-Amélie mourut en 1851.

225: Le 15 mars 1806, Joachim Murat, beau-frère de Napoléon par son mariage avec Caroline Bonaparte (20 janvier 1800), est déclaré grand-duc de Clèves et de Berg.

226: Le 30 mars 1806, Joseph Bonaparte est déclaré roi des Deux-Siciles.

227: Elle fut instituée par la loi du 10 mai 1806. Aucune école, aucun établissement quelconque d'instruction ne pouvait être formé hors de l'Université impériale sans l'autorisation de son chef. C'était la centralisation et le despotisme appliqués à l'instruction publique. Les esprits eux-mêmes étaient enrégimentés, si bien que le grand-maître de l'Université put s'écrier un jour en tirant sa montre: «Voici que l'on commence à dicter un thème latin dans tous les lycées de l'Empire!»

228: Le 5 juin 1806, Louis Bonaparte est proclamé roi de Hollande, conformément à un traité conclu le 24 mai avec le gouvernement de la république batave.

229: «Napoléon avait le ton d'un jeune lieutenant mal élevé.» Mes Souvenirs sur Napoléon, par le comte Chaptal, p. 322.

230: Aux termes du Traité de la Confédération des États du Rhin, entre l'empereur Napoléon et quatorze princes du midi et de l'ouest de l'Allemagne, les intérêts communs des États confédérés devaient être traités dans une Diète siégeant à Francfort-sur-le-Mein et divisée en deux collèges, celui des rois et celui des princes. Dans le premier, siègeraient les représentants des rois de Bavière et de Wurtemberg, des grands-ducs de Bade, de Berg et de Darmstadt, et du Prince-primat, archevêque de Mayence. Dans le second collège, siègeraient huit petits princes portant des titres inférieurs. Les contingents de troupes étaient fixés, comme suit: pour la France, 200,000 hommes; la Bavière, 30,000; le Wurtemberg, 12,000; Bade, 8,000; les autres États, 23,000; en tout, 273,000 hommes.

Dans les six années suivantes, la Confédération du Rhin s'augmentera de tous les souverains allemands, anciens ou nouveaux, à l'exception de l'empereur d'Autriche, du roi de Prusse, des ducs de Brunswick, d'Oldenbourg, du roi de Suède en sa qualité de duc de Poméranie et du roi de Danemark comme duc de Holstein.

Cet acte fédératif ne sera d'ailleurs jamais exécuté par Napoléon que sous le rapport des levées d'hommes et des subsides. Il ne servira qu'à resserrer le joug imposé aux Allemands.

231: L'empereur Alexandre refusa de ratifier ce traité, conclu à Paris et signé seulement à titre provisoire par le représentant de la Russie, M. d'Oubril.

232: À partir de ce moment, François II se désigna comme empereur héréditaire d'Autriche, sous le nom de François Ier.

233: Sur l'ordre de Napoléon, une Assemblée de députés israélites se réunit à Paris, le 26 juillet 1806, à l'effet d'indiquer au gouvernement les moyens de rendre leurs coreligionnaires susceptibles de participer aux droits civils et politiques, en modifiant celles de leurs habitudes et de leurs doctrines qui les retenaient isolés de leurs concitoyens. Cette assemblée adressa à toutes les synagogues de l'empire français, du royaume d'Italie et de l'Europe une proclamation leur annonçant l'ouverture à Paris, pour le 20 octobre 1806, du grand Sanhédrin.—C'était le nom donné, à Jérusalem, au Conseil suprême des Juifs, dont les séances se tenaient dans une salle, moitié comprise dans le temple, moitié en dehors de cet édifice.—Ouvertes à Paris le 9 février 1807, les séances du grand Sanhédrin se terminèrent, le 9 mars suivant, par une déclaration solennelle et publique, ainsi conçue:

«Après un intervalle de quinze siècles, 71 docteurs de la loi et notables d'Israël s'étant constitués en grand Sanhédrin, afin de trouver en eux le moyen et la force des ordonnances religieuses, et conformes aux principes de leurs lois, et qui servent d'exemples à tous les Israélites, ils déclarent que leur loi contient des dispositions religieuses et des dispositions politiques; que les premières sont absolues, mais que les dernières, destinées à régir le peuple d'Israël dans la Palestine, ne sauraient être applicables depuis qu'il ne se forme plus en corps de nation.—La polygamie permise par la loi de Moïse, n'étant qu'une simple faculté et hors d'usage en Occident, est interdite.—L'acte civil du mariage doit précéder l'acte religieux.—Nulle répudiation ou divorce ne peut avoir lieu que suivant les formes voulues par les lois civiles.—Les mariages entre Israélites et Chrétiens sont valables.—La loi de Moïse oblige de regarder comme frères les individus des nations qui reconnaissent un Dieu Créateur.—Tous les Israélites doivent exercer, comme devoir essentiellement religieux et inhérent à leur croyance, la pratique habituelle et constante envers tous les hommes reconnaissant un Dieu créateur, des actes de justice et de charité prescrits par les livres saints.—Tout Israélite, traité par les lois comme citoyen, doit obéir aux lois de la patrie, et se conformer, dans toutes les transactions, aux dispositions du code civil qui y est en usage. Appelé au service militaire, il est dispensé, pendant la durée de ce service, de toutes les observances religieuses qui ne peuvent se concilier avec lui.—Les Israélites doivent, de préférence, exercer les professions mécaniques et libérales, et acquérir des propriétés foncières, comme autant de moyens de s'attacher à leur patrie et d'y retrouver la considération générale.—La loi de Moïse n'autorisant pas l'usure et n'admettant que l'intérêt légitime dans le prêt entre Israélites et non Israélites, quiconque transgresse cette loi viole un devoir religieux et pèche notoirement contre la volonté divine.»

234: Lord Lauderdale (1759-1839), ami de Fox et l'un des chefs du parti whig. Après la chute de Napoléon, il soutint énergiquement lord Holland dans toutes les propositions que fit ce dernier en faveur du captif de Sainte-Hélène.—À la mort de Pitt, Fox avait été appelé au ministère. Il ouvrit presqu'aussitôt des négociations avec la France, et y apporta un grand désir de les voir aboutir; mais lui-même ne tarda pas à suivre dans la tombe son glorieux rival. Il mourut le 13 septembre 1806. Après lui, les négociations commencées se poursuivirent, mais sans entrain, sans conviction d'aucun côté. Moins d'un mois après la mort de Fox, les conférences étaient tout à coup rompues, et lord Lauderdale, chargé de les suivre à Paris, retournait en Angleterre.

235: J'affaiblis l'expression. Ch.—D'après Sainte-Beuve, le mot aurait été dit, non par l'ambassadeur anglais, mais par un général français,—ce n'est pas Cambronne,—ou peut-être même par Napoléon. «Selon les uns, écrit-il dans ses Nouveaux Lundis, t. XII, p. 30, ce serait Lannes ou Lasalle qui, voyant Talleyrand dans son costume de cour et faisant la belle jambe, autant qu'il le pouvait, aurait dit: «Dans de si beaux bas de soie, f.... de la m....!» Mais, selon une autre version qui m'est affirmée, le général Bertrand racontant une scène terrible dont il aurait été témoin, et dans laquelle Napoléon lança à Talleyrand les plus sanglants reproches, ajoutait que les derniers mots de cette explosion furent: «Tenez, monsieur, vous n'êtes que de la m.... dans un bas de soie.» Le mot, sous cette dernière forme, sent tout à fait la vérité.»

236: Napoléon quitta Saint-Cloud le 25 septembre 1806.

237: Le combat de Saalfeldt, entre la division du général Suchet, appartenant au corps du maréchal Lannes, et le prince Louis de Prusse, commandant l'avant-garde du corps de Hohenlohe, eut lieu le 10 octobre. Le prince Louis-Ferdinand de Prusse (et non simplement le prince Ferdinand; l'histoire ne l'appelle jamais que le prince Louis) y fut tué. Âgé de vingt-quatre ans, fils du prince Auguste-Ferdinand, frère du grand Frédéric, il était l'idole de l'armée. L'épée à la main, il cherchait à rallier ses régiments, lorsqu'il fut attaqué corps à corps par un maréchal-des-logis du 10e de hussards, nommé Guindé. «Rendez-vous, colonel, lui dit le sous-officier, ou vous êtes mort.» Le prince lui répondit par un coup de sabre; le maréchal-des-logis riposta par un coup de pointe, et le prince tomba mort.

238: Des deux batailles qui eurent lieu le 14 octobre, la plus importante est celle d'Auërstaedt, où le maréchal Davout eut sur les bras la plus grande partie de l'armée prussienne, commandée par le roi de Prusse en personne et par le duc de Brunswick. À Iéna, Napoléon n'eut affaire, avec des forces supérieures, qu'à la plus faible partie de l'armée ennemie. Davout avait devant lui soixante mille hommes, et Napoléon quarante mille seulement. L'Empereur intervertit complètement les rôles dans son cinquième bulletin. Tandis qu'il réduisait à cinquante mille—au lieu de soixante—l'armée contre laquelle avait eu à lutter Davout, il portait à quatre-vingt mille—au lieu de quarante—celle qu'il avait eu à combattre. Il ne fit de la bataille d'Auërstaedt qu'un épisode très secondaire de la bataille d'Iéna, tandis qu'elle en était l'événement capital et décisif. Et c'est ainsi que l'admirable victoire d'Auërstaedt s'est presque effacée et a comme disparu dans le rayonnement de celle d'Iéna.

239: C'est à Auërstaedt que le duc de Brunswick fut mortellement blessé. Il était âgé de 72 ans.

240: Le prince d'Orange, né en 1772, à la Haye, était fils de Guillaume V, stadhouder de Hollande, dépossédé par les Français en 1794, et mort à Brunswick en 1806. Il rentra en Hollande dès 1813, après la bataille de Leipsick, prit dès lors le titre de prince souverain, reçut des Alliés en 1815 celui de roi des Pays-Bas, et réunit sous son sceptre la Belgique et la Hollande, qu'il gouverna sous le nom de Guillaume Ier. Réduit, après la révolution de Belgique en 1830, à ne plus régner que sur la Hollande, il abdiqua en 1840, et se retira à Berlin, où il mourut subitement en 1843.

241: Richard-Joachim-Henri, comte de Mœllendorf (1725-1816), feld-maréchal prussien. Il fut blessé à Auërstaedt et fait prisonnier à Erfurt; Napoléon le rendit aussitôt à la liberté.

242: Il faut lire: «Le duc de Brunswick vit à Clostercamp immoler d'Assas, et tomber à Saalfeldt, Louis-Ferdinand de Prusse.»

243: Le 16 octobre 1806.

244: Le 18 octobre.

245: Le 20 octobre, les maréchaux Davout et Lannes forcent le passage de l'Elbe à Wittembourg et à Dessau.

246: Le 25 octobre.

247: Le 29 octobre, le général Lasalle, à la tête de 1200 hussards, fait capituler Stettin, place très forte sur l'Oder, et capitale de la Poméranie prussienne. On y prend 5,000 hommes, 150 canons, d'immenses magasins.—Le 1er novembre, la place de Custrin, située au milieu d'un vaste marais, bien approvisionnée, défendue par près de 4,000 hommes et 90 pièces d'artillerie, se rend sans coup férir au maréchal Davout. Par son occupation, l'armée française est maîtresse du bas Oder.

248: La prise de Lubeck est du 6 novembre. Le général Blücher, le duc de Brunswick-Œlls, fils du vaincu d'Auërstaedt, dix autres généraux, 12 à 13,000 officiers ou soldats, tombent au pouvoir des Français.—Deux jours après, le 8 novembre, avait lieu la reddition de Magdebourg, la plus forte place de la monarchie prussienne. Le maréchal Ney y prend vingt généraux, 18,000 officiers ou soldats, plus de 700 canons et d'immenses magasins en tous genres.

249: M. P. Lanfrey, dans son Histoire de Napoléon Ier (tome III, p. 511), juge en ces termes le décret de Berlin: «Une chose lui manqua radicalement dès son origine, c'est de pouvoir être exécuté; car son exécution supposait non plus la docilité, mais le zèle et le concours des populations qui devaient en être victimes! Aussi produisit-il beaucoup de maux et de vexations, mais il ne fut jamais une loi que sur le papier, et l'on doit moins y voir un acte que le défi d'une colère impuissante. Ce roi des rois, qui ne pouvait pas, en réunissant toutes ses forces et tous ses moyens, parvenir à mettre une barque à la mer, il décrétait avec un sang-froid superbe «que les îles britanniques seraient désormais en état de blocus!» Il interdisait tout commerce et toute correspondance avec elles, il décidait que «tout individu, sujet de l'Angleterre, trouvé dans les pays occupés par nos troupes, serait fait prisonnier de guerre,» que les marchandises d'origine anglaise seraient saisies partout où on les découvrirait; que «toute propriété quelconque, appartenant à un sujet anglais, serait déclarée de bonne prise» ... Le décret fut envoyé au Sénat avec un message dans lequel Napoléon disait en substance que son extrême modération ayant seule amené le renouvellement de la guerre, il avait dû en venir à des dispositions «qui répugnaient à son cœur; car il lui en coûtait de faire dépendre les intérêts des particuliers de la querelle des rois, et de revenir, après tant d'années de civilisation, aux principes qui caractérisent la barbarie des premiers actes des nations.» On ne pouvait mieux qualifier ce monument de folie et d'orgueil.»

250: Le 6 décembre, le maréchal Ney enleva aux Prussiens la place forte de Thorn, située sur la rive droite de la Vistule.

251: Un traité de paix et d'alliance fut signé à Posen, le 11 décembre, entre l'empereur Napoléon et l'Électeur de Saxe. Napoléon donnait à l'Électeur le titre de roi, moyennant l'accession du prince à la Confédération du Rhin, le payement de vingt-cinq millions, l'engagement de fournir un contingent militaire et de livrer en tout temps aux troupes de l'Empereur le passage de l'Elbe.

252: «La nuit était venue, dit Lanfrey (t. IV, p. 56) mais il n'était pas de ténèbres assez épaisses pour voiler les horreurs de ce champ de carnage où gisaient près de quarante mille hommes morts, mourants et blessés ... La moitié au moins des victimes de cette tuerie était tombée de nos rangs, car si la canonnade du commencement de l'action avait été plus meurtrière pour les Russes que pour nous, nos attaques avaient été repoussées à plusieurs reprises, et rien à la guerre n'entraîne plus de pertes qu'une attaque qui échoue.»—Dans ses Souvenirs militaires de 1804 à 1814, page 148, le général de Fezensac, qui faisait partie du 6e corps (celui du maréchal Ney), raconte en ces termes sa visite au champ de bataille: «Le 9, au matin, l'ennemi s'était retiré. Le 6e corps devait occuper Eylau et les environs. Avant de rentrer, nous allâmes voir le champ de bataille. Il était horrible et littéralement couvert de morts. Le célèbre tableau de Gros n'en peut donner qu'une bien faible idée. Il peint du moins avec une effrayante vérité l'effet de ces torrents de sang répandus sur la neige. Le maréchal, que nous accompagnions, parcourut le terrain en silence, sa figure trahissait son émotion; et il finit par dire en se détournant de cet affreux spectacle: «Quel massacre, et sans résultat!» Nous rentrâmes à Eylau, dont le lugubre aspect ne pouvait pas adoucir l'impression que nous avait laissée le champ de bataille. Les maisons étaient remplies de blessés auxquels on ne pouvait donner aucun secours, les rues pleines de morts, les habitants en fuite ...»

253: Le 24 mai 1807.

254: François-Joseph Lefebvre (1755-1820). Il s'engagea aux gardes-françaises le 10 septembre 1773 et y devint premier sergent le 9 avril 1788. Général de brigade le 2 décembre 1793, général de division le 10 janvier 1794, maréchal de France le 20 mai 1804, il fut créé duc de Dantzick le 28 mai 1807, quatre jours après la prise de cette ville. Louis XVIII le fit pair de France le 4 juin 1814. Il eut de sa femme, la célèbre Madame Sans-Gêne, 14 enfants, dont 12 fils, qui moururent tous avant leur père.

255: Le maréchal Soult l'occupa deux jours après la victoire de Friedland, le 16 juin. Kœnigsberg était la seconde capitale de la Prusse. Cette place servait d'entrepôt général aux armées ennemies. Soult lui imposa une contribution de huit millions de francs, s'y empara d'une quantité énorme de magasins, de munitions, de fusils anglais, et se rendit maître du fort de Pillau, qui assure la navigation de la Baltique.

256: Le 21 juin.

257: La première entrevue des empereurs Napoléon et Alexandre eut lieu le 25 juin.

258: Depuis le début de la campagne, et jusqu'à la fin, Napoléon, dans ses Bulletins, n'avait cessé de cribler d'épigrammes la reine de Prusse; il n'avait pas rougi de descendre contre elle jusqu'à l'insulte:

1er bulletin de la Grande-Armée, 8 octobre 1806:—«Maréchal, dit l'Empereur au maréchal Berthier, on nous donne un rendez-vous d'honneur pour le 8; jamais un Français n'y a manqué; mais comme on dit qu'il y a une belle reine qui veut être témoin des combats, soyons courtois, et marchons sans nous coucher pour la Saxe.» L'Empereur avait raison de parler ainsi, car la reine de Prusse est à l'armée, habillée en amazone, portant l'uniforme de son régiment de dragons, écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toutes parts l'incendie. Il semble voir Armide dans son égarement, mettant le feu à son propre palais.»

8e bulletin, Weimar, 16 octobre.—«La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes; elle est dans des transes et dans des alarmes continuelles. La veille, elle avait passé son régiment en revue. Elle excite sans cesse le roi et les généraux. Elle voulait du sang; le sang le plus précieux a coulé.»

9e bulletin, 16 octobre.—«La reine de Prusse était ici pour souffler le feu de la guerre. C'est une femme d'une jolie figure, mais de peu d'esprit.»

17e bulletin, Postdam, 25 octobre.—«C'est de ce moment que la reine a quitté le soin de ses affaires intérieures et les graves occupations de sa toilette, pour se mêler des affaires d'État, influencer le roi et susciter partout ce feu dont elle était possédée ... (Vient ici le passage déjà cité à la note 2 de la page 195, sur la gravure où la reine de Prusse est représentée appuyant la main sur son cœur et ayant l'air de regarder l'empereur de Russie.)

19e bulletin, Charlottembourg, 27 octobre 1806.—«La reine, à son retour de ses ridicules et tristes voyages à Erfurth et à Weimar, a passé la nuit à Berlin sans voir personne ... Tout le monde avoue que la reine est l'auteur des maux que soufre la nation prussienne... On a trouvé dans l'appartement que la reine occupait à Postdam le portrait de l'empereur de Russie, dont ce prince lui avait fait présent ... On a trouvé à Charlottembourg sa correspondance avec le roi pendant trois ans ... Ces pièces démontreraient, si cela avait besoin d'une démonstration, combien sont malheureux les princes qui laissent prendre aux femmes l'influence sur les affaires politiques. Les notes, les rapports, les papiers d'État étaient musqués et se trouvaient mêlés avec les chiffres et d'autres objets de toilette de la reine. Cette princesse avait exalté les têtes de toutes les femmes de Berlin, mais aujourd'hui elles ont bien changé...»

23e bulletin, 30 octobre.—«Jusqu'à cette heure, nous avons 150 drapeaux, parmi lesquels sont ceux brodés des mains de la belle reine, beauté aussi funeste aux peuples de Prusse que le fut Hélène aux Troyens

259: Napoléon lui-même a raconté avec des insinuations peu délicates les inutiles efforts que la reine fit pour le fléchir. Pour toute concession il lui offrit une rose: «—Au moins avec Magdebourg? lui dit la reine suppliante.—Je ferai observer à Votre Majesté, lui répondit-il durement, que c'est moi qui l'offre, et vous qui la recevez.»—Louise-Auguste-Wilhelmine-Amélie, fille du duc de Mecklembourg-Strélitz, et de Caroline de Hesse-Darmstadt, née en 1776, avait épousé en 1793 le prince héréditaire de Prusse, devenu en 1797 Frédéric-Guillaume III. Elle mourut en 1810. Elle laissait deux fils, dont l'un sera le roi Frédéric-Guillaume IV, dont l'autre sera l'empereur Guillaume Ier, qui recevra, le 2 septembre 1870, à Sedan, l'épée du neveu de Napoléon.—La reine Louise fut enterrée dans le parc de Charlottembourg. Ambassadeur à Berlin, en 1821, Chateaubriand composa sur son tombeau une pièce de vers, dont voici la fin:

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