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Supplément à la Correspondance Diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe Fénélon, Tome Septième: Ambassadeur de France en Angleterre de 1568 à 1575

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INSTRUCTION
mandée par le Roy aux gouverneurs de Normandie de ce qu'ils auront à faire vers ceulx de la nouvelle religion.

—du IIIe jour de novembre 1572.—

Le Roy, ayant congneu que la déclaration qu'il a faicte sur les occasions qui se sont puis naguières présentées en ceste ville de Paris, les mémoires et instructions de sa volonté qu'il a envoyées de toutes partz aux gouverneurs de ses provinces et lieutenans généraux en icelles, et lettres particullières qu'il leur a escriptes et à ses courtz de parlements et aultres ministres et officiers de justice, n'ont peu, jusques icy, empescher les cours des meurtres, pilleries et saccagements qui se sont faictz en la plupart des villes de ce royaulme, au grand desplaisir de Sa Majesté:

Advise, pour le plus singulier remède, envoyer tous les dictz gouverneurs en chascung de leurs dictz gouvernementz, asseuré que, attendu leur qualité et le pouvoir qu'ils ont de Sa Majesté, ilz sçauront bien faire suyvre et observer son intention, de laquelle, pour en estre plus amplement esclarcie, Sa dicte Majesté a faict dépescher ses lettres patentes qui leur seront baillées, lesquelles il entend qu'ils facent exactement observer; oultre le contenu desquelles, monseigneur le duc de Bouillon, gouverneur et lieutenant général de Sa dicte Majesté au pays et duché de Normandye, et en son absence, Mr de Carrouges, l'ung des lieutenantz de Sa dicte Majesté au dict gouvernement, fera venir devers luy les gentilzhommes de la nouvelle opinion résidans en son gouvernement et charge;

Leur dira que le vouloir et intention du Roy est de les conserver, eux, leurs femmes, enfans et famille, les maintenir en la possession et jouissance de leurs biens, pourveu que, de leur part, ilz vivent paisiblement, rendans à Sa Majesté l'obéissance et fidélité qu'ilz luy doivent, ce que faisant, le Roy aussy les gardera qu'ilz ne soient, par voye de justice ny autrement, inquiétez ny molestez en leurs personnes ni biens, pour raison des choses faictes et passées durant les troubles, devant l'édict de paciffication au moys d'aoust 1570.

Après, les admonestera amiablement de ne persévérer plus longuement en l'erreur des nouvelles oppinions, et de revenir à la religion catholique, se réconciliant à l'Eglise apostolique et romaine, en la doctrine et obéissance de laquelle le Roy et ses prédécesseurs et leurs subjectz ont tousjours sainctement vescu, et ce roïaulme s'est heureusement conduict et maintenu, leur remonstrant les malheurs et calamitez qu'on a veuz en ce dict royaulme, depuis que ces nouvelles oppinions sont entrez aux espritz des hommes; de combien de maulx elles ont esté causes; qu'elles ont desmys ceux qui en ont esté imbuz du droict chemin qu'avoient tenu leurs ancestres; elles les ont faict séparer premièrement de l'Église et, en après, de leurs plus proches parens; se sont aussy esloygnez du service de leur Roy, voire de l'obéissance et fidellité qu'ilz luy doibvent, comme l'on a veu depuis ce règne;

Que, jaçoit que les autheurs et chefz de ceste part ayent voulu couvrir leurs actions du tiltre de la religion ou de conscience, toutesfois les œuvres et effectz ont assez monstré que le nom de religion n'estoit qu'ung masque pour couvrir toutes les machinations et désobéissances, et, soubz ce prétexte, assembler, suborner et gaigner gens, les abstraindre, et par serment faire jurer en la cause, soubz ce tiltre de religion, et par telle voye les distraire de la naturelle affection qu'ilz doibvent à leur Roy, conséquamment de son obéissance, estant assez notoire que, quelque commandement qu'ayt peu faire le Roy à ceux de la nouvelle oppinion ilz ne luy ont obéy, depuis son règne, synon aultant qu'il playsoit à leurs chefz; au contraire, quand leurs dictz chefz ont commencé prendre les armes, s'eslever, s'emparer des villes, brusler les églises, piller et saccager, bref, de troubler tout le royaulme, le remplir de feu et sang, ceulx qui s'estoient ainsy desvouez de les suivre oublyoient toute loyauté, tout devoir de bons subjectz, pour obéyr et exécuter leurs commandementz;

Lesquelles choses sy les dictz gentilzhomes veulent bien considérer, ilz jugeront facilement combien seroit leur condition malheureuse et misérable, s'ilz persévéroient plus longuement en leur erreur; car ilz peuvent bien d'eulx mesmes estimer que le Roy, enseigné par l'expérience de tant de dangers dont il a pleu à Dieu préserver luy et son estat, ayant esprouvé les malheurs et calamitez que ce royaulme a souffertes et les entreprinses des chefz de ceste cause, leurs adhérans et complices, ne se servira jamais volontiers, ny ne se fiera d'un gentilhomme, son subject, qui tiendra oppinion en la religion aultre que la catholique; en laquelle ainsy le Roy, suivant ses prédécesseurs, veut vivre et mourir.

Il vent aussy pour oster toutes défiances entre ses subjectz, pour estaindre la source de discorde et séditions, que tous ceux principalement des gentilzhommes, desquels il se sert en lieux plus honnorables, qui desireront estre de luy recongneuz pour bons et loïaulx subjectz, qui vouldront avoir sa bonne grâce et estre de luy employez ès charges de son service, selon leurs degrez et qualitez, facent profession et vivent, dorsenavant, en mesme religion que la sienne;

Ayant esprouvé que jamais les discordes et guerres civiles ne cesseront en ung estat, où il y aura diversité de religion; et qu'il est impossible à ung roy maintenir en ung mesme royaulme ceste répugnance de religion, qu'il ne perde la bienveillance et obéissance de ses subjectz;

Voire que ceux qui seront de religion répugnante à la sienne ne desirent en leur cœur que changement de roy et estat.

Par les raisons susdictes et autres, les dictz Srs de Buillon ou Carrouges pourront amener, et à mesme fin s'efforceront à persuader à la noblesse, et aultres personnes qualiffiez de la dicte nouvelle oppinion, de retourner d'eux mesmes et de leur franche volonté à la religion catholique, et de abjurer la nouvelle, sans attandre plus exprès éedictz et commandementz du Roy: car, en quelque sorte que ce soit, le dict Seigneur est résollu faire vivre ses subjectz en sa religion, et ne permettre jamais ny tollérer, quelque chose qui puisse advenir, qu'il y ayt aultre forme ny exercice de religion en son royaulme que de la catholique.

Le dict Sr duc de Buillon ou le dict Sr de Carrouges communiquera aux gens de la court du parlement du dict pays la déclaration de Sa dicte Majesté, affin qu'ilz entendent quelle est son intention et la bonne fin à laquelle elle tend, au bien, repos et réunion de ses subjectz, pour par le dict Sr duc de Buillon ou le dict Sr de Carrouges et la dicte court de parlement, à laquelle Sa Majesté envoyera bientost semblable déclaration, estre procédé de mesme pied et commune intelligence et correspondance à l'effect que dessus, à ce que le fruict, repos et utillité en puisse réussir tel que Sa Majesté desire, non seulement pour ce qui la peult regarder, mais pour l'universel de son royaulme.

Les baillifz et séneschaux, qui ne sont de la qualité requise, passeront procuration pour résigner dedans ung moys leurs offices à gentilzhommes capables, de la qualité portée par l'éedict sur ce faict, qui les pourront tenir et exercer; et à faulte de ce faire, Sa Majesté les desclare, dès maintenant comme lors, privés de leurs offices, et affin qu'ilz n'aient occasion de couleur de remise et excuse, elle entend et leur permet qu'ilz puissent résigner leurs dictz estatz, sans pour ce païer aulcune finance. Tous baillifz et séneschaux résideront en leurs bailliages et séneschaussées sur peyne de privation, et où ilz ne pourront ce faire pour autres empeschemens, seront tenus de résigner; ce que Sa dicte Majesté entend pareillement qu'ilz puissent faire sans payer finance.

Tous archevesques et évesques résideront sur leurs bénéfices, et ceux qui, par vieillesse ou aultre indisposition de personnes, ne pourront prescher et annoncer la parolle de Dieu, et eulx mesmes édiffier leur peuple, et faire leurs autres fonctions appartenans à leur charge et dignité, seront tenus de prendre et choisir ung coadjuteur pour les soullager et s'emploïer au debvoir de leur charge, auquel coadjuteur ilz assigneront pension honneste et raisonnable, telle qu'elle sera advisé selon les fruictz et revenu du dict bénéfice. Les curez résideront pareillement sur leurs bénéfices ou seront admonestez de les résigner à aultres, qui résideront par personnes, et feront le debvoir de leur charge. Les archevesques et évesques s'informeront de ceulx qui tiendront les abbayes, prieurez, cures et autres bénéfices, qui sont en leurs diocèses, de quelle qualité ilz sont, et le debvoir qu'ilz rendent en l'administration de leurs bénéfices, dont ilz feront procès verbal qu'ilz métront ès mains des gouverneurs qui les envoyeront, puis après, à Sa Majesté, pour y pourvoir ainsy qu'elle verra estre besoing; feront résider actuellement les curez ès lieux de leurs cures, ou commettront en icelles d'autres personnes capables selon les dispositions canoniques.

Fait à Paris, le IIIe jour de novembre 1572.

CHARLES. PINART.

CXXXVII

LE ROY A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

du IIIe jour de novembre 1572.—

Lettre de créance donnée à l'ambassadeur.—Déclaration du roi qu'il veut continuer l'alliance avec Élisabeth.—Articles présentés par l'ambassadeur pour cette négociation, et réponses de la reine d'Angleterre.

Très haulte, très excellante et très puissante Princesse, nostre très chère et très amée bonne sœur et cousine, encores que vous ayes peu cognoistre par les effectz et par les déclarations que nous avons faictes à vostre ambassadeur, dont il vous aura adverty, l'affection grande, que nous avons, de continuer et persévérer en la vraye et parfaicte amityé qui est entre nous deux, nos royaumes, païs, terres et subjectz, selon le dernier traité faict entre nos commis depputés et ambassadeurs; toutesfois desirans tousjours vous confirmer et fortiffier en ceste assurance, et afin que, de vostre part, vous veuillés aussi nous correspondre en cella, comme nous n'en doubtons aucunement, veu le tesmoignage qui nous en ont, despuis peu de jours, esté randus par vostre ambassadeur, nous avons donné charge au Sr de La Mothe Fénélon, chevalier de nostre ordre et nostre conseiller et ambassadeur résidant par dellà, vous faire, en cest endroict, entendre aucunes choses de nostre part dont nous vous prions le croire, et luy adjouster foy, en cest endroict, comme à nous mesmes; qui prions Dieu, très haulte, etc.

Escript à Paris, le IIIe jour de novembre 1572.

Vostre bon frère et cousin.
CHARLES. PINART.

Nota. Deux lettres de créance furent écrites, le même jour, dans les mêmes termes, par la royne-mère et par le duc d'Anjou.

ARTICLES PRÉSENTÉS A LA ROYNE D'ANGLETERRE
par Mr de La Mothe Fénélon, et responses faictes, au nom de la Royne, par milord de Burgley.

—du XVIIe jour de novembre 1572.—

Par une dépesche du Roy, du troysiesme de ce moys, au Sr de La Mothe Fénélon, son ambassadeur, il luy a mandé présenter une sienne lettre à la Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, et une autre de la Royne, sa mère, et encores une aultre de Monseigneur, frère de Sa Majesté, lesquelles estantz en créance sur le dict ambassadeur, il a expliqué sa dicte créance à Sa Majesté et aux seigneurs de son conseil aux articles qui s'ensuyvent:

Art. 1er. Le premier est comme le Roy, sur les couches de la Royne Très Chrestienne, sa femme, qui sont premières et ont esté heureuses et sans aucun danger, et sur la naissance d'une petite princesse leur fille qu'il a pleu à Dieu leur donner, il a bien voulu faire une espécialle conjouyssance avec la Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, comme avec celle d'entre tous les princes et princesses de la Chrestienté qu'il s'asseure que reçoit plus de plaisir d'entendre ses prospérités, et qu'il la prie de vouloir desjà mectre ceste sienne petite parante au roolle de ses meilleures alliées, et des plus certaynes confédérées, comme sont tous les aultres de ceste couronne.

Réponse.—Au premier, Sa Majesté a respondu à Monsieur l'Ambassadeur.

Art. 2. Qu'il la prie de croire qu'il persévère et persévèrera très constamment en la résolution qu'il a prinse, d'entretenir à jamays la vraye et parfaicte amitié qu'il luy a jurée, et observera droictement tous les poinctz du traicté qui est entre eulx, et la secourra, quand elle en aura besoing, contre qui ce soit au monde, et fut ce pour cause de religion; et qu'il se resjouyt infiniment de ce que par les responces qu'elle a faictes, icy, au dict Sr de La Mothe, et par celles qu'elle luy a faictes faire à luy mesmes, par delà, par le Sr de Walsingham, depuis l'évènement des choses de Paris, elle luy a renouvellé, et luy a confirmé la semblable persévérance de sa part vers luy, ce qui luy entretient bien vifve, et à la Royne, sa mère, l'espérance de l'aultre bon propos de Monseigneur le Duc, son frère, et leur augmente, de plus en plus, à tous eulx, l'extrême desir qu'ilz ont de le veoir bientost effectuer; dont, touchant ces deux poinctz, il requiert que, quant à celuy de la confédération, il plaise à la Royne, sa bonne sœur, d'accomplir ce qui reste des deux articles du commerce et de la paix d'Escosse, affin qu'on ne puisse, cy après, arguer le traicté d'invalidité comme n'ayant sorty à effect; et, quant à l'alliance, qu'elle luy vueille fère et à la Royne, sa mère, entendre la plus ample déclaration de sa volonté, ainsy qu'ilz l'ont attendues, et attendent, depuis plusieurs jours en ça, avec très grande dévotion, et la souhaitent de tout leur cueur estre bonne.

Réponse.—Sa Majesté desire en toutes sortes entretenir et parfaire le tretté, et faire dresser une estape de merchandises en quelque lieu en France; mais qu'en ayant parlé et faict parler par les seigneurs de son conseil à leurs merchans, ilz les ont trouvés le plus estrangiez et plus esmerveillez du monde de ce que, après tant de massacres et murtres faictz en France, Sa dicte Majesté et ses dicts conseillers leur parlent de dresser estape et traffiquer par dellà; disans que, puysque le Roy n'a tenu à ses propres subjectz ce qu'il leur avoit promiz par l'éedict de paciffication, à plus forte rayson ne s'y doibvent ilz, qui sont estrangiers, et ne veulent s'y fyer jusques à tant qu'ilz verront que les choses soient mieux paciffiées en France, et qu'il y ait meilleur ordre;—Touchant la paix d'Escoce, que Sa Majesté pense que la paix feust desjà conclue sans la mort du régent, mais qu'elle a entendu, par lettres de Me Quillegrey, que toutz ceulx de la noblesse du dict pays se doibvent assembler, au quinziesme de ce mois, pour pourvoir, tant sur la forme du gouvernement du pays que sur la paix, et, par aultres lettres de ceulx du party du Roy, que, si la paix ne se conclud, que cella vient de France, y ayans ceulx du chasteau de Lislebourg des ministres, et mesmes le cappitaine d'icelluy, son frère, et aultres, desquelz ilz ont eu advertissement de ne rien accorder et qu'ilz auront tout secours de France.

Art. 3. Que cependant le Roy, pour ne laisser la dicte Dame, sa bonne sœur, incertayne touchant l'oppinion qu'elle pourroit avoir de luy, sur ce qui est advenu contre le feu Admiral et les siens, encores qu'elle et tous les autres princes du monde s'en deussent rapporter à la simple parolle de luy, qui en doibt le seul compte à Dieu et non à aultre, si a il voulu donner à elle ceste espécialle satisfaction que de luy envoyer les jugementz et arrêtz que sa court de parlement de Paris a donnez contre le dict Admiral et deux de ses complices, sur les preuves, vériffication et confession du faict, selon que la dicte court ne juge jamays aultrement; et qu'il s'est trouvé que la conspiration avoit esté véritablement faicte (s'ilz n'eussent esté bientost prévenuz), d'aller exécuter jusques dans le logis du Roy ceulx qu'ilz réputoient leurs ennemys, et n'espargner la personne de la Royne, sa mère, ny celle de Messieurs ses frères, voire s'adresser à luy mesmes, ou pour le moins le retenir en leur puissance, et se rendre si fortz près de luy qu'il n'eust peu dire sinon qu'il estoit à leur mercy et discrétion; en quoy s'ilz en fussent allez jusques là, il ne sçayt s'ilz n'eussent passé plus avant, car ilz avoient desjà mandé à tous ceux de leur religion de prendre incontinent les armes, et à ceux qui estoient les plus prestz de se rendre, le IIIe jour, dans Paris; dont il remect bien au bon jugement de la Royne, sa bonne sœur, de considérer à quelle extrémité alloient les choses, et si Dieu n'a pas usé d'une singulière grâce et d'une espécialle protection vers luy de l'avoir délivré et les siens, et son estat, d'ung si éminent péril; et que Dieu luy est tesmoing que nul, soubz le ciel, se fust plus opposé que luy à la ruyne de l'Admiral et de ceux qui ont souffert avec luy, s'il n'eust esté meu contre eulx de l'extrême nécessité de ce dangier.

Réponse.—Sur le 3e, Sa Majesté en remet le tout au Roy.

Art. 4. Qu'il veult bien donner compte à la Royne, sa bonne sœur, comme le Pappe envoye le cardinal Ursin, légat devers luy, lequel estoit party de Romme avant la blessure et la mort du feu Admiral, et que tout ce qu'il a peu entendre de sa commission est qu'il le vient prier et presser d'entrer en la ligue contre le Turc, entendant le merveilleux et extrême appareil de guerre que le dict Turc faict pour furieusement assaillir, ceste année prochayne, par mer et par terre, la Chrestienté, de quoy le Roy a bien voulu faire entendre à la dicte Dame le grand regret qu'il y a, et quelle est son intention et délibération là dessus.

Réponse.—Au 4e, que Sa Majesté trouve bonne la négociation du dict cardinal Ursin sur la ligue contre le Turc; mais qu'elle verra bien s'il y négociera aultre chose ou contre elle ou contre ses affères, et y pourvoyrra.

Art. 5. Que touchant l'armée du dict Sr Strossy, qu'il est très certain qu'en septembre dernier il l'avoit cassée, veoyant qu'il n'apparoissoit, d'aucun endroict de son royaulme, qu'il y deust avoir mouvement, et, grâces à Dieu, les choses ne monstrent qu'il y en doibve encores avoir beaucoup; néantmoins, de tant que ceux de la Rochelle monstrent de se vouloir opiniastrer, cela et non aultre occasion l'a contrainct de la fère rassembler et mectre sus de rechef, afin que, s'ilz ne se ravisent, il mecte ordre, commant que ce soit, que l'auctorité luy en demeure; ayant dellibéré d'y envoyer Monsieur d'Anjou, son frère, pour les admonester de leur debvoir, avec les plus honnestes conditions et les meilleures et plus grandes seuretez qui se pourront adviser; et, si ces gracieux moyens n'ont lieu, lesquelz, desjà une fois, ilz avoient monstré de les vouloir accepter et encores en font quelque semblant, il y employera, à la fin, la force. A quoy il aura ung extrême regrect qu'il en faille venir à tant: néantmoins il a délibéré ne cesser qu'il n'en soit venu à bout.

Réponse.—Que Sa Majesté desire infinyement qu'iceulx de la Rochelle rendent toute l'obéyssance qu'ilz doibvent au Roy, et qu'elle mettra peyne de les y exorter, et vouldroit bien avoir quelque asseurance pour leur donner de soy mesmes, et mesmes à ceulx là qui se sont adressez à elle, qui disent qu'ilz ne se peuvent aulcunement fier au Roy, veu mesmes que, ayant esté publié en France plusieurs éedictz pour fère retourner ceulx de la religion en leurs maysons, pour y vivre paysiblement, despuys les massacres advenuz à Paris, ceulx qui s'y sont fiez et s'en sont retournez en leurs dictes maysons y ont esté tuez.

Art. 6. Qu'il estime que la difficulté qu'ilz font procède plus de la persuasion d'aultruy et de l'espérance qui leur est donnée de ne debvoir estre habandonnez, que de volonté qu'ilz ayent de se rebeller, car il a sceu et a veu, par aulcunes lectres qui ont esté naguières interceptées, comme le comte de Montgommery et aulcuns aultres françoys, qui sont par deçà, leur mandent et les asseurent bien fort qu'ilz auront, soubz main, tout le secours qu'ilz voudront de la Royne d'Angleterre, et toute l'assistance qui leur sera nécessaire de son royaulme, sans que; pour cela, elle se déclare à la guerre contre luy. Ce qu'il n'a creu en façon du monde, ains a jugé incontinant que cela procédoit de la passion de ceux qui escripvoient les lectres, et plustost s'asseure il de tirer toute ayde et faveur d'elle en ce qu'il aura besoing; ny pareillement n'a creu que ce soit par sa commission que aucuns capitaynes de mer, françoys, ayent, ainsy qu'on luy a dict, équipé en guerre quelques vaisseaux par deçà, et se soient associez avec d'aultres capitaynes de mer, angloix, pour conduire ceste praticque, et pour empescher la navigation, comme desjà ilz la troublent beaucoup ez costes de Normandie et Bretaigne, ainsy que plusieurs plainctes luy en viennent tous les jours.

Sur quoy il suplie la Royne, sa bonne sœur, et la conjure, au nom de la parfaicte et loyalle amitié que, devant Dieu et les hommes, ilz se sont sainctement et fort solemnellement jurée l'un à l'autre, que, comme il a eu, et a, et ne veult cesser d'avoir, durant tout son règne, ung singulier respect à tout ce qui pourra en quelque sorte concerner Sa Majesté et tous les poinctz de leur mutuelle ligue et le repos de son royaulme, qu'il luy plaise, de son costé, avoir le mesmes esgard vers luy; et que, sans s'arrester aux persuasions des gens passionnez, ny aux inventions controuvées pour luy engendrer des scrupules et deffiances dans le cueur, elle veuille persévérer ez bons termes de la vraye et inthime amitié qui est commancée entre eux, comme, de sa part, il y demeurera immuable à jamais, et qu'elle vueille passer oultre à l'aultre unyon qui s'en fera indissoluble par ceste plus estroicte alliance, laquelle luy et la Royne, sa mère, et tous ceux de leur couronne persistent de desirer plus instamment que jamays, et y ont plus d'affection qu'à chose qui soit aujourdhuy au monde.

Réponse.—Sur le 6e, qu'ayant le comte de Montgommery escript à Sa Majesté, dez le commancement, bien au long, son infortune et callamité, et prié de permettre qu'il vînt devers elle, Sa dicte Majesté le luy auroit reffuzé, et qu'estant cejourduy venu le dict comte en ceste dicte ville, il ne sçayt pourquoy ni à quelles fins;—Et pour le regard de ces capitaynes françoys, qui ont équipé en guerre quelques vaysseaulx par deçà, que Sa Majesté n'en a rien sceu, et que icelluy milord de Bourgley prie Monsieur l'Ambassadeur de luy nommer tant les dicts capitaines que les portz et hâvres où ilz se sont équipez, pour en fère fère telle poursuyte et punition contre les gardiens et aultres qui auroient baillé faveur ou permission de ce fère que le dict Sieur Ambassadeur en sera contant.—En ce qui concerne l'aultre unyon, que Sa Majesté entend du mariage, qu'elle a naguières receu lettres, et le dict Sr Bourgley aussi, de Mr de Walsingam, par lesquelles il mande que, en une audience qu'il a eu de la Royne Mère, parlant de ce faict, et expressément de l'entreveue, il a trouvé la dicte Dame si réfroydie sur ce point qu'il luy semble le faict estre à n'en plus parler.

Art. 7. Qu'il est très marry qu'on ayt rapporté aux seigneurs du conseil d'Angleterre qu'il ayt commandé faire ny le massacre de Rouan ny les aultres qui ont suivy depuis ez aultres lieux; car c'est la plus grande imposture et la plus faulce calomnye qui ayt esté jamais mise sus à nul prince, ayant au contraire, par plusieurs foys, escript à ses lieutenantz et gouverneurs et nommément au Sr de Carouges à Rouan, qu'ilz eussent à prendre très soigneusement garde que ces désordres n'advînsent; lesquelz l'on craignoit assez, veu l'insolence d'aucunes meschantes personnes qui avoient le cueur au sang et au pillage, et qui n'ont espargné les biens des Catholicques non plus que des Huguenotz; et que Dieu, devant lequel il chemyne, luy est tesmoing qu'il a ung mortel regret que pas ung de ceulx qui n'avoient intelligence avec les chefz de la conspiration ayent souffert, et que bientost l'on onyra parler de la punition exemplaire qui sera faicte à Rouan et aultres lieux contre les autheurs de ces violances.

Réponse.—Sur le 7e que Sa Majesté s'en remect au Roy.

Art. 8. Que, au regard de ce que Mr le cardinal de Lorrayne a faict inscripre à Romme sur la porte de l'hostel Sainct Louys[142], ce n'est chose où l'on doibve avoir esgard, car l'on sçayt assez que ce n'est ny du sceu ny du commandement du Roy, qui n'a accoustumé de négocier ses affaires au dict lieu que par son ambassadeur.

Réponse.—Sur le 8e, que Sa Majesté trouve ceste responce fort froyde, toutesfoys qu'elle la reçoit, puisqu'elle vient du Roy; et qu'elle ne peult croyre qu'estant le dict Sr cardinal de Lorrayne le premier éclésiastique, premier du conseil du Roy, et premier de la noblesse de France, qu'il ayt tant présumé de soy que d'ozer rien faire publier à Rome sans le sceu et commandement du Roy.

Art. 9. Et quant aux françoys qui ont passé en ce royaulme, lesquelz monstrent s'y estre retirez pour cause de leur religion, qu'il desire qu'ilz s'en retournent paisibles en leurs maisons, et qu'ilz y seront bien traictez, et que, sur son honneur et sur la foy et vérité qu'il doibt à Dieu, il ne le leur sera faict aucun tort ny desplaisir.

Réponse.—Sur le 9e, que Sa Majesté desire infinyement qu'ilz s'en retournent en leurs maysons et qu'ilz rendent toute obéyssance au Roy; mais que, de les y contraindre, elle s'en sentiroit grandement chargée en sa conscience, si ilz y avoient mal, et en penseroit estre cause; mais qu'elle gardera bien que eulx ny aultres, quelz qui soyent, ny attempteront ny pratiqueront rien contre le Roy et son honneur, ny de faict ny de parolle.

Art. 10. Qu'il a faict expédier au Sr de Walsingham les lectres patentes et provisions qu'il luy a demandées pour l'accommodement des affaires des Angloix en son royaulme, et qu'il prie la Royne d'Angleterre, sa bonne sœur, de croire qu'en nulle part de la terre habitable, ses marchandz et subjectz ne trouveront de plus seur accez, plus de faveur, plus de bon recueil, plus de bon et libre commerce, plus de bonne expédition de justice et tout bon traictement qu'ilz feront en la France et en tous les endroictz d'icelle; et qu'il a plaisir que la flotte pour les vins soit allée à Bourdeaux, y ayant mandé de la bien et favorablement recueillir; et il suplie aussi la dicte Dame, sa bonne sœur, de commander une semblable bonne expédition de justice à ses subjectz par deçà; car il en reçoit tous les jours beaucoup de plainctes.

Réponse.—Sur le 10e, que Sa Majesté n'a encores rien entendu de ses merchandz, qui sont allez à Bourdeaux, comme ilz ont esté traictez, et qu'estans de retour, sellon ce qu'ilz rapporteront à Sa Majesté du trettement qu'ilz y auront receu, elle randra responce au dict Sieur Ambassadeur.

CXXXVIII

LE ROY A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

du XIXe jour de novembre 1572.—

Remerciemens à raison de l'acceptation qu'a faite Élisabeth du titre de marraine.

Très haulte, etc., nous avons tousjours tant estimé de la bonne affection que vous nous portés et au bien de noz affaires, que vous ne recepvrés jamais que plaisir de ce qui nous pourra apporter contantement; mais encores en avons nous tant plus de témoiniage par la démonstration de l'aize que vous avés faicte sur la nouvelle que vous avés eue que Dieu nous a donné une fille, ainsi que nous avons sceu par les dernières lettres que nous a escriptes le Sr de La Mothe Fénélon, nostre ambassadeur par dellà, qui nous faict croire que vous feriés tenir en vostre nom, avec l'Impératrice, sur les sainctz fondz de batesme nostre dicte fille, et en donnerés la charge à personne convenable; dont nous vous prions tant et si affectueusement que fère pouvons, ne desirans rien davantage que la continuation et fortiffication de nostre mutuelle amityé; à quoy nous adjousterons, de nostre part, tout ce que nous penserons y pouvoir servir, ainsi que vous dira plus particullièrement le Sr de Mauvissière, chevallier de nostre ordre, que nous envoyons exprès par dellà, lequel nous vous prions croire de ce qu'il vous en dira de nostre part comme feriez à nous mesmes; priant Dieu, très haulte, etc.

Escript à Paris, le XIXe jour de novembre 1572.

Vostre bon frère et cousin.

CHARLES. PINART.

CXXXIX

LA JEUNE ROYNE A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

du XIXe jour de novembre 1572.—

Prière à la reine d'Angleterre pour qu'elle consente à tenir l'enfant du roi sur les fontz de baptême.

Très haulte, etc., le Roy, nostre très honnoré Seigneur et espoux, envoyant le dict Sr de Mauvissière, chevallier de son ordre, présent porteur, par delà, pour vous prier, de sa part, d'estre contante de faire tenir en vostre nom, sur les sainctz fonds de batesme, la belle petite fille qu'il a pleu à Dieu nous donner, nous avons bien voulleu par luy mesmes vous faire pareille requeste, de nostre costé, avec ceste asseurance que vous l'aurés bien agréable. Nous vous prions donc que vous veuillés estre l'une des marraines de nostre dicte fille, et envoyer de deçà personne convenable pour cest effect. En ce faisant, nous recepvrons ceste faveur à grand et singullier plaisir pour nous en revancher en toutes les occasions qui s'en pourront jamais présenter, oultre que ce sera pour, de plus en plus, fortiffier ceste vraye et parfaicte amitié qui est de présent, et espérons en Dieu que continuera à tousjours, entre ceste couronne et la vostre, comme vous entendrés plus avant du dict Sr de Mauvissière, sur lequel nous en remettant, nous prierons Dieu, très haulte, etc., vous avoir en sa très saincte et très digne garde.

Escript à Paris le XIXe jour de novembre 1572.

CXL

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIIe jour de décembre 1572.—

Prochaine arrivée du seigneur envoyé d'Allemagne par l'empereur et l'impératrice pour le baptême.—Desir du roi qu'Élisabeth envoie promptement le seigneur qui doit la représenter.—Arrivée du légat du pape; protestation du roi que la reine d'Angleterre n'a rien à craindre de la négociation dont il est chargé.—Délibération au sujet de l'Écosse.—Envoi fait à l'ambassadeur d'un livre pour être distribué secrètement.

Monsieur de La Mothe, en attendant que je vous renvoye Sabran, j'accuseray la réception de voz deux dépesches, des IXe et XVe du mois passé[143], et vous diray par ceste cy qu'ayant ci devant envoyé devers l'Empereur, Monsieur mon beau père, et l'Impératrice, Madame ma belle mère, pour les advertir de la grâce qu'il a pleu à Dieu me faire de me donner une belle fille, et pour prier ma dicte belle mère de la tenir sur les sainctz fondz de baptesme, j'ay eu nouvelles qu'ilz ont dépesché et envoyé par deçà le Sr de Caen, grant escuyer du dict Sieur Empereur, pour faire cest office en son nom; lequel est party et s'achemine pour estre bientost icy; qui me faict desirer et prier que vous faciés en sorte que la Royne d'Angleterre, Madame ma bonne sœur et cousine, envoye aussy, pour ce mesme effect, bientost par deçà, celluy qu'elle advisera pour y arriver ainsi et en mesmes temps que le dict grand escuyer, affin que le baptesme de ma dicte fille se face, comme je desire, incontinent après la prochaine feste des Roys; auquel jour j'ay aussy escript à mon oncle, Monsieur de Savoye, se trouver pour estre le compère.

Je vous diray, au demeurant, que le léguat de Nostre Sainct Père le Pape est, despuis huict ou neuf jours, arrivé en ceste ville. Il me vint hier veoir, l'ayant honnorablement receu, estant le respect que mérite la personne de celluy de la part de qui il est envoyé. Je m'asseure que son arrivée pourra bien apporter quelque nouveau doubte à ma bonne sœur et cousine, la Royne d'Angleterre, pour les discours et faulx bruictz que font courrir ceux qui desirent altérer nostre amityé; mais je vous prie l'asseurer, et ses ministres, que je suis si fermement résolu à persévérer en l'amityé d'entre elle et moy, et entrettenir entièrement nostre dernier traicté, qu'elle se peut asseurer que, de mon costé, il ne sera jamais faict chose qui y puisse rien diminuer ni innover.

Je feray bientost une résolution sur les affaires d'Escosse et vous renvoyeray incontinant le dict Sabran; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le IIIe jour de décembre 1572.

CHARLES.

Monsieur de La Mothe, je vous envoyé une douzaine de livres d'une espistre faicte par Carpentier, que je desire qui soit secrètement publiée et faicte courir de main en main, sans que l'on saiche que cella vienne de vous ny de moy; mais que l'on dye et croye qu'elle a esté imprimée en Allemaigne. Je vous y en envoyerai, d'icy à quelque temps, qui seront en françois, dont il faudra que faciés de mesme.

CHARLES. PINART.

Nota.—A partir de cette époque, la correspondance du roi avec la Mothe Fénélon se trouve imprimée dans les Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. III, pag. 263 à 283. Nous ne donnerons, ici, que les lettres inédites. On peut consulter, dans le recueil précité, les lettres du roi des 9, 10, 19, 22 et 23 décembre 1572, et une lettre du duc d'Anjou, en date du 19 décembre, pièces nos I à VIII.

CXLI

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du Xe jour de décembre 1572.—

Espoir que le baptême sera l'occasion d'un renouvellement d'alliance.—Desir de Catherine de Médicis pour que l'ambassadeur fasse tous ses efforts afin de ramener à la soumission les protestans réfugiés en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'espère, comme vous, que, s'il y a espérance que la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, doibve demeurer en amitié avec nous, qu'il se verra aisément en l'occasion qui se présente d'envoyer par deçà pour le baptesme de ma petite fille, que je prie Dieu qui soit ocazion de renouer, à bon essiant, le propos du mariage d'elle et de mon filz le Duc, qui en est infiniment servitteur affectionné, et est devenu grant et fort, de sorte qu'il est tout homme et ne dispariroit plus, comme elle craignoit, auprès d'elle; car il est fort changé depuis qu'elle disoit que l'on l'eust prins pour son filz. Je vous prie, Monsieur de La Mothe, adviser, par ous les bonst moyens que pourrés, remettre si bien ce propos que nous y puissions voir clair bientost, car, si elle veult espérer d'avoir des enfans, il est temps de se résouldre à se marier.

Nostre baptesme ne se peust faire qu'ung peu après les Roys, d'autant que Monsieur de Savoye, qui y viendra en personne, ne sauroit estre guières devant ce temps là par deçà, et cepandant, si vous pouviés remettre le dict propos de mariage, et que celluy qui viendra par deçà pour cest effect eust quelque charge pour en négocier avecque nous, ce seroit ung grand bien et ung grand heur que deux si bonnes œuvres se peussent faire ensamble. Je vous asseure que nous ne faudrions pas de vous envoyer moyen de fère force présentz et grâces à ceulx qui nous y aideront, si nous cognoissons que l'on y marche de bon pied et franchement.

Je vous prie de fère, aussy dextrement que avés acoustumé, ce que vous est commandé envers ceulx des subjectz du Roy, Monsieur mon filz, qui sont par deçà, qu'ilz reçoivent les honnestes et raisonnables conditions qui leur sont offertes, et que s'asseurent, sur nostre honneur, qu'il ne leur sera faict mal ny déplaisir ez personnes ny biens, et aussy que la dicte Royne n'assiste ceux de la Rochelle. Vers les susdictz l'on uze tousjours de tous les honnestes et gracieux moyens dont l'on se peust asseurer pour les atirer à se recognoistre et à accepter les asseurances qu'il est possible de desirer de leurs vies et biens et repos, à jamais, se conformant à la volonté du Roy, Mon Seigneur et filz.

Escript à Paris, le Xe jour de décembre 1572.

CATERINE PINART.

CXLII

LE DUC D'ALENÇON A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Lettre escripte de la main de Monseigneur le Duc.)

du Xe jour de décembre 1572.—

Vive assurance de reconnaissance envers l'ambassadeur.—Protestation de dévouement envers la reine d'Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, je n'auray jamais tant de bien que celluy, que j'attendz tous les jours, d'avoir cest heur que je puisse sçavoir que la Royne d'Angleterre m'ait en sa bonne grâce, et qu'elle pregne en bonne part l'afection et délibération que j'ay de luy faire toute ma vie service. Vous pouvés beaucoup en cella; car j'ay esté asseuré qu'elle et ses principaux ministres, vous aymans et estimans comme ilz ont occasion, pour avoir esté ung sy honneste et agréable ministre du Roy, Mon Seigneur et frère, auprès d'elle, feront beaucoup pour vous, si vous voulés soigneusement, comme je vous en prie, à toutes occasions asseurer ceste princesse de ma grande et perfectement vraye affectionnée bonne volonté envers elle, et la supplier de me départir ses bonnes grâces et me recepvoir en icelles, comme son bon et loyal serviteur, et à ce propos, luy baiser les mains de ma part, toutes et quantes foys qu'en verrés l'occasion; et je prieray Dieu, etc.

Escript à Paris, le Xe jour de décembre 1572.

Votre bien bon amy. FRANÇOIS.

Nota. Les lettres suivantes, datées de 1573, étaient inédites. Elles complètent la correspondance publiée par Le Laboureur, dans les Additions aux Mémoires de Castelnau. Voyez ce que nous avons déjà dit à ce sujet dans les prolégomènes, tom. 1, pag. XLI, et dans l'avis qui précède ce volume.

Voici la liste des lettres datées de 1573, et imprimées par Le Laboureur, tom III, pag 283 à 372, nos VIII à LXXXII.

Lettres du roi des 23 janvier; 5, 7, 13, 23 février; 1er, 4, 17, 19, 21, 26, 29 mars; 21, 24, 25, 29 avril; 18, 24, 25 mai; 23, 29 juin; 1er, 6, 15, 20 juillet; 5 août; 15 octobre; 4, 11, 24, novembre; 2, 5, —, 14 et 29 décembre 1573.

Lettres de la reine-mère des 23 janvier; 5, 7, 13, 23 février; 30 mars; 21, 29 avril; 23 juin; 15 juillet; 28 novembre; 22 et 29 décembre 1575.

Lettres du roi de Pologne des 18, 20 juillet; 23 septembre et — novembre 1573.

Lettres du duc d'Alençon des — avril; — septembre; 4 novembre; 22 et 29 décembre 1573.

CXLIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

(Post-scriptum inédit.)

du XXIIIe jour de janvier 1573.—

Vive assurance d'amitié de Catherine de Médicis à l'égard d'Élisabeth.

(Adjousté de la main de la Royne.)

Je vous prie faire mes recommandations à la bonne grâce de la Royne d'Angleterre, et luy dire que je ne croyrai jamais que, pour avoir le Roy, mon filz, mis sa vie et son royaulme en seuretté, qu'elle ne nous ayme et ne nous soit la bonne sœur et asseurée amie que nous luy voullons estre, et que je la prie que, à ce coup, nous cognoissions, par sa résolution sur le propos de mon fils le Duc, sa bonne volonté.

CATERINE.

CXLIV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIIe jour de febvrier 1573[144].—

Instances pour que l'ambassadeur empêche Élisabeth de déclarer la guerre.—Recommandation pour les affaires d'Écosse.

Monsieur de La Mothe, le Roy, Monsieur mon filz, vous esclarsit si amplement de son intention qu'il n'est besoin vous en faire redire. Aussy ne sera ceste ci que pour vous prier presser le plus que vous pourés le faict du mariage, et toutesfois si à propos que nous y puissions voir clair le plus tost qu'il sera possible; et au demeurant, entretenir si bien la Royne d'Angleterre que, si elle estoit persuadée, et qu'elle eust quelque mauvaise volonté de nous faire entretenir à la guerre, qu'elle puisse changer sa délibération, et se résouldre à nous aymer comme nous l'aymons, de nostre part, de tout bon cueur, et qu'elle et nous observions et entretenions nostre dernier traicté entièrement. Je vous recommande aussy les affaires d'Escosse, à quoy il est nécessaire qu'ayés soigneusement l'œil, et nous sera plaisir que nous donniés incontinent advis de l'estat où s'y retrouvent toutes choses; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XXIIe jour de febvrier 1573.

CATERINE. PINART.

CXLV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du Ier jour de mars 1573.—

Desir du roi de conserver la paix avec Élisabeth et les princes protestans d'Allemagne.—Nécessité de découvrir leurs projets afin de se tenir prêt à la guerre, si elle devenait nécessaire.

Monsieur de La Mothe, voz deux dernières dépesches des XIIIe et XVIe du mois passé[145], nous mettent en peyne pour ce que, par l'une, nous ne sçaurions desirer plus d'honnestes parolles de la continuation de l'amitié d'entre la Royne d'Angleterre et le Roy, Monsieur mon filz, et, par l'aultre, qui est la dernière, vous nous représantés beaucoup de choses qui nous font craindre le contraire; avecque les autres advis que nous avons d'ailleurs.

Voilà pourquoy Mon dict Sieur et filz vous faict entandre le desir qu'il a d'en estre esclairsi; et, de ma part, je vous prie mettre peyne de voir clair, et nous en advertir incontinent; car, si la dicte Royne se vouloit déclairer, ou que, sans y mettre son nom, elle y employât ses subjectz, vaysseaulx et moyens, soubs prétexte de noz subjectz mal affectionnés, il seroit très nécessayre que pourveussions d'heure à l'armement de quelques vaysseaulx, oultre ce qui est du costé de la Rochelle, pour l'expugnation de laquelle il ne se pert une seule minute d'heure de temps, comme vous escript bien amplement Mon dict Sieur et filz, qui me gardera de vous en faire redite. Mais, vous priant, pour la fin, que vous regardiés surtout le moyen qu'il y a de mettre quelque bonne fin en la négociation du propos de mariage; car, continuant, il n'y a chose que nous desirions plus, ni qui soit tant nécessaire pour le bien des affaires de la dicte Royne et de ses principaulx ministres, que cella, ny aussy, à vous dire vray, qui nous confirme plus d'amitié avec les princes de la Germanye comme nous desirons, délibérant Mon dict Sieur et filz de faire aussy envers eux, pour establir une vraye et parfaicte amitié, ce qu'il pourra, affin de leur oster l'oppinion mesmes qu'avoit icelle Royne que ayons faict ligue pour leur coure sus; chose à quoy je ne consentiray jamois, desirant l'amitié des princes et princesses, noz voisins et voysines, plus que nul aultre chose. Mais aussy, après que nous avons faict tout ce qui se peut pour ceste occazion, si nous recognoissions que l'on contemnast nostre dicte amitié, je ne serois pas d'advis de nous soucier guières de ceux qui n'en feroient poinct de cas.

Pénétrés le plus avant que vous pourrés ez occazions des voyages que se font fère si fréquentement, de l'ung à l'aultre, la dicte Royne et les dictz princes, et nous en donnés advis et aussy des aultres occazions; priant Dieu, etc.

Escript à Saint Léger, le premier jour de mars 1573.

CATERINE. PINART.

CXLVI

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIVe jour de mars 1573.—

Affaires d'Écosse.—Nécessité de protéger Édimbourg.—Inquiétudes sur le silence de Mr de Vérac.—Recommandation de la négociation du mariage.

Monsieur de La Mothe, je vous prie, suivant ce que le Roy, Monsieur mon filz, vous escript[146], regarder de faire tout ce que pourrés pour conforter ceux qui sont dedans le chasteau de Lislebourg, car il est bien à craindre que le comte de Morton les force, s'ilz n'ont esté secoureus de ce que le frère du lair de Granges a receu pour leur porter, dont je vous prie nous escripre au vray des nouvelles; et pareillement de l'arivée de Vérac, auquel vous ne devés faire difficulté d'escripre que nous sommes bien esbahis d'estre si longtemps sans avoir de ses nouvelles et que nous en sommes en peyne. J'estime que la Royne d'Angleterre ne vous refuzera pas ung passeport pour envoyer quelqu'ung qui ayt entendement devers les Anglois. Vous manderés, de bouche, ce que verrés qui sera à propos, et luy vous en mandera aussy, de sa part; ou bien, si voyés qu'il n'y eût poinct de danger, vous vous escriprés l'ung à l'aultre en chiffre. Il est très nécessaire d'avoir l'œil de ce costé là, suivant ce que vous mesmes escripvés. Voylà pourquoy je vous prie de rechef y fère tout ce qu'il vous sera possible, et nous escripre, le plus tost et le plus souvant que vous pourrés, les responces que vous avés eues sur les lettres que vous avons escriptes par Vérac pour le faict du mariage, pour lequel je vous prie uzer de tous les moyens qu'il vous sera possible affin que en ayons l'heureuze fin que desirons, car toutz les aultres affaires ne sauroient que bien aller si cestuy là réussist; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XIIIIe jour de mars 1573.

CATERINE. PINART.

CXLVII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIIIe jour d'apvril 1573.—

Audience accordée au docteur Dale, nouvel ambassadeur.—Audience de congé donnée à Walsingham.—Nouvelles de l'expédition de Montgommery.—Plaintes contre les secours qui lui ont été fournis en Angleterre.—Surveillance qu'il importe d'exercer sur les projets des protestans.—Desir du roi que Mr de Vérac ou Sabran puissent passer en Écosse.

Monsieur de La Mothe Fénélon, le Sr Valentin Dale, nouveau ambassadeur de la Royne d'Angleterre, me vint trouver avant hier, après disner, et la Royne, Madame et Mère, aussy, avec lettres de croyance qu'il nous présenta de la part de la dicte Dame Royne, et visitta aussy la Royne, ma femme. Son propos ne fut que de la bonne et syncère affection que icelle Dame, sa Maistresse, porte à l'entrettènement de nostre mutuelle amitié, selon nostre dernier traicté. Sur quoy je n'oubliay à luy déclarer bien expressément combien j'y avois de bonne et droicte intention. Par mesme moyen, le Sr de Walsingam qui y estoit aussy, print congé de moy, et, en ce faisant, me dict qu'il avoit une vollonté très parfaicte de faire tous bons offices non seullement pour voir continuer l'amitié d'entre icelle Dame Royne et moy, mais aussy pour l'augmenter aultant qu'il sera possible; et me promit qu'il tiendra la main, de tout son pouvoir, à ce que les propos du mariage d'elle et de mon frère, le Duc d'Alençon, puissent réheussir à l'heureuse fin que nous desirons; voyant le dict Sr de Walsingam, comme il nous a déclaré, qu'il n'y a point de meilleur et plus certain moyen pour estreindre l'amitié et l'union entre ces deux couronnes et rendre noz amitiés parfaictes et indissolubles, que le dict mariage.

Ce que nous luy avons bien confirmé pour estre cella très véritable, et, sur ce, faict fort expresse démonstration de la droicte intention que nous y avons, affin qu'il en asseure la dicte Dame Royne, sa Maistresse, quand il sera par delà, comme, de luy mesmes, il s'y est offert; disant à ma dicte Dame et Mère qu'il espère bientôt revenir avec une bonne occasion, en ce royaulme, de nous faire un bon servisse: qui s'entend pour le faict du dict mariage et entretènement de nostre dict dernier traicté.

Nous avons baillé au dict Sr de Walsingam la responce que nous faisons aux lettres que nous avons receues d'elle, desquelles je vous envoye les doubles, enclos avec la présente. Le dict Sr de Walsingam s'en retourne fort content et bien affectionné, comme il démonstre, à faire, quand il sera par delà, tous bons offices. Aussy en a il toutes les occasions qu'il est possible; car il a receu, pendant sa résidence, toutes les honnestes faveurs qu'il pouvoit desirer par deçà, et, à son partement, il luy a esté faict présent d'une fort belle chaine de mil escus, oultre les deux présents qu'il a eus à la conclusion et fermement de nostre dict traicté.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous diray comme le comte de Montgomery arriva près de la Rochelle dès dimanche dernier, sur les quatre heures du soir, où il pareust avec environ cinquante vaisseaux, et mouilla l'ancre à la portée du canon de mon armée navalle et de la terre, du costé du dict lieu de la Rochelle, pour essayer de secourir la ville; mais, à ce que m'escript mon frère, le Duc d'Anjou, j'espère qu'il n'en rapportera que la honte; mes gallères et vaysseaulx estant fort bien pourveus d'hommes, et de tout ce qui leur est nécessaire, et attiltrés à la faveur de deux forts, que mon frère a faict édiffier aux deux costés de l'embouscheure du hâvre de la dicte Rochelle; de sorte que je ne redoubte pas beaucoup le dict Montgomery. Mais l'occasion, pour laquelle j'ay advisé vous faire incontinent ceste dépesche, est pour ce que je sçay entièrement que Me Hacquins et pleusieurs anglois sont avecque luy, ayants la Prime Rose et plusieurs aultres vaisseaulx appartenants, ou qui ont appartenu à la Royne d'Angleterre; et davantage que tous les dictz vaysseaulx ont arboré et portent les croix rouges droictes, comme ont accoutumé les gens de guerre de la dicte Royne d'Angleterre, chose dont je croy bien qu'elle désavouera le dict de Montgomery, et les anglois qui sont avecque lui. Toutesfois cela luy touche grandement, et ne puis que je n'en demeure fort mal édiffié, comme estant cella directement contre nostre dernier traicté, la foy et promesse que nous nous sommes jurée, et expressément promise l'un à l'aultre, et qu'elle et ses ministres vous ont, ces jours icy, si souvent encores réittérée.

Voilà pourquoy je vous prie aller incontinent trouver la dicte Royne et le luy faire entendre, taschant, aultant qu'il vous sera possible, à vous esclercir sur ce avec elle, et apprendre le plus que vous pourrés de ses délibérations pour m'en donner incontinent advis par ce porteur; et pour ce que, tout ainsy que l'on vous a par delà tousjours asseuré que icelle Royne ne se mesloit poinct des entreprinses du dict Montgomery, mais au contraire qu'elle avoit, suivant la bonne amitié d'entre elle et moy, faict tout ce qu'elle a peu pour luy traverser et nuire, ayant empesché ses subjects de se mettre avec luy pour me venir faire la guerre, le dict Walsingam m'en a, de mesme, tousjours ainsy parlé et à la Royne Ma dicte Dame et Mère, et fort affirmativement asseuré.

Au surplus, encore qu'il ait prins congé de moy, et que je luy aye faict faire le présent de mille escus, ainsi que je vous ay escript, je luy ay escript, et au docteur Dale son successeur, la lettre de laquelle je vous envoye le double, espérant qu'il sera icy demain, et que je parleray à luy de tout cessy, affin qu'il le puisse faire entendre, de ma part, à icelle Royne, sa Mestresse; dont cepandant je vous ay bien vouleu advertir par ce porteur exprès, affin que, s'il en escrivoit quelque chose par delà qu'il pensât que je le voulleusse rettenir, que vous, asseuriés bien qu'il est en toute liberté, et que, aussytost que j'auray parlé à luy de cest affaire, il pourra, quand il voudra, s'acheminer en Angleterre, sans qu'il luy soit faict aulcun tort ny desplaisir, ni donné davantage de retardement.

J'ay veu l'ordre qu'avés donné pour faire advertir mon frère, le Duc d'Anjou, des délibérations du comte de Montgomery; mais ce n'est pas assés que cella. Je desire et vous prie de n'espagner deux ni trois cens escus, pour envoyer gens aux ports et hâvres, où s'assemblent les vaisseaux qui doivent aller avec le dict Montgomery, et en y ayés plusieurs qui ne sçachent rien les uns des autres, comme je vous ay cy devant escript; affin que soyez mieux et plus seurement adverty et que me puissiés donner advis de tout. Il en faudra aussy envoyer au lieu où s'arment les dictz grands vaisseaux d'icelle Royne, et seroit bon que en eussiés pareillement du costé de Varwich pour voir quel équipage il s'y faict pour l'entreprise d'Escosse; où je desire bien que Vérac s'achemine pour le bien de mon servisse, ou, si la dicte Royne ne veut qu'il y aille, d'en estre résolleu pour y en envoyer quelque aultre. Et cependant je desirerois que y fissiés passer Sabran bien instruict de vous et du dict Vérac, affin qu'il y fist le mieux qu'il pourroit pour le bien de mon servisse, sellon les dépesches que nous vous avons cy devant faictes et la charge qu'avons donnée au dict Vérac; priant Dieu, etc.

Escript à Fontainebleau, le XXIIIe jour d'apvril 1573.

Il est très nécessaire que vous fassiés toute la plus grande dilligence que pourrés pour envoyer Vérac ou Sabran en Escosse, car il importe grandement, pour le bien de mon service, que je y aye quelqu'un, affin d'entrettenir tousjours ceux qui me sont bien affectionnés de la bonne vollonté qu'ilz ont aux affaires qui me concernent, et à tout ce qui dépend des traictés et alliances d'entre les Escossois mes prédécesseurs et moy.

CHARLES. PINART.

CXLVIII

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXVe jour de may 1573.—

Nouvelle de l'élection du duc d'Anjou comme roi de Pologne.

Monsieur de La Mothe Fénélon, nous avons présentement eu advis que mon filz, le Duc d'Anjou, a esté esleu Roy de Poloigne, les Ve et VIe de ce moys, par la commune voix et vœux par escript de trois parts, dont les quatre font le tout, de tous les évesques, palatins et noblesse du dict royaulme, de sorte qu'il ne restoit plus que les vœux à publier, comme il se debvoit faire dedans trois jours après. Et, ainsi que l'on nous escript, il n'y a poinct de difficulté que la dicte élection ne soit publiée et résolue, dont je vous ay bien voullu advertir en dilligence, affin que, si cella peut servir, comme je ne doubte pas qu'il ne fasse, à l'affaire de mon fils le Duc, et pour nous faire avoir la bonne responce de la Royne d'Angleterre que nous espérons pour le faict du mariage, vous usiés de ces bonnes nouvelles envers la dicte Royne et ses principaux ministres, comme vous verrés qu'il sera à propos, pour leur représenter la grandeur et moyen qu'ont ceux de ceste maison de la maintenir et assister, vous estendant sur ce subject, comme je m'asseure que sçaurés très bien faire, ainsi que verrés qu'il sera à propos: et de tout je vous prie nous escripre le plus tôt que vous pourrés de bonnes nouvelles que nous attandons aussy de ce costé là en bonne dévotion; priant Dieu, etc.

Escript à Fontainebleau, le dimanche, XXVe jour de may 1573.

CATERINE. PINART.

CXLIX

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIXe jour de may 1573.—

Négociation du mariage.—Espoir de la prochaine réduction de la Rochelle.—Affaires d'Écosse.—Méfiance du roi contre sir Arthus Chambernon.

Monsieur de La Mothe Fénélon, il n'est pas possible de desirer propos plus honnestes que ceux que la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, vous a tenus en la dernière audience qu'elle vous a donnée, comme j'ay veu par vostre dépesche du XXIIIe de ce moys[147], sur le faict de l'entrevue de mon frère le Duc d'Alençon et d'elle. Toutesfois elle a différé d'acorder la dicte entrevue que premièrement elle ne feust satisfaicte et esclercie des deux doubtes où elle est, comme particulièrement vous avés entendu en la dicte audience, et que vous m'avez bien amplement discouru par vostre dicte dépesche, ainsi que nous avons veu aussi par les lettres qu'elle en a escriptes à ceste fin à la Royne, Madame et Mère; laquelle luy faict si claire responce, et a, oultre cella, si expressément faict entendre à son ambassadeur, en l'audience qu'elle luy a donnée, ceste après dînée, nostre droicte intention, comme vous verrés par le double que je vous envoye de la lettre de ma dicte Dame et Mère, que j'estime que, si icelle Royne a aussy bonne vollonté à la dicte entreveue et au dict mariage que nous avons tous, qu'il n'y aura plus de difficulté qui empesche qu'elle ne se fasse, et que, s'il plaict à Dieu qu'ilz se soient agréables l'un à l'aultre, comme je le desire, que bientost après nous ne voïons une heureuse fin de ceste négociation par la résollution du dict mariage; pour lequel vous la pouvés tousjours fermement asseurer que nous procédons avec toute syncérité, et sans que la poursuitte qu'en faisons soit à aultre intention (et Dieu en est le tesmoing), que pour fortiffier et rendre parfaicte l'amitié d'entre elle et nous et nos communs subjectz, et qu'elle se puisse si bien establir par le moyen du dict mariage, comme aussy n'y a il rien qui y soit plus propre qu'elle demeure perdurable, nette et entière, et que les deffiences, qui naissent entre elle et moy depuis quelque temps, puissent estre du tout déracinées et amorties, ayant advisé de vous renvoyer Vassal expressément en la meilleure dilligence qu'il pourra; d'aultant que son dict ambassadeur a asseuré Ma dicte Dame et Mère que, pour estre bien certain que icelle Royne, sa Maistresse, aura ces nouvelles bien agréables, il les luy escript dès aujourdhuy par courrier exprès. Et il sera bien à propos qu'incontinent après vous luy présentiés la lettre de Ma dicte Dame et Mère pour, par mesme moyen, résouldre les seurretés du voyage et passage de mon dict frère, que je desire que vous obteniés les meilleures que pourrés, et que vous m'en advertissiés incontinant, affin que, quand nous en serons d'accord, vous en rettiriés les expéditions;

Espérant cepandant que la Rochelle se réduira bientost en mon obéissance, car estant les Suisses arrivés dans mon armée et ceux de dedans la dicte ville se trouvans en très grande nécessité et hors d'espérance de secours, j'estime que bientost ils seront forcés, s'ilz ne sont si sages que d'accepter les raisonnables conditions qui leur sont offertes pour évitter leur ruine et la désolation qui se peut attandre d'un assault, que mon frère, le Roy esleu de Pouloigne, faira donner le plus tard qu'il pourra, suivant mon intention, pour le desir qu'il a, comme aussy ay je de ma part, de les conserver; et estant pour ceste occasion bien d'advis, suivant ce que nous avés escript par le dict Vassal que, si le cappitaine Franchotti a de si bons et grands moyens qu'il vous a dict, et accès parmi ceux de la religion, pour composer les troubles, qu'il vienne, le plus tost qu'il pourra, suivant le passeport que je vous ay dernièrement envoyé pour luy, et il se peut assurer que je luy donneray toute favorable audience et telle qu'il la peut desirer. Et encores, s'il veut, pour le plus court, s'acheminer par mer, comme il me semble que sera bien à propos, droict en ma dicte armée, et s'adresser à mon dict frère, auquel j'en ay escript présentement, je m'asseure qu'il luy donnera aussy toute favorable audience, et les moyens d'exécuter sa bonne vollonté, car il a tout pouvoir général et particullier de moy pour cest effaict.

J'ay veu ce que me mandés pour le faict d'Escosse, et comme, à la fin, la dicte Royne a laissé passer Vérac et Sabran, mais je n'ay pas opinion qu'il leur soit permis, ny à l'un ni à l'aultre, d'entrer en Escosse; car il se voit bien clairement que icelle Royne a faict tout ce qu'elle a peu, despuis quelques moys, pour nous amuser et esblouir les yeux, affin que cepandant elle peût faire ses affaires en Escosse, ce que je m'asseure vous aurés bien cogneu; et suivant ce que je vous ay si souvant escript et comme vous me mandés avoir faict, vous aurés si bien et si souvent adverti ceux du chasteau de Lislebourg, qu'ilz auront courage; et quelque batterie que l'on fasse, ilz tiendront pour le moins jusques en septembre, ainsi que j'ay entendu d'aulcuns de deçà qui sçavent leurs intentions. Voilà pourquoy je desire que vous me mandiés en quel estat ilz se trouvent à présent, s'il vous est possible de le sçavoir, comme j'estime qu'il vous a et sera tousjours aisé, et si vous n'aurés pas moyen de leur faire tenir ce que je vous ay ces jours icy escript, car, encores que je sçache bien que les Escossois soient fort légers et que aulcuns de ceux, qui sont dans le dict chasteau, soient soubçonnés d'estre de ceste condition, si m'asseurai je principallement au lair de Granges, que je croy, l'ayant tousjours si bien traicté comme j'ay faict et veux faire, qu'il ne permettra poinct que les anciennes alliances que mes prédécesseurs et moy avons en Escosse, et les moyens que j'ay accoustumé d'y avoir aussy, soient diminués comme sans doubte ilz seroient, si le dict comte de Morthon, qui ne faict rien qu'en faveur et pour la Royne d'Angletere, s'impatronisoit du dict chasteau de Lislebourg. Et, pour ceste cause, en les confortant tousjours secrettement, et en l'affection qu'ilz ont jusques icy déclarée me porter pour le bien de leur patrie et de leur souveraine, il fault aussy que vous continuiés à faire instance, envers la dicte Royne d'Angleterre et ceux de son conseil, à ce que, suivant nostre dernier traicté, il ne se poursuive ni fasse aulcune chose qu'avec le consentement des Srs de Vérac ou Sabran, s'ilz y peuvent passer. Autrement j'auray juste occasion de m'en sentir.

Quand aux onze premiers articles de l'instruction que vous avez baillé à Vassal, je desire que vous ayés tousjours l'œil aux poinctz contenus par iceulx, et que journellement vous me teniés adverti de ce qui se faira et tramera en cella, y donnant par vous, soubz main, comme sçaurés très bien faire, toutes les traverses que vous pourrés, affin que, surtout, le Prince d'Escosse ne puisse estre transporté comme il est déclaré par les dictz articles que l'on propose.

J'ay veu aussy ce que vous a dict le Sr Chambernon, visadmiral d'Angleterre. Tout ce qu'il vous a faict entendre n'est qu'artifice: voylà pourquoy il n'y eschet aulcune responce, si ce n'est que, quand les effectz suivront ses parolles, je les auray bien agréables, et cependant je vous diray que, comme vous verrés par un extraict que je vous envoye, aulcuns des anglois qui estoient avec Montgomery, son beau frère, ont esté bien battus, ayans perdu quattre des meilleurs vaisseaux qu'ilz eussent, et esté contrainctz de quitter et abandonner l'isle de Belle Isle. J'espère que, si le dict Montgomery se peut rencontrer et descouvrir en mer, qu'il sera par les miens, qui sont allés après, battu et traicté comme il mérite.

J'ay pareillement veu ce que me mandés des recherches et impositions excessives qui se font et que l'on a mis sur les marchandises qui arrivent à Calais. C'est chose que j'ay remise à ceux de mon conseil pour y adviser. Quand la résolution en sera prinse, je vous en advertiray; priant Dieu, etc.

Escript à Fonteinebleau, le XXIXe jour de may 1573.

CHARLES. PINART.

CL

LA ROYNE MÈRE A LA ROYNE D'ANGLETERRE.

du XXIXe jour de may 1573.—

Consentement donné à l'entrevue sous les conditions proposées par Élisabeth.—Déclaration que le duc d'Alençon pourra se rendre en Angleterre aussitôt après la réduction de la Rochelle.—Communication de l'élection du roi de Pologne.—Réponse des seigneurs du conseil d'Angleterre sur la négociation du mariage et la proposition de l'entrevue.

Madame ma bonne sœur, le Roy, Monsieur mon filz, et moy avons veu, par l'honneste lettre que m'avés dernièrement escripte, faisant responce à la mienne précédente, comme vous estes en quelque doubte sur la difficulté que nous fismes, quand, en ce lieu, j'ay parlé avec le Sr de Walsingam de l'entrevue de vous et de mon fils, le Duc d'Alençon; en quoy nous demeurasmes, comme vous dites par vostre dicte lettre, lors, en quelque considération, et non sans cause, pour les raisons qu'avés entendues et déclarées par vostre dicte lettre mesme, qui estoient qu'il ne seroit pas honnorable, mais comme sçavés bien considérer, à grande desfaveur et à quelque occasion de risée, parmi ceux qui ne desirent et au contraire veullent traverser le dict mariage, si, après que mon dict filz vous aura faict voir et offrir son servisse, de si bonne et grande affection, comme je sçay qu'il se délibère faire, pour avoir cest heur de mériter voz bonnes grâces et vous espouser, il falloit qu'il s'en revînt sans avoir l'honneur et la faveur que j'espère, avec l'ayde de Dieu, qu'il aura de vous en cella. Nous creignions aussy lors, qu'après le dict voyage, si le dict mariage ne se feisoit, qu'il n'en demeurât quelque regret, que cella feust cause de diminuer l'amitié d'entre vous et nous, qui ne desirons rien plus que de l'accroistre, et procédons syncèrement pour la rendre perdurable. Mais despuis, le Roy, Mon dict Seigneur et filz, et moy, voyant que mon dict filz d'Alençon ne s'arrestoit aulcunement sur la dicte difficulté, au contraire prenoit ce qui en pourra advenir sur luy, et persévéroit tousjours de vous voulloir aller luy mesme baiser les mains; dont je luy en sçay fort bon gré, de faire son debvoir de vous honnorer en vostre royaulme, et présenter son service, sans crainte que le voyage luy retourne à aulcune desfaveur, quand bien le dict propos de mariage ne réheussira, selon son grand desir et le nostre, nous nous sommes, le Roy, Mon dict Seigneur et fils, et moy fort vollontiers et de bon cueur consentis à la dicte entreveue, et y persistons encore, comme l'avés entendu, et que je vous escrivis dernièrement; vous priant croire, et vous asseurer en vérité, que nulle aultre occasion que ce que dessus ne nous fit former, du commencement, la dicte difficulté, et que c'est ce qui nous y a despuis faict donner consentement, après avoyr considéré la bonne affection et intention de mon dict filz d'Alençon et les raisons que vous avés quelquefois dictes au Sr de La Mothe Fénélon, comme il nous a escript, lesquelles le dict Sr de Walsingam n'oublia pas de nous bien représenter comme elles sont en mesmes parolles desduictes par vostre dicte lettre, et lesquelles nous trouvons fort raisonnables; vous confessant qu'en telles affaires la présence et l'œil des deux personnes, à qui le faict touche comme à vous deux, est très nécessaire pour leur satisfaction, premier que de se bien résoudre à s'espouser. Aussy, pour ces considérations, le Roy, Mon dict Seigneur et filz, et moy avons trouvé bon et consenti, comme encores consentons de bon cueur, droictement et sincèrement, sans aulcun scrupulle, la dicte entreveue, et vous asseurons et déclarons que, quand bien mon dict filz s'en reviendra de deçà sans que le dict mariage s'effectue, que cella ne sera aulcunement cause de diminuer nostre amitié; au contraire ayant veu, mon dict filz le Duc, et sceu la bonne vollonté et affection qu'il a en vostre endroict, et veu aussy par expériance comme nous procédons de nostre part en cessy droictement, en toute rondeur et sincérité, le dict voyage sera cause d'augmenter plustot nostre amitié que de la diminuer, ainsi que j'ay dict, ceste après disnée, à vostre ambassadeur pour le vous faire entendre, et que nous l'escrivons aussy au dict Sr de La Mothe Fénélon, affin qu'il rettire de vous et de ceux de vostre conseil les seurretés nécessaires pour le voyage et passage de mon dict fils d'Alençon, auquel j'ay envoyé les lettres que luy escrivés et l'ay adverti de ceste résollution, dont je sçay certainement qu'il sera très aise; et se disposera bientost de vous aller trouver, incontinent après que la Rochelle sera réduicte en l'obéissance du Roy, Mon dict Seigneur et fils, m'asseurant bien que vous croyés que, s'il partoit plus tost du camp, il ne luy seroit pas honnorable pour sa réputation, pour le servisse qu'il doibt au Roy, son frère, ainsi que vous vous estes vous mesme laissée entendre, il y a quelque temps, au dict Sr de La Mothe Fénélon. Qui sera cause que je ne vous fairay, quand à ce faict là, qui est aussy déclaré par vostre lettre, aulcune aultre scrupulle, si n'est vous prier de croire et vous asseurer, que, quand et quand, après avoir receu les dictes seuretés, telles qu'elles se peuvent honnestement bailler, il partira pour vous aller trouver avec aultant de desir et d'affection de vous servir et honnorer que prince qui soit en la Chrestienté; priant Dieu cependant que le souhait que je fais à ce propos, qui est de voir bientost que le dict mariage réheussisse à son honneur et gloire, au bien de ces deux royaulmes, et au contentement de tous deux et de nous tous, comme vous entendrés aussy plus amplement du dict Sr de La Mothe Fénélon, selon la charge et commandement qu'il en a du Roy, Mon dict Seigneur et filz. Et à tant je prie Dieu, Madame ma bonne sœur, vous avoir en sa saincte et digne garde.

Escript à Fonteinebleau, le XXIXe jour de may 1573.

Madame ma bonne sœur, je n'ay voulleu faillir de vous advertir de la grâce qu'il a pleu à Dieu de faire à mon filz de l'avoir faict eslire Roy de Pouloigne, m'asseurant que serés bien aise de toutes les augmentations de ceste couronne, car ce sera tousjours augmentation de nostre amitié avecque vous; et, si Dieu favorise aultant mon filz le Duc en vostre endroict, comme il a le Rov de Pouloigne vers les Poulognois, je m'estimerois la plus heureuse princesse qui feust jamais née de me pouvoir dire mère de la plus grande Royne et plus valleureuse que l'on puisse voir; ce que je le supplie me faire la grâce et Vous, Madame ma bonne sœur, vous asseurer que jamais prince ni princesse ne marcheront oncques avec plus de franchise que faict le Roy mon filz et moy en vostre endroict.

Vostre bonne sœur et cousine.
CATERINE.

DISCOURS DES SEIGNEURS DU CONSEIL D'ANGLETERRE
à Mr de La Mothe Fénélon.

du IIe jour de juing 1573.—

Il sera dict à l'Ambassadeur de France par quelques uns du conseil de Sa Majesté ce qui s'en suyt:

La Majesté de la Royne a communicqué avec tous les seigneurs de son conseil le contenu des lettres dernièrement envoyées, de la part de la Royne Mère, et aussy vostre dernière négociation avec Sa Majesté, au nom du Roy, de la Royne Mère et Monseigneur le Duc d'Alençon, touchant le voyage du dict Duc en ce royaulme, pour poursuivre son honnorable intention, et requérir Sa Majesté en mariage, après que la Rochelle aura esté recouvrée à l'obéissance du Roy.

Et d'aultant que le contenu des lettres susdictes et de la négociation vostre vous est le mieulx cogneu, n'en sera besoin en faire aulcune reditte, ains seullement vous faire entendre ce que les seigneurs du conseil de Sa Majesté ont advisé estre convenable d'estre considéré en cest affaire, premier que Sa Majesté faira délivrer telles asseurances pour la veneue du dict Duc, qu'il seroit requiz, au cas qu'il debvroit venir; dont Sa Majesté estant informée par son dict conseil, a donné commandement à trois ou quattre de nous de vous en faire le rapport: ne se doubtant poinct que ne trouviez raisonnable que Sa Majesté en ceste matière, ait demandé l'advis de son conseil, comme il appert que le Roy a usé de la mesme considération de sa part.

Donques il vous plairra entendre que l'on loue bien et estime digne d'estre prins en fort bonne part que le Roy, la Royne Mère et le Duc mesme sy affectueusement poursuivent ce propos de mariage avec la Royne; et n'y a chose, que traictons, plus souhaittée, que Sa Majesté, par la direction de Dieu, se pût marier avec quelque prince tel qu'estimons Monseigneur le Duc estre quand à son sang, et encores pour aultant que, si les aultres choses y requises peussent convenir, sommes d'opinion que le mariage pourroit estre occasion d'acroissement de l'amitié entre les princes, leurs couronnes et peuple. Et comme y a des choses qui avancent beaucoup ce mariage et le facent apparoistre expédiant pour Sa Majesté, nommément la grandeur de la maison dont est issu le Duc, l'amitié du Roy et de la couronne de France, qui se debvroit acquérir par ceste alliance, et les bonnes parties du dict Duc, ses vertus renommées, sa courtoisie, son esprit, et singulièrement le fervent amour qu'il semble porter à Sa Majesté, aussy a il beaucoup de choses, qui ont quelque apparence de raison, pour empescher le dict mariage, dont aulcunes sont de plus grande conséquence que les aultres, et les aultres sont plus proprement à considérer et y penser à Sa Majesté, pour l'esgard de son particullier même, qu'à nous qui sommes ses conseillers; le debvoir desquels, néantmoins, est d'avoyr esgard aussy bien à l'estat du royaulme comme à sa personne.

Et quand aux empeschementz qui concernent Sa Majesté particulièrement, pour l'esgard de sa personne et du contentement réciproque, nous n'y avons que faire, ni de la diversité de son âge, ni d'aultres choses appartenantes à sa personne; et les laissons à Sa Majesté qui desjà a pesé l'inconvénient de son âge, et toutesfois, pour la nécessité qu'elle voit que le royaulme a qu'elle se mariât, s'est passé de ce point de difficulté. Au reste, touchant sa personne, il ne se pourra déterminer sinon par une entreveue.

Mais, quand aulx choses qui debvront estre considérées par nous comme conseillers d'estat, tant pour l'expédiant du dict mariage, lequel desirons estre vuide de toutes difficultés, que pour sa venue, le temps estant, comme il est, et comme l'on a proposé, c'est à dire, après que la Rochelle aura esté recouverte, ne pouvons que directement juger, les choses demeurans ez termes qu'elles sont pour le présent, ce temps cy estre plus propre pour le Duc de venir sans qu'aulcunes choses en France feussent altérées en mieulx; et ainsi cuidons que vous mesmes, Monsieur l'Ambassadeur, et tous aultres indifférans en jugerés, après qu'aurés considéré les choses comme nous les avons considérées.

Il est bien cogneu qu'estant le premier propos de mariage faict pour Monseigneur le Duc d'Anjou, n'avoit empeschement si grand comme la différance de sa religion d'avec celle de la Royne. Vray est qu'il y avoit quelque scrupulle touchant son âge, mais que la difficulté, à cause de la religion, avoit esté grande, il est bien prouvé; car, pour avoyr refusé de se conformer à la religion, Sa Majesté continuant son zèle et voulloir qu'il s'y déclarât conforme, le traicté print fin, comme vous sçavés fort bien.

Despuis ce temps là, comment les choses ont esté altérées en France par les massacres perpétrés à Paris et aultres endroictz du royaulme, pour augmenter encores la difficulté à cause de la religion, il n'est que trop apparent, et à le raconter trop lamentable? car qu'ont ils faict, tout l'an passé, en France, sinon meurtrir et persécuter toutes sortes de peuple qui favorisent la religion approvée en Angleterre? et bien que cecy ne nous appartient proprement à nous y mesler, n'ayant à révocquer les actes du Roy en dispute, si est ce que le Roy, offrant Monseigneur le Duc, son frère, pour devenir le mary de nostre Royne, et, quand et quand, nostre chef et gouverneur, auquel ne voyons aultre marque de son intention au faict de la religion, ains qu'il seconde son frère, le Duc d'Anjou, en armes, et persécute tous ceux qui favorisent la mesme religion qu'a la Royne;

Et puisque le Roy mesme et tout son conseil y persévèrent si obstinément qu'ilz mettent en péril les vies de leurs meilleurs subjectz et serviteurs pour respandre le sang d'une grande partie du peuple de mesme royaulme, sans se souvenir qu'ilz affoiblissent et diminuent la force de ce royaulme, laquelle consiste en la multitude des subjectz, qu'est ce qu'on doibt espérer de la venue du Duc en ce royaulme, en ce temps cy principallement, venant de la victoire et l'effusion du sang à la Rochelle de ceux qui, pour le regard de leur religion, sont bons amis de la Majesté de la Royne et de ce royaulme; et combien que l'on se peût, avec quelque probabilité, persuader que, quand à la personne du dict Duc, rien ne seroit ni attenté contre Sa Majesté, ni son estât, toutesfois il ne se peut faire, le Roy continuant la guerre contre ses naturelz subjectz, seullement pour s'avoir mis en deffence et n'avoir voulleu abandonner leur religion, dont les édictz et ordonnances du royaulme leur ont permis et garanti la profession et exercisse, que les estatz et peuple de ce royaulme ne se mescontentent fort de la venue du Duc, considéré le temps, jusques à ce que le Roy fasse modérer ou bien cesser ceste persécution en France.

Par ainsy n'a rien plus à desirer pour l'avancement de ce mariage et de la venue du dict Duc que si luy mesmes voulloit désister d'estre acteur en ceste guerre et déclarer une vollonté de se conformer à la religion de Sa Majesté, ou que Dieu en fasse la grâce au Roy qu'il puisse recouvrer l'obéissance de ses subjectz sans guerre et effusion de sang, en leur laissant l'exercisse de leur religion suivant ses édictz précédents, ses sermens et promesses, affin qu'ilz luy rendent obéissance comme à leur souverain.

En quoy, s'il plaist au Roy, estimons qu'il n'y a prince en la Chrestienté qui puisse plus avancer ceste bonne œuvre que la Majesté de la Royne, à quoy aussy nous, qui sommes ses conseillers, y donnerons fort vollontiers nostre advis et prendrons la peyne à le parfaire, à l'honneur du Roy et bien de son royaulme, ce qu'estant effectué alors, la difficulté que, de présent, nous trouvons empescher la venue du Duc, seroit vuidée, et si, par après, il arrivoit, ce seroit avec plus de grâce et faveur, là où, pour le présent, il ne le pourroit faire, sans attandre asseurément un général mescontentement du royaulme, et conséquemment un mauvais et final empeschement de l'intention du mariage.

Ce que laissons considérer à vous, Monsieur l'Ambassadeur, et remettons au meilleur advis du Roy et de la Royne Mère.

CLI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIIIIe jour de juillet 1573.—

Ferme volonté du roi de faire observer la paix qui vient d'être conclue avec les habitans de la Rochelle.—Préparatifs pour le départ du roi de Pologne.—Satisfaction du roi de l'offre faite par Élisabeth de protéger le voyage par mer.—Plaintes contre des prises faites par les Anglais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu vostre lettre du XIIe de ce moys[148], par laquelle j'ay veu les honnestes propos que vous avés eus avec la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, et les responses de bonne espérance qu'elle vous a faites pour l'entreveue d'elle et de mon frère, le Duc d'Alençon, dont néantmoins elle veut avoir l'advis de milord thrésorier, qu'elle a envoyé quérir pour ceste occasion; ce qui viendra fort à propos, puisque le Sr d'Orsey estoit arrivé au mesme instant, et Sabran aussy qui vous apporte, sur l'occasion de son voyage et de toutes les aultres particullarités concernant mes affaires et servisse, une si ample et claire résollution de mon intention, que m'en remettant à ce que aurés entendu de luy, je n'estendray ceste cy que pour vous dire que vous avés bien faict d'avoir asseuré la dicte Royne et ses principaux ministres de la ferme délibération où je suis de faire observer et garder inviolablement les articles de la paix qui a esté faite devant la Rochelle; où l'intention d'iceulx est desjà bien commencée à exécuter: et se peut on asseurer que je les fairay de ma part entièrement entretenir, non seullement de ce costé là, mais aussy par tout le reste de mon royaulme. Et pour ceste occasion j'ay faict cesser en Guienne, Languedoc et Daufiné, toutes choses d'hostilité, ayant mandé que l'on rettire mes forces d'autour de Montauban et Nismes, et que l'on cesse le gast que j'avois escript que l'on fît autour des villes que mes subjectz de la nouvelle opinion occupoient, affin que, de leur part, ilz fissent selon qu'il est porté par les articles de la paix et édict qui a esté dressé sur iceulx. Je n'en ay poinct encores sceu de nouvelles, mais j'ay bonne espérance que mon dict édict s'exécuttera et observera partout.

Je fais acheminer mes six mille Suisses, prenant le chemin de la Guienne et par le bout du Languedoc, droict du costé du Lyonnois, pour les licentier, si toutes choses s'establissent comme j'espère, suyvant icelluy dernier édict de la paix; estant ma droicte et sincère intention de la garder entièrement et de ne permettre qu'il soit contrevenu, en quelle façon que ce soit, comme vous pourrés asseurer ceux de mes subjectz qui sont par delà, et qu'ilz reviennent hardiment, qu'ilz jouiront du bénéfice d'icelluy édict, sans aulcun doubte ni difficulté.

J'espère que mes frères, le Roy de Pouloigne, le Duc d'Alençon et le Roy de Navarre, seront bientost de retour par deçà, estants, dès avant hier, arrivés à Blois. Et les ambassadeurs de Pouloigne et le Sr de Valence sont à mon advis, à présant, tous arrivés à Metz. Incontinent que mon dict frère, le Roy de Pouloigne, sera arrivé, nous les fairons venir; et cependant il ne se pert poinct de temps pour les préparatifs nécessaires pour son partement, et je regarderay, après avoir communiqué avec mon dict frère, le Roy de Pouloigne, pour les affaires d'Escosse, ce qui se debvra faire de ce costé là, et me résoudray avecque luy et avec mon dict frère d'Alençon du personnage que je y devray envoyer. Cependant ayés tousjours l'œil de ce costé là, le mieux que vous pourrés, et y faictes ce qui vous sera possible pour le bien de mon servisse.

L'ambassadeur de la Royne d'Angleterre a parlé à la Royne, Madame et Mère, et à moy, nous ayant faict entendre que sa Maistresse luy avoit commandé s'aller conjouir avecque le Roy de Pouloigne, mon frère, de son heureuse élection, dont elle est infiniment aise; et nous a proposé et offert toutes les honnestes assistances qui se peuvent desirer de la part de la Royne, sa Maistresse, pour le passage de mon dict frère, nous déclarant que, s'il s'y trouvoit difficulté par l'Allemaigne, qu'il estoit fort aisé par la mer et par les costes, en quoy elle ne voulloit rien espargner pour honnorer le passage de mon dict frère; et qu'estant la bonne intelligence entre les trois royaulmes, comme, de sa part, elle la desiroit, ce seroit un grand bien pour noz subjectz, et à nous mesmes une fort grande commodité pour noz affaires. Car il estoit si aisé et commode d'aller d'un royaulme à l'aultre qu'il ne se pouvoit trouver jamais un plus court et meilleur chemin, et que le commerce de nos dictz trois royaulmes en sera beaucoup plus grand; dont j'ay monstré au dict ambassadeur d'estre fort aise, comme, à vous dire vray, serois je, si ses déportements se trouvent semblables.

Il s'est aussy fort resjoui avecque nous de la paix, nous asseurant que sa Maistresse et tous ses ministres en estoient fort aises. Je l'ay bien asseuré que nous la voulons inviolablement observer, comme aussy est ce, et, je l'ay cy devant dict, ma droicte et vraye intention; et luy ay, à ce propos, parlé des pyrateries qui se font sur mes subjectz par les Anglois, et ceux qui se rettirent en son royaulme, n'ayant la Royne, ma dicte mère, pas failly de luy dire ce qu'elle vit du cappitaine Poil en sa présance, arrivant à Dieppe, qui pilla un grand vaisseau chargé de marchandises d'un de mes subjectz, ainsi que vous verrés par le mémoire que je vous en envoye; et que, n'eût esté l'espérance, que nous avons, que la dicte Royne, sa Maistresse, nous en faira faire la justice et restitution, elle eût permis à six vaysseaux, qui estoient armés et les soldatz dessus, prests à faire voile, d'aller recouvrer ce que le dict Poil print et mena sur l'heure mesme en Angleterre; où je vous prie ne faillir de faire toute instance de cella et des aultres déprédations, sellon le mémoire que je vous en envoye. Cependant je prieray Dieu, etc.

Escript à St Germain en Laye, le XXIVe de juillet 1573.

CHARLES. PINART.

CLII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXXIe jour de juillet 1573.—

Audience accordée à l'ambassadeur d'Angleterre.—Négociation relative à l'entrevue.

Monsieur de la Mothe Fénélon, j'ay receu voz dépesches du XIIe et XXe du présent[149], et, avec la dernière, veu les lettres que la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, a escriptes à la Royne, Madame ma Mère, et à mon frère, le Duc d'Alençon, auxquelles je me délibère de vous faire, dans deux ou trois jours, bien particullière responce; et, attandant, je vous diray comme l'ambassadeur de ma dicte bonne sœur parla avant hier à la Royne, Ma dicte Dame et Mère, ainsi qu'il a faict cejourdhuy à moy, nous ayant dict que la Royne, sa Mestresse, se debvoit rendre à Douvres, le premier jour de septembre proschain, où elle séjourneroit sept jours durant, pendant lesquelz, s'il plaizoit à mon dict frère de l'aller voir, il le pourroit faire. Toutesfois elle desiroit bien que l'on sceût que ce n'estoit poinct à sa réquisition que mon dict frère iroit, mais plustost à la nostre; que si, pour ceste veue, l'effaict du mariage ne s'ensuivoit, elle ne voudroit pas que cella feût cause d'apporter changement en l'amitié qui est entière entre elle et nous, et que, partant, la chose méritoit bien d'estre meurement considérée, avant que de l'entreprendre.

Là dessus, Ma dicte Dame et Mère lui a respondu que ce que nous desirions le plus, c'est de conserver et estreindre tousjours davantage l'amitié que nous avons avec elle; mais que ma dicte sœur sçavoit bien si elle avoit vollonté de se marier ou non; si elle estoit du tout hors d'opinion d'espouser mon dict frère, qu'il luy sembloit que cette veue ne serviroit de rien, et n'estoit pas grand besoin d'y venir; si aussy elle avoit vollonté de se marier, qu'elle ne pouvoit pas prendre un prince en la Chrestienté qui feût mieux appuyé que mon dict frère, qui est frère de deux puissants Roys.

Là dessus, il répliqua qu'elle avoit vollonté de se marier, mais que, pour beaucoup de considérations particullières, aulcuns la dissuadoient de ce mariage avec mon dict frère.

La conclusion du propos feut enfin que ma dicte Dame et Mère remit à me faire entendre ces choses; lesquelles m'ayant dict de mesmes en l'audience que luy ay donnée aujourdhuy, après disner, je luy ay respondu que j'en aviserois avec les gens de mon conseil, et fairois sçavoir à vous, mon ambassadeur, ma résollution là dessus pour la luy dire.

Sur quoy nous nous sommes despartis, ayant voulleu vous donner advis incontinent de ce que dessus, affin que vous sçachiés ce qui est passé en l'audience du dict ambassadeur. Jugés s'il en aura escript conformément à sa Maistresse; priant Dieu, etc.

Escript au chasteau de Boulogne, le dernier jour de juillet 1573.

CHARLES. BRULART.

CLIII

Le ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON

du XVIIIe jour d'aoust 1573—

Résolution du roi d'envoyer un député en Angleterre pour la négociation du mariage.—Maladie du duc d'Alençon.—Méfiance d'Élisabeth.—Prise de Harlem en Hollande, et du château d'Édimbourg en Écosse.—Voyage des ambassadeurs de Pologne.—Désignation du maréchal de Retz pour passer en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, oultre ce qui est contenu en mon aultre lettre, je vous diray que j'ay pensé, si la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, est résollue de venir à Douvres au premier jour de septembre, ainsi que vous me l'avés mandé et que son ambassadeur me l'a dict par deçà, je suis résollu de dépescher devers elle, au mesme temps qu'elle s'y pourra trouver, quelque gentilhomme pour la visitter, s'approschant ainsi près de ma frontière; lequel sera bien esclercy de la résollution que j'auray prinse sur le faict de l'entreveue, et aultres particularités qui seront requises, pour tousjours entrettenir une bonne et sincère amitié avec ma dicte bonne sœur; qui est ce que je desire plus que toute aultre chose de ce monde: dont je vous prie de l'asseurer en toutes les occasions qu'il viendra à propos, estant infiniment marri que la maladie intervenue à mon frère, le Duc d'Alençon, de laquelle il ne peut estre en estat de sortir hors de son logis de quinze jours, encores qu'il soit en bon chemin de recouvrer sa santé, nous ait empesché de nous résoudre et de conduire si tost à bon effect ceste entreveue que nous le desirions, ce que vous pourrés témoigner à ma dicte bonne sœur.

Au surplus, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous diray que j'ay receu voz dépesches des XXVIe et dernier du passé, Ve et IXe du présent[150]; sur lesquelles je vous diray que, pour le regard des soubçons et deffiences, ès quelles, sans aulcune occasion, l'on a voulleu mettre la dicte Royne d'Angleterre, tant sur le voyage que a faict en Normandie la Royne, Madame et Mère, que aussy sur les préparatifs de l'armement des vaisseaux que j'avais advisé de faire faire pour porter les quatre mille Gascons en Pouloigne, que l'on commançoit dire estre destinés à aultre effaict; tout cella sera passé et assoupi, à ceste heure, qu'ilz verront les dictz préparatifz entièrement cessés.

J'ay veu ce que me mandés de la réputation qu'a donné par delà aux affaires du Roy Catholique la prinse d'Harlen, et ce qui vous a esté rapporté de l'occasion pour laquelle est advenue si soudainement la prise du chasteau de Lislebourg, et comme il est bien requis que j'envoye quelque personnage d'authorité en Escosse pour y résider; à quoy je regarderay à pourvoir cy après.

Cependant je vous diray que je loue bien fort la responce que vous avés faicte à ma dicte bonne sœur, sur ce qu'elle vous a dict, à propos du saufconduict que luy avés demandé, que mon cousin le cardinal de Lorraine ayant eu la puissance de rompre le mariage de mon frère, le Roy de Poulogne, avec elle, (qu'elle sçavoit bien que la Royne, Madame et Mère, et luy desiroient), il pourroit bien, en chose de moindre conséquence, et pour la faveur de la Royne d'Escosse, sa niepce, faire destourner les forces, qui estoient destinées pour aller en Poulogne, en quelque autre lieu.

Tous les ambassadeurs de Poulogne ont esté fort bien receus et recueillis partout, en Allemagne, despuis leur partement de Leppsic, mesmement à Francfort, et au païs de mon cousin le comte Palatin, et arriveront en ceste ville mardy ou mècredy proschain; où je vous asseure que j'ay bonne vollonté de leur faire faire bonne chère: ne voulant obmettre de vous dire, en passant, que j'ay nouvelles de Poulogne, du XVIe de juillet dernier, comme toutes choses y sont en bon estat et pacifique, n'y estant survenu aulcune nouveauté, tant du dedans du royaulme que des voysins, au contraire de ce qui s'en est dict par delà, que vous debvés tenir pour chose controuvée; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XVIIIe jour d'aoust 1573.

Comme je voullois signer ceste lettre, je me suis résollu d'envoyer en Angleterre mon cousin le maréchal de Retz, pour faire l'office dont est faict mention au commencement de ceste lettre, au moyen de quoy je vous prie que vous me fassiés incontinent sçavoir le lieu où il pourra trouver ma bonne sœur. Ceux de Rouen me viennent de faire encores plainte des pyratteries qui sont ordinairement faictes par les Anglois: qui est cause que je vous prie d'en faire, envers ma dicte bonne sœur, toute l'instance qui sera possible.

CHARLES. BRULART.

CLIV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIIe jour d'aoust 1573.—

Arrivée des ambassadeurs de Pologne à Paris.—Réception qui leur est faite.

Monsieur de La Mothe Fénélon, ceste cy sera pour vous advertir comme les ambassadeurs polonois, qui sont douze, suivis de deux cents gentilshommes, arrivèrent mècredi dernier en ceste ville, en assés bon équipage, au devant desquelz feust envoyé la maison du Roy de Poulogne, mon filz, et tous les princes et principaux seigneurs qui se trouvèrent en ceste cour, pour les conduire jusques en leurs maisons. Le lendemain, qui feust le jeudy, ilz désirèrent que l'on les laissât reposer en leurs maisons, pour, le jour d'après, qui estoit vendredy, venir salluer le Roy, Monsieur mon filz, la Royne ma belle fille, et moy; ainsi qu'il a esté faict en meilleur ordre et équipage qu'il a esté possible, ayant fait l'évesque de Posnanie, qui est le principal de la dicte ambassade, une fort belle harangue sur l'occasion de leur venue. Cejourdhuy ilz ont faict le semblable à l'endroict de mon filz, le Roy de Poulogne, et receu la plus grande joye du monde de le voir, comme il a faict, de sa part, de se voir salué d'une si belle compaignie, qui se peut dire, au jugement de ceux qui l'ont veue, la plus honnorable et mieux en ordre que aultre qui se soit jamais trouvée en ce royaulme; ne se sentant rien que de toute courtoisie, et monstrant beaucoup la grandeur du royaulme dont ilz sont venus et qu'ilz apportent à mon dict filz; vous laissant juger quelle joye j'en puis recevoir en mon cœur.

Il s'est trouvé à dire deux ambassadeurs en ceste dicte compagnie, à sçavoir: l'un qui estoit beaucoup demeuré à partir après les aultres, qui, ayant esté arresté en Slésie, auprès de la frontière de Pologne, a mieux aymé s'en retourner au païs, après avoir esté mis en liberté, pour ce qu'il cognoissoit bien qu'il arriveroit fort tard de par deçà, que de poursuivre son chemin; l'aultre s'est mis par mer avec le Sr de Lanssac, qui n'est encores arrivé. Dans peu de jours, nous espérons accomplir toutes choses qui dépendront du faict de la dicte élection, et sera faict si bon et honnorable traictement aux susdictz ambassadeurs et à toute leur suitte, ainsi qu'il s'y est bien commencé despuis leur arrivée en ce royaulme, qu'ilz en raporteront tout contentement: n'ayant aultre chose à vous dire par ce petit mot que je finiray, priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XXIIe jour d'aoust 1573.

CATERINE. BRULART.

CLV

LE ROY DE POULOGNE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du premier jour de septembre 1573.—

Explications données par le roi de Pologne sur une plainte de l'ambassadeur d'Angleterre.—Protestation de dévouement pour Élisabeth.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay sceu que l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre, qui est icy résident, a esté visitter les ambassadeurs polonois, despuis quelques jours en çà, comme en ayant charge de la part de sa Maistresse; leur ayant faict entendre qu'elle ne desiroit rien plus que de conserver et entrettenir la bonne amitié et intelligence qui estoit entre le royaulme de Poulogne et l'Angleterre, encores que moy, qui estois esleu Roy de Poulogne, n'eusse pas faict grand compte d'une lettre qu'il m'avoit présentée, il y a quelque temps, de la part de la dicte Dame, par laquelle elle se conjouissoit avecque moy de mon heureuse élection. Lequel a eu grand tort de faire ainsi entendre aux dictz ambassadeurs; car je vous puis dire que, quand je receus de luy la dicte lettre, ce feust avec tout l'honneur et honneste respect que je sçaurois jamais faire à lettre venant de la part d'une princesse, de laquelle je fais si grand compte et estime que je fais d'elle. Il est bien vray que je ne luy en baillay pas si tost la responce que j'en avois vollonté, à cause que, en mesmes temps, ou peu après, qu'il me l'eût présentée, je feus contrainct, pour prévenir une maladie qui me menassoit, de prendre quelque purgation et apozèmes, qui me tindrent trois jours empeschés de pouvoir vacquer à aulcuns affaires; qui feust cause que je ne signay si tost la dicte lettre, qui demeura un jour, après avoir esté signée, sans estre baillée au dict sieur ambassadeur, à cause que l'on ne le peut pas trouver chez luy à propos; estant toute l'occasion de sa plaincte, laquelle je vous laisse à juger si elle est bien fondée ou non. Et, si vous apercevés qu'il en ayt escript quelque chose à sa dicte Maistresse, je vous prie luy en faire entendre la vérité telle qu'elle est escripte cy dessus; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, ce Ier jour de septembre 1573.

Vostre bon ami.
HENRY.

CLVI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIe jour de septembre 1573.—

Satisfaction de l'accueil promis au maréchal de Retz en Angleterre.—Serment prêté par le roi de Pologne.

Monsieur de La Mothe Fénélon, j'ay receu voz dépesches du XXVe et dernier du passé, et IVe du présent[151], par lesquelles, à ce que j'ay peu comprendre, la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, a esté bien fort aise de la résolution que j'ay prinse d'envoyer par delà mon cousin le mareschal de Retz, que vous avés sagement faict de luy conforter estre pour l'estime que je fais d'elle et de son amitié, et l'honnorer en toutes choses aultant qu'il m'est possible; me promettant bien que j'ay aultant d'occasion d'attendre et espérer un bon fruict du voyage de mon dict cousin, en ce que je desire, que d'aulcun aultre ministre que j'eusse sceu envoyer par delà; et que, à son retour, toutes choses me seront bien amplement esclercies de l'intention de ma dicte bonne sœur; envers laquelle et les gens de son conseil vous m'avés faict servisse fort agréable de faire une bien vive instance des pilleries et déprédations qui se font ordinairement sur mes subjectz, et vous prie ne vous en lasser en sorte du monde, mais y incister si obstinément qu'il y soit par elle mis un bon ordre, ainsi qu'il est très requis pour le bien commun de nos deux royaulmes.

Au demeurant, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous veux bien dire comme, après avoir esté négotié, par quelques jours, avec les ambassadeurs de Poulogne par mon frère leur Roy, enfin toutes choses concernant ce faict ont esté unaniment conclues et accordées avec tout le plus grand contantement d'un chascun que l'on eût sceu desirer, de sorte que, hier, feurent faictz les sermentz solennelz par moy et mon frère, le Roy esleu de Poulogne, des choses conclues et ratifiées et confirmées, en la grande esglise de Nostre Dame, après que la messe y eût esté chantée; où assistèrent tous les ambassadeurs de Poulogne et les ambassadeurs des princes estrangers: sçavoir; le nonce, l'ambassadeur d'Espaigne, celluy d'Escosse et de Venise, mes cousins les cardinaux de Bourbon, de Lorraine, de Guise et d'Est, avec tous les princes et seigneurs qui sont près de moy; et se passa ceste cérémonie avec le plus grand contentement et allégresse d'un chascun qu'il se puisse dire. Dimanche, se faira la présentation du décret au palais, qui est le principal acte de ce qui concerne le faict du dict royaume de Poulogne; qui est tout ce que je vous puis dire, en priant Dieu, etc.

Le XIe jour de septembre 1573.

CHARLES. BRULART.

CLVII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

des XVe et XVIIe jours de septembre 1573.—

Présentation faite au roi de Pologne du décret contenant son élection.—Fêtes données aux ambassadeurs polonais.

Monsieur de La Mothe Fénélon, craignant que mon cousin le mareschal de Retz soit parti pour retourner de deçà, lorsque la lettre que je luy escripts présentement luy sera rendue, j'ay bien voullu vous faire ceste cy de pareille substance; et vous dire que, dimanche dernier, XIIIe de ce moys, toutes choses ayant esté, ces jours passés, accordées et résollues avec les ambassadeurs polonois, qui sont icy pour le faict de l'élection du Roy de Poulogne, Monsieur mon frère, iceulx ambassadeurs nous vindrent trouver sur les trois heures après midy, dedans la grande salle de mon palais, en ceste ville, où nous estions assemblés avec ordre et cérémonie. Là, ilz nous déclarèrent publiquement, fort révéremment et honnorablement, la dicte élection, et en présentèrent le décret, très autentiquement faict en l'assemblée de leurs Estatz, à mon dict frère; lequel, après la lecture d'icelluy, accepta la dicte élection, le tout avec tant de belles et grandes cérémonies qu'il ne feust jamais faict acte en mon royaulme, ni peut estre en la Chrestienté, plus célèbre. Et le lendemain, qui feust hier, se fit l'entrée de mon dict frère en ceste ville, au meilleur ordre et avec telle magnificence qu'il ne seroit possible de voir rien de plus beau; et se fit, le soir, le festin royal en la dicte salle de mon palais, ainsi que de coustume, comme vous entendrés plus particullièrement par un discours que je vous envoyeray de ce qui a esté observé ez dictes cérémonies. Cependant vous le fairés entendre avec occasion à la Royne d'Angleterre, si mon dict cousin le maréchal de Retz estoit en chemin pour s'en venir, et vous en réjouirés avec elle de nos parts; estants asseurés qu'elle participe au contentement que nous en recevons pour la parfaicte amitié d'entre elle et nous; et luy dirés, par mesme moyen, que le plus grand desir, que nous ayons maintenant, est de voir réheussir à l'heureuse fin la négotiation pour laquelle mon dict cousin est allé par delà, affin que la dicte Royne puisse, avec plus d'occasion et comme sœur, participer davantage avec nous au contentement et honneur que ce nous est de la dicte élection de Poulogne et des prospérités qu'il plaict à Dieu nous donner, adjoustant à cella les plus honnestes parolles que vous pourrés. M'asseurant que vous n'y oublierés rien, je ne vous en diray davantage, priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XVe jour de septembre 1573.

Monsieur de La Mothe Fénélon, ceste dépesche feut partie, dès avant hier au matin, mais j'ay différé jusques à cejourdhuy pour ce que, avant hier au soir, la Royne, Madame et Mère, fist son festin en son palais, où les seigneurs polonois feurent si honnorablement traictés, et y receurent tant de plaisir qu'ilz disent bien n'avoir jamais rien veu de plus beau ni de si bien ordonné, demeurants très contents de l'honneur qu'ilz reçoivent par deçà.

A Paris, le XVIIe jour de septembre 1573.

CHARLES. PINART.

CLVIII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIIe jour de septembre 1573.—

Retour du maréchal de Retz.—Satisfaction au sujet de la réponse qu'il a rapportée sur la négociation du mariage.—Remerciemens du roi pour les bons offices de Leicester et de Burleigh.

Monsieur de La Mothe Fénélon, il ne seroit possible d'avoir plus de contentement que celluy que j'ay eu au retour de mon cousin le mareschal de Retz, ayant entendu par luy les honnestes démonstrations de parfaicte amitié de la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, envers moy et tout ce qui me touche, et aussy la bonne vollonté en laquelle il l'a laissée, et les principaux seigneurs de son conseil, de prendre bientost, à présent que son parlement sera assemblé, une bonne résollution sur le faict de la négotiation pour laquelle mondict cousin le mareschal de Retz estoit allé par delà, affin de vous en envoyer advertir par quelque honnorable seigneur ou gentilhomme des siens, comme icelle Royne a promis: ce que nous attandons avec très grand desir. Et cependant ayant le dict mareschal de Retz receu une lettre d'icelle Royne et une aultre du Sr de Smyt, par lesquelles il est prié d'escrire de quelle façon nous aurons prins la response qu'il nous a rapportée d'elle, qui est en la meilleure part qu'il est possible, comme aussy il leur mande, asseurant, comme nous avons veu par sa lettre, qu'il ne seroit possible d' estre plus contents que nous sommes, comme il est vray, pour l'espérance que nous avons de voir bientost qu'elle aura prins une bonne et heureuse résollution du mariage d'elle et de mon frère, le Duc d'Alençon, qui se porte à présent très bien; estant, Dieu mercy, entièrement guéry et aultant affectionné serviteur qui se peut desirer, ayant toute bonne vollonté de continuer à honnorer et servir d'affection, toute sa vie, icelle Royne, s'il plaict à Dieu, comme nous l'en prions tous, que les propos commencés puissent réheussir à une heureuse fin pour un grand bien à la Chrestienté, principallement à noz trois royaulmes et alliés, ainsi que la Royne, Madame et Mère, et moy, et aussy le Roy de Poulogne, Monsieur mon frère, et pareillement mon dict frère le Duc luy escrivons, de nos mains, par un des gens du Sr Smith qu'il a envoyé devers mon dict cousin le mareschal de Retz, lequel vous escript aussy de sa part bien amplement pour vous rendre capable du contenu en ses lettres à ce que vous puissiés, avec plus d'intelligence, continuer à faire, selon cella et le contenu cy dessus, tout ce qu'il vous sera possible pour persuader tousjours à icelle Royne et à ses dicts principaux ministres, avec tant de bonnes et grandes raisons que luy scaurés bien représenter, pour se résoudre au dict mariage: car aussy sera ce, s'il se faict, un bien indicible, profitable et honnorable pour elle et pour nous, aussy pour noz royaulmes, et beaucoup plus, à présent que ce grand royaulme de Poulogne y est adjoinct, et qui le seroit aussy à elle. Vous estes si capable de mes droictes intentions, non seulement en cest affaire, mais en toutes les aultres choses qui concernent mes affaires et service par delà, qu'il n'est jà besoin vous en escrire pour ceste heure davantage; aussy n'estendray je ceste cy que pour vous prier m'advertir souvent de l'estat de cest affaire et de toutes aultres occurrences; priant Dieu, etc.

Escript à Paris, le XXIIe jour de septembre 1573.

Monsieur de La Mothe Fénélon, je ne veux oublier vous dire que, par ce que j'ay entendu de mon dict cousin le comte de Retz, nous avons bien occasion de nous louer des seigneurs du conseil de la dicte Dame Royne, pour les bons offices qu'ilz ont faict par delà, pendant que mon dict cousin y a esté, l'assistantz d'affection, ainsi qu'il m'a asseuré, en cest affaire; principallement Mr le comte de Lecestre et le milord grand thrésorier, lesquels je vous prie remercier de ma part, de celle de la Royne, Madame et Mère, et de mon dict frère d'Alençon, les asseurant, principallement le dict Sr comte de Lestre, que j'ay un extrême desir de m'en revancher en son endroict, et aussy du dict milord grand thrésorier, par si bons effaictz que je m'asseure qu'ilz demeureront très contentz et se loueront grandement de moy, aussy de ma dicte Dame et Mère et de mon dict frère d'Alençon.

CHARLES. PINART.

CLIX

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXVIe jour de septembre 1573.—

Négociation du mariage.—Regret témoigné par le roi de ce que Quillegrey a été désigné pour passer en France.—Nécessité où se trouve le roi de laisser encore La Mothe Fénélon en Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, nous achevasmes hier une despesche que la Royne, Madame et Mère, le Roy de Poulogne, Monsieur mon frère, mon frère le Duc d'Alençon et moy faisons à la Royne d'Angleterre et à vous, laquelle estoit preste à partir, quand Vassal est arrivé avec la vostre bien ample du XXe de ce moys[152]; par où j'ay veu fort particullièrement comme mon cousin le comte de Retz s'est dignement comporté de delà, et acquité de sa légation, et aussy les grandes correspondances et démonstrations de bonne amitié envers nous que la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, et tous les siens ont monstré, et faict cognoistre vous porter, et comme ilz ont eu très agréable que telle et si importante légation ait esté par nous commise. J'ay aussy veu ce qui s'est passé de delà, despuis le despart du dict comte, et comme icelle Royne a résollue d'envoyer de deçà Quillegrey. Sur quoy, après avoir considéré les mauvais offices que vous sçavés qu'il a faictz, j'ay advisé de vous escrire encores ceste cy pour vous respondre seullement à ce que vous discourés du dict Quillegrey et vous prier de faire dextrement, comme je m'asseure que vous sçavés bien faire, en sorte, s'il est possible, que ce soit quelque aultre que icelluy Quillegrey qui vienne par deçà pour l'effaict que mon dict cousin le comte de Retz résollut avec la dicte Royne, et qu'il luy escript présentement fort sagement, ainsi que nous avons avisé. Mais, si icelle Royne demeure résollue fermement au dict Quillegrey, après avoyr veu la lettre d'icelluy sieur comte, ne monstrés pas davantage que nous en eussions desiré un aultre, affin que, s'il venoit de par deçà, il n'ait aulcune occasion que de bien faire et rapporter, à son retour, la vérité de ce qu'il verra pour effacer les impostures que l'on a dittes, de delà, de mon dict frère d'Alençon; lequel, au contraire de ce qu'on a publié, est beaucoup amandé de ceste maladie dernière qui l'a purgé, luy ayant osté beaucoup de rougeurs que la petite vérolle luy avoit laissées au visage; estant maintenant, avec la barbe qui luy vient fort, beaucoup plus agréable qu'ilz n'ont dict de delà. Il a bien creû, et tant s'en fault qu'il soit bossu, comme l'on a dict à la dicte Royne, qu'au contraire il est aussy droict et gaillard prince et d'aussy belle taille qu'il y en ait en la Chrestienté. Et pour ce que, par nostre dicte dépesche d'hier, que vous rendra ce porteur, il vous sera entièrement satisfaict au reste de la vostre qu'a apportée le dict Vassal, me remettant aussy à ce que vous a escript encores mon dict cousin le mareschal de Retz, je n'estendray ceste cy que pour prier Dieu, etc.

Escript à Paris, ce XXVIe jour de septembre 1573.

Par postille à la lettre précédente.

Monsieur de La Mothe Fénélon, nous avons ouï tout ce que nous a dict le dict Sr comte de Retz pour obtenir vostre congé, et veu aussy ce que m'en escrivés; mais il n'y a encores occasion de pouvoir vous l'accorder, jusques à ce que ceste négociation ait prins fin. C'est pourquoy je vous prie prendre résollution de demeurer de dellà jusques à ce que cella soit faict ou failly, continuant à y faire tout ce que pourrés pour y voir clair, et vous asseure que vos servisses, que nous avons très agréables, seront, à vostre retour par deçà, fort vollontiers et de bon cœur recognus envers vous et les vostres, aux premières occasions qui se présenteront. Ne croyés pas que je ne cognoisse bien la peyne que vous avés prinse et que vous prenés chasque jour. Je sçay le grand soin que vous avés prins pour conserver la vie à la Royne d'Escosse, et le travail que vous avés eu pour rettenir tous les orages qui menassoient, de vostre costé, mon royaulme, pendant les désordres qui y ont esté, et comme vous vous estes dignement acquitté en l'un et en l'aultre. Il fault que je vous prie que vous ayés patience pour voir quelle fin prendra ce traicté de mariage; car, à vous dire vray, si je vous ay rettenu longtemps de delà, c'est parce que je ne trouvois personne qui feût capable de m'y servir si bien que vous faisiés, pour le mettre en vostre place. Je suis encores dans la mesme peyne pour le faict de mon dict frère d'Alençon; je vous prie donc de ne vous impatienter pas.

CHARLES. PINART.

CLX

LE ROY DE POULOGNE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XIe jour de novembre 1573.—

Protestation d'amitié.—Recommandation faite par le roi de Pologne à l'ambassadeur de veiller à ses intérêts auprès d'Élisabeth.—Assurance donnée par le roi de son attachement à la reine d'Angleterre.

Monsieur de La Mothe Fénélon, vous sçavés comme il a pleu à Dieu, de sa divine grâce et bonté, que, entre pleusieurs princes chrestiens, j'ay esté esleu Roy de Poulogne. Aussy recevant cest heur et honneur de sa main, je luy en rends grâces et louanges comme à celluy à qui elles sont deues; et bien que le contantement que j'en ay, et la grandeur et dignité que j'en espère, soyent les plus grands que je puisse avoir, si est ce que la longue et douce nourriture que j'ay prinse du Roy, Mon Sieur et frère, qui m'a tant estimé et honnoré que de me communiquer et se reposer sur moy et ma fidélité de toutz ses plus grands et importants affaires, et davantage de me faire son lieutenant général en ce dict royaulme et terres de son obéissance, le singullier amour et affection qu'il a pleu aussi à la Royne, Madame et Mère, me tesmoigner, dès mes jeunes ans, et la bonne institution que j'ay receue d'elle me laissent beaucoup de regret de la séparation que je fais maintenant d'avec eulx, partant présentement pour m'acheminer en mon royaulme de Poulogne.

Le regret est commun à tous de porter avec desplaisir l'absance de ceulx auxquelz ilz ont tant d'obligation, et qu'ilz ont tant aymés et honnorés comme j'ay faict, et fais, le Roy, Mon dict Sieur et frère, et la Royne, Ma dicte Dame et Mère, encore est il suivy d'un aultre qui est que, laissant pleusieurs bons et affectionnés serviteurs du Roy, Mon dict Sieur et frère, qui m'ont, en considération de ma qualité de son frère et lieutenant général, porté beaucoup de respect et recognoissance, accompaignée d'une singullière bonne vollonté, en tout ce que je leur ay commandé pour le servisse de ceste couronne; et en quoy je ne veux céler que je n'aye esté de toute affection si bien obéy d'eux, comme aussi l'ay je bien particullièrement tesmoigné, toutes et quantes fois que les occasions se sont présentées, que j'ay aussy regret qu'il faille que le peu de temps, que j'ay à séjourner icy, me prive du grand desir que j'avois de les voir, auparavant que m'en aller. Et pour ce, que vous estes au nombre de ceux là, et qu'il ne me reste aultre moyen de me satisfaire en cest endroit que par lettre, j'ay bien voullu vous faire ceste cy pour vous rendre certain tesmoignage de l'amitié que je vous ay tousjours portée, comme à personnage d'honneur et de vertu que vous estes; vous priant, comme vous m'avés cy devant porté bonne et vraye affection, que vous me la réserviés encores, quand je seray hors de ce royaulme, et, au demeurant, continuer tousjours, en tout ce qui concerne le service du Roy, Mon dict Sieur et frère, ainsi et avec tel soin qu'avés accoustumé, et selon la parfaicte-fiance qu'il a en vous: qui vous asseurerés d'avoir aussy tousjours en moy un vray et bon amy, quelque part que je sois, bien prest à m'employer, en tout ce qui s'offrira, pour vostre bien et contentement, d'aussy bonne vollonté que je vous prye aussy que, pendant que serés encores en vostre légation, vous ayés en recommandation les choses qui me concerneront et les affaires de mon dict royaulme, et d'asseurer, de ma part, la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, qu'en toute syncérité et affection je luy suis et seray tousjours bon frère et cousin, et parfaict ami, et qu'en toutes occasions je le luy fairay de bon cœur paroistre, la priant que, de sa part, elle en veuille faire de mesme en mon endroict.

J'espère, incontinent après que je seray arrivé en mon dict royaulme, lui escrire par homme exprès pour confirmer les confédérations d'entre mes prédécesseurs, Roys de Poulogne, elle et les siens, et les estreindre encore aultant qu'il sera possible; desirant aussy, de toute affection, que le voyage du Sr Randolphe, qui doibt bientost arriver par deçà, puisse réheussir à l'heureuse fin que je desire, tant pour le contentement que je sçay que ce seroit au Roy, Mon dict Sieur et frère, et à la Royne, Ma dicte Dame et Mère, et aussy à mon frère, Monsieur le Duc d'Alençon, duquel je desire la grandeur aultant que de moy mesme; qui prie Dieu, Monsieur de La Mothe Fénélon, vous avoir en sa saincte et digne garde.

Escript à Vitry le François, le XIe jour de novembre 1573.

Monsieur de la Mothe Fénélon, je vous prie suivre, pour le contenu en ceste lettre, ce que le Roy, Monsieur mon frère, vous escript par le post script de la sienne.

Vostre bon amy.
HENRY.

Post-scriptum inédit de la lettre du roi.

Monsieur de La Mothe Fénélon, il ne sera pas besoin que vous parliez à la dicte Royne, de la part du Roy de Poulogne, Monsieur mon frère, pour tout ce qui touche mon frère d'Alençon, pour les raisons que pouvés bien penser; mais ce sera bien faict de luy faire entendre les aultres choses que vous escript mon dict frère le Roy de Poulogne.

Escript à Vitry le François, le XIe jour de novembre 1573.

CHARLES. PINART.

CLXI

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXIXe jour de décembre 1573.—

(Post-scriptum inédit.)

Dénonciation faite au roi par le vidame de Chartres d'une conspiration contre sa personne.

Le sieur vidame de Chartres monstrant bien l'affection qu'il me porte, comme un bon et vray naturel subject et serviteur doibt aussy à son Roy et Maistre, m'a faict advertir, par le cappitaine Masin Delbène, présent porteur, qu'il y a une si malheureuse conspiration qui se machine contre moy et la Royne, Madame et Mère, qu'il ne se peut fier ni commettre cella par lettres ni à personne qui ne luy soit fort fidelle, desirant, pour ceste occasion, que j'envoye vers luy quelqu'un à qui il se puisse déclarer pour nous le faire entendre. J'ay advisé de commettre ceste charge au dict cappitaine Masin, en qui il se fie fort, et qui m'est bien affectionné; n'estant néantmoins pas d'advis que monstriez, ni à l'un ni à l'autre, que je vous en aye rien mandé; mais ce sera bien faict que m'en escripviez en chiffre, si en entendés quelque chose par icelluy cappitaine, qui reviendra incontinent, comme je luy ay commandé.

Nota.—Voir, pour l'année 1574, les Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. III, pag. 372 à 444, nos LXXXII à CXLVII.

Lettres du roi, Charles IX, des 18, 20 janvier; 4, 18 février; 4, 14, 23 mars; 20, 23 et 30 mai 1574.

Lettres du roi, Henri III, des 15 juin; 1er, 8, 31 octobre; 10, 20 novembre; et 5 décembre 1574.

Lettres de la reine-mère des 18 janvier; 5, 18 février; 23, 31 mai; 3, 11, 13, 14, 18, 20, 22, 30 juin; 5, 16, 23, 28 juillet; 5, 25, 31 août; 27 septembre; 1er, 8 octobre; 10 et 20 novembre 1574.

Lettres du duc d'Alençon des — janvier; 5 et 18 février 1574.

CLXII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du VIIe jour de mars 1574.—

Retard apporté au voyage du roi en Picardie.—Déclaration du roi qu'il ne peut donner aucun secours aux Écossais.—Espoir qu'Élisabeth ne parviendra pas à réaliser ses projets sur l'Écosse.—Audience accordée à l'ambassadeur d'Angleterre.—Avis que la reine d'Angleterre est vivement pressée de déclarer la guerre.—Efforts que l'ambassadeur doit faire pour l'en empêcher.—Négociation avec les protestans.

Monsieur de La Mothe Fénélon, encore que j'aye bonne espérance, suivant ce que je vous ay escript il n'y a que trois jours, que, quand ceux de mes subjectz qui se sont eslevés auront clairement veu et entendu, suivant ce que je leur ay faict dire et envoyé asseurer, que les bruictz qui ont coureu soient faux, ilz s'en retourneront en leurs maisons jouir du repoz que je desire voir en mon royaulme, si n'est il pas possible que je puisse estre à la frontière de Picardie, au temps que je vous ay escript: car, quand bien tout seroit desjà appaisé, je veux premièrement voir, avant que je parte de ces quartiers, le tout bien rassis et rapaisé. Voylà pourquoy je vous prie qu'en faisant entendre à la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur et cousine, comme je suis après à appaiser tout cessy, ainsi que j'espère faire bientost, vous puissiés prolonger le temps que je vous avois escript que je serois devers ma frontière pour faire l'entreveue, si, suivant ce que je vous en ay sur ce mandé, icelle Royne se délibéroit de s'approscher aussy de la sienne.

Cepandant je vous diray, quand à ce que m'escrivés touchant les propos que vous a tenus l'oncle du comte d'Arguil[153], que mes affaires ne peuvent permettre de faire ce que je desirerois bien pour ceux qui me sont affectionnés en Escosse. Toutesfois asseurés les franchement que je ne diminueray jamais rien de l'amitié que je leur porte, et ne les abandonneray poinct. Je ne doubte pas que icelle Royne d'Angleterre n'ayt tousjours le desir, et, quand et quand, espérance de réduire ce royaulme là comme s'il estoit sien: mais elle y a desjà tant de fois failli que je croy qu'elle n'en peut que bien peu espérer. Toutesfois il sera bon, et vous prie, pour ceste occasion, d'entretenir tousjours, le plus que vous pourrés, les dictz escossois qui me sont affectionnés, affin de me servir de ce pays là comme j'ay cy devant faict, si tant est que icelle Royne d'Angleterre se déclarât contre moy. A quoy, combien qu'elle ne fasse aulcune démonstration, je sçay qu'elle a esté fort sollicitée sur l'occasion de ces troubles, que je ne doubte pas, s'ilz continuent, qu'elle ne les fomente, pour le moins, ainsi qu'elle a faict durant les aultres.

Je donnay, avant hier, audience à son ambassadeur, qui trouva mes frères le Duc d'Alençon et le Roy de Navarre rians et s'esjouans avec moy, selon la vraye et parfaicte amitié et bonne intelligence qui est entre nous, telle qu'elle se peut desirer entre frères; dont la Royne, Madame et Mère, qui estoit aussy auprès de moy, qui estois au lict, vit bien que le dict ambassadeur se soufrit, car il pensoit, à mon advis, que, selon les faulx bruictz que les malitieux, qui ne demandent que la division, font courir, nous feussions en mauvaise intelligence, mais il vit bien le contraire. Aussy vous priè je dire que j'espère si bien conduire mes dictz frères, le Duc d'Alançon et le Roy de Navarre, qu'ilz n'auront jamais, comme de ceste heure, aultre vollonté que la mienne; combien qu'à vous dire vray, mais cella demeurera en vous, il y ait eu de grandes menées, et l'on a faict ce que l'on a peu pour les diviser d'avec moy, qui loue Dieu de l'assistance qu'il m'a donnée pour y remédier comme j'ay faict, si bien que je m'asseure que tout sera bientost appaisé en ce royaulme, et qu'en quelque sorte que ce soit mes dictz frères n'ont ni n'auront aultre intention et vollonté que la mienne, comme vous le pourrés tousjours bien fermement asseurer de dellà; estant aultant nécessaire, qu'il feust jamais, que preniez garde à ce qui se faira de delà, car j'ay sceu pour certain que la dicte Royne a esté très instamment poursuivie pour se déclarer contre moy; et que, sur ce, les principaux de son conseil avec lesquelz elle en a communicqué se sont trouvés partis, estant le milord thrésorier le plus ferme opinant, à ce qu'on m'a dict, (toutesfois je ne le tiens pas pour bien certain), à me faire la guerre ouverte, sur ces eslévations qui sont maintenant par deçà.

J'ay sceu davantage que l'ambassadeur, qui est icy, faict cejourdhuy partir son secrettaire pour presser sa Maistresse et les ministres à cella, leur persuadant qu'ilz n'auront jamais si belle occasion et moyen de faire quelque chose par deçà pour y remettre le pied et y ravoir un Calais. Mais il ne fault pas faire semblant de rien, et au contraire continuer tousjours à entrettenir la dicte Royne et ses ministres de la vraye amitié que je luy porte, et de celle que j'espère réciproquement d'elle; ayant l'œil ouvert et faisant dextrement tout ce qu'il vous sera possible pour entendre ses délibérations et m'en advertir.

Je n'ay poinct encore responce de ceux de mes dictz subjectz, qui se sont eslevés, sur ce que le Sr de Torcy leur a raporté de ma vollonté; mais j'en attands bientost, et desire bien fort qu'ilz soyent si sages que chascun se rettire en sa maison, et vive en repos sellon les lettres patentes qu'ilz m'avoient demandées, et que je leur envoye, dont vous avés eu le double par ma dernière dépesche; priant Dieu, etc.

Escript au fauxbourg St Honoré, lez Paris, le VIIe jour de mars 1574.

CHARLES. PINART.

CLXIII

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XVIIe jour d'apvril 1574.—

Nouveaux évènemens survenus en France.—Remontrances que l'ambassadeur doit faire contre les secours donnés par l'Angleterre à Montgommery.—Nécessité de surseoir à la négociation du mariage.—Détails sur la conspiration de La Mole et de Coconas.—Déclarations du duc d'Alençon et du roi de Navarre.—Fuite du prince de Condé.—Dispositions prises contre La Noue, qui occupe la Rochelle.—Abandon du siège de Valognes par Montgommery.—Assurance que toutes les autres provinces sont tranquilles.—Levées de troupes faites par le roi en Allemagne et en Suisse.

Monsieur de La Mothe Fénélon, par vos dépesches du XXVIIIe du passé, IIe et VIe du présent[154], j'ay veu comme la Royne d'Angleterre, ma bonne sœur, ayant entendu les nouveaux accidentz survenus de deçà, a faict contenance d'en recevoir grand desplaisir, et mesmes de ce qu'elle avoit ouï dire qu'il y avoit quelque chose de meslé de mon frère le Duc d'Alençon; ce que je reconnois d'une très bonne vollonté qu'elle me porte et au bien de mes affaires, comme aussy les propoz qu'elle vous a tenus de Montgomery, ne pouvant en cella user de plus belles démonstrations de son amitié, lesquelles je seray bien aise de voir suivies de semblables effaictz; ayant à vous dire, en passant, touchant icelluy Montgomery, que, entre aultres déclarations que a faictes le comte Coconas, prisonnier, grandement coupable de la malheureuse entreprise qui a esté descouverte, il a dict que le dict Mongomery s'asseuroit bien d'estre secoureu du costé d'Angleterre: ce que je desire que vous faisiés entendre à ma dicte bonne sœur, et luy remonstriés que, encore que ce soit chose que je ne veuille pas croire qu'elle voullût souffrir, pour ne pouvoir estre rien plus contraire à noz communs traictés et à l'amitié qu'elle veut par toutes parolles faire connoistre me porter, si est ce que j'ay bien voullu l'en faire advertir par vous, et la requérir d'y pourvoir, par tous les meilleurs moyens qu'il sera possible, qu'il ne soit presté aulcun secours au dict Mongomery ni à aultres de sa faction, soit ouvertement, ou clandestinement.

Vous pouvés bien juger comme ces choses interrompent le dessein que j'avois prins de m'en aller du costé de la Picardie pour facilliter l'effaict de l'entreveue de mon dict frère le Duc; lequel il fault laisser aux termes qu'il est, sans plus en parler, que l'on ne voye quelque changement en mieux de mes affaires, sans toutesfois monstrer que je sois réfroidy du desir que j'ay de m'estreindre avec ma dicte bonne sœur d'un plus estroit lien d'amitié; vous priant que, pour le plus grand servisse que me sauriés faire, vous ayés, à ceste heure, l'œil bien ouvert à tout ce qui se faira et proposera du costé d'Angleterre. Comme je suis asseuré de vostre affection et intelligence, je ne vous en exhorte pas davantage.

J'ay veu ce que vous me mandés du desir que le comte d'Arguil a d'estre faict chevallier de mon ordre, ce que je luy ay fort volontairement accordé, et vous envoye la dépesche que je pense ne pouvoir mieux addresser qu'à vous mesmes pour le luy bailler.

Au surplus, Monsieur de La Mothe Fénélon, vous aurés entendu par ma dernière[155], comme ceste malheureuse entreprinse, semblable à celle que l'on voulloit dernièrement tanter à Saint Germain en Laye, avoit esté descouverte, qui feust cause que, m'ayant esté confirmée par plusieurs divers advis, je fis renforcer mes gardes et entrer dedans l'enclos de ce chasteau un corps de garde de Suisses. Il avoit dès lors esté prins quelques prisonniers, coupables de la dicte entreprinse, et despuis il en a esté encore prins d'aultres, entre lesquels sont La Molle et le comte Coconas, qui sont entre les mains des gens de ma cour de parlement, pour leur estre faict leur procès, s'estantz desjà, par les interrogations que l'on leur a peu faire, et leurs confessions vollontaires, vériffié comme ilz ont voulleu suborner mes frères, le Duc d'Alençon et Roy de Navarre, et les enlever hors d'auprès de moy pour leur faire entreprendre quelque chose au préjudice de mon authorité et du repos de mon estat; pour lequel effort ilz avoient disposé des chevaux en certains endroictz et prins un lieu où ilz se debvoient rendre; ayant bien à louer Dieu de ce que, par sa grâce, leur mauvais dessein n'a esté exécuté. Mes dicts deux frères, ayantz recogneu la maligne intention de ceux qui les ont voulleu ainsi malheureusement séduire, m'ont déclaré tout ce que dessus, espérant bien que, par la confession des procès qui seront faits à ceux qui se trouvent aujourdhuy prisonniers, il se pourra descouvrir quelque chose davantage de ce à quoy tendoit le but de ceste malheureuse entreprise; dont je ne manqueray de vous donner advis affin que vous en puissiés parler au lieu où vous estes.

Cependant je ne veux oublier à vous dire que mon cousin, le Prince de Condé, ayant eu quelque frayeur, pour luy avoir esté donné à entendre que je tenois prisonniers mes dictz frères, est sorty d'effroy de la ville d'Amiens, et s'est rettiré du costé des Ardennes, ainsy que je l'ay entendu. Mais j'espère que, comme son parlement a esté fondé sur un faux donné à entendre, quand il sçaura la vérité des choses, comme j'ay donné ordre de la luy faire sçavoir, il s'en retournera au dict Amiens pour continuer à pourvoir aux affaires de son gouvernement, selon la charge que je luy en ay donnée et que luy avois envoyée expressément.

Je viens d'avoir nouvelles de mon cousin, le duc Montpensier, comme il a, avec le Sr de La Vauguion, suivi de si près les troupes de La Noue, qui avoient envie de se joindre à Langoran, qu'il les a contrainct de prendre aultre chemin et de tirer du costé de la Rochelle, estant mon dict cousin en délibération de les combattre avec bonne intention de les deffaire, comme il est bien plus fort qu'elles ne sont. Quand au dict La Noue, estant malade d'une fiebvre double tierce, il s'estoit rettiré à la Rochelle, où je croy que mon cousin le sieur Strossy et le secrettaire Pinart, qui estoient après à le joindre, pourront négotier avec luy du faict de leur charge.

Du costé de la Normandie, j'ay eu aujourdhui advis que le Sr de Matignon a fait lever le siège devant Valongnes à Montgomery, qui s'est rettiré du costé de Vire, où il le poursuivoit pour le combattre avec une bonne troupe de forces, luy ayant desjà faict changer d'un logis ou deux.

J'espère quelque bon effaict de ces deux costés, n'ayant rien qui bouge, grâces à Dieu, ez aultres provinces par deçà, où les choses sont en fort paisible estat; priant Dieu, etc.

Escript au chasteau de Vincennes, le XVIIe jour d'apvril 1574.

Je ne veux oublier de vous dire que, despuis ces nouveaux accidentz survenus, je me suis résollu de mettre en wartguelt jusques à cinq mille chevaux reytres, et de demander une levée de six mille Suisses, pour estre fort et donner la loy à ceux de mes dicts subjectz qui me seront désobéissantz.

CHARLES. BRULART.

CLXIV

LA ROYNE MÈRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du XXVe jour d'apvril 1574.—

Audience accordée à l'ambassadeur d'Angleterre pendant la maladie du roi.—Intercession d'Élisabeth en faveur de La Mole.—Déclaration faite par Catherine de Médicis des motifs qui ne permettront pas d'user de clémence envers lui, s'il est condamné.

Monsieur de La Mothe Fénélon, l'ambassadeur de la Royne d'Angleterre, Madame ma bonne sœur, m'est venu aujourdhui trouver, et a commencé à me dire que sa Maistresse avoit esté grandement resjouie, quand elle avoit entendu, par sa dépesche, que le Roy, Monsieur mon filz, et moy continuons toute bonne amitié envers elle, et que les choses que l'on disoit de mon filz le Duc, sur l'occasion de ce qui est cy devant advenu, ne se trouvoient telles que on en avoit faict courir le bruict, qui estoit bien le plus grand desplaisir qu'elle pouvoit recevoir; car, comme l'amitié singullière, qu'elle luy avoit tousjours cy devant portée, estoit principallement fondée sur celle qu'elle avoit avecque le Roy, Mon dict Sieur et filz, et moy, aussy quand il seroit mal avec nous, elle n'en pourroit que grandement diminuer. Ce que je luy ay conforté et remercié de ce que, en cella, elle randoit un bien ample tesmoignage de la syncérité de son affection, l'asseurant, comme la vérité est, que nostre amitié vers elle est telle et aussy syncère qu'elle ait esté cy devant, et que nous avons tout desir de l'estreindre tousjours de plus en plus; et que, Dieu mercy, il estoit en aussy bonne intelligence avec nous que nous le sçaurions souhaitter pour nostre contentement, et que sa vollonté et la nostre n'estoit qu'une mesme chose.

Puis il m'a dict qu'il avoit à parler au Roy, Mon dict Sieur et filz, quelque chose de la part de sa Maistresse, mais, à cause de son indisposition, il ne le voulloit empescher, m'ayant déclaré que c'estoit de La Molle, lequel ayant veu et estimé pour gentilhomme fort honneste, elle a quelque occasion de penser qu'il ne luy seroit poinct tombé au cœur de faire une meschanceté; toutesfois qu'elle ne sçavoit pas de quoy il peût estre chargé, mais que, s'il y avoit chose qui ne feust de si grand grief et offence qu'elle peût estre remise, qu'elle prieroit vollontiers pour luy. En quoy elle estoit incitée d'aultant plus qu'elle avoit tousjours recogneu la bénignité et clémence de mon dict filz si grande envers ses subjectz, qu'il avoit tousjours fort vollontiers pardonné, mesmement à ceux qui, par plusieurs fois, ont prins et porté les armes, les ayant, après cella, aultant favorablement traictés que pourroit faire le plus clément prince du monde, comme encores il se voyoit aujourdhuy qu'il leur faict de si belles et raisonnables offres que, quand ilz ne les voudront accepter, ilz mériteront d'en estre blasmés de tout le monde, et que tous les princes, qui font profession de leur religion, leur seroient contraires.

Là dessus, je luy ay respondu que j'estois bien aise qu'il fît ce jugement avec la vérité, mais, quand à ce qui touche le pardon qu'a faict le Roy, Mon dict Sieur et filz, à ses subjectz, quand ilz se sont cy devant eslevés en armes, ç'a esté lorsqu'ilz ont faict cognoistre que ce qu'ilz en faisoient n'estoit que pour le faict de leur religion, et estre en cella contentés de ce qui serviroit à la satisfaction de leur conscience, et que, leur y ayant esté pourveu, ilz luy ont randu l'obéyssance telle que debvoient de bons subjectz: mais, pour le regard du dict La Molle, il y avoit bien d'aultres considérations; car estant une personne qui a esté nourrie près de nous, et se peut dire de nostre pain, luy ayant, Mon dict Sieur et filz, faict de l'honneur et de la faveur, non pas comme à un subject et serviteur, mais aultant quasi qu'il eut sceu faire à un qui luy eut esté compaignon, la faulte, qu'il pouvoit avoir faicte, estoit beaucoup plus grande en son endroict que de toutes aultres personnes; qu'il sçavoit bien que, quand semblables accidentz estoient advenus en Angleterre, la Royne, sa Maistresse, n'avoit pas pardonné à ses propres parentz, et avoit laissé traicter telle chose par la justice, ainsi qu'il estoit raisonnable, et comme l'on faict présentement, estant le dict La Molle et ceux qui sont accusés comme luy entre les mains des premiers juges de ce royaulme, qui sont les gens de la cour de parlement de Paris; par lesquelz tout homme accusé en ce dict royaulme desire estre plustost jugé que par nulz aultres, par la grande et singullière intégrité qui est recogneue en eux.

A quoy il n'a peu contredire, mais a plustot approuvé ce que je luy en déclarois, me disant si on ne peut sçavoir encores de quoy le dict La Molle est convaincu?

A quoy je luy ay respondu qu'il ne se sçavoit poinct; mais que cest affaire estoit traicté avec toute la syncérité qui se peut dire, et que, après avoir esté le procès faict, nous en fairions part à sa dicte Maistresse pour luy faire cognoistre le fonds de la vérité des choses, que nous ne voudrions demeurer célé à personne qui nous touche d'amitié si intime.

C'est, en somme, le contenu des propos qui se sont passés entre nous, desquelz je vous ay bien voullu donner advis, affin que, si la Royne, ma dicte bonne sœur, vous en parle, par delà, ou vous dict ce qu'elle en aura sceu de son dict ambassadeur, vous en puissiés estre d'aultant plus asseuré par ce que présentement je vous en mande, et vous y conformer.

Au surplus, Monsieur de La Mothe Fénélon, attendant qu'il vous soit faict responce sur la dépesche que nous a porté le Sr de Vassal[156], je vous prieray d'user tousjours envers ma dicte bonne sœur de toutes les démonstrations de nostre bonne amitié qu'il sera possible, comme aussy ne nous est elle aulcunement diminuée par ces nouveaux accidentz, mais plustost accreue; priant Dieu, etc.

Escript au chasteau de Vincennes, le XXVe jour d'apvril 1574.

CATERINE. BRULART.

CLXV

LE ROY A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du IIe jour de may 1574.—

Protestation du roi qu'il n'a pas l'intention de s'allier avec le roi d'Espagne.—Son desir de voir réussir le mariage du duc d'Alençon.—Offre de faire prochainement l'entrevue.—Recommandation de surveiller les menées des protestans français en Angleterre.—Promesse qu'il sera fait droit aux réclamations de sir Arthus Chambernon.—Situation désespérée de Montgommery en Normandie.—Assurance que le roi est en meilleure santé.—Condamnation et exécution de La Mole et de Coconas.

Monsieur de La Mothe Fénélon, comme vostre secrettaire estoit dernièrement sur le poinct de partir et avoit desjà sa dépesche, Vassal arriva avec la vostre, du XVe du passé, despuys laquelle j'ay receu celle du XIXe[157]; et pour vous y respondre, je vous diray que j'ay bien considéré le mémoire dont vous avés chargé le dict Vassal, contenant plusieurs advis qui monstrent bien que celluy qui vous les a donnés a une singullière affection à la conservation de moy et de mon estat; dont je sçauray bien faire mon profict, Dieu aydant; mais, quand à ce qui touche les persuasions que l'on se veut donner par delà, que j'ay une privée intelligence et communiquation de conseilz avec le Roy Catholique, et ce que l'un des conseillers de ma bonne sœur vous a voulleu faire croire, c'est chose de la créance de laquelle j'estime qu'ilz sont grandement esloignés, et que l'on vous en a parlé pour vous faire ouvrir et déclarer là dessus, mes actions faisans assés cognoistre à ceux qui en voudront juger sainement que je ne suis poinct plus affectionné ez choses qui touchent le dict Roy Catholique que en ce qui concerne ma bonne sœur, l'amitié de la quelle j'ay recerché et recerche de confirmer perpétuellement par tous les meilleurs moyenz qu'il m'est possible.

En quoy il se peut dire que je n'y ay rien oublié de ce que je y ay peu advancer de mon costé, et que, si, du costé de delà, la disposition y eut esté aussy ouverte et sincère, il en feût desjà sorti un bon effaict au commun bien et utilité de noz deux royaulmes; et bien que ces derniers accidentz survenus soient telz qu'ilz ont interrompu le dessein et délibération que j'avois pris de m'aproscher de la Picardie, pour facilliter l'entreveue de mon frère le Duc d'Alençon, ainsy que je vous l'ay cy devant escript, si est ce qu'ilz n'ont en rien diminué la bonne vollonté que j'ay tousjours eue d'establir, par le moyen de son mariage, une indissoluble amitié entre noz deux royaulmes. Auquel desir je continue persévèremment, comme je feray jusques à ce que je voye que, du costé de delà, il ne s'en pourra plus rien espérer, n'ayant jamais donné à cognoistre au docteur Dale, qui est icy ambassadeur résident, qu'il y eût aulcun réfroidissement, de mon costé, en ce regard.

Bien ay je peu monstrer que ceste entreveue de mon frère, le duc d'Alençon, ne se pouvoit pas faire à ceste heure, et jusques à ce que les choses soyent un peu mieux remises qu'elles ne sont encores, et mesmes qu'il semble, par le propos qu'il m'a tenu de la part de sa Maistresse, que, si elle cognoissoit une mauvaise intelligence de mon dict frère envers moy et la Royne, Madame et Mère, cella diminueroit beaucoup la bonne amitié qu'elle luy portoit, fondée principallement sur la bonne affection qu'elle a à l'endroit de Ma dicte Dame et Mère et de moy. De quoy il a esté requis qu'elle feust premièrement asseurée, sellon qu'il a esté faict par les propos que l'on a eus avec son dict ambassadeur, et ce que vous avés eu charge de luy en exposer par delà; vous voullant bien dire que j'ay tant de desir de voir le faict de ce mariage conduict à une bonne et heureuse fin, que, si ma dicte bonne sœur vous veut asseurer qu'après avoir veu mon dict frère, elle l'espousera, sans qu'il se mette plus en avant aulcune difficulté, incontinent que l'estat des affaires de mon royaulme aura esté un peu remis, ce que j'espère dans peu de temps, je m'aproscheray de la dicte frontière de Picardie pour effectuer ceste entreveue, et luy fairay bien cognoistre que je ne suis aulcunement réfroidy du dict mariage; mais qu'il m'en demeure le mesme desir que je y ay eu cy devant, lequel m'est pleustost accreu que diminué.

J'ay veu ce que me mandés des excuses et prétextes que le comte de Montgomery a faict entendre, par delà, l'avoir induict à se venir employer au secours de ceux qui se sont eslevés en armes, lesquels sont aussy faulsement controuvés que toutes les aultres mauvaises inventions de telles personnes, pour donner coulleur à leurs meschantes entreprises. Or, en cella, et aux réquisitions qu'il faict d'avoir quelques secours, soit de gens ou de navires, et aussy aux sollicitations que le ministre Vilden, Robineau et le ministre de La Noue, nommé Textor, font par delà, c'est à vous à y avoir l'œil soigneusement ouvert, et faire de bien vives instances envers la Royne d'Angleterre à ce qu'elle ne souffre, selon ce qui appartient à nostre commune amitié et aux derniers traictés que nous avons faict, qu'ilz soyent ouïs aux choses qu'ilz pourront réquérir pour fomenter le trouble de mon dict royaulme et le secours de ceux qui se sont eslevés, et d'empescher qu'ilz n'obtiennent rien d'elle ni de ses subjectz, directement ou indirectement, qui est le meilleur servisse que me sçauriés faire pour le présent.

J'ay veu la coppie que m'avés envoyée du mémoire que vous a présenté le sir Arthus Chambernon, sur lequel ce que je vous peux dire c'est que le comte, de Montgomery faict assés cognoistre, par tous ses déportementz, qu'il n'a aultre vollonté que de poursuivre la ruine de mon royaulme, en tout ce qu'il pourra; dont il ne méritte de recevoir de moy aulcun bon traictement en ses biens, comme cy devant je luy avois offert, s'il se feust contenu doucement: à quoy je ne suis pas délibéré d'entrer. Mais, pour le regard de ce qui touche l'intérest du filz du dict Chambernon, et la jouissance qu'il demande pour luy du dot de sa femme, fille du dict comte, sur les biens qu'il a en ce royaulme, montant douze mille livres, je luy en fairay tousjours faire bonne justice en faveur de ma dicte bonne sœur; mais je desire que vous empeschiés dextrement que, soubz umbre de cella, il n'entreprenne un voyage de par deçà, de peur que ce ne feust pour aultre mauvaise intention. En quoy vous luy pourrés remonstrer qu'il n'est poinct de besoin qu'il s'y achemine pour telle occasion, mais qu'il suffira qu'il fasse présenter sa requeste par l'ambassadeur, qui est icy résident, sur laquelle il aura toute la favorable responce qu'il sera possible.

Au surplus, Monsieur de La Mothe Fénélon, je vous diray comme s'estant le dict comte de Montgomery réduict dedans Sainct Lô, (la tenant à ceste heure assiégée), enfin pour ne s'y trouver trop seurement, j'ay sceu que, avec vingt et cinq ou trante chevaux, il s'est hazardé de sortir pour s'aller mettre dans Carentan. J'ay envoyé bonne quantité de canons, poudres et munitions de ma ville de Paris au Sr de Matignon pour assiéger ces deux places là, oultre ce qu'il en a desjà de mon païs de Normandie, de sorte que j'espère que, dans peu de temps, il les aura remises en mon obéissance, n'estant encore en bon estat de fortification.

Ne me restant rien à vous dire, Monsieur de La Mothe Fénélon, si ce n'est que je ne fais poinct de doubte que l'on ne parle diversement, au lieu où vous estes, de l'estat de ma disposition, mesmement à cause des mèdecins de Paris, que j'ay faict venir pour me voir; et affin que vous n'en soyés en peyne, et en sçachiés la vérité, je vous asseure que m'ayant faict tirer du sang, je me sens grandement soulagé, et me trouve sans aulcune doulleur, avec espérance que, dans peu de jours, je seray entièrement guéri, et pourray me lever, Dieu aydant.

Et finirois en cest endroict ceste lettre, n'estoit qu'il faut que je vous die encores comme La Molle et le comte Coconas feurent hier jugés à avoir la teste tranchée, et le jugement exécuté, ayantz esté convaincus d'avoir attenté contre mon estat; et ont recogneu, avant que de souffrir le dernier supplice, que, méritoirement et à juste occasion, ilz avoient esté condemnés à mort, et que leur fin serviroit de grand exemple à toutes personnes qui auroient au cœur telles mauvaises entreprinses, que celles qu'ilz ont tentées; se pouvant dire qu'il a esté usé, à la confession et jugement de leur procez, de toute la plus grande sincérité, et les choses pesées avec le plus grand respect qui se puisse observer, et que, s'il se feût peu trouver quelque excuse pour eux, elle eût esté employée; mais ilz se sont trouvés si coulpables que eulx mesmes se sont condemnés et confessés dignes de mort beaucoup plus cruelle que celle qu'ilz ont soufferte; priant Dieu, etc.

Escript au boys de Vincennes, le IIe jour de may 1574.

J'ay faict garder ceste dépesche jusques aujourdhuy que je vous puis asseurer ma santé m'estre tousjours de plus en plus confirmée, et me trouver si bien, à ceste heure, que j'espère sortir dans peu de jours.

CHARLES. BRULART.

CLXVI

LE DUC D'ALENÇON A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON

du Ier jour de juing 1574.—

Reconnaissance de la régence de Marie de Médicis par le duc d'Alençon, après la mort du roi Charles IX.—Même déclaration faite par le roi de Navarre.—Acte de reconnaissance, par le parlement de Paris et les princes du sang, des pouvoirs conférés à la reine-mère.

Monsieur de La Mothe, je ne saurois assés vous exprimer l'extrême regrect, qui me demeure, de la perte, que j'ay faicte, du Roy Mon Seigneur et frère, qu'il a pleu à Dieu appeller à sa part. Toutesfois, me conformant à sa saincte vollonté, et considérant que c'est chose commune à tous hommes, je me forceray de surmonter ceste dolleur le plus vertueusement qu'il me sera possible, et vous diray que la dernière vollunté du Roy, Mon dict Seigneur et frère, a esté que la Royne, Madame et Mère, régist et gouvernast les affaires de ce royaume, en attendant le retour du Roy de Poullogne, Mon Seigneur et frère, ce qu'elle a accepté, meue de l'affection qu'elle porte au bien d'icelluy royaume. En quoy, sellon le naturel debvoir que j'ay envers la Royne, Madame et Mère, je m'esforceray de luy randre tout service et obéissance, vous priant, de vostre part, vous conformer en cella en ce qui est de vostre charge, et y randre la mesme dilligence et fidellité que vous avés faict le passé, comme nous avons toute fiance en vous; priant Dieu, etc.

Escript au bois de Vincennes, le premier jour de juing 1574.

Vostre bon amy. FRANÇOYS.

LE ROY DE NAVARRE A Mr DE LA MOTHE FÉNÉLON.

du Ier jour de juing 1574.—

Monsieur de La Mothe Fénélon, vous verrés par la lettre que la Royne vous escript[158], comme il a pleu à Dieu disposer du feu Roy Mon Seigneur, perte qui, est si notable à ce royaume qu'il ne peult qu'il n'en demeure ung regret infini à tous ceux qui en sont serviteurs affectionnés. Mais il nous demeure une bien grande consolation de ceste affliction, qui est que Sa Majesté, sentant sa fin, pour tesmoigner le singulier desir qu'elle a tousjours eu au repos de ses subjectz, a ordonné, par sa dernière vollunté, que l'administration et régence des affaires demeurent à la dicte Dame, attandant l'arrivée du Roy de Poullogne. Ce qu'elle sçaura très bien faire par sa prudance et la longue expériance qu'elle en a, et aussy pour la dévotion grande qu'elle a à ceste couronne. En quoy je l'assisteray et recognoistray, sellon qu'elle en est très digne par ses vertus, comme et semblablement fairont touts les principaux et bien affectionnés ministres de ceste couronne; vous priant, de vostre costé, faire en cecy ce qui est de vostre charge, et y randre le bon debvoir que l'on sçait que vous avés faict ci devant, ainsi que la dicte Dame s'en assure; priant Dieu, etc.

Escript au bois de Vincennes, le premier jour de juing 1574.

Vostre bon amy. HENRY.

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