Petit histoire des grandes rois de Angleterre
Cet gros-là, c'est Henri Huitième,
Prince savant, rempli de soin,
Ami fidèle et charmant même
Pourvu qu'on s'en tînt... assez loin.
To begin with, il fit le guerre
A Louis Douze des Français
Pour je ne sais trop quelle affaire;
Mais bientôt il conclut le paix
En donnant à la vieil monarque
Son sœur Marie en conjungo,
Ce qui tioujours il fut la marque
D'oun cœur valant oun vrai lingot.
Ajoutons que cette Marie [29]
Au bout d'oun an il était veuf,
Et, par nouvelle épouserie,
—Ce qui partout n'est rien de neuf,—
Il devint, comme à l'ordinaire
Et dans la délai consacré,
Mère de celle qui fut mère
De la pauvrette Jeanne Grey.
Bien! De cet-lui-ci tout à l'heure
On verra l'histoire attristant.
Ne croyez pas qu'en son demeure
Alors Henri resta content.
En cet temps-là dessus le terre
Régnaient trois rois grands à l'excès:
C'était Henri dans l'Angleterre,
François Premier chez les Français,
Et puis l'empereur d'Allemaigne,
Charles-Quint de sa petit nom,
Qui pouvait en faisant campaigne
Passer son vie, oh! tout du long;
Tous trois de vaste intelligence,
Se jurant oun accord bien doux
Et, par mesure de proudence [30],
S'épiant toujiours en-dessous...
Mais passons! Car vouloir tout dire
Sur cet triplet intéressant
Exigerait oun travail pire
Que pour en calomnier cent.
En poursuivant d'Henri l'histoire,
De ses femmes il faut parler,
Et c'est oun soujet, veuillez croire,
Difficile à rafistoler.
D'abord, Henri pour son compaigne
Eut Catherine d'Aragon,
Tante de Charles d'Allemaigne,
Et de vertus vrai parangon.
Pour je ne sais trop quel caprice
Qu'ont parfois, dit-on, les grands rois,
Après quinze ans de cet cilice
Il voulut faire oun nouvel choix;
Mais Clément Sept, pape très saige
Et sur ces points beaucoup savant,
Voulut que d'Henri la menaige
Restât même qu'auparavant.
Certes, ce n'était que justice
Et prudence tout à la fois;
Car je crois que le moindre indice
De céder au monarque anglois
Eût attiré sur la Saint-Père
De Charles-Quint tout la courroux,
Cet dernier ne se gênant guère
De la faire éclater sur tous,
N'ayant pas même eu d'hésitance,
Six ans avant, comme l'on sait,
De tenir longtemps en souffrance
La même pape Clément Sept [31].
De parler sur oun ton de maître
Henri Huit très accoutumé,
Il ne voulut pas se soumettre,
Si tant il était allumé;
Et c'est au cours de ce chicane
Que cet épouseur enraigé
A fonder l'Eglise anglicane
Bientôt on vit tout engaigé.
De la dame Anne de Boleyne
Henri devint la tendre époux...
Tendre!... il faut ici prendre haleine,
Cet mot je la dis entre nous;
Car tout se passa de telle sorte
Qu'après trois ans de renouveau
Pauvre Boleyne elle était morte,
Morte par la main de la bourreau.
Sans doute pour noyer son peine,
Henri prit alors la Seymour,
Car il n'avait point tant de haine
Qu'au fond il n'avait de l'amour.
Seymour étant mort de mort douce,
Sans la bourreau ni ses atours,
Notre homme en eut telle secousse
Que, craignant beaucoup pour ses jours,
Il choisit comme quatrième
Anne Cleves, femme allemand
Qu'il trouva, néanmoins, trop blême
Pour répondre à sa sentiment.
Alors, ramassant sa couraige,
Il prit Kate Howard aussitôt,
Qui le laissa dans la veuvaige,
Etant morte sur oun billot.
Enfin, pour montrer quel patience
Il était dans sa cœur de roi,
A Kate Parr, dans son clémence,
Il permit de lui jurer foi.
C'est tout... Sur cet aimant monarque
La ciel enfin reprit ses droits;
Trente-huit ans l'anglaise barque
Avait navigué sous ses lois.
De son femme ainsi que des grues
Il n'avait eu que trois enfants:
D'abord deux filles très bourrues,
Puis oun fils des plus innocents.
[29] Voir note à l'appendice.
[30] Voir note à l'appendice.
[31] Voir note à l'appendice.