Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (5/6)
Page 5, ligne 20: Et composait pour elle des madrigaux.
Tous paraissent avoir été des impromptus. Gayot de Pitaval, dans sa Bibliothèque des gens du monde, 1726, in-12, t. I, p. 87, a cité de Montreuil un impromptu qui vaut mieux qu'aucun de ceux que renferme son recueil. Il est remarquable qu'aucune des femmes auxquelles s'adressent les madrigaux de Montreuil n'a été nommée par lui, si ce n'est madame de Sévigny. Son nom se trouve deux fois dans ce recueil: la première, en tête du madrigal sur le jeu de colin-maillard, que j'ai cité; la seconde, dans une chanson qu'il composa pour elle et qui se termine ainsi:
Sévigny, vos yeux pleins d'attraits
Éblouissent les nôtres;
Et quand l'amour n'a plus de traits
Il emprunte les vôtres.
(Œuvres de M. de Montreuil, p. 339, édit. 1671; p. 500 de l'édit. de 1666.) Un portrait bien gravé de M. de Montreuil accompagne cette première édition, la plus belle. Voyez, pour d'autres éclaircissements sur Matthieu de Montreuil, la note de la page 398, 2e partie de ces Mémoires, 2e édit.
Page 6, ligne 19: Il vint incognito à Paris.
Le curieux récit du voyage clandestin que, d'après les instigations de Madame, l'évêque de Valence fit à Paris, où il fut arrêté comme faux-monnayeur, se trouve dans les Mémoires de Choisy; mais ce qu'on y lit sur le voyage de ce prélat en Hollande, pour la suppression du libelle des Amours de Madame, n'est pas exact, ainsi que le passage suivant des Mémoires inédits de Daniel de Cosnac, que Barbier a transcrit dans son Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes, 1823, in-8o, p. 61 (art. 7294, Histoire amoureuse des Gaules):
«L'assemblée du clergé finie, je pris la résolution d'aller dans mon diocèse. Avant mon départ, j'appris par madame de Chaumont qu'un manuscrit portant pour titre: Amours de Madame et du comte de Guiche, courait par Paris, et s'imprimait en Hollande. Madame appréhendait que ce livre, plein de faussetés et de médisances grossières, ne vînt à la connaissance de Monsieur par quelque maladroit ou malintentionné, qui peut-être envenimerait la chose. Elle m'en écrivit pour lui en porter la nouvelle; elle en écrivit à madame de Chaumont, qui était à Saint-Cloud, et moi à Paris. J'allai à Fontainebleau, d'abord près Madame, pour m'instruire plus amplement. Elle me dit que Boisfranc (trésorier du prince) avait déjà dit la chose à Monsieur sans sa participation; mais ce qui la touchait davantage, c'était l'impression du manuscrit. J'envoyai exprès en Hollande un homme intelligent, ce fut M. Patin (Charles Patin, le fils de celui dont on a des lettres), pour s'informer de tous les libraires entre les mains de qui ce libelle était. Il s'acquitta si bien de sa commission, qu'il fit faire par les états généraux défense de l'imprimer, retira les dix-huit cents exemplaires déjà tirés, et me les apporta à Paris; et il les remit, par ordre de Monsieur, entre les mains de Merille. Cette affaire me coûta beaucoup de peine et d'argent; mais, bien loin d'y avoir regret, je m'en tins trop payé par le gré que Madame m'en témoigna.»
Je crois que la première édition du libelle dont parle Cosnac, ou de celui qu'on a substitué à l'ouvrage original, s'il a été anéanti, est dans le recueil intitulé Histoires galantes; Cologne, chez Jean le Blanc (sans date, p. 424 à 464). Ce morceau est intitulé Histoire galante de M... et du comte de G... On trouve la même histoire dans quelques exemplaires de l'Histoire amoureuse des Gaules; Liége, édit. Elzevir, 250 pages. L'ouvrage, dans cette édition, est intitulé tout crument Histoire galante de M. le comte de Guiche et de Madame (58 pages). Une autre édition de ce libelle est dans le recueil intitulé les Dames illustres de notre siècle; Cologne, chez Jean le Blanc, in-12, 1682, p. 135-176. Ce morceau a pour titre la Princesse, ou les amours de Madame. On le trouve encore, avec le même titre, dans le recueil intitulé Histoire amoureuse des Gaules, de M. de Bussy, 1754, 5 vol. in-12, p. 130-186. Tout ces petits faits, curieux à connaître, seront probablement éclaircis par la publication des Mémoires de Daniel de Cosnac, que la Société de l'Histoire de France a livrés à l'impression, et qui s'exécutent d'après deux manuscrits émanés de la plume de l'évêque de Valence, mais différents en bien des points, parce qu'ils ont été écrits à deux époques distinctes de la vie de l'auteur.—Le premier volume des Mémoires de Cosnac est déjà imprimé, et le second est annoncé comme très-avancé, dans les derniers bulletins de la Société de l'Histoire de France.
Pages 7 et 8, lignes dernière et première: Deux petits poëmes de Marigny, l'un intitulé l'Enterrement, l'autre le Pain bénit.
Ce dernier poëme est une satire contre les marguilliers de la paroisse de Saint-Paul, sur laquelle demeurait madame de Sévigné. Il a été imprimé avec ce titre: le Pain bénit, par l'abbé de Marigny, in-12 (23 pages); une autre édition a été donnée par Mercier de Compiègne, intitulée le Pain béni (sic), avec autres pièces fugitives, par Marigny; nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée d'une notice sur la vie et les ouvrages de l'auteur; Paris, Mercier, 1795, in-18 (82 pages). La notice est inepte; mais ce petit volume est curieux par la satire contre Marigny, pages 35 et 42, qui est du temps.
Page 8, avant-dernière ligne: Il y a eu ici de plus honnêtes gens que moi.
Ne donnez pas à ces mots le sens qu'ils ont aujourd'hui. Dans la langue du siècle de Louis XIV, cela veut dire: Il y a eu de plus hauts personnages que moi, des gens plus considérables.
Page 9, ligne 14: Ce fut le 15 août 1664 que madame de Sévigné alla à Tancourt.
Les souvenirs de ce voyage que fit madame de Sévigné éclairent beaucoup l'histoire de Bussy et de son libelle. C'est dans cette année 1664 que Bussy se montra le plus occupé de ses intrigues amoureuses et qu'il composa le plus de vers galants. C'est alors qu'il lut, dans les sociétés où se trouvaient M. et madame de Montausier, ses Maximes d'amour, questions, sentiments et préceptes, transcrits en entier dans ses Mémoires (t. II, p. 22 à 281); c'est alors qu'il se montre si satisfait de sa fortune et de madame de Monglat, sa maîtresse (p. 285), et qu'il se plaint d'avoir dans M. de Monglat un mari trop commode. Il rime à ce sujet une imitation de l'élégie 19, liv. II, des Amours d'Ovide, et dit (p. 286):
Si tu n'es pas jaloux pour ton propre intérêt,
Sois-le du moins, s'il te plaît,
Pour augmenter dans mon âme
L'amour que j'ai pour ta femme.
Je tiens qu'il faut être brutal
Pour pouvoir aimer sans rival.
A nous autres amants il faut de l'espérance.
Mais sans la crainte on n'a pas de plaisir;
On languit dans trop d'assurance,
Et les difficultés irritent les désirs.
A la fin d'août 1664, madame de Sévigné nous fait voir Bussy dans sa terre de Forléans, lui rendant de fréquentes visites, et évidemment tâchant de la séduire et de réveiller les langueurs que lui faisait éprouver son amour satisfait. Lui-même parle d'un voyage (p. 292) qu'il fit en Bourgogne, pour se consoler d'une affaire qu'on lui avait faite auprès du roi. Cette affaire était son Histoire amoureuse des Gaules, dont le secret commençait à percer, mais qui ne contenait encore ni le morceau sur madame de Sévigné ni celui sur madame de Monglat, dont il se croyait alors exclusivement aimé. De Forléans, il se rendit à son château de Bussy, où une lettre, en date du 10 octobre 1664, au duc de Saint-Aignan, nous le montre installé. (Mémoires, t. II, p. 293.) C'est alors qu'il apprit que madame de Monglat lui était infidèle, et que, dépité de cette trahison et d'avoir échoué près de sa cousine, il se retourna vers madame de la Baume. Pour lui rendre plus agréable la lecture du manuscrit qu'il lui prêtait et lui prouver qu'il lui sacrifiait madame de Monglat, il ajouta le portrait de Bélise (de madame de Monglat). Madame de la Baume le trahit; et, sur une copie qu'elle laissa ou qu'elle fit faire, le libelle fut imprimé en Hollande. Dès lors se forma l'orage qui devait pour toujours mettre obstacle à l'ambition de Bussy. Ce ne fut cependant qu'après le mois de mars 1665 qu'il éclata. Bussy fut alors reçu de l'Académie française, et y prononça son discours d'admission. Par un billet qu'il adressa au duc de Saint-Aignan le 12 avril 1662, on voit que déjà le scandaleux libelle était connu de plusieurs personnes.—Le roi fit arrêter Bussy le vendredi 17 avril; et on le conduisit aussitôt à la Bastille, afin de le dérober aux recherches du prince de Condé, qui voulait se porter contre lui aux dernières violences.
Page 9, ligne 17: Bussy, qui était alors à sa terre de Forléans, vint la voir.—Page 10, ligne 5: Bourbilly.—Page 11, ligne 5: Époisses.
Forléans était une seigneurie indépendante; c'était une annexe de la paroisse de Montberteau, du diocèse de Langres, du doyenné de Moutier-Saint-Jean, du bailliage et recette de Semur-en-Auxois. Ses dépendances étaient Forléans, Plumeron et Villers-Fremoy, et encore la justice à Changy (Garnau, Description du gouvernement de Bourgogne, 2e édit., p. 486, 487) Du temps d'Expilly, en 1764, on ne comptait à Forléans que vingt-huit feux, à peu près cent vingt habitants; en 1837, il y avait deux cent dix-huit habitants.
Bourbilly, village de la paroisse de Vic-de-Chassenay, du bailliage de Semur-en-Auxois (Garnau, Description, etc., p. 374). En 1762, d'Expilly, dans son Dictionnaire, tome I, page 729, donnait vingt-deux feux (cent vingt habitants) à Bourbilly.
Époisses, bourg de l'Auxois, était église collégiale et paroisse du diocèse de Langres, du doyenné de Moutier-Saint-Jean, marquisat du bailliage de Semur. Ses dépendances étaient Époisses, Coromble, Torcy-lez-Époisses, Vic-de-Chassonay, Toutry (paroisse), Époissette, Menetoy, Menetreux, Pijailly et Pontigny; et, dans le bailliage d'Avallon, Atic-sous-Montréal, Saint-Magnence et presque tout Cussy-les-Forges, communauté de la recette de Semur. La vallée d'Époisses produit du froment, et passe pour une des plus fertiles de la province (Garnau, Description de la Bourgogne, page 478, 2e édition). D'Expilly (Dictionnaire des Gaules et de la France, tome II, page 753) dit que, de son temps (en 1762), Époisses comptait quatre-vingt-quinze feux, ce qui suppose quatre cent soixante-quinze habitants. Le Dictionnaire de la poste aux lettres (in-folio, tome II, page 264) porte ce nombre à mille six, en 1837.
Page 11, avant-dernière ligne: Par son premier mariage avec Françoise de la Grange.
D'Expilly, dans son Dictionnaire des Gaules et de la France, tome I, page 753, a donné la généalogie de Françoise de la Grange, marquise d'Époisses. Elle fut mariée à Guillaume de Pechpeirou de Comenge, comte de Guitaut, qu'elle fit son héritier, et qui devint ainsi marquis d'Époisses. Elle mourut sans postérité le 31 mars 1661. Le comte de Guitaud se remaria en 1669 à Élisabeth-Antoinette de Verthamont, d'où descendent en ligne directe les Guitaud que nous avons vus de nos jours possesseurs d'Époisses. C'est de cette dernière marquise d'Époisses que parle madame de Sévigné.
Page 13, ligne 3: En faisant de grands embellissements à son magnifique château d'Époisses.
Ce château subsiste toujours en entier et dans toute sa splendeur, avec ses belles fortifications, ses vieux tilleuls, ses beaux ombrages, ses archives, ses portraits, ses nobles souvenirs; il a été la propriété des comtes de Montbard et des princes de Montagu, première race des ducs de Bourgogne. Un descendant direct du comte de Guitaud le possède, bonheur rare dans les temps où nous vivons. C'est à la plume du comte Athanase de Guitaud qu'est due la notice qui accompagne la planche gravée de la vue d'Époisses qui se trouve dans le Voyage pittoresque de Bourgogne, publié à Dijon en 1823 (t. I, feuille 9, no 3). Les fortifications de ce château avaient été construites par le prince de Condé (le grand Condé). Ce prince en avait eu la jouissance en vertu d'un fidéicommis du comte de Guitaud d'Époisses. Condé avait fait de ce château une petite place forte, et n'avait consenti à le rendre qu'après le remboursement de toutes les dépenses que les fortifications avaient coûtées. (Voyez la Lettre de Bussy au comte de Coligny, en date du 18 mai 1667, dans les Mémoires du comte de Coligny-Saligny, 1841, in-8o, p. 127.)
Page 14, ligne 26: Dur et égoïste dans son intérieur.
Lord Mahon, dans son Histoire du prince de Condé, en parlant du duel entre Rabutin, page de la princesse de Condé, et son valet de chambre, a soutenu que la princesse était parfaitement pure de toute intrigue galante; qu'elle avait été calomniée et horriblement persécutée par son époux et par son fils. Nous avons combattu cette opinion et fait observer que, quels que soient les vices dont Condé et son fils pouvaient être accusés, on ne saurait leur supposer un cœur assez corrompu, assez pervers pour calomnier et tenir en captivité une femme digne d'estime, une épouse et une mère. Lord Mahon, dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire, m'a cité Saint-Simon, qui dit que M. le Duc était envers la princesse un fils dénaturé. Cette observation est exacte, et il est très-vrai que le duc d'Enghien, au lieu de protéger sa mère contre la colère de son époux, fut aussi d'avis que l'on employât des mesures de rigueur. C'est que, connaissant l'abandon où son père laissait la princesse et les moyens qu'elle prenait pour se consoler, il avait plus d'intérêt que Condé même à prévenir les suites de cet isolement.—Dans ce siècle si corrompu sous le rapport des mœurs, les femmes vertueuses inspiraient un grand respect: Louis XIV donnait l'exemple de ce respect et de ces égards envers la reine. L'opinion publique, à défaut du souverain, eût protégé la femme du grand Condé contre un acte aussi odieux d'autorité maritale s'il n'avait été motivé par la nécessité de pourvoir à l'honneur et aux intérêts de la maison du premier prince du sang. Nous avons trouvé dans la recueil manuscrit des vaudevilles et autres pièces de vers (édition de Maurepas) qui est à la Bibliothèque nationale (vol. III, p. 397, sous la date de 1671) une fable allégorique, intitulée le Lion, le Chat et le Chien. Cette fable, fort longue et assez bien versifiée, est relative à l'aventure de Rabutin et du valet de chambre. Les notes disent que le prince de Condé avait épousé malgré lui Claire-Clémence de Maillé-Brezé; que, quoiqu'elle fût fort belle, il la négligea; qu'elle vivait fort retirée, paraissant rarement à la cour. Presque toujours dans ses appartements, elle sortait peu; mais on remarque qu'elle vivait trop familièrement avec ses gens. Dans l'affaire du page et du valet de chambre, il est dit qu'elle fut blessée d'un coup d'épée; que le valet de chambre, condamné aux galères, mourut en s'y rendant, et qu'on soupçonna qu'il avait été empoisonné.
Page 19, ligne 14: Mademoiselle de Meri.
Il résulte des lettres de madame de Sévigné que cette parente, qui ne se maria jamais, était vaporeuse, maladive, ennuyeuse, mais bonne, sensible et serviable. Dans le recueil des chansons choisies de Coulanges, 2e édit., t. I, p. 280, il s'en trouve une intitulée Pour mademoiselle de Meri, conduisant jusqu'à Fontainebleau madame de Coulanges, qui s'en allait en Berry.
Page 20, ligne 11: Il aimait à se rappeler surtout les heures de gaieté folâtre; et note 53, renvoyant à la seconde partie de ces Mémoires, p. 102 de la 2e édit.—Dans la lettre de madame de Sévigné il est dit: «Vous aviez huit ans.»
C'était donc en 1757, l'année même où l'abbé Arnauld vit aussi madame de Sévigné chez son oncle Renaud de Sévigné, et où il fut si frappé de la beauté de ses enfants. (Mémoires de l'abbé Arnauld, t. XXXIV, p. 314 de la collection de Petitot; t. XI, p. 62 et 63 de l'édition de 1736.)
Page 24, ligne 8: Frère de cette marquise de Montfuron.
Le chevalier Perrin, dans ses Notes sur les lettres de madame de Sévigné, nous apprend que Marie Pontever de Buous, marquise de Montfuron, était femme de Léon de Valbelle et cousine germaine de M. de Grignan. Elle était belle-sœur de l'évêque d'Alet. Le Mercure galant (juin 1679, p. 297), en annonçant la mort de la marquise de Montfuron, ajoute qu'elle était d'une beauté surprenante.
Page 26, ligne première: Traité secret conclu avec Charles II en 1670.
Ce traité, dont l'original est en la possession de lord Clifford, qui l'a communiqué au docteur Lingard, a été signé, de la part de la France, par Charles Colbert de Croissy, fils du ministre Colbert; par Arlington, Thomas Arundell, T. Clifford et R. Billing; il a été conclu à Douvres le 22 mai 1670.—Les négociations avaient commencé le 31 octobre 1669. Charles II s'y intitule le Défenseur de la foi. Il se dit convaincu de la vérité de la religion catholique, et promet qu'aussitôt qu'il le pourra il se réconciliera avec l'Église romaine.
CHAPITRE III.
Page 37, ligne 17: Les princes d'Orange ne reconnaissaient pas cette prétention.
Après le décès de Guillaume III, roi d'Angleterre, mort sans enfants le 19 mars 1702, le prince de Nassau-Dietz et Frédéric 1er, roi de Prusse, prétendirent avoir des droits à l'héritage de la principauté d'Orange. Louis XIV se posa entre les deux contendants, et prétendit que la principauté d'Orange était dévolue à la couronne de France, faute d'hoir mâle. A cette occasion, il fit valoir l'hommage qui avait été rendu à Louis XI en 1475. Le prince de Conti revendiqua la principauté d'Orange en qualité d'héritier de la maison de Longueville, les ducs de cette maison se prétendant héritiers du dernier des princes de Châlons ou de la dynastie des princes d'Orange, qui avait précédé celle de Nassau. Sur ces contestations, il intervint un arrêt du parlement de Paris qui adjugea le domaine utile d'Orange au prince de Conti et le haut domaine au roi de France, ce qui fut confirmé par l'article 10 du traité d'Utrecht. Le 13 décembre 1714 un arrêt du conseil unit la principauté d'Orange au Dauphiné.
Page 41, ligne 17: De Guilleragues.
Il est mort ambassadeur à Constantinople en 1679. Il se nommait Girardin, et était probablement parent des Girardin d'Ermenonville; car, dans un été que nous avons passé en 1810 dans ce beau lieu, nous avons vu la copie de la correspondance de cet ambassadeur, reliée en huit ou dix gros volumes in-fol., et reléguée dans une mansarde de la petite maison qui était devant le château.
Page 44, ligne 13: Lausier, son capitaine des gardes.
Il est probable que c'est le même dont madame de Sévigné raconte la mort subite dans le passage cité. Cependant, comme ils étaient plusieurs frères, les uns morts et les autres vivants en janvier 1690, cela n'est pas certain.
Page 48, ligne 2: Procureur du pays-joint.
Telle est l'expression consacrée et toujours la même pour cette charge. Dans les Extraits de délibérations imprimés, souvent on rencontre, par abréviation, procureur-joint. Madame de Sévigné au contraire se sert constamment du terme de syndic, parce que les procureurs, dans les assemblées des villes et communautés, remplissaient les mêmes fonctions que les syndics dans les assemblées des états, remplacées ensuite par les assemblées des communautés.—Dans la 4e partie de ces Mémoires, au lieu de procureur-joint, les imprimeurs ont mis procureur-adjoint. C'est une faute.
Page 55, ligne 21: Que vous nommez M. de Buous.
Marguerite de Grignan, fille de Louis-François, comte de Grignan, sénéchal de Valentinois, qui mourut en 1620, épousa Ange de Pontever de Buous; et c'est par cette alliance que les de Buous étaient parents des Grignan. Le marquis de Buous était probablement frère ou proche parent du chevalier de Buous, capitaine de vaisseau en 1656. (Voir à la page 14 des Mémoires du marquis de Villette, publiés en 1841, une note du savant archiviste de la marine, M. Jal, sur le chevalier de Buous et le marquis de Martel, mentionné si souvent dans les lettres de madame de Sévigné.)
Page 56, ligne 17: Deux députés, Saint-Aubin Treslon et Des Clos de Sauvage.
A la page 381 du Recueil de la tenue des états de Bretagne, mss. Bibl. nat. (Bl.-Mant.), no 75, dans la liste des noms des députés envoyés à la cour pour porter les remontrances on trouve ces lignes: «A la place de Sévigné, abbé de Geneston, député à la chambre aux états précédents, décédé, a été nommé messire Louis du Metz, abbé de Sainte-Croix de Guingamp.»
Page 58, ligne 19: D'Harouïs était son ami et son allié.
D'Harouïs avait épousé Marie Madeleine de Coulanges, cousine germaine de la marquise de Sévigné; il la perdit le 22 septembre 1662.
Page 64, ligne 17: Qu'aucune femme ne peut pardonner.
Voici le passage:
«Je comprends fort bien que le baiser du roi, à ce que vous me mandez, n'a été qu'un baiser de pitié; car je tiens le goût de notre maître trop délicat pour prendre plaisir à baiser la La Baume.» (Mém. de Coligny-Saligny, 1841, in-8o, p. 127.)
Page 65, ligne 5 et note 151: La conversation, dit-il, avec madame de la Morésan et moi.
Cette madame de la Morésan ou Lamorésan avait la parole rude et son franc-parler.—Le duc de Lauzun avait été à toute extrémité, et sa sœur, madame de Nogent, pleurait du danger qu'il avait couru. Alors madame de la Morésan lui dit en présence de Mademoiselle, plus éprise de Lauzun depuis la rupture de son mariage: «Hélas! madame, vous fâcherez-vous? Vous auriez été bien heureuse que monsieur votre frère fût mort d'une mort ordinaire! C'est un homme si emporté qu'un de ces jours on le trouvera pendu; il est tout propre à faire quelque folie.»
Page 66, ligne 4: Sous une forme qui ne convenait pas à ce dernier.
On peut voir la remarquable lettre de Louis XIV que nous citons en cet endroit. En 1665, Martel était considéré comme un officier d'une grande capacité, mais peu soumis au duc de Beaufort, qui avait le commandement en chef de la flotte.
Page 66, ligne 13: Un d'eux citait madame de Grignan.
C'était le chevalier de Cissé, frère de madame de Martel. Voici comment madame de Sévigné raconte la chose, à propos des éloges qu'elle donne toujours à la danse des Bretons.
«Je vis hier danser des hommes et des femmes fort bien: on ne danse pas mieux les menuets et les passe-pieds. Justement, comme je pensais à vous, j'entends derrière moi un homme qui dit assez haut: «Je n'ai jamais vu si bien danser que madame la comtesse de Grignan.» Je me tourne, je trouve un visage inconnu; je lui demande où il avait vu cette madame de Grignan? C'est un chevalier de Cissé, frère de madame Martel, qui vous a vue à Toulon avec madame de Sinturion. M. Martel vous donna une fête dans son vaisseau; vous dansâtes, vous étiez belle comme un ange. Me voilà ravie de trouver cet homme; mais je voudrais que vous pussiez comprendre l'émotion que me donna votre nom, qu'on venait me découvrir dans le secret de mon cœur, lorsque je m'y attendais le moins.» (Lettre du 6 août 1680, t. VII, p. 157, édit. G.)
Page 67, ligne 4: La foi de son exil.
Cet exil se serait plus promptement terminé, si Bussy avait pu empêcher la publicité toujours croissante de son libelle de l'Histoire amoureuse des Gaules, par les éditions que l'on en faisait à l'étranger. Ces éditions se sont multipliées à un point que l'on ne connaissait pas. J'ai donné les titres de toutes celles que j'avais pu découvrir. J'en ai depuis rencontré une, intitulée Histoire amoureuse des Gaules; Liége, 1665, in-12 de 260 pages, avec un feuillet pour la clef, exactement comme l'édition qui porte le même titre, mais avec la date de 1666, et les mots nouvelle édition, ce qui fait croire que cette dernière est celle de 1666 avec un nouveau titre.—Je dois signaler encore une autre édition dont j'ai un exemplaire en maroquin rouge, relié par Padeloup, avec les armes du Dauphin, non pas sur le plat du livre, mais sur le dos. Cette édition a un frontispice gravé avec une Renommée à la trompette, et cette Renommée porte un étendard où se trouve le titre: Histoire amoureuse des Gaules (ce frontispice a été reproduit grossièrement dans l'édition de 1710); point d'autre frontispice que cette gravure. L'intitulé en tête du texte diffère du frontispice, et porte: Histoire amoureuse de France, de même que l'édition avec le frontispice gravé du salon de la Bastille; ce sont aussi les mêmes caractères elzéviriens, petits. On croirait que c'est la même édition, à laquelle on a mis des frontispices gravés, si, après la page 196, on ne voyait que les deux éditions cessent de se correspondre. On s'aperçoit à cette page que l'édition à la Renommée est antérieure à celle du salon, parce que le fameux cantique manque, et qu'il est dans celle du salon. Ainsi l'édition de la Renommée a deux cent quarante-quatre pages, et ensuite douze pages, paginées séparément, pour les Maximes d'amour et la lettre à Saint-Aignan: l'édition au salon a deux cent cinquante-huit pages qui se suivent.
Page 76, ligne 6: On accuse Bussy d'être l'auteur des chansons, etc.
Bussy fut prévenu de l'accusation portée contre lui au sujet des chansons d'Hauterive, son ami. Le marquis d'Hauterive, grand amateur des beaux-arts et pour lequel, dit M. Gault de Saint-Germain, le Poussin a exécuté plusieurs tableaux, épousa la fille du duc de Villeroi, veuve de trois maris. Cette union fut considérée comme une mésalliance de la part de la femme, très-supérieure à son mari en naissance et en fortune, mais aussi plus âgée. Bussy ne la désapprouva pas, parce que d'Hauterive était son ami. «Le secret, dit-il à ce sujet, est d'être aimable et d'être aimé; et quand cela est on est aussi riche que Crésus, et noble comme le roi.» D'Hauterive ayant dit à Bussy que devant l'abbesse de Merreton on l'avait accusé d'être l'auteur des chansons qui couraient contre les ministres, et que celle-ci l'avait défendu, Bussy se hâta aussitôt de lui adresser une lettre datée du 15 mai 1674, dans laquelle on lit ce passage: «Je ne trouve pas étrange que le misérable qui a fait ces chansons-là les ait mises sous mon nom, sous lequel toutes calomnies sont crues; mais je suis surpris qu'il y ait des gens désintéressés assez sots pour croire qu'un homme de mon âge et du rang que je tiens dans le monde soit capable de si grandes extravagances.» Conf. Supplément aux Mémoires et lettres du comte de Bussy-Rabutin, 2e part., p. 22;—Bussy, Lettres, t. V, p. 44 et 107.—Sévigné, Lettres, t. I, p. 284, édit. G.; t. I, p. 213, édit. M.
CHAPITRE V.
Page 83, lignes 2 à 4: Le duc d'York vint, cette année, présenter au roi de France la princesse de Modène.
Mademoiselle, dans ses Mémoires, dit, t. LXIII, p. 369 (1674): «Lorsque toutes ces propositions furent finies, le roi travailla, et fit le mariage de la princesse de Modène; elle me parut une grande créature mélancolique, ni belle ni laide, fort maigre, assez jaune. J'ai ouï dire qu'elle est à présent fort enjouée et engraissée et qu'elle est devenue belle.»
Page 86, ligne 4: Ces conjectures sont démenties, selon nous, par les faits.
Celle de Voltaire, qui dit que c'était l'aventure de mademoiselle de Guerchy et que ce fut pour elle qu'Hénault composa son sonnet de l'Avorton, est doublement erronée, puisque ce sonnet a été imprimé trois ans avant la mort de cette demoiselle. L'autre conjecture que ce pourrait bien être madame de Ludres que madame de Sévigné désigne, parce que le chevalier de Vendôme et Vivonne en étaient alors amoureux, noue paraît plus vraie; mais non relativement à Louis XIV, qui certes ne voulait pas de mal à madame de Ludres, comme il l'a prouvé depuis.
Page 89, ligne 5: La plus jeune et la plus chérie de ses femmes espagnoles.
Elle se nommait doña Felippe-Maria-Térésa Abarca. Il est probable, d'après ces prénoms, qu'elle fut tenue sur les fonts de baptême par la reine elle-même. Elle figure comme la septième et dernière des femmes espagnoles dans l'Etat de la France de 1669 et dans celui de 1677. Doña Maria Molina, qui avait prêté les mains à l'intrigue de Vardes et du comte de Guiche contre la Vallière et qui se trouve encore comme première femme de chambre espagnole dans le volume de 1669, fut au nombre des femmes renvoyées; et peut-être est-ce à cause d'elle et de sa nièce mademoiselle de Ribera que cette mesure fut prise.—Dans l'État de la France de 1669 il est dit, p. 377, que Maria-Térésa Abarca est présentement madame de Visé. Le mari d'Abarca est probablement le musicien dont il est fait mention dans la lettre de Coulanges à madame de Sévigné (3 février 1669, t. XI, p. 259, édit. G.), et non pas Donneau de Visé, l'auteur du Mercure galant.
Page 92, ligne 18: Ces enfants moururent peu après leur naissance.
L'un fut nommé Charles, et naquit le 19 septembre 1663; l'autre, nommé Philippe, naquit le 19 janvier 1665.
Page 93, lignes 4 et 5: Érigea pour elle et pour sa mère la terre de Vaujour et la baronnie de Saint-Christophe.
C'est au sujet de ce don fait à la Vallière après la naissance du comte de Vermandois qu'un de ces écrivains qui transforma en roman les amours de Louis XIV et des personnages de sa cour écrivit cette lettre de madame de la Vallière à madame de Montausier que M. Matter a publiée, d'après une copie du temps, dans ses Lettres et pièces rares ou inédites, 1836, in-8o, p. 320-326. Cette lettre est datée du 24 mai 1667, et les lettres patentes pour l'érection de la terre de Vaujour en duché-pairie furent enregistrées le 13 mai 1667. Dans une note inscrite à la copie de cette même lettre, on suppose maladroitement que la réponse de madame de Montausier, à qui la lettre était adressée, fut faite le même jour. Le paraphe de la Reynie du 21 novembre 1670, s'il est sincère, donnerait lieu de croire que cette lettre faisait partie des pièces saisies par la police chez quelque libelliste. La Vallière se gardait bien d'écrire à des tiers, et surtout à madame de Montausier, sur les suites probables de ses amours avec Louis XIV; encore moins aurait-elle pu parler du projet imaginaire de son mariage avec le marquis de Vardes, ce qui décèle dans la fabrication de cette lettre un écrivain peu instruit des choses de la cour à cette époque.
Quoique M. de Bausset ait souvent cité les lettres de la Vallière publiées par l'abbé Lequeux (Lettres de madame la duchesse de la Vallière, avec un abrégé de la vie de cette pénitente, 1747, in-12), je crois peu à leur authenticité. Plusieurs ont été certainement fabriquées, et peut-être sont-elles toutes de l'invention de l'abbé Lequeux, qui en est, dit-on, l'éditeur anonyme. A quel homme bien instruit des choses et des personnes de ce temps persuadera-t-on que la Vallière a pu écrire la lettre 14, p. 17, et bien d'autres qu'il serait facile de citer?
Page 94, ligne 13: Montespan, à peine relevée de sa dernière couche, ne pouvant danser, etc.
Il est probable que mademoiselle de Nantes fut légitimée peu après son baptême: nous savons que ce fut en décembre, et madame de Sévigné nous apprend (lettre du 8 janvier 1674) que les bals de Saint-Germain commencèrent dès les premiers jours de janvier.
Page 97, ligne 18: Louis XIV était incapable de faire souffrir à celle qu'il avait tant aimée, etc.
Il ne faut pas croire, par ce que dit madame Élisabeth de Bavière dans ses lettres, dont les fragments ont été intitulés Mémoires, que Louis XIV ait insulté à la douleur de la Vallière (voyez p. 55, édit. 1832, in-8o). Il était incapable d'aussi ignobles procédés. Ces Mémoires n'ont rien d'authentique. On sait que ce sont des extraits des huit cents lettres de cette princesse qui se sont trouvées dans la succession de la duchesse de Brunswick, morte en 1767, et écrites par la duchesse d'Orléans à la princesse Wilhelmine-Charlotte de Galles et au duc Antoine-Ulrich de Brunswick. Élisabeth-Charlotte, princesse Palatine, resta toujours Allemande à la cour de France, et accueillit sans discernement les bruits les plus vulgaires et les plus désavantageux sur les personnes qui s'y trouvaient. Cependant ces extraits de lettres contiennent des détails très-curieux; mais il faut les lire avec défiance; et, pour les écrivains qui manquent de critique, ils sont une mauvaise source pour l'histoire.
Page 103, lignes 15 et 16: Elle obtint... que la marquise de la Vallière fût mise dans le nombre des nouvelles dames d'honneur.
Louis XIV, dans la lettre citée (au camp devant Besançon, le 23 mai 1674), refusa à la reine de Portugal une demande semblable en ces termes: «Toutes les places des dames établies auprès de la reine furent remplacées par le dernier choix, et c'est un nombre fixe qu'on a résolu de ne point passer. Il n'est pas besoin de dire à V. M. que celle qui fut depuis accordée à ma cousine la duchesse de la Vallière ne fait pas conséquence: elle juge assez qu'une conjoncture comme celle de sa retraite ne permettait pas de lui refuser cette consolation.»
Page 105, ligne 12: Le troisième dimanche de la Pentecôte.
Ce troisième dimanche, jour de la parabole du bon pasteur, était, en 1674, le 3 juin, et non le 2, comme le dit l'abbé Lequeux dans son Histoire de madame de la Vallière, p. 54. La date du 9 juin, donnée par M. de Bausset, Histoire de Bossuet, t. II, p. 36, est encore plus fautive.
Page 106, ligne 3: Les regrets qu'elle éprouvait de ne s'être point trouvée, etc.
La lettre de madame de Sévigné, datée du mercredi 5 juin 1674, a été commencée le mardi 4; car elle dit: «La Vallière fit hier sa profession de foi.» Cette date est parfaitement d'accord avec celle que donne l'abbé Lequeux, Histoire de la Vallière, p. 59, où il est dit qu'elle fit profession le lundi de la Pentecôte, 3 juin; ce qui est exact pour l'année 1675. M. de Bausset se trompe quand il dit que ce fut le 26 juin 1675. Le 26 juin 1675 était un mercredi, et ne correspond à rien. (Voyez Histoire de Bossuet, liv. V, édit. in-12, t. II, p. 36 de la 4e édition, revue et corrigée.)
Cela d'ailleurs ne peut être douteux d'après ce qu'on lit dans la lettre d'une des religieuses compagnes de la Vallière, dont je parlerai dans la note suivante: «Elle vit arriver avec joie le temps de sa profession; elle la fit au chapitre, selon notre usage, le troisième de juin 1675. La reine honora cette cérémonie de sa présence: le concours du monde fut encore plus grand que le jour qu'elle avait pris l'habit.»
Page 110, ligne 20: C'est dans son cloître, au pied des autels, que la Vallière a préparé, etc.
La vie de la Vallière comme religieuse fut racontée, le jour même de son décès (6 juin 1710), dans une lettre de ses compagnes, nommée Magdeleine du Saint-Esprit. Cette lettre fut adressée à la supérieure des Carmélites, ensuite imprimée et envoyée à toutes les supérieures de l'ordre en juillet 1710. Madame de la Vallière avait écrit des Réflexions sur la miséricorde de Dieu, par une dame pénitente. Elles furent publiées sous le voile de l'anonyme, et à son insu (Paris, Dezallier, 1685, in-12 de 139 pages). Une nouvelle édition augmentée fut donnée en 1726 (Paris, Christophe David, in-12 de 240 pages). L'augmentation consiste en quelques prières tirées de l'Écriture sainte et un Récit abrégé de la sainte mort et de la vie pénitente de madame la duchesse de la Vallière. Ce récit est un plagiat: l'auteur a transcrit la lettre de la sœur Magdeleine du Saint-Esprit, dont il a gâté la touchante et sublime simplicité par des phrases de prédicateur. Cette lettre, devenue rare, a été réimprimée dans l'Annuaire de l'Aube de 1849, avec quatre autres lettres inédites très-courtes de madame de la Vallière, dont les autographes appartiennent à la bibliothèque et aux archives de Troyes: l'une est adressée à l'abbesse Anne de Choiseul-Praslin et datée du 13 mai 1688, et les trois autres à Denis Dodart, médecin et membre de l'Académie des sciences, que le caustique Gui Patin et le philosophe Fontenelle s'accordent à louer comme un des hommes les plus savants, les plus pieux et les plus charitables de leur temps. (Lettres de Gui Patin; Paris, Baillière, 1846, in-8o, t. III, p. 231.)
«La Vallière mourut à l'heure de midi, le 6 juin 1710, âgée de soixante-cinq ans dix mois, et trente-six ans de religion.» Récit abrégé de la vie pénitente, p. 234.
Page 111, ligne 6: Elle sait bien aimer.
Madame de Caylus nous apprend, à l'endroit cité, que cette réflexion fut faite à l'occasion de l'aîné des enfants du roi et de madame de Montespan, qui mourut à l'âge de trois ans.
Page 111, ligne 8: Cette femme lui déplaisait souverainement, parce qu'elle plaisait trop à sa maîtresse. (Sur la lettre de madame de Coulanges à madame de Sévigné, du 20 mars 1673.)
Il y a dans l'édition des Lettres de madame de Sévigné, de M. de Monmerqué, une note du savant éditeur (t. II, p. 75, édition 1820) à laquelle M. Rœderer, dans son Histoire de la société polie, aurait dû bien faire attention. C'est au sujet de ce passage remarquable: «Nous avons enfin retrouvé madame Scarron, c'est-à-dire que nous savons où elle est; car pour avoir commerce avec elle, cela n'est pas aisé. Il y a, chez une de ses amies, un certain homme qui la trouve si aimable et de si bonne compagnie qu'il souffre impatiemment de son absence.» On a interprété ces derniers mots en supposant que ce certain homme était Louis XIV; mais après avoir fait observer que la faveur dont a joui madame de Maintenon auprès de Louis XIV n'a pu commencer qu'en 1675, ou au plus tôt en 1674, puisqu'il est bien constaté qu'avant cette époque le roi prit presque en aversion la veuve Scarron, M. de Monmerqué présume très-judicieusement que cet homme si épris était Barillon. Et c'était sans doute un ancien ami, puisque madame de Coulanges ajoute immédiatement: «Elle est cependant plus occupée de ses anciens amis qu'elle ne l'a jamais été: elle leur donne, avec le peu de temps qu'elle a, un plaisir qui fait regretter qu'elle n'en ait pas davantage.» Deux lignes plus loin, madame de Coulanges mentionne le roi, pour dire «qu'ayant vu l'état des pensions il trouva deux mille francs pour madame Scarron, et mit deux mille écus.» C'était la juste récompense de ses soins.
Page 111, note: Souvenirs de madame de Caylus.
J'ai donné au long le titre de cette édition des Souvenirs de Caylus, parce qu'elle a été inconnue à tous les éditeurs de ce livre curieux, et que c'est la seule où Voltaire se trouve nommé comme éditeur. Elle est sans la préface de Jean-Robert (Voltaire); mais la défense du siècle de Louis XIV suit immédiatement, et commence à la page 162, au verso de celle qui termine les Souvenirs. Cette édition diffère des autres. Celle de M. Monmerqué finit ainsi: Puisqu'il était avec elle.
FIN DES SOUVENIRS DE MADAME DE CAYLUS.
Notre édition, p. 161, se termine par des notes, comme un ouvrage non entier, avec ces mots de plus: «C'était bien plutôt une galanterie innocente qu'une passion.»
CHAPITRE VI.
Page 117, ligne 17: Je revins hier du Menil.
Il s'agit ici du Mesnil-Saint-Denis, à cinq kilomètres ou une lieue et quart de la Grange de Port-Royal. «Cette terre, dit l'abbé Lebeuf (t. VIII, p. 463 de l'Histoire du diocèse de Paris), ayant été aliénée par l'abbaye de Saint-Denis, était possédée à la fin du seizième siècle par MM. Habert de Montmor, qui en ont joui jusque dans le siècle présent.... On avait commencé, sur la fin du dernier siècle, à appeler ce lieu-là Mesnil-Saint-Denis-Habert. J'ai vu des Provisions de la cure du 19 décembre 1691, où cette dénomination est rejetée.»
C'est donc chez Henri-Louis Habert de Montmor, conseiller du roi, maître des requêtes de l'hôtel, qu'alla madame de Sévigné. Montmor fut de l'Académie française; il mourut à Paris le 21 janvier 1679. C'est de son fils, et non de son mari, qu'il est fait mention dans la lettre de décembre 1694 [880], datée de Grignan. Ce M. de Montmor était alors à Grignan, et ce fut lui qui ménagea le mariage de Grignan avec mademoiselle de Saint-Amand.
C'était sans doute avec madame de Montmor plutôt qu'avec son mari que madame de Sévigné était liée. Sa correspondance ne fait mention que d'elle. Mademoiselle nous apprend que madame de Montmor était belle-sœur de madame de Frontenac. Cette dernière vivait alors [881] fort retirée, quoique possédant une grande maison; et elle prêta ses chevaux à Mademoiselle pour s'échapper de Paris. (Mémoires de Montpensier, vol. XLIII, p. 342 et 343.)
Habert de Montmor fut reçu à l'Académie française en janvier 1635, ou un peu avant [882]. Il était cousin de Cerisy, un des premiers académiciens. Savant et humaniste, Montmor cultivait les sciences exactes et la poésie. Il recueillit chez lui Gassendi, qui mourut dans son hôtel [883]. Il rassembla ses ouvrages, et les fit imprimer en six volumes in-folio. La préface latine qu'on y lit et trois ou quatre petites pièces de vers français consignées dans les recueils du temps, voilà tout ce qu'on a de lui. Il avait composé un poëme latin, avec le même titre que celui de Lucrèce; et il y avait développé toute la physique moderne. Huet, dans ses Mémoires [884], nous apprend que Montmor, en apparence sectateur de la doctrine épicurienne de Gassendi, préférait en secret la philosophie de Descartes. Il y avait chez lui, un certain jour de la semaine, une réunion de savants physiciens et de littérateurs, formant entre eux une petite académie dont Sorbier a donné les statuts dans une de ses lettres. Ménage nous apprend qu'il était dans une de ces assemblées avec Chapelain et l'abbé de Marolles lorsque Molière y lut les trois premiers actes du Tartufe [885]. Il dit aussi qu'à la suite d'un revers de fortune Habert de Montmor s'abandonna tellement au chagrin et à la douleur qu'il devint invisible durant les douze dernières années de sa vie [886]. Ceci explique le silence qui se fit sur lui à l'époque où madame de Sévigné allait au Mesnil. Malgré les pertes qu'il avait éprouvées, Montmor devait encore être riche, puisque cette belle propriété lui restait. Son père, Jean-Habert de Montmor, sieur du Mesnil, avait acheté en novembre 1627 l'hôtel de Sully (situé dans la rue Saint-Antoine, près de la rue Royale). Cet hôtel avait été construit par le partisan Galet, devenu célèbre par les vers de Regnier et de Boileau, à cause de sa passion pour le jeu. Sa fortune se trouvant ébréchée, son hôtel fut vendu d'abord à Montmor, ensuite au duc de Sully. Tallemant raconte que Galet ayant confié cent mille livres à Montmor, celui-ci nia les avoir reçues. Mais c'est là une historiette invraisemblable et dont probablement Galet est l'inventeur [887].—La Biographie universelle ne fait mention de Montmor nulle part: c'est ce qui nous a engagé à étendre cet article.
Page 119, ligne 2 de la note: Mémoires du comte de Guiche; Utrecht, 1744.
Ces Mémoires, qui ont été publiés par Prosper Marchand, commencent à l'année 1665, se terminent en 1667, et sont suivis d'une relation du siége de Wesel. Ils auraient dû être réimprimés dans la grande collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France. On n'y voit nulle trace de cet esprit guindé que madame de Sévigné blâme dans le comte de Guiche: ils sont écrits d'un style fort naturel.—L'article du comte de Guiche, dans le Dictionnaire de Prosper Marchand, est excellent et très-complet. Il a été abrégé dans la Biographie universelle.
Page 124, lignes 22 à 24: Malgré la réunion des talents qui contribuaient à sa réussite, il (l'Opéra) causa, dans la nouveauté, plus d'admiration que de plaisir.
Il est à remarquer que dès l'origine la France, dans l'opéra, surpassa l'Italie pour la danse et les ballets, la composition et l'intérêt des poëmes, mais qu'elle fut, malgré tous les efforts et les grandes dépenses faites par son gouvernement, inférieure à l'Italie sous le rapport du chant, de la musique, des décorations et des machines. Je crois qu'il en est encore ainsi. L'épître de la Fontaine à M. de Nyert est une satire spirituelle contre l'Opéra; elle aurait été plus mordante si le bonhomme n'eût pas eu crainte de déplaire au monarque. Nous avons rapporté le jugement de l'abbé Raguenet sur l'Opéra dans notre édition de la Fontaine, t. VI, p. 112. Quarante ans plus tard, Thomas Gray, qui avait vu l'Italie, était de la même opinion que cet abbé. (Lettre à M. West; Paris, 12 avril 1739.)—On sait ce que Rousseau a écrit sur notre musique. Mais il n'en est plus ainsi depuis que l'Opéra a perdu son privilége exclusif, et que, par l'établissement d'un théâtre, les Italiens ont formé les oreilles françaises à leur mélodie.
Page 134, lignes 8 et 9: La conquête de la Franche-Comté ne fut complétée que le 5 juillet.
Le roi était revenu avant la fin des opérations militaires, et il se hâta de donner des fêtes pour célébrer sa nouvelle conquête.
Ces fêtes employèrent six jours, mais non consécutivement.
Elles commencèrent le samedi 4 juillet (1674) [888]. Ce fut la première année où Versailles parut dans toute sa pompe. Il avait reçu bien des embellissements depuis que la Fontaine en avait célébré l'éclat et les merveilles dans son roman de Psyché. Le château avait été terminé [889], ainsi que Trianon.
C'est à Trianon que, le second jour de ces fêtes, on représenta l'Eglogue de Versailles.
La troisième journée, qui fut la plus brillante de toutes, se passa à la Ménagerie. On y représenta le Malade imaginaire de Molière, devant la fameuse grotte des bains de Thétis, nouvellement achevée [890].
Ce fut dans le petit parc que l'on représenta les Fêtes de l'Amour et de Bacchus, premier résultat de l'alliance de Quinault, de Lulli et de Vigaroni pour donner au spectacle de l'Opéra français la forme qu'il a conservée depuis [891]. Dans cette pastorale de Quinault, il y a une imitation charmante du dialogue d'Horace et de Lydie, bien préférable à celles que l'on a faites depuis.
Ces fêtes durèrent deux mois. Pour le cinquième jour, qui fut un samedi 18 août, on représenta Iphigénie, nouvelle tragédie de Racine. Cette représentation donna lieu, de la part de l'abbé de Villiers, à des remarques critiques sur ce chef-d'œuvre qui ne sont pas toujours sans justesse, et aussi à une satire en vers intitulée Apollon charlatan, laquelle, du reste, nous apprend que cette pièce faisait répandre beaucoup de larmes et renchérir les mouchoirs aux dépens des pleureurs [892].
Racine fit imprimer Iphigénie avec une courte et savante préface, mais assez aigre envers ses critiques [893]. En même temps Corneille publia sa tragédie de Suréna, qui fut le dernier effort de sa muse trafique. Il la fit précéder de ses remercîments au roi, et il parvint à introduire l'éloge de ce monarque dans le sujet même de sa pièce, qui n'y prêtait guère [894]. Les deux derniers actes de cette tragédie nous montrent encore quelques traits de vigueur; mais il se trompait beaucoup, le grand génie, lorsque, dans ses remercîments à Louis XIV, il disait:
. . . . . . . . . . . .Othon et Suréna
Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.
CHAPITRE VII.
Page 141, ligne 3: Un enfant qui ne naquit pas viable.
La preuve de cette grossesse de madame de Grignan et le terme de son accouchement, résultent des passages des lettres de Bussy à madame de Sévigné, cités en note. Mais, avant de rapporter ces passages, il faut rectifier les dates des deux lettres de madame de Sévigné au comte de Guitaud, mal données dans les éditions. Ces lettres furent d'abord publiées par le libraire Klostermann, dans son édition des lettres inédites, en 1814, in-8o, sans aucune date ni de jours ni d'années. Il paraît cependant, d'après la préface des éditeurs, que les autographes portaient l'indication du jour de la semaine (p. IX); mais, dans l'embarras où ils ont été de déterminer la date de l'année, ils ont supprimé celle du jour de la semaine, et bien à tort. Ces deux lettres, comme toutes celles du même recueil qui sont adressées au comte de Guitaud, proviennent des archives du château d'Époisses et de la famille de Guillaume de Pechpeirou-Comenge, comte de Guitaud, marquis d'Époisses, dont nous avons parlé au chapitre VI. L'éditeur nous apprend que le comte de Guitaud naquit le 5 octobre 1626, la même année que madame de Sévigné, et mourut en 1685, à Paris. Ces lettres inédites de madame de Sévigné ont été redonnées en 1819, et le nouvel éditeur a cru pouvoir y mettre des dates, qui ne sont, dit-il, qu'approximatives. M. Gault de Saint-Germain, dans son édition de madame de Sévigné, les a classées avec les dates fausses de cet éditeur. Les dates des 18 juin et 10 juillet 1675 ressortent de ce que dit madame de Sévigné sur les adieux de sa fille et du cardinal de Retz et sur les événements militaires (t. III, p. 347, édit. G.). Elles sont précises pour les mois et l'année, et déduites approximativement pour les jours.
Dans la lettre du 16 août 1674, t. III, p. 351, édit. G., Bussy dit à madame de Grignan: «Comment vous portez-vous en votre grossesse, madame, et du mal de madame votre mère?» Puis, un an après, lorsque la comtesse accoucha aux îles Sainte-Marguerite, madame de Sévigné écrit au comte de Guitaud (t. III, p. 348): «Madame de Guitaud est une raisonnable femme d'être accouchée comme on a accoutumé et de ne pas aller chercher midi à quatorze heures, comme madame de Grignan, pour faire un accouchement hors de toutes les règles! Voilà les îles en honneur pour les femmes grosses de neuf mois; si ma fille l'est, je lui conseille d'y aller. Je ne sais point de ses nouvelles sur ce sujet; mais, comme vous dites, ce n'est pas à dire que cela ne soit pas vrai; je vous assure que j'en serais fort affligée.» D'autres passages, qu'il serait trop long de citer, corroborent ces preuves de la grossesse de madame de Grignan et de son accouchement. Le général de G..., qui, dans l'avertissement de l'édition des lettres inédites de madame de Sévigné, a classé ces lettres et mis les dates, est, je crois, le général de Grimoard, un des éditeurs des Œuvres de Louis XIV.
Page 150, ligne 16: Sa sœur, Marie-Thérèse de Bussy-Rabutin, etc.
Il y avait encore deux autres demoiselles de Rabutin, parentes de Bussy: c'étaient les sœurs de ce page de la princesse de Condé, lequel épousa la duchesse de Holstein. Elles allèrent trouver leur frère en Allemagne, et écrivirent à Bussy le 25 décembre 1686 et le 28 octobre 1687. (Voyez Bussy, Lettres, t. VI, p. 201 et 264.)
Page 151, lignes dernières, et 152, ligne 1: Le jeune frère de madame de Montataire et du marquis de Bussy (Michel-Celse-Roger de Rabutin)..., qui n'était âgé que de six à sept ans.
On lit dans les Pièces fugitives de Flachat de Saint-Sauveur, 1704, in-12, t. I, p. 123:
«M. le comte de Bussy-Rabutin a laissé une belle famille, comme vous savez. M. l'abbé de Bussy est grand vicaire d'Arles, et fait beaucoup d'honneur à l'état qu'il a embrassé.»
A la page 121, il est dit «qu'on travaille au Louvre à une édition plus correcte des Mémoires de Bussy.»
Malheureusement cette édition n'a point paru. Une nouvelle édition des Mémoires de Bussy, dont la plus grande partie n'existe encore qu'en manuscrit, serait un service rendu à l'histoire; mais il faudrait y joindre sa vaste correspondance, puisqu'il ne semble avoir composé ses Mémoires que pour y intercaler les lettres qu'il écrivait et qu'il recevait.
Page 154, ligne 4: Bussy avait eu trois filles de sa cousine Gabrielle de Toulongeon.
Bussy dit, t. I, p. 125 de ses Mémoires pour l'année 1646: «Je ne fus pas longtemps sans perdre ma femme, dont je fus extrêmement affligé. Elle m'aimait fort, elle avait bien de la vertu et assez de beauté et d'esprit. Elle me laissa trois filles, Diane, Charlotte et Louise-Françoise. L'aînée n'avait pas deux ans lorsque sa mère mourut.»
J'ai prouvé ci-dessus que Gabrielle de Toulongeon était morte le 26 décembre 1646. Bussy s'était marié le 28 avril 1643; ainsi Diane n'a pu naître qu'en février 1644. L'époque de la mort de Charlotte est ignorée; mais il en résulte que, comme elle est née avant Louise-Françoise, cette dernière n'a pu naître avant la fin de septembre ou le commencement d'octobre 1645, ni plus tard que le 26 décembre 1646. Elle avait donc environ vingt-huit ans et demi lorsqu'elle se maria.
Page 154, ligne 18: Elle était cette pieuse religieuse de Sainte-Marie de la Visitation.
Mademoiselle Dupré, cette savante et spirituelle correspondante de Bussy, lui écrit de Paris, le 1er juin 1670:
«Je ne comprends pas, monsieur, que vous m'ayez si peu parlé de madame votre fille aînée, religieuse aux Dames Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine. Mon bon génie m'a inspiré de l'aller voir. Je ne crois pas qu'il y ait personne plus accomplie en vertu, en esprit et même en agrément de sa personne, s'il lui plaisait d'en avoir.»
Page 155, ligne 5: Celle qui, par les charmes de sa conversation et de son style épistolaire.
Dans sa lettre à l'abbé Papillon, en date du 7 août 1735, de la Rivière (Lettres choisies, Paris, 1735, in-12, t. II, p. 207) dit: «Madame de la Rivière (Louise-Françoise de Coligny) n'a composé que la Vie de saint François de Sales et l'épitaphe de son père, à laquelle le P. Boubours n'a eu nulle part.»
«... Je ne sais pas ce qu'on pense à Dijon des lettres de feu ma femme. Elles firent un tel bruit à la cour que le roi me les demanda. Je lui en donnai une vingtaine; il les lut chez madame de Montespan, et me dit en me les rendant: «La Rivière, votre femme a plus d'esprit que son père.» Madame de Thianges, qui avait assisté à cette lecture, m'apprit que le lendemain le roi s'en était diverti et que je lui avais donné une bonne soirée.» (P. 208.)
Le 18 août de la même année (t. II, p. 215), de la Rivière ajoute les détails suivants sur les lettres de sa femme: «Je me suis reproché d'avoir gardé longtemps une cassette pleine de lettres de feu ma femme; enfin, je les ai brûlées. Elles n'étaient qu'un composé de sentiments vifs, propres à inspirer des passions et à les allumer. Si on les avait imprimées, le public aurait couru après; mais c'eût été un dangereux présent que j'aurais fait à la postérité.»
Pages 156, lig. dernière, et 157, lig. 1: Assez de la couleur de celui de Saucourt (chose considérable en un futur).
Le meilleur commentaire de ces mots de Bussy se trouve dans les vers de Benserade, du Ballet royal des amours de Guise, où l'entrée du marquis de Saucourt, qui devait représenter un démon, est ainsi annoncée:
Non, ce n'est point ici le démon de Brutus
Ni de Socrate:
Par d'autres qualités et par d'autres vertus
Sa gloire éclate.
Sous la forme d'un homme il prouve ce qu'il est:
Doux, sociable;
Sous la forme d'un homme aussi l'on reconnaît
Que c'est le diable.
Le bruit de ses exploits confond les plus hardis
Et les plus mâles;
Les mères sont au guet, les amants interdits,
Les maris pâles.
Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui
Femme qui tienne?
Et toutes cependant sont contentes de lui,
Jusqu'à la sienne.
Benserade, Œuvres (1697), t. II, p. 307.
Page 157, lignes 3 et 8; Les terres de Cressia, de Coligny... Il jouit de la terre de Dalet et de celle de Malintras.
Dalet et Malintras sont en Auvergne, dans le département du Puy-de-Dôme. Dalet est dans l'arrondissement de Clermont, canton de Pont-sur-Allier, à huit kilomètres de Billom et onze de Clermont: il y a environ quatorze cent cinquante habitants. Autrefois ce lieu était dans l'élection de Clermont, intendance de Riom, et l'on y comptait cent soixante dix-huit feux. Malintras est dans cette petite vallée qu'on nomme la Limagne, à plus de deux lieues des montagnes. On y voit une roche qui distille la poix minérale et qui est à quelque distance, au nord, de Pont-Château. Malintras comptait soixante-six feux. Cressia est dans l'arrondissement de Lons-le-Saulnier, canton d'Orgelet. Coligny est un bourg du département de l'Ain, à vingt-deux kilomètres, au nord, de Bourg; sa population est de seize à dix-sept cents individus. Ce lieu est sur les confins de l'ancienne Franche-Comté, à sept lieues sud-ouest d'Orgelet, dans un pays que l'on nomme Revermont, et que la maison de Châtillon prétendait avoir possédé autrefois en souveraineté. Il y avait dans ce bourg quarante-six feux. (Voyez d'Expilly, Dictionnaire géogr. et polit. des Gaules et de la France, t. II, p. 389.)
Page 157, ligne 19: Ainsi Bussy avait tout arrangé et tout prévu pour le bonheur de sa fille chérie.
On lit dans la Suite des Mémoires du comte de Bussy-Rabutin, in-8o, ms. de l'Institut, p. 129 verso, un billet de madame de Scudéry en date du 17 juillet 1675, auquel Bussy fait une réponse qui commence ainsi:
«A Chaseu, ce 30 juillet 1675.
«Le mariage de ma fille n'est pas encore fait, madame; il ne se fera qu'au mois de novembre prochain. Si dans ces marchés il n'y avait point d'intérêts mêlés, ils iraient beaucoup plus vite. Mais puisque nous sommes sur cette matière, je vous veux dire les réflexions que je viens de faire.»
Ces réflexions sont celles d'un libertin impie, et elles ne peuvent être transcrites.
CHAPITRE VIII.
Page 169, lignes 8 et 9: «Vous ne sentez pas, dit-elle, l'agrément de vos lettres; il n'y a rien qui n'ait un tour surprenant.
Voici le jugement de la Rivière sur les lettres de madame de Grignan:
«Madame de Grignan avait beaucoup d'esprit, mais il paraît qu'elle en était bien aise. Son style est rêvé, peigné, limé, périodique et ne tient rien du style épistolaire, qui ne demande, je crois, qu'une noble simplicité.» Lettres choisies de M. de la Rivière, t. II, p. 217 et 218.
Dans la note, il est dit que les lettres de madame de Grignan n'étaient point perdues, comme le prétend le chevalier Perrin, et que M. de Bouhier les vit autographes entre les mains de madame de Simiane, à Aix en Provence, en 1733. Ainsi c'est madame de Simiane qui les a détruites. Mais madame de Grignan n'écrivit pas qu'à sa mère, et ceux qui recevaient des lettres de cette reine de Provence devaient les conserver.
Rivière, en écrivant à l'abbé Pavillon le 28 août 1737, dit: «Tant mieux pour le public si on n'imprime pas les lettres de madame de Grignan. C'était un esprit guindé, périodique, plus propre à l'éloquence du barreau et de la chaire qu'aux agréments de la société. Je l'ai connue: elle ne se permettait aucune négligence dans le style, ce qu'elle portait jusqu'à l'affectation; d'ailleurs, d'une très-aimable figure. Mais il y avait une mer de séparation entre la mère et la fille dans ce qui regardait la gentillesse de l'esprit.»
Page 174, ligne 8: Le comte de Schomberg avait défait les Espagnols; et note 2: Relation de ce qui s'est passé en Catalogne.
Cette relation est curieuse et faite par un homme qui se trouvait dans l'armée de Schomberg. Elle commence par la conspiration qui fut ourdie pour livrer Perpignan et Villefranche aux Espagnols. Il y a toute la matière d'un drame des plus animés et des plus tragiques. A la fin se trouve l'histoire plus plaisante du marquis de Rivarolles, qui eut une cuisse emportée au siége de Boulau. Il fut transporté à Toulouse, et là il tint à des femmes quelques propos légers sur Madaillan, qui avait servi d'aide de camp à Schomberg. Madaillan, instruit par une lettre, part de Paris en poste, arrive à Toulouse, et envoie à Rivarolles un cartel pour le prier de monter à cheval, attendu qu'il veut se battre avec lui. Le chirurgien de Rivarolles se présente de la part de ce dernier chez Madaillan, et est introduit sans dire quelle est sa profession ni quelle réponse il venait faire. Il déploie tranquillement sa trousse d'instruments tranchants, à la grande surprise de Madaillan, qui lui demande si c'est lui que M. de Rivarolles envoie pour répondre à son billet. «C'est moi-même, monsieur, dit l'autre. Monsieur de Rivarolles est tout prêt à se battre avec vous, comme vous le désirez; mais, persuadé qu'un brave comme vous ne voudrait pas se battre avec avantage, il m'a ordonné de vous couper une jambe auparavant, afin que toutes choses soient égales entre vous.» La colère de Madaillan fut grande. Mais le maréchal de Schomberg lui dépêcha le baron de Montesquiou, qui, en sa qualité de subdélégué des maréchaux de France, avait qualité pour arranger ces sortes d'affaires et qui parvint à réconcilier les deux guerriers. (Relation, etc., p. 185-193.)—Barbier (Dict. des Anonymes, t. III, p. 186, no 16,048) commet une erreur en attribuant deux volumes à cet ouvrage. Il y a une seconde partie à ce volume, intitulée Suite de la Relation de ce qui s'est passé en Catalogne depuis le commencement de la guerre jusqu'à la paix; Paris, Quinet, 1679, in-12 (170 pages).
Plus loin, sous le no 16,057, Barbier mentionne une Relation de la campagne de Flandre en 1678, par D. C.; Paris, Quinet, 2 vol. in-12. Il attribue (t. III, p. 186) cet ouvrage, ainsi que le précédent à de Caisses; puis dans les corrections de ce volume, p. 670, à un M. Doph, quartier maître général et ensuite général des dragons.
CHAPITRE X.
Page 190, lignes 28 à 30: A la reine, que... le roi n'avait jamais entièrement négligée.
«Le roi couchait toutes les nuits avec la reine; mais il ne se comportait pas toujours comme le tempérament espagnol le désirait.» (Lettres de Madame, du 17 avril 1719.)
«La reine avait une telle affection pour le roi qu'elle cherchait à lire dans ses yeux tout ce qui pouvait lui faire plaisir. Pourvu qu'il la regardât avec amitié, elle était gaie toute la journée. Elle se réjouissait que le roi couchât avec elle maritalement; elle en devenait si gaie qu'on le remarquait chaque fois. Elle n'était pas fâchée qu'on la raillât à ce sujet. Alors elle riait, clignotait, et se frottait les mains.» (Lettres de Madame, du 24 mars 1719.)
Page 195, lignes 4 et 5: Le roi enjoignit au ministre de prévenir les désirs de celle qu'il lui était si pénible d'affliger.
La lettre que Louis XIV écrit à Colbert, de son camp près de Dôle, le 9 juin 1674, est curieuse, parce qu'elle nous fait voir ce roi, honteux des exigences de madame de Montespan dans l'état de pénurie où l'on se trouvait, dissimulant avec son ministre. Nous transcrirons ici une partie de cette lettre, qui est tout entière de la main de Louis XIV. Nous conservons l'orthographe: «Madame de Montespan ne veut pas absoluement que je lui donne des pierreries; mais afin quelle n'en manque pas, je désire que vous faciés travailler à une petite cassette bien propre, pour mettre dedans ce que je vous diray ci-après, afin que j'ai de quoy lui prester à point nommé ce qu'elle desirera. Cela parois extraordinaire; mais elle ne veut point entendre raison sur les présens.» Vient ensuite l'énumération d'une parure de femme en perles et en diamants, tellement longue et minutieuse que Louis XIV a dû la copier d'après celle que lui avait transmise madame de Montespan. Il termine par ces mots: «Il faudra faire quelque depense à cela, mais elle me sera fort agréable; et je désire qu'on la fasse sans ce (sic) presser. Mandés moy les mesures que vous prendrez pour cela, et dans quel temps vous pouvez avoir tout.»
Louis XIV écrit encore à Colbert, du camp de Gembloux, le 28 mai 1675 (Lettres, t. V, p. 533):
«Madame de Montespan m'a mandé que vous avez donné ordre qu'on achète des orangers, et que vous lui demandez toujours ce qu'elle désire. Continuez à faire ce que je vous ai ordonné là-dessus, comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»
Du camp de Latines, le roi adresse à Colbert, au sujet de madame de Montespan, une lettre encore plus remarquable, qui répond à celle de Colbert rendant compte de la commission dont il avait été chargé:
«A M. Colbert.
«Au camp de Latines, le 8 juin 1675.
«La dépense est excessive, et je vois par là que, pour me plaire, rien ne vous est impossible. Madame de Montespan m'a mandé que vous vous acquittiez fort bien de ce que je vous ai ordonné, et que vous lui demandez toujours si elle veut quelque chose. Continuez à le faire toujours. Elle me mande aussi qu'elle a été à Sceaux (Sceaux appartenait à Colbert), où elle a passé agréablement la soirée. Je lui ai conseillé d'aller un jour à Dampierre, et je l'ai assurée que madame de Chevreuse et madame Colbert l'y recevraient de bon cœur. Je suis assuré que vous en ferez de même. Je serai très-aise qu'elle s'amuse à quelque chose; et celles-là sont très-propres à la divertir. Confirmez ce que je désire; continuez à faire ce que je vous ai mandé là-dessus, comme vous avez fait jusqu'à cette heure.»
Cinq jours avant la lettre que l'on vient de lire, Pellisson, qui avait suivi Louis XIV à la guerre, écrivait, de ce même camp de Latines:
«Du 3 juin 1675.
«Le roi dit hier au soir au petit coucher, avec plaisir, le grand accueil qui avait été fait à Bourdeaux à M. le duc du Maine, et la joie que le peuple témoigna de le voir, bien différente des mouvements où il était naguère, comme marquant son repentir. C'est madame de Maintenon qui lui a écrit une lettre de huit à dix pages. Elle marque qu'en son absence le petit prince répondit de son chef aux harangues; et qu'au retour l'ayant trouvé fort échauffé de la foule qui avait été auprès de lui, elle lui demanda s'il n'aimerait pas mieux n'être point fils du roi que d'avoir toute cette fatigue: à quoi il répondit que non, et qu'il aimait mieux être fils du roi. Le roi dit encore que les médecins de Bourdeaux, aussi incertains que ceux de Paris, avaient été d'avis qu'il allât à Bourbon plutôt qu'à Baréges; et que le lendemain ils avaient conclu, au contraire, qu'il essayât des eaux de Baréges avant d'aller à Bourbon.» (Pellisson, Lettres historiques, t. II, p. 278.)
Il est évident, d'après la date de ces deux lettres, que la veuve Scarron ne pouvait alors avoir la moindre idée de balancer dans le cœur de Louis XIV l'amour qu'il avait pour Montespan; qu'elle cherchait seulement à être agréable au monarque et à gagner sa confiance comme gouvernante de ses enfants.—Par une autre lettre datée du camp de Latines le 7 juin 1675, Louis XIV dit au maréchal duc d'Albret que rien ne pouvait lui être plus sensible que ce qu'il lui avait écrit touchant son fils le duc du Maine, ainsi que les soins qu'il prenait pour sa personne.
Page 195, lignes 7 à 10: A l'aide de Mansart et de Le Nôtre..., elle fit de Clagny un magnifique séjour.
Il ne reste plus rien de ce chef-d'œuvre de Le Nôtre et de Jules-Hardouin Mansart. Tout est rasé.—En 1837, le grand Dictionnaire de la poste aux lettres comptait vingt habitants sur la butte de Clagny, laquelle n'est pas même visitée par les voyageurs curieux qui vont voir Versailles. Le château de Clagny n'était pas terminé en septembre 1677, ainsi qu'on le voit par une lettre de Mansart à Colbert, date du 7 de ce mois, publiée par Delort dans les Voyages aux environs de Paris, 1821, in-8o, t. II, p. 98.
Page 197, lignes 13 à 16: C'était le P. la Chaise... On le disait sévère.
Le P. François de la Chaise succéda au P. Ferrier; on fit alors ce couplet, sur l'air Aimons, tout nous y convie:
Chantons, chantons, faisons bonne chère.
Notre monarque vainqueur
A pris pour son confesseur
La Chaise, père sévère.
Il promet que, dans un an,
Il rendra la Montespan
Compagne de la Vallière.
(Chansons historiques, manuscrit de Maurepas, Bibl. nation., vol. IV, p. 189.)
Page 201, ligne 23: Ne soit que la même chose avec celui de M. de Condom.
On ne s'explique pas bien comment Bossuet, qui avait été nommé à l'évêché de Condom le 13 septembre 1669, suivant M. de Bausset, mais qui avait donné sa démission en 1671 et avait été remplacé dans cet évêché par Goyon de Matignon le 31 octobre de la même année, est appelé M. de Condom, non-seulement dans une lettre de madame de Sévigné à M. de Grignan sur la mort de Turenne, du 31 juillet 1675, mais encore dans plusieurs autres de Louis XIV, de 1676 et 1677. (Louis XIV, Œuvres, t. V, p. 549, 566, 572.)
Dans le Gallia christiana, t. II (1720, in-folio), p. 972, il est dit que Jacob-Bénigne Bossuet fut désigné évêque de Condom le 13 septembre 1668 et inauguré le 21 septembre 1670. Il fut désigné évêque le 13 septembre 1669.—Ni M. de Bausset ni M. de Barante, dans son article de la Biographie universelle n'ont copié cette erreur du Gallia christiana; mais elle a été reproduite par M. Jules Marion dans son estimable travail de l'Annuaire historique pour 1847. Bossuet se démit de l'archevêché de Condom le 31 octobre 1671, et Jacob Goyon de Matignon, de la famille des comtes de Thorigny, fut nommé à sa place (Gall. christ., t. II, p. 974). Cependant Bossuet, jusqu'à sa nomination à l'évêché de Meaux, signait ancien évêque de Condom; et madame de Sévigné, et tout le monde, et Louis XIV lui-même, dans des lettres de 1675 et 1676, l'appelaient monsieur l'évêque de Condom. (Conférez Louis XIV, Œuvres, t. V, p. 549, 566, 572, et Sévigné, lettre du 31 juillet 1675, sur la mort de Turenne.) C'est une singulière anomalie, qui dérouterait bien des critiques si elle n'était expliquée par la grande célébrité de Bossuet et l'obscurité de son successeur.
Page 203, lignes dernières: Et d'y vivre aussi chrétiennement qu'ailleurs; et note 452: Caylus, Souvenirs.
On a dit que madame de Caylus paraît avoir confondu ensemble, dans cet endroit, les souvenirs de deux années, qu'il fallait séparer. Mais on n'a pas remarqué que ces souvenirs seraient bien plus fautifs dans la page précédente (t. LXVI, p. 387) de la collection des Mémoires, édit. 1828, in-8o, ou page 95 de l'édit. Renouard, 1806, in-12, si, au lieu de madame de Montausier, on ne corrigeait pas M. de Montausier. Il y avait trop de temps que madame de Montausier était morte à l'époque dont parle madame de Caylus pour qu'une telle erreur pût lui être attribuée.
Page 205, lignes 9 et 10: Louis XIV avait trente-sept ans.
Néanmoins depuis deux ans le roi portait perruque, comme on le voit par cette lettre de Pellisson, en date du 13 août 1673:
«Le roi a commencé ces jours passés à mettre une perruque entière, au lieu du tour de cheveux. Mais elle est d'une manière toute nouvelle: elle s'accommode avec ses cheveux, qu'il ne veut point couper, et qui s'y joignent fort bien, sans qu'on puisse les distinguer. Le dessus de la tête est si bien fait et si naturel qu'il n'y a personne sans exception qui n'y ait été trompé d'abord, et ceux-là même qui l'avaient suivi tout le jour. Cette perruque n'a aucune tresse; tous les cheveux sont passés dans la coiffe l'un après l'autre. C'est le frère de la Vienne qui a trouvé cette invention et à qui le roi en a donné le privilége. Mais on dit que ces perruques coûteront cinquante pistoles.» (Pellisson, Lettres historiques, t. I, p. 395.)
Page 207, ligne première: Dans son épître à Seignelay.
On n'a pas encore découvert, que je sache, d'édition séparée de cette belle épître de Boileau, comme Berriat Saint-Prix (t. I, p. CXLV) en a trouvé une de l'épître à Guilleragues; Paris, Billaine, 1674, in-4o de 10 pages.—L'édition des Œuvres diverses du sieur D*** (Despréaux); Paris, Denys Thierry, 1675, in-12, ne contient que cinq épîtres, et celle de Guilleragues est la dernière.
Page 207, lignes 5 et 6: A ce brillant spectacle Pomponne conduisit l'abbé Arnauld, son frère, revenu de Rome.
Antoine Arnauld, né en 1616, fils aîné du célèbre Arnauld d'Andilly, accompagna l'un de ses oncles, Henri Arnauld, abbé de Saint-Nicolas, qui fut nommé, en 1645, chargé des affaires de France à Rome. L'oncle et le neveu, à cette date, étaient hommes du monde, peu rigoristes, honnêtes gens, mais non scrupuleux. De retour en France en 1648, ils se trouvèrent insensiblement pris par les opinions et par les mœurs de leurs familles. Ils se retirèrent quelque temps à Port-Royal-des-Champs auprès de M. d'Andilly. L'abbé de Saint-Nicolas devint un janséniste fervent; il fut nommé évêque d'Angers. Son neveu, dégagé d'ambition et sans beaucoup de zèle, le suivit dans son évêché, tout en conservant ses relations de la ville et de la cour. Pendant le ministère de son frère cadet M. de Pomponne, il obtint, en 1674, l'abbaye de Chaumes en Brie. Il ne fut janséniste que parce qu'il était de la famille Arnauld, et resta toujours volontiers homme du monde. Dans ses Mémoires il s'est beaucoup plaint de son père, dont il était le fils aîné et nullement le Benjamin: c'est M. de Pomponne qui était ce Benjamin. Après la disgrâce de ce dernier (1679), l'abbé Arnauld se retira près de l'évêque d'Angers, dont il administra le temporel. Il mourut en février 1698, âgé de quatre-vingt-deux ans. Il a laissé d'assez agréables Mémoires, et son récit s'étend entre les années 1634 et 1675.
CHAPITRE XI.
Page 211, ligne 12: Elle en fut le chef.
On créa pour elle alors le surnom de matriarche. Voyez les Nouvelles à la main de la cour du 9 mars 1685, p. XXXVIJ, dans la Correspondance administrative du règne de Louis XIV, recueillie par Depping. Déjà, dès cette époque, l'envie répandait le bruit que madame de Maintenon disposait de tous les emplois; que Louis XIV n'entreprenait rien sans avoir son avis; qu'elle voulait se faire déclarer reine, et que le Dauphin s'y opposait; enfin, tous les cancans de cour que Saint-Simon a consignés trente ans après.
Page 211, lignes 14 et 15: Françoise d'Aubigné fut aimée et recherchée par madame de Sévigné; et la note.
Madame de Maintenon, lorsqu'elle voyait le plus madame de Sévigné, et que celle-ci l'invitait à souper, demeurait rue des Tournelles ainsi que Ninon, par conséquent très-près de la seconde demeure de madame de Sévigné au Marais (rue Saint-Anastase); et quand elle fut arrivée à un grand degré de faveur auprès du roi, qu'elle l'eut ramené à la reine et séparé de madame de Montespan, elle ne discontinua pas entièrement ses relations avec madame de Sévigné. Dans une lettre de cette dernière à sa fille, on trouve ces lignes, remarquables surtout par leur date (29 mars 1680): «Madame de Maintenon, par un hasard, me fit une petite visite d'un quart d'heure. Elle me conta mille choses de madame la Dauphine, et me reparla de vous, de votre santé, de votre esprit, du goût que vous avez l'une pour l'autre, de votre Provence, avec autant d'attention qu'à la rue des Tournelles.»
Page 212, ligne 18: De son ami qui voyage.
Les éditeurs de madame de Sévigné ont cru qu'il s'agissait ici du voyage que madame de Maintenon fit à Anvers avec le duc du Maine. Ils se trompent. Madame Scarron arriva à Anvers au commencement d'avril 1674.
Les Mémoires de Saint-Simon et des dames de Saint-Cyr constatent bien que ce voyage de madame Scarron à Anvers est antérieur à celui fait à Baréges, mais il n'en donnent pas la date. La Beaumelle s'y était trompé dans la première Vie de madame de Maintenon, in-18, Nancy, 1753, p. 200. Mais il a pu, d'après les lettres qu'il avait retrouvées, corriger cette erreur dans ses Mémoires pour servir à l'histoire de Maintenon (t. II, p. 41, liv. IV, et p. 118, liv. V). Cette date paraît bien fixée: cependant mademoiselle de Montpensier dit dans ses Mémoires (t. LXVI, p. 403), en parlant du duc du Maine: «Avant qu'il fût reconnu, madame de Maintenon l'avait mené en Hollande.» Il fut légitimé en décembre 1673; mais l'arrêt n'était peut-être pas enregistré en mars ou en avril 1674, époque du départ de madame Scarron.
Page 212, ligne 28: Son caractère ne se démentit jamais.
Dans ses entretiens avec mademoiselle d'Aumale et les élèves de Saint-Cyr, madame de Maintenon dit:
«Il ne faut rien laisser voir à nos meilleurs amis dont ils puissent se prévaloir quand ils ne le seront plus. Il est bien fâcheux d'avoir à rougir dans un temps de ce que l'on aura fait ou dit par imprudence dans un autre..... Je le disais il y a bien des années à madame de Barillon: Rien n'est plus habile qu'une conduite irréprochable.» (Entretiens de mad. de Maintenon, la Beaumelle, t. III, p. 153.)
«Je me regarde, disait-elle encore, comme un instrument dont Dieu daigne se servir pour faire quelque bien, pour unir nos princes, pour soutenir et soulager les malheureux, pour délasser le roi des soins du gouvernement. Dieu saura bien briser cet instrument quand il le jugera inutile; et je n'y aurai pas de regret.»
Et toute sa conduite, avant comme après son élévation, avant comme après la mort du roi, fut d'accord avec ses paroles, et prouve qu'elles étaient sincères.
Page 213, ligne 5: Quelques pastiches maladroits des lettres de Coulanges et de Sévigné.
Je désigne ici quelques fragments de lettres fort courts, supposés extraits de lettres adressées à madame de F*** et à madame de St-G***, dans la première édition des lettres tirées de la nombreuse correspondance de madame de Maintenon. Dans la seconde édition, madame de F*** se trouve être madame de Frontenac, et madame de St-G*** madame de Saint-Géran. Tous ces intitulés ont été reproduits dans plusieurs éditions des Lettres de Maintenon [895], et ils ont plus ou moins induit en erreur les historiens et les biographes. Il n'en est pas de même d'une lettre entière supposée écrite par madame de Maintenon, imprimée d'abord sans aucune date et sans indication de la personne à qui elle devait être adressée. Cette lettre semblait avoir été réprouvée comme suspecte par tous ceux qui ont écrit sur madame de Maintenon. Deux écrivains très-spirituels se sont avisés de s'en servir comme d'un document authentique pour pouvoir établir ainsi à une date certaine le commencement de la passion imaginaire de Louis XIV et de madame de Maintenon, et expliquer à leur manière la nature de leur liaison. Le style de cette lettre ne ressemble aucunement à celui de madame de Sévigné. On y trouve l'expression de gros cousin, copiée d'une des lettres de celle-ci pour désigner le ministre Louvois, cousin de madame de Coulanges. Or, l'on sait que madame de Maintenon, soigneuse de sa dignité dans l'abaissement où le sort l'avait placée, ne parlait pas des ministres, des personnages riches et puissants avec le ton familier des Sévigné, des Coulanges et des grandes dames de la cour.
Enfin, on y trouve répété, avec une légère variante, ce mot que Voltaire a le premier rapporté: «Je le renvoie toujours affligé, mais jamais désespéré.» Mais Voltaire le place dans une lettre à madame de Frontenac, d'accord en cela avec la Beaumelle. Cette antithèse a paru si charmante à tous les historiens de Louis XIV ou de Maintenon que pas un seul ne s'est abstenu de la répéter. Aucun n'a réfléchi que, si ces paroles ont été écrites par madame de Maintenon, c'est dans un sens tout différent de celui qu'on leur prête, dans tout autre circonstance que celle qu'on suppose, puisque autrement elles impliqueraient que Françoise d'Aubigné, pour réussir dans ses ambitieux desseins, ne craignait pas de recourir aux artifices d'une coquette perfide ou d'une habile courtisane. Quoique dans la seule édition complète du Recueil des lettres de Maintenon qu'il ait avouée [896] (Amsterdam, 1755, grand in-12) la Beaumelle n'ait point inséré cette lettre supposée écrite à madame de Coulanges, cependant il l'a connue; car à la page la plus fausse et la plus romanesque qu'il ait tracée dans ces Mémoires, où il y en a tant de vraies, de curieuses et de bien écrites, il a cité la phrase la plus invraisemblable. Puis il ajoute: «L'original de cette lettre est entre les mains de M. de M**, de l'Académie» (t. II, p. 193, liv. VI, chap. III). Ceux, qui l'ont donnée depuis sans date, ainsi que ceux qui l'ont imprimée, n'ont point vu cet original, puisqu'ils n'ont su ni à qui elle était adressée ni comment elle était datée [897]. Quant à lui, il assigne à cette lettre une date différente de celle que lui ont donnée les historiens dont j'ai parlé, et il prête aux visites de Louis XIV un motif tout autre que celui qu'ils ont supposé.
Les fragments ont été habilement fabriqués: ceux qui les ont écrits ont puisé ce qu'ils ont de vrai dans les lettres adressées par madame de Maintenon à l'abbé Gobelin. Françoise d'Aubigné fut, dans tout le temps de sa prospérité, justement tourmentée par la crainte de ne pouvoir concilier le soin de son salut avec les grandeurs et la vie agitée que son ambition lui avait faite, et elle eut besoin d'être toujours rassurée par des directeurs de conscience auxquels elle pût soumettre ses craintes et confier les plus secrets mouvements de son cœur. L'abbé Gobelin et Godetz-Desmarets, évêque de Chartres, furent ces deux prêtres ou directeurs. Elle avait bien choisi: ni l'un ni l'autre n'ambitionnaient ni la gloire de l'éloquence de la chaire ni les hautes dignités de l'Église; ni l'un ni l'autre n'appartenaient à l'ordre trop puissant des jésuites: c'étaient deux bons prêtres, uniquement occupés à remplir avec ponctualité tous les devoirs de leur saint ministère, très-attentifs à bien diriger une âme aussi belle, aussi pieuse que celle de Françoise d'Aubigné. Le second surtout (Godetz-Desmarets), sans ambitionner l'éclat que donne le talent des controverses ecclésiastiques, sut, à une époque qui est hors des limites de ces Mémoires, lui inspirer une assez haute idée de son savoir théologique pour obtenir d'elle une soumission entière à ses décisions, et la faire marcher dans cette nuit de la foi, comme dit madame de la Sablière [898], au milieu des écueils que le jansénisme, le jésuitisme et le quiétisme lui présentaient sur sa route et vers lesquels l'attiraient ou la tiraillaient en sens contraire son alliance de famille avec le cardinal de Noailles, sa tendresse pour Fénelon, et sa déférence obligée pour le P. la Chaise.
Au nombre des écrits de madame de Maintenon ou relatifs à cette fondatrice, écrits que les dames de Saint-Cyr conservaient dans leurs archives et dont les élèves s'occupaient à faire des copies, les plus précieux pour la bien connaître sont les lettres que lui a écrites l'évêque de Chartres [899] et celles qu'elle-même écrivit à l'abbé Gobelin.
Quoique très-courts, les fragments dont j'ai parlé décèlent leur fausseté par le style toujours imité de Coulanges et de Sévigné, mais plus encore par leur objet, qui est de donner à l'opinion un vague sur la nature des liaisons de Louis XIV et de Maintenon, vague qui plaisait tant aux imaginations des élèves et des dames de Saint-Cyr. Et ce qui prouve encore plus que ces fragments et quelques autres passages de lettres sont adressés aux mêmes personnes, ou ont été détournés, par des changements et interpolations, de leur sens naturel et vrai, dans un intérêt romanesque, c'est le nom des personnes auxquelles on suppose que ces lettres ont été écrites. A la cour il n'y a jamais que de petites indiscrétions calculées. A qui persuadera-t-on d'ailleurs que madame Scarron, connue, dès sa plus tendre jeunesse, pour sa discrétion et sa circonspection, se soit avisée d'écrire à qui que ce soit ce qui pouvait se passer entre elle et Louis XIV dans leurs mystérieux tête-à-tête?
Voltaire dit que madame de Frontenac était cousine de madame de Maintenon; et cependant madame de Maintenon paraît avoir été liée moins intimement avec elle qu'avec madame de Saint-Géran. Celle-ci est assez connue par la lecture de ces Mémoires. On sait qu'elle fut quatre ans expulsée de la cour, et qu'elle fit auprès de madame de Maintenon de constants et inutiles efforts pour être admise à Marly.
Sans doute mesdames de Frontenac et de Saint-Géran, devenues plus régulières et peut-être sincèrement pieuses dans un âge avancé, s'attirèrent la considération et les égards qui leur étaient dus, et firent le charme des sociétés par leur esprit, leur amabilité et le suprême talent du savoir-vivre. Saint-Simon l'atteste, et c'est vraisemblablement le souvenir des temps de leur liaison avec madame de Maintenon qui aura donné l'idée de placer leur nom en tête des fragments dont j'ai parlé; mais alors même celle-ci ne leur aurait pas confié des secrets qui étaient aussi ceux du roi. Ainsi les fragments de lettres ou tous les passages de lettres qui tendent à accréditer une telle pensée sont nécessairement apocryphes, ou formés à l'aide de phrases habilement tronquées ou rapprochées de manière à présenter un sens tout opposé à celui qu'elles avaient; ou bien ce sont de véritables lettres écrites par une personne autre que madame de Maintenon et pour d'autres que mesdames de Frontenac et de Saint-Géran.
Cent ans se sont écoulés depuis que Voltaire et la Beaumelle ont écrit sur le siècle de Louis XIV; et l'on trouve dans les ouvrages de ces deux auteurs relatifs à madame de Maintenon des faits qui se heurtent, des jugements inconciliables, qui les mettent en contradiction l'un avec l'autre. Les écrivains qui depuis ont tracé des histoires ou des notices sur la vie de Françoise d'Aubigné, ont rarement manqué l'occasion de se plaindre de la légèreté de Voltaire; mais ils témoignent un mépris complet pour l'ouvrage de la Beaumelle, et s'abstiennent de le citer, ou ne le citent que fort rarement. Je suis néanmoins en mesure d'affirmer qu'on ne trouve chez aucun d'eux un seul fait, un seul détail de faits, une seule appréciation favorable ou défavorable, une seule vérité, une seule erreur qui ne soit dans la Beaumelle.
Comme pour décrire ce chapitre XI, restreint dans son objet, nous avions besoin d'embrasser dans notre pensée l'histoire de la longue vie de madame de Maintenon, nous avons été obligé, pour faire avec fruit cette étude, de soumettre à un examen critique les écrits de la Beaumelle et de Voltaire sur le siècle de Louis XIV et particulièrement sur madame de Maintenon, et aussi la controverse violente qui s'est élevée entre les deux auteurs.—Jamais sujet plus curieux d'investigation sur l'histoire du grand siècle et sur l'histoire littéraire du siècle qui l'a suivi ne s'était rencontré sur notre route. Mais, après avoir terminé cet examen, nous nous sommes aperçu qu'il était trop volumineux, et que s'il devait être publié un jour comme un appendice à ces Mémoires, ce n'était pas dans ce volume qu'il était convenable de le placer.
Page 213, ligne 7: Des mémoires rédigés d'après des bruits de cour.
Du nombre de ces bruits de cour, je mets l'avis du duc de Montausier, donné au roi au sujet du refus d'absolution fait à madame de Montespan, le petit colloque de Louis XIV et de Bourdaloue sur la retraite de madame de Montespan à Clagny, et l'entretien de Bossuet et de madame de Montespan rapporté par M. de Bausset.—Relativement à ce dernier fait, le judicieux M. de Bausset lui-même, qui l'a rapporté d'après le manuscrit de l'abbé Ledieu (l'abbé Ledieu n'entra chez Bossuet qu'en 1684), fait observer que le caractère de madame de Montespan et celui de Bossuet le rendent invraisemblable. M. de Bausset a été trompé, pour ce qui concerne Montausier, par le fragment d'une lettre de madame de Maintenon à madame de Saint-Géran, qui est apocryphe.—M. de Montausier a contribué sans doute avec Bossuet à la détermination du roi: madame de Caylus le dit [900]; mais ce ne fut pas de la même manière que le raconte la lettre apocryphe. Il n'était point dans le caractère de Louis XIV de consulter le duc de Montausier ou le maréchal de Bellefonds sur les matières ecclésiastiques. Hors de la chaire évangélique et du confessionnal, si quelqu'un de ses sujets se permettait de lui faire des observations sur la religion, c'est qu'il lui en avait donné l'ordre. Il ne plaisantait pas non plus avec le père Bourdaloue, homme sérieux, et incapable de faire au roi, qui lui adressait la parole d'une manière aimable, une réponse aussi impertinente que celle qu'on lui a prêtée.
Page 214, ligne 14: La grâce, l'esprit, la raison, s'unissaient en elle dans une juste mesure... Naturellement impatiente, vive, enjouée.
L'âge ne la changea point, et ne la rendit pas plus sévère.—Voici ce qu'elle disait à ses élèves de Saint-Cyr:
«Pour vivre ensemble, la raison est préférable à l'esprit... Rien n'est plus aimable que la raison; mais il ne faut pas la trop prodiguer, et les personnes qui raisonnent toujours ne sont pas raisonnables. Ce qu'il est plus essentiel de mettre dans le commerce de la vie, c'est de la complaisance, de la joie, du badinage, du silence, de la condescendance et de l'attention aux autres. La piété peut sauver sans la raison; mais la piété ferait beaucoup plus de bien si elle était réglée par la raison.» (Conversations de madame la marquise de Maintenon; 3e édit., Paris, Blaise, 1828, in-18, p. 8 et 9, convers. I.)
«L'esprit ne nous rend pas plus sage ni plus heureuse. La raison nous rend aimable; elle résiste aux passions, aux préventions; elle nous fait surmonter nos passions, et souffrir celles des autres.» (Ibid., p. 100, conv. XXIV.)
«Un esprit mal fait, disait-elle, m'effraye partout.» (Voyez Mémoires de Maintenon, recueillis pour les dames de Saint-Cyr, 1826, in-12, p. VIII de la préface et p. 271.)
Page 214, ligne 20: Le besoin de se faire des protecteurs la rendit insinuante et complaisante.
«Elle fait consister tous les moyens de plaire dans un seul, la politesse. Mais la grande politesse consiste à ménager en tout et partout les gens avec lesquels nous vivons, à ne les blesser jamais, à entrer dans tout ce qu'ils veulent, à ne contrarier ni ce qu'on dit ni ce qu'on fait.» (Conversations de la marquise de Maintenon, 3e édit., 1828, in-18, Dialogue sur la société, p. 3.)
«En société, on n'a qu'à choisir entre la souffrance ou la contrainte.» (Ibid., p. 21.)
Quand on s'accoutume de bonne heure à s'occuper des autres, on s'en fait une habitude. Toute la philosophie de madame de Maintenon et le secret de son élévation se trouvent dans ces paroles qu'elle a écrites, où elle fait elle-même son éloge:
«Je persiste à croire que la jeunesse ne peut être trop sensible aux louanges des honnêtes gens, à l'honneur, à la réputation; et qu'il n'y a que les courages élevés qui soient capables de tout faire pour y parvenir.» (Conv., t. I, p. 239.)
Page 214, ligne 20, et p. 215, ligne première: La religion, à laquelle... elle savait faire parler un langage doux, juste, éloquent et court, etc.
«Dans le christianisme, dit-elle dans une de ses lettres, l'important n'est pas de beaucoup agir, mais de beaucoup aimer.»
Page 215, lignes 2 et 3: L'infortune lui ravit l'âge des illusions.
De toutes les qualités que madame de Maintenon cherche à inspirer à ses élèves de Saint-Cyr pour leur bonheur futur, c'est la prudence et la circonspection. Elle leur dit:
«Il faut de la discrétion, même dans la vertu..... Il faut se contraindre, même dans le commerce que l'on a avec ses amis..... En s'abstenant d'écrire, on se retranche un plaisir, on s'assure un grand repos. Si on est assez malheureuse pour changer d'amis, on n'appréhende point qu'ils confient à d'autres les confidences que nous leur avons faites..... Il n'y a rien de si dangereux que les lettres: il y a beaucoup de personnes imprudentes qui les montrent; il y en a beaucoup de méchantes qui veulent nuire. Il s'en perd par hasard; le porteur peut être gagné, la poste peut être infidèle. Celui à qui vous vous fiez se fie souvent à d'autres.
«Les lettres ont déshonoré des femmes. Elles ont coûté la vie à des hommes, elles ont fait des querelles, elles ont découvert des mystères.» (Conversations inédites de madame de Maintenon; Paris, 1828, in-18, t. II, p. 70-73, Convers. IX sur les lettres, et Convers. XI des anciennes, t. I, 1828, in-18, p. 90.)
Page 215, ligne 18: La jeune Indienne.
On devait aimera lui donner ce surnom, parce qu'elle intéressait dans la conversation par les souvenirs qu'elle avait conservés de l'île de la Martinique, où elle avait passé sa toute petite enfance. Elle étonna beaucoup Segrais en lui apprenant que, dans ce pays, les ananas se mangeaient tout crus. On n'en recevait encore en Europe que confits et en morceaux. Ce fut elle qui fit connaître au poëte traducteur des Géorgiques la couleur dorée, la forme globuleuse et festonnée de ce fruit, surmonté de son magnifique panache de feuilles vertes et élancées. (Segrais, Œuvres diverses, 1723, in-12, p. 148.)
Page 216, ligne 6: Autrement que par l'aptitude négative de son tempérament.
Godetz Desmarets, évêque de Chartres, toucha ce point avec une grande délicatesse, dans une réponse à madame de Maintenon sur une de ses redditions, qui étaient des confessions écrites, plus explicites, plus confidentielles que les confessions ordinaires. Elle lui avait dit qu'elle croyait commettre un péché chaque fois que, cédant aux désirs du roi, elle cessait d'être son amie pour devenir son épouse.—Il lui répond:
«C'est une grande pureté de préserver celui qui vous est confié des impuretés et des scandales où il pourrait tomber. C'est en même temps un acte de soumission de patience et de charité..... Malgré votre inclination, il faut rentrer dans la sujétion que votre vocation vous a prescrite..... Il faut servir d'asile à une âme qui se perdrait sans cela. Quelle grâce que d'être l'instrument des conseils de Dieu, et de faire par pure vertu ce que tant d'autres font sans mérite ou par passion!» (La Beaumelle, t. VI, p. 79-82.)
Elle avait bien choisi son directeur. Godetz-Desmarets n'était pas un évêque de cour, c'était un saint homme; ses lettres à madame de Maintenon et toute sa conduite le prouvent. A lui seul elle s'était confiée, et il se pourrait bien que ce fût lui qui bénit en secret, et seul, le mariage sur lequel on fit tant de récits à la cour. Harlay était un homme de mauvaises mœurs, et que madame de Maintenon estimait peu; au lieu qu'elle ne cachait rien à l'évêque de Chartres. Celui-ci lui écrit: «Après ma mort, vous choisirez un directeur auquel vous donnerez vos redditions. Vous lui montrerez les écrits qu'on vous a donnés pour votre conduite. Vous lui direz vos liens.»
Page 217, ligne 2: Lui valurent d'être tenue sur les fonts de baptême par la femme du gouverneur.
Dans la notice historique sur madame de Maintenon par M. Monmerqué, placée en tête des Conversations inédites, in-18, Paris, Blaise, 1828, il est dit qu'elle naquit le 27 novembre 1635, fut baptisée par un prêtre catholique, et tenue sur les fonts par le duc de la Rochefoucauld, gouverneur de Poitou, et par Françoise Tiraqueau, comtesse de Neuillant, dont le mari était gouverneur de Niort. Le nouvel historien de Maintenon, 1848, in-8o, t. I, p. 73, copiant la Beaumelle (Mémoires pour servir à l'histoire de mad. de Maintenon; Amsterdam, 1755, in-12, t. I, p. 103), dit au contraire que la marraine fut Suzanne de Baudran, fille du baron de Neuillant. La Beaumelle cite les Mémoires mss. de mademoiselle d'Aumale; mais M. Monmerqué a vu aussi ces Mémoires. La Beaumelle remarque, en note, que Françoise d'Aubigné ne fut baptisée que le lendemain 28 novembre; circonstance omise par les deux historiens mentionnés ci-dessus.
Page 217, lignes 4 et 5: Sa mère, femme instruite, de courage et de vertu.
Les historiens de madame de Maintenon auraient bien dû éclaircir le vague qui règne dans l'histoire de madame d'Aubigné et dans celle des premières années de son illustre fille. Ils se sont contentés de se copier les uns après les autres. La Beaumelle cependant est plus précis et plus détaillé. Dans le tome VI de ses Mémoires, il a publié des extraits de pièces qui jettent quelque jour sur cette partie de l'histoire de Maintenon, et entre autres une lettre de madame d'Aubigné à madame de Villette, écrite de la Martinique, datée du 2 juin 1646 dans la copie, date que la Beaumelle croit fausse. (Voyez Mém. pour servir à l'histoire de Maintenon, t. VI, p. 34 à 38.) On eût trouvé surtout beaucoup de lumières sur l'histoire de la famille d'Aubigné dans les pièces du procès que la mère de madame de Maintenon eut à soutenir contre MM. de Nesmond-Sensac et de Caumont. (La Beaumelle, Mém., t. I, p. 107.) Ces pièces sont probablement dans les nombreux portefeuilles de Noailles, ou dans les archives de Maintenon. Il faudrait surtout discuter le récit contenu dans les fragments de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon, par le père Laguille, jésuite; récit erroné en quelques endroits, mais curieux, en ce que son auteur cite des témoins contemporains des faits. (Conférez Fragments de Mémoires sur la vie de la marquise de Maintenon, par le père Laguille, jésuite, dans les Archives littéraires, 12 vol., trim. d'octobre 1806, in-8o.) Ce morceau, défiguré par des fautes typographiques, et qui fut publié par Chardon de la Rochelle, n'a été, je crois, connu d'aucun des auteurs qui ont écrit sur madame de Maintenon, car ils n'en font pas mention. Laguille est né en 1658, et a été contemporain de madame de Maintenon. Il dit que, dans le Béarn et le Poitou, Théodore-Agrippa d'Aubigné passait pour fils bâtard de la reine Jeanne d'Albret et d'un de ses secrétaires; assertion que la Beaumelle a bien réfuté dans ses Mémoires de Maintenon, t. I, p. 10 et 14. (Conférez à ce sujet le Mercure galant de 1688 et de janvier 1705.)—Selon le récit d'un nommé Delarue, de Niort, madame d'Aubigné, mère de madame de Maintenon, alla d'abord à la Martinique et de là à la Guadeloupe, où elle resta deux ans dans l'habitation de Delarue. Elle se rendit ensuite à l'île Saint-Christophe, où elle mourut, attendant un bâtiment pour la transporter en France. Ses deux enfants, d'Aubigné et sa sœur Francine (madame de Maintenon), furent, par les soins d'une demoiselle, transportés à la Rochelle. Selon le père Duver, jésuite, doyen, mort à Nantes en 1703, le collége des jésuites de la Rochelle fournissait du pain et de la viande à d'Aubigné et à sa sœur. Ils furent conduits ensuite chez M. de Montabert, à Angoulême. Ce fut là qu'un jeune gentilhomme nommé d'Alens, voulut épouser la jeune Francine, et lui prédit, dit-on, sa grande fortune. (P. 369-370.) Le reste du récit de Laguille s'accorde assez bien avec ce que l'on sait de l'histoire de madame de Maintenon; mais il y a des fautes de copiste qu'il eût été facile à Chardon de la Rochette de corriger: ainsi le nom de Neuillans est tantôt converti en Noïailles et tantôt en Neuillians. Laguille dit, p. 376, que d'Aubigné fut d'abord placé comme page chez le marquis de Pardaillan, gouverneur du Poitou.
Page 217, ligne 20: Les détails les plus minutieux de l'économie domestique.
La Dauphine avait une forêt de cheveux, que madame de Maintenon démêlait sans douleur: elle régnait à la toilette. Louis XIV s'y rendait souvent. Cette dame disait depuis: «Vous ne sauriez croire combien le talent de bien peigner une tête a contribué à mon élévation.» (La Beaumelle, tome II, p. 175.)
Page 218, ligne 10: De ne pouvoir parvenir «à l'écrasement de l'amour-propre.»
Madame de Maintenon a dit:
«On n'échappe à l'amour-propre que par l'amour de Dieu.» (Convers., t. I, p. 30.)
«Le bon esprit ne peut se distinguer de la sagesse et de la raison.» (Convers., t. I, p. 32.)
«La sagesse implique la dévotion; car que serait une abnégation de soi-même qui resterait sans récompense?» (Convers., t. I, p. 36.)
Page 218, ligne 23: Celui de paraître par le cœur au-dessus de la place qu'elle occupait.
«L'élévation des sentiments consiste à se rendre digne de tout, sans vouloir rien de disproportionné à ce que nous sommes.» (Maintenon, Convers., 3e édit., p. 219, chap. XXVII.)
Page 222, lignes 1 et 2: Les Conversations, les Proverbes.
Le dialogue le plus ingénieux et le plus piquant de tous ceux que madame de Maintenon a composés pour ses élèves de Saint-Cyr, qu'elle leur faisait apprendre par cœur, et qui nous donne l'idée la plus nette de son caractère à la fois modéré et énergique, est celui sur les quatre vertus cardinales, parce qu'elle a su donner à une vérité incontestable l'apparence d'un paradoxe. (T. I, p. 63-73.)
Elle fait parler la Justice, la Prudence, la Force et la Tempérance, pour prouver que cette dernière vertu est la première de toutes, la plus essentielle; et par la tempérance elle n'entend pas seulement la sobriété, mais la modération en toutes choses.
La Force fait à la Tempérance cette objection: «Ne peut-on point être trop modéré?—Non, répond la Tempérance; cela ne serait plus la modération, car elle ne souffre ni le trop ni le trop peu.»
La Tempérance dit: «Je détruis la gourmandise et le luxe; je m'oppose à tout mal, et je règle le bien. Sans moi, la justice serait insupportable à la faiblesse des hommes; la force les mettrait au désespoir, la prudence perdrait son temps à tout peser.»
Page 223, ligne 18: Un gentilhomme de sa province. Et note 485: Conférez Méré.
On n'a imprimé, que je sache, aucun vers de Méré: il en faisait cependant, et voici une jolie épigramme de lui que je tire du recueil de Duval de Tours (Nouveau choix de pièces choisies; la Haye, 1715, p. 185):
Au temps heureux où régnait l'innocence,
On goûtait en aimant mille et mille douceurs,
Et les amants ne faisaient de dépense
Qu'en soins et qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui, sans opulence,
Il faut renoncer aux plaisirs.
Un amant qui ne peut dépenser qu'en soupirs
N'est plus payé qu'en espérance.
Page 224, ligne 16: Écrivant selon l'occasion et le besoin, facilement, agréablement.
C'est ce dont il se vante et avec juste raison (t. I, p. 130), dans cette ode de héros burlesque, en style qui n'est nullement burlesque:
On peut écrire en vers, en prose,
Avec art, avec jugement;
Mais écrire avec agrément,
Mes chers maîtres, c'est autre chose.
Les vers ont aussi leur destin:
Un poëme de genre sublime
Que son auteur lime et relime,
Ne vit quelquefois qu'un matin.
Cependant des auteurs comiques,
Des meilleurs, dont il est fort peu,
Ne sont pas bons à mettre au feu,
Au jugement des héroïques.
J'en sais de ceux au grand collier,
Des plus adroits à l'écritoire,
Qui pensent aller à la gloire,
Et ne vont que chez l'épicier.
Ce n'est pas dans une ruelle,
Devant de célestes beautés
Ou des partisans apostés,
Qu'on met un livre à la coupelle:
Page 225, ligne 21: Elle avait bien raison de se comparer à la cane qui regrette sa bourbe [901].
Le 25 janvier 1702, elle écrit, de Saint-Cyr, au duc d'Ayen, depuis duc de Noailles: «Il y aura demain quinze jours que je suis enrhumée, et en spectacle aux courtisans, aux médecins, aux princes, caressée, ménagée, blâmée, chicanée, tourmentée, considérée, accablée, dorlotée, contrariée, tiraillée.» Maintenon, Lettres, t. V, p. 27, édit. d'Amst., 1756, in-8o.
Dans une lettre datée de Marly le 27 avril 1705, elle dit au comte d'Ayen:
«Si j'habite encore longtemps la chambre du roi, je deviendrai paralytique. Il n'y a ni porte ni fenêtre qui ferme; on y est battu d'un vent qui me fait souvenir des ouragans d'Amérique.» (Lettres, t. V, p. 47, édit. 1756.)—Louis XIV avait un tempérament de fer, et n'aimait pas les appartements trop renfermés et trop chauds.
Le 19 avril 1717, deux ans avant sa mort, elle écrit à madame de Caylus:
«On rachète bien les plaisirs et l'enivrement de la jeunesse. Je trouve, en repassant ma vie, que depuis l'âge de trente-deux ans (cette date nous reporte à 1675-1676, qui est celle du chapitre XI et de ceux qui le précèdent et le suivent), qui fut le commencement de ma fortune, je n'ai pas été un moment sans peines, et qu'elles ont toujours augmenté.»
Page 226, lignes 2 à 4: Elle jouissait alors de l'amitié de tous, sans rien perdre de l'estime, de la considération et du respect qui lui étaient dus.
Elle a dit de l'heureux temps de sa jeunesse:
«Je ne voulais point être aimée en particulier de qui que ce fût: je voulais l'être de tout le monde, faire prononcer mon nom avec admiration, avec respect. Je me contrariais dans tous mes goûts. Il n'est rien que je n'eusse été capable de souffrir pour conquérir le nom de femme forte. Je ne me souciais point de richesses; j'étais élevée de cent piques au-dessus de l'intérêt: je voulais de l'honneur.—Oh! dites-moi, ma fille, y a-t-il rien de plus opposé à la vraie vertu que cet orgueil dans lequel j'ai usé ma jeunesse?» (Entretiens de madame de Maintenon, dans la Beaumelle, Mémoires, t. VI, p. 176 et 177, édit. d'Amsterdam, 1756, in-12.)
Page 229, lignes 2 et 3: Il désira vivement mettre, dans la galerie de celles dont il avait triomphé, etc.
Madame de Caylus, dont la conduite a été loin d'être régulière, quoiqu'elle ait été l'élève chérie de madame de Maintenon, se montre persuadée en ses Mémoires que, dans la liaison de sa tante avec Villarceaux, il ne s'est rien passé de contraire à la vertu. Mais, en rapportant le mot malin de la marquise de Sussay à ce sujet, elle semble vouloir établir un doute.
Il y a dans Gueroult, poëte du seizième siècle, une pièce de vers charmante. Ce sont des stances qui expriment les sentiments d'un peintre devenu amoureux fou d'une grande dame en faisant son portrait. Il n'osa pas lui déclarer son amour; mais il fit en secret une copie de ce portrait, et à cette charmante tête il ajouta un corps nu, aussi parfait que celui de la Vénus de Médicis.—La grande dame surprit le peintre au moment où il terminait son travail: courroucée, elle demande à l'artiste pourquoi il a fait un portrait si mensonger, et comment il a eu l'audace de peindre ce qu'il n'a jamais vu? «Cela est juste, lui dit le peintre; mais, en voyant un visage si beau et si parfait, je n'ai jamais douté que tout le reste du corps ne fût semblable; et, sans espérance de pouvoir contempler tant d'appas, j'ai voulu, par mon art, en posséder l'image.» D'après l'assertion de la Beaumelle, Villarceaux, irrité des refus de madame de Maintenon, l'aurait fait peindre comme sortant du bain, devant un génie noir et laid qui tient un miroir où se réfléchissent les plus secrets appas de la beauté. (La Beaumelle, Mémoires sur madame de Maintenon, t. I, p. 198, Amsterdam, 1756, liv. II, ch. XVI.) Quoique la Beaumelle ne cite aucune autorité, le fait est possible. Mais cette basse vengeance, que Girodet a imitée de nos jours à l'égard de madame Simons (autrefois mademoiselle Lange, jolie actrice, si j'ai bonne mémoire), prouve plutôt l'échec de Villarceaux que son triomphe. Ceux qui avouent que Françoise d'Aubigné, après avoir résisté à ses nombreux adorateurs, n'a été faible qu'avec Villarceaux, oublient la juste réflexion de la Rochefoucauld: «Qu'il est plus difficile de trouver une femme qui n'a eu qu'un seul amant, qu'une femme qui n'en eut jamais.»
Page 230, avant-dernière ligne: Le nom de l'auteur de la Mazarinade.
Cette satire montre bien à quels excès on peut se laisser aller dans les temps de divisions politiques. Scarron, qui n'était pas méchant, accuse Mazarin d'avoir empoisonné le président Barillon, d'avoir volé les diamants de la reine d'Angleterre, après l'avoir laissée mourir de faim. Il lui souhaite le destin du maréchal d'Ancre; il veut que l'on vende ses meubles à l'encan (ce qui fut fait), et il l'apostrophe ainsi:
Va, va-t'en dans Rome étaler
Les biens qu'on t'a laissé voler;
Va, va-t'en, gredin de Calabre,
Puis viennent d'ignobles gravelures qu'on ne saurait lire sans dégoût, et dont les parlementaires se réjouissaient. Enfin il conclut en disant:
On te reverra dans Paris;
Et là, comme au trébuchet pris,
Et de la rapine publique,
Et de ta fausse politique,
Et de ton sot gouvernement,
Au redoutable parlement,
Dont tu faisais si peu de compte,
Ultramontain, tu rendras compte;
Puis, après ton compte rendu,
Cher Jules, tu seras pendu
Au bout d'une vieille potence,
Sans remords et sans repentance,
Sans le moindre mot d'examen,
Comme un incorrigible. Amen.
Page 236, note 521: Œuvres diverses d'un auteur de sept ans, ou recueil des ouvrages de M. le duc du Maine, qu'il a faits pendant l'année 1677 et dans le commencement de l'année 1678 [902].
A la page 207 des Nouvelles de la république des lettres (février 1685, Amsterdam, 1686, 2e édition), il est dit que c'est Benserade qui a fait présent de ce rare volume au journaliste, qui était, je crois, le Clerc, et non Bayle. On ajoute: «Selon toutes les apparences, c'est madame de Maintenon qui a fait l'épître dédicatoire.» Puis en note il est dit: «On a su depuis qu'elle a été composée par M. Racine; mais c'était pour madame de Maintenon.» Racine, qui depuis a su prêter à l'enfance, dans Athalie, un langage divin, ne composait pas les lettres de madame de Maintenon; et s'il avait eu à faire parler le jeune duc du Maine dans une épître dédicatoire, il l'aurait fait autrement que madame de Maintenon. Mais il est tout naturel qu'un savant hollandais ne sût pas cela, et ne soupçonnât pas en Françoise d'Aubigné le talent d'écrivain. Le grand roi le connaissait bien, lui, qui, après avoir lu les instructions données à la duchesse de Bourgogne par madame de Maintenon, et trouvées dans la cassette de cette princesse après sa mort, voulut qu'il en fût fait des copies. Madame de Maintenon s'y opposait; mais Louis XIV insista et dit: «C'est pour mes enfants; il faut bien que ma famille ait quelque chose de vous.»
Qu'il me soit permis de faire remarquer que ces instructions religieuses, sous le rapport des pensées, de la religion et du style même, qui est vif et concis, sont bien supérieures à celles qui ont été données par l'archevêque de Cambrai à madame de Maintenon elle-même, et à sa demande. Il y a dans ces dernières une forte dose de mysticisme, qui aurait pu avoir une influence fâcheuse sur un esprit faible [903]. Fénelon s'y abandonne trop à sa rancune amère contre Louis XIV, qui, avec juste raison, n'avait pu goûter ses chimériques systèmes de gouvernement. Il dit durement à cette femme que le roi (son mari alors) ne pratique pas ses devoirs, et qu'il n'en a aucune idée (t. III, p. 224). Enfin, tout en blâmant la règle qu'elle s'était faite de ne s'occuper en rien des affaires d'État et de la politique, il lui reproche son indifférence à cet égard, et, au nom de la religion, il l'exhorte à s'en mêler, et cherche à la jeter par la flatterie dans les intrigues de cour, en lui disant: «Il me paraît que votre esprit naturel et acquis a bien plus d'étendue que vous ne lui en donnez.» (T. III, p. 219.)
C'est le contraire qui était vrai. Madame de Maintenon avait un excellent jugement, un esprit fin, délié, ferme et éclairé, dans le cercle où elle s'était renfermée; mais ce cercle était resserré: elle n'aimait pas à en sortir. Elle n'exprimait son avis sur les affaires d'État que par un signe d'approbation ou de désapprobation, et encore parce que Louis XIV l'y forçait. Une fois seulement, elle dressa un mémoire sur la grande affaire de la révocation de l'édit de Nantes. Elle y fut amenée par tout le clergé et par les ministres eux-mêmes, qui, dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait, avaient le droit d'exiger le secours de ses lumières.—Le style de madame de Maintenon est plus pur et plus régulier que celui de madame de Sévigné. Ses lettres même sont mieux composées; elles ont toujours un motif, un but qu'elles atteignent parfaitement. Il n'y a aucun désordre, aucune inconséquence dans les idées, aucune contradiction dans les jugements; mais on n'y retrouve pas l'imagination et le coloris de madame de Sévigné. Les lettres de madame de Maintenon, c'est de l'histoire générale ou particulière; celles de madame de Sévigné sont des feuilletons pour amuser madame de Grignan.
Page 238, lignes 27 et 28: Elle détermina le vieux duc de Villars-Brancas à demander sa main.
Cette seconde proposition d'un mariage pour madame Scarron paraît résulter des récits comparés de madame du Pérou, que nomme positivement la Beaumelle, qui semble avoir eu des mémoires plus circonstanciés sur ce fait que les dames de Saint-Cyr; car il dit, t. II, p. 110:
«Elle (madame de Montespan) avait jeté les yeux sur le duc de V... B..., qu'une jeunesse passée dans les plaisirs, une vieillesse malsaine, et deux femmes assez méchantes, n'avaient pas dégoûté du mariage.» Et en note il ajoute que ce duc de V.. B.. était fils de George B..., et frère de la princesse d'..., morte en 1679. Ce que dit Saint-Simon sur le titre de duc donné au Brancas, fils de Villars (Mémoires complets et authentiques, t. XIV, p. 201), semble confirmer que la Beaumelle a voulu désigner ici le duc de Villars-Brancas, père de Brancas le distrait.—Le duc de Brancas, né en 1663, mort en 1739, marié à sa cousine germaine, fille de Brancas le distrait, et qui a fait le premier un si juste éloge des lettres de madame de Sévigné (voyez t. XII, p. 450 de l'édition de Gault de S.-G.), était peut-être le fils de celui qui se proposa pour épouser la veuve Scarron. (Conférez Lettres de Sévigné, tome VI, p. 240 et 379 de l'édit. Monmerqué, 1820, in-8o, et Tallemant des Réaux, Historiettes, t. II, p. 139 de l'édit. in-8o.)
Page 241, ligne 16: Plus énergique.
Elle écrit au cardinal de Noailles pour lui apprendre qu'elle avait sacrifié les intérêts de sa propre nièce, la maréchale de Noailles:
«Eh bien, voilà les dames nommées, voilà la maréchale désespérée! Mon état et ma destinée est d'affliger et de desservir tout ce que j'aime. J'en souffre beaucoup, mais je ne varierai point dans la loi que je me suis faite, de sacrifier mes amis à la vérité et au bien.»
Page 242, ligne 2: Auquel elle rendait compte dans des lettres qui quelquefois avaient huit ou dix pages.
Ces lettres, si on les possédait, pourraient seules servir de pièces de comparaison avec celles de madame de Sévigné. Tout ce qui nous reste de cette dame est uniquement relatif ou aux personnes à qui elle écrit, ou à elle-même, et, par cette raison, offre peu de variété dans le fond comme dans la forme. Mais madame de Maintenon savait que Louis XIV aimait à trouver, dans la lecture des lettres bien écrites, une distraction agréable. Elle dut donc, pendant son voyage à Baréges, chercher, comme madame de Sévigné, à plaire autant qu'à informer; mais ces lettres, moins riches de ces expressions heureuses qui jaillissent d'une vive imagination, devaient être mieux rédigées et surtout plus correctes. Madame de Maintenon est, pour le style épistolaire, un modèle plus achevé que madame de Sévigné. Presque toujours celle-ci n'écrit que par le besoin qu'elle éprouve de s'entretenir avec sa fille, avec les personnes qu'elle aime; enfin, de tout dire, de tout raconter. Madame de Maintenon, au contraire, a toujours, en écrivant, un objet distinct et déterminé. La clarté, la mesure, l'élégance, la justesse des pensées, la finesse des réflexions, lui font agréablement atteindre le but où elle vise. Sa marche est droite et soutenue; elle suit sa route sans battre les buissons, sans s'écarter ni à droite ni à gauche. En un mot, madame de Maintenon était en garde contre le danger de commettre ces indiscrétions qui donnent tant d'esprit aux lettres de madame de Sévigné, et elle tâchait d'en prémunir ses élèves de Saint-Cyr en les détournant de l'envie d'écrire sans nécessité.
Page 243, ligne dernière, et 244, lig. 1: «Et qui souvent sont chassées par un clin d'œil qu'on fait à la femme de chambre.» Et note 532, lig. 3: Dans toutes les autres éditions, sans exception, le texte de cet important passage est faux ou défiguré. Les notes de ces éditions doivent disparaître.
Cela provient du premier éditeur de 1726; tous les autres ont copié. Mais ce qui est plus fâcheux, c'est qu'on ait reproduit, dans les éditions les plus récentes et les meilleures, l'absurde commentaire que Grouvelle a fait sur le texte: d'où il résulterait que Louis XIV, connu par son respect pour les convenances, la dignité de ses manières, son attachement pour la reine, l'aurait traitée avec indignité et mépris dans l'habitude de la vie. Je ferai remarquer que dans ce passage il n'y a pas Quanto comme dans toutes les autres éditions, mais que le nom de Montespan est en toutes lettres; ce qui démontre qu'il n'y a ni sous-entendu ni déguisement dans la mention de la femme de chambre. Madame la duchesse de Richelieu, qu'on fait obéir par un clin d'œil à madame de Montespan, était alors dame d'honneur de la reine; et la marquise de Montespan n'était encore inscrite que la quatrième sur le tableau. (Voyez l'État de la France, 1678, in-12, p. 326.)
Page 245, lignes 12 à 14: La naissance de mademoiselle de Tours, morte jeune, venue à terme au mois de janvier 1676.
Et c'est alors même que Louis XIV manifestait publiquement ses sentiments religieux et sa soumission à l'Église, qu'il communiait en public, qu'il permettait qu'on mît plus souvent dans la gazette officielle son exactitude à remplir ses devoirs de piété. On lit dans le volume du Recueil des gazettes, imprimé en 1677, p. 280, cet article:
«Avril 1676.
«Saint-Germain en Laye
«Le 4 de ce mois, veille de la Résurrection, le roi, qui avait assisté à tous les offices de la semaine sainte, communia dans l'église paroissiale par les mains du cardinal de Bouillon, grand aumônier de France, monseigneur le Dauphin tenant la serviette.»
Page 245, lignes 28 et 29: On savait que la nature de sentiments exempts de toute faiblesse que lui inspirait madame de Maintenon, etc.
Ce ne fut qu'après la mort de la reine, après celle de Fontanges, après la disgrâce de Montespan, que l'opinion des gens de cour et du public changea, et que l'intimité toujours croissante de Louis XIV et de madame de Maintenon fit travailler les imaginations, et convertir en passion amoureuse un attachement constant et pieux, fondé, de la part de Louis XIV, sur le respect pour la piété, les vertus et les qualités de celle qu'il s'était choisie pour compagne; et, de la part de madame de Maintenon, sur l'admiration que lui avaient inspirée les qualités du grand roi.
CHAPITRE XII.
Page 247, ligne 6: Près du village de Sasbach, dans l'État de Bade.
Il faut écrire Sasbach, et non Salzbach et Saspach, comme a fait Ramsay (Histoire du vicomte de Turenne, maréchal général des armées du roi; Paris, 1735, in-4o, p. 581). Ce lieu se trouve près d'Achern, sur la route d'Offenburg à Bade, au sud de Steinbach. La carte de l'atlas de Ramsay, insérée dans l'édition de 1735, in-4o, à la page 581, intitulée Plan des différents camps du vicomte de Turenne et du comte Montecuculli dans l'Ortnaw, dessinée et gravée par Cocquart, est fautive, et trop mauvaise pour qu'on y puisse suivre les opérations militaires de Turenne dans cette campagne; il faut consulter la carte intitulée Strasbourg, dans l'atlas des Mémoires militaires des guerres de Louis XIV, 1836, grand in-folio, exécuté sous la direction du général Pelet.
Page 252, ligne 19: «Et qu'elle y avait mille affaires.»
Une de ces affaires était celle de la terre de Meneuf, vendue à Jean du Bois-Geslin, reçu président de Bretagne le 13 juin 1653, et fait depuis conseiller d'État. Madame de Sévigné lui vendit cette terre en 1674; et comme elle avait garanti les droits seigneuriaux, elle eut des difficultés qui furent levées, car elle toucha son argent en décembre 1675. (Sévigné, Lettres, 17 novembre, 15 et 29 décembre 1675; t. IV, p. 209, 250 et 279, édit. G.)
Page 254, ligne 13: Elle avait alors quarante-neuf ans.
Ce fut son âge critique. Par son tempérament fort et sanguin, madame de Sévigné avait assez fréquemment recours à la saignée. Cette doctrine médicale était fortement controversée au temps de Louis XIV, comme elle l'a été de nos jours du vivant du docteur Broussais. Gui Patin, conséquent avec ses principes, se fit saigner sept fois dans un rhume (voir sa lettre du 10 mars 1648, t. I, p. 375; 1846, in-8o), et fit pratiquer vingt saignées sur son fils.—A l'âge de trois ans, le fils de madame de Grignan tomba malade: on le saigna. Madame de Sévigné ne put s'empêcher de témoigner à sa fille des craintes au sujet de cette saignée: «Je reçois votre lettre, qui m'apprend la maladie du pauvre petit marquis. J'en suis extrêmement en peine; et pour cette saignée, je ne comprends pas qu'elle puisse faire du bien à un enfant de trois ans, avec l'agitation qu'elle lui donne: de mon temps, on ne savait ce que c'était que de saigner un enfant.» (Sévigné, Lettres, 26 juin 1675, t. III, p. 436, édit. G.)—Gui Patin pensait tout différemment; car en 1648, au sujet d'un médecin allemand nommé Sennertus, dont il avait lu l'ouvrage, il écrit: «Il n'entend rien à la saignée des enfants; ce misérable me fait pitié! Si l'on faisait ainsi à Paris, tous nos malades mourraient bien vite. Nous guérissons nos malades après quatre-vingts ans par la saignée, et saignons aussi heureusement les enfants de deux et trois mois, sans aucun inconvénient... Il ne se passe pas de jour à Paris que nous ne fassions saigner plusieurs enfants à la mamelle et plusieurs septuagénaires, qui singuli feliciter inde convalescunt.» (Gui Patin, Lettres, 13 août 1648), t. II, p. 419, édit. 1846, in-8o.
Page 254, lignes 20 à 22: Bourdelot, ce célèbre médecin des Condé et de la reine Christine.
Le haineux et satirique Gui Patin (Lettres, édit. 1846, in-8o, t. I, p. 513) a tracé de ce médecin un portrait qui nous en donne une idée bien différente de celle que présente l'article Pierre Michon du savant M. Weiss, dans la Biographie universelle (t. XXVIII, p. 596). Bourdelot fut d'abord le précepteur du grand Condé avant d'être son médecin (Gui Patin, t. II, p. 5). Il revint de Suède en 1653. Il n'allait faire ses visites qu'avec de grands habits à longue queue, en chaise à porteurs ou en carrosse, et suivi de trois laquais. Il devint riche par l'obtention de l'abbaye de Macé en Berri, et par les bienfaits de la reine de Suède. On a oublié dans la Biographie de mentionner le plus curieux de ses écrits: c'est la Relation des assemblées faites à Versailles dans le grand appartement du Roi durant le carnaval de 1683, in-12. Bourdelot réunissait chez lui, chaque jour de la semaine, un certain nombre de ses confrères, médecins et hommes de lettres; cette réunion avait pris le titre d'Académie de Bourdelot; et lorsque madame de Sévigné se confia à ses soins, un auteur nommé le Gallois venait de publier un ouvrage intitulé Conversations académiques tirées de l'Académie de Bourdelot; Paris, 1674, 2 vol. in-12. Ce livre est dédié à Huet; il contient des dialogues uniquement relatifs à la médecine, et, à propos de médecine, des excursions sur la métaphysique et la philosophie de Descartes, qui alors faisait irruption dans tout.
Page 258, lignes 6 à 9: Le ridicule que madame de Grignan versait sur madame de la Charce et sur Philis, sa fille aînée, la faisait rire aux larmes.
Philis de la Tour du Pin de la Charce était l'amie de mademoiselle d'Alerac (Françoise-Julie Grignan), cette belle-fille de madame de Grignan, qu'elle aimait si peu. (Voyez, sur cette courageuse demoiselle, le livre intitulé Histoire de mademoiselle de la Charce, de la maison de la Tour du Pin en Dauphiné, ou Mémoire de ce qui s'est passé sous le règne de Louis XIV; Paris, chez Pierre Gaudouin, 1731, p. 11, 36: c'est une espèce de roman, dont l'auteur est inconnu. Conférez madame de Genlis dans Mademoiselle de la Fayette, ou le siècle de Louis XIII; 2e édit., 1813, t. I, p. 42, note 4.) On lit dans la Gazette de France, du 23 juin 1703, que Philis de la Tour du Pin de la Charce, nouvelle convertie, mourut à Nions en Dauphiné, âgée de cinquante-huit ans. Ainsi cette demoiselle avait trente ans lorsqu'elle était le sujet des sarcasmes de madame de Grignan.—En relisant la note où j'ai parlé de mademoiselle de la Charce (4e partie de ces Mémoires, p. 354), je m'aperçois que j'ai attribué à madame Deshoulières des vers qui sont de sa fille, et que l'on a placés à la suite de ceux de la mère dans l'édition que je cite (1695, in-8o). L'épître et les madrigaux de M. Cazes sont adressés à mademoiselle Deshoulières, p. 257 et 278. Les poésies de cette demoiselle, non mentionnées sur le titre, commencent à la page 218. Cette édition des poésies de madame Deshoulières a été donnée par sa fille, ainsi qu'elle le dit dans l'avertissement du second volume; et la lettre de M. Cazes, datée de Bois-le-Vicomte le 4 octobre 1689, qui se trouve dans l'édition des œuvres de madame et de mademoiselle Deshoulières (1764, in-12, t. II, p. 204), est adressée à cette dernière. Les détails sur la mort de M. Cazes (datés de 1692), page 238 de cette même édition, sont de mademoiselle Deshoulières.
Page 259, ligne 17: «J'ai couché cette nuit à Veretz.»
Toutes les cartes et tous les livres géographiques de la France écrivent Veretz ou Verets; mais dans les éditions de madame de Sévigné on lit Veret, et c'est ainsi qu'elle a écrit; car dans le vol. XXXII (département d'Indre-et-Loire, premier arrondissement de Tours), je trouve une aquarelle du château où coucha madame de Sévigné, faite il y a cent cinquante ans, et qui porte pour intitulé Veue du chasteau de Veret en Touraine, sur la rivière du Cher (1689).
Page 261, ligne 15: «Nous allons à la Seilleraye, etc.»—Sur les portraits de madame de Sévigné et de madame de Grignan.
Le château de la Seilleraye est situé dans le canton de Carquefou, à environ sept kilomètres à l'est de ce bourg. Il est à deux kilomètres de Mauves et du bord septentrional de la Loire, sur le versant d'un coteau au bas duquel coule un ruisseau qui se jette dans la Loire au-dessous de Mauves. Sur la carte de Cassini (no 131), ce ruisseau n'est pas nommé; mais dans le pays on l'appelle la Seille, c'est pourquoi il faut écrire la Seilleraye, comme dans le grand Dictionnaire de la poste aux lettres, 1836, in-folio, p. 660, et dans la dernière carte de la poste aux chevaux, dressée par les ordres de M. Conte, et non pas la Sailleraye, ainsi qu'il est marqué sur la carte de Cassini.
Voici ce que madame de Sévigné mande à sa fille au sujet de ce château, qu'elle n'avait pas vu depuis sa jeunesse, et qui lui parut peu reconnaissable: «M. d'Harouïs manda de Paris, il y a quatre ans, à un architecte de Nantes, qu'il le priait de lui bâtir une maison, dont il lui envoya le dessin, qui est très-beau et très-grand. C'est un grand corps de logis de trente toises de face, deux ailes, deux pavillons; mais comme il n'y a pas été trois fois pendant tout cet ouvrage, tout cela est mal exécuté. Notre abbé est au désespoir, M. d'Harouïs ne fait qu'en rire.» (Sévigné, Lettres, 24 septembre 1675, t. IV, p. 112, édit. G.)
Ce beau domaine a eu le rare privilége d'être transmis à une famille alliée à celle de d'Harouïs (la famille de Bec-de-Lièvre), par suite du mariage de Jean-Baptiste de Bec-de-Lièvre avec Louise d'Harouïs en 1649. Cette famille le possède encore.—L'auteur d'une Vie de madame de Sévigné très-agréablement écrite, M. le vicomte Walsh, nous a donné des détails sur les embellissements faits à ce domaine par le propriétaire actuel: «La Seilleraye couronne bien le coteau; M. de Bec-de-Lièvre a désengoncé le château des murailles qui fermaient la cour et les jardins, dessinés par Le Nôtre; une belle grille, à fers de lances dorés, ferme aujourd'hui la cour; le parc anglais se lie à merveille avec les anciens jardins.» (Vie de Sévigné; par M. le vicomte Walsh, 1842, in-12, p. 355.) M. Monmerqué a fait graver une Vue du château de la Silleraye (sic) pour accompagner l'édition des Lettres inédites de madame de Sévigné; Paris, Blaise, 1827, in-8o. Dans l'avertissement de ces Lettres (pag. XIII), le savant éditeur dit que M. le marquis de Bec-de-Lièvre conserve dans ce château un beau portrait de madame de Sévigné, peint en Diane. M. le vicomte Walsh décrit ainsi ce tableau:
«Dans ce magnifique portrait de Mignard, donné, dit-on, par madame de Sévigné à d'Harouïs, Marie de Rabutin-Chantal, qui venait de se marier, est vêtue en Diane chasseresse, selon le goût du temps. Elle a dansé dans un quadrille devant Louis XIV avec ce costume.» Nous ne pouvons croire que ce portrait soit celui de madame de Sévigné (Marie de Rabutin-Chantal). Il est bien vrai que les femmes qui avaient eu l'honneur de figurer dans les ballets de Louis XIV aimaient à se faire peindre dans les beaux costumes mythologiques dont elles étaient revêtues pour le rôle qu'elles remplissaient; mais madame de Sévigné n'a paru dans les ballets de Louis XIV à aucune époque, et encore moins lorsqu'elle venait de se marier. Marie de Rabutin-Chantal épousa, le 4 août 1641 [904], le marquis de Sévigné; Louis XIV n'avait alors que six ans, et ne donnait pas de ballets. Madame de Sévigné a été peinte par Nanteuil, et aussi, je crois, par Lefebvre; mais il n'est pas aussi certain qu'elle l'ait été par Mignard. Elle parle tant et si souvent du portrait de madame de Grignan par Mignard, que si elle avait été peinte aussi par ce maître, nous le saurions. Le portrait de la collection de tableaux qu'on voit à la Seilleraye n'est donc pas plus, s'il est de son temps, le portrait de Marie de Rabutin-Chantal que celui qu'on a placé avec une semblable désignation dans la galerie de Versailles. (Voyez partie I, p. 512 de ces Mémoires.) Mais si ce n'est pas le portrait de Marie de Rabutin-Chantal, c'est peut-être celui de mademoiselle de Sévigné. Celle-là, par exemple, figura dans les ballets costumés du roi (voyez 2e partie de ces Mémoires, p. 332-341), et a bien véritablement été peinte par Mignard.
Je crois devoir ajouter ici quelques détails à la longue note que j'ai écrite sur différents portraits qu'on a gravés de madame de Sévigné (2e partie de ces Mémoires, p. 512).
Ce qui met hors de doute l'authenticité du portrait peint par Nanteuil ad vivum, et gravé par Édelinck (Nicolas Édelinck, fils de Gérard), ce sont les lettres où madame de Sévigné parle de son nez carré et de ses paupières bigarrées [905].
Indépendamment de la gravure du portrait de madame de Sévigné, finement exécutée par Jacques Chereau pour l'édition des Lettres de 1734, le chevalier Perrin en fit faire une autre pour son édition de 1754. Ce portrait a été peint par Febure ou Lefebvre, le même qui fit celui de Bussy, reproduit en tête de ses Mémoires, édition in-4o, et gravé par Édelinck. Ce portrait de Lefebvre ressemble plus à celui de Nanteuil qu'à celui de l'édition de 1734: la coiffure est presque semblable, mais la tête est penchée; il est vu de trois quarts; les yeux sont plus grands, la face moins pleine, et il a plus de physionomie. Lefebvre a fait beaucoup de portraits de personnages illustres; un grand nombre ont été reproduits par Poilly, Van Schuppen, Balechou, et d'autres. Né en 1736, il mourut à Londres en 1775. Il était l'élève de Charles le Brun; il ne flattait point les traits, et n'aimait pas à peindre les femmes avec du fard. C'est peut-être pour cela que madame de Sévigné estimait peu ses ouvrages. Dans la belle collection d'Odieuvre il y a un portrait de madame de Grignan par Ferdinand, celui qui a peint Ninon: il est gravé par Pinssio. Ce portrait, quoique différent de ceux qu'on a faits depuis, est bien celui de la même femme, et a dû être ressemblant. Il paraît que M. de Grignan avait donné son portrait, peint par un artiste provençal, à M. de Coulanges, et qu'il existait du comte un autre portrait peint par Lefebvre; car madame de Sévigné écrit à sa fille (le 19 février 1672, t. II, p. 392, édit. G.): «Mais que vous dirai-je de l'aimable portrait que M. de Grignan a donné à M. de Coulanges? Il est beau et très-ressemblant: celui de Lefebvre est un misérable auprès de celui-ci. Je fais vœu de ne jamais revenir de Provence que je n'en aie un pareil, et un autre de vous: il n'y a point de dépense qui me soit si agréable.»
Madame de Sévigné, avec toute raison, préféra Mignard au peintre provençal, et elle profita du séjour de madame de Grignan à Paris pour faire exécuter pour elle, dans les premiers mois de l'année 1675, le portrait de sa fille. Il obtint bientôt une certaine célébrité. (Sévigné, Lettres, 4 et 9 septembre, t. III, p. 452 et 460.) Dans sa lettre du 19 août 1675 (t. III, p. 411, édit. M., et t. IV, p. 35, édit. G.), elle dit à madame de Grignan: «Votre portrait a servi à la conversation; il devient chef-d'œuvre à vue d'œil; je crois que c'est parce que Mignard n'en veut plus faire.» Mignard avait, il est vrai, soixante-cinq ans lorsqu'il peignit madame de Grignan; mais aucun peintre n'a prolongé plus longtemps sa carrière d'artiste. Né en 1610, il mourut en 1695. Ses derniers portraits furent ceux de la famille royale d'Angleterre, qu'il exécuta à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Un peu auparavant il fit celui de madame de Maintenon, le plus célèbre de tous, et peignit Louis XIV pour la dixième fois.
Je possède un grand tableau de Mignard provenant de la vente de M. Quentin Craufurd, connu par la belle collection de portraits qu'il avait réunis, et par le soin qu'il s'était donné pour s'assurer de l'exactitude des désignations qu'il leur donnait. Cette toile est décrite sous le no 162, page 47 du catalogue, comme représentant madame de Thianges et le duc du Maine, son neveu. Il n'en est rien: elle renferme les portraits de madame de Seignelay et de ses deux fils, peints un an après la mort du ministre Seignelay. Ce tableau, parfaitement bien décrit dans la Vie de Mignard (page 148 de l'édit. de Paris, 1730, et p. 123 de l'édit. d'Amst., 1731), est signé Mignard et daté de 1691: Mignard avait donc quatre-vingt-un ans lorsqu'il fit le portrait de Catherine-Thérèse de Matignon, femme de Seignelay, laquelle se remaria, le 22 février 1696, au comte de Marsan. Mignard résida vingt-deux ans à Rome, et ne vint se fixer à Paris qu'en 1660; par conséquent il n'a pu peindre Marie de Rabutin-Chantal peu après son mariage.
En faisant connaître le portrait le plus authentique et le plus certain de la marquise de Sévigné, gravé par Édelinck fils, d'après Nanteuil, j'ai oublié de dire que le premier pastel de Nanteuil existe, très-bien conservé: nous l'avons vu chez M. le comte de Laubespin de Tracy, auquel il appartient. De la collection de M. Traullé il a passé dans les mains de madame Bredt, qui l'a donné à madame de Laubespin.
J'ai parlé du portrait de Ninon par Ferdinand. Il a été très-bien gravé par Thomas Wastley en 1757, aux frais de Walpole, comte de Sandwich, d'après le tableau original donné par Ninon de Lenclos à la comtesse de Sandwich, son amie. Ferdinand peignit aussi madame de Maintenon avant que Mignard fît d'elle le beau portrait si admirablement gravé par Ficquet.
«Madame de Maintenon, dit madame du Pérou (Mémoires de madame de Maintenon recueillis par les dames de Saint-Cyr; Paris, Olivier Fulgence, 1846, in-12, p. 261, chap. XVII), se rendit à nos instances, et souffrit que Ferdinand, assez habile peintre pour la ressemblance, la tirât. Il fit un portrait où elle est représentée dans tout son air naturel, avec mademoiselle d'Aubigné sa nièce, qui était un enfant, et qui depuis a été la duchesse de Noailles; elle n'avait alors que trois ou quatre ans, et était aussi jolie et aussi aimable que le peintre l'a représentée: c'est le portrait qui est dans la salle de la Communauté, à côté de la cheminée. Il résulte du récit de madame du Pérou que ce portrait fut fait après le 19 mai 1689, époque de l'élection de mademoiselle de Loubert. Je ne connais aucune gravure de ce tableau, et j'ignore s'il existe encore. Mais quand Horace Walpole visita Saint-Cyr, il vit le portrait de madame de Maintenon dans presque toutes les chambres. Celui de Mignard a été souvent copié, dit-on, par lui-même avec des variations. Je possède une de ces copies qui était à Saint-Cyr, et que j'ai achetée à la vente de M. Craufurd. Elle est semblable, à la couleur du manteau près, à celle qu'on voit dans la galerie de Versailles. Ferdinand a aussi peint le duc de Montausier. Ce portrait a été gravé par Lenfant, in-fol., en 1757.
Page 267, lignes 2 à 4: La partie inédite de ses Mémoires... offre un exemple d'une aussi forte distraction.
Ainsi, dans le manuscrit autographe de la Suite des Mémoires de Bussy, après la transcription de la lettre que Bussy écrivit à madame de Sévigné le 19 octobre 1675, on lit au verso de la page 154: «Huit jours après que j'eus écrit cette lettre, j'en reçus cette réponse.»
Vient ensuite la transcription d'une lettre de madame de Sévigné sous la date du 27 octobre 1675, qui est la même que celle du 20 décembre 1675 dans l'édit. de Gault de S.-G., sauf le commencement, qui diffère du manuscrit et des éditions imprimées. Les lignes qui précèdent cette lettre assurent l'exactitude de sa date, qui est d'ailleurs confirmée, par tout ce qu'elle contient, comme répondant à celle du 19 octobre. Elle devrait être, suivant nous, placée immédiatement après cette lettre; mais, par une étrange méprise, la lettre de madame de Sévigné, du 27 octobre, est datée de Paris, et commence ainsi: «J'arrivai hier ici, et on me vient d'apporter votre lettre du 19 de ce mois. Je partis de Bretagne trois jours après que je vous écrivis.» A moins de substituer dans la date Vitré à Paris, et Rochers à Bretagne, il est impossible de concilier ce commencement avec la date de 1675 et avec tout le reste de la lettre.
Cependant tous les faits qui résultent de la correspondance de madame de Sévigné en Bretagne avec Bussy en Bourgogne, se trouvent confirmés dans une lettre de cette dame (20 octobre 1675), par laquelle elle envoie à son cousin sa procuration pour le mariage de sa nièce. Le ms. ne fait pas mention de cette lettre; mais à la suite de celle du 27 octobre, Bussy écrit:
«Trois jours après que j'ai reçu cette lettre, je fis cette réponse;» et cette réponse est en effet datée de Chaseu le 30 octobre.
Cette lettre, dans ce qu'elle a de plus essentiel à partir de la ligne «Quand je vous ai mandé, etc.,» est la même que celle qui, dans diverses éditions, est datée de Bussy le 9 janvier 1676. Il y a encore ici divergence non-seulement dans les dates, mais dans le commencement des deux lettres: celle du ms. commence, comme l'autre, par la même impossibilité, en s'exprimant ainsi:
«Je suis fort aise, madame, que nous soyons à Paris: nous y gagnerons tous deux.» Puis elle répond à la précédente sur la fièvre du roi.
Rien de tout cela dans la lettre imprimée, qui commence ainsi: «Je reçus avant-hier votre lettre du 20 décembre, qui est une réponse à une lettre que je vous écrivis le 19 octobre. Vous devez avoir reçu depuis ce temps-là deux lettres de moi, sans compter celle que je viens de vous écrire, avec une lettre pour madame de Grignan.» On a vu que cette lettre du 20 décembre était précisément celle du 27 octobre du ms., et l'explication paraît une interpolation du copiste-éditeur ajoutée à la lettre de Bussy. Mais si le ms. de la Suite des Mémoires est autographe, l'étrange confusion qui fait supposer madame de Sévigné à Paris est de Bussy lui-même, qui, ayant devant les yeux plusieurs lettres de sa cousine sous la même date, et sans désignation d'année, aura été distrait en les transcrivant.
Ces distractions de Bussy, quand il fit la Suite des Mémoires, démontrent que c'est également lui qui a transposé à une date fausse la lettre que madame de Sévigné a écrite sur la naissance de son fils.
Page 267, lignes 12 à 15: Des fragments des Mémoires autographes d'Ormesson... constatent que madame de Sévigné accoucha, à Paris, de sa fille le 10 octobre 1646.
La fin de la lettre de madame de Sévigné à madame de Grignan, en date du 28 août 1680 (t. VI, p. 436 de l'édit. de Monmerqué), ne prouve pas, comme le dit cet éditeur dans sa note, que madame de Grignan fût née aux Rochers. Elle signifie seulement que madame de Sévigné envoya à Paris, à madame de la Fayette ou à madame de Coulanges, une lettre de sa fille, qu'elle a trouvée très-amusante et bien écrite; et que la réputation de madame de Grignan, si bien établie comme femme d'esprit à Paris (dans son air natal), était faite aussi dans les parties les plus reculées de la France (la Bretagne): «Vos lettres nous ont servi d'un grand amusement: nous remettons votre nom dans son air natal. Croyez, ma fille, qu'il est célébré partout où je suis; il vole, il vole jusqu'au bout du monde, puisqu'il est en ce pays.»
Page 271, ligne dern., et 272, ligne 1: Le père du Chastellet s'illustra dans les lettres.
Paul Hay du Chastellet mourut en 1636. Il rédigea les premiers statuts de l'Académie française (réglem. du 27 mars 1634), prononça le premier discours dans le sein de cette Académie, dont le sujet était sur l'éloquence française. Il écrivit des satires en vers français et en vers latins, et eut le courage de braver le despotisme de Richelieu, en défendant le maréchal de Marillac.
CHAPITRE XIII.
Page 292, ligne 16; Elle (la princesse de Tarente) lui fit sur elle-même d'étranges confidences.
Madame de Grignan s'imaginait que la princesse de Tarente, après quatre ans de veuvage, était encore plongée dans la douleur du souvenir de la perte de son mari. Madame de Sévigné lui répond:
«Je ne sais quelle idée vous avez de la princesse; elle n'est rien moins qu'Artémise; elle a le cœur comme de cire, et s'en vante, disant plaisamment qu'elle a le cœur ridicule. Cela tombe sur le général, mais le monde en fait des applications particulières. J'espère que je mettrai des bornes à cette ridiculité par tous les discours que je fais, comme une innocente, de l'horreur qu'il faut avoir pour les femmes qui poussent cette tendresse un peu trop loin, et du mépris que cela leur attire. Je dis des merveilles, et l'on m'écoute, et l'on m'approuve tout autant que l'on peut. Je me crois obligée, en conscience, à lui parler sur ce ton-là, et je veux avoir l'honneur de la redresser.»
Page 293, ligne 10: Il faut cependant en excepter le roi, qu'elle aimait plus... qu'il ne fallait pour son repos.
Madame de Sévigné écrit à sa fille: «La princesse de Tarente n'attribue l'agitation de sa nièce qu'à l'ignorance de son état; elle dit que c'est une fièvre violente, et qu'elle s'y connaît. Voulez-vous que je dispute contre elle?»
Il n'est pas exact de dire que ces derniers mots prouvent que madame de Sévigné ne croyait pas à la passion de la duchesse d'Orléans pour le roi. Et il en serait ainsi, que le témoignage de la princesse de Tarente deviendrait autrement décisif sur cet objet que celui de madame de Sévigné. Cela explique parfaitement bien la haine de la duchesse pour madame de Montespan et pour madame de Maintenon.
Page 296, lig. 5 de la note 652: Cette famille subsiste encore.
Un duc de Tarente, candidat du gouvernement, a été nommé membre du corps législatif dans la deuxième circonscription du département du Loiret, en mars 1852.
Page 306, ligne 8: Les éloges qu'elle donne au grand historien du peuple juif.
Dans la biographie de Josèphe (Flavien), on n'indique pas de plus ancienne édition de la traduction de cet auteur que celle de 1681, in-8o et in-12. Les lettres de madame de Sévigné prouvent qu'il y en a d'antérieures en date; mais je n'ai pu en trouver encore la mention dans aucune notice.
CHAPITRE XIV.
Page 318, lignes 7 à 9: «Je n'eusse jamais cru que d'Olonne eût été propre à se soucier de son nom et de sa famille.»
La lettre de madame de Sévigné, du 5 janvier 1676, rectifie une erreur de la Gazette de Hollande: elle nous apprend que mademoiselle de Noirmoutier était aussi de la maison de la Trémouille, et qu'après son mariage elle s'appellera madame de Royan. La citation de Feuquières renvoie à une lettre de madame de Saint-Chamand à madame de Feuquières, qui annonce (le 17 janvier 1676) que la comtesse d'Olonne était à Baréges, parce qu'elle avait fait une chute de voiture et avait eu le bras cassé.
Page 329, ligne 21: Quoique l'assemblée ait voté, sous l'influence de la terreur exercée par le duc de Chaulnes, etc.
Le procès-verbal de la tenue des états en l'endroit cité (p. 379 verso), sous la date du 12 décembre 1675, porte: «M. de Chaulnes est entré aux états, pour leur dire de la part du roi de faire les fonds, etc.»
Page 330, ligne 7: Presque en même temps que se terminait à Dinan la tenue des états de Bretagne.
La tenue de l'assemblée des états de Bretagne commença à Dinan le 9 novembre 1675, et se termina le 15 décembre; l'assemblée des communautés de Provence ouvrit ses séances à Lambesc le 23 octobre, et les termina le 20 décembre 1675.
Page 338, lignes 2 et 3: Madame de Sévigné allait quelquefois dîner au château d'Argentré.
Malheureusement les lettres de madame de Sévigné qui constatent ce fait nous apprennent que, malgré son intimité avec les habitants de ce château et ses railleries fréquentes sur les sottises de mademoiselle du Plessis, elle s'égayait par trop aussi sur les ridicules provinciaux de toute la famille. M. Corbière, qui, au milieu de ses travaux ministériels, ne pouvait s'empêcher de causer longuement de littérature, m'a dit qu'on savait en Bretagne qu'avant la publication des lettres de madame de Sévigné, sa mémoire était en vénération parmi les descendants des du Plessis: le portrait de cette illustre amie se trouvait dans toutes les chambres du château, comme celui d'une parente vénérée qu'on a perdue. Mais quand les lettres eurent paru, la famille d'Argentré, cruellement détrompée, fit remettre au grenier les images de la dame des Rochers; et sa mémoire y fut en exécration parmi les personnes qui auraient recherché son estime, si elles avaient vécu de son temps. Cet exemple vient à l'appui des sages instructions de madame de Maintenon pour ses élèves de Saint-Cyr, sur le danger d'écrire des lettres. Afin de mieux concevoir l'effet que dut produire au château d'Argentré la lecture de la correspondance de madame de Sévigné, il faut citer le passage de sa lettre à madame de Grignan, en date du 5 janvier 1676:
«Au reste, mademoiselle du Plessis s'en meurt; toute morte de jalousie, elle s'enquiert de tous nos gens comme je la traite. Il n'y en a pas un qui ne se divertisse à lui donner des coups de poignard: l'un lui dit que je l'aime autant que vous; l'autre, que je la fais coucher avec moi, ce qui serait assurément la plus grande marque de ma tendresse; l'autre, que je la mène à Paris, que je la baise, que j'en suis folle; que mon oncle l'abbé lui donne dix mille francs; que si elle avait seulement vingt mille écus, je la ferais épouser à mon fils. Enfin, ce sont de telles folies, et si bien répandues dans le petit domestique, que nous sommes contraints d'en rire très-souvent, à cause des contes perpétuels qu'ils nous font. La pauvre fille ne résiste pas à tout cela. Mais ce qui nous a paru très-plaisant, c'est que vous la connaissiez encore si bien, et qu'il soit vrai, comme vous le dites, qu'elle n'ait plus de fièvre quarte dès que j'arrive; par conséquent elle la joue; mais je suis assurée que nous la lui redonnons véritable tout au moins. Cette famille est bien destinée à nous réjouir. Ne vous ai-je pas conté comme feu son père nous a fait pâmer de rire six semaines de suite? Mon fils commence à comprendre que ce voisinage est la plus grande beauté des Rochers.» (Sévigné, Lettres, t. IV, p. 295, édit. G.)
Page 345, ligne 15: D'anciennes dettes contractées envers la famille de Mirepoix.
L'inventaire des archives de la maison de Grignan démontre que le chevalier Perrin, s'il a été bien informé, entend, dans sa note, parler de la première femme du comte de Grignan. Il s'agissait d'une réclamation du sieur Jabach pour une somme de 4,000 liv. qui lui était due comme complément d'une obligation faite à son profit par M. le comte de Grignan et feu son épouse. Cette affaire ne fut terminée que le 31 mars 1677, au moyen d'une constitution de 250 liv. de rentes, par M. le comte et madame la comtesse de Grignan, au profit de mademoiselle de Grignan, fille de madame de Grignan-Rambouillet. Après cette constitution, le sieur Jabach donna quittance. (Catalogue des archives de la maison de Grignan, p. 33.—Les pièces les plus importantes ont été achetées par la Bibl. nat., où elles sont conservées.)
Page 346, ligne 10: Puis marquis de Vins.
L'abbé de Vins, dont il est fait mention dans la lettre du 11 mars 1671 (t. I, p. 365, édit. G.), et qui était venu trouver madame de Sévigné pour lui donner des nouvelles de madame de Grignan, était probablement le frère cadet du marquis de Vins.
Dans une lettre de M. de Pomponne au marquis Isaac de Feuquières, ambassadeur en Suède, datée de Paris le 29 avril 1674, on lit:
«...La grande affaire que nous avons faite a été de marier ma sœur (sa belle-sœur) à M. le marquis de Vins, qui est un homme de qualité de Provence, seul et unique héritier de sa maison, ayant un père et une mère, toutes dettes payées.» (Lettres de Feuquières, t. II, p. 429.)
Page 355, lignes 1 et 2: Sans inspirer à l'une et à l'autre ni estime ni confiance.
Dans la lettre de madame de Maintenon au cardinal de Noailles (mars 1700), on lit: «Madame de Saint-Géran m'a demandé une audience, en m'assurant qu'elle voulait être dévote, et très-dévote. Elle a voulu me persuader de la faire aller à Marly. Je lui ai parlé avec une grande franchise sur sa mauvaise conduite. Je l'ai renvoyée à madame la maréchale de Noailles, pour juger si pour se détacher du monde il faut aller à Marly. Que de conversions fausses! Le péché vaut encore mieux que l'hypocrisie.» (Lettres de madame de Maintenon, t. IV, p. 191.)
Page 355, lignes dernières: Elle (madame de Saint-Géran) n'eut qu'une fille, dont elle accoucha après vingt et un ans de mariage.
Dans l'ignorance où elles étaient de ce fait, les personnes qui ont à Saint-Cyr composé ou falsifié nombre de lettres de madame de Maintenon lui font dire dans une de celles adressées à madame de Saint-Géran: «Votre fils est très-joli.» Et plus loin; «La du Fresnoy est délaissée. Elle a recours à moi... Nous nous sommes embrassées. Je lui rendrai service.» (Mai 1679, p. 133, édit. de Dresde, 1753, in-12.) Combien madame de Maintenon eût eu pitié de celles qui croyaient servir sa mémoire en lui prêtant de tels sentiments, un tel langage, à l'époque même où elle faisait tous ses efforts pour ramener le roi à la soumission religieuse!
CHAPITRE XV.
Page 356, lignes dernières: Madame de Sévigné se plaint fréquemment à sa fille du grand nombre de lettres qu'elle recevait, etc.
Nous avons remarqué dans la troisième partie de ces Mémoires, chapitre VI, p. 108, que la réputation de madame de Sévigné dans le genre épistolaire, bien établie à la cour et parmi le grand monde, devint populaire aussitôt après la publication des Mémoires de Bussy en 1694; nous avons cité les vers latins de l'Épître sur la manière l'écrire des lettres, par le jésuite Montaigu. Cette épître, qui fut publiée en 1713, reparut encore en 1749 dans le recueil intitulé Poëmata didascaloïca; Parisiis, le Mercier, 1749, 3 vol. in-12.—Le passage sur Sévigné se trouve t. I, p. 314; et pour qu'on ne commît aucune méprise sur la personne, au mot Sevinia on a ajouté cette note, qui n'était pas dans l'édition première: «Marie de Rabutin, marquise de Sévigné.»
Page 366, lignes 1 à 3: Les deux sœurs étaient également l'objet des railleries de madame de Grignan pour leur vanité.
Il paraît que cela était assez fondé, et que madame de Grignan n'était pas la seule qui raillât madame de Coulanges sur sa vanité. Madame de Maintenon écrivant à son frère (28 février 1678, t. I, p. 154, Amst., 1756), afin de lui recommander l'économie, lui dit: «Je ne suis pas plus avare que vous; mais j'aurais 50,000 livres de rente, que je n'aurais pas le train de grande dame, ni un lit galonné d'or, comme madame de la Fayette; ni un valet de chambre, comme madame de Coulanges. Le plaisir qu'elles en ont vaut-il les railleries qu'elles en essuient? M. le chancelier son oncle (c'est-à-dire le Tellier, oncle de madame de Coulanges) est plein de modération, et le roi l'estime.»
FIN.