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Supplément à la Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Septième: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575

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ARTICLES.

Le Roy ayant entendu ce qui a esté proposé de la part des députés de la Royne de Navarre, des Princes de Navarre et de Condé, seigneurs, gentilshommes et aultres, de toute qualité, qui sont avec eulx, les très humbles requestes, par eulx faictes à Sa Majesté, de leur donner la paix avecques les seuretés qui sont en son pouvoir, pour les faire jouir du bénéfice d'icelle, ensemble les soubmissions qu'ilz luy ont faictes de luy rendre obéissance et fidellité qu'ils lui doibvent;

Sa dicte Majesté, pour la singulière affection qu'elle a tousjours portée à la Royne de Navarre, Princes de Navarre et de Condé, pour la proximité de sang dont ils luy appartiennent, le desir qu'elle a de la conservation de ses subjects, spéciallement de sa noblesse; pour monstrer à eulx et à tous les dessusdictz son affection et clémence paternelle et royalle envers eulx, et la vollonté qu'elle a de voir tous ses subjectz ensemble réduictz soubz son obéissance, et son royaulme en repos des troubles qui y sont de présent, leur a accordé pour parvenir à une bonne, sincère et entière pacification des dictz troubles les choses qui s'ensuivent:

Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées demeurera esteinte et supprimée, comme des choses non jamais advenues, et qu'il ne sera loysible ny permis, en quelque temps ni pour quelque occasion que ce soit, d'en faire jamais mention de procès, en quelque cour ni juridiction que ce soit, ni ailleurs; et à ceste fin sera impose sillence à ses procureurs généraux en toutes ses courts de parlements et leurs substituts; sera aussi deffendu à toutes personnes privées d'en renouveller la mémoire, ni en faire reprosche, sur peine d'estre punies comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public;

Que touts arrêts, sentences, jugements et procédures faictes en quelque cour, et devant quelques juges que ce soit, durant les présents troubles, ou aux précédents, pour raison des choses passées, durant ou à cause des dicts troubles, à l'encontre des dessusdictz ou aulcuns d'eux, seront mis à néant, cassés et révoqués;

Qu'ils, ni aulcuns d'eulx, ne pourront jamais estre recerchés pour raison des pratiques ou intelligences qu'ilz pourroient avoir heues avec princes, potentats, communaultés ou personnes privées, estrangers, ni à cause des traités ou contractz qu'ils pourraient avoir faictz ou passés avec eulx pour raison des choses concernantz les dictz troubles et dépendances d'iceulx; dont le Roy les a entièrement deschargé, et leur en baillera toutes lettres et seurettés qui seront à ceste fin nécessaires, en la meilleure et plus authentique forme que faire se pourra;

Que, par le bénéfice de ceste paix, tous les dessusdictz seront remis et réintégrés en leurs honneurs et biens, pour d'iceulx jouir, eulx, leurs enfans, héritiers, successeurs ou ayans cause, paisiblement et sans aulcun empeschement.

Et pour gratiffier particulièrement les dictz Princes et ceux de la noblesse qui avoient estatz, charges et pensions de Sa dicte Majesté, le Roy les remettra en leurs dictz estats, charges et pensions, pour en jouir aussy, comme dessus est dict.

Et, quand au faict de la religion, le Roy leur permettra de demeurer et vivre paisiblement dedans son royaulme en entière liberté de leur conscience, sans estre recerchés en leurs maisons, ni les asteindre à faire chose, pour le regard de la dicte religion, contre leur vollonté. Et encores, pour plus grande sureté, Sa dicte Majesté leur accordera deux villes, dedans lesquelles ils pourront faire tout ce que bon leur semblera et qu'ils voudront, sans estre recerchés; et, en chacune d'icelle ville, le Roy aura un gentilhomme capable et idoine qui aura l'œil à ce qu'il ne soit faict chose qui contrevienne à son auctorité, et repos de son royaulme, et qui maintienne chascun en paix et repos, ne voullant Sa dicte Majesté qu'il y ait, au reste de tout son royaulme, aulcun ministre, ni qu'il soit faict aulcun exercisse de religion que de la sienne.

Et quant aux officiers de justice, finances et aultres inférieurs, attendu que, despuys la privation faicte d'iceulx par décrets et ordonnances de justice, suivant les édits du Roy, aultres ont esté pourveus en leurs places, et sont aujourdhui en l'exercisse d'iceulx; que l'argent qui en est provenu a esté despendu et employé pour soustenir les frais de la guerre; le Roy ne les peut aulcunement restituer, ni rétracter l'exécution de ses édictz pour ce regard: attendu mesmes les grandes plainctes et demandes que font ceux du clergé de son dict royaulme, et aultres, ses subjects catholiques, pour avoir réparation des dommages par eulx souffertz tant en leurs biens qu'en la démolition des églises et maisons de patrimoines, par tous les endroictz de son dict royaulme, à l'encontre de ceux qui ont faict les dictes démolitions et domages, auxquelz le Roy ne pourroit justement desnier de faire droit et justice à l'encontre de ceux contre lesquels ils voudroient prétendre, s'il falloit entrer en recognoissance de cause et réparation des dommages soufferts, d'une part et d'aultre.

Voulant Sa dicte Majesté, pour l'observation des choses susdictes, avec toute bonne foy et sincérité leur bailler toutes les seuretés qui sont en son pouvoir et qu'ils luy voudront honnestement et raisonnablement requérir, lesquelles seuretés le Roy faira esmologuer et passer par ses cours de parlement et aultres qu'il appartiendra;

Veult et entend Sa dicte Majesté que les dessusdicts réciproquement pour luy rendre la fidellité et obéissance qu'ils luy doibvent, ayent à se despartir de toute alliance, confédération et association qu'ils ont avec les princes, potentats ou communautés estrangères, hors du royaulme, pareillement de toutes intelligences, pratiques et associations qu'ils ont dedans et dehors icelluy;

Qu'ils ne fairont aulcunes assemblées, contributions ni cueillettes de deniers, sans expresse permission du Roy déclarées par ses lettres patentes;

Licentieront et fairont sortir hors son royaulme, dans un moys après la conclusion de la dicte pacification, par le chemin qui leur sera prescript par Sa dicte Majesté, sans foulle ni oppression de ses subjectz, tous estrangers estant à leur servisse; et conviendront avec eulx de leur paiement, à leurs propres coust et despens; et, à ceste fin, leur donnera le Roy telle permission qu'il sera besoin pour entre eulx cottiser et lever les sommes qui leur seront nécessaires;

Laisseront aussy les armes et sépareront aussy toutes leurs aultres forces, tant de pied que de cheval, par mer et par terre;

Se retireront chascun en leurs maisons, où bon leur semblera, incontinent après la conclusion de la dicte paix; par là où ils sçauront vivre paisiblement;

Remettront entre les mains du Roy, ou de ceux qu'il commettra, les villes, chasteaux et places qu'ils détiennent pour le présent, ou en fairont sortir les forces qu'ils y ont, y délaissant semblablement l'artillerie et aultres munitions qui sont en icelles au pouvoir de ceux que y ordonnera Sa dicte Majesté;

Et générallement restitueront, de bonne foy, à Sa dicte Majesté, ou à ceux qu'elle commettra, toutes les choses à elle appartenant, et qui se trouveront encores en nature, soit ez villes et places qu'ils tiennent et aultres lieux quelz qu'ils soyent, ou par mer ou par terre.

Faict à Angers, le IIIe jour de febvrier 1570.

XXXIX

MÉMOIRE DU ROY (en chiffre).

du Xe jour de febvrier 1570.—

Réponse à un mémoire confidentiel envoyé par l'ambassadeur.—Impossibilité où se trouve le roi d'entendre aux propositions faites par le roi d'Espagne de se liguer contre l'Angleterre, tant que la guerre civile durera en France.—Précautions qu'il faut prendre pour savoir d'où viennent ces propositions.

Le Roy, ayant veu l'instruction que le Sr de La Mothe Fénélon, son ambassadeur en Angleterre, luy a envoyé avec ses lettres du XXIe du moys passé[44], et bien et meurement considéré tout ce qui est contenu en icelles, a esté très aise d'estre adverti si particullièrement par son dict ambassadeur de l'estat des affaires de dellà; à quoy n'est point de besoin que Sa Majesté fasse responce sinon qu'il a receu et reçoit les advertissements qu'il luy donne ordinairement, de tout ce qui se faict tant en la cour de la Royne d'Angleterre que en son royaulme, à plaisir très agréable, et desire que son dict ambassadeur continue à faire le semblable et le plus souvant qu'il luy sera possible.

Sa dicte Majesté a très bien considéré ce que le dict Sr de La Mothe Fénélon luy mande de la conférence qu'il a heue avec l'ambassadeur du Roy d'Espaigne, les propos qu'ils ont tenu ensemble, et ce qu'il luy a mis en avant de persuader Sa dicte Majesté d'escrire promptement au Roy Catholique pour la commune entreprise d'entre eulx deux contre l'Angleterre, pour la restitution de la Royne d'Escosse seulement, ce qu'il s'asseuroit que le Roy, son Maistre, accorderait de faire plus vollontiers qu'il n'en seroit requis. Et voyant Sa dicte Majesté les troubles qui sont encore en son royaulme, il ne peut penser à aultre chose que de regarder, par tous les moyens qu'il luy sera possible, de les appaiser, et tâcher de remettre tous ses subjects au debvoir et obéissance qu'ils luy doibvent, et de s'establir en toutes choses que luy et ses prédécesseurs Rois ont esté ci devant; et ne fault pas que le dict Sr de La Mothe Fénélon s'estende tant qu'il se laisse entendre là dessus par le dict ambassadeur, pour ce que l'on ne sçait à quelle intention il met telles choses en avant: par quoy le faira parler et entrer en propos le plus qu'il pourra, affin d'en tirer et descouvrir ce qui l'a meu luy faire ce langage.

Faict à Angers le Xe jour de febvrier 1570.

CHARLES. FIZES.

XL

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIIe jour de mars 1570.—

Négociation de Mr de Montlouet.—Recommandation pour que l'ambassadeur empêche Élisabeth de remettre aux protestans d'Allemagne l'argent provenant des prises.—Négociation de la paix.—Remerciement pour la médiation offerte par Élisabeth.—Affaires d'Écosse.—Offre du roi de s'établir médiateur entre la reine d'Angleterre et Marie Stuart.—Charge donnée à l'ambassadeur de faire le traité.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu vos lettres du Xe du moys passé par le sieur de Montlouet, et entendu bien particullièrement par luy tout ce que vous aviés faict ensemblement, en la charge que je luy avois donnée, et la responce et résollution que vous aviés sur ce heue de la Royne d'Angleterre. Despuys j'en ay receu deux aultres des XIIIe et XVIIe du dict moys[45] par le présent porteur qui est à vous, par lesquelles vous me mandés ce que le cardinal de Chastillon a négotié avec la dicte Royne d'Angleterre, ce qu'il a obtenu d'elle, et la grande instance qu'ils font qu'elle s'ayde des deniers des prinses faictes sur des marchands, tant subjectz du Roy Catholique que d'aultres, pour les fournir en Allemaigne, en l'acquit de ses dettes, affin que les princes protestants s'en puissent accommoder au payement de leurs levées; ayant trouvé très bon ce que vous en avés dict à l'ambassadeur du dict Roy Catholique et l'advis que vous me donnés d'en escrire au duc d'Alve, comme je fais présentement au sieur de Ferrailz, qui est là de ma part auprès de luy. Et, en attendant que le dict duc d'Alve en ayt escript de par delà, je suis d'advis que vous taschiés, par tous les moyens que vous pourrés, soyt par les ambassadeurs d'Espaigne ou aultrement, d'empescher que la dicte Royne d'Angleterre ne prenne les dicts deniers.

J'ay aussi receu, par le courrier que je vous avois despéché, vos lettres du XXIIe du dict moys[46], et veu, par le contenu en icelles, ce que vous avés faict entendre, de ma part, à la dicte Dame pour le faict de la pacification des troubles de mon royaulme, et la bonne et honneste responce qu'elle vous a faicte, avec un visage plein de démonstration de joye et contentement, et du grand désir qu'elle a de voir cella sortir à effaict, et les offres qu'elle faict de s'y employer, au cas qu'il y intervînt aulcune difficulté, et d'y faire, pour moy, tout ainsy que si c'étoit son propre faict.

Sur quoy je desire que vous luy faictes entendre, de ma part, que je la remercie bien fort de ceste bonne et grande affection et volonté qu'elle a en mon endroict; et que je m'asseure que, si ceux de mes subjects, qui se sont eslevés en armes contre moy, ont bonne vollonté de m'estre par cy après fidelles, et rendre l'obéissance qu'ils me doibvent, qu'estants les articles que je leur ay envoyés si raisonnables comme ils sont, ils les accepteront. Et où il seroit de besoing qu'elle s'en meslât, je m'asseure tant de son amitié qu'il n'y a prince, ni princesse en la Chrestienté qui s'y employast de meilleure vollonté que j'estime qu'elle faira, ni à qui je m'en voulusse fier plus librement que je fairois à elle. Et où ils seroient si desraisonnables et plains de mauvaise intention et vollonté que ils ne voulleussent accepter les dictes offres, je me veux tant promettre d'elle que, non seullement elle leur reffusera toute ayde, faveur et secours, ains qu'elle se voudra, du tout, unir avec moy, comme estant question d'un faict qui touche à tous princes souverains, pour réprimer l'audace et témérité de leurs subjects rebelles; estant très aise de la déclaration qu'elle vous a faicte qu'elle ne faict point faire aulcune levée en Allemaigne, bien a oui parler de quelque levée à venir, et qu'elle ne sçait encores ce qui en est, et, quand elle l'entendra, s'il y a rien contre moy, elle le vous faira sçavoir. Et faudra que, l'entretenant tousjours en ceste bonne vollonté, vous ne laissiés pas de regarder à estre soigneusement et curieusement adverti tant du faict de la dicte levée que de toutes aultres choses qui surviendront par dellà, pour le me faire entendre.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay veu tout ce que vous m'avés mandé, concernant le faict de la Royne d'Escosse et de son royaulme, tant par vos dictes lettres que par l'instruction que avés baillée au dict porteur[47]; et, suivant l'advis et conseil que vous me donnés, je me suis résolleu d'envoyer au dict païs, dans peu de jours, un gentilhomme de ma part pour favoriser le parti de la dicte Royne d'Escosse. Et considérant le contenu en la lettre du XXIIe du passé, que vous avez escript à la Royne, Madame et Mère[48], et la responce que le comte de Lestre vous a faicte sur ce que vous luy avés remonstré du peu de satisfaction qu'elle m'avoit donné à ce que je luy avois faict requérir par le sieur de Montlouet en faveur de la Royne d'Escosse, et comme, en la dernière audiance, que vous avés heu d'elle, elle vous a offert d'elle mesmes que, s'il me plaist mettre en avant un expédiant entre elles deux qui soit honneste et non préjudiciable à elle ni à sa couronne, ni contraire à son honneur et conscience, qu'elle y entendra très vollontiers, vous ayant prié par deux fois de me le mander, je trouve très bon que vous l'entreteniés en cella, et d'aviser aux moyens que l'on pourra tenir pour effectuer ceste bonne vollonté qu'elle a; et la priés de vous permettre d'aller trouver la Royne d'Escosse pour en communiquer avec elle, et à ceux qui sont, là, de son conseil, et en dresser les mémoires et articles selon et ainsy que vous aviserez pour le mieux; pour, après, m'advertir de tout ce que vous aurez faict et arresté ensemble. En quoy je desire que vous vous employés de tout vostre pouvoir, ainsi que j'ay donné charge au dict porteur vous dire plus amplement de ma part. Et sur ce, etc.

Escript à Angers le IIIe jour de mars 1570.

CHARLES. FIZES.

XLI

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIIe jour de mars 1570.—

Ordre de surveiller avec précaution les propositions faites par Stuqueley.—Desir de connaître l'opinion d'Élisabeth et du cardinal de Chatillon sur la paix.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu quatre de vos lettres des Xe, XIIIe, XVIIIe, XXIIe du moys passé, et entendu, tant du sieur de Montlouet que du présent porteur, tout ce que vous avés donné charge de me dire; et pour ce que, par les lettres que le Roy, Monsieur mon fils, vous escript présentement, vous sçaurés bien au long son intention sur tout ce que vous nous avés mandé, je ne vous en fairay icy aultre reditte, me remettant sur le contenu d'icelles. J'ay aussy receu la lettre que vous nous avés escript en chiffre[49], que le dict porteur m'a baillé, par laquelle vous me mandés l'opinion que vous avés des affaires de delà, voyant l'estat auquel elles sont à présent, et ce que le sieur Stuquelay vous est venu dire; pareillement ce que vous luy avés bien et sagement respondu, pour la crainte qu'il fault avoir qu'il feust dextrement envoyé devers vous de la part de la Royne d'Angleterre ou de ses ministres, pour tascher de descouvrir si l'on auroit quelque mauvaise vollonté contre eulx, et si vous voudriés entendre à l'offre qu'il vous a faicte. Par quoy il me semble, pour estre la dicte Dame hors du soubçon qu'elle pourroit avoir, si l'on permettoit qu'il vînt de deçà, qu'il sera meilleur que vous l'entreteniés tousjours en ceste bonne vollonté et affection qu'il a, de faire servisse au Roy, Mon dict Sieur et fils; et, sans luy descouvrir rien de vostre costé, tirer de luy tout ce que vous pourrés, et cognoistrés qu'il vous pourra servir. Et cependant vous ne laisserés pas de vous informer secrettement des moyens et intelligences qu'il a et peut avoir avec les seigneurs de delà; et m'asseure que vous sçaurés très bien juger et cognoistre quelle apparance il y aura à ce qu'il vous a desjà proposé, et pourra encore dire, pour nous en mander après vostre advis, et ce qu'il vous en semblera. Qui est tout ce que vous aurés de moy pour ceste heure, etc.

Escript à Angers le IIIe jour de mars 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous prie de me mander ce que vous pourrés cognoistre de l'opinion que la Royne d'Angleterre a pour le faict de la paix de ce royaulme, et aussy le cardinal de Chastillon, et ce qu'ils en disent. Je vous veux bien advertir comme le sieur de Téligni parlant dernièrement à moy, je le voullus mettre en propos des troubles qui estoient lors en Angleterre; lequel me dict, sur ce que je trouvois raisonnable de punir et chastier tous les subjects qui portent les armes contre leurs princes souverains, qu'ils avoient bien faict, puisque leur Royne ne leur gardoit, de son costé, ce qu'elle debvoit; et cella vous servira pour un bon subject envers la dicte Dame, et pour tascher de luy oster l'opinion qu'elle a en leur endroict; d'aultant qu'ils se réjouissent de voir que ses subjectz feussent eslevés contre elle.

Ce IIIe jour de mars 1570.

CATERINE. FIZES.

XLII

Mr LE CARDINAL DE LORRAINE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIIe jour de mars 1570.—

Remerciemens à l'ambassadeur.—Assurance de reconnaissance.

Monsieur de La Mothe Fénélon, ayant receu ce jourdhuy la lettre que vous m'avés escripte du XXIIe de ce moys, et veu par icelle, et par la coppie de celle qu'avés envoyée au comte de Lecestre, combien la bonne affection que vous portés aux affaires de la Royne, Madame ma niepce, est accompagnée et conduicte de bon advis et meilleur effaict, je n'ay pu vous en louer ni remercier assés à mon gré, prenant espérance en la dextérité dont vous usés en ceste négociation, qu'elle pourra prendre quelque heureuse fin, si vous ne vous lassés point de continuer les bons et grands offices que vous avés jusques ici tant heureusement employés à cest effaict. Dont je vous prie, d'aultant plus affectueusement, que j'aurois regret que ceste bonne occasion se passât inutille, et qu'oultre la naturelle affection que j'ay à la dicte Dame et à son servisse, Leurs Majestés se réjouissent infiniment, en recevant quelque bonne espérance, et voyant la promptitude et dilligence dont vous usés suyvant leur intention; et croyés que la dicte Dame, ma niepce, et tous nous aultres, qui avons cest honneur de luy appartenir, n'aurons pas seulement cognoissance de la grande obligation que vous aurés acquis en nous par un si digne et recommandable servisse, mais perpétuelle mémoire pour le recognoistre de toute nostre puissance selon vos mérites. Je vous prie de rechef, puisqu'avés conduitte ceste négotiation en si bon chemin, ne vous arrester et nous acroistre par l'achèvement, le plaisir que vous nous avés baillé de ce bon commancement, dont Leurs dictes Majestez, ayant veu vos lettres, ont prinse la meilleure part. Et sur ce, etc.

D'Angers le IIIe jour de mars 1570.

Vostre meilleur ami. Le cardinal de Lorraine.

XLIII

Mr DE MORVILLERS, ÉVESQUE D'ORLÉANS, A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIIe jour de mars 1570.—

Conseils sur les devoirs d'un ambassadeur.—Félicitations sur la manière dont La Mothe Fénélon s'acquitte de sa charge.

Monsieur, j'ay veu, despuys que vous estes en ceste charge, que vous avés tousjours traicté les affaires d'une façon merveilleusement louable, et de laquelle me semble qu'un homme réhussit tousjours à son honneur: c'est de ne dire ni faire chose que les princes, avec lesquels l'on a affaire, puissent arguer de mensonge, déguisement ou malice; et qu'un ambassadeur, en toutes ses actions, soit cogneu sincère, et procédant rondement. Il y en a toutesfois qui pensent que, pour estre habille homme, il fault tousjours aller masqué, laquelle opinion j'estime du tout erronée, et celluy qui la suit grandement déceu. Le temps m'a donné quelque expérience des choses; mais je n'ay jamais veu homme, suivant ces chemins obliques, qui n'ait embrouillé les affaires de son Maistre, et, luy, perdre beaucoup plus qu'acquérir de réputation; et au contraire ceux, qui se sont conduits prudemment, avec la vérité, avoir, pour le moins, rapporté de leur négociation ce fruict et l'honneur d'y avoir faict ce que les hommes, avec le sens et jugement humain, peuvent faire.

Je vous diray, Monsieur, sans flaterie, que, tant plus je vois de vos dépesches, plus je loue le chemin que vous tenez; et espère que, le continuant, les affaires, que vous maniés, succèderont à bonne fin, au contantement du Roy, et sans offense de la princesse près de laquelle vous estes.

Au reste, vous entendés, par la dépesche du Roy et ce que vous dira le présent porteur, l'intention de Leurs Majestez sur tous les poincts de vos précédentes. Et vous diray seullement que bien heureux seroient les rois et monarques de la Chrestienté, si, de bonne foy, se voulloient ensemble réconcillier et se conforter les uns les aultres à maintenir leur juste auctorité dessus leurs subjectz; lesquels on void, de toutes parts, ne tendre à aultre fin qu'à secouer le joug et se dellivrer de toute subjection. Ils autorisent souvant des mauvais exemples, dont ils souffrent ordinairement à leur tour.

Monsieur, je me recommande humblement à vostre bonne grâce, et prie Dieu vous donner, en santé, longue vie.

D'Angers le IIIe jour de mars 1570.

Vostre bien humble ami et serviteur.
DE MORVILLERS, ÉV. D'ORLÉANS.

XLIV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIIIe jour de mars 1570.—

Réclamation à raison du pillage d'un navire français échoué en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'escriptz présentement à la Royne d'Angleterre la lectre, que je vous envoye, en faveur de François Salomon, Jehan Colombel et Jehan Chenadec, marchands et bourgeois de ma ville de Vannes, en Bretaigne, sur ce qu'ilz m'ont faict entendre qu'au mois de novembre dernier passé, ils auroient faict conduire jusques en Flandres le navire à eulx appartenant, nommé la Bonne Advanture, de Vannes, et icelluy faict charger de plusieurs marchandises, entre aultres, de diverse sorte de soyes, comme tafetas et satins, toilles de Hollande, plomb, estein, crain, cires, bufles, poudre fine et grosse, grand nombre d'érain en œuvre, serges d'Arscot et aultres marchandises, revenants bien à la valleur d'environ dix huict mille livres. Lequel navire, ainsi chargé, ils avoient délibéré faire amener au dict Vannes en Bretaigne, et, ayant prins la route du dict païs, seroient, environ le quinzième jour de janvier dernier, arrivés au port de Rosco, distant du dict Vannes de XL lieues; et estimans, après y avoir quelque temps séjourné, avoir le vent à propos et commode pour faire voille, se seroient mis en mer, où le vent leur auroit esté si impétueux et contraire que le dict navire feut jeté en la coste d'Angleterre, cuydans y estre en aussy grande seuretté comme en mon royaulme, pour la bonne et parfaicte amitié, bienveillance et commune intelligence qui est entre noz royaulmes, païs et subjects.

Les habitants du dict lieu de Falmeu, et aultres circonvoysins, subjects de la Royne d'Angleterre, se seroient jectés sur la dicte navire, et icelle déprédé, pillé, saccagé, remporté toutes les marchandises et choses qui estoient dessus, montants et revenants à la susdicte somme d'environ dix huict mille livres, oultre les agrès, appareils et munitions y estants, vallants plus de deux mille livres, qu'ils auroient aussy prins, remportés, et faict constituer prisonniers le maistre du dict navire, nommé Loys Corno, ensemble les mariniers qui y estoient.

Par quoy, et que je me suis tousjours asseuré, comme je fais encore, que la dicte Royne d'Angleterre ne le voudroit aulcunement tollérer ni permettre, et qu'elle ne l'a jamais entendu, je vous prie, Monsieur de La Mothe Fénélon, après luy avoyr présenté mes dictes lettres, faire telle instance envers elle que le dict navire, et marchandises qui estoient dessus, agrès, appareils et munitions, soyent randus et restitués à ceux de mes dictz subjects, aux quels ils appartiennent, si les choses sont encores en nature; sinon la juste valleur et estimation d'iceulx, et les mariniers, et aultres personnes estants dessus, mis en plaine et entière liberté. Vous verrés les informations qui de ce ont esté faictes, lesquelles vous sont présentement envoyées, et employerés la créance, que je vous donne par ma dicte lettre à la Royne d'Angleterre, de tous les plus honnestes propos et remonstrances dont vous vous pourrés aviser; m'advertissant, à la première occasion, de ce que vous aurés faict et de la responce que vous en aurés heüe. Et sur ce, etc.

Escript à Angers le VIIIe jour de mars 1570.

CHARLES.FIZES.

XLV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIIe jour d'apvril 1570.—

Remerciemens sur les offres de médiation d'Élisabeth, que la pacification prochaine doit rendre inutiles.—Remontrances sur les armemens faits en Angleterre.—Déclaration du roi qu'il ne souffrira pas qu'ils soient tournés contre l'Écosse.—Demande qu'Élisabeth retire ses troupes de ce pays, et qu'elle rende la liberté à Marie Stuart.—Garantie offerte par le roi pour l'exécution du traité.—Ordre donné pour qu'il soit satisfait aux réclamations des Anglais sur la pêche des côtes.—Argent envoyé à Marie Stuart.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz lettres des IXe et XIXe du mois de mars dernier; après, j'ay eu celles que m'a aportées le Sr de Vassal qui sont du XXVIIe du dict moys, ensemble les mémoires et instructions que vous luy avés baillé[50]; et, oultre le contenu d'icelles, encore quelles soient bien amples, entendu tout ce qu'il m'a particullièrement dict et exposé de vostre part, suyvant la charge qu'il en avoit de vous. Despuys, j'ay aussy receu les aultres lettres du dernier d'icelluy mois[51], me trouvant, en tout et partout, si bien et si suffisamment esclairci de tout ce qui se pouvoit apprendre, du costé du lieu où vous êtes, qu'il n'est possible de plus; tellement qu'avec très juste occasion j'en demeure fort content et satisfaict.

Et pour vous y faire responce, j'ay veu et remarqué, en premier lieu, ce que vous me faictes sçavoir du grand et singulier desir que avoit la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, d'intervenir et s'employer à la pacification des troubles de mon royaume, s'offrant d'envoyer pour cest effaict par deçà quelqu'un des siens, personnage de qualité correspondante à un tel négoce, ou bien d'en traiter par delà avec le cardinal de Chastillon. Sur quoy je ne la puis que grandement remercier de ceste sienne bonne vollonté et affection en mon endroict, vous priant faire de ma part cest office envers elle, avec toutes les plus honnestes parolles dont vous pourrez aviser, l'asseurant que, en semblable ou aultre occasion, je luy voudrois très vollontiers faire paroistre, par effaict, la correspondance de nostre bonne et commune amitié. Mais il ne sera point de besoin luy donner ceste peyne, d'aultant que ceulx de mes subjectz rebelles, qui se sont eslevés et prins les armes contre mon autorité, m'ont toujours faict remonstrer ne voulloir point entrer en capitulation avecque moy, qui suis leur roy et prince naturel et souverain; mais seullement avec toute révérence et humilité recevoir les offres que je leur fairois, tellement que, sur l'acceptation d'icelles que je leur ay cy devant envoyées, ils ont depputé quelques uns d'entre eulx pour me venir trouver, estantz desjà si bien acheminés qu'ils seront ici dans peu de jours, espérant que l'effaict de la dicte pacification sera bientost résollu: dont je ne faudray de vous advertir incontinent, affin que vous en faictes part et communication à la dicte Dame.

A laquelle vous remonstrerés cependant, pour le regard de ce qui touche le faict de si grandes forces, et l'ordre qu'elle donne encore tous les jours de les augmenter, ensemble les fournir de provisions et munitions de guerre, que je ne puis aulcunement penser que ce soit seullement pour chastier, comme elle dict, les fugitifs de son royaume qui se sont retirés au païs de la Royne d'Escosse, mais bien estimer et me persuader qu'elle a aultre intention, encore qu'elle soit sa proche parante; ce que je ne pourrai aulcunement souffrir ni tollérer, ayant le cœur grand et bon comme j'ay, et qui ne voudrois aulcunement dégénérer aux vertueux et magnanimes actes des Rois, mes prédécesseurs, qui ont toujours heu ceste résollution devant les yeux: d'employer non seulement les forces et moyens que Dieu leur a donné en main, mais encore leurs propres personnes, pour rellever et soulager les opprimés. Par quoy il ne faut pas que la Royne d'Angleterre trouve estrange si, pour l'ancienne et estroite amitié, alliance et confédération qui a esté de tout temps observée, et, de règne en règne, continuée et corroborée entre mes dicts prédessesseurs Rois et ceux d'Escosse, aussy pour m'estre la Royne du dict païs si prosche parente comme elle est, estant ma belle sœur, j'embrasse et veux embrasser le faict de sa cause comme la mienne propre, m'asseurant qu'en un si bon et saint œuvre je serai assisté de Dieu, faisant, comme je fairai, pour une Royne et princesse catholique, la quelle en ceste affliction ne sera jamais abandonnée du Roy d'Espaigne ni de tous les aultres princes chrestiens.

Mais pour n'en venir point jusque là, et devant que les choses passent plus oultre, vous prierés de ma part la dicte Royne d'Angleterre de faire rettirer ses forces du dict païs d'Escosse sans y en renvoyer d'aultres, au contraire mettre la Royne du dict Escosse en liberté pour gouverner et commander en son dict royaulme, ainsi qu'elle doibt et luy appartient de faire, estant née royne et princesse souveraine du dict païs, ou bien en laisser faire à ceux qui, de par elle et soubz son autorité, seront commis et depputés au dict gouvernement, attandu mesme que en cessi ne luy a esté donné aulcun empeschement sinon par ceux qui tiennent le parti d'icelle Royne d'Angleterre; avec laquelle je seray toujours très aise de continuer tous les bons offices d'amitié qui me seront possibles, l'asseurant que la Royne d'Escosse gardera, de sa part, tous les traités qui ont esté cy devant, et seront cy après, faicts et accordés avec la Royne d'Angleterre et ses prédécesseurs, et qu'elle vivra avec elle, gardant tout le debvoir d'une bonne et syncère amitié, sans y contrevenir aulcunement; et que je luy en veux donner telle promesse et asseurance qu'elle aura occasion d'en avoir grand contentement.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay veu par le double que vous m'avés envoyé de la lettre que vous ont escript ceux du conseil d'Angleterre, la plaincte que font les pescheurs de la Rie contre ceux de mes subjects, lesquels ilz prétendent contrevenir aux ordonnances faictes sur le faict des dictes pescheries, chose que je n'ay jamais entendue jusques à ceste heure. Et, à la vérité, je suis bien aise de le sçavoir, pour l'envie et la bonne affection que j'ay d'y pourvoir et remédier: et, à ceste fin, j'escriptz présentement au Sr de La Meilleray, mon lieutenant au gouvernement de Normandie, s'enquérir et informer bien soigneusement et dilligemment du faict d'icelles pescheries, et des contraventions aux dictes ordonnances, pour, sur ce, réduire et remettre les choses en l'estat qu'elles doibvent estre, et y demeurer en sorte qu'il n'en advienne plus aucune plainte; et qu'il ne faille à m'advertir incontinent de tout ce qu'il en aura faict et exécuté, affin que je vous le fasse entendre pour leur remonstrer par delà, et ez lieux et ainsi qu'il en sera de besoin, tellement que l'on cognoisse partout l'envie que j'ay de vivre en bonne et mutuelle amitié avec la dicte Royne d'Angleterre.

Je vous advise, Monsieur de La Mothe Fénélon, que la somme de dix sept mille livres, d'une part, et cinq mille qui seront cy après envoyés en Angleterre, n'est à aultre fin que pour estre baillée à la Royne d'Escosse, ma belle sœur, et non ailleurs, pour luy ayder à subvenir en ses affaires, comme estant de ses deniers; par quoy vous le luy fairez bailler et en prendrez quittance d'elle pour vostre descharge, que vous m'envoyerez pour faire aparoir comme elle les aura receus entre ses mains; vous ayant bien voullu renvoyer le dict Sr Vassal, sur lequel me remettant, je prie, etc.

Escript à Chasteaubriant le XIIe jour d'apvril 1570.

CHARLES. FIZES.

XLVI

LE DUC D'ANJOU A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escrite de la main de Monsieur le Duc.)

du XIIe jour d'apvril 1570.—

Protestation faite par le duc d'Anjou qu'il n'a jamais déclaré avoir l'intention, aussitôt la paix conclue, de faire une entreprise en Angleterre pour délivrer Marie Stuart.

Monsieur de La Mothe Fénélon, vous verrés par la despesche du Roy, Monseigneur et frère, responcive à celles que nous avons cy devant receu de vous, et mesme par le Sr de Vassal qui vous est présentement renvoyé, le voulloir et l'intention de Sa Majesté sur toutes vos dictes despesches, estant le tout si bien et amplement déduict qu'il ne me reste à vous dire davantage là dessus. Mais, pour le regard de ce que vous m'escrivés, en particullier, touchant quelques propos qui avoient esté tenus à la Royne d'Angleterre, et dont elle se sentoit piquée; disant que j'avois voullu persuader quelques gentilshommes, venus du camp de nos ennemis, à franchement recevoir les conditions de la paix que l'on leur offroit, et quitter toutes aultres passions pour se réunir ensemblement à une mesme bonne et entière vollonté, et que, après, je les mènerois à une très honnorable entreprise en Angleterre, pour y dellivrer une Royne que l'on y détenoit prisonnière; tellement qu'il sembloit par là que je luy voulleusse desjà dénoncer la guerre, dont elle ne pensoit m'avoir aulcunement donné l'occasion: sur quoy, Monsieur de La Mothe Fénélon, vous luy avés fort bien et sagement respondu.

Et fault que je vous die qu'il estoit impossible de faire en cella meilleur office que celluy que vous avés faict, qui est la vraye et pure vérité, lorsque vous luy avez faict entendre qu'une telle vollonté ne m'estoit point tombée dans le cœur; et quand bien il en auroit heu quelque chose, ce que non, toutesfois tant s'en fault que je l'heusse dict à ceux que je tenois et tiens encore pour ennemis, durant le temps qu'ils porteront les armes contre moy, que seullement je ne l'heusse pas voulleu descouvrir à mes amis; vous priant d'assurer, de ma part, la Royne d'Angleterre que je trouve aultant estrange ceste nouvelle comme elle est éloignée de la vérité, n'y ayant jamais pensé en quelque sorte que ce soit. Mais ce sont quelques turbulents, esprits malicieux, qui s'exercent et passent le temps à forger telles malheureuses inventions; la priant bien fort de n'en voulloir croire aulcune chose, mais au contraire que j'ay toujours heu devant les yeux ceste bonne et ferme intention de voir ces deux royaumes, de France et d'Angleterre, continuer et persévérer en leur commune et mutuelle amitié; et à faire, de ma part, tous les meilleurs offices que je pourrois pour donner tesmoignage par effaict de ma dicte bonne vollonté, qui ne sera jamais aultre. Sur ce, etc.

Escript à Chasteaubriant, le XIIe jour d'apvril 1570.

Vostre bon ami, HENRY

XLVII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IVe jour de may 1570.—

Détails sur la négociation de la paix qui est près d'être conclue.—Réponse faite aux articles par les princes de Navarre et de Condé.—Insistance du roi pour qu'Élisabeth retire ses troupes d'Écosse.—Affaires de Marie Stuart.—Résolution du roi de faire rendre justice sur les plaintes des Anglais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz lettres des IXe, XIIIe et XVIIIe du moys passé[52], et par icelles entendu, bien et particulièrement, en quel estat sont toutes choses de par delà, et tout ce qui s'y est passé jusques à l'arrivée du présent porteur qui est à vous; et m'avés faict bien grand plaisir de me tenir si souvent et si amplement adverti des occurrences du lieu où vous estes. Je n'heusse pas tant demeuré à vous faire responce sans ce, que j'attandois le retour du Sr de Biron, et ce qui réhussiroit de la négotiation de la paix, par la venue des depputés que la Royne de Navarre et les Princes, ses fils et nepveu, ont envoyéd evers moy; lesquels, oultre le contenu ez articles que je leur avois cy devant envoyés par le dict sieur de Biron, et dont je vous ay donné adviz et envoyé coppie, m'ont faict, de leur part, plusieurs aultres particullières supplications et demandes de ce qu'ils désirent obtenir de moy. Et ayant mis en considération les grandes calamités, misères, oppressions et ruines dont mes pauvres subjects sont continuellement affligés, pour raison des guerres provenant des troubles qui ont esté cy devant et sont encore à présent en mon royaulme, et pour éviter un plus grand mal et donner quelque repos et soulagement à mes subjects, j'ay bien voulleu, puisqu'il n'y avoit aultre moyen de parvenir à une pacification, leur accorder ce que vous verrés par les responces que je leur ay faictes, dont je vous envoye un double, affin que vous sçachiés les causes et raisons et occasions pour lesquelles je me suis condescendu à leur octroyer plus que de ce que je leur avois mandé par le susdict Sr de Biron et le Sr de Malassise, conseiller en mon conseil privé; ce que vous pourrés dextrement et sagement faire entendre à la Royne d'Angleterre, et luy en parler avec tel propos et langage que vous cognoistrés qu'il en sera de besoin pour mon servisse. Et n'oubliés de la remercier aussy bien fort, de ma part, de la grande démonstration qu'elle a tousjours faicte de désirer la paix et repos en mon royaulme, et la bonne vollonté qu'elle a heue de s'y employer elle mesme, tellement qu'estant toutes choses aux termes qu'elles sont, et veu les grandes et raisonnables offres que je leur fais, j'espère qu'il ne sera poinct de besoin de luy donner ceste peyne; et que ceux de mes subjects, estant de la nouvelle opinion, qui se sont eslevés contre moy, ne s'oublieront point tant qu'ils ne reçoivent la grâce que je leur fais avec les conditions contenues ès dictes responces qui leur seront offertes de ma part. Aultrement, avec juste occasion, je ne pourrois penser d'eux qu'avec très mauvaise vollonté, et que ce seroit plustôt leur ambition qui les pousserait à continuer la guerre que le zelle qu'ils disent avoir à la conservation de leur religion. Et sur ce faict je ne puis mander aultre chose jusques au retour du Sr de Biron et de Malassise.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay trouvé très bons tous les bons offices que vous avés faict, de ma part, envers la dicte Dame pour la dicte Royne d'Escosse, ma belle sœur; et m'asseure que, suyvant ce que je vous ay escript par mes dernières lettres, que le Sr de Vassal vous a aportées, vous n'aurés rien oublié de mon intention pour tascher et empescher, par tous les moyens que vous aurés peu, que les forces qu'elle voulloit envoyer en Écosse n'ayent passé oultre, ce que je désire que vous continués, et y faictes tout ce qu'il vous sera possible. Et pour le regard du secours que la dicte Royne d'Écosse desire estre par moy envoyé en son royaulme, j'ay donné charge au présent porteur de vous faire sur ce entendre ce que j'ay résollu, et aussy du surplus de ce qui est contenu ez instructions et mémoires que vous luy avés baillé.

Quand à la plaincte que ceux de la Royne d'Angleterre vous ont faicte pour un de ses subjectz qui a perdu un navire, et dont vous m'avés envoyé la requeste qu'ils vous en ont présentée, j'ay commandé que l'on vériffie le faict et qu'il en soit faicte telle punition et justice qu'il appartient, qui est tout ce que je vous escripray. Et sur ce, etc.

Escript à Chasteaubriant le IVe jour de may 1570.

CHARLES. FIZES.

XLVIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IVe jour de may 1570.—

Conférence entre la reine-mère et l'ambassadeur d'Angleterre.—Offre de l'ambassadeur de faire la proposition du mariage du duc d'Anjou avec Élisabeth.—Désir de la reine que La Mothe Fénélon appuie les projets de mariage de Leicester.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz lettres du IXe, XIIIe et XVIIIe du moys passé, auxquelles l'on a différé de vous faire responce, tant pour attendre le retour du Sr de Biron et des depputés que la Royne de Navarre et les Princes, ses fils et nepveu, ont envoyé devers le Roy, Monsieur mon fils, que pour vous avoir mandé, par le Sr de Vassal, tout ce que nous vous pouvions escrire jusques à ce que l'on ait veu la résollution qui seroit prise de la négotiation de la paix. Et pour ce que, par les lettres que le Roy, Mon dict Sieur et fils, vous escript et les responces qu'il leur a faictes, qu'il vous envoye, vous serés bien amplement instruict de tout ce qui s'est passé en cest affaire jusques à présent; m'en remettant là dessus, je ne vous en manderay aulcune chose en la présente, m'asseurant que vous en fairez sagement et dextrement entendre à la Royne d'Angleterre ce que vous verrez et cognoistrez qu'il en sera de besoin;

Vous voullant bien advertir comme, à la dernière audience que je donnay à son ambassadeur, estant sur le propos de la Royne, sa Maistresse, je luy dis que le Roy, Mon dict Sieur et fils, et moy desirions, pour l'amitié que nous luy portons, qu'elle voullût mettre la Royne d'Escosse en liberté, et luy ayder et favoriser en tout ce qu'elle pourroit pour la remettre en son royaulme, avec l'autorité qui luy est deue; et aussy qu'elle prît une résolution de se marier et de choisir quelqu'un qui feust à sa dévotion et de qui elle peut disposer à sa vollonté; et par ce moyen elle demeurerait en plus grand repos en son royaulme, et osteroit les occasions des troubles qu'elle a heue naguières, et encores a; et que ceux, qui prétendent succéder après elle, n'auroient plus de prétexte d'y faire les remuements et menées qu'ils font ordinairement.

Sur quoy le dict ambassadeur me fit responce que, si je parlois pour mon fils, le Duc d'Anjou, qu'il en escriroit vollontiers, et qu'il pensoit que sa Mestresse auroit bien agréable d'en ouïr parler.

Et, sur ce, je luy remonstray que l'âge de mon fils estoit si inesgal au sien que cella ne se pourroit effectuer, et qu'elle debvoit regarder d'en choisir quelqu'un dans son royaulme tel que bon luy sembleroit: ce que je desire que vous faciés entendre au comte de Lestre, et comme, suivant ce que vous m'en avés cy devant escript, et les propos qu'il vous en avoit tenus, j'ay dict cella au dict ambassadeur; et que ce n'est à aultre fin que pour luy faire cognoistre la bonne vollonté que le Roy, Mon dict Sieur et fils, et moy luy portons, et que nous avons faict et fairons tous les bons offices que nous pourrons pour luy ayder à parvenir à ce qu'il peut desirer en cest endroict; nous asseurant aussy qu'il faira tousjours tous les bons offices qu'il pourra envers sa Mestresse pour entretenir la bonne amitié qui est entre nous.

Quand au faict de la Royne d'Escosse, vous verrés ce que le Roy, Mon dict Sieur et fils, vous en escript, et entendrés, tant par sa lettre que par ce que nous avons dict au présent porteur, qui est à vous, sur ce plus amplement son intention; qui me gardera de vous faire la présente plus longue. Sur ce, etc.

Escript à Chasteaubriant le IVe jour de may 1570.

CATERINE. FIZES.

XLIX

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXXIe jour de may 1570.—

Affaires d'Écosse.—Nouvelle déclaration du roi pour qu'il soit enjoint à Élisabeth de retirer ses troupes de ce pays.—Offre acceptée par le roi de s'établir médiateur entre Élisabeth et Marie Stuart.—Charge donnée à l'ambassadeur de se rendre auprès de la reine d'Écosse.—Instruction pour le traité qui pourrait être conclu.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz lettres des XXIIIe et XXVIIe apvril, et IIIe et VIIIe du présent moys de may[53], par lesquelles vous me faictes bien et particullièrement entendre tout ce qui s'est passé de delà; et mesmes pour les forces que la Royne d'Angleterre a faict acheminer en Écosse, la façon de laquelle on y a procédé, ayant bruslé partout où ils ont passé, et prins le chasteau de Humes, où ils ont mis garnison, la deffaicte de la plus grande partie des forces qu'avoit milord Scrup, et particullièrement la responce que la Royne d'Angleterre vous a faicte, luy ayant faict entendre ce que je vous avois escript, et donné charge de luy dire, de ma part, pour le faict de la Royne d'Escosse et des forces qu'elle faisoit passer en son royaulme, et que, pour l'ancienne allience et amitié qui est entre ces deux royaulmes, je ne pourrois moins faire que de la secourir; ayant bien notté et considéré tout ce que vous m'en avés mandé et ce que Sabran, présent porteur, oultre le contenu en voz despesches, m'en a faict entendre amplement de vostre part. Sur quoy je vous veux bien advertir que j'ay trouvé très bon tout ce que vous en avés faict, qui est conforme à mon intention et vollonté, ayant résollu de tenir le mesme langage à son ambassadeur, lorsqu'il m'en parlera.

Et cependant vous pourrés voir la dicte Dame, et luy dire que les propos, que je luy ay faict tenir par vous, ne sont point pour rompre aulcunement la forme de paix et amitié que nous avons ensemble; qu'elle sçait bien que ce n'est pas une allience nouvelle que je fais avec la Royne d'Escosse et son royaulme, pour ce qu'il y a neuf cens ans qu'elle a esté ainsi continuée par les Rois, mes prédécesseurs, et ceux du dict Escosse; et que, pour mieux entretenir l'amitié qui est entre nous, je n'avois point voullu, suyvant la prière et requeste que son dict ambassadeur m'en avoit faicte, envoyer aulcunes forces en Escosse, sur l'asseurance qu'il m'avoit donnée que la dicte Dame n'y en envoyeroit point aussy. Et voyant à présent le contraire, et que la Royne d'Escosse et les principaux de son païs me voudroient ou pourroient sommer de les secourir, suyvant les traités, je ne pouvois moins faire, pour entretenir l'amitié d'une part et d'aultre, que de luy faire remonstrer ce que vous luy avés desjà dict; et que, pour les raisons et considérations susdictes, je la prie de rechef de ne rien faire ou entreprendre sur la dicte Royne d'Escosse et son royaulme, et d'en faire incontinent rettirer ses forces, ayant bien agréable l'offre, qu'elle vous a faicte, de voulloir recevoir les conditions que la Royne d'Escosse luy demandoit sur la commodité de ses affaires, ou que je luy faisois offrir pour elle.

Et pour mieux et plus tot acheminer ceste négociation, vous la prierez de vous permettre d'aller trouver la dicte Royne d'Escosse pour luy en communiquer, et qu'elle puisse appeller aulcuns de son conseil, telz qu'elle advisera, affin qu'avec eulx elle puisse faire mettre par escript tout ce qui sera nécessaire pour l'entretènement d'une bonne paix, amitié et concorde entre elles deux; et que je vous ay donné charge de dire à la Royne d'Escosse que je desire que, de sa part, elle garde et fasse observer et entretenir inviolablement tout ce qui sera faict et accordé entre elles, et aussy qu'elle pardonne à tous ses subjects pour tout ce qu'elle pourroit prétendre avoir esté faict par eulx, soit en faveur de la Royne d'Angleterre, ou aultrement. Et pour cest effaict, Monsieur de La Mothe Fénélon, vous regarderez par tous les moyens dont vous pourrés aviser à conduire si bien ceste résolution qu'elle a prinse, qu'il s'en puisse ensuivre bientost un bon accord, et la Royne d'Escosse mise en liberté et en l'authorité et commandement qu'elle doibt avoir en son royaulme.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous envoye un extraict de la lettre, que le maréchal de Dampville m'a escripte par Le Béloy, de la deffaicte d'un grand nombre d'hommes de cheval et à pied, qu'il a faicte sur mes subjects rebelles, affin que vous puissiez faire entendre au vray à la dicte Dame, et où il sera de besoin, ce qui en est. Et en attendant le retour des susdicts de Biron et de Malassise, que j'ay envoyé devers les Princes de Navarre et de Condé, et l'Admiral, pour leur faire entendre ma dernière résollution sur ce qu'on nous faict requérir et supplier, je suis allé en Bretaigne pour y prendre plaisir à la chasse; et m'achemine présentement, par la Normandie, vous avisant que vous ne me sçauriés faire servisse plus agréable que de me tenir ordinairement et continuellement adverti de toutes les nouvelles et occurences de delà, comme vous avés très bien, et à mon contentement, faict jusques ici, ainsi que j'ay donné charge à Sabran vous dire plus particullièrement de ma part. Sur ce, etc.

Escript à Mortaing, le dernier jour de may 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys la présente escripte, j'ay reçue voz lettres des XIIIe et XVIIe de ce moys[54], par lesquelles vous m'advertissez de ce qui s'est passé de delà, despuys voz dernières lettres, et de combien a servi ce que vous aviés faict entendre à la Royne d'Angleterre de ma part, ayant faict rettirer ses forces en la frontière; et sur ce que vous me mandez particullièrement de l'expédient que la dicte Dame veut prendre sur les affaires de la Royne d'Escosse, et comme elle pourra traicter seurement avec elle, de trois poincts; sçavoir est: du tiltre qu'elle prétend à la couronne d'Angleterre, d'une ligue et de la religion.

Pour le regard du tiltre et de la religion vous regarderez avec la dicte Royne d'Escosse et son conseil; et quand à la ligue qu'elles pourroient faire ensemble, il n'est pas raisonnable, comme vous sçavés, qu'elle soit faicte à mon préjudice; et pour oster la Royne d'Angleterre de tout soupçon, et luy faire mieulx cognoistre comme je veux vivre en bonne amytié avec elle, vous luy fairez entendre de ma part que je veux et desire entrer en ceste ligue avec elle et la Royne d'Escoce. Et, pour cest effaict, je veux et entend que vous y faictes pour moy, et en mon nom, tous ce que verrés et cognoistrés estre requis et nécessaire pour le bien de mon servisse, ainsi que j'ai donné charge plus particulière au dict Sabran de vous dire. Ce XXXIe jour de may 1570.

CHARLES. FIZES.

L

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du Xe jour de juing 1570.—

Approbation de la négociation faite par l'ambassadeur concernant l'Écosse.—Consentement donné par le roi au rappel des forces qu'il envoyait dans ce pays.—Confiance qu'Élisabeth va procéder au traité pour la restitution de Marie Stuart.—Lettre de Mr de Fizes. Déclaration que le roi ne consentira pas à ce qu'il soit accordé des otages français pour assurer l'exécution du traité relatif à Marie Stuart, mais qu'il ne s'oppose pas formellement à ce qu'il soit donné des otages écossais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys le partement de Sabran pour s'en retourner devers vous, j'ay receu vos lettres du XXIIe et XXVIIe du passé[55], par lesquelles vous me faictes bien particullièrement entendre tout ce qui a esté fait et négotié par vous, tant avec la Royne d'Angleterre que ceux de son conseil, pour le faict de la Royne d'Escosse et de son royaume; les cinq poincts qu'ils ont mis en avant pour parvenir à quelque bon accord, et pour accomoder les différents qui sont entre elles; et aussy les seurettés que la dicte Royne d'Angleterre demande pour l'entretènement de ce qui sera traicté et arresté, et enfin ce qui a esté résollu suivant le mémoire qui m'en a esté par vous envoyé. Sur quoy j'ay bien voulleu vous advertir que j'ay heu fort agréable tout ce que vous avés dict et faict entendre de ma part à la dicte Dame, et loue grandement la sagesse, prudence et dextérité de laquelle vous avés usé, selon que vous avés cogneu qu'il en estoit de besoin, et que l'occasion se présentoit; ce qui ne sçauroit avoir esté faict mieulx ni plus à propos, ni dont je puisse avoir plus de contentement et satisfaction, ni plus conforme à mon intention et vollonté, ayant résollu de tenir ce mesme langage à son ambassadeur qui m'a faict demander audience; laquelle j'espère luy donner dans deux jours, que je pourray estre à Alançon.

Et pour le regard de ce que vous avés accordé avec la dicte Dame et ceux de son conseil, ainsi qu'il est mis par escript par le dict mémoire; vous luy direz que, pour luy faire cognoistre comme je veux, de ma part, satisfaire à tout ce que vous luy avés dict, promis et accordé, et mesmes pour luy donner plus grand tesmoignage de la vollonté que j'ay d'entretenir la bonne amitié qui est entre nous, que, ayant agréable tout le contenu en icelluy, j'ay incontinent contremandé les cappitaines, avec les forces que j'avois déjà envoyées en Escosse, m'asseurant aussy que, de sa part, elle faira le semblable pour les deux mille arquebusiers qu'elle y a envoyés, despuys qu'elle a faict rettirer son armée à Barwich, et les vaisseaux qu'elle a fait mettre en mer; et que, de bonne foy, et avec telle syncérité qu'il appartient, et que je doibs espérer d'une Royne et princesse telle comme elle est, qu'elle satisfaira à ce qui est desjà accordé, et parachèvera de conclurre et arrester tout ce qui reste pour remettre la Royne d'Escosse, ma belle sœur, en liberté et en l'auctorité et commandement qu'elle doibt avoir en son royaulme, et aussy pour mettre une bonne fin, par accord et voye amiable, à tous les différents qui peuvent être entre elles et leurs royaulmes, affin que, par cy après, il n'y puisse survenir aulcune altération ni différent.

Et voyant comme vous avés fort sagement et bien conduit cest affaire jusques ici, je ne vous en manderay aulcune chose en particullier, m'en remettant et reposant de tout sur vous pour le négotier, selon et ainsi que vous cognoistrés estre convenable pour ma grandeur et réputation, et pour le bien et commodité de ceste couronne. Sur ce, etc.

Escript à Argentan le Xe jour de juing 1570.

CHARLES. FIZES.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys la présente escripte, j'ay receu vostre lettre du premier de ce moys[56], à laquelle n'est point de besoin de vous faire aultre responce, y estant satisfaict par ce que je vous mande cy dessus, sinon que j'ay esté bien aise d'entendre ce qui s'est passé despuys vos dernières lettres.

CHARLES. FIZES.

(Plus est escript dans la lettre de Mr De Fizes à Mr de La Mothe Fénélon).

Monsieur, comme je voullois fermer ce pacquet, Leurs Majestés ont receu vos lettres du 1er de ce moys, que je leur ay faict voir, et particullièrement à la Royne ce que m'avés escript sur ce que vous prévoyés que la Royne d'Angleterre s'opiniastrera d'avoir des ostages pour l'entretènement du traitté qu'elle faira avec la Royne d'Escosse, nommément le filz, si elle peut, et principallement quelques uns de la maison de Guise ou d'Aumale. Sur quoy Sa Majesté m'a commandé vous escrire qu'elle n'en veut point parler au Roy, sçachant qu'il ne trouvera poinct bon et ne voudra, en quelque sorte que ce soit, bailler aulcuns otages françois. Et, pour le regard du Prince d'Escosse et des seigneurs escossois, qu'il ne s'en souciera pas, sinon en tant que vous verrés que cella luy pourra servir, et que, pour ce regard, luy en accorde ce que l'on advisera.

Le Xe jour de juing 1570.

Vostre bien humble et affectionné amy et serviteur.

FIZES.

LI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIe jour de juillet 1570.—

Négociation concernant Marie Stuart.—Articles sur l'exercice de la religion protestante et la ligue entre l'Angleterre et l'Écosse.—Avertissement donné aux gouverneurs des ports des entreprises projetées par les protestans.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ai receu vostre lettre du XXVe du passé[57], et par le contenu en icelle veu la façon dont vous avés procédé pour faire entendre à la Royne d'Angleterre mon intention, sur ce qu'on luy avoit voullu faire acroire de l'asprest que je faisois faire en Bretaigne pour envoyer des forces en Escosse, et luy oster l'opinion que, à la persuasion d'aulcuns de ses ministres, elle avoit conceu du contraire, nonobstant la promesse que j'en avois faicte à son ambassadeur et ce que je vous ay mandé et donné charge de luy dire de ma part; ayant trouvé très bon que, au lieu de luy escrire, vous ayez avisé d'attendre qu'elle ait moyen de vous donner audience, affin que vous mesmes, de vive voix, luy puissiés dire et asseurer tout le contraire de ce que on luy a voulleu persuader; et ce pendant ceux que vous m'escrivés, lesquelz sont absents de sa cour, seront de retour; et sur ce que vous me mandés avoir descouvert que aulcuns de son conseil, qui ont tousjours voulleu empescher la liberté et restitution de la Royne d'Escosse, voyant que leur Maistresse estoit délibérée de mettre une fin à cest affaire, et parachever ce qui est desjà commancé, ont résollu de se tenir fermes aux conditions portées par vostre lettre, et dont j'ay fait faire un extraict que vous trouverez avec la présente; sur quoy vous désirés entendre ma vollonté pour l'exposer quand il sera temps et qu'il en sera traité.

J'ai pensé que, à présent, vous aurés receu toutes les despesches que je vous ay ci devant faites, et mesmes les dernières par Vassal, et le sieur de Poigny[58], par lesquelles je vous ay satisfaict à la pluspart du contenu au dict mémoire, qui est que je ne voullois poinct bailler aulcuns otages françois, de quelque qualité qu'ils le puissent demander; et, pour le regard de ceux qu'ils voudront avoir du royaulme d'Escosse, que je m'en remectz entre elles deux et leurs ministres pour en accorder, ainsi que bon leur sembleroit, réservé le Prince d'Escosse, comme n'estant raisonnable qu'il soit mené hors son royaulme. Et à ceste occasion, je desire que vous faites tout ce que vous pourrés pour empescher qu'il ne soit poinct envoyé en Angleterre.

Quand au faict de la religion protestante, pour estre establie et confirmée en Escosse; le serment solennel qu'ils veullent faire faire à la Royne du dict pays de ne se marier sans l'exprès consentement de la Royne d'Angleterre et de chasser les rebelles anglois qui se sont rettirés en son païs; la cession, qu'ils veulent qu'elle fasse à la Royne d'Angleterre et aux enfants qui viendront d'elle, de tout le droict et tiltre qu'elle prétend au dict royaulme; de déclarer, dès à présent, pour son successeur à celluy d'Escosse et aux droits qu'elle prétend à celluy d'Angleterre le Prince, son fils; je remetz cella à ce que vous en saurés bien meurement et sagement adviser avec la Royne d'Escosse et ses ministres, pour faire le traité le plus à son avantage qu'il sera possible, et qu'il ne me soit aulcunement préjudiciable.

Touchant la ligue offensive et deffensive entre les deux Roynes et leurs royaulmes, à laquelle me sera donné lieu pour y entrer, si bon me semble, vous aurés veu ce que je vous en ay mandé cy devant sur cest article, lequel méritte d'estre bien pesé et considéré par vous, ensemble celuy qui est ensuivant, par lequel il est dict qu'il ne sera loisible d'introduire nul estranger en armes dans le païs, d'où qui soit, ni par quelque coulleur ou prétexte que ce puisse estre; et se garder, le plus que l'on pourra, de n'entrer point à faire de nouveaux traictés qui puissent préjudicier aux anciennes alliances que mes prédécesseurs et moy avons heu, de si longtemps, et qui demeurent encore avec ceux d'Escosse. Et suffiroit seulement d'accorder ce que vous verrez estre bon pour l'entretènement d'une bonne et commune amitié entre elles et moy; et où vous verriés que l'on voudroit faire et accorder chose qui me feust préjudiciable, avant de passer oultre, je veux et entends que vous m'en advertissiés, pour, sur ce, vous faire entendre mes voulloir et intention.

J'ay veu aussy ce que vous me mandés des nouvelles que vous avés heues des forces d'Allemaigne, et ce que vous avés peu sçavoir de leur délibération, et pareillement de la descente que ceux de leur parti veullent faire par mer en aulcuns des ports et havres de Picardie, Normandie, Bretaigne ou Guienne, dont j'ay adverti les gouverneurs des provinces et ceux qui y commandent pour moy, affin de se tenir sur leurs gardes. Qui est tout ce que j'ay à vous escrire pour le présent, me remettant du surplus sur ce que je vous ay mandé par le dict Vassal, Sr de Poigny et celluy des vostres que vous m'avés dernièrement envoyé.

Despuys la présente escripte, j'ay receu vostre despesche du XXIXe du passé[59] et veu ce que, par icelle, vous me faictes savoir. Sur quoy n'est besoin vous faire aultre response pour ceste heure; en attendant l'advis de ce que vous aurés négotié par dellà.

Escript à Gaillon, le VIe jour de juillet 1570.

CHARLES. FIZES.

LII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIXe jour de juillet 1570.—

Mission de Mr de Poigny en Angleterre.—Mécontentement du roi de ce qu'il ne lui a pas été permis de passer en Écosse.—Espoir d'une paix prochaine.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys l'arrivée par deçà de Sabran, qui est à vous, j'ay receu deux de vos despesches du XIVe et du XIXe de ce moys[60], et par le contenu d'icelles veu ce que me mandés du faict de vostre négotiation de delà; en quoy vous me représentés si bien et particullièrement tout ce qui s'est passé après l'arrivée du Sr de Poigny, qu'avec très juste occasion je demeure fort content et satisfaict de la diligence, prudence et dextérité, dont y avés uzé, ne me pouvant trop esbahir des variétés et mutations de ceux de delà, à qui vous avez à faire, et des desfiances où ils entrent ordinairement; n'ayant voulleu permettre que le dict Sr de Poigny passât en Escosse. Et encore me semble il que vous avés beaucoup faict de luy faire accorder qu'il allast visitter la Royne du dict Escosse, ma belle sœur, laquelle n'en pourra recevoir que très grand plaisir; et tout ce qui dépend de vostre dicte négotiation tant mieux achemine; vous avisant que je retiendray encores le dict Sabran jusques à ce qu'estant les depputés des Princes retournés devers moy, la conclusion et résollution de la paix soit entièrement faicte et arrestée, affin de vous en donner avis. Cependant je vous ay bien voulleu faire ceste petite dépesche par la poste, pour seullement vous advertir de la réception de vos dictes lettres et vous asseurer du grand contentement que j'ay de vos continuelles actions et déportements; vous priant de ne vous lasser de nous faire sçavoir de vos nouvelles à toutes occasions qui se présenteront. Et sur ce, etc.

Escript à St Germain en Laye, le XXIXe juillet 1570.

CHARLES. FIZES.

LIII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IVe jour d'aoust 1570.—

Nouvelle que la paix peut être considérée comme définitivement conclue.

Monsieur de La Mothe Fénélon, vous avés cy devant entendu comme, quelque temps après le retour des Srs de Biron et de Malassise de leur voyage vers les Princes, où je les avois envoyés de Chasteaubriant, les depputés des dictz Princes sont arrivés en ce lieu pour achever ceste négociation de paix, de si longtemps commancée. A quoy j'ay tant travaillié despuys mon arryvée en ce lieu, avec la bonne assistance de la Royne, Madame et Mère, et de mes frères, les Ducs d'Anjou et d'Alençon, pour le desir que j'ay heu de remettre mon royaulme en repos, et faire cesser les grands et exécrables maux que nourrit et entretient ceste guerre, que je tiens pour ce jourdhuy les choses terminées en une bonne pacification, selon les articles qui en ont desjà esté arrestés, que je vous envoyeray par cy après; qui n'a pas esté sans assés longues disputes. Néanmoings j'ay voullu préférer le repos général de mon peuple à toutes aultres considérations particullières, ayant bonne vollonté de suyvre tous les plus propres et convenables moyens qui se pourront tanter, pour establir si bien la paix par tout mon dict royaulme, qu'il ne puisse plus tomber ez inconvéniens, desquels il a esté enveloppé despuys trois années en çà. Qui sera chose, comme j'estime, fort agréable à toutes les nations estrangères, qui ayment la conservation de mon dict royaulme, et mesmes à la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, à laquelle je vous prie faire part de ceste bonne nouvelle, pour estre celle qui, ainsi que je m'asseure, en recevra grande joye et plaisir; priant Dieu, etc.

Escript à St Germain en Laye, le IVe jour d'aoust 1570.

CHARLES. BRULART.

LIV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIe jour d'aoust 1570.—

Réponse aux nouvelles d'Angleterre.—Espoir que la pacification va rompre les projets hostiles des Anglais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu vostre lettre du XXVe du passé[61], par laquelle vous m'avés bien au vray représenté l'estat auquel sont toutes choses par delà; mesmes l'espérance où est le duc de Norfolc de sa délivrance; les préparatifs d'armes que faict la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, tant par mer que par terre, soubz coulleur du soubçon qu'elle a prins de l'armement que faict faire le duc d'Alve, pour le passage de la Royne d'Espaigne; et aussy la grande intelligence qui s'est découverte parmi les Catholiques d'Angleterre, pour faire une nouvelle sublévation dedans le royaulme; ce que je pense estre plus pour ceste occasion que pour entreprinse qu'ils ayent sur mon royaulme. Dont, s'ils a voient heu quelque mauvaise vollonté, j'espère qu'elle leur sera diminuée par la pacification des troubles, que j'ay conclue avec les depputés des Princes, qui s'ont près de moy, estant le meilleur conseil que j'heusse peu prendre, puisque, par ce qui est contenu au mémoire et instruction particullière[62] que m'avés envoyé, il se cognoit clairement que ceux de delà regardent à accommoder leurs affaires avecque les Flamans, et à nourrir la guerre en mon dict royaulme, le plus qu'ils pourront, pour le rendre entièrement ruiné. Mais, quand ils entendront la nouvelle de la dicte pacification, je croy qu'ils se trouveront fort esloignés de leurs desseins, et que, si les seigneurs du conseil de par dellà vous ont cy devant faict quelque plus grande confirmation et démonstration de la bonne amitié que me porte la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, qu'ilz en fairont encores, à ceste heure, davantage, estant bien de tel humeur de se gouverner en semblables choses, selon qu'ils voyent noz affaires estre en bon train.

Touchant la Royne d'Escosse, ma belle sœur, il se recognoistra, au retour de Poigny, de quel fruict luy aura esté son voyage par delà, desirant que, en tout et partout, vous favorisiés ses affaires aultant qu'il vous sera possible; priant Dieu, etc.

Escript à St Germain en Laye, le XIe jour d'aoust 1570.

CHARLES. BRULART.

LV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XVIe jour d'aoust 1570.—

Retour de Mr de Poigny.—Avis donné au roi d'une entreprise projetée par les Anglais sur Calais.—Injonction faite à l'ambassadeur de demander à cet égard des explications à la reine d'Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu vos lettres du VIe de ce moys[63] par le Sr de Poigny, et entendu de luy bien particullièrement tout ce qu'il a négotié avec vous envers la Royne d'Angleterre, pour le faict de la Royne d'Escosse; et attands, par la première dépesche, que vous me fairés, de sçavoir tout ce qui sera succédé, despuys son partement, en ceste négociation, m'asseurant bien que vous n'y obmettrés aulcune chose de tout ce que vous cognoistrés y debvoir estre faict pour le bien de mon servisse et prospérité de mes affaires.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous ay voullu dépescher ce courrier exprès, et vous envoyer le double de l'advis qui m'a esté donné de l'entreprinse que l'on veut faire sur ma ville de Calais, affin que vous faciés entendre, de ma part, à la Royne d'Angleterre, qu'ayant faict envers elle tous les bons offices d'amitié qu'il m'a esté possible, lesquels j'ay tousjours heu vollonté de continuer, mesmes à présent, que j'ay pacifié les troubles de mon royaulme, j'aurois grande occasion de faire le contraire, s'il estoit vray qu'elle y heust aulcune vollonté ou intelligence, ou qu'elle ait commandé à ceulx, qui ont charge de ses forces sur mer, de ce faire.

Et, pour ceste occasion, je desire d'en estre esclerci et entendre par vous son intention et l'occasion pour laquelle elle a faict faire le dict armement, affin que, heue vostre responce là dessus, je pourvoye, de mon costé, à ce que j'auray à faire. A ceste cause, je vous prie que, incontinent que vous aurés receu la présente, vous regardiés de parler à elle le plus tôt que faire se pourra, et me mander ce que vous aurés peu cognoistre et sçavoir du contenu au dict advis. Sur ce, etc.

Escript à Paris le XVIe jour d'aoust 1570.

CHARLES. FIZES.

LVI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIe jour de septembre 1570.—

Rupture du traité concernant l'Écosse.—Envoi d'un courrier exprès pour faire connaître à l'ambassadeur les intentions du roi.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu vos lettres du XXVIe du passé[64], par lesquelles vous m'avés faict particullièrement responce à ce que je vous avois escript par le courrier que je vous avois dépesché, et aussi le peu d'espérance que la Royne d'Escosse a que ses affaires réhussissent, sellon les belles parolles et promesses que l'on avoit données, et le traicté qui avoit esté commencé. Sur quoy je me remettray à ce que j'ay donné charge à Sabran, que j'envoye exprès devers vous, vous dire de ma part, par lequel vous entendrés particullièrement mon intention; qui me gardera de vous faire plus longue lettre que de prier, etc.

Escript à Paris le XIe jour de septembre 1570.

J'ay, despuys, receu voz lettres et entendu par Vassal ce que vous luy avés donné charge de me dire[65]. A quoy je vous fairay responce aussytost que nous serons de retour à Paris.

CHARLES. FIZES.

LVII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

des XXIIe et XXIIIe jours de septembre 1570.—

Départ de Walsingham.—Plainte que lui a faite le roi au sujet de l'entreprise récente du duc de Sussex en Écosse.—Déclaration du roi qu'il veut employer ses forces pour la délivrance de Marie Stuart, et pour la rétablir dans ses états.

Monsieur de La Mothe Fénélon, s'en retournant le sieur de Walsingam devers la Royne d'Angleterre, sa Maistresse, je vous ay bien voullu advertir de la réception de vostre despesche du Ve de ce moys, mais parce qu'elle a esté suivie de deux aultres voz despesches[66], que j'ay ce jourdhuy receues, ensemblement, avant que la responce en feust résollue, je remettray à vous satisfaire aux trois ensemble par la première commodité, ayant faict responce et remercier par le dict sieur de Walsingam la dicte Royne de ce qu'elle m'a escript et faict dire par luy, de sa part, sur la pacification des troubles de mon royaulme, que, comme je luy ay faict entendre, je délibère faire bien exactement observer. Et en attandant que je vous fasse ample responce à toutes vos despesches, qui sera bientost, je prie Dieu, etc.

A Paris, le XXIIe jour de septembre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuis ceste lettre escripte, j'ay donné charge au Sr de Walsingam, comme il prenoit congé de moy pour s'en retourner devers la Royne d'Angleterre sa Maistresse, de luy dire, de ma part, que je m'estois tousjours asseuré que, suivant ce qu'elle m'avoit si expressément promis, qu'elle ne fairoit ni permettroit point qu'il se fist en Escosse aulcune chose au préjudice de la Royne d'Escosse, ma sœur; et qu'ayant entendu que le comte de Sussex estoit allé de ce costé là, avec des forces, ayant, comme j'ay sceu par les derniers advis que j'en ay heus, desjà commancé à faire beaucoup de mal et de brulleries en Escosse, je m'estonnois fort de cella, et le trouvois merveilheusement estrange, veu l'asseurance qu'elle m'avoit donnée que, jusques à ce qu'il se vît ce qui pourroit réhussir de l'apointement qui se traittoit, il ne seroit faict aulcune entreprinse de ce costé là: m'ayant sur cella son ambassadeur, qui est ici, et le Sr de Walsingam respondu que le dict comte de Sussex n'estoit point advoué de la dicte Royne, leur Maistresse. Toutesfois estimant qu'il n'entreprend pas telles choses de luy mesmes, je leur ay bien faict entendre que, s'il y avoit de mes subjects qui usassent de tels déportements à mes voysins, je y sçaurois fort bien pourvoir, et en fairois faire telle exécution et justice que ce seroit exemple; et que, pour ceste cause, je priois la dicte Royne, leur Maistresse, d'y pourvoir, et me faire cognoistre qu'elle a vollonté d'entretenir ce qu'elle m'a si expressément promis en cella, et aussy pour la prompte dellivrance et liberté de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse; et que, si cella se faisoit aultrement, et qu'elle ne satisfît à sa dicte promesse, j'avois grande occasion de m'en ressentir, comme je ne fauldrois pas de faire délibération de ne laisser aulcunement ma dicte sœur, mais au contraire de l'assister et ayder, non seullement pour sa personne, affin qu'elle puisse estre bientost mise en liberté, et aussy pour les affaires et conservation de son païs, et de n'espargner en cella les moyens que Dieu m'a donnés.

Dont j'ay bien voullu vous avertir, affin que, de vostre part, vous regardiés de le faire entendre doucement à la dicte Royne d'Angleterre, observant bien sa contenance et ce qui se pourra en cella juger et estimer d'elle, lorsque luy en parlerez. Dont m'escrirés le plus tôt que vous pourrés ce que sur cella elle vous respondra; et que vous faictes aussy entendre le tout à ma dicte sœur, la Royne d'Escosse. Sur ce, etc.

De Paris, ce XXIIIe jour de septembre 1570.

CHARLES. PINART.

LVIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

des XXIIe, XXIIIe et XXVIe jours de septembre 1570.—

Recommandation pour la reine d'Écosse.—Assurance donnée aux réfugiés français en Angleterre qu'ils peuvent en toute sûreté rentrer en France.—Secret que doit garder l'ambassadeur au sujet des secours qui sont envoyés par le roi en Écosse.

Monsieur de La Mothe Fénélon, par la lettre que le Roy, Monsieur mon filz, vous escript, vous verrés qu'il remet à vous satisfaire en brief à trois despesches que nous avons, puis naguières, receues de vous, dont les deux dernières n'ont encores esté leues; qui me faict aussy attendre à respondre à ce que par icelles vous m'escrivés. Et n'estant ceste despesche faicte que pour accuser la réception des vostres, affin que n'en demeuriés en aulcune peyne, je n'estendray ceste cy davantage que pour prier Dieu, etc.

Escript à Paris, le XXIIe jour de septembre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys ceste lettre escripte, nous avons ouvert et veu vos dictes despesches, auxquelles le Roy, Monsieur mon fils, vous faict si amplement responce qu'il n'est besoin, me remettant à ses dictes lettres, vous en dire davantage; comme aussy ne fairay je que pour vous prier d'assister, en tout ce que vous pourrés, ma fille, la Royne d'Escosse, et faire, s'il est possible, que, par les moyens que nous vous mandons, elle puisse estre bientost mise en liberté et ses affaires aller bien; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XXIIIe jour de septembre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, nous avons veu, par vostre despesche du XIXe de ce moys[67], que nous avons receu en fermant ceste cy, ce que nous mandés de l'armement des grands navires et préparatifs de vivres qui se font par delà, et l'occasion pour laquelle vous estimés que c'est: à quoy, toutesfois, il ne se fault pas trop fier. Et sera bon que ayés tousjours l'œil ouvert, comme avés acoustumé, pour voir de quel costé l'on les voudra employer, pour nous en advertir continuellement.

Nous avons aussy veu, par vostre lettre, le retardement du partement du secrettaire Cecille et de ceux qui debvoient aller avec luy pour la négotiation des traictés et affaires de ma fille, la Royne d'Escosse.

Quand aux françois qui estoient de delà, et que nous mandés qui font difficulté de revenir en France pour le danger qu'ils pensent qu'il y auroit pour eulx, retournant à Rouen, Dieppe et Calais, et que l'on faict difficulté de les y recevoir, vous les pourrés bien asseurer qu'ils doibvent venir asseurément, et que le Roy, Monsieur mon fils, a pourveu qu'ils y seront doucement receus et maintenus.

Et quant aux marchands qui poursuivent de delà des déprédations, vous aurés veu ce qu'en aura esté accordé par l'édict de pacification qui vous a esté envoyé, à quoy il vous fault régler; vous priant, pour la fin de ceste lettre, de continuer à nous advertir tousjours de ce que vous pourrés apprandre de l'ambarquement et passage de la Royne d'Espaigne et des aultres occurances. Et sur ce, etc.

Escript à Paris, le XXVIe jour de septembre 1570.

L'ambassadeur de ma fille, la Royne d'Escosse, m'a présentement dict que vous aviés escript à sa Maistresse, ou faict dire, que nous ne la pouvions aulcunement secourir des harquebusiers dont nous luy avons donné espérance. Sur quoy je n'ay aultre chose à vous dire si ce n'est qu'il fault que vous vous comportiés en cella avec la plus grande discrétion que vous pourrés, envers la Royne d'Angleterre; toutesfois sans dire chose qui nous mette à la guerre; faisant néantmoings tous les bons offices que vous pourrés pour assister ma dicte fille, la Royne d'Escosse, à sa prompte délivrance et au bien de ses affaires, comme le Roy, Monsieur mon fils, vous a escript.

Ce XXVIe jour de septembre 1570.

CATERINE. PINART.

LIX

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIIIe jour d'octobre 1570.—

Attente de la réponse d'Élisabeth sur la déclaration du roi touchant l'Écosse.—Désignation de Cécil et de Me Mildmay pour discuter le traité concernant Marie Stuart.—Crainte que cette négociation ne reste sans résultat.—Recommandation faite à l'ambassadeur de surveiller les nouvelles d'Allemagne.—Détails sur le mariage du roi.—Satisfaction exprimée à l'ambassadeur à raison de ses services.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys le partement de Vassal que je vous ay renvoyé ces jours icy, j'ay receu deux lettres de vous, l'une du XXIVe et l'aultre du XXIXe du moys passé[68]; et, avant que vous y faire responce, je vous diray que, à l'arrivée du dict Vassal par delà, vous aurés esté amplement satisfaict de tous les points portés par vos précédentes despesches, et si, aurés entendu de luy le desir que j'ay de sçavoir bien particullièrement la responce que vous aura faicte la Royne d'Angleterre sur ce que je luy manday par le sieur de Walsingam, et que je vous ay despuis escript luy dire modestement. Dont j'attands de vos nouvelles en grande dévotion combien que j'estime, suivant ce que m'escrivés par vostre dicte lettre du dernier du passé, que la dicte Royne monstrera tousjours avoir expressément deffendu le déportement du dict de Sussex, et que, pour négotier quelque bon traicté, elle a despéché son secrettaire Cecille avec Me Mildmay et le sieur de Ross pour y aller faire quelque bon appoinctement, mais je demeure en opinion que tout cella ne seront enfin que parolles. Toutesfois, il fault que vous y faites tout ce que vous pourrés pour y voir clair, et m'en donner continuellement advis, faisant à ma sœur, la Royne d'Escosse, et à ses affaires, toute l'assistance qu'il vous sera possible.

Cependant, pour responce à vos dictes deux dernières lettres, je vous diray que j'ay bien considéré ce que m'escrivés par celles du dict XXIVe du passé, de l'advis que l'on a par dellà du retardement qui pourra estre au passage de la Royne d'Espaigne, si elle suit ce que luy a esté, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ceste lettre, nous avons receu vostre despesche du Ve de ce moys[69], à laquelle vous verrés qu'il est aussy comme du tout satisfaict par ce que j'en ay escript cy dessus. Et tout ce que je y puis adjouster est que vous apreniés tout ce que vous pourrés du costé d'Allemaigne, et persévériés à nous en donner avis; voullant bien, au demeurant, vous dire, pour le regard de mon mariage, que l'archiduc d'Austriche doibt espouser Madame Elisabeth en mon nom: et s'en doibt faire la cérémonie à Espire par l'archevesque de Mayence; ayant envoyé le comte de Retz par delà pour porter les pouvoirs au dict archiduc et assister à la dicte cérémonie. Et, comme nous serons advertis quelle s'acheminera pour venir, mon frère, le Duc d'Anjou, et ma sœur de Lorraine s'avanceront jusques sur la frontière pour la recevoir avec tout l'honneur qu'il appartient, et dont il se pourra aviser, et de là la conduiront à Mésières, ou elle trouvera tous ceux de sa maison qu'elle y recevra; puis l'amèneront à Compiègne, où nous serons pour y consommer les nopces. Et, cella faict, nous la mèneront à St Denis en France pour le couronnement, puis après à Paris pour y faire entrée. Je sçay que vous serez bien ayse de ces agréables nouvelles, puisque vostre emploi vous prive d'y estre présent. Je vous assure que je ne me souviendrai pas moins de vous dans les occasions, voulant bien vous dire, en passant, que jamais ministre ne m'a servi plus fidèlement que vous et sans aucun reproche. J'espère que continurés de mesme, et je vous continuerai mes affections. A tant, je prierai Dieu, etc.

Escrit à Escouen, le XIIIe jour d'octobre 1570.

CHARLES. PINART.

LX

L'AMBASSADEUR D'ANGLETERRE AU ROY.

du XVIe jour d'octobre 1570.—

Communication faite au roi des noms des commissaires désignés par Élisabeth pour discuter le traité relatif à Marie Stuart.—Remontrance sur ce que Mr de Vérac serait entré avec des forces dans Dumbarton.—Et sur les secours qui seraient préparés en Bretagne pour l'Écosse.

Sire, suivant vostre desir, je vous envoye, par escript, la négotiation que la Royne, ma Maistresse, m'avoit commandé de vous faire entendre, suppliant très humblement Vostre Majesté de faire telle faveur de me donner responce à icelle, semblablement par escript.

En premier lieu, Sire, suivant vostre desir et de la Royne, vostre mère, j'ay faict entendre à la Royne, ma Maistresse, combien il seroit bon, et à vous agréable, qu'il luy pleust donner quelque bon moyen et ordre touchant la Royne d'Escosse, tellement que ce peust estre avec son honneur et seureté.

Et comme, Sire, Sa Majesté a tousjours prins en bonne part vostre motion et sollicitation, ainsi a elle plusieurs fois commencé de procéder à quelque bon accord avec la dicte Royne; mais, quand elle a esté sur les termes et voyes de ce faire, Sa Majesté a esté entièrement empeschée et retardée, tant par les propres faicts et actions de la dicte Royne que de ses subjects, lesquels elle a commis en authorité en Escosse, en ce qu'ils ont non seullement entretenu et maintenu ouvertement et publiquement au dict païs les rebelles à Sa Majesté, mais aussy leur ont aydé et assisté à faire invasion en son royaume; tellement que Sa Majesté n'a peu faire aultrement qu'elle a faict pour son honneur et seureté, qui est d'avoir deffendu son royaume, poursuivi les dicts rebelles et chastié ceux qui leur assistoient. Mais maintenant, Sire, voyant que la dicte Royne d'Escosse et ses subjects sont contents de se contenir de poursuivre leurs premières actions et mauvais desseins et usages, et consentir et promettre de garder et maintenir la paix avec les fidelles subjects de la Royne, ma Maistresse, elle a résollu d'envoyer personnages de bon crédit, fidélité et marque, de son conseil privé, vers la Royne d'Escosse, affin d'entendre l'entière résollution et intention d'icelle. Aussy, Sa Majesté a octroyé passeport et saufconduit pour tels notables personnages que la dicte Royne d'Escosse voudra envoyer par devers icelle, tant pour négotier pour elle et adviser de mettre quelque bonne fin entre elle et ses subjects, qu'aussy entre Leurs Majestés. Aussy, Sire, Sa Majesté vous prie d'interpréter son intention en la meilleure part; vous asseurant, Sire, qu'elle a bien sincère vollonté d'y procéder plènement et sans dellay, si la Royne d'Escosse monstre, de sa part, de faire le semblable.

Davantage, Sire, Sa Majesté a entendu qu'un nommé Vérac, soy disant être à vostre service, est dernièrement arrivé à Dombertran avec certains soldats et munitions, donnant confort et ayde, au dict nom de Vostre Majesté, à tels escossois qui ont peu désir et vollonté d'avoir quelque bon accord en Escosse, leur donnant entendre que s'ils diffèrent encore quelque temps d'accorder entre eux, au dict païs d'Escosse, ils auront davantage d'aide et secours de la France. De quoy Sa Majesté ne peut et ne doit moins que informer Vostre Majesté; trouvant ceste chose fort estrange, Sire, veu les promesses et asseurances que vostre ambassadeur, résidant près d'elle, luy a toujours faictes du contraire. Pourquoi, Sire, Sa Majesté vous prie de l'en esclercir, et de cognoistre vostre vraye intention; sur laquelle elle se puisse asseurer.

Semblablement, Sire, Sa Majesté a esté advertie qu'il se fait préparation, en Bretaigne, de quelques navires par un nommé de La Roche, pour icelluy transporter avec certain nombre de gens de guerre en Irlande. Et veu, Sire, que vostre dict ambassadeur l'a dernièrement, et par plusieurs fois et instamment asseuré, de vostre part, d'observer entièrement, par tous bons moyens possibles, la paix, l'amitié et accord entre Voz Majestez, Sa dicte Majesté a trouvé bon de vous advertir de ce que dessus; vous priant, Sire, de donner ordre que vos gouverneurs de Bretaigne ayent l'œil que nulle personne attente telle chose.

Voylà, Sire, le contenu de la charge que j'ay dernièrement receu de la Royne, ma Maistresse, vous suppliant, Sire, y avoir esgard.

Sire, je supplie le Créateur de préserver, maintenir et acroistre Vostre Majesté, et vous donner toujours l'assistance de son esprit en toutes voz bonnes actions.

A Paris, ce VIe (XVIe) jour d'octobre 1570.

Et plus bas est escript. Vostre très humble et obéissant.

HENRY NOIREYS.

LXI

LE ROY A L'AMBASSADEUR D'ANGLETERRE.

du XVIIe jour d'octobre 1570.—

Déclaration faite par le roi à l'ambassadeur d'Angleterre que c'est par son ordre que Mr de Vérac est passé en Écosse, et que des préparatifs se font en Bretagne pour secourir Marie Stuart.—Espoir que le traité entre la reine d'Angleterre et la reine d'Écosse sera bientôt conclu.

Monsieur l'ambassadeur, j'ay veu par vostre lettre, escripte du jour de hier, la remonstrance que vous aviés à me faire de la part de la Royne d'Angleterre, Madame ma bonne sœur. A quoy je vous diray que je suis bien fort aise de la vollonté qu'elle a de prendre une si bonne résollution sur les affaires de la Royne d'Escosse, ma sœur, et que, pour cest effaict, elle envoye le secrettaire Cecille et aultres ses ministres; mais, pour ce que je desire que cella soit accéléré, et qu'il y soit mis une prompte fin, je ne puis que je ne la prie ceste fois, pour toutes, et sans plus de remise ou longueur, ne voullant pas vous nier que je n'aye ci devant envoyé le sieur Vérac, dont vous faictes mention par vostre lettre, avec quelques gens et munitions, pour secourir Dombertrand, que j'entendois, lors, que l'on voulloit aller assiéger, et que, pour l'ancienne alliance qui est entre ce royaulme et celluy d'Escosse, et particullièrement, parce que la dicte Royne d'Escosse, ma sœur, me touche de si près, je ne sois délibéré de la secourir en ceste nécessité, et de procurer sa liberté par tous les moyens que Dieu a mis en ma puissance; ayant véritablement, selon cella, donné ordre de faire quelques préparatifs en Bretaigne pour cest effaict, sans voulloir toutesfois rien offenser ni altérer de la bonne amitié et intelligence qui est entre la dicte Royne, vostre Maistresse, et moy; qui mettray, de ma part, tousjours peyne de la nourrir et confirmer par tous les bons et honnestes moyens et déportements dont je me pourray aviser; m'asseurant que, de sa part, elle voudra faire le semblable, et que, ceste fois, elle faira parroistre à ma dicte bonne sœur, la Royne d'Escosse, que, quand il n'y auroit que l'instante prière que je luy en fais, qu'en cette faveur le traicté, que j'espère qui se faira bientost, sera si bien establi que dorsenavant ce sera une mutuelle amitié entre elles et moy, aussi comme, de ma part, je le desire bien fort. Et estant ce que je puis escrire pour le présent, je prieray Dieu, Monsieur l'ambassadeur, vous avoir en sa garde.

Escript à Escouen, le XVIIe jour d'octobre 1570.

Signé CHARLES; contresigné PINART.

Et dessus: à Monsieur de Noreys, ambassadeur de Madame ma bonne sœur, la Royne d'Angleterre.

LXII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIXe jour d'octobre 1570.—

Persistance du roi dans sa déclaration concernant l'Écosse.—Satisfaction des nouvelles diverses données par l'ambassadeur.—Prochaine arrivée en France de la jeune reine.—Mission de Mr de L'Aubespine en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuis le partement de Vassal qui vous a porté la résollution et satisfaction, tant de la despesche que m'envoyastes par luy[70], que de celles que m'avés despuys faictes, par l'ordinaire, jusques à son partement, j'en ay encores receu deux, auxquelles je vous ay satisfaict aussy par l'ordinaire despuys quatre jours. Mais ayant receu une lettre de l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, et à icelluy faict responce, je vous ay bien voullu faire ceste cy, et vous envoyer les doubles de sa dicte lettre et de la responce que je luy ay faicte par escript[71], affin que, vous entendiés les termes où nous en sommes; et que, parlant à la dicte Royne d'Angleterre, comme je suis bien d'advis que vous en preniés l'occasion le plus souvant que vous pourrés, vous luy teniés tousjours modestement le langage que je vous ay ci devant escript, conforme à la responce que j'ay faicte à son dict ambassadeur, ainsi que vous verrés par le double d'icelle.

J'ay, ce soir, receu vostre lettre du Xe de ce moys[72], et ay veu par icelle le raport que le Sr de Walsingam a faict à la dicte Royne, sa Maistresse, de son voyage par deçà, et que vous avés entendu que s'est faict au passage de la Royne d'Espagne, où j'ay prins bien grand plaisir: desirant, sur ce que vous m'escripvés, (qu'il n'y a pas tant de mauvaise vollonté entre les Espaignols et Anglois qu'ils n'accommodent bien le différant qui est entre eux), que vous y pénétriés le plus que vous pourrés, et me faictes entendre comme ils s'en seront accordés ou desportés, et en quelle satisfaction s'en retourneront les commissaires que y avoit envoyé le duc d'Alve.

Et, pour le regard de ce que l'agent portugais, dont aussy vous m'escripvés, a voullu dire de Sores et de ceux de la Rochelle, j'en avois bien desjà sceu quelques nouvelles; mais je vous diray et asseureray que, par toutes les despesches que je fais à ceux de la dicte Rochelle, je ne leur recommande rien tant que de se contenir sans offancer les subjects de mes bons amis et alliés, et leur en fairay encores une deffence, par la première occasion, à ce qu'il ne s'y fasse chose dont il puisse venir plainte.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, c'est seullement de vostre costé que j'ay nouvelles de l'eslection[73], dont m'escrivés, à quoy je ne vois pas grande apparance. Toutesfois je vous prie d'en sçavoir plus clairement ce qui en est, m'esbahissant que je n'en ay heu advis, s'il en est quelque chose, d'Italie et d'Allemaigne. Ce me fera plaisir que m'advertissiés souvent de tout ce que vous entendrés de delà, ainsi que vous avés faict cy devant, dont vous me donnerés toute satisfaction et contantement; n'ayant pour ceste heure aultre chose à vous dire, si n'est que, suivant ce que je vous ay par ma dernière escript, ayant heu advis certain que la Princesse Elysabeth partira le XXIVe de ce moys de Spire pour s'acheminer en France, mon frère, le Duc d'Anjou, et ma sœur de Lorraine partiront aussy, d'icy, entre six ou sept jours, pour aller au devant d'elle à la frontière, deux ou trois journées par delà Mezières, la recepvoir et accompaigner, la menant, (passant par le dict Mésières, où elle faira sa première entrée, et où elle trouvera toute sa maison), droict à Compiègne, où elle pourra arriver le douxiesme du moys prochain; et, le XVe, se faira et consommera nostre mariage, Dieu aydant.

Escript à Escouen, le XIXe jour d'octobre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuis ceste lettre escripte, j'ay advisé d'envoyer devers vous le secrettaire de L'Aubespine, présent porteur, affin que, par luy, vous me puissiés amplement faire responce à toutes mes précédentes lettres, et à ceste cy; mesmement de ce que vous aura respondu la Royne d'Angleterre sur ce que je luy manday par le Sr de Walsingam, et que je vous ay despuis escript luy dire modestement, conforme à la responce que j'ay faicte par escript à son ambassadeur.

CHARLES. PINART.

LXIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXe jour d'octobre 1570.—

Mission de Mr de L'Aubespine en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay avisé de vous envoyer le secrettaire de L'Aubespine affin que, par luy, vous nous puissiés escrire ce que la Royne d'Angleterre vous aura respondu sur le propos que le Roy, Monsieur mon fils, lui a mandé par le sieur de Walsingam, pour le faict de la Royne d'Escosse, ma fille; et sur ce que vous luy en avés aussy modestement déclaré, suivant la despesche que nous vous en avons faicte, conforme à ce que mon dict fils a, pour cella, respondu par escript à l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre.

Quand vous me voudrés escrire du contenu en ceste lettre, il fault que ce soit de vostre main; et suffira que me mandiés, par une lettre à part, que c'est de l'affaire dont je vous ay escript par le dict de L'Aubespine, sans exprimer davantage: car je l'entendray bien.

A Escouen, ce XXe jour d'octobre 1570.

Vostre très affectionnée.
CATERINE. PINART.

LXIV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escrite de la main de la Royne Mère à Mr de La Mothe Fénélon, pour luy estre rendue en mains propres.)

du XXe jour d'octobre 1570.—

Proposition du mariage d'Élisabeth avec le duc d'Anjou.—Détails confidentiels sur les dispositions qui pourraient être prises à l'effet de marier le duc d'Anjou avec l'héritière qui serait désignée pour la couronne d'Angleterre.—Autorisation donnée à l'ambassadeur de communiquer à cet égard avec Cécil.—Recommandation du plus profond secret.

Monsieur de La Mothe Fénélon, Mr le cardinal de Chastillon a faict tenir propos à mon fils, le Duc d'Anjou, d'une ouverture de mariage de la Royne d'Angleterre et de mon dict fils; en quoy celluy qui en a parlé donne telle espérance qu'il croit qu'il se faira fort aisément, si nous voullons. Mais, parce que nous avons pensé que ceste ouverture se faisoit pour l'intelligence et peut estre menée de la Royne d'Angleterre, et beaucoup plus en intention de se servir du temps et de nous, pendant que cessi se négotieroit, qu'elle fairoit conduire à la longue, que pour vollonté qu'elle heust de se marier, je répondis à celuy qui m'en parla que je ne pensois pas que la dicte Royne d'Angleterre se voullût mettre en la subjection d'un mari; mais que, s'il y avoit quelque femme ou fille à marier qui luy appartînt de si près qu'elle la peut faire et asseurer héritière de la couronne après elle, qu'il seroit beaucoup plus convenable ainsi; et que, si cella se pouvoit faire de ceste façon, que la dicte Royne auroit, par le moyen de ceste alliance, tous les contentements et grandes amitiés qu'elle pourroit desirer et espérer en ce monde, tant du Roy, Monsieur mon fils, que de mon dict fils, le Duc d'Anjou; et par conséquent de tous ceux de mon royaulme, et aussy des grands qui y sont alliés.

Et, au second voyage de celluy qui tint ce propos de la part du dict sieur cardinal de Chastillon, celluy, qui m'en a parlé, m'a dict, à ceste occasion, que icelluy sieur cardinal avoit sceu qu'à ces proschains Estats, qui se debvoient tenir en Angleterre, icelle Royne seroit fort pressée, voire contraincte de se marier à quelque grand prince, et qu'il falloit nécessairement qu'elle avisât de s'en résoudre. Sur quoy je n'ay rien respondu. Aussy, par mesme moyen, il me dict que celluy, qui en a parlé à mon dict fils, avoit encores en cella quelque chose à me faire entendre. Je sçauray que c'est.

Mais cependant je vous diray que, si l'on cognoissoit clairement que la dicte Royne heust franche vollonté de se bien establir avecque nous par le moyen du mariage de mon dict fils avec celle qu'elle voudroit faire héritière de sa couronne, après elle; comme j'estime que c'est chose qu'elle a et doibt avoir en affection pour son repos et contentement, à présent qu'elle se void hors d'espérance d'espouser l'archiduc Charles, qui se marie à sa niepce, la fille du duc de Bavière, je croy qu'il seroit expédiant, et j'estime que c'est chose que nous et elle devons desirer, pour le bien de la Chrestienté, et principallement de ces deux couronnes, qu'elle fist déclarer, aux dicts proschains Estats d'Angleterre, la plus prosche à sa couronne héritière après elle de sa dicte couronne et royaume; et, en ce faisant, faire expressément résoudre, aussy par les dicts Estats, le mariage de ceste héritière là avec mon fils; chose qui, je suis très asseurée, apporterait à la dicte Royne tous les contentements qu'elle sçauroit espérer, comme s'il estoit son propre fils; car il est de si bon naturel que, si elle luy faisoit et procuroit ce bien, il la serviroit et honnoreroit d'affection. Et, oultre cella, se pourroit icelle Royne prévaloir grandement, à l'occasion de ce mariage, en tous ses affaires, tant de la faveur et des moyens du Roy, Monsieur mon fils, que de mon fils le Duc d'Anjou, qui a heu cest honneur d'avoir, à son âge, conduit et commandé heureusement de si belles armées, et gaigné de si grandes batailles, y ayant acquis l'expérience et telle réputation, par toute la Chrestienté, que prince ne la sçauroit desirer plus grande ni meilleure qu'il l'a.

Je vous ay bien voulleu faire tout ce discours, vous priant de le tenir si secret que nul des vostres, ni aultre, quel que soit, n'en sçache rien. Et fault tascher de descouvrir et voir si vous pourriés rien apprendre de cessi, pour m'en donner advis à toutes occasions; et, si vous cognoissés que l'on en puisse espérer quelque bon fruict, il fault que, secrettement et accortement, comme je sçay que vous sçavés très bien faire, que vous en parliés, comme de vous mesmes, au secrettaire Cecille, qui s'est allié à une maison qui a, comme j'ay entendu, faict tousjours concurrance à la Royne d'Escosse, ma fille, pour la succession de la couronne et royaulme d'Angleterre, affin qu'il regarde quelle femme ou fille, de ceste maison là, seroit la plus apte à s'y introduire; et, sur cella, entrer en propos avec luy, à bon escient, et luy faire amplement entendre, comme vous sçavés très prudemment faire, le grand bien qu'il se fairoit, à luy mesme et à sa maison, de moyenner et conduire cella à perfection; et que, par ce moyen, il honnoreroit et asseureroit du tout sa dicte maison, et si, demeureroit à jamais grand, maniant encores, avec beaucoup plus d'authorité qu'il n'a jamais faict, le royaulme et affaires d'Angleterre. Et, oultre cella, il se serait employé pour un prince, qui recognoistroit si bien le bon office qu'il faira en cella pour luy, qu'il n'en pourroit espérer que tout heur et félicité à luy et aux siens.

Il y a, ce me semble, une femme de ceste maison là qui a esté longtemps prisonnière avec son mari et deux leurs fils[74]. J'ay ouï dire que le dict mari est mort en prison, il faudroit sçavoir si elle seroit la plus proche, et, si ainsi estoit, pour ce que, si on luy faisoit ce bien là, et qu'il n'y feust par mesme moyen pourveu, ses fils seroient héritiers de la dicte couronne d'Angleterre, il faudroit faire, pour remédier à cella, que les susdicts Estats la déclarassent héritière de la couronne d'Angleterre, et, pour certaines grandes occasions, les dictz enfans, descendants du mariage d'elle et de mon dict fils seullement, et non d'aultres mariages.

Je vous ay bien voulleu commettre ce discours, sçachant bien que vous estes si affectionné à ceste couronne et si prudent que vous en sçaurés dignement user, et vous y comporter comme il fault, vous priant que j'aye, sur ce, de vos nouvelles, le plus souvant que vous pourrés, et que personne du monde ne sçache rien de ce que je vous escriptz, ne failhant, quand vous me manderés quelque chose, de m'en faire, de vostre main, une lettre à part que vous plierés fort menu. Et ne m'en escrivés jamais que quand vous m'envoyerez quelqu'un exprès pour les aultres affaires de vostre charge, ou par homme seur, qui vous pourra estre envoyé d'ici; et, quand vous m'en escrirés, vous dirés à celluy, à qui vous baillerés vos lettres, que, s'il se trouvoit pressé ou en danger d'estre arresté ou foullié, combien que nous soyons hors de ceste crainte là, puisque Dieu nous a donné la paix, qu'il jette ou fasse des dictes lettres en sorte qu'elles ne soyent point veues ni trouvées de personne; priant Dieu, Monsieur de La Mothe Fénélon, etc.

Escript à Escouen, le XXe jour d'octobre 1570.

LXV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escrite de la main de la Royne Mère.)

du XXe jour d'octobre 1570.—

Défense expresse de faire aucune communication à Cécil des ouvertures de mariage.—Nouvelle recommandation du plus profond secret.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuis ma petite lettre escripte, j'ai parlé au personnage que je vous escriptz par icelle, qui avoit encore quelque chose sur ce faict là à me dire; et par ce que cella me met en doubte que cessi se fasse à quelque intention, qui n'est pas peut estre si syncère qu'ils la proposent, je vous prie et charge, sur vostre honneur, de n'en parler aulcunement au secrettaire Cecille, ni à quelque personne que ce soit, et n'en faire aulcun semblant ni démonstration que vous en sçachiés rien, ni que je vous en aye escript: car aussi l'advis que je vous en donne n'est à aultre intention que pour l'asseurance que vous m'estes fidelle et asseuré serviteur, que cella demeurera ensepveli en vous, et que vous ne perdrés une seulle occasion et moyen de descouvrir et pénétrer, par delà, à quoy tend ce faict, et qui conduit cessi auprès de la Royne d'Angleterre; et aussy de quelle vollonté ils y procèdent, et la dicte Royne aussy. Mais surtout comportés vous en cella si dextrement que créature qui vive ne puisse penser qu'en sçachiés rien; priant Dieu, Monsieur de La Mothe Fénélon, etc.

D'Escouen, le XXe octobre, au soir, bien tard, 1570.

Vostre meilleure amye. CATERINE.

LXVI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXVIIIe jour d'octobre 1570.—

Négociation concernant Marie Stuart.—Affermissement de la paix en France.—Communications faites au nom du roi d'Espagne.—Surveillance à exercer sur les négociations du duc d'Albe.—Discussion des articles relatifs à Marie Stuart.—Mission de Mr de L'Aubespine.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz deux despesches, des XVIe et XVIIe de ce présent moys[75], par vostre secrettaire, présent porteur; et ay veu par la première ce que contiennent en substance les articles présentés à la Royne d'Escosse, ma bonne sœur, par le secrettaire Cecille et Me Mildmay, députés de la part de la Royne d'Angleterre, leur Maistresse. J'ay aussy veu, par le mémoire et instruction qu'il a apporté avec icelle[76], en quelle opinion ils sont par delà de l'establissement et continuation de la paix que Dieu m'a faicte la grâce de remettre en mon royaulme; en quoy ils ne se trompent pas. Et vous prie les y conforter, aultant qu'il sera possible, les asseurant tousjours que je n'oublieray rien de ce que je penseray pouvoir profiter à la rendre perpétuelle, cognoissant combien c'est chose utille et nécessaire pour le bien de mes affaires et de mon dict royaulme; ayant esté fort aise d'entendre que, non seullement les Anglois, mais aussy tous ceux qui en avoient contraire opinion, croyent et voyent, par effaict, comme le dict establissement s'en faict si bien qu'il ne se pourroit mieux desirer.

J'ay bien considéré ce qui vous a esté dict sur ce propos par l'ambassadeur du Roy Catholique, Monsieur mon bon frère, et ce qu'il vous a discouru, en le continuant. Sur quoy, vous luy avés fort bien respondu et à la vérité, mesmes pour le regard des garnisons que j'ay renvoyées en Picardie et à Calais, ainsi qu'elles estoient auparavant les troubles, et aussy sur ce qu'il vous a discouru de la ligue d'entre le Pape, le Roy son Maistre, et les Vénitiens, contre le Turc, en laquelle il semble qu'il espère que l'Empereur pourra pareillement entrer.

J'attands, comme je vous ay escript par mes précédentes despesches, ce qui réhussira du différend d'entre la dicte Royne d'Angleterre et le duc d'Alve, lequel, ainsi qu'il est porté par vostre dict mémoire, entretient les dictz Anglois en telle opinion de l'amitié du Roy Catholique, son Maistre, qu'ils s'en tiennent asseurés. Mais je ne puis penser à quelle fin il a envoyé recognoistre quelque commode descente en Escosse; et sera bon que vous ayés tousjours l'œil ouvert affin que, s'il se faisoit quelque entreprinse de ce costé là, ou que le dict duc voullust entrer en traicté avec les dictz Escossois, que j'en sois incontinent adverty.

Et, quand à vostre seconde dépesche, j'ay veu la coppie des articles que m'avés envoyés, conformes à ce que vous m'en escrivés en substance par vostre première lettre; et si, j'ay aussy veu la responce que vous avés sur ce faicte, par forme d'advis, sur chascun article à l'évesque de Ross. En quoy vous avés très bien desduict mon intention, spéciallement sur le troisième article que vous avés pris comme il se debvoit prendre, pour la ligue qu'ils proposent de faire entre la Royne d'Angleterre et ma dicte sœur la Royne d'Escosse; car, si cella se faisoit ainsi, ce seroit du tout au préjudice de l'alliance qui est, de si longtemps, entre mon royaulme et celluy d'Escosse. Et, pour ce, se faudra conduire en cella ainsi qu'avés bien desduict par vostre dicte responce.

Mais vous n'avés pas assés expressément respondu au dict évesque de Ross sur le neufviesme article, en ce que, par icelluy, la dicte Royne d'Angleterre demande que la dicte Royne d'Escosse soit tenue de faire amener son fils en Angleterre comme ostage, devant qu'elle puisse estre mise en pleine liberté, vous priant luy faire bien entendre qu'il se garde d'accorder aulcune chose de cest article, n'y ayant point d'apparence en icelluy, car ils auroient tout ce qu'ils demandent, s'ils tenoient le dict Prince d'Escosse. Et ne fault point, soubz quelque coulleur que ce soit, qu'il soit mené en Angleterre, mais, au contraire, il fault que vous advertissiés soigneusement ceux du conseil et parti de la Royne d'Escosse qu'ils ne sauroient mieux faire que de tenir le dict Prince d'Escosse en leur païs: et leur remonstriés et persuadiés que, s'il en estoit hors, qu'il faudroit qu'ils fissent tout ce qui leur seroit possible pour le ravoir; car il n'y a plus de salut ni d'espérance de leur repos que par ce moyen.

Et, aussy, ne semble pas raysonnable que la Royne d'Escosse quitte aulcune chose des tiltres et prétentions qu'elle peut avoir au royaulme d'Angleterre, à tout le moins fault incister sur ce poinct, tant que faire se pourra, comme vous fairés entendre au dict évesque de Ross; auquel toutesfois vous remettrés, et à ceux du conseil de la Royne d'Escosse, de traicter et se laisser aller en cella, aultant qu'ils verront estre nécessaire pour accommoder les choses et faire un bon accord et traicté.

Quant au dousiesme article, il ne faut, pour responce à icelluy, que les déclarations en forme qui ont esté envoyées d'icy il y a quelque temps, signées et scellées, et mises ès mains de la Royne d'Angleterre[77], qui l'asseurent et esclaircissent assés pour ce regard.

Les aultres responces, que vous avés faictes au surplus, sont telles que j'eusse pu désirer. Et ne pense avoir autre chose à vous dire, sinon que ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et ceux de son conseil doivent plustost demander ostages que d'en bailler pour l'entrètenement de ce qui sera accordé, et moins encore de laisser aucunes places à la Royne d'Angleterre; comme vous avés bien sceu respondre au dict sieur évesque de Ross.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, vous aurés esté bien satisfaict par le secrettaire de L'Aubespine, que je vous ay naguères envoyé, sur le contenu en vos précédentes dépesches, et instruict de la responce, que j'ay faicte à l'ambassadeur de la dicte Royne d'Angleterre, sur la remonstrance qu'il m'a faicte de la part d'icelle. Attendant au retour du dict de L'Aubespine ce que vous aura dict la dicte Royne sur ce que je donnai charge au Sr de Walsingham luy dire, et que je vous ay escrit, despuis, luy faire doucement entendre; et aussy de ce qui se peut espérer de ceste négociation, pour laquelle je vous prie vous emploïer d'affection, et faire en sorte, par tous les moyens que vous pourrés trouver, qu'elle preigne bientost quelque bonne fin; donnant en cela toute l'assistance et confort qu'il vous sera possible à ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et à ceux de son conseil; et me tenés adverti, à chaque occasion, de ce qui se faira en la dicte négociation, afin que je vous puisse faire sçavoir mon intention là dessus. Sur ce, etc.

Escript à l'abbaye St Germain des Prés, lès Paris, le XXVIIIe jour d'octobre 1570.

CHARLES. PINART.

LXVII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIe jour de novembre 1570.—

Satisfaction du roi au sujet de la réponse faite par Élisabeth à sa déclaration concernant l'Écosse.—Et de l'engagement qu'elle a pris de rétablir Marie Stuart.—Crainte que l'on ne veuille traîner cette négociation en longueur.—Raffermissement de la paix.—Nouvelles des fiançailles du roi célébrées à Spire.—Prochaine arrivée en France de la jeune reine.

Monsieur de La Mothe Fénélon, par vostre lettre du XXVe du passé[78], vous m'avés fort particulièrement, et à ma très grande satisfaction, discouru tout ce qui se passa à l'audience que vous donna la Royne d'Angleterre, sur la despesche que je vous fis de ce que j'avois faict entendre au Sr de Walsingam, et de la charge que je luy avois donnée de dire et déclarer sur cella à la dicte Royne, sa Maistresse, m'ayant été fort grand plaisir d'avoir veu que, après qu'elle vous heût avec si grande attention ouï parler, qu'à la fin de son discours elle vous ait si expressément asseuré qu'elle remettra la Royne d'Escosse, Madame ma bonne sœur, par la voye du traicté qui se négotie entre elles, le plus honnorablement qu'elle pourra, en son royaulme; et que, quand elle ne le pourra faire en ceste façon, qu'encore me donne elle parolle de la renvoyer, comment que ce soit, à ceux qui tiennent son parti, en son païs, et qu'elle ne la veut plus rettenir en son royaulme. En quoy je vous prie l'entrettenir de façon que, par effaict, elle me le fasse paroistre bientost; mais que ce soit avec toute syncérité, et que la liberté où elle promet de la mettre, ez mains de ceux de son parti en Escosse, en cas qu'elles ne se puissent si bien, comme je désire, accorder de toutes choses, que la dicte liberté, où elle la mettra, ne luy aporte pas un nouveau tourment et peyne; et que cella ne tire à la longue que le moins qu'il sera possible, comme, par vostre lettre du XXXe du dict moys[79], que je viens de recepvoir présentement, il semble que la dicte Royne y veuille mener la dicte négociation, puisque l'on parle de faire pour deux moys en Escosse suspension d'armes, qui debvoit être la première chose accordée, quand l'on a commencé la dicte négociation; de la quelle j'attends, par voz premières despêches ou au retour du secrétaire de L'Aubespine, que je suis bien aise qui soit arrivé de delà, ce qui aura esté faict, et aussy ce que en résouldra la dicte Royne d'Angleterre, au retour de ses depputés, sur tous les poincts proposés par les articles baillés par le secrétaire Cecille; sur lesquelz je vous ay escript, par vostre secrettaire qui s'en est retourné depuis dix jours, ce que je desirerois en cella pour le bien et repos de ces deux Roynes et de leurs royaulmes et subjects: vous voullant bien dire que, grâces à Dieu, mon royaulme est aussi paisible que je sçaurois désirer, s'establissant mon édict de pacification le mieux et le plus aisément qu'il est possible de souhaiter, n'en desplaise à celluy qui a escript les lettres de delà, qui sont toutes contraires à la vérité.

J'ay veu aussi le receuil escript, par voz dictes deux lettres, de toutes les choses qui se y dient, et, combien que souvant toutes les nouvelles ne soyent pas entièrement véritables, et que, comme vous dictes par la lettre qu'escrivés à la Royne, Madame et Mère, elles augmentent ou diminuent venant de loin, si vous priay je de continuer tousjours à nous mander tout ce que vous pourrés sçavoir: car cella, avec les aultres advis que nous avons d'ailleurs, nous sert quelquefois.

Cependant je vous diray que, par la dernière despesche que j'ay heu d'Allemaigne, mes fiançiailles furent fort honnorablement faictes à Espire, le dernier dimanche du moys passé, avec la Princesse Élysabeth, laquelle doibt arriver, selon la supputation de ses journées, à Mézières, le vingtième de ce moys, où je me trouveray aussy, comme je vous ay cy devant escript, pour y achever mon dict mariage, sans y faire les grandes magnificences que j'avois délibéré, lesquelles, à cause que la ville est fort petite, j'ay remises, et veux estre faictes, avec les aultres pompes et tournois de mon entrée à Paris, que je fairay au premier jour de janvier prochain; aydant Dieu, auquel je prie vous avoir, etc.

Escript à Paris, le VIe jour de novembre 1570.

CHARLES. PINART.

LXVIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIe jour de novembre 1570.—

Assurance donnée à l'ambassadeur qu'il n'a rien à craindre des faux rapports qui peuvent être faits contre lui.

Monsieur de La Mothe Fénélon, par la lettre du Roy, Monsieur mon fils, vous serés si amplement satisfaict à vos deux dernières despesches, des XXVe et XXXe du moys passé, qu'il n'est besoin de vous en dire davantage, si n'est que nous sçavons très bien que vous vous estes toujours porté pour les affaires de ma fille, la Royne d'Escosse, avec la bonne et grande affection que vous sçavés que nous avons de l'assister et secourir, et ne nous sçauroit on rien persuader de vous, et n'en ayés peur, qui nous altère la bonne opinion que nous avons du bon debvoir que nous sçavons que vous y avés tousjours faict, et faictes encores, vous renvoyant pour ceste occasion les lettres qu'elle vous a escriptes et aussy celles que l'évesque de Glasco, son ambassadeur, qui est ici, escrivoit à l'évesque de Ross; lesquelles j'ay faict voir au Roy, Mon dict Sieur et fils, et à mon fils le Duc d'Anjou, qui ont bien jugé par icelles, comme aussy ay je faict, principallement par celle du dict ambassadeur, ce que m'avés escript venir de luy et non pas de vous. Mais je croy que delà l'on n'a pas, ceste opinion, puisque la Royne d'Angleterre vous a donné, pour la dicte Royne d'Escosse ma fille, la bonne espérance que vous nous escrivés par vos dictes deux dernières despesches, sur lesquelles il ne me reste plus rien à vous dire. Sur ce, etc.

Escript à Paris, le VIe jour de novembre 1570.

CATERINE. PINART.

LXIX

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIe jour de novembre 1570.—

Détails de la réception faite par le roi à l'ambassadeur d'Angleterre, à raison de laquelle il a porté plainte à sa souveraine.—Explications données à ce sujet.—Persistance du roi dans sa déclaration à l'égard de l'Écosse.—Injonction faite à l'ambassadeur de veiller à ce que le traité concernant Marie Stuart ne renferme rien de préjudiciable à la France.—Remerciemens sur les complimens d'Élisabeth à l'occasion du mariage du roi.—Bon accueil réservé aux seigneurs d'Angleterre qui seraient envoyés pour assister aux fêtes du mariage.—Ferme assurance que la paix est parfaitement rétablie en France.—Nécessité d'exercer la plus exacte surveillance sur les entreprises que pourraient tenter les Anglais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay esté bien amplement satisfaict, au retour du secrettaire de L'Aubespine, tant par la lettre que vous m'avés escripte[80] que par ce qu'il m'a dict de bouche. En quoy je n'ay à vous respondre que sur ce que me mandés que la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, a estimé que l'on faisoit ici bien peu de cas de ses ambassadeurs, pour ce que j'ay parlé au sieur de Norris au millieu de la cour d'Escouen, l'ayant rencontré, au retour de vespres, ainsi que je m'en allois aux toiles, après l'avoir longuement et assés tard attendu. Mais, comme vous luy avés bien sceu dire, quand elle considèrera que, l'ayant ainsi inopinément rencontré, en voullant sortir pour monter à cheval, et voyant qu'il avoit à se rettirer à Paris, dont il étoit venu, pour ce qu'il n'avoit poinct faict demander de logis au dict Escouen, je pensois faire pour luy, usant comme je fis si privément, luy ayant toutesfois donné tout loisir de me dire tout ce qu'il voullut, sans le remettre à une autre fois, ni luy donner la peyne de monter à ma chambre.

Et, pour vous en parler franchement, je fus despuys bien aise que cella advînt ainsi, car, après l'avoir fort privément et bien amplement ouï, et faict son audience si longue qu'il voullut; après luy avoir faict instance des affaires de ma sœur, la Royne d'Escosse, je le priai de m'envoyer par escript ce qu'il m'avoit dict, affin que je luy fisse responce aussy par escript, et que l'on se peut mieux souvenir doresenavant des promesses que la Royne d'Angleterre, sa Maistresse, me faisoit; et qu'elle m'avoit tant de fois, et il y avoit si longtemps, réittérées, pour l'élargissement et liberté de ma sœur, la Royne d'Escosse.

Il ne fallit pas, dès le lendemain, de m'escrire, et moy, à l'instant mesme, par un de ses gens, de luy faire la responce, dont vous avés heu, par le dict secrettaire de L'Aubespine, les coppies au vray, estant bien esbahi que la dicte Royne vous ayt dict que la dicte coppie, que vous luy monstrastes, ne soit pas semblable à celle que j'avois envoyé à son dict ambassadeur; car elle est toute pareille. Je suis bien d'advis que, la première audience que vous aurés, vous ne falliés, pour la satisfaire de tout, comme me mandés qu'elle desire, de luy dire que, si je n'heusse pensé faire honneur et plaisir à son dict ambassadeur, comme je desire faire tousjours suivant nostre bonne et mutuelle amitié, je ne l'heusse, quand je le rencontray en la dicte cour du chasteau, estant prest à monter à cheval, si famillièrement ouï, mais l'heusse remis à une aultre fois, sans plaindre ses peynes.

Je croy aussy que ce n'est pas là l'encloueure, mais qu'il luy fasche sur les termes qu'elle vous réittéra, qui sont véritablement portés par les lettres que j'escrivis à son dict ambassadeur, comme vous avés veu par la dicte coppie, qui sont que:—Suivant les anciennes alliances, confirmées entre ceste couronne et celle d'Escosse, et puis la proximité et fraternité d'entre ma sœur, la Royne d'Escosse, et moy,—«Je la voullois secourir en ceste sienne nécessité, et procurer sa liberté par tous les moyens que Dieu avait mis en ma puissance.» Ce que j'ay esté bien ayse qu'elle ait considéré, et qu'elle vous ait, sur ce, tant incisté comme elle a faict, car je croy certainement que cella est cause, avec ce que je dis au Sr de Walsingam, et aussy le langage que vous luy tîntes à vostre précédente audience, comme je vous avois commandé, qu'elle vous a asseuré, comme vous m'avés escript, que, quand bien, par la voye du traicté qui se négotie entre elles, elle ne pourroit mettre ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, si honnorablement qu'elle vouldroit en liberté, que néantmoins elle me donne parolle de la renvoyer, comment que ce soit, en son païs, à ses subjects qui tiennent son parti.

Ce que je desire bien de voir effectué, pourveu que ce soit avec toute syncérité, et sans qu'il y ait rien de mauvais, qui la puisse faire retomber ou remettre en nouvelle peyne; car, comme je vous ay escript plusieurs fois, et comme vous pouvés bien penser, oultre les anciennes alliances de nos deux couronnes, la fraternité me convie naturellement de faire pour ma dicte sœur, la Royne d'Escoce, tous les bons effaicts qu'il me sera possible. Ce que vous continuerés à luy remontrer, ainsi que vous avés tousjours sagement et gratieusement faict, comme je vous ay mandé. Mais si, vous priè je ne permettre aulcunement que, au traicté qui se faira, il soit rien innové au préjudice des alliances et confédérations anciennes d'entre mon royaulme et celluy d'Escosse; et au contraire je desire qu'elles soyent entièrement confirmées. Et affin que vous soyés plus certain quelles elles sont, je vous envoyeray par ma première despesche les doubles des traictés ou extraicts qui en font mention.

Et, quand au propos que la dicte Royne vous a tenu de mon mariage, vous l'en remercierés fort affectueusement de ma part, à la première audience, du plaisir qu'elle dict avoir receu et du bonheur, félicité et contentement qu'elle s'asseure qui y sera, et qu'elle souhaitte, et aussy du desir qu'elle a heu de pouvoir de bon cœur estre à la feste; ce que, de ma part, je desirerois aussy bien fort, et l'estimerois à grand honneur et faveur, comme vous luy dirés, la remerciant de tous ces honnêtes propos; et l'asseurant, comme vous luy avés dict à vostre dernière audience, que je souhaitte et désire de la voir, à son contentement, aux mesmes termes en quoy vous luy avés fait entendre que je suis de mon dict mariage, lequel, Dieu aydant, se faira dimanche prochain, à Mésières; où, suivant les lettres que j'ay receues du comte de Fiesque, la Royne, ma femme, ne peut arriver plus tost que sabmedy prochain, à cause des difficultés des passages des rivières qui sont desbordées, et des mauvais chemins qu'elle a trouvés.

Il faudra, aussi, dire à la dicte Royne d'Angleterre que les gentilshommes, qu'elle vous a dict qu'elle eust faict préparer pour envoyer à mon dict mariage, si elle heust creu que mes dictes nopces heussent esté si prochainement, y heussent esté les très bien venus, et de bon cœur receus, comme ils seront tousjours, venants de sa part, soit pour ceste occasion là, ou pour aultre qui se pourra présenter.

Cependant, pour vous satisfaire à tout le reste de vostre lettre, et esclercir sur ce que m'a dict, de bouche, le dict de L'Aubespine: qu'il court un bruit par delà que la paix n'est pas bien establie en mon royaulme; et sur les aultres particularités que m'a, à ce propos, aussy bien au long déclaré de vostre part le dict secrettaire de L'Aubespine, je vous asseureray que ce sont choses du tout contraires à la vérité; car, grâces à Dieu, mon édict s'observe fort droictement, et n'espère pas qu'il y ait aulcun empeschement, ayant les mareschaux de France et les seigneurs, que j'ay envoyés aux provinces, comme je vous ay escript cy devant, desjà si bien establi cella, suivant ma franche vollonté et intention, que, grâces à Dieu, toutes choses y sont en bonne paix et repos, et y continueront tousjours, y tenant, comme je me délibère de faire, estroictement la main. Aussy vois je que tout mon peuple, de l'une et de l'aultre religion, se range et obéit fort vollontiers à mon dict édict, sans aulcune difficulté ni contrevention, quelque bruict que l'on fasse courir du contraire par delà. Et sera bon, pour ceste occasion, que vous ostiés, le plus que vous pourrés, ceste opinion à la dicte Royne et aux seigneurs qui en parlent ainsi, à quoy la vérité vous aydera grandement; et que vous continuiés à me tenir ordinairement adverti de toutes les aultres occurences, et de tout ce que vous pourrés apprendre de leurs discours, et principalement de ce qui se passera journellement pour le faict de la Royne d'Escoce, ma sœur, à présent que les depputés du païs d'Escosse sont arrivés auprès de la Royne d'Angleterre, et qu'ils s'y pourront eschaufer à traicter et à résoudre leurs appointements, s'ils en ont envie; ayant aussy l'œil ouvert à ce que, si la dicte Royne d'Angleterre avoit quelque entreprinse qu'elle voullût faire exécuter en Escosse ou en nos frontières, que j'en sois tout incontinent adverti, pour y pourvoir: car je me doubte que, si elle avoit quelque délibération, comme nous en avons esté cy devant en doubte, et m'avés aussi escript plusieurs fois, que, à présent, soubz prétexte de ce que je dis au Sr de Walsingham, et sur ce que écrivis au sieur de Norris, son ambassadeur, elle pourroit prendre de là occasion de l'exécuter.

Voylà pourquoy je vous prie mettre toutes les peynes que vous pourrés d'observer et considérer ses délibérations et les descouvrir le mieux que vous pourrés; mais que ce soit si dextrement que la dicte Royne d'Angleterre ni ses ministres ne cognoissent pas que nous y pensions; priant Dieu, etc.

Escript à Tannay le Moulin en Vallaige, le XXIe jour de novembre 1570.

CHARLES. PINART.

LXX

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

des XXIe et XXIXe jours de novembre 1570.—

Recommandation faite à l'ambassadeur au sujet du traité concernant Marie Stuart.—Assurance que le roi ne négligera rien pour procurer sa délivrance.

Monsieur de La Mothe Fénélon, vous nous avés si amplement escript et faict entendre si particullièrement toutes choses, par le secrettaire de L'Aubespine, que je vous asseure que le Roy, Monsieur mon fils, et moy en demeurons bien fort satisfaictz, vous priant de continuer, à présent que les depputés, d'une part et d'aultre, seront arrivés auprès de la Royne d'Angleterre, et vous tenir tousjours prêt à ce que, par le traicté que je desire et espère qui se faira pour la liberté de ma fille la Royne d'Escoce, il ne soit rien altéré ni préjudicié aux confédérations et alliances anciennes d'entre ceste couronne et celle d'Escosse; nous tenants aussy advertis de toutes aultres occurrences comme avés accoustumé. Et sur ce, etc.

Escript à Tannay le Moulin en Vallaige, le XXIe jour de novembre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay faict retarder ceste despesche jusques à ce que j'heusse escript et faict responce, de ma main, à la Royne d'Escosse, Madame ma fille, à laquelle je vous prie la faire tenir et l'asseurer tousjours que, sans l'asseurance que nous a donnée la Royne d'Angleterre de sa dellivrance, que nous n'heussions pas failli de faire tout ce qu'il nous heust esté possible pour elle; mais estant la négotiation si acheminée, nous creignons que cella luy heust porté préjudice, et diverti la dicte Royne d'Angleterre de ceste bonne vollonté, que je ne pense pas qu'elle ne tienne; aultrement, comme j'escripts, de ma main, à ma dicte fille, la Royne d'Escosse, le Roy, Monsieur mon fils, aura juste occasion de se ressentir et souvenir de ses promesses et asseurances.

De Mézières le XXIXe jour de novembre 1570.

CATERINE. PINART.

LXXI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXVIe jour de décembre 1570.—

Vives assurances de protection pour Marie Stuart.—Surveillance qu'il faut exercer sur les menées du duc d'Albe à l'égard de l'Écosse.—Nouvelles explications données au sujet des plaintes de l'ambassadeur d'Angleterre en France.—Meilleure disposition d'Élisabeth qui doit être attribuée aux troubles du pays de Lancastre.—Désir du roi de connaître l'état des négociations relatives aux prises faites sur les Espagnols, et à l'alliance d'Élisabeth avec le roi d'Espagne.—Ambassade envoyée au roi par les princes protestans d'Allemagne.—Bon accueil préparé à lord Buckhurst, envoyé pour assister aux fêtes du mariage.—Satisfaction donnée à l'ambassadeur d'Angleterre en France.—Réponse du roi sur les félicitations des princes protestans de l'Allemagne à l'occasion de son mariage avec la fille de l'empereur et de la paix faite en France.—Protestations d'amitié.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys la dernière dépesche que je vous ay faicte, j'ay receu, quasi tout à un coup, trois dépesches de vous, l'une du dernier du passé, l'autre du VIIe et l'autre du XIIIe de ce moys[81], par lesquelles j'ay veu ce qui s'est journellement faict pour les affaires de la Royne d'Escosse, ma sœur. En quoy je vous diray que vous me faictes un très grand servisse de vous employer, comme vous faictes, vous priant continuer et asseurer tousjours ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et ceux qui sont de delà pour son servisse, que je ne sçaurois recevoir plus grand plaisir que de la voir en la liberté et satisfaction qu'elle desire; et que, comme je leur ay cy devant promis et asseuré, je fairay non seullement instance et poursuitte envers la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, par tous les moyens de prière qu'il me sera possible: voire, si tant estoit que ce traicté ne réheussît, je ne manqueray de luy donner tout le secours que mes affaires pourront permettre, selon les moyens que j'en pourrois avoyr, ayant toutesfois bonne espérance que, suivant ce que vous a si expressément asseuré ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, et que vous m'avés escript de sa part, dès le XXVe jour du moys dernier passé[82], quand bien il ne se pourroit faire aulcun traicté entre les dictes Roynes, la dicte Royne d'Angleterre mettra ma dicte sœur la Royne d'Escosse en liberté ès mains de ses bons subjects qui sont de son parti.

Et c'est, en tout évènement, ce qu'il faudra procurer, observant bien pour vous ce que le sieur Seton, qui est allé devers le duc d'Alve, pourroit avoir obtenu, tant sur le secours qu'il luy requéroit de la part de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, sa Maistresse, que sur les moyens que le dict Seton proposoit au dict duc de conduire le dict secours si à propos, et aux endroictz où il disoit, qu'il seroit ainsi bien receu des Escossois comme me mandés; et pareillement sur la promesse, que icelluy duc luy a faicte, de faire fournir dix mille escus pour secourir de rafreschissement les chasteaux de Lislebourg et Dombertrand, après que de tout il auroit eu responce du Roy d'Espaigne, son Maistre, auquel il en avoit escript; car toutes ces menées et poursuittes là tandent, à mon advis, à quelque aultre intention.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, pour le mescontentement que m'escrivés que la dicte Royne d'Angleterre continue de monstrer avoir des propos que j'ay tenuz à son ambassadeur, et de la responce que par escript je luy fis dernièrement à Escouen, vous avés veu ce que je vous ay là dessus plusieurs fois mandé, ne pensant pas que, sur cella, la dicte Royne ait aulcune raison de se plaindre; et fault dire que son dict ambassadeur luy a faict les choses aultres qu'elles ne sont, ou qu'elle feinct ce mescontentement pour cercher quelque argument ou inquiétude nouvelle. Toutesfois, à ce que j'ay peu voir par vos dernières dépesches, elle commence à s'adoucir et prendre le tout en meilleure part qu'elle ne faisoit cy devant, dont je suis bien aise; estimant que ce qui la fait ainsi soudain et si souvant changer et prendre ces couleurs de mescontentement, procède des précipittées instances que m'avés escrit que aulcuns de son conseil lui faisoient pour la divertir de sa bonne vollonté aux affaires de la Royne d'Escosse, ma sœur; et que ce qui est cause qu'elle reprend à présent le chemin de voulloir qu'il s'en négotie quelque bon traicté, c'est la persévérance et assistance dont j'ay tousjours usé, et vous, de vostre costé, pour ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et l'alarme que la dicte Royne d'Angleterre a eue du costé de Lanclastre. Dont je vous prie de vous informer tousjours dilligemment pour me tenir adverti du cours que prendra cella; car il n'est pas possible, y ayant eu telle esmotion que m'avés escript, que cella soit si tost adouci.

Je seray aussy bien aise de sçavoir comme il ira de la négotiation, qui se conduict, il y a si longtemps, pour l'appréciation des prinses faictes en Angleterre et en Flandres, et de la négotiation qui se faict pour renouveller et rasseurer entièrement les alliances d'entre la dicte Royne d'Angleterre et mon frère, le Roy d'Espaigne; et ce qui adviendra de tout cella, et aussy ce que aura raporté de nouveau le jeune Coban; car, comme je vous ay cy devant escript, il n'y a rien plus certain que l'archiduc Charles espouse la fille du duc de Bavières, de sorte que la charge du dict jeune Coban n'a pas réheussi; ne voullant à ce propos oublier de vous dire que le comte Palatin, duc Auguste, Richard Palatin, duc de Witemberg, de Brunswic, Lantgrave de Hessen, et aultres princes protestants d'Allemaigne, ont envoyé devers moy leurs depputés, qui sont encores ici, se conjouir tant de mon mariage que de la paix, qui est, (comme ils ont veu, partout où ils ont passé, mesmement à Paris, où ils ont esté) si bien establie, que, grâces à Dieu, il n'est pas possible de mieux, quelque chose que l'on die en Angleterre; ayant receu des dicts princes les plus grandes et affectionnées offres et preuves d'amitié qui se peuvent dire. Aussy ont ils eu de moy, de la Royne, Madame et Mère, et de mes frères, toutes les bonnes réceptions qui se peuvent: leur faisant encores ici faire fort bon traictement pour trois ou quatre jours, pour après leur donner congé, et les renvoyer fort contants, comme ils sont desjà; de telle sorte que je me promets qu'il n'y en a pas un d'eulx qui n'employast pour moy et pour mes dicts frères tous les moyens que Dieu leur a donné; estant bien délibéré d'entretenir fort curieusement en ceste bonne vollonté iceulx princes, m'ayant si honnorablement et honnestement envoyé visitter et faict faire par leurz dicts depputés tant de grandes et courtoises offres; ce que vous verrez plus à plain par le mémoire exprès que je vous en envoye.

A ce propos je vous diray que j'ay receu fort grand plaisir de la bonne vollonté, de laquelle vous me mandés que la dicte Royne d'Angleterre a résollu et délibéré d'envoyer de deçà le milord Boucaust[83], son prosche parent, et qu'il y sera au temps de mon entrée à Paris, avec une trouppe de gentilshommes anglois pour se conjouir avec moy de mon mariage, et venir visitter ma femme de la part de sa Maistresse. Il y sera le très bien venu, et sa trouppe aussy, comme aussy sera le Sr de Walsingam, quand il voudra venir. Cependant il sera bon que vous advertissiés les Srs de Gourdan, de Caillac, et de Mailly, affin que, quand vous penserés qu'ils pourront passer, ils leur fassent préparer des chevaux de poste, comme je leur escriptz par vostre secrettaire, présent porteur, qu'ils fassent, quand vous leur manderés.

Je ne manqueray, à la première audience, que me demandera son ambassadeur, de prendre bien à propos occasion de luy tenir, comme je suis bien résollu de faire, le mesme langage que m'avés escript par vostre dict secrettaire, bien que je ne luy en aye jamais tenu d'aultres que plains de l'amitié qui est entre la dicte Royne, sa Maistresse, et moy; laquelle amitié sera bien facille à entretenir, pourveu que, de son costé, elle ne fasse chose qui la puisse altérer: car, de ma part, je tascheray de la fortifier aultant qu'il me sera possible, comme, jusques ici, il ne se peut dire que j'aye faict chose esloignée de cella. Quand j'auray parlé à son dict ambassadeur je fairay partir ce porteur aussytost, et luy bailleray une lettre, à part, que je vous escriray, laquelle vous pourrés monstrer à la dicte Royne d'Angleterre.

Cependant ce me sera bien grand plaisir d'entendre journellement, par la voye de l'ordinaire, l'estat des affaires de la dicte Royne d'Escosse, ma sœur, et comme elle se porte de sa maladie; car je serois fort marry qu'elle eût mal, estant bien aise du soing qu'avés eu d'ayder à luy faire envoyer incontinent des medecins et tout le secours qu'avés peu; priant Dieu, etc.

Escript à Villiers, le XXVIe jour de décembre 1570.

Monsieur de La Mothe Fénélon, depuis ceste lettre escripte, j'ay parlé à l'ambassadeur d'Angleterre, et luy ay tenu le mesme langage que m'avés escript, de sorte qu'avec la juste occasion qu'il a de demeurer content et satisfaict de l'honneur et service que je luy ay faict, comme je veux tousjours faire à luy et à ceux qui viendront en sa place, il en escrira de si bonne façon à la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, que je m'asseure qu'elle ne sera plus en l'opinion, que m'avés escript qu'elle avoit, que je n'eusse fait cas de son dict ambassadeur.

CHARLES. PINART.

RÉPONSE DU ROY AUX AMBASSADEURS DES PRINCES DE L'EMPIRE.

Le Roy, ayant, de vive voix et par escript, entendu ce que les ambassadeurs de Messeigneurs le Comte Pallatin et Duc de Saxe, Ellecteurs du St Empire, et les Ducz Richard de Bavières et Jules de Brunsvych, du Landtgrave Guillaume de Hessen, et aultres Princes de la Germanye, ont eu charge de luy exposer de leur part,

Sa Majesté leur a faict responce:

Qu'elle mercye, en premier lieu, de toute la sa plus grande affection, Mes dictz Seigneurs les Ellecteurs et Princes, de la cordiale démonstration qu'ilz luy font de leur singulière bienvueillance et amityé, ayant envoyé leurs dictz ambassadeurs pour se conjouyr et congratuler avec elle de la nouvelle alliance qu'elle a naguyères contractée avec l'Empereur, par le mariage de sa fille; laquelle alliance elle veut bien faire entendre, à Mes dictz Seigneurs les Ellecteurs et Princes, avoyr principalement desiré pour avoyr cogneu qu'ainsy que le dict Empereur tient le premier tiltre et degré d'honneur entre les Princes Chrestiens, Dieu luy a donné aussy les grandz sens, prudence et excellentes vertuz de magnanimité, clémence et bonté qui se doibvent desirer en si haulte dignité, oultre ce, qu'il s'est toujours monstré du tout affectionné à maintenir ung bon et heureulx repos en la Chrestienté. A quoy l'intention de Sa Majesté est de luy correspondre avec telle volonté qu'elle espère, au plaisir de Dieu, que leur commune alliance servira grandement pour establir une asseurée tranquillité par toute la République Chrestienne.

Et si, davantage, elle a estimé que la bonne et parfaicte amityé qu'elle a par naturelle inclination avec Mes dictz Seigneurs, les Ellecteurs et Princes de la Germanye, et qui luy a esté comme héréditairement délaissée par ses père et ayeul, sera, par le moyen de la dicte alliance, tousjours de plus en plus confirmée et corroborée; qui sont les principaux poinctz qu'elle en a espéré et désiré tirer.

Et, pour le regard de l'aultre poinct de congratulation, qui est de la paix qu'il a pleu à Dieu restablir en son royaulme, elle leur répond qu'elle ne doubte point que Mes dictz Seigneurs, les Ellecteurs et Princes, se ressentantz et resouvenantz de la grande amityé et bienvueillance que les Roys, de très heureuse mémoire, Henry et Françoys, père et ayeul de Sa dicte Majesté, ont porté aux Princes de l'Empire, leurs prédécesseurs, ne reçoyvent tousjours une grande joye et playsir de ce qu'ilz verront succéder et se promouvoir pour le proffict et utillité de ce royaulme, comme a esté la paciffication des troubles; et prend en fort bonne part les sages et prudentz recordz que Mes dictz Seigneurs, les Ellecteurs et Princes, luy ont faict faire pour l'entretènement de la dicte paciffication; car il n'y a rien en ce monde qu'elle ayt tant à cueur, ny à quoy plus constamment elle persévère que à travailler de mectre et conserver la paix, unyon et repos entre ses subjectz, comme le vray et seul moyen de la prospérité des royaulmes et estatz. Chacun aussy a peu veoir, comme ses subjectz n'ont poinct plus tost monstre l'envye qu'ilz avoient de venir à la recongnoissance de leur debvoir, qu'elle ne les ayt bénignement embrassez et receuz en sa bonne grâce.

Au surplus, le Roy prie très affectueusement Mes dictz Seigneurs, les Ellecteurs et Princes, de continuer envers luy ceste bonne volonté qu'ilz démonstrent, et qu'ainsy, comme luy, suyvant les vestiges de ses ancestres et de sa naturelle inclination, les ayme et estime avec toute sincérité de cueur et d'affection aultant qu'il est possible, eulx aussy luy vueillent mutuellement correspondre, se tenantz asseurez qu'en tout temps et occasion ilz trouveront Sa dicte Majesté prompte et entièrement disposée à employer les moyens que Dieu luy a donnez, sans y rien espargner, pour la conservation et accroissement de leurs dignitez et honneurs.

Faict à Villiers Costerez, le XXIIIe jour de décembre 1570.

CHARLES. BRULART.

LXXII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

des XXIXe jour de janvier et 1er jour de febvrier 1571.—

Négociation du traité concernant Marie Stuart.—Discussion des articles.—Menées du duc d'Albe en Écosse.—Demande de nouvelles sur l'entreprise tentée par les Bretons en Irlande.—Assurance donnée à Mr le cardinal de Chatillon que les bénéfices seront conservés conformément à l'édit.—Arrivée de Walsingham.—Remerciement du roi au sujet du présent qui lui a été fait par Leicester.—Regret que lord Buckhurst ne puisse assister aux fêtes du mariage, retardées à cause de la maladie de la reine.—Audience de congé donnée à Mr de Norrys.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu par le Sr de Sabran, présent porteur, vostre dépesche du XXIXe du moys passé; et, despuis son arrivée, celles des VIe, XIIIe et XVIIIe jours du présent[84], ayant esté bien aise d'avoir veu que la Royne d'Angleterre, Madame ma bonne sœur, soit à présent si contente de l'honneste langage que j'ay tenu à son ambassadeur, comme vous luy avés faict voir par l'extrait de ma lettre. Vous aurés encore despuis veu, par les despesches que je vous ay faictes, tant par l'ordinaire que par vostre secrettaire, comme son dict ambassadeur est le plus satisfaict qu'il est possible; et, encores que je vous aye, par mes précédentes et par les articles que je vous envoyay apostillés, amplement satisfaict aux poincts principaux, sur quoy vous avés particullièrement donné charge aux dictz porteurs de raporter responce résollue, et spéciallement par la dernière que vous a portée vostre dict secrettaire, je ne laisseray pourtant de reprendre chascun poinct succintement.

Et vous diray, quand au faict de la Royne d'Escosse, ma sœur, qui est le principal de vos dictes dépesches; que je suis bien aise de quoy, (comme vous m'escrivés par la vostre dernière), ses députés commancent à estre ouïs, et que ceux de l'aultre party s'acheminent pour y venir, affin de bientost donner forme au traicté de ses affaires; sur lesquels, comme je vous ay souvant faict entendre, je desire que vous luy donniés, en mon nom, toute l'assistance qu'il vous sera possible, priant d'affection, de ma part, le plus courtoisement que vous pourrés, la dicte Royne d'Angleterre pour elle, ainsi que me mandés que le comte de Lestre vous a prié et conseillé; et que je m'asseure que vous sçaurés bien faire sellon mon intention, laquelle je vous ay cy devant escripte, et bien amplement faict entendre combien il importait à ma dicte sœur n'accorder que le Prince d'Escosse, son fils, feust mené en Angleterre, et que, tant s'en fault qu'elle et ses subjects doibvent jamais donner consentement à cella, qu'au contraire, s'il y estoit, elle et ses dictz subjectz auroient à regarder d'employer tous moyens pour l'en rettirer. En quoy il fault qu'accortement et sans bruict, ni que l'on cognoisse que cella vienne de vous, que vous fassiés, pour les raisons que je vous ay cy devant escrites et que vous sçaurés bien considérer et dire dextrement, que les depputés d'Escosse persévèrent et remonstrent que c'est chose qu'ils ne peuvent accorder.

Quand à la ligue que la Royne d'Angleterre demande estre expressément faicte par le dict traicté d'entre elle et la dicte Royne d'Escosse; encores que vous m'escriviés par vostre dicte dépesche, du XXIXe de l'autre moys, qu'elle vous aye dict qu'elle n'entend par là me faire préjudice, ains seullement faire que ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, ne luy puisse nuire à l'advenir; je vous diray aussy, pour ce que ce dict porteur m'a dict que vous desiriés d'en sçavoir encores ceste fois mon intention, que je ne veux, pour cella, que vous différiés de prendre garde que, en faisant le dict traicté, il ne se conclue chose qui contrevienne aux alliances et confédérations d'entre ceste couronne et celle d'Escosse; vous ayant expressément envoyé tous les principaux traités que j'ay fait extraire de ma cour de parlement, lesquels vous donneront assés de lumière et cognoissance de ce que vous aurés à faire pour mon servisse. Et si vous voyés qu'ils voullussent faire chose qui y aportast quelque altération, il fault que vous trouviés moyen, par quelque honneste occasion, de retarder la résollution qu'ils en voudroient prendre, et si ne le pouviés faire doucement, et que vissiés qu'ils voullussent passer oultre, protester d'infraction de tout ce qui pourroit estre faict contre noz dictz traités et alliances; et n'y intervenés plus, affin que vous ne prestiés aulcun consentement à chose qui me puisse nuire ou préjudicier, ni semblablement aux dictes alliances et traictés d'entre ceste couronne et celle d'Escosse, qui sont joinctes et alliées, de si longtemps, de tant bonne et grande amitié, faisant, au demeurant, tout ce qu'il vous sera possible, et en sorte que les articles et accords qui se passeront au dict traité soyent, le plus que faire se pourra, à l'advantage de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et au bien des affaires de son royaulme; ainsi que je vous ay tousjours escript et commandé d'y tenir la main; ayant bien considéré ce que m'escrivés des propos que vous a tenus le comte de Lestre, sur l'ouverture de la démonstration de bonne intelligence, en quoy la dicte Dame, Royne d'Angleterre, désire demeurer avec moy, qui semblent estre affin que l'on ne pense que ce qui sera faict en cest endroict pour ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, par icelle Royne d'Angleterre, ne soit pour craincte qu'elle aye de secours et assistance que je pourrois donner à ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, et à ses bons subjects, mais seullement pour l'honneste respect et faveur qu'elle me veult porter. Dont je suis bien aise, et desire que vous continuiés à luy user tousjours du mesme honneste langage que je vous ay cy devant escript que vous luy debviés tenir, qui est de vous fonder principalement sur les anciennes alliances de ces deux royaulmes, et encore davantage pour la proximité en laquelle me touche ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, qui vous donne assés d'occasion de presser cest affaire, mais vous aurés à vous conduire de telle sorte que cella ne nous puisse mettre à la guerre, ainsi que j'ay donné charge à ce dict porteur vous dire de bouche.

Et à ceste occasion, il sera bon d'admonester tousjours ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, de ce qu'elle a si expressément promis, et que vous m'avés escript: qui est que, quand bien il ne se pourroit rien traicter par ceste négotiation, que, en quelque sorte que ce soit, elle remettroit ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, en liberté avec ses bons subjects; dont sur cella, il lui fault faire toute instance: car, puisqu'elle l'a ainsi promis, elle n'en sçauroit prendre nulle mauvaise occasion.

N'y ayant plus au reste de vos dépesches à vous respondre si n'est que le sieur Setton n'est poinct passé ici, que j'aye sceu. Et, pour ce, je vous prie ne faillir de regarder soigneusement à descouvrir s'il a rien faict et résollu aultre chose avec le duc d'Alve que pour le faict de l'emprumpt de dix mille escus que me mandés, et aussi qui est le gentilhomme qu'a dernièrement envoyé le dict duc d'Alve en Escosse, oultre les deux aultres qui y avoient esté cy devant par son commandement; et surtout, s'il est possible, il faut apprendre pour quelle occasion ces voyages si fréquents se font, car, si c'est pour entreprendre quelque chose de ce costé là ou en Irlande, je désire bien d'en estre adverti d'heure, et bien certainement. Il est vray qu'il n'y a pas grande apparance que le Roy d'Espaigne ni le dict duc d'Alve y entreprennent; toutesfois il faut, s'il est possible, que vous vous esclercissiés tellement en cessy que en puissiés sçavoir quelque chose par les gens de l'esvesque de Ross ou aultres. Et sera bon aussy que soubz main vous fassiés enquérir, mais par personnes que l'on ne puisse penser que vous leur en ayés donné charge, que sont devenus les Bretons que me mandés que l'on dict de dellà qui ont esté du dict costé d'Irlande, où ils ont relasché, et qu'ils sont devenus; et aussi ce que l'on en dict à la cour d'icelle Royne d'Angleterre et comme vont ses affaires de ce costé là;

Vous voullant bien assurer, sur ce que vous a dict mon cousin le cardinal de Chastillon, se complaignant à vous comme s'il ne jouissoit point encore des bénéfices que j'ay donné ordre, ainsi que ses gens luy peuvent avoir dict et escript, qu'il ne luy en est, ni ne luy en sera pas, rettenu un seul liart de revenu, ni semblablement à tous les aultres bénéficier, estans de la religion. Et a l'on en cela si bien suivi et acheminé l'exécution de mon dict édict qu'ils n'ont, ce me semble, aulcune occasion de se plaindre, leur faisant si dilligemment, et à toutes heures qu'ils requièrent quelque chose, quand elle est de justice, promptement satisfaire; et ay, oultre cella, délibéré de tenir si roide la main, non seulement au faict des dicts bénéfices, mais aussy à tous les aultres poinctz de mon dict édict de pacification, que je suis bien asseuré que les uns ni les aultres n'auront aucune cause de s'en plaindre.

Ce me feust plaisir d'avoir été adverti par vous de l'arrivée du Sr de Walsingam, quelques jours avant qu'il feust ici. Je l'ay, depuis quattre jours, veu avec le sieur Norris, m'ayant le dict sieur de Walsingam apporté lettres de ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, sa Maistresse, comme aussi fit il à la Royne, Madame ma mère; par les quelles ma dicte sœur révoque le dict Sr de Norris et introduit en son lieu le dict Sr de Walsingam, qui véritablement nous a tenu, et aussy à mon frère le Duc d'Anjou, à chascun particulièrement, de la part de la dicte Royne, sa Maistresse, infinis honnestes et agréables propos. Aussy n'avons nous pas, Ma dicte Dame et Mère, et moy, ni mon dict frère, manqué de luy répondre de mesme, l'asseurant bien qu'en tout ce qu'il aura à négotier et à faire pour ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, auprès de nous, qu'il sera tousjours fort cordiallement et vollontiers veu et ouï, de sorte que, sur cella, il a promis de se bien comporter en sa charge, durant laquelle il espère fortiffier, plustot que diminuer, la commune amitié d'entre sa Maistresse et moy.

Je suis bien aise des hacquenées que vous me mandés que le comte de Lestre a faict enharnacher et partir devant le milord de Boucaut, auquel je fairay toute la bonne chère qu'il peut désirer, et me revancheray des hacquenées. Mais je suis bien marry qu'il ne verra pas, comme je pensois, les triomphes qui se feussent faict, si la santé de la Royne, ma femme, eust peu permettre qu'elle eust esté sacrée, et faict son entrée; mais estant encores malade, et ne voyant pas qu'elle puisse estre si tost du tout guérie et bien forte, aussy qu'elle est en doubte d'estre grosse, j'ay résollu que son dict sacre et entrée se fairont une aultre fois; et moy seullement fairay mon entrée, sans grande cérémonie, le premier dimanche de caresme prochain, Dieu aydant.

Et pour ce que le dict Sr de Sabran, présent porteur, vous dira comme je reçois très grand contentement du bon debvoir que vous faictes à mon servisse, je ne vous en diray davantage, si n'est pour vous asseurer que, se présentant pour vostre bien et avancement quelque bonne occasion, je vous en grattiffieray d'aussy bon cœur que je prie Dieu, Monsieur de La Mothe Fénélon, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

Au chasteau de Bouloigne, le XXIXe jour de janvier 1571.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuis ceste lettre escripte, le sieur Norris, se délibérant de partir dans deux ou trois jours pour s'en retourner en Angleterre, est venu prendre congé de moy, m'ayant tenu bien fort honneste langage de ses desportements, pendant qu'il a esté icy. Sur quoy je n'ay pas failli de luy respondre de mesme, de sorte qu'il s'en va bien fort content, et ne doubte pas que, oultre la lettre que j'escripts par luy à la dicte Royne, sa Maistresse, pour respondre à celle que m'a apportée d'elle le Sr de Walsingam, il n'asseure bien sa dicte Maistresse de la bonne et affectionnée vollonté que j'ay à l'entrettènement de nostre bonne et commune amitié; et qu'à son retour de delà il ne fasse, cognoissant que c'est le bien du servisse d'elle, tout ce qu'il pourra pour l'entretenir aussi en pareille bonne vollonté; car il montre bien fort la desirer. Ainsi je luy ay faict faire un présent de vaisselle d'argent jusques environ douze cens escus, comme l'on a accoustumé.

Au chasteau de Bouloigne, le 1er jour de febvrier 1571.

CHARLES PINART.

LXXIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escrite de la main de la Royne.)

du IIe jour de febvrier 1571.—

Déclaration confidentielle et secrète faite par Catherine de Médicis à l'ambassadeur que le duc d'Anjou a formellement annoncé qu'il ne voulait pas épouser Élisabeth.—Regret que cette détermination inspire à la reine-mère.—Moyens que l'on pourrait employer pour entamer une négociation nouvelle.—Proposition qui pourrait être faite pour le duc d'Alençon.—Recommandation du plus profond secret sur cette communication.

Monsieur de La Mothe Fénélon, après avoir entièrement dépesché ce porteur, je l'ay renvoyé quérir pour luy bailler ceste lettre, laquelle n'est que pour vous faire entendre ce que je n'ay voulleu fier ni à secrettaire, ni à personne que à moy mesme, et de ma main vous l'escrire; m'asseurant que vous conduirés ce faict si secrettement et dextrement qu'il ne nous apportera nul inconvéniant, comme je craindrois, si la Royne d'Angleterre pensoit estre desdaigniée ou méprisée, et que cella feust cause de nous mettre en quelque guerre ouverte, ou qu'elle nous la fist soubs main, comme elle a faict jusques ici.

Et pour venir au poinct, c'est que mon fils m'a faict dire par le Roy qu'il ne la veut jamais espouser, quand bien elle le voudroit, d'aultant qu'il a tousjours si mal ouï parler de son honneur et en a veu des lettres escriptes de tous les ambassadeurs, qui y ont esté, qu'il penseroit estre déshonnoré et perdre toute la réputation qu'il pense avoir acquise.

Et pensant tousjours le vaincre par raison, je vous en ay escript tousjours du mesme train jusques à la présente que je me suis délibérée de faire, affin qu'allant les choses plus avant, elle n'eust plus d'occasion de nous vouloir du mal, et se ressentir de ce qu'elle auroit esté refusée.

Et vous promets que, si elle dict à bon escient de se voulloir marier, que j'ay grand regret de l'opinion qu'il a; et voudrois qu'il m'eust cousté beaucoup de sang de mon corps que je la luy eusse peu oter; mais je ne le puis gaigner en cessy, encores qu'il me soit obéissant.

Or, Monsieur de La Mothe, vous estes sur le poinct de perdre un tel royaulme et grandeur pour mes enfans; dont j'ay un très grand regret. Voyés s'il y auroit quelque aultre moyen, comme je vous avois mandé aultrefois, qu'elle voulleût adopter quelqu'une de ses parantes pour fille, et la déclarer son héritière et que mon fils l'espousât; ou une chose que je trouve aussy mal aisée et plus, qu'elle voulleust mon fils d'Alençon, car, de luy, il le desire, et il a sèze ans passés; et d'aultant qu'il est petit de son âge, je fais encore plus de difficulté qu'elle le veuille; car, s'il estoit de grande venue comme sont ses frères, j'en espèrerois quelque chose, car il a l'entendement, le visage, et la façon assés de plus d'âge qu'il n'a; et n'y a à dire, quand à l'âge, que de trois ans, de son frère à luy.

Je ne vous mande cessy pour espérance que j'aye, mais c'est pour faire voir par quel moyen nous pourrions avoir ce royaulme entre les mains d'un de mes enfans; veu, oultre leur grandeur, le bien et grand service pour le Roy et le royaume.

Je vous prie de bien considérer tout ce que je vous en escriptz, et me mander ce que vous en semble, et ce que j'en puis espérer, et me l'escrire par une lettre qui ne soit baillée qu'à moy seulle, et non devant personne; et m'asseurant qu'avés la mesme vollonté en ce faict que j'ay, je ne vous en diray davantage, ni ne le vous recommanderay. Je finis priant Dieu, etc.

De Bouloigne, près de Paris, ce segond de febvrier 1571.

CATERINE.

LXXIV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIIIe jour de febvrier 1571.—

Déclaration du roi que l'entreprise faite en Irlande par des Bretons a eu lieu sans son aveu.—Ordre donné pour en faire punition.—Vive recommandation en faveur de Marie Stuart.—Désir du roi de se rendre au vœu d'Élisabeth, en appuyant auprès de l'empereur le projet de la réunion des églises.—Déclaration faite par le roi à Walsingham concernant l'entreprise des Bretons en Irlande.

Monsieur de La Mothe Fénélon, par la dépesche que je vous ay faicte par le sieur de Sabran, je vous ay amplement respondu à voz dernières dépesches, si ce n'est à celle du XXIIIe de janvier, qui arriva, avant hier, à l'heure du départ du dict Sabran que je ne voullus rettarder davantage; et remis à vous y faire responce à présent[85], que je vous prie d'assurer la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, qu'elle ne doibt pas s'imaginer que je permette jamais qu'aulcun de mes subjects entreprenne rien en Irlande contre son service, ayant été bien surprins de l'advis qu'elle vous à baillé par escript, que j'ay veu, où elle dict que le capitaine La Roche, gouverneur de Morleys en Basse Bretaigne, y est allé avec quattre navires, ayant intelligence avec un nommé Fitz Maurice, que le mémoire porte aussy qu'il est à présent secrettement en Basse Bretaigne à solliciter pour avoir des forces, affin de les mener à ce printemps en Irlande. Ce que je ne puis croire, ny pareillement que le sieur de Crenay, cappitaine de Brest, ait prins d'Angin et une petite isle qui est, à ce qu'a déclaré le dict advis, assez près d'Irlande; car je vous asseure que ce sont choses dont je n'oïs jamais parler qu'à la réception de vostre dicte dépesche.

J'ay desjà donné ordre de m'en informer certènement pour en faire justice exemplaire, s'il se trouve qu'il en soit quelque chose; car j'ay tousjours desiré, comme encore je veux de bon cœur, entrettenir la paix, amitié et bonne intelligence qui est entre ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, et moy; m'asseurant que, de sa part, elle est en pareille vollonté, comme vous me mandés, et que, suivant ce qu'elle vous a promis, elle tiendra bientost la promesse, et parole qu'elle vous a si expressément donnée pour ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, qu'en cas qu'il ne se fasse rien par le traicté, qu'elle ne laissera pas de la mettre en toute liberté ez mains de ses bons subjects: ce que attendant, je n'ay pas voullu que l'ordre que j'avois donné pour secourir ma dicte sœur se soit avancé.

Je vous recommande tousjours de donner à ses affaires toute l'assistance que vous pourrés, suivant les dépesches que je vous ay cy devant faictes, par lesquelles vous estes si amplement informé de mon intention qu'il n'est besoin vous la réitérer. Aussy, pour la fin de ceste cy, seullement je vous diray que je seray tousjours bien aise de m'employer à un si bon œuvre que celluy pour lequel elle vous a prié de m'exhorter: qui est qu'avec la bonne intelligence que j'ay avec l'Empereur, mon beau père, je peusse mettre en avant quelque honnorable moyen d'accord et de réunion en l'Eglise, ce que je désire plus que chose de ce monde, et que je prie Dieu nous donner, vous priant l'asseurer que, l'occasion s'en présentant, c'est chose que j'embrasseray de toute syncère et vraye affection. Sur ce, etc.

Au chasteau de Bouloigne, le VIIIe jour de febvrier 1571.

Monsieur de La Mothe Fénélon, despuys cette lettre escripte, le Sr de Walsingam, à présent ambassadeur de ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, nous est venu faire grande instance pour le faict de Irlande. Sur quoy la Royne, Madame ma mère, et moy luy avons respondu le mesme langage cy dessus déclaré, et asseuré que, pour ce que s'il s'est faict, ç'a esté sans que en ayons rien sceu, nous donnerons ordre d'en faire faire punition exemplaire: de quoy vous pouvés assurer ma dicte sœur, et luy dire que les pratiques et aultres choses, qui se font au préjudice et contre ce qui a esté accordé pendant la suspension, se font par aultres que par moy ni mes ministres, et sans que je l'entende.

CHARLES. PINART.

LXXV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escripte de la main de la Royne.)

du XVIIIe jour de febvrier 1571.—

Consentement donné par le duc d'Anjou à son mariage avec Élisabeth.—Recommandation de presser vivement cette négociation.—Secret qui doit être gardé sur toute cette affaire.

Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous ay escript une lettre de ma main par Sabran, et vous mandois que, voyant que mon fils ne voulloit se marier, que vous essayssiés de voir si la Royne d'Angleterre voudroit son frère d'Alançon, ou luy bailler quelqu'une de ses parantes. Or, despuys, j'ay tant faict que mon dict fils d'Anjou s'est condescendu à l'épouser, si elle le veut, ce qu'il desire, à ceste heure, infiniment. Ce que voyant, j'ai faict temporiser icy milord Boucaust, encore qu'il aye prins congé, affin qu'il vienne encore de nouveau parler au Roy, mon fils, et à moy; et qu'estant asseurés à présent de la vollonté de mon dict fils, nous luy en parlions en façon que la Royne, sa Maistresse, à son retour, cognoisse qu'il ne tient plus à nous que, si elle a envie de se marier, et espouser mon fils, la chose s'effectue avec son honneur et le nostre.

De quoy je vous ay bien voullu advertir par ce porteur que je retins jusqu'à présent pour l'espérance que j'avois de gaigner à la fin mon fils comme j'ay faict; et le vous ay voulleu escrire de ma main pour estre très nécessaire, si la chose se debvoit faire, qu'elle se vît plus tot faicte et le mariage conclud que sceu. Et, pour ceste occasion icy, nous faisons tousjours entendre à tous secrettaires et aultres, que je n'ay jamais peu gaigner mon fils à se voulloir marier. Et parce que tout le monde parle, je vous prie, dorénavant, n'escrire plus de ce propos par lettre qui puisse venir entre aultre main que les miennes, et que personne ne les aye ni voye que le Roy, mon fils, son frère et moy; et aux aultres lettres qui seront des aultres nouvelles et affaires, le secrettaire les aye comme avés acoutumé, mais qu'il n'y aye jamais rien qui parle de ce mariage; lequel desirons qu'il ne traine point, mais, incontinent que le milord sera de retour, que vous taschiés de descouvrir ce qu'il aura dict, et sur cella la vollonté de la Royne d'Angleterre, et nous mandiés comment nous aurons à nous y conduire, affin que bientost nous en puissions avoir l'issue qu'en desirons; et surtout que les Catholiques n'en prennent umbre, mais gaignez les de façon qu'ils le desirent, et leur faictes cognoistre le bien et advantage que ce leur sera.

J'ay entendu ce que m'aviés mandé par ce porteur qui me semble que c'est un bon acheminement, et que j'espère conduire le reste de façon que la fin en sera heureuse et comme la desirons; ce que attendant, je prie Dieu qu'il vous aye en sa saincte garde.

De Paris ce XVIIIe jour de febvrier 1571.

CATERINE.

LXXVI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIXe jour de febvrier 1571.—

Avertissement donné par le roi à Élisabeth d'une entreprise formée par les Espagnols sur l'Irlande.—Résolution du roi d'accorder pour l'Écosse un secours de quatre mille écus par mois, pendant six mois.—Déclaration que l'état des affaires en France ne permet pas de donner davantage, et qu'il faudra toujours se conduire, autant que possible, de manière à éviter la guerre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay reçeu un pacquet de vous, du dernier jour du moys passé, qui a longuement demeuré par les postes; et, le jour mesmes, arriva aussi le sieur de Vassal avec vostre dépesche du VIe de ce moys, et aujourdhui celle du XIIe ensuivant[86]: par toutes lesquelles j'ay eu grande satisfaction de voir les discours que me faites de ce qui se passe journellement par delà. Sur quoy je vous diray que je seray bien aise que, continuant envers la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, le mesme langage que je vous ay escript, vous l'asseuriés toujours que, de ma part, je veux entrettenir inviolablement nostre commune et bonne amitié et intelligence, ainsi que j'ay asseuré le dict Sr de Walsingam, lequel la Royne, ma dicte mère, a adverti, il y a desjà quelques jours, de ce que nous avons entendu qui s'est faict tant en Espaigne que par le duc d'Alve pour dresser entreprinse sur le païs d'Irlande; par où elle jugera bien que, l'en ayant faict advertir, nous desirons par effaict sa conservation et continuation de nostre dicte bonne amitié, espérant que, de sa part, elle fera le semblable, et que, suivant ce qu'elle m'a si souvant, et, depuis quelque temps, si expressément promis, en quelque sorte que ce soit, soit qu'il se fasse quelque bon traicté pour ma sœur, la Royne d'Escosse, ou non, qu'elle la remectra en liberté ès mains de ses bons subjectz.

Et si vous cognoissés que ce ne soit que parolles, sans qu'il y ait espérance de quelque bon effaict, je suys résollu, suivant ce que vous m'avés escript par vostre dicte dernière dépesche, que je viens présentement de voir, de secourir par chacun moys, jusques à six moys durant et prochains, à commancer ce moys de mars, ma dicte sœur, la Royne d'Escoce, de quatre mille escus. Et pour ce, si vous voyés qu'il n'y ait aulcun moyen de faire que la dicte Royne d'Angleterre me tienne en cella promesse, il fault que doucement et sans grand bruict vous asseuriés l'évesque de Ross, ou celluy auquel ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, a le plus de fiance par delà, que, combien que je sois après à me restraindre pour mesnager et rétablir mes affaires des dépenses que m'ont apportées ces dernières guerres, néantmoings je m'estendray et fairay fournir, sans qu'il y ait aulcune faulte, au commencement de mars, jusques à six mois durant, si tant les affaires de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, durent, les dicts quatre mille escus par moys, à commancer en mars prochain.

Et fault que vous regardiés avec le dict évesque de Ross, ou aultre à qui ma dicte sœur a plus de confience, à qui secrettement je les fairay fournir ici, affin qu'ils soyent bien employés, et sans qu'il soit sceu que cella vienne de nous; car je serai bien aise de continuer tousjours envers ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre, l'instance que j'ay occasion de luy faire de la restitution et dellivrance de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, sur ce qu'elle vous a clairement dict et donné charge de m'escrire et promettre de sa part, comme vous avés faict: qui est qu'elle la mettroit bientost en liberté. Dont cependant vous l'admonesterés tousjours honnestement, le plus à propos que vous pourrés de ma part, sans qu'elle puisse en cella trouver légitime excuse; comme aussy ne sçauroit elle, pourveu qu'elle, ny les siens ne sçachent rien des dicts quatre mille escus par moys; estant bien nécessaire, pour beaucoup de raisons, que vous observiés et considériés bien ce qu'elle vous dira chacune fois que vous lui parlerés de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, affin que vous puissiés pénétrer et descouvrir ceux de ses ministres et conseillers de qui et pourquoy elle est entrée en tant de déffiance que j'ay veu par vos dictes lettres qu'elle est; luy faisant tousjours cognoistre que, s'il s'est faict aulcune chose qui donne occasion de retarder ou rompre la négociation du traicté de la restitution de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, que je croy certainement que icelle ma dicte sœur n'en a aulcune intelligence, et de ma part je n'en sçay rien, comme vous la pouvés certainement asseurer.

Tout le reste de vos dictes dépesches ne requiert plus de réponse, si ce n'est pour vous dire qu'il sera bon, suivant ce que je vous escrivis en chiffre, il y a quelque temps, que vous vous comportiés, pour le regard de la négotiation d'entre la dicte Royne d'Angleterre et le duc d'Alve, et pour les autres affaires qui se pourront offrir entre les Espagnols et les Anglois, ainsi que je vous ay faict entendre; qui me garde de vous en tenir ici plus longs propos.

Mais vous diray que, despuys six jours, le sieur de Seton est arrivé en ce lieu, avec lettres que la Royne d'Escosse, ma sœur, m'a escriptes et à la Royne, Madame et Mère, et aussi à mon frère, le Duc d'Anjou, qui sont faictes dès le moys d'octobre; et d'aultres particulières de l'évesque de Ross, du Ve de ce moys, par lesquelles ma dicte sœur et icelluy évesque me requièrent très instamment, oultre la créance du dict Seton, qui estoit aussy de même, de secourir et assister ma dicte sœur la Royne d'Escosse.

Sur quoy je respondis à l'archevesque de Glasco et au dict Seton, comme aussi fist Ma dicte Dame et Mère, de son costé, que nous avions faict ce qui avoit esté possible, comme encore nous fairions toujours, pour la restitution de ma dicte sœur, la Royne d'Escosse; mais, parce que la Royne, Ma dicte Dame et Mère, jugea aux propos que luy tint le dict archevesque de Glasco, qu'il sembloit que nous n'eussions assés fait en cella; et toutesfois vous avez sceu ce que je dis au Sr de Walsingam, quand il s'en retourna dernièrement pour faire entendre à la dicte Royne d'Angleterre, et ce que despuis j'escrivis au Sr de Norrys, qui est tout ce que je pouvois et peut estre plus que je ne debvois lors, considéré l'estat de mes affaires; ce que Ma dicte Dame et Mère ne faillit pas de bien dire, à ce propos, au dict archevesque de Glasco. Dont je vous ay bien voulleu advertir, affin que, rettenant cella à vous, vous puissiés par dellà mieux juger ses déportements. Car je croy que luy, et ceux, avec lesquels il confère ordinairement, desireroient bien de me mettre à la guerre avec ma dicte sœur, la Royne d'Angleterre; ce que, pour vous dire vray, je veux évitter, avec occasions raisonnables, tant que je pourray, et plustot, s'il est possible, voir ceux qui m'y desirent, et qui ont faict tout ce qu'ils ont peu pour entrettenir les troubles en mon royaulme. Je ne veux pour cela laisser Madame ma dicte sœur, la Royne d'Escosse, mais dellibère de l'assister, tant qu'il me sera possible, comme j'ay tousjours faict jusques icy, et que je fairay encores, sellon les moyens que j'en ay.

Je remettray le surplus de ce que je vous pourrois escrire au contenu de vos dictes dépesches, à quand le dict de Vassal s'en retournera; qui sera quand j'auray veu le dict Sr de Boucaust et ceux de sa troupe, auxquels je fairay faire bonne chère, au devant duquel j'ay envoyé.

Et vous diray, pour la fin de ceste cy, que celluy, que me mandés qui a escript de delà ce qui est contenu au mémoire enclos avec vostre dicte dépesche du XIIe, est mal adverti, ayant seullement receuilli ce que ceux qui discourent à leur fantaisie ont peu penser, ou luy mesmes, qui n'a pas voulleu envoyer les premières dépesches sans y mettre des nouvelles, en a voulleu composer; mais il sera bon que vous continuiés tousjours à recouvrer les doubles de celles qu'il faira cy après et ses mémoires pour m'en advertir, et cella sera tenu secret comme vous desirés; aussy le fault il ainsi pour le bien de mon servisse, priant Dieu, etc.

Escript au chasteau de Bouloigne, le XIXe jour de febvrier 1571.

CHARLES. PINART.

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