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Rêve blanc

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VI

— Voyons, monsieur Paul, avouez-le : André Morère ne vous plaît point !

Et Cécile Auclerc se pencha, malicieuse, vers le docteur Paul, venu en visite chez elle, à son jour de réception, fait tellement exceptionnel, qu’elle avait une seconde douté de l’excellence de ses yeux en le voyant entrer. Il est vrai que cette après-midi-là, sa petite amie Agnès l’aidait à recevoir, ainsi que, la veille même, le commandant l’avait annoncé par hasard à la bonne Mme Darcel.

Depuis un moment déjà, le docteur Paul était là, et la conversation, — comme de juste ! — s’était portée sur André Morère, qui allait venir, trois jours plus tard, prononcer enfin la conférence tant attendue.

— Il ne vous est pas sympathique, n’est-ce pas ?

— Mais qui peut vous faire supposer pareille chose, madame ? répliqua le docteur, les sourcils légèrement froncés.

— Oh ! ce n’est pas bien difficile à découvrir, et je n’ai pas eu à faire une grande dépense d’imagination pour arriver à cette conclusion ! Depuis un moment, nous parlons de lui, et, vrai ! vous ne paraissez pas éprouver à son égard des sentiments bien chauds ! N’es-tu pas de mon avis, Agnès ?

Les deux petites mains qui tordaient distraitement les rubans de la ceinture eurent un léger frémissement, tandis qu’Agnès répondait :

— Non, je ne sais trop ce qui te fait supposer cela…

Le docteur Paul la regarda. Mais il ne rencontra pas ses yeux arrêtés au dehors sur les lointaines perspectives du jardin. Et il reprit :

— Je vous assure, madame, que je rends pleine justice à M. Morère. Je le tiens pour un homme de très grande intelligence ; je reconnais qu’il a l’esprit très délicat, très pénétrant, subtil et volontiers paradoxal, qu’il est un remarquable écrivain et un conférencier de non moins de talent…

— Mais !… fit Cécile, voyant qu’il s’arrêtait.

— Mais je trouve qu’il devrait s’en tenir là et ne point imaginer de se présenter comme un apôtre de la régénération morale, prêcher la vie intérieure, ses beautés, ses bienfaits, etc., quand il n’a vraiment pas qualité pour le faire ; moins encore, peut-être, que bien d’autres !

— Pourquoi ? Est-ce que cet homme sage le serait moins en actions qu’en paroles ?

Une curiosité luisait dans les yeux de Cécile.

Le docteur resta impassible.

— Je l’ignore, madame. Je ne connais nullement la vie privée de M. Morère, qui ne me regarde pas et que je n’ai aucun désir de connaître. Mais, enfin, quand on a lu ses livres, ou ses pièces, ou ses articles, il est permis de penser que, pour définir aussi bien les femmes modernes, avec tant de sûreté et de justesse, il faut qu’il ait eu l’occasion de les étudier de près… et avec un intérêt tout particulier…

Cécile mordit ses lèvres que relevait une petite moue, et, maligne, elle dit :

— Peut-être, en effet, les a-t-il consciencieusement observées. Pour être un apôtre, on n’en est pas moins un homme… Mais, dites-moi, monsieur Paul, vous qui avez longtemps habité Paris et y avez des amis, vous devez savoir bien des secrets parisiens. Est-il vrai que l’original de l’héroïne de M. Morère, dans sa dernière pièce, soit une certaine Mme de Villerson, qui est une femme du monde très en vue ? A tout instant, je lis son nom dans les comptes rendus du Figaro.

— Madame, sur ce point encore, je dois vous avouer mon ignorance. Je sais tout au plus que Mme de Villerson a la réputation d’être une femme fort belle, très intelligente, et faisant tout ce qui lui plaît avec une indifférence parfaite pour l’opinion publique.

— Elle est, en effet, très belle ! dit la voix d’Agnès un peu assourdie.

— Comment, tu la connais ?

— Je l’ai vue chez la marquise de Bitray et aussi à l’Opéra. Oui, elle est très belle et très différente des autres femmes… Il n’est pas étonnant que M. Morère s’occupe d’elle, l’admire et désire la prendre pour modèle !

De quel singulier accent Agnès venait de parler, d’un accent qui faisait songer à une plainte d’oiseau blessé… De nouveau, le docteur Paul eut vers elle un coup d’œil rapide. Mais il n’aperçut encore que son profil, dont la peau s’empourpra un peu quand Cécile s’écria :

— Ah ! ah ! entendez-vous cette petite fille, monsieur Paul ? Prenez garde ! A sa voix, je devine qu’elle est tout émue et prête à se révolter si vous touchez à son dieu. Car, au cas où vous l’ignoreriez, je vais vous l’apprendre, M. Morère nous a mises, elle et moi, sous le charme !…

Un pli profond creusa le front du docteur Paul.

— Vraiment ?… Et m’est-il permis, mademoiselle, de vous demander ce qui a valu à M. André Morère une telle sympathie de votre part ?

Sérieuse et douce, elle dit :

— Je l’ai entendu parler des pauvres, de tous ceux qui souffrent, comme personne encore ne m’en avait parlé, de façon à me donner, bien plus grand que je ne l’avais éprouvé, le désir de leur témoigner toute ma pitié… Et je lui suis très reconnaissante du bien qu’il m’a fait ainsi !

La voix du docteur Paul s’éleva, âpre et mordante :

— Je ne m’étonne pas qu’il ait été fort éloquent sur un pareil sujet ! Il appartient à la génération nouvelle qui s’est imprégnée toute de tolstoïsme, qui rêve une religion nouvelle dont l’altruisme serait la base et l’aliment principal… D’ailleurs, tous les problèmes de la vie sociale doivent l’intéresser, puisqu’ils fournissent des sujets d’étude à son esprit toujours en quête d’aliments nouveaux et variés. C’est un parfait dilettante qu’André Morère !

— Un dilettante ? De quel ton farouche vous prononcez ce mot ! fit, en riant, Cécile, pour qui ledit mot n’avait pas grand sens. Vous n’êtes pas animé, non plus, d’un immense enthousiasme pour les personnages de cette catégorie !

— Non, c’est vrai, je n’aime pas les dilettantes, et je les considère comme beaucoup plus malfaisants qu’on ne le fait généralement. Pour peu qu’une idée, ou un fait, ou un caractère encore flatte leur sens esthétique, leur curiosité, leurs goûts raffinés, ils se jugent satisfaits et ne se préoccupent guère de la valeur morale de ce fait, de cette idée, de ce caractère… Est-ce qu’ils font autre chose que… jongler sans cesse avec leurs pensées et celles des autres, s’amusant à en considérer les diverses faces, dès qu’elles les attirent pour un motif ou un autre, mettant au-dessus de toute autre considération les jouissances artistiques ou intellectuelles qu’elles peuvent leur procurer ?… Eh bien, je dis, moi, qu’à ce jeu-là, non seulement ils perdent, — ce qui est leur affaire, après tout ! — la notion saine du bien et du mal, pour employer la vieille distinction, la remplaçant par le seul sentiment de ce qui est beau ou ne l’est pas ; mais, encore, pour peu qu’ils aient du talent, ils communiquent fatalement à quelques-uns, peut-être même à beaucoup, parmi les jeunes, intelligents, qui les lisent ou les écoutent, leur scepticisme aimable, spirituel, séduisant, mais dangereux et démoralisateur. M. Morère peut célébrer devant eux les vies orientées vers un idéal très haut,… il détruit par ses livres le bien qu’il peut faire par sa parole !

Le docteur Paul avait parlé avec une espèce de violence contenue, inaccoutumée chez lui, sans remarquer la stupéfaction de Cécile, déroutée par cette parole vibrante et rude dont le sens complet lui échappait un peu. Agnès, elle, avait écouté le jeune homme, cherchant à le bien comprendre et découragée de ne pas mieux pénétrer toute sa pensée, devinant seulement, avec une sorte d’angoisse, qu’il jugeait mal André Morère, sans qu’elle saisît bien pourquoi. Et d’irrésistibles questions lui jaillirent des lèvres :

— Que reprochez-vous donc à M. Morère ? Pourquoi le placez-vous parmi ces dilettantes qui, dites-vous, ne croient à rien de ce qu’il faut croire ? Est-ce qu’il n’était pas sincère quand il nous enseignait une charité si belle ?

Elle s’arrêta. Une inconsciente prière tremblait dans son accent. Et le docteur Paul hésita à lui répondre. Certes, profondément, il souhaitait voir la douce petite fille, qu’il désirait faire sienne, détachée de cet André Morère qu’elle admirait tant…

Mais il n’était pas homme à altérer ce qu’il jugeait être la vérité pour abaisser un rival !…

Elle répétait :

— Pourquoi cherchez-vous une réponse ?… Je voudrais avoir votre opinion vraie !…

Et, loyal, il dit :

— Je pense que M. Morère était absolument sincère en vous parlant. S’il est d’esprit sceptique, il est aussi d’âme assez haute pour comprendre et plaindre les misères de notre pauvre humanité, avec un réel désir de les soulager dans la mesure de ses moyens… Oui…, je le crois fort capable de se passionner, mais sans jamais perdre sa clairvoyance d’analyste… C’est un intellectuel que Morère ! un intellectuel… vibrant, mais, avant tout, un intellectuel !

— L’est-il autant que cela ? glissa Cécile, qui trouvait peu amusant le tour donné par le docteur à la conversation. D’après ce que j’ai entendu raconter, il ne se montrerait pas strictement « intellectuel » dans son enthousiasme pour Mme de Villerson. Un camarade de mon mari, qui est à tout instant à Paris et y va dans le grand monde, m’assurait qu’André Morère était tout à fait emballé pour elle, d’autant plus qu’on la dit une puissance difficile à prendre !

Le docteur Paul devina-t-il avec quelle anxiété douloureuse une enfant attendait sa réponse, ou obéit-il simplement à son mépris pour les potinages féminins, il écarta, d’un geste indifférent, l’insidieuse question de Cécile et fit simplement :

— Sur ce point, madame, je me récuse tout à fait. Ainsi que j’ai eu déjà l’honneur de vous le dire, je ne connais pas Mme de Villerson et guère plus André Morère, qui n’est pour moi qu’un écrivain de talent.

Cécile n’insista pas, en sachant l’inutilité, un peu dépitée, au fond, de cette réserve du jeune homme, qu’elle jugeait voulue ; et des visiteuses, parmi lesquelles Mme Vésale, arrivèrent à propos pour lui permettre de se lancer sur d’autres sujets moins délicats, tandis qu’Agnès, à sa prière, offrait des rafraîchissements à ses hôtes.

Avec sa grâce timide, la jeune fille s’acquittait de sa mission ; mais le docteur qui l’observait fut frappé de la mélancolie de son frêle sourire. Il avait bien remarqué, dès le début de sa visite, que les prunelles bleues n’avaient plus leur clarté d’étoile ; que dans l’expression de la bouche au repos, dans les gestes même, il y avait quelque chose de découragé. Pourtant, il craignit de l’avoir attristée par l’une de ses paroles ; et, comme un hasard venait de les rapprocher, il dit avec une douceur d’accent dont il n’était pas coutumier :

— Je crains de vous avoir peut-être froissée tout à l’heure, sans le vouloir, par le jugement que j’ai porté sur… une personne dont vous estimez le caractère… S’il en est ainsi, veuillez me le pardonner. J’en suis désolé.

— Non, vous ne m’avez pas froissée… Vous m’avez seulement enlevé quelques illusions…

— Parce que je suis un brutal qui ne sait point parler aux jeunes filles… De toute mon âme, je regrette mes malencontreuses réflexions !

— Ne regrettez rien, fit-elle doucement, d’un ton assourdi. J’aime toujours connaître la vérité.

Puis, comme sa mère l’appelait pour partir, après une imperceptible hésitation, elle tendit la main au jeune homme et s’éloigna.

....... .......... ...

Pauvre petite Agnès ! qu’était-elle devenue, sa belle joie des semaines écoulées ? Jamais plus, d’ailleurs, elle n’en avait senti complètement la chaude clarté depuis le soir où il était parti de Beaumont, après qu’elle avait entrevu la distance morale qui les séparait l’un de l’autre. Cette distance, elle ne l’avait jamais oubliée ; même quand elle se rappelait les attentions dont il l’avait entourée, même quand sa mère lui avait remis une faible partie de la moisson de fleurs qu’il avait envoyée après sa visite à Beaumont ; fleurs qui s’étaient fanées aux pieds de la Vierge, où elle les avait sous son regard quand elle priait.

Maintenant, avec une espèce de superstition, elle attendait ce jour où elle le reverrait, quand il viendrait prononcer sa fameuse conférence, comme si sa présence dût écarter d’elle le poids mystérieux qui la meurtrissait, ce regret sourd et pénétrant d’un bonheur innomé. Elle avait pensé : « Il arrivera la veille de la conférence. S’il n’est pas trop tard ce jour-là, il viendra faire visite à maman ! »

Et une joie obscure palpitait en elle à cette seule idée.

Elle avait bien prévu, l’enfant. Dès son arrivée à Beaumont, le jour qui précédait celui où il devait parler, André Morère vint correctement se présenter chez le commandant Vésale. Mais personne ne se trouvait au logis pour le recevoir, et quand Agnès rentra avec sa mère, à l’heure du dîner, elle vit la carte déposée dans le plateau du vestibule. Alors une sensation aiguë de déception la bouleversa toute. Ainsi elle avait eu lieu, cette visite en laquelle elle espérait ! Espérer… quoi ? Ah ! elle n’aurait pu le dire, la pauvre petite fille. Son rêve était bien imprécis… et si blanc !

Mais, enfin, elle avait tant souhaité le revoir, lui, une fois encore dans l’intimité de leur maison ! Maintenant, s’il arrivait qu’elle se trouvât rapprochée de lui, ce serait sans doute au milieu de la foule. Peut-être ne la remarquerait-il même pas, ni ne lui parlerait ; et elle n’aurait pas le droit de faire un signe pour qu’il s’aperçût de sa présence. Ah ! pourquoi personne ne lui avait-il révélé comment on attire à soi les hommes qui sont ainsi au-dessus des autres par leur intelligence ? Et devant son impuissance, un découragement s’emparait d’elle en même temps qu’une fiévreuse impatience de voir enfin se lever le jour qui les mettrait en présence.

Il était déjà un peu tard quand, le lendemain, dans l’après-midi, la commandante et Agnès pénétrèrent dans l’enceinte de l’Exposition d’horticulture qui coïncidait avec la conférence d’André Morère. Le groupe des intimes de Mme Vésale était déjà là, au complet, parmi le tout Beaumont qui affluait en tenue de cérémonie, fier et ravi de l’aspect charmant que présentait son Exposition. Le jardinier en chef avait eu l’art de transformer en une sorte de parc admirablement fleuri, coupé d’allées capricieuses, animé du bruit clair des jets d’eau, une grande place, morne et monotone, sur laquelle se dressait une vaste rotonde qui avait pour mission d’offrir une indistincte hospitalité aux concerts, conférences, cirques, — quand il passait des cirques à Beaumont.

Sur une estrade champêtre, la musique de la garnison célébrait la fête par d’éclatantes fanfares dont les échos sonores arrivaient jusque dans les tentes cernant la place, sous lesquelles étaient abritées les plantes les plus fragiles.

— Quelle belle exposition ! n’est-ce pas ? s’écria, pour toute réponse, la colonelle enthousiasmée quand Mme Vésale lui demanda de ses nouvelles. On dirait un petit coin de Paris ! Quel dommage qu’il ne fasse pas plus beau !… Le temps est bien couvert…

— Eh bien, nous y gagnons d’avoir moins chaud, dit aussitôt Mme Darcel, incapable de n’être pas optimiste. Mademoiselle Agnès, avez-vous vu les rosiers ?… Ils sont splendides !

La commandante répondit pour Agnès :

— Non, nous n’avons encore rien admiré. Nous arrivons.

— Juste pour la conférence, remarqua Mme Salbrice. C’est à quatre heure, n’est-ce pas, qu’il parle, ce Morère ?

Cécile se jeta prudemment à la traverse pour éviter une riposte trop vive de Mme Vésale et dit, en riant, à Agnès :

— Puisque tu surgis à la minute, tu n’as pas contemplé la principale curiosité de l’Exposition ! Une fleur d’une espèce toute particulière, qui a des yeux, des cheveux, une taille à tourner la tête de tous ces messieurs, même d’Édouard.

Et elle désignait de la main son mari qui causait à quelques pas avec d’autres officiers, auxquels, par extraordinaire, s’était joint le docteur Paul.

— Cécile, quelle histoire racontes-tu là ?

— Une histoire vraie ! Demande à ces dames si, il y a un moment, nous n’avons pas vu entrer ici une fleur humaine, une charmante inconnue dont personne ne peut dire le nom… Elle est dans la serre, elle va repasser. Tu la verras… Qui est-elle ?… C’est intrigant… D’autant plus qu’elle est d’une beauté de premier ordre !

La commandante décréta :

— C’est quelque voyageuse arrêtée à Beaumont pour y visiter la cathédrale et qui aura entendu parler de notre Exposition.

— Hum !… une voyageuse en gants gris de perle, sans un atome de poussière sur sa toilette… et coiffée ! et habillée ! Si ces messieurs avaient suivi leur désir, au lieu de demeurer près de nous, en vertu des lois de la politesse, ils auraient tous, — oh ! discrètement, — emboîté le pas derrière elle… Maintenant, en attendant son retour, ils frémissent d’impatience… Avouez-le, monsieur d’Oriol. Tiens, la voilà ! Agnès, regarde !

Agnès tourna la tête, et une exclamation lui vint aux lèvres.

— Je connais cette dame…, c’est Mme de Villerson !

— Ah ! par exemple ! la maîtr…, l’amie d’André Morère ? Eh bien, je comprends qu’elle l’inspire. Édouard, écoute. Agnès sait le nom de notre inconnue, c’est la nièce de la marquise de Bitray, Mme de Villerson. Tu sais, le modèle d’André Morère pour son héroïne du Vaudeville !

— Peste ! un fameux modèle…, hein, Boynel ! Ces écrivains, tout moralistes qu’ils sont, savent joliment choisir !

Entre eux, les hommes continuèrent d’échanger leurs remarques, détaillant la jeune femme que considéraient avidement les dames de Beaumont. Elle, avec une indifférence tranquille, supportait le feu de tous ces regards, qu’elle ne remarquait même pas, songeant à la joie qu’elle allait causer à son ami, quand il la verrait soudain apparaître, alors qu’il la croyait à Paris. Distraite par les seules fleurs, elle avançait, ne se doutant guère non plus de la curiosité qu’éveillait, dans les cervelles féminines, sa toilette si sobre pourtant, une simple robe de foulard bleu sombre pointillé de blanc, un simple col de dentelle éclairant le visage, une simple petite toque fleurie de bleuets sur les cheveux d’or fauve. Mais, ainsi vêtue, elle était encore d’une élégance qui réduisait à bien peu les plus beaux atours des dames de Beaumont…

Agnès, plus encore que les autres, la contemplait, ayant la même sensation que si, sur son cœur, se fussent posés les fins talons de la jeune femme. Mais le commandant arrivait affairé :

— Sophie, je quitte André Morère, qui est désolé de ne pas t’avoir rencontrée hier, ainsi qu’Agnès. Aussi je lui ai dit que j’allais, pour vous conduire dans la salle, vous faire passer par le petit salon où il attend l’heure de parler. Seulement, il faut vous dépêcher de venir, car cette heure va bientôt sonner. Agnès, tu accompagnes ta mère… Morère s’est aimablement informé de toi…

— Allez, petite, allez adorer le dieu, lança en riant Mme Salbrice, mordante.

Mais heureusement le commandant n’entendit pas, car il redisait à la colonelle, qui s’en informait pour la vingtième fois au moins, le sujet de la conférence qu’elle oubliait toujours.

— Ah ! merci, commandant… Je me souviens à merveille maintenant. Oui, l’affiche porte en effet : Quelques mots sur l’âme et l’esprit contemporains.

Le commandant, déjà, se répandait en saluts, très pressé d’aller retrouver Morère, à cause de l’heure ; et Mme Vésale était debout, prête à le suivre, charmée en son for intérieur de montrer ainsi à la face de tout Beaumont que le héros du jour était de leurs amis et les accueillait, quand il demeurait invisible pour le commun des mortels. Agnès les suivit. A grands coups pressés, son cœur battait sous le mince corsage d’été, donnant soudain à son visage un éclat de belle fleur rose. Encore quelques minutes, quelques secondes, et, peut-être d’un mot, il allait lui faire du bien, comme le soir où il l’avait consolée après qu’elle avait mal joué…

Le commandant souleva la portière. André Morère, qui, debout, consultait des notes, releva la tête ; et sur Agnès tomba le regard pensif qui l’avait attirée dès leur première rencontre. Avec un sourire et des mots de bienvenue, qui réveillèrent en elle un lointain écho des jours heureux, il emprisonna dans la sienne la petite main frémissante qu’elle lui donnait… Mais il n’eut pas le loisir de lui dire une parole de plus ; Mme Vésale s’emparait vite de la conversation pour lui exprimer son regret de l’avoir manqué la veille et lui faire part de l’enthousiasme qu’il excitait à l’avance, pénétrée de l’idée qu’elle lui était ainsi fort agréable. Puis ce fut le commandant qui s’en mêla, tout en rappelant à sa femme qu’il serait indiscret d’abuser du temps de M. Morère, et déclarant bientôt à l’enfant forcément silencieuse :

— Allons, petite Agnès, viens… Il faut que nous nous dirigions vers nos places !

Elle murmura :

— Oui, père.

A quoi bon rester davantage ?… Il était mort maintenant, l’espoir bien frêle qu’elle avait mis en cette entrevue, et elle avait l’impression qu’une séparation sans retour allait s’accomplir entre elle et André.

Pourtant il commençait, échappant enfin au commandant et à Mme Vésale :

— Je vous remercie beaucoup, mademoiselle, de me procurer le plaisir de parler encore devant vous, qui m’avez si bien compris à Paris. Je…

Il n’acheva pas. Après un coup discret, la porte s’entr’ouvrait, et un huissier apportait une carte, la présentant au jeune homme. Il y jeta un regard, et une sourde exclamation lui échappa :

— Où est cette dame ?

— Là, monsieur, elle arrive derrière moi.

En effet, dans l’entre-bâillement de la portière une élégante forme féminine se montrait ; et Agnès, avant même de l’avoir reconnue, l’avait pressentie, devinée au seul éclair passé sur les traits d’André Morère, quand il avait vu le nom écrit sur la carte. C’était elle, cette belle jeune femme qu’il admirait tant…

— Vous ! madame ? Est-il possible ! Vous !

Et Agnès eut l’intuition qu’en cette minute, dans le monde entier, il n’existait pour lui que cette blonde apparition. Il allait au-devant d’elle, tandis que le commandant surpris reculait machinalement, se confondant en saluts profonds, tandis que Mme Vésale restait immobile, la mine pincée.

Souriante, la jeune femme disait :

— Oui, moi-même ! C’est bien le moins que vos amies viennent vous entendre et vous applaudir !

Elle lui tendait la main. Il se courba très bas, y appuyant ses lèvres en un baiser qui sembla interminable à Agnès. Pourtant, la durée avait dû en être tout à fait correcte, car ni le commandant ni Mme Vésale ne paraissaient étonnés.

D’où venait donc, à cette enfant, l’impitoyable clairvoyance qui lui révélait la passion fugitive allumée dans les yeux de Morère, quand il releva la tête et que son regard rencontra celui de la jeune femme, s’y perdit une seconde, enveloppant autant qu’une étreinte ?…

Comment entendit-elle ou plutôt devina-t-elle ces mots qu’il murmurait sans même remuer ses lèvres :

— O chère, chère adorée, quelle imprudence pour vous, d’être venue !

Alors elle détourna la tête, ne voulant plus les voir, tant elle les sentait l’un à l’autre… Ainsi l’étaient ce Roméo et cette Juliette qui lui avaient révélé comme peuvent s’aimer des créatures humaines, qui lui avaient fait naître au cœur l’obscur et timide désir de connaître un peu, elle aussi, la chaude saveur de l’amour…

Soudain elle n’avait plus qu’une pensée, s’enfuir loin d’eux, ayant conscience du désir qu’ils avaient d’être seuls, sans étrangers importuns autour d’eux. Et ce fut presque une joie pour elle d’entendre son père adresser les paroles d’adieu. Cette fois, elle ne tendit pas la main au jeune homme… Entre eux, un lien s’était brisé… Lui ne remarqua même pas qu’elle s’éloignait ainsi.

Déjà, la salle où il allait parler était presque comble. De loin, elle aperçut Cécile, qui, gaiement, lui faisait signe de venir prendre place près d’elle. Mais elle ne parut pas comprendre cette invitation ; une soif de silence et d’isolement la dominait toute. Un déchirement s’était fait en son jeune cœur, et la blessure était trop frémissante pour qu’elle ne craignît point le plus léger effleurement. Sans le savoir, la commandante lui procura un bien fugitif, en s’asseyant auprès de Mme Darcel, qu’accompagnaient son mari et le docteur Paul.

Quatre heures sonnèrent. André Morère parut ; de formidables applaudissements éclatèrent. Et dans l’esprit d’Agnès, s’éleva le souvenir de cette après-midi où, deux mois plus tôt, elle l’avait vu pour la première fois ; du hall superbement décoré, de l’estrade fleurdelisée où il parlait en maître, de la jeune femme blonde qu’elle avait trouvée si belle… Et cette dernière évocation l’agita d’un frisson d’angoisse…

Bien vite, dans la foule des auditeurs, elle avait découvert les cheveux de lumière sous la petite toque piquée de bleuets… D’ailleurs, en commençant ne s’était-il pas tourné de ce côté, comme s’il eût voulu faire hommage de son talent à cette jeune femme qui lui était chère…

Maintenant dans la salle résonnait sa voix chaude, coupée par les applaudissements fréquents, car à Beaumont, comme partout, il s’était emparé de son public !… Mais Agnès ne pouvait pas l’écouter ainsi que jadis… Et puis ce qu’il disait ne s’adressait plus à son cœur… il parlait de questions, de sentiments, d’idées, qui étaient pour elle lettres closes ; et, sans le savoir, lui faisait ainsi, plus profondément encore, mesurer la distance où ils étaient l’un de l’autre. Cet André Morère n’était pas celui qu’elle avait connu… Il était trop au-dessus d’elle, il ne pouvait remarquer qu’une femme telle que sa belle amie… Et les yeux arrêtés sur la tête charmante de la jeune femme, elle songea, sans pitié pour elle-même : « Seule, elle l’intéresse ici… Pour elle seule, il parle. Si la salle croulait et qu’elle fût épargnée, peu lui importeraient les autres !… »

Oh ! de quel regard il l’avait, une seconde, enveloppée tout à l’heure ! et quel nom il lui avait donné !… Un nom dont le souvenir brûlait l’âme d’Agnès, premier mot d’amour qu’elle eût jamais entendu prononcer par des lèvres d’homme… Ah ! qu’il devait l’aimer, cette jeune femme, pour la nommer ainsi ! Et pourquoi ne l’aurait-il pas aimée ? Elle était si séduisante, si bien faite pour être… l’adorée ! Puisqu’elle était veuve, bientôt, peut-être, il l’épouserait…

De nouveau, un frémissement l’ébranla toute. Une sensation d’irrémédiable s’abattait sur elle… Quel espoir insensé avait-elle eu donc ?… Comment avait-elle pu espérer être quelque chose pour lui ?… Elle avait cru que la sympathie appelait la sympathie… Eh bien, elle s’était trompée… Voilà tout… Le bonheur n’était pas si simple qu’elle l’avait naïvement imaginé… Une autre était plus digne de lui qu’elle-même… Et maintenant il lui fallait recommencer à vivre, sans qu’il fût en rien mêlé à son existence. Peut-être même, elle ne le reverrait jamais… Il allait repartir pour Paris ; elle demeurerait à Beaumont pour toujours, n’ayant pas le droit de songer à lui… Et une poignante impression de vide l’étreignit à cette idée qu’il ne devrait plus exister pour elle, qu’elle ne pourrait plus ni désirer sa présence, ni souhaiter son retour…

Des acclamations enthousiastes s’élevèrent de toutes parts dans la salle ; et Agnès eut, seulement alors, conscience que des instants nombreux avaient coulé et que la conférence était achevée. Debout, André Morère s’inclinait, remerciant son public. Elle le regarda, ainsi que l’on regarde ceux dont on se sépare pour toujours, avec son âme… Puis elle suivit le flot qui l’entraînait vers la sortie.

Une grosse averse tombait, qui fit refluer les femmes sous le péristyle. Mais la commandante, qui détestait la foule où sa petite taille se perdait, appela Agnès ; et, franchissant en hâte l’allée qui menait à l’une des tentes, elle s’y précipita. Cécile y était déjà réfugiée, contemplant la floraison des œillets et des grands lis tigrés, en compagnie de son mari, du docteur Paul et de quelques amis. Elle les salua de son joyeux sourire :

— Comme vous avez raison de chercher asile ici ! On y est parfaitement. Avez-vous vu la collection des œillets ?… Une merveille tout simplement ! Venez, que je vous les fasse admirer. Ils seraient dignes d’être offerts à André Morère, en remerciement des intéressantes choses qu’il vient de nous dire et qu’a écoutées très attentivement sa ravissante amie, Mme de Villerson…

D’instinct, Agnès fit quelques pas en avant pour fuir le gai bavardage de la jeune femme. A cette heure, le nom même d’André Morère lui était douloureux à entendre, et surtout rapproché de celui de Mme de Villerson…

A l’avance, elle s’était fait un plaisir infini de cette Exposition, elle qui aimait tant les fleurs !… Et, maintenant, voici qu’elle allait droit devant elle, sans rien voir, le regard absent, arrêté sur l’invisible monde de son âme. Près d’elle, en silence, marchait le docteur Paul, dont à peine elle remarquait la présence à ses côtés, sans soupçonner de quel œil clairvoyant il l’avait observée pendant la conférence et constatait le frémissement de ses lèvres, la marmoréenne blancheur du visage devenu grave, se demandant avidement quel secret chagrin avait ainsi pu l’atteindre tout à coup… Et, ni l’un ni l’autre, ils ne sentaient les parfums confondus des grands lis et des œillets qui montaient pénétrants dans la lumière adoucie de la serre.

— Voici la collection dont parlait Mme Auclerc, dit-il doucement pour l’arracher à sa rêverie triste.

Elle tressaillit, rappelée à la réalité ; et son regard erra sur les admirables fleurs soufre, pourprées, rose de corail, amarante, dont les pétales chiffonnés, tachetés, ourlés, teintés de tons exquis, imprégnaient l’air alourdi de leur senteur fine… Elle se souvenait de cette gerbe d’œillets qu’elle avait cueillie le matin du jour où il était venu dans leur maison.

— N’est-ce pas que ces œillets sont splendides ? insista du même ton le jeune homme, inquiet de son silence.

Elle rougit, prise d’une crainte qu’il ne devinât ce qui se passait en elle.

— Oui, ils sont superbes… Cécile avait raison. Et comme ces fleurs ont l’air heureux ! Ce doit être bon de vivre sans penser, ni se souvenir, ni espérer…

Il hésita à relever ces paroles qui s’échappaient douloureuses de son âme même, car il connaissait sa réserve de sensitive. Il fallait qu’elle eût été bien profondément frappée pour se trahir ainsi. Qu’avait-elle ?… Qui l’avait blessée ?… Était-ce cet André Morère ?… Et une colère sourde secoua toutes les fibres de son être. Parce qu’il l’aimait, cette douce petite fille blonde qu’il avait vue enfant, il avait deviné le frêle roman ébauché dans son âme de vierge, sans qu’elle en eût conscience, parce qu’à l’heure où naissait en elle la confuse intuition de l’amour, un homme s’était trouvé sur son chemin, lui parlant le seul langage qu’elle pût encore comprendre…

Et une pitié tendre le domina pour cette enfant qui se tenait triste auprès de lui, les yeux perdus vers la radieuse floraison. Alors, délicatement, cherchant à lui faire un peu de bien, il reprit d’un ton de badinage, afin qu’elle ne pénétrât pas son intention :

— Enviez-vous à ce point les fleurs ? Que savez-vous si elles n’ont pas, elles aussi, une âme, une âme très délicate et très sensible, qui leur donne la puissance de souffrir tout comme nous autres humains ? Hier, j’étais là quand les jardiniers ont apporté toutes celles-ci. C’était au moment où éclatait l’orage. La pluie ruisselait sur elles et les courbait comme pour les briser. Peut-être croyaient-elles, les pauvres petites, qu’elles ne résisteraient pas à cette rude tempête… Voyez-les aujourd’hui… Vous-même leur trouvez l’air riant… Les mauvais jours sont passés !

Il s’arrêta un peu, l’observant. Elle n’avait pas bougé. Mais, à l’expression de son visage, il vit qu’elle l’avait écouté. Et il reprit encore de la même voix profonde, toute vibrante d’une douceur contenue, qu’elle ne lui connaissait guère :

— Nous devrions vraiment, nous autres hommes, n’être pas moins vaillants que ces fleurs et ne pas nous laisser abattre quand la vie nous meurtrit un peu !…

— Oui…, ce serait très sage… Mais il est bien difficile quelquefois d’être sage !

— Moins qu’on ne croit… Il suffit souvent de vouloir, de toute sa volonté, atteindre cette sagesse, et se souvenir, devant les menus et inévitables chagrins de chaque jour, des vrais malheurs qui frappent tant de créatures…

— C’est vrai, fit-elle faiblement. Merci de me l’avoir rappelé. Ce que vous venez de me dire, personne ne devrait l’oublier…

Il ne répondit pas, et tous deux restèrent silencieux, elle, ayant peur de laisser jaillir de ses lèvres l’aveu de sa tristesse indicible ; lui, craignant qu’elle ne comprît pourquoi il lui avait ainsi parlé. D’ailleurs, Mme Vésale les rejoignait enfin, et avec elle tout le groupe ami qui la suivait.

Alors ce furent des exclamations, de banales formules admiratives sur la beauté des œillets, interrompues par l’apparition du commandant. Il arrivait exultant du triomphal succès d’André Morère, dont tout le monde lui parlait. Et, entre deux phrases laudatives, il dit à sa femme :

— Morère m’a chargé de te présenter tous ses hommages et ses adieux, puisqu’il ne pourra le faire lui-même. Il est obligé de repartir tout à l’heure, par l’express de six heures vingt, étant attendu ce soir à Paris.

Le commandant ajouta encore quelques mots. Agnès n’y prit pas garde. Tout était fini, bien fini !… Elle ne le reverrait pas… Il partait sans lui avoir fait même la charité d’un pauvre mot d’adieu… Et c’était naturel, puisqu’elle n’était rien pour lui…

— Agnès, il ne pleut plus… Nous rentrons… Viens vite. Qu’est-ce que tu regardes si fixement ?

C’était sa mère qui la questionnait. Au hasard, elle répondit :

— Je regardais ce lis du Japon.

Machinalement, elle dit adieu à ceux qui l’entouraient ; mais pourtant, d’un geste voulu, elle tendit la main au docteur Paul pour le remercier tout bas, sentant que, plus tard, quand la blessure serait un peu cicatrisée, elle trouverait une force dans les paroles qu’il lui avait dites. Puis elle suivit sa mère.

Devant la sortie, une voiture était arrêtée et une jeune femme s’apprêtait à y monter… Elle, encore elle ! Au cocher, elle disait :

— A la gare, pour l’express de six heures vingt. J’ai le temps, n’est-ce pas ?

Le train que lui aussi prenait… Ainsi, ensemble ils allaient se retrouver. Et le poids s’abattit, plus accablant encore, sur la pauvre âme d’Agnès…

Près d’elle, dans les rues paisibles, son père et sa mère causaient, par bonheur, tout en marchant, et elle avait ainsi le droit de demeurer silencieuse, enfermant son secret en elle… Les lèvres muettes, elle songeait, très humble : « Personne ne doit rien savoir… personne !… C’est ma faute si je souffre aujourd’hui… J’ai mal fait de penser si souvent à lui !… J’ai été orgueilleuse de m’imaginer qu’il pouvait faire attention à moi… Dieu me punit, et je l’ai mérité… Oh ! que je suis lâche de ne savoir pas mieux accepter ! »

Très sincère, elle songeait toutes ces choses ; mais peu à peu, sa gorge se remplissait de sanglots, et, ardemment, elle pria dans sa détresse :

— O mon Dieu, permettez que je ne pleure pas avant d’être seule !

Sa mère, étonnée de son silence, demandait :

— Qu’est-ce que tu as donc, Agnès, tu ne dis rien ?

Avec effort, elle murmura :

— Je suis un peu fatiguée, maman.

— Tu n’es pas malade, au moins ? questionna le commandant, tout de suite inquiet.

— Oh ! non, père.

Très lasse, elle montait l’escalier, et, enfin ! elle entra dans sa chambre… Là, en ce jour lumineux de Pâques, elle avait eu le pressentiment de tendresses à elle encore inconnues ; là, avait palpité son imprécise espérance, délicieuse et insensée !… Elle s’accouda, les mains jointes, à la fenêtre ; et, des yeux, elle chercha le ciel, vers lequel s’élançait son âme meurtrie. Une immense sérénité tombait de l’infini clair, rosé par le couchant et redevenu limpide. Un seul nuage, frêle, neigeux, y flottait, emporté par la brise.

Elle le regarda une seconde, qui s’éloignait sans retour, entraîné par l’irrésistible souffle, et de grosses larmes lui jaillirent brusquement des yeux…

....... .......... ...

Ainsi, la vie avait emporté son beau rêve blanc…

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