Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 5/8)
CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.
TABLEAUX.
Sur le maître-autel, la Vision de Saint-Jean, par Lagrenée.
À gauche de la grille du cœur, un Christ mort; sans nom d'auteur.
SÉPULTURES.
Le cardinal Le Moine et son frère André Le Moine, évêque de Noyon, y étoient inhumés dans le même tombeau.
Ce collége étoit une des quatre maisons de théologie de la faculté de Paris. Il possédoit un terrain très-spacieux, qui s'étendoit depuis la rue Saint-Victor jusqu'à la porte Saint-Bernard. Parmi les savants qui y ont professé, on distingue Turnebe, Buchanan et Muret.
Le séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet (rue Saint-Victor).
Le séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet étoit situé immédiatement au-dessus de la principale porte de l'église du même nom. Ce n'étoit, dans le principe, qu'une société de dix ecclésiastiques, que l'un d'eux, M. Adrien Bourdoise avoit réunis en 1612 au collége de Reims, où il demeuroit. L'objet de cette petite communauté étoit de former des conférences pour l'utilité des jeunes gens qui se destinoient à la prêtrise. Il est remarquable que M. Bourdoise n'avoit point encore reçu les ordres lorsqu'il commença cet utile établissement; et ce ne fut que l'année suivante qu'il fut élevé à la dignité du sacerdoce, circonstance qui accrut son autorité parmi ses collègues. Il les avoit si bien choisis, et ils se montrèrent si disposés à favoriser son projet, qu'ils ne balancèrent point à le suivre dans les colléges du Mans, du Cardinal Le Moine et de Montaigu, dans lesquels il fut successivement transféré. Enfin, après plusieurs épreuves, ces ecclésiastiques se consacrèrent entièrement, en 1618, à l'instruction des jeunes clercs. On les voit s'établir, en 1620, dans la maison du sieur Guillaume Compaing, l'un d'entre eux, et la quitter en 1624 pour former un nouvel établissement au collége des Bons-Enfants. M. Georges Froger, alors curé de Saint-Nicolas, reconnoissant des services qu'ils rendoient à sa paroisse, résolut de se les attacher; et l'on peut lire dans Sauval[375] les conventions, sous signatures privées, qui furent passées entre eux le 26 juillet 1631, et rédigées en acte public le 11 octobre suivant. Cette institution ayant été approuvée par l'archevêque le 24 du même mois, et autorisée par lettres-patentes dans le mois de février suivant, ces prêtres acquirent en commun une maison et un jardin contigu, et cette acquisition fut confirmée par d'autres lettres-patentes du mois de mai de la même année[376].
Ils obtinrent, en novembre 1643, des lettres-patentes qui les autorisoient à recevoir des legs et des donations. Ce fut peut-être le refus que fit alors le parlement d'enregistrer ces lettres, qui leur procura un établissement légal: le 20 avril 1644 l'archevêque ayant érigé cette communauté en séminaire, fit autoriser cette érection par lettres-patentes du mois de mai suivant. Le parlement, en les enregistrant, crut devoir y mettre quelques modifications; le roi en accorda de nouvelles le 21 mai 1661, qui en ordonnoient l'enregistrement simple, et le parlement fut forcé de s'y conformer le 25 du même mois.
Cette communauté, enrichie par quantité de donations, augmenta ses bâtiments, et fit élever, en 1730, une autre maison dans la même rue, sous le nom de petit-séminaire. On y recevoit, à titre de pensionnaires, les étudiants qui se destinoient à l'état ecclésiastique. Les dimanches et fêtes, ils faisoient partie du clergé de la paroisse[377].
La bibliothèque étoit composée d'environ quinze mille volumes d'un bon choix. Il y avoit aussi un cabinet d'histoire naturelle.
Le collége des Bons-Enfants ou séminaire de Saint-Firmin (rue Saint-Victor).
Les historiens de Paris n'ont rien pu découvrir sur l'origine de ce collége. Leur incertitude et le défaut de monuments ne permettent pas de lui assigner une époque plus ancienne que le règne de saint Louis. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il existoit avant 1247, puisqu'on trouve dans un testament de cette année que la dame Geneviève fit un legs de 10 sous au collége des Bons-Enfants[378]. Les historiens de l'Église et de l'Université[379] rapportent une bulle d'Innocent IV donnée à Lyon le 8 des calendes de décembre, l'an 6 de son pontificat, ce qui revient au 24 novembre 1248, par laquelle le souverain pontife, à la réquisition de Gautier (de Château-Thierri), administrateur de la maison des Bons-Enfants, leur permet d'avoir une chapelle, et engage l'évêque à la leur accorder. Gautier, qui n'étoit alors que chancelier de Notre-Dame, fut élu évêque de Paris l'année suivante, mourut quelques mois après, et la permission ne fut donnée qu'en 1257 par Renaud de Corbeil, son successeur. Quelques années après, Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, y fonda une chapellenie au nom et comme exécuteur du testament de Gui Renard, médecin du roi[380], et assigna au chapelain une rente de 15 livres. Une reconnoissance de 40 sous de rente que les Bons-Enfants devoient à l'évêque, et dont ils passèrent acte au mois de juillet 1314, prouve qu'il y avoit alors neuf boursiers dans ce collége[381].
Cette maison étoit presque abandonnée, lorsque la principalité et la chapellenie en furent données au célèbre Vincent-de-Paul le 1er mars 1624. C'est là qu'il jeta les premiers fondements de la congrégation de la Mission, à laquelle le collége fut réuni par décret du 8 juin 1627, confirmé par lettres-patentes du 15 septembre suivant. Dès-lors la maison de la Mission fut regardée comme un véritable séminaire, où l'on formoit de jeunes ecclésiastiques destinés à aller porter la parole de Dieu dans les campagnes[382]; mais il ne fut établi dans les formes légales que bien long-temps après, en 1707, par un décret d'érection de M. le cardinal de Noailles, confirmé par lettres-patentes du mois de janvier 1714.
Le collége des Bons-Enfants n'avoit pas été excepté dans les lettres-patentes du 21 novembre 1763, qui ordonnoient la réunion au collége de l'Université de tous les colléges sans exercice. Mais le roi, par de nouvelles lettres du 22 avril 1773, ordonna que la principalité, la chapellenie et les terrains et bâtiments de cette maison demeureroient attachés à la congrégation de la Mission, réunissant les autres biens et les bourses du collége à celui de Louis-le-Grand, conformément aux lettres-patentes du 21 novembre 1763, et à l'arrêt du parlement du 8 mai 1769[383].
La bibliothèque, composée d'environ quinze mille volumes, avoit été en partie amassée par Julien Barbé, mort supérieur de cette maison.
Collége de la Marche (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).
Ce collége reconnoît deux fondateurs, Guillaume de La Marche et Beuve de Winville. L'oncle du premier, nommé Jean de La Marche, avoit loué, en 1362, le collége de Constantinople[384], situé dans le cul-de-sac d'Amboise, et fondé dans le cours du siècle précédent; et cette maison, dans laquelle il n'y avoit plus alors qu'un seul boursier, prit dès ce moment le nom de la Petite-Marche. L'Université, qui avoit donné son consentement à cette location, consentit ensuite à céder à Guillaume de La Marche la propriété entière de ce collége, moyennant une redevance annuelle de 20 livres, dont 14 pour les cens et rentes dont il étoit chargé, et les 6 livres restantes pour les besoins des pauvres écoliers. Guillaume affectionna tellement cet établissement, qu'à sa mort, arrivée en 1420, il laissa la plus grande partie de ses biens pour l'entretien d'un principal, d'un procureur et de six boursiers. C'est alors qu'on voit paroître Beuve de Winville, nommé par lui son exécuteur testamentaire, et qui, joignant ses libéralités aux dons du premier bienfaiteur, acheta, la même année, les maisons que les religieux de Senlis avoient à la montagne Sainte-Geneviève, et y fit construire le collége de la Marche. Il y fonda également un chapelain et six boursiers; et les associant à ceux de la Petite-Marche, il les réunit tous dans cette nouvelle demeure. Les actes par lesquels tous ces arrangements furent approuvés sont datés de 1422 ou 1423[385], et nous apprennent que, parmi les six boursiers fondés par Guillaume, il devoit y en avoir quatre de la Marche, qui étoit son pays natal, et deux de Rosières-aux-Salines en Lorraine. Les boursiers de la fondation de Beuve de Winville devoient être de Winville ou Voinville, Buxieres et Buxereule, au bailliage de Saint-Mihiel. Les deux fondations réunies firent donner à ce collége le nom de la Marche-Winville.
Depuis cette époque, d'autres personnes y fondèrent des bourses nouvelles, au nombre de neuf à dix. Elles étoient toutes à la collation de l'archevêque, qui étoit en même temps proviseur de cette maison[386].
Sur l'autel de la chapelle étoit un très-bon tableau, offrant le sujet de la Présentation de Notre Seigneur au temple; par un peintre inconnu.
Collége des Allemands (rue du Mûrier, ci-devant rue Pavée).
Ce collége, qui n'existe plus, fut fondé, suivant les historiens de Paris, en 1353. Il s'étendoit, suivant toutes les apparences, jusqu'à la rue Traversine, puisque Duboulai, Dubreul, Crevier[387], etc., avancent qu'il y étoit situé. Cependant, suivant Jaillot, il y a des preuves que ce collége existoit dès 1348, et qu'il étoit dans la rue Pavée. Le terrier de Sainte-Geneviève de 1380 énonce, à l'article de cette rue: «Les écoliers d'Allemaigne pour leur maison qui fut jadis Regnaut de Cusances.» Le censier de 1540 fait mention, au même endroit, «des écoliers de la province des pauvres Allemands;» et dans celui de 1603, on indique une maison, rue du Mûrier, tenant d'une part à la nation d'Allemagne.
Collége d'Arras (rue d'Arras).
Ce collége fut fondé par Nicolas le Caudrelier (alias le Cauderlier et le Candelier), abbé de Saint-Vaast d'Arras en 1332, suivant tous les historiens de Paris, avant cette époque, suivant Jaillot[388], qui prouve cette antériorité par les actes mêmes dont ses devanciers se sont appuyés pour fixer cette date. Il prouve même que cet établissement existoit avant 1328. Voici du reste comment on en raconte l'origine: Nicolas Le Caudrelier étoit exécuteur testamentaire de plusieurs personnes qui l'avoient chargé de quelques legs dont il devoit disposer pour des actes de piété: il ne crut pouvoir mieux remplir l'intention des légataires qu'en procurant à quelques pauvres écoliers d'Arras les moyens de faire leurs études. Ayant joint à cet effet le fruit de ses épargnes aux sommes dont il étoit dépositaire, il établit son collége, acheta des terres pour la subsistance des écoliers, et les plaça dans une maison également acquise à leur intention, et qui étoit située rue des Murs (aujourd'hui d'Arras). On ne trouve rien qui puisse faire présumer que par une telle acquisition cet abbé ait eu en vue de se procurer un domicile à Paris, soit pour lui et ses successeurs, soit pour ses religieux; mais il étoit naturel qu'il en confiât la principalité à l'un d'entre eux, ce qui a subsisté jusqu'à la réunion de ce collége à celui de l'Université[389].
Collége de Laon (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).
Divers changements survenus dans ce collége ont trompé plusieurs historiens sur la véritable date de son origine. L'inscription même placée sur la porte la fixoit mal à propos à l'année 1314. La vérité est qu'il fut fondé en 1313 par Gui, chanoine de Laon et trésorier de la Sainte-Chapelle, ainsi qu'il est prouvé par les lettres de Philippe-le-Bel, données au mois de janvier de cette année[390]. Elles nous apprennent que ce Gui de Laon et Raoul de Presle s'unirent ensemble pour faire cette fondation. Le premier donna 100 liv. de rente amortie et les maisons qu'il avoit rue Saint-Hilaire (rue des Carmes), ainsi que celles qu'il avoit ou pourroit avoir entre cette rue et celle du Clos-Bruneau, dite aujourd'hui Saint-Jean-de-Beauvais. Le second fit don de 200 liv. de rente; et tous les deux se réservèrent la disposition et l'administration de leur collége, qu'ils destinèrent à recevoir les pauvres écoliers des diocèses de Laon et de Soissons.
Quelques différents qui survinrent entre ces écoliers provoquèrent, dès 1323, une séparation. Le collége de Laon occupa les logements de la rue du Clos-Bruneau, où fut depuis le collége de Lisieux. Le collége de Soissons ou de Presle fut établi dans le terrain qui donnoit sur la rue Saint-Hilaire, à la charge d'une redevance de 24 liv. de rente envers l'autre. En 1327, Gui de Laon établit dans le sien un principal, un chapelain et seize boursiers. Douze ans après, en 1339, Gerard de Montaigu, depuis avocat-général au parlement, légua aux écoliers de ce collége sa maison appelée l'Hôtel du Lion d'or, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Ils y furent transférés en 1340, et l'on trouve qu'en 1342 Foulques de Chanac permit d'y célébrer le service divin.
Entre le couvent des Carmes et cet hôtel du Lion d'or, devenu le collége de Laon, étoit le collége de Dace, dont aucun de nos historiens ne nous fait connoître la fondation. Jaillot, sans rien donner de positif à ce sujet, nous apprend qu'il existoit dans le treizième siècle, et qu'il avoit été fondé pour les écoliers de Dampnemarck (Danemarck), autrement dits Suesses; que dans le siècle suivant, ce collége tombant en ruine, et devenant presque inhabitable, les écoliers du collége de Laon s'en rendirent propriétaires, au moyen d'un arrangement fait avec les boursiers qui l'habitoient; et en rétrocédèrent probablement une partie aux Carmes, qui se trouvoient extrêmement gênés dans leur maison: car il est certain que ces religieux en possédèrent par la suite une partie. Du reste, ce fait, peu important en lui-même, est raconté assez confusément par ce critique, et ne mérite pas la longue discussion qu'il lui a consacrée.
Le collége de Laon, comme nous l'avons dit, avoit été fondé uniquement pour seize boursiers étudiant dans la faculté des arts; mais dans la suite on y ajouta des bourses pour des écoliers en théologie et en médecine. Vers le milieu du siècle dernier, il étoit composé d'un principal, qui réunissoit à cette place celle de procureur; de douze boursiers théologiens, du nombre desquels étoient les quatre chapelains, et de dix-sept boursiers humanistes et philosophes. Il fut réuni au collége de Louis-le-Grand, ainsi que les autres colléges sans exercice, conformément aux lettres-patentes de 1763[391].
Collége de Navarre (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).
Ce collége, célèbre par le nom illustre de sa fondatrice, Jeanne de Navarre, épouse de Philippe-le-Bel, ne l'est pas moins par le nombre de grands personnages qu'il a produits. Ce fut huit jours avant sa mort, le 25 mars 1304, que cette princesse en ordonna la fondation par son testament, ratifié et approuvé le même jour par le roi et par Louis, son fils aîné. On voit dans les titres qui le concernent, qu'elle y avoit destiné son hôtel de Navarre, situé rue Saint-André-des-Arcs, et une somme de 24,000 liv., faisant le fonds de 2,000 liv. de rente[392].
Suivant ce testament, il devoit y avoir dans ce collége soixante-dix pauvres écoliers, dont «vingt écoliers enfants, étudiants en grammaire, trente en logique et philosophie, et vingt en théologie ou divinité. Si aura chacun des Grammairiens, par semaine de sept jours, 4 sols parisis; li Artien, 6 sols; et li Théologien, 8 sols.» Il contenoit en outre diverses dispositions en faveur des maîtres et chapelains. L'évêque de Meaux et l'abbé de Saint-Denis, exécuteurs testamentaires de la reine, ayant jugé qu'il étoit plus avantageux de vendre l'hôtel de Navarre, et d'acheter avec son produit un emplacement plus commode, firent, en conséquence de cette nouvelle disposition, l'achat de maisons et jardins situés à la montagne Sainte-Geneviève, et c'est là que le collége de Navarre fut établi. Des statuts furent dressés pour cet établissement en 1315; le nombre des maîtres, des chapelains et des clercs fut augmenté; et vers le milieu du siècle suivant, on admit des externes et des pensionnaires à partager les leçons qu'y recevoient les boursiers. Quelques-unes des bourses furent affectées à l'abbaye Sainte-Geneviève et à la cathédrale, d'autres à la chapelle; en 1635 M. Fayet, curé de Saint-Paul, en fonda six en faveur des enfants de chœur de sa paroisse[393].
Ce collége souffrit beaucoup des troubles qui désolèrent le règne de Charles VI; il fut alors presque entièrement ruiné. Charles VII ordonna qu'il fût rétabli, et Louis XI, en 1464, fit exécuter cette ordonnance. Depuis il n'a cessé d'être l'objet de la protection particulière de nos rois, Charles VIII daigna assister, en 1491, à l'un de ses exercices publics, et lui donna 2,400 liv. pour augmenter sa bibliothèque. Henri III et Henri IV, au rapport de Matthieu, y firent leurs études avec le duc de Guise, et Charles IX alla les y visiter. Louis XIII y réunit les colléges de Boncourt et de Tournay, dans l'intention d'y fonder une école de théologie; et la même année, le cardinal de Richelieu y établit une chaire de controverse. On voit ensuite Louis XIV y créer, en 1660, deux chaires nouvelles, l'une de théologie morale et de cas de conscience, l'autre qu'il déclara de fondation royale. Son successeur ne se montra pas moins libéral envers cette maison, dont il répara les bâtiments, et dans laquelle il créa la chaire de physique expérimentale, de manière que c'étoit le collége de l'Université qui présentoit le cours d'enseignement le plus complet. C'étoit aussi celui dans lequel les premières familles du royaume mettoient de préférence leurs enfants en pension; de manière que Mézerai a eu raison de dire[394], en parlant de la reine Jeanne, «qu'elle fonda le noble collége de Navarre et de Champagne, l'école de la noblesse françoise, et l'honneur de l'Université de Paris.»
La chapelle, bâtie en 1309, ne fut dédiée que le 16 octobre 1373, sous le nom de saint Louis.
CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.
TABLEAUX ET SCULPTURES.
Près de l'autel, deux tableaux, dont l'un représentoit un Ecce Homo, l'autre une Mère de douleur; sans nom d'auteur.
Un grand candélabre à sept branches sur chaque face, et d'environ dix pieds de haut. Il servoit de lutrin.
Aux deux côtés de la porte de ce collége, on voyoit les deux statues de la reine Jeanne et de Philippe-le-Bel son époux.
SÉPULTURES.
Au milieu du chœur, sous la lampe, avoit été inhumé le fameux Clémengis, docteur de cette maison, recteur de l'Université, secrétaire de l'antipape Benoît XIII, mort vers 1430[395].
Dans la nef, on lisoit l'épitaphe de Jean Teissier, fameux grammairien, mort en 1542.
La bibliothèque, fondée par la reine Jeanne, successivement augmentée par diverses donations, et notamment par l'acquisition de la bibliothèque du savant Peiresc, étoit riche en manuscrits authentiques et en anciennes éditions.
Parmi les hommes célèbres qui sortirent de cette école, on distingue Jean Gerson, chancelier de l'Université dans le quinzième siècle, et Jacques Bénigne Bossuet, l'un des plus beaux génies dont elle puisse s'honorer dans le dix-septième[396].
Le Séminaire des Trente-Trois (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).
La fondation de cet utile établissement est due à M. Claude Bernard, dit le Pauvre-Prêtre, particulièrement connu par sa grande charité. Il l'avoit déjà souvent exercée envers quelques écoliers dont la bonne conduite et les talents annonçoient des dispositions heureuses pour l'état ecclésiastique, mais qui manquoient absolument de tous moyens d'existence. En 1633 il en rassembla d'abord cinq en l'honneur des cinq plaies de Notre Seigneur: ce nombre devint ensuite égal à celui des apôtres; enfin il trouva le moyen de le porter jusqu'à trente-trois, qui est celui des années que Jésus-Christ, suivant l'opinion la plus commune, a passées sur la terre. De là le nom qu'on leur donna des Trente-Trois-Pauvres-Écoliers. Ils furent d'abord placés au collége des Dix-Huit, ensuite dans celui de Montaigu, peu après dans une maison située vis-à-vis ce collége, et nommée l'hôtel de Marli. La reine Anne d'Autriche contribua, par le don qu'elle fit à ces pauvres écoliers de trente-trois livres de pain par jour, à soutenir cet établissement, et mérita par là d'en être nommée la fondatrice[397]. Il ne prit cependant une forme stable qu'environ vingt ans après. Plusieurs personnes pieuses étoient entrées dans les vues charitables de M. Bernard; et après sa mort, arrivée le 25 mai 1641, elles se réunirent encore pour soutenir cette bienfaisante institution. La somme que produisirent leurs libéralités fut suffisante pour acheter l'hôtel d'Albiac, situé rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, et le faire distribuer convenablement. Cette acquisition fut faite en 1654; et l'on obtint, trois ans après, la permission des grands-vicaires de l'archevêché pour l'érection de cette maison en séminaire ecclésiastique, permission qui fut confirmée par des lettres-patentes de 1658.
On y procuroit la subsistance et l'instruction à de pauvres écoliers françois et même suisses, jusqu'à ce qu'ils fussent en état d'être promus au sacerdoce. On n'exigeoit d'eux rien autre chose, sinon qu'ils fussent nés de légitime mariage, bien constitués, clercs tonsurés ou en état de l'être, assez avancés dans leurs études pour pouvoir faire la philosophie, et dépourvus de tous moyens d'existence. Ce séminaire étoit conduit par trois directeurs pour le temporel, trois pour le spirituel, et par un préfet qui étoit à la tête de la communauté[398].
Collége de Boncourt (rue Bordet).
Ce collége fut bâti, suivant les apparences, sur l'emplacement de l'hôtel de l'évêque d'Orléans. Pierre de Bécoud, sieur de Flechinel, qui avoit acquis cet hôtel, en fut le fondateur. On voit par l'acte de fondation, daté de 1357[399], qu'il affecta sa maison située sur la montagne Sainte-Geneviève, et quelques dîmes qu'il avoit en Flandre, à l'établissement et dotation d'un collége «pour huit pauvres écoliers étudiants en logique et en philosophie, qui auront chacun quatre sous par semaine; lesquels doivent être pris et élus, toutes fois que le cas si offerra, en le évesquié de Thérouenne, excepté ce qu'il y a dudit évesquié au pays de Flandre.» Ces bourses devoient être à la nomination de l'abbé de Saint-Bertin, à Saint-Omer, et de celui de Saint-Éloi, au diocèse d'Arras. Le nom de ce fondateur fut depuis altéré et changé en celui de Beaucourd, Becourt, et enfin Boncourt.
Au mois de mars 1638, Louis XIII unit ce collége à celui de Navarre, qui n'en étoit séparé que par la rue Clopin. L'intention du roi étoit d'y établir une société de docteurs en théologie à l'instar de celle de Sorbonne; et en conséquence de cette union, il permit de fermer cette rue dans une longueur de soixante-quatre toises; mais les supérieurs de ce dernier collége ne jugèrent pas à propos de profiter de cette permission, et, pour laisser libre le passage de la rue, se contentèrent de faire construire une galerie de communication avec le collége de Boncourt.
Le célèbre Voiture avoit été élevé dans ce collége[400].
Collége de Tournay (rue Bordet).
Il étoit voisin du collége de Boncourt, et avoit d'abord servi d'hôtel aux évêques de Tournay. Aucun auteur ne rapporte, précisément la date de sa fondation; mais il est certain qu'il existoit au quinzième siècle, et qu'il y avoit alors une communication entre les deux colléges, au moyen de laquelle les écoliers de Tournay pouvoient assister à la messe qui se disoit au collége de Boncourt et aux leçons qui s'y faisoient. Il fut réuni, en même temps que ce dernier collége, à la maison de Navarre, et aux mêmes conditions.
Collége des Écossois (rue des Fossés-Saint-Victor).
Ce collége reconnoissoit deux fondateurs: le premier fut David, évêque de Murrai en Écosse, qui, en 1323, consacra une certaine somme pour assurer la subsistance de quatre pauvres écoliers de sa nation, un théologien et trois artiens. Ces quatre boursiers furent d'abord placés au collége du cardinal Le Moine, qui, en conséquence de cet arrangement, fut mis en jouissance de leur dotation; mais il se démit dès 1333 de cette possession et de tous ces droits entre les mains du successeur de David, et les écoliers écossois furent alors placés dans la rue des Amandiers. Les choses restèrent dans le même état jusqu'au moment où, par l'effet du schisme d'Angleterre, on vit arriver en France un grand nombre de jeunes Écossois forcés d'abandonner leur patrie, où l'exercice de la religion catholique venoit d'être proscrit, du reste, dénués de tous moyens de subsistance, et n'en pouvant trouver que dans l'étude et les diverses carrières qu'elle mettoit à même d'embrasser. Touché de leur situation, Jacques de Bethwn, archevêque de Glascow et ambassadeur d'Écosse en France, sut intéresser en leur faveur la reine Marie Stuart: elle leur fit des pensions, ne cessa point de les protéger même pendant sa longue captivité, et mérita leur éternelle reconnoissance par le legs qu'elle leur fit au moment de sa mort. Jacques de Bethwn y ajouta le don de tous ses biens; et avant sa mort qui arriva en 1603, nomma les prieurs des chartreux directeurs et administrateurs de cette fondation, leur donnant pouvoir de choisir les boursiers, de se faire rendre les comptes, etc., ce qui s'est observé jusque dans les derniers temps.
Avant cette donation, et depuis l'an 1572, époque du décès du dernier évêque de Murrai, la nomination de ces quatre boursiers avoit été dévolue à l'évêque de Paris; et ces places avoient souvent été données à des prêtres écossois dont les études étoient déjà finies. Depuis, M. de Gondi, archevêque de cette ville, jugea plus utile de réduire les bourses à deux, et de les réunir à la communauté de l'archevêque de Glascow[401]; son décret, donné à cet effet en 1639, fut confirmé par des lettres-patentes enregistrées en 1640. Robert Barclai, principal de ce collége, acheta, en 1662, une place sur les fossés Saint-Victor, sur laquelle il fit bâtir la maison dont nous parlons. Elle fut achevée en 1665, et la chapelle en 1672. Cette chapelle est sous l'invocation de saint André, apôtre, patron de l'Écosse.
Cette maison n'étoit pas seulement fondée pour des étudiants; elle étoit encore destinée à former des missionnaires pour le royaume d'Écosse, de manière que c'étoit à la fois un collége et un séminaire. Quoique cet établissement ait toujours été sans exercice, il ne fut cependant point compris dans le nombre des colléges qui furent réunis, en 1763, au collége de Louis-le-Grand..
Il est à remarquer que les Écossois dont il étoit rempli étoient réputés vrais et naturels sujets du roi.
TOMBEAUX.
Dans une urne de bronze doré, élevée sur un monument de marbre, étoit renfermée la cervelle de Jacques II, roi d'Angleterre, mort à Saint-Germain-en-Laye en 1701. Ce monument, exécuté par Louis Garnier, étoit dû au zèle du duc de Perth, gouverneur de Jacques III, qui le fit ériger à ses frais. Il étoit accompagné d'une épitaphe que nous croyons devoir rapporter:
D. O. M.
JACOBI II.
Magnæ Britanniæ, etc. Regis. Ille partis terrá ac mari triumphis clarus, sed constanti in Deum fide clarior, huic regna, opes, et omnia vitæ florentis commoda postposuit. Per summum scelus à suâ sede pulsus, Absalonis impietatem, Architophelis perfidiam, et acerba Semei convitia, invictâ lenitate et patientiâ, ipsis etiam inimicis amicus, superavit. Rebus humanis major, adversis superior, et cœlestis gloriæ studio inflammatus, quod regno caruerit sibi visus beatior, miseram hanc vitam felici, regnum terrestre cœlesti commutavit.
Hæc domus quam pius princeps labentem substinuit et patriæ fovit, cui etiam ingenii sui monimenta omnia, scilicet suâ manu scripta, custodienda commisit, eam corporis ipsius partem quâ maximè animus viget religiosè servandam suscepit.
Vixit annos lxviii. Obiit kal. oct. anno salutis humanæ. m. d. cci. Jacobus dux de Perth, præfectus institutioni Jacobi III, magnæ Britanniæ regis, hujus domûs benefactor, mærens posuit[402].
HÔTELS.
ANCIENS HÔTELS DÉTRUITS.
Hôtel d'Amboise (rue du Pavé-de-la-Place-Maubert).
Cet hôtel, qui avoit pris le nom de la famille d'Amboise à laquelle il appartenoit, avoit été bâti dans un cul-de-sac qui reçut la même dénomination; il a subsisté jusqu'au quatorzième siècle.
Hôtels des abbés de Saint-Vincent de Senlis et de la Couture (rue de la Montagne-Sainte-Geneviève).
On ne sait rien autre chose de ces hôtels, sinon qu'ils existoient tous les deux dans cette rue vers 1380.
Hôtel d'Albiac (même rue).
Cet hôtel fut acheté par contrat du 7 mai 1654, pour servir de logement aux pauvres écoliers du séminaire des Trente-Trois.
Hôtels de Bourbon, de Bavière, de l'évêque d'Orléans et de celui de Tournay (rue Bordet).
De ces quatre hôtels, le premier ne subsiste plus depuis long-temps. On trouvoit encore, au siècle dernier, des vestiges du second dans un grand logis habité par des artisans, lequel avoit conservé le nom de cour de Bavière. Les deux autres avoient formé les colléges de Boncourt et de Tournay.
Hôtel des comtes de Bar (rue Clopin).
On le trouve situé, au treizième siècle, dans cette rue, et attenant la maison où l'on a bâti le collége de Boncourt, Sauval dit qu'il appartenoit encore aux seigneurs de cette maison en 1338. Les cartulaires de Sainte-Geneviève et de Sorbonne en font mention dès 1284 et 1285.
Maison du Patriarche (rue Moufetard).
Ce n'est plus aujourd'hui qu'une cour environnée de vieux bâtiments, occupés par des artisans. Sauval et Piganiol se sont trompés en disant qu'elle appartenoit dans le principe à Simon de Cramault, cardinal et patriarche d'Alexandrie. Jaillot prouve que ses premiers propriétaires furent Guillaume de Chanac, fondateur du collége de ce nom, et Bertrand de Chanac, mort en 1404. Ce dernier en fit don au collége fondé par son parent: depuis l'on voit Simon Cramault, personnage considérable sous le règne de Charles VI, devenir possesseur de cette maison, qu'il avoit sans doute acquise, à titre de vente ou d'échange, des écoliers du collége de Chanac. Elle étoit considérable, et occupoit tout le carré que forment aujourd'hui les rues Moufetard, de l'Épée-de-Bois, du Noir et d'Orléans; aussi étoit-elle chargée d'une forte redevance envers l'abbaye de Sainte-Geneviève, sur le territoire de laquelle elle étoit située. Le propriétaire ayant cessé de la payer, la maison fut saisie et vendue. Elle passa, par succession de l'acquéreur, à MM. Canaye, à qui elle appartenoit en 1561. C'est alors qu'elle fut prêtée ou donnée à bail aux calvinistes, qui en firent le lieu de leurs assemblées, et qu'arriva l'événement désastreux de Saint-Médard, dont nous avons déjà parlé. Le lendemain, la populace irritée se saisit de la maison du Patriarche, brisa la chaire du ministre, rompit les bancs, brûla le prêche; et, sans l'activité des magistrats qui arrêtèrent ce désordre, le feu, qui se communiquoit déjà aux maisons voisines, auroit peut-être consumé tout le quartier. Jean Canaye, tout innocent qu'il étoit du tumulte arrivé, fit déclarer au parlement qu'il abandonnoit cette maison et ses dépendances, pour être vendue au profit des pauvres, ou employée à toute autre œuvre de piété que la cour ordonneroit; «désirant que la mémoire de ce lieu fût à jamais éteinte et hors de sa famille.»[403] Il ne paroît pas que son offre ait été acceptée, car des titres postérieurs prouvent que dans le siècle suivant la maison du Patriarche appartenoit encore aux Canaye; du reste, cette famille possédoit plusieurs maisons et jardins dans le faubourg Saint-Marcel[404].
Le Séjour d'Orléans (rue d'Orléans).
Cette maison de plaisance, qui fut possédée par Louis de France duc d'Orléans, n'occupoit pas seulement, ainsi que l'a dit Piganiol, une partie de la rue à qui elle a donné son nom: tous les titres qui la concernent prouvent qu'elle s'étendoit jusqu'au cimetière Saint-Médard; de là, remontant en droite ligne à la rue Censier, elle se prolongeoit ensuite jusqu'à la Bièvre, et le long de cette rivière jusqu'à la rue Moufetard, reprenoit plus haut tout le côté gauche de la rue du Fer-à-Moulin, jusqu'à l'hôtel de Clamart qui alors en faisoit partie; enfin redescendoit vers la Bièvre, qu'elle côtoyoit jusqu'à la rue d'Orléans[405].
Cet hôtel, au milieu du treizième siècle, appartenoit à Jean de Mauconseil, et s'appeloit l'hôtel de Carneaux. Vers la fin du quatorzième (en 1386), l'évêque de Beauvais, Milles de Dormans, qui en étoit alors propriétaire, le vendit à Jean, duc de Berri, qui le céda, l'année suivante, à Isabeau de Bavière. Cette princesse le donna bientôt en échange au duc d'Orléans, son beau-frère, pour la maison dite le Val-de-la-Reine. Ce prince l'augmenta par diverses acquisitions; et notamment par celle d'un hôtel voisin que possédoit aussi Milles de Dormans, et qui fut depuis l'hôtel de Clamart. Le séjour d'Orléans passa ensuite dans la maison d'Anjou-Sicile. Louis II, roi de Sicile, le possédoit au commencement du quinzième siècle. Ce domaine en sortit pendant quelque temps, y rentra[406], et fut enfin réuni à la couronne après la mort de Charles IV d'Anjou, neveu et successeur du roi René, lequel avait institué Louis XI son héritier universel. Ce prince donna, en 1483, le séjour d'Orléans à Jacques Louet, trésorier des chartes, pour en jouir sa vie durant[407]. La famille de Mesme le posséda ensuite, et en aliéna plusieurs parties. Enfin il devint, en 1649, la propriété d'un bourgeois de Paris, qui le vendit, en 1663, à l'abbaye Saint-Geneviève[408].
Hôtels des comtes de Boulogne, de la comtesse de Forebelle, des comtes de Forez, de Hugues d'Arcies (rue du Fer-à-Moulin).
L'hôtel des comtes de Boulogne est le plus ancien des quatre que nous trouvons dans cette rue. Celui qu'habitoit la comtesse de Forebelle avoit été acheté par son père en 1221. Les comtes de Forez firent l'acquisition du leur en 1321[409]; ce furent les religieux de Sainte-Geneviève qui le vendirent: et dès 1371 il passa dans la maison de Bourbon, par le mariage d'Anne, dauphine d'Auvergne et comtesse de Forez, avec Louis II, duc de Bourbon. Enfin Hugues d'Arcies occupoit une maison dans cette rue, qu'il vendit, en 1378, à Roger d'Armagnac.
Hôtel de Clamart (rue de la Muette).
Ce vaste bâtiment, qui embrassoit toute cette rue jusqu'au Pont-aux-Biches, avoit appartenu au comte d'Armagnac, ensuite à l'archevêque de Reims et à Philbert Paillard, président au parlement, qui le possédoit en 1378[410]. En 1423 cette maison s'appeloit l'hôtel de Coupeaux; on la laissoit dès-lors tomber en ruine, et en 1540 il n'en restoit plus qu'un pressoir, des masures et les jardins qui faisoient partie des dépendances de l'hôtel d'Orléans. On ignore quand ce bâtiment fut acquis par M. de Clamart dont il prit le nom; mais le terrier de l'abbaye de Sainte-Geneviève prouve qu'il le portoit dès 1646[411].
Séjour de la Reine Blanche (rue de la Reine-Blanche).
Sauval dit[412] que la rue de la Reine-Blanche «fut ainsi appelée à cause qu'on la fit sur les ruines de l'hôtel de la Reine-Blanche, qui fut démoli en 1392, comme complice de l'embrasement de quelques courtisans[413] qui y dansèrent, avec Charles VI, ce malheureux ballet des Faunes si connu[414].» Juvénal des Ursins et Corrozet l'avoient dit avant lui, et les historiens de Paris ont suivi cette opinion. Cependant Jean Le Laboureur, autre historien de Charles VI, dit positivement que ce fut à l'hôtel Saint-Paul que se donna le ballet des Sauvages, et nos écrivains les plus exacts ont adopté cette opinion. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il y a eu dans ce lieu un séjour où des jardins appelés de la reine Blanche, et plusieurs titres en font mention. On ignore si ce nom venoit de Blanche de Bourgogne, femme de Charles-le-Bel, ou de Blanche d'Évreux, qui avoit épousé Philippe de Valois, ou enfin de la reine Blanche de Castille, mère de saint Louis. Cette dernière opinion a été soutenue dans un mémoire manuscrit fait en 1719 par un doyen de Saint-Marcel[415]. Il ajoute que cet hôtel fut ensuite possédé par une comtesse de Piémont.
L'hôtel Zone (rue de Lourcines).
Sauval[416] voulant expliquer le nom de cet hôtel, appelé par corruption l'hôtel Jaune, dit qu'on tient, par tradition, qu'un commandeur de Saint-Jean-de-Latran, curieux de porter ses pas jusqu'à la zone torride, le fit bâtir et le donna à sa commanderie. Ses copistes n'ont pas manqué de répéter ce conte, tombé aujourd'hui en discrédit, et qui n'a jamais eu le moindre fondement. Jaillot, cherchant aussi cette origine, trouve un acte portant la vente faite en 1182, aux frères de l'hôpital de Jérusalem, d'une grange près de l'orme de Lorcines. Cette acquisition, faite du consentement de l'abbé de Sainte-Geneviève[417], fut d'abord sous la seigneurie de cette abbaye, et soumise à plusieurs redevances envers elle jusqu'en 1445, qu'elle en céda le cens et la seigneurie aux chevaliers.
L'hôtel dont nous venons de parler se nommoit, à la fin du siècle dernier, l'hôtel du Fief, c'est-à-dire du fief de Saint-Jean-de-Latran. Il avoit communiqué sa franchise à plusieurs maisons qui en dépendoient, tant dans cette rue que dans quelques rues adjacentes[418].
Maison Saint-Louis (rue Saint-Hippolyte).
Tel est le nom que Germain Brice donne à un vaste édifice situé vis-à-vis l'église Saint-Hippolyte, et dont il reste encore aujourd'hui des parties assez considérables et assez curieuses pour que nous ayons cru devoir en faire lever un dessein.
Ces débris sont composés de deux corps de logis qui communiquent l'un à l'autre par une galerie, au-dessous de laquelle est placée la porte d'entrée. La partie qu'on ne voit point dans la gravure se prolonge le long de la rue Saint-Hippolyte, sous la forme d'un carré long. Elle se compose d'une grande salle au rez-de-chaussée, et de plusieurs appartements au premier étage.
La délicatesse des sculptures gothiques qui ornent le perron et les portes du principal corps de logis, prouve qu'en effet la construction en remonte jusqu'au commencement du treizième siècle, époque la plus brillante de ce genre d'architecture. La tour carrée, le perron, le bâtiment en retour, tout est gothique, à l'exception des combles et de quelques parties supérieures. La forme carrée des croisées, laquelle se rapproche beaucoup de celle qui est usitée dans l'architecture moderne, est également une forme primitive; on peut conjecturer seulement que ces croisées ont été dépouillées des ornements de sculpture qui les environnoient. La même forme se retrouve dans celles de l'autre construction.
La rivière coule à l'autre extrémité, le long des murs de cette maison; et dans toute sa longueur le rivage est revêtu d'un quai dont la construction paroît également fort ancienne. Au milieu de la cour est une grande citerne depuis long-temps à sec, et dans laquelle on prétend que l'eau de la Seine entroit jadis par un canal souterrain: les caves encore existantes, et qui paroissent être du même temps que l'édifice, sont immenses, et peuvent, dit-on, contenir trois mille pièces de vin.
Saint Louis a-t-il eu effectivement un palais dans cet endroit? le témoignage de Germain Brice n'est pas appuyé d'autorités suffisantes pour qu'on puisse rien affirmer à ce sujet. Les traditions qu'on en conserve dans le quartier ne fournissent également que de bien foibles lumières; l'édifice y est vulgairement connu sous le nom de maison de la Reine-Blanche. Sur la porte principale au-dessus du perron, porte qui est également gothique, et du même temps que le reste, on voit plusieurs portraits dans des médaillons, et l'une de ces figures semble offrir les traits de saint Louis; l'architecture a bien certainement le caractère de celle qui régnoit dans le siècle de ce prince; voilà tout ce qu'il nous est possible de dire sur ce monument[419].
HÔTELS EXISTANTS EN 1789.
Hôtel de Nesmond (quai de la Tournelle).
Cet hôtel, situé au coin de la rue des Bernardins et près de la maison des Miramiones, avoit été bâti sur trois quartiers de terre dépendants des chanoines de Saint-Victor. Ce terrain appartint ensuite à plusieurs propriétaires, parmi lesquels on compte les évêques de Paris et d'Arras, le comte de Boulogne, etc.; ce dernier le possédoit en 1372, et l'on y avoit déjà élevé une maison[420]. Cette propriété passa, dans le seizième siècle, à l'évêque de Beauvais, au duc de Montpensier, à M. Despesse, avocat du roi. En 1603 elle avoit pris le nom d'hôtel de Bar, à cause des ducs de Lorraine et de Bar qui l'avoient possédée. Nous passons sous silence plusieurs autres personnages à qui elle a appartenu, et qui sont trop obscurs pour mériter d'être cités. Enfin en 1636 c'étoit un jeu de paume, qui fut acquis peu de temps après par M. de Nesmond, et passa ensuite à ses héritiers[421].
Hôtel de Scipion (rue de la Barre).
Cet hôtel, bâti par Scipion Sardini, avoit été acquis, dans le siècle dernier, par l'hôpital général. On y avoit établi la boulangerie et la boucherie de ce grand établissement, et depuis cette époque il étoit connu sous le nom de Sainte-Marthe[422].
Clos Saint-Victor.
Il étoit situé vis-à-vis de cette abbaye et dans l'espace qui se trouve entre les rues Neuve-Saint-Étienne, des Fossés-Saint-Victor et des Boulangers. On le nommoit anciennement clos des Arènes; et Jaillot prétend que, du temps des Romains et de nos rois de la première race, c'étoit là qu'étoient les arènes et l'amphithéâtre. En 1641 on y plaça le cimetière de la Pitié; avant cette époque, ceux qui mouroient dans cet hôpital étoient enterrés dans le cimetière Saint Médard.
Cimetière de Clamart.
C'étoit dans le principe un grand jardin situé vis-à-vis l'hôtel de Clamart. On en fit un cimetière, et il prit alors le nom de cet hôtel, ainsi que la croix et le carrefour situés au bout de la rue de la Muette[423].
Rivière de Bièvre.
Cette petite rivière prend sa source à quatre lieues de Paris, aux environs d'un bourg dont on lui a donné le nom, et vient se jeter dans la Seine un peu au-dessus du jardin des Plantes, après avoir traversé le faubourg Saint-Marceau.
Cette direction est celle qu'elle avoit dans les temps les plus anciens; mais elle ne l'a pas toujours conservée. Saint-Bernard nous apprend lui-même[424] qu'Odon, abbé de Sainte-Geneviève, sur la demande qu'il lui en fit, permit que les religieux de Saint-Victor en détournassent le cours, la fissent passer dans leur enclos, et même y fissent construire un moulin[425]; sous la condition toutefois que cette construction ne porteroit aucun préjudice au moulin de Coupels (Copeaux), et qu'ils paieroient deux sous de cens à l'abbaye de Sainte-Geneviève. En vertu de cette permission, ces religieux firent creuser, à cent quarante toises du moulin de Couteaux, un canal qui traversoit leur enclos, et, se prolongeant le long du terrain qu'occupe aujourd'hui la rue de Bièvre, alloit aboutir aux Grands-Degrés. Ceci arriva entre 1148 et 1150.
La nouvelle enceinte que fit élever Philippe-Auguste ne changea rien à ce canal; et l'on voit qu'à la fin du treizième siècle il traversoit encore le terrain des Bons-Enfants et celui des Augustins. Mais les fossés et arrière-fossés qu'on fut obligé de creuser sous la régence et pendant le règne de Charles V, forcèrent enfin de lui donner une direction nouvelle, laquelle fut tracée entre la rue d'Alez, aujourd'hui détruite, et celle des Fossés-Saint-Bernard[426].
On ignore à quelle occasion et pour quel motif Louis XII voulut faire reprendre à la Bièvre son ancien cours; mais on lit dans les registres de la ville[427] que le 19 janvier 1511 il donna ordre au prévôt des marchands et aux échevins de la faire repasser dans son premier canal. Cet ordre n'eut point alors son exécution, et les choses restèrent comme elles étoient jusque dans le dix-septième siècle: car le plan de Gomboust nous montre encore, en 1652, la Bièvre traversant l'enclos de Saint-Victor. Cependant un arrêt du conseil donné en 1672 en ordonna la suppression; et ce canal, qui avoit neuf pieds de large, fut enfin comblé en 1674.
La Bièvre, à son entrée à Paris, prend indistinctement ce nom et celui de rivière des Gobelins, parce qu'elle passe dans l'enclos de cette manufacture.
FONTAINES.
Fontaine d'Alexandre ou de la Brosse.
Cette fontaine, qui a reçu son nom d'une tour dont nous ne tarderons point à parler[428], est placée à l'angle que forment les anciens murs de clôture de l'abbaye Saint-Victor avec la rue de Seine, et donne de l'eau de l'aqueduc d'Arcueil. Sa composition présente une urne soutenue par des dauphins et posée sur un piédestal, au milieu duquel est un masque de bronze. Deux sirènes, depuis long-temps mutilées, accompagnent cette urne que surmontoient, avant la révolution, les armes de la ville. Celles du roi étoient placées dans le fronton brisé qui lui sert de couronnement.
On lisoit sur l'attique les deux vers suivants, composés par Santeuil, et dans lesquels il faisoit une allusion assez ingénieuse à la bibliothèque de l'abbaye Saint-Victor.
Quæ sacros doctrinæ aperit domus intima fontes,
Civibus exterior dividit urbis aquas.
Fontaine de la rue des Fossés-Saint-Bernard.
Cette fontaine, placée à l'entrée de la rue dont elle porte le nom, fournit également de l'eau d'Arcueil.
Fontaine des Carmes de la place Maubert.
Cette fontaine, construite d'abord près du couvent de ces religieux, fut détruite en 1674, et rebâtie ensuite au milieu de la place Maubert. Les deux vers latins qui lui servoient d'inscription étoient aussi de Santeuil.
Qui tot venales populo locus exhibet escus
Hic præbet faciles, ne sitis urat, aquas.
BARRIÈRES.
L'extrémité orientale de ce quartier comprend cinq barrières, savoir:
- La barrière de la Gare[429].
- La barrière de Fontainebleau.
- La barrière de Gentilly[430].
- La barrière d'Ivry.
- La barrière de Croulebarbe[431].
RUES ET PLACES DU QUARTIER DE LA PLACE MAUBERT.
Rue ou place du Champ d'Albiac. Elle aboutit d'un côté à la rue du Noir, de l'autre à celle de l'Épée-de-Bois. Son nom est dû au sieur d'Albiac, conseiller à l'élection, lequel avoit acquis en cet endroit un terrain assez considérable. Ce terrain occupoit la plus grande partie de celui qui est compris aujourd'hui entre les rues du Battoir, d'Orléans, Gratieuse et Coupeaux. Il est indiqué dans le troisième plan du commissaire Delamare comme le second clos du Chardonnet[432]; et l'on trouve qu'en 1554 la rue dont nous parlons étoit déjà habitée.
Rue du Champ de l'Allouette. Elle aboutit d'un côté à la rue de Lourcine, de l'autre à la rivière de Bièvre et au moulin de Croulebarbe. Elle doit son nom à un champ très-vaste sur lequel elle fut ouverte. Il paroît qu'on l'appela d'abord rue Saint-Louis.
Rue des Filles-Angloises. Elle traverse de la rue de Lourcine dans celle de la Barrière. Son nom lui vient du monastère le long duquel elle régnoit.
Rue d'Arras. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Victor, de l'autre à la rue Clopin. On l'appeloit anciennement rue des Murs, vicus Murorum, parce qu'elle régnoit le long des murs de l'enceinte de Philippe-Auguste. Au commencement du seizième siècle, elle changea ce nom en celui de Champ-Gaillard, qui étoit celui d'un terrain[433] auquel elle aboutissoit; enfin elle a pris sa dernière dénomination du collége qu'elle avoisinoit.
Rue du Banquier. Elle conduit de la rue Moufetard à celle du Gros-Caillou, vis-à-vis la tour ou moulin de la Barre. Au milieu du dix-septième siècle, ce n'étoit qu'un chemin qui conduisoit à celui de Villejuif; mais dès 1676 il portoit le nom de rue du Banquier. On ignore du reste les causes qui le lui ont fait donner.
Rue de la Barre. Elle traverse de la rue du Fer-à-Moulin dans celle des Francs-Bourgeois: son nom est dû à une barrière placée à l'endroit où étoit autrefois une des portes du bourg et du cloître Saint-Marcel, au bout de la rue des Francs-Bourgeois. Elle le portoit en 1540, et Dheulland l'a marqué sur son plan. Depuis on l'a quelquefois appelée rue de Scipion, à cause de l'hôtel que Scipion Sardini avoit fait bâtir dans cette rue, et dont l'hôpital général a fait depuis l'acquisition.
Rue de la Barrière. Elle aboutit d'un côté au Champ de l'Allouette, de l'autre au chemin de Gentilly. Une barrière qu'on y avoit placée lui avoit fait donner ce nom, qu'elle portoit dès 1536. On la nommoit auparavant rue Payen, à cause d'une maison et d'un grand clos appartenant à un particulier qui portoit ce nom. Ce clos existoit encore vers la fin du siècle dernier[434].
Rue du Battoir. Elle commence à la rue Coupeaux, et finit à celle d'Orléans.
Ce fut vers la fin du règne de François Ier que le clos du Chardonnet commença à se couvrir de maisons, et qu'on perça les rues que nous y voyons. L'abbé et les religieux de Sainte-Geneviève donnèrent d'abord une grande partie de ce clos, à titre de fief, à MM. d'Albiac et René d'Ablon: ce dernier fit ouvrir des rues en 1540, et construire vingt-quatre maisons; puis il céda le reste, à cens, à divers particuliers. Ce territoire reçut d'abord le nom de la Villeneuve-Saint-René, et depuis on en fit un bourg, dans lequel le fief d'Albiac se trouvoit enclavé. Ce terrain comprenoit tout l'espace renfermé entre les rues du Jardin du roi, d'Orléans, Moufetard et Coupeaux. Le chemin dont nous parlons, qui se nommoit, en 1588, rue Neuve-Saint-René, reçut d'une enseigne, en 1603, le nom de rue du Battoir.
Rue des Bernardins. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Victor, de l'autre au quai de la Tournelle. Sauval dit qu'en 1246 elle s'appeloit rue Saint-Bernard, à cause du collége des religieux de Cîteaux, qui étoient venus s'y établir. Cette année est effectivement celle de leur établissement; mais Jaillot ne trouve point d'actes qui prouvent que ce nom ait été donné à la rue, laquelle ne fut ouverte que dans le courant de cette année. Guillot et le rôle de 1313 ne font point mention de la rue des Bernardins; ils n'indiquent que celle de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, dont elle étoit alors la continuation. Enfin on la trouve indiquée sous ces deux noms dans le compte des confiscations de 1427.
Rue des Fossés-Saint-Bernard. Elle aboutit d'un côté à la rue Saint-Victor, et de l'autre au quai de la Tournelle. On lui a donné ce nom parce qu'elle fut bâtie sur les fossés creusés, pendant la régence de Charles V, le long des murs de l'enceinte de Philippe-Auguste. Elle fut couverte de maisons, du côté de Saint-Victor, sous le règne de Louis XIII, et de l'autre, en vertu de lettres-patentes données en 1660, et enregistrées en 1672[435].
Rue du Pont-aux-Biches. Elle aboutit d'un côté à la rue Censier, et de l'autre aux extrémités des rues de la Muette et du Fer-à-Moulin. Ce nom est dû au petit pont sous lequel passe la rivière de Bièvre. En 1603 elle ne faisoit qu'une seule rue avec la vieille rue Notre-Dame.
Rue de Bièvre. Elle communique de la place Maubert au quai de la Tournelle. Nous avons déjà dit quelle fut ainsi nommée parce que la rivière de Bièvre passoit anciennement en cet endroit, et alloit se rendre dans la Seine un peu au-dessous de celui qu'on appeloit les Grands-Degrés: vicus de Breva en 1243 et de Bievra en 1259[436].
Rue Bordet. Elle commencé à la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, près de la fontaine, et aboutit à la rue Moufetard, au coin de celle de la Contrescarpe. Suivant les cartulaires de l'abbaye Sainte-Geneviève, on l'appeloit, en 1259, strata publica de Bordelis. Dans les siècles suivants on la trouve sous les noms de Bordelle, Bourdel, de la Bourdelle, Bourdelle et Bourdet. Ces noms, défigurés par les copistes, viennent de la famille de Bordelles, fort connue alors, et qui donna aussi son nom à la porte à laquelle cette rue conduisoit. Guillot l'appelle rue de la Porte-Saint-Marcel.
Rue des Boulangers. Elle descend de la rue des Fossés-Saint-Victor dans la rue du faubourg du même nom, vis-à-vis l'abbaye. Elle étoit connue, dans le seizième siècle, sous le nom de rue Neuve-Saint-Victor. On l'a appelée depuis rue des Boulangers, sans doute parce que la plus grande partie de ceux du faubourg Saint-Victor s'y étoit établie.
Rue du Gros-Caillou. Elle fait la continuation de la rue du Marché-aux-Chevaux, et aboutit à celle du Banquier. Elle est indiquée sans nom sur les plans du dix-septième siècle et du commencement du dix-huitième. Le premier où elle soit présentée sous le nom qu'elle porte est de 1737; on ne la connoissoit auparavant que sous celui de Chemin de Gentilly.
Rue Censier. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre à celle du Jardin du Roi. Les géographes et les nomenclateurs la coupent en deux parties à l'endroit où les rues Vieille-Notre-Dame et du Pont-aux-Biches viennent s'y réunir. Depuis la rue Moufetard jusqu'à cette jonction, les uns la nomment vieille rue Saint-Jacques, d'autres rue Centier ou Saint-Jean; et depuis la rue du Pont-aux-Biches elle est appelée rue Notre-Dame, ou bien l'on n'en fait qu'une seule rue sous le nom de vieille rue Saint-Jacques ou Censier. Sauval dit qu'autrefois elle se nommoit rue des Treilles, «et auparavant rue Sans-Clef, parce que c'étoit un cul-de-sac; et depuis du Centier, ou du Censier, ou Censière, à l'occasion d'un receveur des cens et rentes qui y a demeuré fort long-temps[437].» Jaillot pense avec plus de vraisemblance que la véritable étymologie de ce nom vient de ce que, dans son origine, ce n'étoit qu'un cul-de-sac, qu'on appeloit alors rue Sans-Clef, et par corruption rue Sancée, Censée et Censier. Il cite en effet plusieurs titres dans lesquels elle est nommée rue du cul-de-sac autrement dite Sancier ou Sans-Clef, rue des Treilles, rue Sancier-Cul-de-Sac[438].
Rue de la Clef. Elle aboutit d'un côté à la rue Coupeaux, et de l'autre à celle d'Orléans. Sauval dit «qu'elle est appelée tantôt rue de la Corne, tantôt rue Neuve-Saint-Médard, et qu'on l'a même souvent confondue avec la rue Gratieuse et la rue Tripelet.» Jaillot convient qu'elle se nommoit, en 1587, rue Saint-Médard, qu'on la trouve même dans un terrier de Sainte-Geneviève sous celui de rue Courtoise (ou Gratieuse), mais il nie qu'elle ait jamais été nommée de la Corne ou Neuve-Saint-Médard. Du reste elle portoit, dès 1588, le nom qu'elle a conservé jusqu'à ce jour; et ce nom, elle le devoit à une enseigne.
Rue Clopin. Elle traverse de la rue Bordet dans celle des Fossés-Saint-Victor, et doit son nom à un logis appelé la grande maison Clopin, qu'on y bâtit en 1258[439]. Elle est ainsi désignée dans plusieurs actes du treizième siècle, et elle le portoit encore dans les deux siècles suivants; mais dès le commencement du seizième on la trouve indiquée sous celui du Champ-Gaillard et du Chemin-Gaillard. On appeloit ainsi le chemin qui régnoit en cet endroit le long des murs, et la place où la rue Clopin aboutissoit.
Lorsqu'au dix-septième siècle on abattit les murs, et que l'on combla les fossés pour y construire des maisons, cette rue fut prolongée jusqu'à celle des Fossés-Saint-Victor, et nommée alors rue des Angloises, parce qu'elle aboutissoit vis-à-vis du couvent de ces religieuses: depuis elle a repris son premier nom dans toute son étendue.
Rue Contrescarpe. Elle aboutit d'un côté aux rues Bordet et Moufetard, de l'autre au coin de la rue Neuve-Sainte-Geneviève, et doit son nom à sa situation sur les fossés de l'Estrapade. Avant que ces fossés creusés entre les portes Saint-Victor et Saint-Jacques fussent comblés et couverts de maisons, ce terrain-ci étoit extrêmement élevé, et formoit un chemin difficile et pénible. M. de Fourci, prévôt des marchands, ayant conçu le projet de lui donner une pente plus douce, obtint, en 1685, un arrêt du conseil, confirmé par lettres-patentes enregistrées en 1686, lequel permettoit de démolir la porte Saint-Marcel, et de reprendre à quinze pieds sous œuvre les maisons de la rue Contrescarpe, en indemnisant les propriétaires: ce qui fut exécuté[440].
Rue Copeau ou Coupeaux. Jaillot pense que ce dernier nom est le véritable. Cette rue conduit de la rue Moufetard au carrefour de la Pitié. Son nom est ancien: il vient d'un hôtel sur l'emplacement duquel il y avoit une butte et un moulin à vent; à quelque distance de là étoit un autre moulin situé sur la rivière de Bièvre, et ce dernier se nommoit, au douzième siècle, moulin de Cupels; on en donna le nom au chemin par lequel on y alloit. Dans les anciens titres on le trouve sous celui de la chauciée Coupeaulx, et dans le procès-verbal de 1636 il est nommé la grand'rue de Coippeaulx.
Rue des Trois-Couronnes. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre au carrefour Saint-Hippolyte. Son nom, dont l'origine n'est point connue, vient sans doute de quelque enseigne.
Rue Creuse. Elle traverse de la rue des Francs-Bourgeois à celle du Banquier. C'étoit un simple chemin sans nom, et qui n'a pris celui qu'il porte que depuis environ quarante ans[441].
Rue Croulebarbe. Elle commence à la rue Moufetard, près les Gobelins, et aboutissoit autrefois à un moulin dont elle avoit pris sa dénomination. Il est question dans plusieurs anciens titres[442] du moulin de Crollebarbe, et du lieu dit les Plantes ou Croulebarbe. Le moulin est aussi nommé quelquefois moulin de Notre-Dame[443].
Rue des Grands-Degrés. Elle aboutit d'un côté à la rue du Pavé-de-la-Place-Maubert, et de l'autre côté à celles de Bièvre et de la Tournelle. Ce nom lui vient d'un grand degré par lequel on descendoit à la rivière, et qui n'a été détruit qu'à la fin du siècle dernier. Les titres de Sainte-Geneviève en font mention au treizième siècle: Gradus... domus juxta Secanam prope gradum. Cette rue faisoit partie du port que la ville fit faire en 1366; alors on la nomma rue Saint-Bernard; depuis rue Pavée, lorsqu'on y eut bâti les maisons qui forment aujourd'hui la rue de la Tournelle. Enfin elle a pris son dernier nom au commencement du dix-huitième siècle.
Rue Dervillé. Elle traverse de la rue du Champ de l'Allouette à celle des Filles-Angloises. Elle ne porte aucun nom sur les plans de Paris; et Jaillot dit l'avoir trouvée désignée, sans doute dans quelques actes, sous ceux de ruelle ou petite rue des Filles-Angloises, et de petite rue Neuve-Saint-Jean-de-Latran. Elle a pris le nom qu'elle porte maintenant d'un particulier qui l'habitoit il y a environ cinquante ans.
Rue de l'Épée-de-Bois. Cette rue aboutit d'un côté à la rue Moufetard, et de l'autre au Champ d'Albiac. C'est parce qu'elle y conduit que plusieurs topographes la nomment rue du Petit-Champ, quoiqu'une enseigne de l'épée de bois lui en eût fait donner le nom long-temps auparavant. On la trouve ainsi indiquée dès l'an 1603.
Rue Neuve-Saint-Étienne. Elle aboutit d'un côté à la rue des Fossés-Saint-Victor, de l'autre, tournant en équerre, à la rue Coupeaux. Le plus ancien nom qu'elle ait porté est celui de chemin du Moulin-à-Vent, parce qu'elle conduisoit à un moulin situé sur une éminence où l'on bâtit depuis un manoir, appelé le château de Montauban. On trouve en 1539 cette rue désignée sous le nom de Puits-de-Fer ou des Morfondus; 1o à cause d'un puits public qui avoit été construit au carrefour qu'elle forme avec la rue Contrescarpe et celle des Fossés-Saint-Victor; 2o parce qu'il y avoit dans cette rue une maison appelée des Morfondus ou des Réchauffés. La partie en retour d'équerre qui va à la rue Coupeaux se nommoit rue de Montauban. Cette portion avoit été formée du reste d'une ancienne rue qui se terminoit au coude que fait la rue des Boulangers, et qu'on trouve dans plusieurs anciens titres sous la dénomination de rue Tiron, parce qu'elle conduisoit à un clos de ce nom. Lorsqu'elle fut fermée, on prolongea celle de Montauban pour la faire aboutir à la rue des Fossés-Saint-Victor; et depuis, cette dernière rue se confondit dans la rue Neuve-Saint-Étienne.
Rue de Fer ou des Hauts-Fossés-Saint-Marcel. Cette rue commence au carrefour de Clamart, et aboutit à la rue Moufetard. Elle étoit jadis divisée en deux parties, dont la première, depuis le carrefour de Clamart jusqu'à la rue des Francs-Bourgeois, se nommoit rue de Fer, l'autre rue des Fossés et des Hauts-Fossés-Saint-Marcel. Cette dernière dénomination provenoit de ce qu'elle avoit été bâtie sur les fossés qui environnoient le territoire de Saint-Marcel. Près de l'endroit où elle se réunit à la rue des Francs-Bourgeois étoit une porte nommée de La Barre, qui avoit donné son nom à une rue voisine; à l'autre extrémité, la rue de Fer touchoit à une autre porte qu'on appeloit dans les derniers temps la fausse porte Saint-Marcel, et qu'on trouve désignée, en 1304, sous le nom de porte Poupeline[444].
Rue du Fer-à-Moulin. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre à celles de la Muette et du Pont-aux-Biches. Elle s'étendoit autrefois sous ce nom jusqu'au carrefour de Clamart. Le plus ancien nom qu'elle ait porté est celui de rue du Comte de Boulogne, parce que ces seigneurs y avoient leur hôtel. Suivant Sauval[445], elle a porté aussi le nom de Richebourg, et l'a communiqué à un petit pont sur la Bièvre nommé depuis le Pont-aux-Tripes. Les anciens titres désignent ce pont sous le nom de Tripiers et de Pont-Saint-Médard. Quant à celui de Richebourg, il appartenoit au territoire sur lequel cette rue étoit située, et il le portoit dès le treizième siècle.
Rue de la Fontaine. Elle conduit de la rue d'Orléans à la place ou rue du Puits-l'Ermite. Sauval[446] met au rang des rues qui ne subsistent plus la rue Jean-Mesnard, appelée depuis Jean-Mollé, et, suivant d'autres, Jean Mol et Mole. Cependant, si l'on consulte les plans du dix-septième siècle, on reconnoît que c'étoit la même que celle dont nous parlons. Elle doit ce dernier nom à une maison qui y étoit située, et que l'on appeloit la Grande-Fontaine.
Rue Françoise. Elle aboutit d'un côté à la rue de la Clef, et de l'autre aux rues Gratieuse et du Noir. Dans les titres de Sainte-Geneviève, elle est nommée, en 1588, rue Françoise, autrement dite la Clef; et en 1603, rue Françoise, autrement dite le clos du Chardonnet ou Villeneuve-Saint-René[447]. On la désigne encore sous le nom de carrefour du Puits-de-l'Ermite. Tout ceci prouve qu'elle a été quelquefois confondue avec la rue de la Clef, et même avec la rue Gratieuse. Quant au nom qui lui est resté, elle l'a reçu pour avoir été ouverte sur le Champ d'Albiac vers la fin du règne de François Ier[448].
Rue des Francs-Bourgeois. Elle aboutit d'un côté au cloître Saint-Marcel, et de l'autre à la rue de Fer. Ce nom peut lui être venu, suivant Jaillot, de ce que les habitants de la ville Saint-Marcel étoient exempts de payer les taxes auxquelles les bourgeois de Paris étoient imposés, ainsi qu'il fut décidé par un arrêt du parlement de la Toussaint 1296, lequel déclara que le territoire de Saint-Marcel ne faisoit point partie des faubourgs de Paris[449].
Rue Gautier-Renaud. Elle aboutit d'un côté a la rue des Hauts-Fossés-Saint-Marcel, de l'autre au chemin de Villejuif. Elle ne paroît sur aucun plan avant 1714. C'étoit alors un simple chemin qui faisoit la continuation de la rue Moufetard, et dont l'abbé de La Grive, dans son plan de 1737, a fait deux rues; l'une, sous le nom de Gobelins, qu'il fait aboutir aux Gobelins; l'autre, qui existe réellement, et qui a pris celui de Gautier-Renaud, du nom d'un particulier qui y avoit une maison.
Rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. Elle commence à la place Maubert, et aboutit au carré Sainte-Geneviève. Au treizième siècle on la nommoit simplement Sainte-Geneviève, vicus Genovefeus. On l'a nommée ensuite rue Sainte-Geneviève-la-Grant, du Mont, et de la Montagne-Sainte-Geneviève. Le procès-verbal de 1636 lui donne le nom de rue des Boucheries, à cause de plusieurs étaux qu'on permit d'y établir à la fin du douzième siècle et dans le suivant.
Rue des Gobelins. Elle aboutit d'un côté à la rue du Faubourg-Saint-Marcel, de l'autre à la rivière de Bièvre, à l'extrémité de la rue des Marmouzets. Sur tous les plans du dix-septième siècle et même du commencement du dix-huitième, elle porte le nom de rue de Bièvre; cependant dès 1636 on l'appeloit aussi rue des Gobelins. Elle doit ce dernier nom à la manufacture dont elle est voisine.
Rue Gratieuse. Elle aboutit d'un côté à la rue Coupeaux, de l'autre à celle de l'Épée de Bois. Sauval prétend, par d'assez mauvaises raisons, que son premier nom étoit Courtoise; Jaillot n'en trouve aucune preuve. Dans le censier de 1646 elle est appelée rue Gratieuse, alias du Noir. «Le premier nom, dit ce critique, pouvoit venir des descendants de Jean Gratieuse, dont la maison étoit située en cet endroit en 1243[450], et le second, de la maison de Jacques Pays, avocat, où pendoit pour enseigne la Tête Noire. On a confondu quelquefois cette rue avec celles du Battoir et de la Clef[451].»
Rue du Gril. Elle traverse de la rue d'Orléans à la rue Censier. Plusieurs nomenclateurs la confondent avec la rue du Battoir, dont elle fait la continuation. Sur le plan de Boisseau, gravé en 1642, elle porte le nom du Gril-Fleuri, qui paroît avoir été celui d'une enseigne.
Rue Saint-Hippolyte. Elle conduit de la rue de Lourcine au carrefour et à l'église Saint-Hippolyte, qui lui a donné son nom. On voit par le plan de Dheulland qu'on l'appeloit rue des Teinturiers dans sa plus grande partie, à cause des teintures des Gobelins, qui se faisoient sur la Bièvre, près de cette rue; mais dans sa partie supérieure elle conservoit l'ancien nom de Saint-Hippolyte.
Rue du Jardin du Roi. Elle commence au carrefour de la Pitié, et finit à celui de Clamart. Comme c'étoit le chemin de la butte, du moulin et du territoire de Coupeaux, elle en portoit d'abord le nom. Les papiers terriers de Sainte-Geneviève la nommoient, en 1603, rue des Coipeaux. Elle reçut sa dernière dénomination en 1636, époque à laquelle le jardin du Roi fut formé[452].
Rue de Lourcine. On devroit écrire et prononcer Lorcines. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre à la barrière de Gentilly. L'orthographe de ce nom a beaucoup varié: Sauval[453] écrit Loursine, l'Oursine et Lorsine; Corrozet l'Orsine; Gomboust et Jouvin de l'Ursine; Dheulland la nomme rue des Cordelières. L'abbé Lebeuf[454] a trouvé dans les titres de Sainte-Geneviève cette rue désignée in Lorcinis, de Laorcinis en 1248 et 1250, et apud Lorcinos en 1260, d'où il conjecture «que ce nom a été fabriqué sur le françois Lorcines; car j'ai vu, dit-il, un titre de 1245, peut-être le plus ancien qu'on ait sur ce lieu, où il est nommé Locus cinerum.» Il se livre là-dessus à des idées assez singulières, dont Jaillot prouve le peu de solidité en citant un cartulaire de Sainte-Geneviève de 1243, dans lequel le Locus cinerum et la terre de Laorcinis sont énoncés comme deux endroits différents. Le nom de Laorcinis lui semble même être le plus ancien, parce qu'on le trouve dans l'acte de vente que Thibauld le riche et Pétronille sa femme firent, en 1182, aux frères de l'hôpital de Jérusalem, d'une grange située propè ulmum de Laorcinis. C'est là que fut depuis l'hôtel du fief de Lorcines appartenant à Saint-Jean-de-Latran. Ce nom primitif de Laorcinis s'est conservé dans ceux de Lorcinis et Lorcines ou Lourcine: celui de Locus cinerum a subsisté long-temps dans le nom de rue de la Cendrée, appelée aujourd'hui Poliveau ou des Saussaies.
Rue Maquignonne. Cette rue commencée la rue des Saussaies et finit au marché aux chevaux. Elle doit son nom aux maquignons qui se rendent à ce marché, et fut percée vers le milieu du dix-septième siècle.
Rue des Marmouzets. Cette rue aboutit d'un côté à la rue Saint-Hippolyte, de l'autre à celle des Gobelins. Elle portoit ce nom dès 1540, et le devoit à une enseigne. Vers la même temps on l'appela rue des Marionnettes, et La Caille lui donne encore ce nom.
La place Maubert. Elle est située au bas de la montagne Sainte-Geneviève. Le Maire et Piganiol cherchent l'étymologie de son nom dans une opinion populaire, qui dit que maître Albert Groot (en allemand Grand), célèbre dominicain, ne trouvant point de salle assez vaste pour contenir le nombre infini de ses auditeurs, prit le parti de donner ses leçons dans la place publique; qu'en conséquence on l'appela place de Maître-Albert, et par contraction de Malbert et Maubert. L'abbé Lebeuf[455] prétend que ce nom vient d'un évêque de Paris nommé Madelbert, à qui, suivant les apparences, la place appartenoit; et que les anciens manuscrits la nomment platea Madelberti. Jaillot au contraire trouve le nom de platea Mauberti dans des titres qui remontent jusqu'en 1225, 1243 et 1248[456], et ne voit pas qu'on puisse prouver que le terrein en question ait appartenu à cet évêque, en tout ou en partie, ce qui seroit cependant nécessaire. Il croit plus naturel d'en attribuer l'origine à Aubert, second abbé de Sainte-Geneviève. Cette place étoit dans la censive et justice de cette abbaye; ce ne fut que dans le douzième siècle qu'on bâtit des maisons entre la montagne et la rivière; ce fut cet abbé Aubert qui permit de construire des étaux de boucherie en cet endroit; d'ailleurs l'évêque Madelbert étoit mort vers le milieu du huitième siècle, et par conséquent plus de quatre cents ans avant que ce terrein fût couvert de bâtiments; et nous prouverons par la suite que le clos Mauvoisin ou de Garlande, qui confine à cette place, ne fut bâti qu'en 1202.
Rue du Pavé-de-la-Place-Maubert. Elle commence au bout de la rue de la Bûcherie, et aboutit à la place dont elle porte le nom. Sauval l'a confondue avec la rue du Fouare, et d'autres avec le cul-de-sac d'Amboise, erreurs que Jaillot a rectifiées[457].
Rue Neuve-Saint-Médard. Cette rue, qui traverse de la rue Moufetard à la rue Gratieuse, se nommoit anciennement d'Ablon. Ce nom lui vient du territoire où elle étoit située, lequel est connu dès le douzième siècle. Vers la fin du règne de François Ier il fut couvert de maisons. Jaillot prétend n'avoir point trouvé de vestiges de l'hôtel d'Ablon, qui, selon Sauval, existoit au commencement du seizième siècle. Du reste ce lieu ne fut d'abord habité que par des gens de la plus vile populace, et il s'y passoit de telles abominations qu'après même qu'on eut fait cesser ces désordres infâmes, on voulut en éteindre jusqu'au souvenir en donnant un autre nom à la rue où ils s'étoient commis. C'est alors qu'elle reçut le nom de rue Neuve-Saint-Médard.
Rue du Petit-Moine. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre à celle de la Barre. Elle devoit ce nom à une enseigne et le portoit dès l'an 1540[458], ainsi qu'il est prouvé par plusieurs actes de cette même année.
Rue Montigny. Elle a été ouverte au côté oriental de la halle aux Veaux, lors de la construction de cet édifice[459].
Rue Moufetard. Elle commence à la rue Contrescarpe, au bout de la rue Bordet, et finit aux Gobelins. Quelques nomenclateurs la font finir au Pont-aux-Tripes, et depuis cet endroit jusqu'aux Gobelins la nomment rue du Faubourg-Saint-Marcel. Sauval[460] et plusieurs autres suivent cette opinion; cependant tous les titres la désignent sous le nom de rue Moufetard. L'ignorance des copistes a extrêmement défiguré ce nom, tour à tour présenté sous les variantes suivantes: Monfetart, Maufetard, Mofetard, Moufetart, Mouflard, Mostart, Moftart, etc. Sauval et ceux qui l'ont copié disent que dès 1230 elle étoit déjà ainsi appelée: il seroit difficile d'en donner la preuve. Ce n'étoit au treizième siècle qu'un chemin qui traversoit un territoire nommé par les titres de ces temps-là Mons Cetarius et Mons Cetardus[461]. L'abbé Lebeuf en a conclu avec raison que le nom de Mont-Cétard a été altéré et changé en celui de Moufetard. Dans les terriers de l'abbaye Sainte-Geneviève postérieurs à 1243, ce nom est écrit Montfétard. Il est bien question d'un particulier nommé Étienne Moufetard, et dans un autre endroit Mouflard, qui dans cette même année possédoit une maison in Monte Cetardo; mais la différence de ces deux noms prouve assez que le territoire[462] où elle étoit située existoit sous sa dénomination propre avant que ce particulier vînt l'habiter, et que c'est uniquement dans cette source qu'il faut chercher l'étymologie du nom de la rue. Elle a été aussi nommée, au commencement du dix-septième siècle, rue Saint-Marcel, grande rue Saint-Marcel et vieille rue Saint-Marcel[463].
Rue de la Muette. Elle fait la continuation de la rue du Fer-à-Moulin, et aboutit au carrefour de Clamart. Elle se confondoit autrefois avec cette rue, et le plan de Gomboust est le premier qui la présente sous cette dénomination de la Muette, dont on ignore l'étymologie[464]. On la nomme aujourd'hui rue Cendrier.
Rue du Mûrier. Elle aboutit d'un côté à la rue Traversine, de l'autre à celle de Saint-Victor. Sauval a avancé sur cette rue plusieurs assertions très-inexactes: il est certain que son premier nom étoit rue Pavée, vicus Pavatus, ce qui est prouvé par les cartulaires de Sainte-Geneviève de 1243 et 1249; et ce nom se trouve dans tous les terriers postérieurs, jusqu'au seizième siècle. Guillot l'appelle Pavée-goire. l'abbé Lebeuf a pensé que ce mot Goire étoit peut-être le synonyme d'Andouille, parce qu'en effet cette rue a été nommée ainsi (Pavée-d'Andouilles); mais il paroît que c'étoit seulement un surnom que lui donnoit le bas peuple; car dans tous les actes elle est nommée Pavée, sans addition. On voit dans Corrozet que de son temps elle se nommoit déjà rue du Mûrier.
Rue Saint-Nicolas. Elle aboutit d'un côté, comme la précédente, à la rue Traversine, de l'autre à celle de Saint-Victor. Son nom est dû à l'église vis-à-vis de laquelle elle est située. Guillot l'appelle rue Saint-Nicolas-du-Chardonnay et du Chardonneret. On ne lui donnoit point de surnom au treizième siècle; et dans un cartulaire de Sainte-Geneviève de 1250[465] elle est simplement nommée vicus Sancti Nicholai propé puteum.
Rue du Noir. Elle fait la continuation de la rue Gratieuse, et aboutit à la rue d'Orléans. Nous avons déjà observé qu'au milieu du dix-septième siècle on donnoit ce nom à la rue Gratieuse, et qu'il venoit d'une enseigne de la Tête Noire. C'est par cette raison sans doute que celle-ci est nommée dans un plan rue du More. On la trouve dans un autre sous la dénomination de ruelle du Petit-Champ[466]. Dès 1646 elle étoit appelée rue du Noir[467].
Rue Vieille-Notre-Dame. Elle fait la continuation de la rue de la Clef, et aboutit à celle du Pont-aux-Biches, entre les rues d'Orléans et Censier. Les plans de Paris du siècle dernier la confondent tantôt avec cette dernière rue, tantôt avec les rues du Pont-aux-Biches et de la Clef. Quelques-uns la présentent sous des noms qu'elle n'a jamais portés. Cependant il est certain qu'elle étoit connue sous sa dénomination actuelle dès le commencement du dix-septième siècle.
Rue de l'Orangerie. Elle traverse, ainsi que la précédente, de la rue d'Orléans dans la rue Censier. Elle est également indiquée d'une manière très-fautive sur le plus grand nombre des plans du siècle dernier.
Rue d'Orléans. Elle va de la rue Moufetard à celle du Jardin du Roi. On voit, par les terriers de Sainte-Geneviève, qu'elle s'appeloit rue des Bouliers et aux Bouliers, et quelquefois de Richebourg, à cause du territoire où elle étoit située. Un topographe, M. Robert, dit qu'elle se nommoit en 1163 rue du Bouloir. Jaillot n'a pu trouver, quelque recherche qu'il ait faite, aucun titre qui en fasse mention à cette époque; il est même probable qu'elle n'existoit point encore, le Richebourg couvert alors de terres labourables, de vergers et de maisonnettes, n'ayant été bâti et orné de jardins que dans le siècle suivant. Tous les chemins ou rues dont il étoit entrecoupé s'appeloient du nom général du territoire, en Richebourg, in divite Burgo. Elle tire le nom qu'elle porte aujourd'hui, ainsi que le dit Piganiol, de la maison de plaisance qu'y possédoit Louis de France, duc d'Orléans et frère de Charles VI.
Rue du Paon. Elle conduit de la rue Traversine à celle de Saint-Victor. Avant le milieu du treizième siècle, elle étoit connue sous le nom d'Alexandre Langlois, vicus Alexandri Anglici, et c'est ainsi qu'elle est connue dans tous les actes, jusqu'au seizième. En 1540 elle est déjà appelée rue du Paon, et c'est d'une enseigne qu'elle avoit pris ce nouveau nom, qu'elle porte encore aujourd'hui.
Rue Perdue. Elle aboutit d'un côté à la rue des Grands-Degrés, de l'autre à la place Maubert. Cette rue est ancienne: Guillot en fait mention, ainsi que le rôle de 1313, et l'on ne trouve pas qu'elle ait porté d'autre nom. La principale porte du collége de Chanac étoit autrefois située dans cette rue.
Rue Pierre-Assis. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, et de l'autre au carrefour Saint-Hippolyte. Si l'étymologie de ce nom est vraie, et qu'elle vienne d'une enseigne de la chaire de Saint-Pierre, c'est bien mal à propos qu'on a écrit sur tous les anciens plans Quirassis, Quiracie, Qui-Rassis, Pierre-Agis et Pierre-Argile. Jaillot pense que c'est la rue que les anciens titres appellent Petite rue Saint-Hippolyte.
Rue de Poissy. Voyez rue Montigny.
Rue de Pontoise. Voyez rue de Sartines.
Rue Poliveau ou des Saussaies. Elle aboutit d'un côté au carrefour de Clamart, de l'autre au chemin qui règne le long de la Seine. L'ancien nom du territoire sur lequel cette rue a été ouverte est, selon Jaillot, le locus Cinerum, que l'abbé Lebeuf avoit confondu avec la rue de Lourcine. On ignore d'où vient ce nom de lieu des Cendres; mais les anciens titres prouvent qu'il existoit dès 1243. Dans le siècle suivant cette rue est nommée de la Cendrée, et ensuite de Pont-Livaut, dénomination que les modernes ont altérée en écrivant Pouliveaux, Pouliveau, Polivau. Ce nom vient d'un petit pont pratiqué sur la rivière de Bièvre. On voit ensuite dans un censier de Sainte-Geneviève de 1646, qu'on la nommoit alors rue des Carrières alias de la Cendrée. Enfin on la trouve sous le nom des Saussaies ou Saussoies. Bien que les titres fassent mention d'un certain Renaud des Saussaies, qui habitoit ce lieu au treizième siècle, Jaillot pense que cette rue doit ce dernier nom aux saules dont étoit couvert le terrein qu'elle traversoit[468]. Cette rue se prolonge maintenant jusqu'à la rivière.
Rue du Puits-l'Ermite. Elle fait la continuation de la rue Françoise, et aboutit à celle du Battoir. C'est une espèce de petite place où il y avoit autrefois un puits: les titres et les anciens plans ne la distinguent pas de la rue Françoise. On ignore l'origine de ce nom; mais Jaillot trouve qu'au seizième siècle, Adam l'Ermite avoit une tannerie et des jardins dans ce quartier, et sans doute c'est à lui ou à quelqu'un de ses descendants que cette rue doit sa dénomination.
Rue des Saussaies.—Voyez rue Poliveau.
Rue du Bon-Puits. Elle aboutit d'un côté à la rue Traversine, et de l'autre à celle de Saint-Victor. Son nom est dû à un puits public qu'on y avoit fait creuser, et n'a pas changé. Il paroît, par un arrêt de 1639, relatif aux colléges de Boncourt et de Tournay, que cette rue s'étendoit alors jusqu'à la rue Clopin[469]. Le censier de Sainte-Geneviève de 1540 en fait mention sous le nom de rue de Fortune. Sauval dit que la rue de Bon-Puits étoit habitée dès 1245, et se contredit ensuite en avançant dans un autre endroit que son nom pouvoit venir d'Étienne de Bon-Puits, dont les biens furent confisqués en 1413. Le fait est qu'elle le doit au puits dont nous avons parlé, lequel subsistoit dès 1250. Les cartulaires de Sorbonne en font mention en 1253, sous le simple nom de vicus de Puteo, et en 1265, sous celui de Bono-Puteo. Guillot, le rôle de 1313 et tous les actes postérieurs lui donnent le même nom.
Rue de la Reine-Blanche. Elle aboutit d'un côté à la rue Moufetard, de l'autre à celle des Hauts-Fossés, et doit son nom à un séjour ou à des jardins de la reine Blanche, qui y étoient situés[470].
Rue de Sartine[471]. Cette rue a été ouverte du côté occidental de la halle aux Veaux, en même temps qu'on a construit cet édifice.
Rue de Seine. Elle aboutit d'un côté au carrefour de la Pitié, de l'autre au quai Saint-Bernard. On ne l'appeloit anciennement que rue ou chemin devers Seine. En 1552 on disoit simplement rue derrière les murs de Saint-Victor; ensuite on l'a nommée rue du Ponceau, à cause d'un petit pont situé vers le milieu de cette rue, sous lequel passoit la Bièvre lorsqu'elle traversoit l'enclos de Saint-Victor[472].
Rue de la Tournelle. On la confondoit assez souvent avec le quai de la Tournelle, quoiqu'elle en soit bien distincte. Elle commence au coin de la rue de Bièvre, et finit à la dernière maison du côté de la rivière, de l'autre côté au coin de la rue des Bernardins.
Rue Traversine. Elle est ainsi nommée parce qu'elle traverse de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève à celle d'Arras. Au treizième siècle et depuis on disoit rue Traversaine. Quelques nomenclateurs écrivent Traversière[473].
Rue Tripelet. Elle traverse de la rue Gratieuse à celle de la Clef. Ce nom est fort altéré sur les divers plans de Paris. On lit: Tripelle, Tripellé, Tripolet, Tripette, Tripotte, Triptet, Triperet, etc. Ce qui doit faire préférer celui que nous lui donnons, c'est qu'on trouve qu'en 1540 un particulier nommé Jehan Tripelet possédoit trois arpents de terre précisément à l'endroit où cette rue est située[474].
Rue de Versailles. Elle aboutit d'un côté à la rue Traversine, de l'autre à celle de Saint-Victor. Il paroît qu'elle portoit dès le treizième siècle le nom qu'elle porte encore aujourd'hui, et qu'elle le devoit à une famille distinguée, dont l'histoire fait mention dès le onzième; Pierre de Versaliis y demeuroit en 1270. Guillot l'appelle rue de Verseille, et le rôle des taxes de 1313, rue de Versailles; depuis il n'y a eu aucune variation dans ce nom, qu'elle porte encore aujourd'hui.
Rue Saint-Victor. Elle commence à la place Maubert, et finit au coin des rues des Fossés-Saint-Victor et Saint-Bernard. Son nom est dû à l'abbaye Saint-Victor, à laquelle elle conduisoit. On présume qu'elle existoit avant le règne de Louis-le-Gros, mais qu'elle n'a pris ce nom que depuis l'époque de la fondation faite par ce monarque à Saint-Victor.
Rue du Faubourg Saint-Victor. Elle commence au coin des rues des Fossés-Saint-Victor et Saint-Bernard, et finit au carrefour de la Pitié. Cette rue se prolongeoit ci-devant jusqu'à la croix de Clamart; mais cette partie, comme nous l'avons dit ci-dessus, en fut séparée sous le nom de rue du Jardin du Roi[475].
Rue des Fossés-Saint-Victor[476]. Elle commence à l'extrémité de la rue Saint-Victor, où étoit une des portes de l'enceinte de Philippe-Auguste, laquelle fut rebâtie en 1570, et abattue en 1684, et finit à la rue Neuve-Saint-Étienne et à celle de Fourci. Son nom lui vient des fossés sur l'emplacement desquels elle a été bâtie. Depuis la rue Clopin jusqu'à celle de Fourci, on l'appeloit rue de la Doctrine-Chrétienne.
QUAIS.
Quai de la Tournelle et quai Saint-Bernard. Ce quai commence à l'endroit où finit la rue qui porte le même nom, et venoit aboutir autrefois à la porte Saint Bernard. Corrozet l'indique sous le nom de rue et porte Saint-Bernard, et il le portoit en effet dès 1380. Depuis on ne conserva le nom de porte Saint-Bernard qu'à cette partie du quai qui commence à la rue de Bièvre: il n'y avoit point alors de maisons bâties en cet endroit; et à l'angle où elles se terminoient, il étoit désigné sous le nom de port aux Mulets. Tout ce quai n'étoit encore, au milieu du dix-septième siècle, qu'un terrain en pente, souvent inondé, et presque toujours impraticable, à cause des boues dont il étoit couvert. En 1750 il fut ordonné qu'il seroit pavé dans une largeur de dix toises; en 1758 il fut repavé, dégagé et agrandi par la suppression de trois maisons qui étoient situées vis-à-vis les Miramiones. Ce port sert de décharge aux vins qui arrivent journellement pour la consommation de Paris, au bois, à la tuile, à l'ardoise, etc.
Quai de l'Hôpital. C'est ainsi qu'est nommée toute la partie du rivage de la Seine qui s'étend depuis le jardin du Roi jusqu'à la barrière de la Gare.
Antiquités romaines découvertes dans le quartier de la place Maubert.
En creusant la terre pour jeter les fondements d'une maison sur le quai de la Tournelle, on trouva, en 1735, à 10 pieds de profondeur, trois fragments de marbre représentant des figures en relief, et un mur de cinq pieds d'épaisseur, construit en pierres de taille d'une très-grande dimension, ce qui sembloit indiquer un édifice antique assez considérable. M. de Caylus a pensé que cet édifice pouvoit être un temple bâti par les négociants de Paris, vis-à-vis de l'autel qu'ils avoient élevé dans la Cité[477]: c'est là une simple conjecture dont on ne peut dire autre chose, sinon qu'elle n'a rien d'invraisemblable, encore qu'on puisse en élever mille autres, qui toutes auroient le même degré de vraisemblance.
MONUMENTS NOUVEAUX,
OU RÉPARATIONS FAITES AUX ANCIENS MONUMENTS DEPUIS 1789.
Saint-Nicolas-du-Chardonnet. On a rendu à cette église le tombeau de Charles Le Brun et celui de sa mère qui, pendant la révolution, avoient été déposés aux Petits-Augustins. Deux nouveaux tableaux décorent cette église: l'un représente la résurrection de la fille de Jaïre; l'autre Jésus-Christ sur la montagne des Oliviers.
Halle aux Vins. L'ancienne Halle aux Vins étoit depuis long-temps insuffisante aux besoins de Paris; et le projet d'en construire une nouvelle avoit été formé dès les premières années de ce siècle. La première pierre en fut posée le 15 août 1811, dans l'enclos de l'abbaye de Saint-Victor; et les travaux, commencés aussitôt sous la direction de M. Gaucher, architecte, furent conduits si activement que, dès le mois d'août 1813, le commerce étoit en possession de quatre halles du marché à gauche, et de sept halles du marché à droite. Ces travaux, suspendus un moment, furent repris depuis avec une nouvelle activité, bien qu'ils ne soient point encore aujourd'hui entièrement achevés.
Le terrain sur lequel s'élève la Halle aux Vins, a environ 134,000 mètres de superficie; il est clos de murs sur trois côtés, et fermé sur le quai Saint-Bernard par une grille de 404 mètres de développement. De ce côté, sont deux petits bâtiments destinés à l'administration, et six bureaux pour les commis à l'entrée et à la sortie des vins.
Cette Halle sera composée de cinq grandes masses de constructions, deux au centre, qui serviront de marché et seront divisées chacune en sept halles; deux autres, l'une à gauche et l'autre à droite, qui contiendront ensemble 42 celliers voûtés en pierre de taille, avec magasins au-dessus; enfin, du côté de la rue Saint-Victor, un cinquième corps de bâtiment, de 360 mètres de largeur, sur 88 de profondeur, contiendra encore 49 celliers, également voûtés en pierre de taille. Le magasin pratiqué au-dessus sera spécialement consacré au dépôt des eaux-de-vie. Ces halles, marchés et celliers pourront contenir ensemble environ 200,000 futailles, dont 27,600 de vins chauds, et 9,000 pipes d'eau-de-vie. Mais tous ces calculs ayant été faits dans la supposition que les fûts ne seroient gerbés que d'un seul rang, c'est-à-dire d'un rang au-dessus de celui à rez-de-chaussée, il en résulte qu'au besoin cet entrepôt pourroit contenir le double de ce qui vient d'être indiqué.
Sur l'inspection des parties déjà terminées de ce vaste monument, on peut, dès à présent, se faire une idée de la beauté de son ensemble, et de la distribution judicieuse de ses diverses parties. On y retrouve, de même que dans les autres édifices de ce genre, qui s'élèvent de toutes parts à Paris, un caractère de simplicité, auquel s'allie très-convenablement une sorte de richesse que l'on ne doit qu'à la beauté des matériaux et la recherche de l'exécution.
Marché aux Chevaux. Ce marché a été pavé depuis quelques années; au milieu s'élèvent deux fontaines qui se composent d'un piédestal carré, surmonté d'une lanterne. Des deux côtés, une tête de lion verse de l'eau dans un bassin circulaire.
Jardin du Roi. Les bâtiments qui renferment le cabinet d'histoire naturelle ont été agrandis; et du côté de la rue de Seine, on a renfermé, dans l'enceinte du jardin, plusieurs portions de terrain qui formoient autrefois des chantiers. Cette nouvelle partie, plantée en jardin anglois, est divisée en un grand nombre d'enceintes au milieu desquelles s'élèvent des chaumières et des pavillons, et où parquent un grand nombre d'animaux.
Pont d'Austerlitz ou du Jardin du Roi. Les travaux de ce pont furent commencés en 1800, sous la direction de MM. Becquey de Beaupré et Lamandé, ingénieurs des ponts et chaussées.
Parmi les ponts en fer sur des piles en pierre, celui-ci tient le premier rang. Sa construction fut l'objet d'une discussion très-approfondie dans le conseil général des ponts et chaussées: le problème à résoudre étoit de trouver à la fois le moyen d'éviter les effets du vibrement occasionné par le roulage des voitures, et d'obvier aux inconvénients qui pouvoient résulter, dans un pont à plusieurs arches, de la dilatation ou de la condensation des fers, suivant les diverses températures. Il fut convenu que ce nouveau pont auroit cinq arches égales, de cent pieds d'ouverture et de dix pièces de flèche, et que les piles de ces arches, au lieu de monter jusque sous le plancher, s'arrêteroient à la hauteur des naissances pour recevoir des pièces triangulaires en fer fondu, auxquelles on donna le nom de coussinets. C'est avec ces coussinets, implantés dans une coulisse de fonte encastrée elle-même dans le chaperon de la pile, que se rattachent les voussoirs en fer coulé qui composent les fermes des arches. La combinaison de tous ces moyens, et la précision avec laquelle ils ont été mis en œuvre, méritent sans doute des éloges; mais il n'en est pas moins vrai que de tels moyens ne doivent être employés que là où manque la pierre, et que ce n'est pas en France qu'il faut faire usage de ces méthodes, ingénieuses sans doute, mais qui ne donnent que des résultats fort au-dessous de ceux qu'il est si facile d'y obtenir.
Fontaine de la rue du Jardin du Roi. Elle s'élève en forme de cippe arrondi, entre deux peupliers. Une couronne de laurier la surmonte; et l'eau est vomie par une tête de Méduse, dans un bassin carré et oblong.
Fontaine de la rue Moufetard. Elle se compose d'un socle carré, surmonté d'un fronton dont le milieu est orné d'une couronne de laurier. Plus bas, et dans une niche circulaire, un faune presse une outre d'où l'eau s'écoule et tombe dans un bassin carré-oblong. Des thyrses entourés de pampres, servent d'ornement à cette composition.
Magasin à poudre. Il est établi à l'ancienne barrière des Deux Moulins.
Abattoir de Villejuif. Il est situé vers la barrière de Fontainebleau, entre le nouveau mur d'enceinte et le boulevart. (Voyez à la fin de l'ouvrage, l'article Abattoirs.)
RUES ET PLACES NOUVELLES.
Petite rue du Banquier. Elle commence au boulevart de l'Hôpital, et vient aboutir dans la rue du Banquier.
Rue de Buffon. Elle a été ouverte vers le côté oriental du Jardin du Roi.
Petite rue du Champ de l'Allouette. Elle commence à la rue de Lourcine, et vient aboutir à celle du Champ de l'Allouette.
Rue Clovis. Elle a été percée sur le terrain de l'ancienne église Sainte-Geneviève, et vient aboutir à celle des Fossés-Saint-Victor.
Place de la Collégiale. C'étoit autrefois le cloître Saint-Marcel.
Place Saint-Marcel. Elle a été formée en face de l'église du même nom.
Rue Saint-Marcel. Elle commence dans la rue Moufetard, et conduit à la place de la Collégiale.
Rue Pierre-Lombard. Elle suit la même direction.
Place Valhubert. C'est le nom que l'on a donné à l'espace qui est en face du Jardin du Roi, du côté de la rivière.
Rue des Vignes. Elle conduit du boulevart dans la rue du Banquier.
QUAIS.
Quai Saint-Bernard. On achève maintenant de le construire à partir de l'emplacement où est située la Halle aux Vins. Depuis le pont du Jardin du Roi jusqu'à la barrière de la Gare, il porte comme ci-devant le nom de quai du l'Hôpital.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TROISIÈME VOLUME.
TABLE DES MATIÈRES.
TROISIÈME VOLUME.—PREMIÈRE PARTIE.
QUARTIER DE LA PLACE MAUBERT.
- Paris sous Henri II, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV 1
- Origine du quartier 437
- Porte Saint-Bernard 438
- Château de la Tournelle 441
- Les Miramiones, autrement nommées Filles de Sainte-Geneviève 443
- Halle aux Veaux 447
- Halle au Vin 449
- Les Bernardins 450
- L'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet 458
- Les Religieuses Angloises 464
- Les Prêtres de la Doctrine Chrétienne 466
- Les Filles de la Congrégation de Notre-Dame 469
- L'Abbaye Saint-Victor 472
- Les Nouveaux Convertis 484
- L'Hôpital de la Pitié 486
- Jardin et Cabinet du Roi 488
- Le Marché aux Chevaux 496
- Maison de Sainte-Pélagie 498
- Les Prêtres de Saint-François-de-Sales 501
- Les Religieuses hospitalières de la Miséricorde de Jésus, dites de Saint-Julien et de Sainte-Basilisse 502
- Les Filles de la Croix 504
- L'Hôpital Notre-Dame de la Miséricorde, dit les Cent Filles 505
- Église paroissiale de Saint-Médard 508
- L'Hôpital de Lourcine, autrement dit Communauté de Sainte-Valère 513
- L'Église collégiale de Saint-Marcel 516
- L'Église Saint-Martin 524
- L'Église paroissiale de Saint-Hippolyte 527
- Les Cordelières 530
- Les Filles Angloises 536
- Les Gobelins, ou Manufacture royale des meubles de la couronne 537
- Hôpital général de la Salpêtrière 546
- De l'Université 546
- Colléges 584
- Hôtels anciens et nouveaux 614
- Fontaines 630
- Barrières 631
- Rues et places du quartier de la place Maubert 632
- Quais 657
- Antiquités 658
- Monuments nouveaux, etc Ibid.