Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 5/8)
1: Dans son fameux livre de l'Institution.
2: Le conseil du roi, devant lequel s'étoient présentés des députés du parlement, conduits par le premier président Lizet, ayant exigé qu'ils parlassent debout et tête nue, contre l'ancien usage, et ceux-ci ayant refusé de le faire, ils furent, par ordre du roi, suspendus de leurs fonctions. Les remontrances que la cour fit à ce sujet n'eurent d'autre effet que d'aigrir encore davantage le monarque; Lizet fut forcé de donner sa démission, et Bertrand, depuis garde des sceaux, le remplaça.
3: Ceci faisoit allusion au don accordé pour le rétablissement de la juridiction ecclésiastique, qui ne fut point rétablie.
4: Lorsque la nouvelle de ce désastreux événement fut parvenue à Paris, la reine se transporta à l'hôtel-de-ville, accompagnée de la princesse Marguerite, sœur du roi, du garde des sceaux, et d'un nombreux cortége de dames et de demoiselles; et là, prenant elle-même la parole, et exposant les dangers où le royaume et la capitale alloient être exposés, si le roi ne trouvoit des ressources dans le zèle et l'amour de ses sujets, elle demanda de sa part, à sa bonne ville de Paris, la solde de dix mille hommes, évaluée à cent mille écus, ce qui fut accordé sur-le-champ.
5: On cite avec affectation plus de deux cents villes ou forteresses rendues; mais ces centaines de forteresses n'étoient, pour la plupart, que de petits châteaux appartenants aux seigneurs des bourgs ou villages dont on s'emparoit. Il n'y eut de restitution importante faite par la France que les états du duc de Savoie; et pour avoir rendu à ce prince ce qu'il étoit impossible de retenir, ce que, tôt ou tard, il eût fallu lui rendre, Henri II, qui se réserva néanmoins dans le Piémont Turin et quatre autres places fortes, obtint l'avantage immense de chasser enfin les Anglois du continent en conservant Calais et ses dépendances, et de garder Metz, Toul et Verdun, villes importantes qui, du côté de l'Allemagne, devenoient des boulevards du royaume.
6: En 1558.
7: Une sédition violente qui s'étoit élevée quelque temps auparavant (en 1557), entre les bourgeois et les écoliers, avoit déjà prouvé leur mécontentement. Dans les procédures faites à ce sujet, le nom du duc d'Enghien fut prononcé par mégarde par le chevalier du Guet, qui étoit compromis dans cette affaire. Il voulut ensuite se rétracter, et nommer une autre personne; mais le parlement, n'ayant pas tardé à se convaincre qu'il n'étoit que trop vrai que ce prince étoit un des principaux moteurs de cette émeute, ne voulut pas pousser plus loin les informations.
8: François de Coligni, seigneur d'Andelot, et neveu du connétable, tendrement aimé du roi, qui le considéroit comme un des plus braves gentilshommes de son royaume, avoit été accusé de calvinisme. Le roi le fit mander, après l'avoir fait avertir secrètement qu'il se contenteroit d'un simple désaveu; mais celui-ci ne voulut point se soumettre à une semblable complaisance, et déclara hautement ses véritables sentiments. Henri II, dans les premiers mouvements de sa colère, ordonna qu'on le conduisît en prison, et disposa de sa charge de colonel général de l'infanterie. Il est vrai qu'il ne tarda pas à s'apaiser; mais cet événement fit sur lui une profonde impression.
9: Il est très-remarquable que les parlementaires hérétiques réclamèrent en cette circonstance l'exécution des décrets des conciles de Bâle et de Constance, sur lesquels se fondent aussi toutes les doctrines des défenseurs des prétendues libertés gallicanes. Les uns et les autres ont en effet un principe qui leur est commun: l'esprit de révolte contre l'autorité.
10: Cependant telle étoit l'audace et le fanatisme de quelques-uns d'entre eux, que, peu de jours après l'arrestation de Dubourg, ils tinrent une espèce de synode dans le faubourg Saint-Germain, sous la présidence d'un ministre nommé François Morel, et qu'ils y firent des réglements de discipline, comme si leur église eût été légalement et paisiblement établie.
11: À l'occasion du mariage de sa sœur Marguerite avec le duc de Savoie.
12: Depuis la révolte du duc de Bourbon, et surtout depuis que François I fut revenu dans ses états après sa prison de Madrid, on étoit en garde contre eux; la politique du cabinet de France étoit de ne leur donner aucune part au gouvernement, et de ne leur confier dans les armées aucun commandement considérable.
13: Entre autres la duchesse de Valentinois, qui fut obligée de se retirer de la cour.
14: Il avoit déterminé le roi de Navarre à assigner aux mécontents un rendez-vous dans la ville de Vendôme, chef-lieu de son apanage. Tous s'y rendirent au jour indiqué; et là il fut arrêté d'aviser aux moyens de renverser la tyrannie des Guises, que tous s'accordèrent à regarder comme un attentat contre les princes du sang et l'ordre entier de la noblesse. Mais les avis se partagèrent sur les moyens d'exécution; et le roi de Navarre, naturellement porté à goûter les avis les plus timides, rejeta les conseils violents que proposoient le prince de Condé, d'Andelot et les plus résolus des conjurés, conseils qui, dans cette circonstance, étoient peut-être les seuls que l'on pût suivre avec quelque apparence de succès.
15: Les réformés répandoient hautement que les Guises avoient formé le projet d'usurper la couronne; ceux-ci les accusoient, avec plus de vraisemblance, d'être des factieux qui vouloient se constituer en république.
16: La Bigue, secrétaire de La Renaudie, qui fut épargné à cause des révélations qu'il avoit faites, déclara que les Guises devoient être les premiers massacrés, et qu'on n'auroit point épargné le roi. On a voulu infirmer cette déposition, en disant que cet homme n'avoit parlé de la sorte que pour racheter sa vie; mais Brantôme et l'historien Belleforest nous apprennent que long-temps après, et lorsqu'il n'y avoit plus aucun intérêt, il leur confirma sa première déclaration.
17: Les huguenots répandirent de toutes parts que ces princes vouloient imiter Hugues-Capet. Or, celui-ci n'avoit à écarter qu'un seul prince désagréable à la nation (Voy. t. 1, 2e partie, p. 490) pour parvenir au trône; tandis que, pour s'en frayer le chemin, il auroit fallu que les Guises trouvassent moyen de se défaire de François II, de Charles IX, de Henri III, du duc d'Alençon, du roi de Navarre, du cardinal de Bourbon, du prince de Condé, du prince de Béarn, qui fut depuis Henri IV, des trois fils du prince de Condé, Henri, Charles, et François prince de Conti. Cependant il s'est trouvé des gens qui ont répété long-temps après et très-sérieusement cette fable monstrueuse, à laquelle ne croyoient point sans doute ceux-là mêmes qui la débitoient alors. Nec pueri credunt; c'est ce que l'on en peut dire aujourd'hui.
18: Ce fut, vers ce temps-là, selon la plupart de nos historiens, que l'on commença à désigner les religionnaires sous le nom de huguenots, au lieu de celui de luthériens, sous le quel ils avoient été jusqu'alors signalés. On donna à ce nom plusieurs étymologies, dont la plus vraisemblable est celle qui le fait dériver d'une porte de la ville de Tours, appelée la porte Hugon, près de laquelle les calvinistes s'assembloient secrètement la nuit, et à l'heure qu'un lutin nommé Hugon ou Huguet, suivant une tradition superstitieuse et populaire, y faisoit son apparition.
19: En raison des bruits calomnieux que l'on répandoit de toutes parts contre eux, il leur importoit sans doute de faire croire ce qui étoit d'ailleurs l'exacte vérité, que leurs intérêts n'étoient point séparés de ceux du roi, et qu'ils n'avoient d'autres ennemis que les siens, qui étoient en même temps ceux de l'état.
20: Montluc, évêque de Valence, et Charles de Marillac, archevêque de Vienne.
21: Ainsi ces mêmes hommes qui soutenoient la suprématie des conciles, étoient forcés d'avouer que le pape seul avoit le droit de les convoquer; et c'étoit par le schisme seul (un concile national ne pouvoit être autre chose) qu'ils pouvoient éluder la difficulté.
22: Qui ne connoit les fastidieuses et hypocrites déclamations de nos libéraux contre les troupes suisses qui forment une partie de la garde du roi? Sauf les différences que devoient y apporter des circonstances qui ne sont point les mêmes, elles ressemblent pour le fond à celles que faisoient alors les calvinistes.
23: On sait que plusieurs évêques étoient secrètement partisans de la réforme, et que le clergé étoit alors extrêmement corrompu; ce qui fait comprendre comment ils donnoient en ce moment la préférence aux tribunaux ecclésiastiques.
24: Ce qui prouve à quel point les idées avoient changé dans un petit nombre d'années, c'est que plusieurs membres du parlement, attachés secrètement à la religion réformée, se rappelant l'exemple du conseiller Anne Dubourg, et ayant témoigné quelque crainte que ce ne fût un nouveau piége qu'on vouloit leur tendre, on crut devoir leur donner une déclaration formelle qu'ils pourroient opiner librement, et sans courir aucun risque ni pour leur vie, ni pour leurs biens, ni pour leurs charges.
25: On peut juger de ce qu'étoient ses principes et ses croyances en matières religieuses, par la lettre qu'elle écrivit au pape Pie IV, à l'occasion de cette assemblée, qu'elle présumoit devoir être vue d'un très-mauvais œil par la cour de Rome. Dans cette lettre, qui est un monument curieux et de nature à jeter un nouveau jour sur sa politique et sur son caractère, Catherine, après avoir exposé au saint père la nécessité où elle se voit réduite d'user de condescendance à l'égard des calvinistes, dont le nombre est infini dans le royaume, l'exhorte à ne point retrancher de la communion de l'église ceux qui, croyant aux dogmes capitaux, ont des scrupules sur quelques points moins importants; par exemple, sur le culte des images, qu'elle considère elle-même comme défendu par l'Écriture; sur les exorcismes et les autres cérémonies du baptême; sur le rétablissement de la communion sous les deux espèces, qu'elle jugeoit plus conforme au précepte de l'Évangile que ce qui avoit été décidé par les conciles. Elle demandoit encore que l'on retranchât la fête du Saint-Sacrement et les processions dont elle étoit accompagnée; que le service divin se fît en langue vulgaire; qu'on abolit l'usage des messes où le prêtre communioit seul, etc.
26: Le général des jésuites Laynez, qui venoit de succéder immédiatement à saint Ignace de Loyola, parut aussi dans ces conférences et par ordre du légat. Il parla en langue italienne avec beaucoup de force et de solidité, et réfuta particulièrement les propositions hétérodoxes et les blasphèmes que Théodore de Bèze et ses adhérents avancèrent sur la juridiction des évêques et sur l'Eucharistie. Son discours déplut fort à la reine, à laquelle il adressa plusieurs fois la parole, pour lui faire sentir le danger de traiter de semblables matières dans d'autres assemblées que celles qui étoient légalement instituées par l'Église, pour les examiner et en décider.
27: Dans les conférences qu'on eut avec lui à ce sujet, on lui promit de la part du roi d'Espagne ou la restitution de la Navarre, ou de lui donner en place l'île de Sardaigne, comme un équivalent.
28: Cependant le chevalier du guet, Jean Gabaston, fut pendu comme auteur du désordre, auquel il avoit effectivement beaucoup contribué.
29: Il lui déclara qu'il s'offroit à elle comme l'organe de deux mille cent cinquante églises réformées, répandues dans toute la France; qu'elle pouvoit agir sans rien craindre du triumvirat; qu'elle ne manqueroit ni d'argent ni de troupes pour soutenir son autorité, si l'on entreprenoit d'y porter atteinte.
(Davila, lib 2.)
30: Au moment où le parlement délibéroit, et témoignoit la plus forte opposition contre l'enregistrement de l'édit, une troupe de quatre à cinq cents hommes, armés de toutes pièces, remplirent les cours du palais, demandant à grands cris qu'on les fit parler au premier président et au procureur-général, et menaçant de les mettre en pièces si l'édit n'étoit publié sur-le-champ. On ne douta point que cette scène violente n'eût été préparée par le maréchal de Montmorenci, qui alors étoit encore gouverneur de Paris.
31: Vassy est une petite ville sur les frontières de la Champagne, dans laquelle le duc s'arrêta un moment pour se faire dire la messe. Il se trouva qu'en ce moment les huguenots, au nombre de six à sept cents, hommes, femmes et enfants, tenoient leur prêche dans une grange voisine de l'église, et qu'ils commencèrent à entonner leurs psaumes au moment où le prêtre montoit à l'autel. Le duc les envoya prier de suspendre leurs chants jusqu'à ce que la messe fût achevée: ils n'en voulurent rien faire. Alors une rixe s'engagea entre ses gens et ceux qui gardoient la porte de la grange; des injures on en vint aux coups; il fut tiré plusieurs coups d'arquebuse et de pistolets qui tuèrent ou blessèrent quelques huguenots: on se mêla alors avec plus d'animosité; et le duc, étant accouru pour faire cesser le tumulte, fut blessé d'un coup de pierre au visage. Furieux de voir couler son sang, ses soldats, malgré sa défense, chargèrent de toutes parts les huguenots, blessèrent dangereusement le ministre et demeurèrent bientôt maîtres du champ de bataille[31-A]. Telles sont les principales circonstances de cet événement malheureux, qui ne fut au fond que le résultat d'une querelle imprévue, où le sang coula des deux côtés, et dans laquelle les protestants eurent du dessous. Déjà plus d'une fois, et dans des rixes toutes semblables, dont Paris et presque toutes les provinces avoient été le théâtre, on les avoit vus abuser bien plus cruellement de la supériorité du nombre et des armes, sans qu'on en eût fait tant de bruit; mais ils avoient besoin d'un prétexte pour justifier leur rébellion. Tout prouve au reste que, dans cette rencontre de Vassy, ils furent les agresseurs; le duc de Guise se défendit, dans toutes les circonstances de sa vie, de l'avoir provoquée, et renouvela, à son lit de mort, ces mêmes protestations. Il suffit d'ailleurs de suivre, dans toutes les actions de sa vie, ce grand et noble caractère, pour reconnoître combien étoient au-dessous de lui de semblables indignités; et que s'il eût été capable de commettre des crimes politiques, il les eût choisis plus éclatants et surtout plus décisifs.
31-A: D'Aubigné dit qu'il y eut 330 personnes de tuées. La Popélinière, auteur protestant, mais plus sincère, n'en compte que 42. (Hist. des cinq rois, p. 148.)
32: Cet événement lui fit donner, par les plaisants du parti réformé, le nom de capitaine Brûle-Banc.
33: Les écrivains même les plus favorables aux calvinistes n'ont pu dissimuler que, dans les excès épouvantables qui signalèrent cette guerre, ceux-ci furent constamment les agresseurs, et donnèrent le premier exemple de toutes les horreurs qui y furent commises.
34: L'indiscrétion qu'il commit peu de temps après, de produire à la diète de Francfort, les lettres qu'elle lui avoit écrites lors de l'enlèvement de Fontainebleau, acheva de le perdre dans l'esprit de cette princesse, qui ne lui pardonna jamais de l'avoir compromise à ce point.
35: Les faubourgs Saint-Germain, Saint-Jacques et Saint-Marceau.
36: Poltrot, qui varia dans ses dépositions contre Soubise, La Rochefoucauld, Théodore de Bèze et quelques autres, ne cessa point dans les tortures et jusqu'au milieu des horreurs de son supplice, de charger l'amiral. Au reste, ce chef atrabilaire suivoit en cela une des maximes de sa secte, pour qui l'assassinat étoit un moyen tout comme un autre de propager la religion du pur Évangile; et celui-ci n'est pas le seul qu'on ait à lui reprocher. Il est justement soupçonné d'avoir fait assassiner le seigneur de Charri, capitaine des gardes, lorsqu'il voulut, quelque temps après, tenter l'enlèvement du roi dans Paris même, où il avoit été appelé pour se justifier de sa complicité avec le meurtrier du duc de Guise. De tous ses attentats, ce fut celui que Catherine lui pardonna le moins, comme nous le verrons plus loin.
37: Il convient dans une lettre à la reine que «depuis cinq ou six mois en ça il n'a pas fort contesté contre ceux qui montrèrent avoir telle volonté.» Il donne pour raison du peu d'opposition qu'il a montré à une action aussi détestable qu'il avoit eu avis que «des personnes avoient été pratiquées pour le venir tuer», et il ne nomme point ces personnes dans le cours de sa justification, quoiqu'il eût dit «qu'il les nommeroit quand il en seroit temps.» Il avoue dans ses réponses que «Poltrot s'avança jusqu'à lui dire «qu'il seroit aisé de tuer le duc de Guise; mais que lui Amiral n'insista jamais sur ce propos, d'autant qu'il l'estimoit pour chose du tout frivole.» Il convient avoir donné cent écus à Poltrot pour acheter un cheval qui fût excellent coureur; il convient encore que «quand Poltrot lui avoit tenu ce propos qu'il seroit aisé de tuer le seigneur de Guise, il ne lui répondit rien pour dire que ce fut bien ou mal fait»; il déclare dans une lettre à la reine, qu'il estimoit que «la mort du duc de Guise étoit le plus grand bien qui pouvoit advenir au royaume et à l'église de Dieu, et personnellement au roi et à toute la maison des Colignis.» Il récuse tous les parlements qui existaient alors en France, et même le grand conseil, disant que «son fait ne devoit être examiné que par gens faisant profession des armes et non pas la chicanerie, mal séante à personne de cette qualité.» Enfin, il réclama pour dernière ressource, le privilége de l'abolition porté par l'édit de pacification. (Voyez Mém. de Condé, t. 4, p. 303 et 304.)
38: Les dernières instructions qu'il donna à son fils Henri, prince de Joinville, furent de demeurer inviolablement fidèle au roi, à l'état et à la religion; il prouva en même temps combien étoient ardents et sincères les sentiments religieux dont il étoit animé, en rejetant un remède que lui proposoit un seigneur de la cour, remède dont l'effet, disoit-on, devoit être infaillible; et refusant d'en faire usage, parce que l'on se servoit dans sa préparation de quelques pratiques superstitieuses. On sait les paroles sublimes avec lesquelles, pendant le siége de Rouen, il laissa aller un homme qui avoit déjà été envoyé pour l'assassiner, et qui lui alléguoit les motifs de religion pour excuser son crime: «Si votre religion, lui dit-il, vous apprend à tuer celui qui ne vous a jamais offensé, la mienne m'ordonne de vous pardonner; allez, je vous rends votre liberté; et jugez par là laquelle des deux religions est la meilleure.»
39: À tant de qualités héroïques, il joignoit un cœur généreux, des manières bienveillantes qui lui gagnoient tous les esprits, de la douceur, de la modération; et tous ces dons de l'âme étoient encore relevés par une physionomie belle, grande, noble; de manière que tout sembloit réuni dans cet homme extraordinaire pour le rendre cher et vénérable au peuple, aux soldats, à la noblesse françoise, en même temps qu'il étoit un objet d'admiration pour l'Europe entière.
40: Le Laboureur.
41: Il obtint le gouvernement de Languedoc pour Damville, l'un de ses fils, que nous verrons jouer, sous le règne suivant, un rôle important dans ces longues discordes civiles, et en raison du pouvoir que lui donnoit l'un des plus beaux gouvernements de France, y exercer une très-fâcheuse influence.
42: Elle lui avoit donné le gouvernement de Picardie et lui faisoit espérer la lieutenance générale du royaume.
43: Il n'existoit aucune loi qui donnât au parlement de Paris plutôt qu'à tout autre, le droit de procéder à cet acte solennel; et ses prétentions à ce sujet n'étoient pas plus fondées que tant d'autres droits qu'il n'a cessé jusqu'à la fin de s'arroger.
44: Maison de plaisance à peu de distance de Paris.
45: Il avoit pris de l'amour pour une de ses filles d'honneur, la belle de Limeuil; la reine, qui profitoit de tout, favorisoit cette intrigue, espérant le retenir ainsi auprès d'elle, et l'empêcher de reprendre ses anciennes liaisons politiques. Tout ceci n'eut d'autre suite que de perdre mademoiselle de Limeuil, et de la forcer à s'éloigner pour toujours de la cour.
46: Le jeune prince de Béarn, depuis Henri IV, suivoit sa mère dans ce voyage.
47: C'est alors que lui et son frère d'Andelot firent assassiner le seigneur de Charri, afin que rien ne s'opposât au projet qu'ils avoient formé d'enlever le roi.
48: À son retour du concile de Trente, le cardinal, qui avoit obtenu du roi la permission d'avoir des gardes, sous le prétexte très-plausible des embûches que lui dressoient ses ennemis, voulut entrer à Paris au milieu de cet équipage guerrier. Prétextant certains édits du roi qui défendoient de se montrer armé dans cette ville, le duc de Montmorenci, toujours attaché au fond du cœur à l'autre parti, lui fit signifier un ordre de renvoyer son cortége. Le cardinal n'en ayant tenu compte, se vit arrêté dans la rue Saint-Denis par une troupe de soldats, à la tête desquels étoit le duc lui-même; ses gens furent désarmés, et l'un d'eux, voulant faire résistance, fut tué sur la place. Alors le prélat effrayé, et craignant un guet-apens que l'animosité des partis ne rendoit que trop vraisemblable, sauta à bas de son cheval, et s'enfonça dans une boutique, d'où il regagna son hôtel pendant la nuit. Cette affaire auroit eu des suites très-graves, et les deux partis en seroient venus aux mains, si le roi ne se fût hâté d'interposer son autorité.
49: On s'entendit avec le roi d'Espagne, qui faisoit alors passer une armée dans les Pays-Bas; et feignant ensuite de vives alarmes à l'occasion d'un semblable passage de troupes qui alloient côtoyer les frontières de France, la reine fit reconnoître au prince de Condé et aux autres chefs protestants la nécessité de réunir des forces suffisantes pour se défendre, en cas de mauvais desseins de la part de Philippe II. À l'époque où cela se fit, ils n'avoient point encore assez de renseignements sur les projets de la cour pour se méfier de ce stratagème; et le vif désir qu'ils avoient de voir la France se brouiller avec l'Espagne, les en rendit complétement dupes.
50: Le duc d'Albe venoit d'y faire décapiter le comte d'Egmont et le comte de Horn, deux des chefs de la révolution; il manqua le troisième qui étoit le prince d'Orange; et celui-là seul fit plus ensuite que n'auroient fait les trois ensemble.
51: Tel fut le motif apparent et général que l'on présenta; mais on attribue aux chefs diverses vues particulières et bien autrement profondes et perverses: selon quelques-uns, leur projet étoit non-seulement de se saisir de la personne du roi, mais encore de se défaire de lui et de ses deux frères pour mettre la couronne sur la tête du prince de Condé. On ne peut douter du moins que ce prince n'eût formé, à cette époque, le projet de s'emparer du trône: Brantôme assure qu'il avoit fait battre une monnoie d'argent avec cette inscription: Louis XIII, roi de France, témoignage qui est confirmé par celui de l'auteur du Traité historique des monnoies de France, lequel assure avoir vu une de ces médailles. (Voyez le p. Daniel, t. VI in-4o, p. 381).
52: Journal de Brulart, Mém. de Condé, t. 1.
53: Ces troupes allemandes, au nombre de sept mille cavaliers et quatre mille fantassins, leur étoient envoyées par l'électeur palatin Frédéric III, sous la conduite de Jean-Casimir II son fils. Nous verrons reparoître souvent ce prince au milieu de nos dissensions intestines, et à la tête de ces soldats étrangers également funestes à tous les partis.
54: Il étoit à peine âgé de dix-sept ans, et ce fut pour ne pas rétablir la place de connétable, et avec elle, la puissance qu'elle auroit apportée à l'un des chefs du parti catholique, que Catherine donna ce commandement suprême au duc d'Anjou, qui étoit d'ailleurs son enfant de prédilection. Le maréchal de Cossé commandoit sous lui et dirigeoit toutes les opérations.
55: On soupçonna l'Hôpital d'avoir favorisé cette évasion, en révélant le secret du conseil; et ce soupçon, que son penchant pour les opinions nouvelles ne rendent que trop vraisemblable, fut assez fort pour amener enfin l'entière disgrâce de ce personnage. La reine, dont il avoit eu si long-temps toute la confiance et qu'il avoit toujours si malheureusement conseillée, lui ôta les sceaux et l'éloigna de la cour, où il n'auroit jamais dû être appelé.
56: Elle songeoit dès lors à s'emparer de l'Écosse, et préparoit, par ses soins à faire fleurir le commerce, la grande puissance maritime des Anglois. Afin qu'elle réussît dans ce double dessein, il falloit que les puissances qui pouvoient s'y opposer fussent trop occupées chez elles pour penser à lui susciter des obstacles. C'est encore la politique d'Élisabeth qui dirige aujourd'hui le cabinet anglois.
57: Il fut renversé de son cheval, et ne put se relever, parce que, un moment avant le combat, il avoit été blessé à la jambe d'un coup de pied que lui donna le cheval du comte de La Rochefoucauld. Il venoit de se rendre prisonnier au sieur d'Argence, lorsque le baron de Montesquiou, capitaine des gardes suisses du duc d'Anjou, arrivant un moment après, lui cassa la tête d'un coup de pistolet, action que l'on doit mettre au nombre des plus horribles de ces détestables guerres.
58: Personne ne croyoit que cette paix pût être durable; et, comme elle avoit été conclue au nom du roi, par les sieurs de Biron et de Mesmes, dont le premier étoit boiteux et l'autre seigneur de Malassise, on l'appela la paix Boiteuse et Malassise.
59: Après l'avoir ainsi désigné, il est presque inutile de nommer Voltaire: «Mais, dit-il,
«Mais ce que l'avenir aura peine à comprendre,
Ce que vous-même encore à peine vous croirez,
Ces monstres furieux, de carnage altérés,
Excités par la voix des prêtres sanguinaires,
Invoquoient le Seigneur en égorgeant leurs frères;
Et le bras tout souillé du sang des innocents,
Osoient offrir à Dieu cet exécrable encens.»
C'est ainsi qu'il a osé travestir l'histoire d'un bout à l'autre de sa Henriade, que quelques-uns n'ont pas honte d'appeler encore un poëme national; et que l'université, avec son bon sens accoutumé, met encore, chaque année, au nombre des livres qu'elle consacre spécialement à l'instruction de la jeunesse. Or il est vrai de dire qu'il en est peu qui contiennent plus de mensonges et de calomnies, plus d'insinuations perfides, plus de maximes dangereuses, et dont la lecture dût être plus sévèrement défendue aux jeunes gens.
C'est avec la même bonne foi historique, la même probité philosophique et littéraire, qu'aux premiers jours de la révolution, un autre poète, depuis conventionnel et régicide[59-A], eut le courage d'introduire dans une tragédie de sa façon, intitulée Charles IX, le cardinal de Lorraine bénissant les poignards destinés au massacre de la Saint-Barthélemi. Or l'histoire de ces temps-là n'étoit pas moins connue en 1789 qu'elle ne l'est aujourd'hui; et personne ne pouvoit ignorer que le cardinal de Lorraine étoit alors à Rome, et renfermé dans le conclave.
59-A: Marie-Joseph Chénier.
60: Il envoya M. de Schomberg vers les princes protestants d'Allemagne pour faire un traité d'alliance avec eux, et continua en apparence plus vivement que jamais, la négociation déjà entamée pour le mariage d'Élisabeth reine d'Angleterre avec son frère le duc d'Anjou. L'adroite princesse s'en soucioit encore moins que le roi, et feignoit néanmoins d'écouter les propositions qu'on lui faisoit à ce sujet, n'ayant point de plus grand intérêt que de brouiller la France avec l'Espagne.
61: Il lui accorda cinquante gentilshommes pour sa garde; lui rendit ses charges; le fit entrer au conseil; lui fit don de cent mille livres pour son mariage avec la comtesse d'Entremont; lui accorda pendant une année le revenu des bénéfices de son frère le cardinal de Châtillon, qui venoit de mourir en Angleterre. (Mém. de la reine Marguerite.)
62: «L'amiral, dit Bellièvre, menaçoit à tout propos le roi et la reine d'une nouvelle guerre civile, pour peu que Sa Majesté se rendit difficile à lui accorder ses demandes, tout injustes et déraisonnables qu'elles fussent; lorsque le roi ne voulut à son appétit rompre la paix au roi d'Espagne, pour lui faire la guerre en Flandre, il n'eut point de honte de lui dire en plein conseil, et avec une incroyable arrogance, que si Sa Majesté ne vouloit consentir à faire la guerre en Flandre, elle se pouvoit assurer de l'avoir bientôt en France entre ses sujets. Il n'y a pas deux mois que se ressouvenant Sa Majesté d'une telle arrogance disoit à aucuns siens serviteurs entre lesquels j'étois, que, quand il se voyoit ainsi menacé, les cheveux lui dressoient sur la tête.» (Harang. de Bellièv.) Les huguenots, dit Tavannes, ne peuvent oublier le mot qui leur coûta si cher le 24 août 1572: «Faites la guerre aux Espagnols, Sire, ou nous serons contraints de vous la faire.» (Mém., p. 407.)
63: Nous empruntons sur ce fait une autorité qui ne peut sembler suspecte, c'est celle de Voltaire. «Il n'est pas vrai, dit-il, comme le prétend Mézerai, qu'on n'ouvrit point le cerveau de la reine de Navarre. Elle avoit recommandé expressément qu'on visitât avec exactitude cette partie après sa mort. Elle avoit été tourmentée toute sa vie de grandes douleurs de tête, accompagnées de démangeaisons, et avoit ordonné qu'on cherchât soigneusement la cause de ce mal, afin qu'on pût le guérir dans ses enfants, s'ils en étoient atteints. La Chronologie novennaire rapporte formellement que Caillard, son médecin, et Desnœuds, son chirurgien, disséquèrent son cerveau qu'ils trouvèrent très-sain; qu'ils aperçurent seulement de petites bulles d'eau, logées entre le crâne et la pellicule qui enveloppe le cerveau, ce qu'ils jugèrent être la cause des maux de tête dont la reine s'étoit plainte; ils attestèrent d'ailleurs qu'elle étoit morte d'un abcès dans la poitrine. Il est à remarquer que ceux qui l'ouvrirent étoient huguenots, et qu'apparemment ils auroient parlé de poison, s'ils y avoient trouvé quelque vraisemblance. On peut me répondre qu'ils furent gagnés par la cour; mais Desnœuds, chirurgien de Jeanne d'Albret, huguenot passionné, écrivit depuis des libelles contre la cour, ce qu'il n'eût pas fait, s'il se fût vendu à elle; et, dans ses libelles, il ne dit point que Jeanne d'Albret ait été empoisonnée. De plus, il n'est pas croyable qu'une femme aussi habile que Catherine de Médicis eût chargé d'une pareille commission un misérable parfumeur qui avoit, dit-on, l'insolence de s'en vanter.» (Notes de la Henriade, Ch. II.).
64: Ces paroles, que nous citons ici du duc d'Anjou, sont tirées du récit que ce prince fit lui-même à son médecin Miron, de tout ce qui avoit précédé et préparé l'exécution de la Saint-Barthélemi. Il traversoit alors l'Allemagne, où beaucoup de calvinistes françois s'étoient réfugiés après le massacre; ils le poursuivoient à son passage de leurs imprécations; leurs cris furieux lui causoient un trouble qu'il n'avoit point encore éprouvé; et ce fut dans une nuit où les impressions pénibles qu'il en ressentoit l'empêchoient de fermer l'œil, qu'il appela auprès de lui cet homme, que Catherine lui avoit donné, en qui il avoit toute confiance et qui la méritoit. «Je vous fais venir ici, lui dit-il, pour vous faire part de mes inquiétudes et agitations de cette nuit, qui ont troublé mon repos, en repensant à l'exécution de la Saint-Barthélemi, dont possible vous n'avez jamais su la vérité, telle que présentement je veux vous la dire.» Ce récit, auquel nous empruntons un grand nombre de détails précieux, a tous les caractères de la vérité: le prince n'avoit aucun intérêt à tromper Miron; et il n'y raconte rien qui ne soit à son désavantage, puisqu'il s'y déclare le complice, et pour ainsi dire le premier auteur de l'assassinat de l'amiral et de tout ce qui le suivit.
65: Elle étoit veuve du duc de Guise, assassiné devant Orléans.
66: La relation de Miron dit Maurevert; dans tous les autres mémoires du temps, il est appelé Maurevel.
67: Nous suivons ici le récit du P. Daniel. D'Aubigné dit qu'une des balles lui cassa le grand doigt; l'autre balle lui entra dans le bras gauche, suivant M. de Thou; les Mémoires de Villeroy prétendent que ce fut dans le bras droit. C'est ainsi que jusque dans le récit des plus petites circonstances, les historiens de la Saint Barthélemi offrent mille contradictions.
68: Le roi jouoit à la paume quand il apprit cet accident. «N'aurai-je jamais de repos, s'écria-t-il, en jetant sa raquette avec fureur? Verrai-je tous les jours des troubles nouveaux?»
69: Les portes de Paris furent fermées; il y eut des commissaires chargés d'informer; on fit des visites dans toutes les maisons suspectes.
70: Mém. de la reine Marg., p. 32, 1658.
71: Relation de Miron.
72: Ils disoient ouvertement que si le roi ne leur faisoit justice, ils se la feroient eux-mêmes; Pardaillan eut l'inconcevable audace de tenir ce propos au souper de la reine. Le seigneur de Piles alla plus loin: il le répéta au roi en face. «Les paroles indiscrètes, le geste insolent et le front sourcilleux de ce téméraire seigneur, firent frémir le roi et tous les catholiques de la cour.» (Dupleix, t. III, p. 514.)
73: Nous citons ici cet auteur, dont nous rejetons ailleurs le témoignage, parce que le fait qu'il raconte se trouve d'accord avec ce que disent d'autres relations, plus dignes de foi que ce qu'il a recueilli et écrit sur la nuit de la Saint-Barthélemi. «Voilà, ajoute-t-il, comme une résolution prise par force a plus de violence qu'une autre, et comme il ne fait pas bon acharner un peuple: car il est assez prêt plus qu'on ne veut.»
74: C'est ainsi que cette circonstance est racontée par quelques écrivains; d'autres disent qu'au nom du roi, les portes furent ouvertes, et que celui qui en avoit rendu les clefs fut poignardé sur-le-champ.
75: Sur ce point, les mémoires du temps offrent en effet de nombreuses variantes. Selon d'Aubigné, il étoit à genoux, appuyé contre son lit, quand les assassins entrèrent; selon M. de Thou, il étoit debout derrière la porte; un autre veut qu'il fût assis dans son fauteuil en robe de chambre, attendant tranquillement le coup de la mort; le P. Daniel le suppose dans son lit, d'où il lui fait parler à La Besme avec beaucoup de noblesse et de douceur[75-A].
75-A: Voici ce petit discours qui, dans une telle situation, semble bien invraisemblable. «Jeune homme, tu devrois respecter mes cheveux blancs, mais fais ce que tu voudras, tu ne m'abrégeras la vie que de fort peu de jours.»
76: On nomme, parmi ces victimes, Téligni, gendre de l'amiral, Guerchi, lieutenant de sa compagnie de gendarmes, Rouvrai, le marquis de Renel, La Force, Soubise, La Châtaigneraie, Piles, Pontbreton, Pluviaut, Lavardin, Baudiné, Pardaillan, Berni, Francour, Crussol, Lévi, etc. Le roi, qui aimoit le comte de La Rochefoucauld, avoit ordonné qu'on le sauvât, mais, lorsque l'ordre arriva, il avoit déjà été tué. Quelques-uns prétendent que la veille ce prince avoit voulu le retenir au Louvre pour l'arracher au péril dont il étoit menacé; que, n'ayant pu y réussir, il le laissa aller bien qu'à regret, mais n'osant trop insister, de peur de laisser deviner son secret.
77: La reine Marguerite avoit quitté sa mère assez tard, et quelques paroles que lui avoit dites sa sœur, la duchesse de Lorraine, l'avoient jetée dans d'affreux pressentiments. «Soudain je fus en mon cabinet, dit-elle, je me mis à prier Dieu qu'il lui plût de me prendre en sa protection, et qu'il me gardât, sans savoir de quoi ni de qui. Sur cela, le roi mon mari, qui s'étoit mis au lit, me manda que je m'en allasse coucher, ce que je fis, et trouvai son lit entouré de trente ou quarante huguenots que je ne connoissois pas encore: car il y avoit fort peu de temps que j'étois mariée. Toute la nuit ils ne firent que parler de l'accident qui étoit advenu à M. l'amiral, se résolvant, dès qu'il seroit jour, de demander justice au roi de M. de Guise, et que si on ne la leur faisoit, ils se la feroient eux-mêmes..... La nuit se passa de cette façon sans fermer l'œil. Au point du jour, le roi mon mari dit qu'il vouloit aller jouer à la paulme, attendant que le roi Charles fût éveillé, se résolvant soudain de lui demander justice. Il sort de ma chambre et tous ces gentilshommes aussi. Moi, voyant qu'il étoit jour, vaincue du sommeil, je dis à ma nourrice qu'elle fermât la porte pour pouvoir dormir à mon aise. Une heure après, comme j'étois le plus endormie, voici un homme frappant des pieds et des mains à ma porte, et criant: Navarre! Navarre! Ma nourrice pensant que ce fut le roi mon mari, court vitement à la porte. Ce fut un gentilhomme nommé M. de Téjan, qui avoit un coup d'épée dans le coude et un coup de hallebarde dans le bras, et étoit encore poursuivi de quatre archers qui entrèrent tous après lui dans ma chambre. Lui se voulant garantir se jeta dans mon lit. Moi, sentant ces hommes qui me tenoient, je me jette à la ruelle, et lui après moi, me tenant toujours à travers du corps. Je ne connoissois point cet homme, et ne savois s'il venoit là pour m'offenser, ou si les archers en vouloient à lui ou à moi. Nous criions tous deux, et étions aussi effrayés l'un que l'autre. Enfin Dieu voulut que M. de Nançay, capitaine des gardes y vînt, qui me trouvant en cet état-là, encore qu'il y eût de la compassion, ne put se tenir de rire, et se courrouça fort aux archers de cette indiscrétion, les fit sortir, et me donna la vie de ce pauvre homme, qui me tenoit, lequel je fis coucher et panser dans mon cabinet, jusques à tant qu'il fût du tout guéri. En changeant de chemise, parce qu'il m'avoit toute couverte de sang, M. de Nançay me conta ce qui se passoit, et m'assura que le roi mon mari étoit dans la chambre du roi et qu'il n'auroit nul mal; et me faisant jeter un manteau de nuit sur moi, il m'emmena dans la chambre de ma sœur madame de Lorraine, où j'arrivai plus morte que vive, et entrant dans l'antichambre de laquelle les portes étoient toutes ouvertes, un gentilhomme nommé Bourse, se sauvant des archers qui le poursuivoient, fut percé d'un coup de hallebarde à trois pas de moi. Je tombai de l'autre côté presque évanouie entre les bras de M. de Nançay, et je pensois que ce coup nous eût percés tous deux. Et, étant un peu remise, j'entrai en la petite chambre où couchoit ma sœur. Comme j'étois là, M. de Miossans, premier gentilhomme du roi mon mari, et Armagnac, son premier valet de chambre, m'y vinrent trouver pour me prier de leur sauver la vie. Je m'allai jeter à genoux devant le roi et la reine ma mère pour les leur demander; ce qu'enfin ils m'accordèrent.»
78: On fit courir parmi eux le bruit que les huguenots avoient conspiré contre le roi et ses frères, contre la reine et même contre le roi de Navarre. Le Martyrographe des protestants rapporte lui-même que les meurtriers disoient aux passants en leur montrant les corps morts: «Ce sont eux qui ont voulu nous forcer, afin de tuer le roi.» (Hist. des mart. persec. et mis à mort pour la vérité de l'Évang., etc., p. 713, 1582.)
79: Entre autres un maître des requêtes nommé Guillaume Bertrand de Villemont, et Jean Rouillard, chanoine de Notre-Dame, conseiller au parlement.
80: Hist. de France, p. 67, 1581.
81: D'Aubigné, qui a mis tant d'exagération dans le récit de cette affreuse catastrophe, et fait une espèce de roman d'un événement qui n'avoit pas besoin d'ornements mensongers pour être pathétique, d'Aubigné, le plus discrédité des historiens protestants, par son extrême partialité, ne parle qu'à peine de cette carabine de Charles IX, et comme d'un conte populaire auquel il ne croyoit point. M. de Thou n'en dit rien; et sans doute il n'y a pas dans son silence quelque intention de ménager Charles IX, qu'il appelle un enragé. Si le fait étoit vrai, le duc d'Anjou n'auroit pas manqué d'en faire mention dans son récit; puisque c'étoit un moyen de faire retomber sur le roi tout l'odieux d'un massacre dont on l'accusoit lui particulièrement d'être l'auteur; d'ailleurs on a justement observé que la rivière étoit moins couverte en cet endroit de fuyards que de Suisses qui passoient l'eau pour aller achever cette affreuse besogne dans le faubourg Saint-Germain: ainsi le roi auroit tiré sur ses propres troupes, au lieu de tirer sur ceux qu'il appeloit ses ennemis; enfin Brantôme, qui nous avertit qu'alors il n'étoit point à Paris, et que sur tout ce qui s'est passé dans cette nuit fatale, il ne parle que d'après les bruits qu'il a pu recueillir, a soin d'infirmer lui-même son témoignage sur le fait de cette carabine, en nous disant qu'elle ne pouvoit pas porter si loin. (Élog. de Cather. de Médic.)
82: La Popelinière, liv. 29, p. 67.
83: C'est encore sur l'autorité de Brantôme que plusieurs historiens nous représentent Charles IX se rendant en grande pompe à Montfaucon pour y repaître ses yeux de cet horrible spectacle. Cependant les détails mêmes dont on accompagne le récit de cette odieuse promenade, lui ôtent toute apparence de vérité. En effet, on dit que quelques personnes de sa suite s'étant bouché le nez, à cause de l'odeur infecte qu'exhaloit le cadavre, il les en railla, en leur disant que le corps d'un ennemi sent toujours bon. Or il ne paroît pas vraisemblable que le lendemain même de la mort de l'amiral, son corps fût parvenu à un tel degré de putréfaction, qu'au milieu d'une plaine, l'air environnant pût en être infecté; et du reste ce mot est trop visiblement imité du mot atroce de Vitellius sur le champ de bataille de Bédriac, pour ne pas paroître arrangé. Le plagiat est évident; et les calvinistes n'étoient pas assez scrupuleux pour ne pas faire d'un tel mot, en une telle occasion, et à l'égard d'un prince qu'ils avoient en horreur, une application qu'ils croyoient heureuse.
84: Ceci n'est point une simple conjecture que nous hasardons témérairement: nous en trouvons la preuve dans la lettre que le roi écrivit quelques semaines après à M. de Schomberg, son ambassadeur auprès des princes d'Allemagne, lettre qui prouve d'ailleurs à quel point l'amiral lui étoit devenu odieux: «Il avoit plus de puissance, dit ce prince, et étoit mieux obéi de ceux de la nouvelle religion, que je n'étois, ayant moyen par la grande autorité usurpée sur eux, de me les soulever, et de leur faire prendre les armes contre moi, toutes et quantes fois que bon lui sembleroit; ainsi que plusieurs fois il l'a assez montré... de sorte que s'étant arrogé une telle puissance sur mesdits sujets, je ne me pouvois dire roi absolu, mais commandant seulement une des parts de mon royaume. Donc, s'il a plu à Dieu de m'en délivrer, j'ai bien occasion de l'en louer, et bénir le juste châtiment qu'il a fait dudit amiral et de ses complices. Il ne m'a pas été possible de le supporter plus longuement; et je me suis résolu de laisser tirer le cours d'une justice, à la vérité EXTRAORDINAIRE, et autre que je n'aurois voulu, mais telle qu'en semblable personne il étoit nécessaire de la faire.» (Mém. de Villeroy, t. 4.)
85: Aux témoignages si frappants, si décisifs que nous avons déjà cités, il faut joindre ceux de Tavannes, de Brantôme, de Matthieu, et même du protestant La Popelinière. M. de Thou lui-même n'ose adopter la fable monstrueuse et dépourvue de toute vraisemblance qui fait considérer ce massacre comme un projet concerté au voyage de Bayonne. Tout ce qu'il peut faire en faveur d'un parti pour lequel sa partialité est si manifeste, c'est de ne pas entreprendre de la réfuter.
86: C'est à l'abbé de Caveyrac, si effrontément accusé par Voltaire d'avoir fait l'apologie de la Saint-Barthélemi (ce que tant d'autres ont répété après lui, ou sottement, ou malignement, et la plupart sans l'avoir lu), que nous devons sur cette circonstance les recherches les plus exactes et les plus curieuses. Il prouve jusqu'à l'évidence: 1o qu'il y eut deux messages différents, envoyés, à très-peu de distance l'un de l'autre, aux gouverneurs des provinces; le premier immédiatement après la blessure de l'amiral, Charles IX étant encore dans l'erreur sur les véritables auteurs de cet assassinat, et craignant, avec juste raison, qu'il n'excitât la fureur des huguenots contre les catholiques, partout où ceux-ci se trouveroient les plus foibles: dans ce message, il leur rendoit compte de l'événement, et déclaroit que son intention étoit qu'il en fût fait bonne, briève et rigoureuse justice. Dans le second message, parti dans la journée du 24, et toujours avec cette même intention de prévenir les vengeances que les partis pouvoient exercer les uns contre les autres, et surtout de protéger les catholiques dans les villes où les huguenots étoient les plus forts, le roi apprenoit à ces mêmes gouverneurs ce qui s'étoit passé depuis le premier événement; et, le rejetant sur l'ancienne inimitié des deux maisons de Guise et de Châtillon, les exhortoit à prendre toutes mesures nécessaires pour que semblables scènes n'arrivassent point dans leurs gouvernements. 2o. L'abbé de Caveyrac prouve ensuite qu'il n'existe contre l'authenticité de ces deux messages, confirmée par la conduite de tous ces gouverneurs, que deux pièces, la lettre du vicomte d'Ortes, commandant de Bayonne, et celle de la reine à Strozzi, pièces dont il démontre sans réplique l'invraisemblance et la fausseté. 3o. Ce sont les actes mêmes des prétendus martyrs protestants qui lui fournissent la preuve, que les massacres qui eurent lieu dans plusieurs villes et après la nouvelle reçue de celui de Paris, n'eurent d'autre cause que cette haine violente et ces désirs de vengeance dont les catholiques étoient animés contre les protestants pour tant de maux qu'ils en avoient soufferts; à quoi il faut ajouter cette espèce d'anarchie qu'avoit produite une guerre civile si longue et si acharnée, qui faisoit que, dans tout ce qui avoit rapport à ces funestes ressentiments, la voix des chefs n'étoit plus écoutée; assertion que cet écrivain fortifie en faisant voir que ce fut principalement dans les villes qui avoient été le plus maltraitées par les calvinistes que se commirent les meurtres, et surtout en rapportant les dates de ces diverses exécutions, dates si différentes entre elles, qu'elles détruisent jusqu'au moindre soupçon d'un dessein concerté d'avance[86-A]. (Dissert. sur la Saint-Barthélemi, p. XXI et seqq.)
Aux preuves apportées par l'abbé de Caveyrac, il faut joindre un document d'autant plus précieux, que le temps ne nous a conservé qu'un très-petit nombre de monuments de ce genre[86-B]; c'est une de ces lettres de Charles IX, écrites aux gouverneurs de province; elle est adressée à M. de Joyeuse, alors gouverneur général du Languedoc. Dans cette lettre, que nous croyons devoir rapporter tout entière, le roi rappelle celle qu'il a écrite deux jours auparavant à ce même seigneur au sujet de la blessure de l'amiral; et s'il n'y dit pas la vérité sur tous les points, il en manifeste du moins qu'en l'écrivant, son intention est d'arrêter l'effusion du sang.
«M. de Joyeuse, vous avez entendu ce que je vous écrivis avant-hier de la blessure de l'amiral, et que j'étois après à faire tout ce qui m'étoit possible pour la vérification du fait et châtiment des coupables, à quoi il ne s'est rien oublié. Depuis il est advenu que ceux de la maison de Guise, et les autres seigneurs et gentilshommes qui leur adhèrent, et n'ont pas petite part en cette ville, comme chacun sait, ayant su certainement que les amis dudit amiral vouloient poursuivre sur eux la vengeance de cette blessure pour les soupçonner, à cette cause et occasion se sont si fort émus cette nuit passée, qu'entre les uns et les autres a été passée une grande et lamentable sédition, ayant été forcé le corps de garde qui avoit été ordonné à l'entour de la maison dudit amiral, lui tué avec quelques gentilshommes, comme il a été aussi massacré d'autres en plusieurs endroits de la ville. Ce qui a été mené avec une telle furie, qu'il n'a été possible d'y mettre le remède tel qu'on eût pu désirer, ayant eu assez à faire à employer mes gardes et autres forces pour me tenir le plus fort en ce château du Louvre, pour après faire donner ordre par toute la ville à l'apaisement de la sédition, qui est à cette heure amortie, grâce à Dieu: étant advenue par la querelle particulière qui est, de long-temps y a, entre ces deux maisons: de laquelle ayant toujours prévu qu'il succéderoit quelque mauvais effet, j'avois fait ci-devant tout ce qui m'étoit possible pour l'apaiser, ainsi que chacun sait: n'y ayant en ceci rien de la rompure de l'édit de pacification, lequel je veux être entretenu autant que jamais. Et d'autant qu'il est grandement à craindre que telle exécution ne soulève mes sujets les uns contre les autres, et ne se fassent de grands massacres par les villes de mon royaume, en quoi j'aurois un merveilleux regret, je vous prie faire publier et entendre par tous les lieux et endroits de votre gouvernement, que chacun ait à demeurer en repos et se contenir en sa maison, ne prendre les armes, ni s'offenser les uns contre les autres, sur peine de la vie; et faisant garder et soigneusement observer mon édit de pacification: à ces fins, et pour faire punir les contrevenants, et courir sur ceux qui se voudroient émouvoir et contrevenir à ma volonté, vous pouvez, tant de vos amis de mes ordonnances, qu'autres, qui avertissant les capitaines et gouverneurs des villes et châteaux de votre gouvernement, prendre garde à la conservation et sûreté de leurs places, de telle sorte qu'il n'en advienne faute, m'avertissant au plus tôt de l'ordre que vous y aurez donné, et comme toutes choses se passeront en l'étendue de votre gouvernement. Puisse le Créateur vous avoir, M. de Joyeuse, en sa sainte et digne garde. Écrit à Paris, le XXIV août M. V. LXXII. Signé Charles, et au-dessous, Fizier[86-C].»
86-A: Le massacre se fit à Meaux le lundi 25 août, à la Charité le 26, à Orléans le 27, à Saumur et à Angers le 29, à Lyon le 30, à Troyes le 3 septembre, à Bourges le 11 de ce même mois, à Rouen le 17, à Romans le 30, à Toulouse le 23, à Bordeaux le 3 octobre.
86-B: On en trouve deux à peu près pareilles dans les Mém. de l'état de la France, l'une à M. Chabot, gouverneur de Bourgogne, l'autre à Montpezat, sénéchal de Poitou.
86-C: Au dos est écrit: à M. de Joyeuse, cheval. de mon ordre, cons. en mon conseil privé, capitaine de 50 lances, et mon lieut.-gén. en Languedoc.—(Cette lettre est extraite des registres du présidial de Nîmes.)
87: Rien de plus difficile que de déterminer le nombre des personnes qui ont péri, tant le jour de la Saint-Barthélemi, que par suite de ce funeste événement. Il est très-probable que sur ce point aucun historien n'a dit vrai, puisqu'il n'en est pas deux qui s'accordent ensemble dans leurs calculs. Péréfixe dit cent mille; Sully soixante-dix mille; de Thou trente mille ou même un peu moins; La Popelinière plus de vingt mille; le Martyrologe des calvinistes quinze mille; Paprie-Masson près de dix mille.
Auquel s'arrêter de ces calculs si différents entre eux? Chacun de ces historiens affirme sans apporter de preuves. Cependant, parmi eux, le Martyrographe des protestants semble mériter plus d'attention; le but du livre in-folio qu'il a écrit étoit de recueillir les noms, et de conserver la mémoire de tous ceux qui avoient péri pour la cause du pur Évangile: on doit croire qu'il y a mis tous ses soins; il a dû recevoir de toutes parts des documents; et le zèle des uns, la vanité des autres, tous les intérêts communs et particuliers ont dû se réunir pour lui fournir les matériaux les plus nombreux et les plus exacts. Il avoit lui-même le plus grand intérêt à ne rien omettre; et nous pouvons lui supposer quelque propension à exagérer, plutôt qu'à rester au-dessous du vrai. On remarque donc que, parlant en général du nombre des victimes, il le porte à trente mille; entrant ensuite dans un plus grand détail, il n'en trouve que quinze mille cent trente-huit; enfin, quand il faut en venir à les désigner par leurs noms, le dirons-nous? il n'en peut nommer que sept cent quatre-vingt-six. Ce tableau est curieux et mérite d'être mis sous les yeux de nos lecteurs.
Nombre des calvinistes qui ont péri à la Saint-Barthélemi, extrait du Martyrologe des calvinistes, imprimé en 1582.
| NOMS des villes où ils ont été tués. |
NOMBRE DE CEUX | ||
| qui ne sont que désignés. | qui sont nommés. | ||
| En bloc. | En détail. | ||
| À Paris | 10000 | 468 | 152 |
| À Meaux | 225 | 30 | |
| À Troyes | 37 | 37 | |
| À Orléans | 1850 | 156 | |
| À Bourges | 23 | 23 | |
| À la Charité | 20 | 10 | |
| À Lyon | 1800 | 144 | |
| À Saumur et Angers | 26 | 8 | |
| À Romans | 7 | 7 | |
| À Rouen | 600 | 212 | |
| À Toulouse | 306 | » | |
| À Bordeaux | 274 | 7 | |
| ——— | ——— | ||
| 15138 | 786 | ||
Que l'on compare maintenant ce tableau à ce que dit l'ouvrage dont il est extrait; on y trouvera des contradictions qui vont jusqu'à l'absurde. L'auteur suppose en gros dix mille victimes à Paris; au détail il n'en compte plus que quatre cent soixante-huit, et, pour compléter ce nombre, il faut qu'il recueille tous les meurtres commis à la croix du Trahoir, dans la rue Bétizy, où demeuroit l'amiral, aux prisons, dans les maisons du pont Notre-Dame, et généralement dans presque tous les quartiers où s'étendoit le massacre; puis, de tous ces infortunés, il n'en peut nommer que cent cinquante-deux. De cette différence énorme et que rien ne peut expliquer, on a justement conclu qu'il s'étoit trompé d'un zéro dans ses évaluations, et qu'il falloit réduire à 1000 au lieu de 10000 le nombre des mis à mort à Paris, ce qui s'accorde avec le calcul de La Popelinière.
Cette opinion, la seule qui soit vraisemblable, se trouve fortifiée par un compte de l'Hôtel-de-Ville, lequel nous apprend que les prévôts des marchands et échevins avoient fait enterrer les cadavres aux environs de Saint-Cloud, Auteuil et Chaillot, au nombre de onze cents. Or le Martyrologe nous apprend que «les charrettes chargées de corps morts de damoiselles, femmes, filles, hommes et enfants, étoient menées et déchargées à la rivière.» Ces cadavres s'arrêtèrent, partie à une petite île qui étoit alors vis-à-vis le Louvre, partie à celle que l'on nomme aujourd'hui l'île des Cygnes; ce qui mit dans la nécessité de les retirer de l'eau et de les enterrer, pour éviter l'infection qui pouvoit en résulter. Le même écrivain, d'accord avec ce compte, nous apprend qu'on y commit huit fossoyeurs qui y travaillèrent pendant huit jours[87-A]. «Il n'est presque pas possible, observe très-judicieusement l'abbé de Caveyrac, que huit fossoyeurs aient pu enterrer en huit jours onze cents cadavres; il falloit les tirer de l'eau ou du moins du bas de la rivière; il falloit creuser des fosses un peu profondes pour éviter la corruption; le terrain où elles furent faites est très-ferme, souvent pierreux: comment chacun de ces huit hommes auroit-il donc pu enterrer, pour sa part, cent trente-sept corps en huit jours?» Il est difficile de le concevoir; mais, ce qui est beaucoup plus probable, c'est que ces hommes grossiers étoient plutôt intéressés à augmenter le nombre des morts qu'à le diminuer, parce qu'il en pouvoit résulter pour eux un accroissement de salaire; et si ce compte, qui est authentique, peut être soupçonné, dans ses détails, de quelque infidélité, ce seroit plutôt en plus qu'en moins; et nous trouverons ainsi à peu près mille personnes massacrées à Paris, ainsi que La Popelinière l'a écrit[87-B].
Toutes ces observations critiques sont applicables aux autres villes où l'on massacra les protestants; et si l'on veut s'en faire une règle, et toujours en suivant les évaluations et les désignations précises données par le Martyrographe, on trouvera avec l'abbé de Caveyrac qu'il n'est guère possible, en portant ce compte au plus haut, de trouver plus de deux mille victimes dans la France entière, Paris compris.
87-A: Extrait d'un livre des comptes de l'hôtel-de-ville de Paris. «Aux fossoyeurs des Saints-Innocents, vingt livres à eux ordonnées par les prévôts des marchands et échevins par leur mandement du 13 septembre 1572, pour avoir enterré, depuis huit jours, onze cents corps morts, ez environs de Saint-Cloud, Auteuil et Challuau.» Nota. Il y avoit eu un pareil mandement du 9 septembre, pour quinze livres données à compte aux mêmes fossoyeurs.
87-B: De Thou qui en compte deux mille, n'osant pas sans doute aller au delà du double de ce que La Popelinière avoit écrit trente ans après lui, imagine, pour rendre la chose plus croyable, l'anecdote d'un certain Crucé, homme à figure patibulaire, qu'il dit «avoir vu bien des fois se vanter en montrant insolemment son bras nud, que ce bras avoit égorgé ce jour-là plus de quatre cents personnes.» Il y a sur ce récit deux observations à faire: la première, c'est qu'il est physiquement impossible qu'un homme, dans l'espace de quelques heures, ait pu commettre à lui seul quatre cents meurtres sur des individus qu'il falloit aller massacrer les uns après les autres dans leurs maisons, où les assassins se rendoient nécessairement en troupes, dans lesquelles il falloit chercher ceux qui se cachoient, vaincre les résistances que leur opposoit le désespoir de leurs victimes, etc., etc. La seconde, c'est qu'en supposant même la chose possible, si, sur deux mille, cet homme en eût tué quatre cents pour sa part, il n'auroit laissé presque rien à faire à ses compagnons, qu'il faut supposer alors uniquement chargés de se saisir des gens et de les lui amener pour qu'il les expédiât. Cependant tous les historiens ont répété avec l'exactitude la plus scrupuleuse ce conte plus absurde que ceux de l'Ogre et de la Barbe-Bleue.
88: À Orléans, à Valence, à Lyon, à Sainte-Foi et à Nîmes, ils chassèrent l'évêque de son siége, les chanoines de leur église, les religieuses de leurs couvents; s'emparèrent à main armée de la cathédrale, renversèrent les autels, brûlèrent les images, et substituèrent le prêche à la messe.
89: Le baron des Adrets commit à lui seul plus de meurtres que n'auroient pu faire plusieurs Saint-Barthélemi. Cet homme atroce, qui baignoit ses enfants dans le sang (Brantôme, Éloge de Montluc), pour les accoutumer à le répandre, couvrit de ruines et inonda de sang le Lyonnois, le Forets, le Vivarais, l'Auvergne, la Provence, le Languedoc.
On sait qu'à Mornas et à Montbrison il forçoit les prisonniers qu'il avoit faits à sauter du haut d'une tour sur les piques de ses soldats; qu'ayant pris Pierrelatte et Bolène, il détruisit ces deux villes et tous leurs habitants, etc. Ce qu'il commit d'horreurs dans ces provinces ne se peut compter; et si les catholiques usèrent quelquefois aussi cruellement de la victoire, les dates de leurs excès prouvent qu'ils ne faisoient que suivre les exemples de leurs ennemis, forcés qu'ils étoient en quelque sorte par ces barbares d'user de représailles. C'est ainsi que Montluc se vengea à Montmarsan de la capitulation si indignement violée par Montgommery à Navarrins, etc., etc.
90: Ils profanèrent ceux de Jean d'Orléans à Angoulême, de Louis XI à Cléry, de Jeanne de France à Bourges, de François II à Orléans, des Condés à Vendôme.
92: La conspiration d'Amboise et l'affaire de Meaux, Voyez p. 48 et 131.
93: Matthieu, liv. 6.
94: L'abbé de Caveyrac observe ici avec juste raison que si Charles IX voulut forcer le roi de Navarre et le prince de Condé à aller à la messe, ce fut moins pour les attacher à la foi catholique, que pour les détacher du parti huguenot; et ce qui est une dernière preuve que le zèle religieux n'étoit pour rien dans toute cette affaire, c'est que, le premier moment passé, il ne se mit pas fort en peine de leur conversion; en quoi, ajoute-t-il, il fut mauvais politique. En effet, si, après avoir amené ces princes à une abjuration, on eût employé tous les moyens de douceur et de persuasion pour les retenir dans la religion catholique, les calvinistes, qui venoient de perdre leur chef, n'auroient pu le remplacer, et les guerres civiles eussent pris fin.
95: La preuve de cette rébellion non interrompue se trouve dans le journal de sa recette et de sa dépense, produit au conseil du roi et au parlement. On y voit que, sous prétexte de lever de l'argent pour le paiement des reîtres, et malgré les défenses portées dans les édits de pacification, «il levoit et exigeoit sur les sujets du roi qui étoient de la religion, une si grande et énorme somme de deniers, que les pauvres gens en étoient du tout spoliés de leurs facultés.» (Harang. de Bellièvre, pron. à Baden, le 18 décembre 1572). Ses papiers, dont on se saisit après sa mort, contenoient des arrangements et des projets, qui, si la preuve en eût été acquise, auroient été plus que suffisants pour le faire périr sur un échafaud. Le même Bellièvre, que nous venons de citer, disoit aux députés des treize cantons, en parlant de ces papiers: «Je sais où ils sont; le roi les a vus, tout son conseil semblablement, comme aussi sa cour de parlement. Que peut-on dire d'un ordre politique qui a été trouvé parmi leurs papiers, par lequel il a apparu au roi que ledit amiral avoit établi en seize provinces de son royaume, des gouverneurs, des chefs de guerre avec certain nombre de conseillers qui avoient charge de tenir le peuple armé, le mettre ensemble et en armes aux premiers mandements de sa part, auxquels étoit donné pouvoir de lever annuellement, sur les sujets de Sa Majesté, notable somme de deniers.»
96: Ainsi s'expliquent naturellement, simplement et avec une évidence qui doit frapper tous les bons esprits, ces marques publiques de joie que donna la cour de Rome, lorsqu'elle reçut la nouvelle de la Saint-Barthélemi, et que ne cessent de lui reprocher avec une hypocrite indignation, et nos rhéteurs philosophes, et nos philosophes historiens, se plaisant à y trouver une preuve incontestable que l'Église se réjouit du meurtre et des assassinats. De qui le pape reçut-il cette nouvelle, si ce n'est du roi de France lui-même? Que lui mandoit ce monarque, sinon ce qu'il avoit écrit à ses gouverneurs de provinces, ce qu'il déclaroit solennellement dans son parlement, qu'il venoit de déjouer une horrible conspiration, laquelle menaçoit ses jours et ceux de toute sa famille? N'étoit-ce pas de la même manière qu'il présentoit ce grand événement à toutes les cours de la chrétienté? Si on rendit à Rome des actions de grâce solennelles, si Grégoire XIII alla processionnellement de l'église de Saint-Marc à celle de Saint-Louis, s'il indiqua un jubilé, s'il fit frapper une médaille, que signifient tous ces actes, sinon la satisfaction qu'éprouvoit le père des fidèles, de voir le roi très-chrétien échappé à un aussi grand danger? Étoit-il obligé d'en savoir là-dessus plus qu'on ne lui en disoit, plus que n'en savoient Paris, les provinces, la première cour de justice du royaume? Peut-on lui reprocher de n'avoir pas pénétré jusqu'au fond d'un événement passé à trois cents lieues de lui, sur lequel, même après plus de deux siècles de recherches et de controverses, il existe encore tant d'obscurité et de contradictions? Ce n'est pas le tout que d'avoir de la haine, il faut encore avoir le sens commun.
97: Le Vivarais et les Cévennes dépendoient du gouvernement de Nîmes, et à celui de Montauban étoient attribués les pays voisins. Ils établirent aussi des conseils secrets dans les provinces plus éloignées, avec obligation de rendre compte de leurs opérations aux deux conseils principaux.
Il étoit défendu aux particuliers de faire aucune violence; mais, dans les endroits où ils étoient les plus forts, ils eurent ordre de ne point se dessaisir des biens de l'Église qu'ils avoient achetés au commencement de la dernière guerre, de continuer les levées d'argent, telles qu'ils les faisoient avant la paix, et de contraindre les catholiques à en payer leur part.
98: Il attaqua près de Langres un corps de reîtres que conduisoit Thoré, frère du duc de Montmorenci, et le défit entièrement. Ce fut dans cette action qu'il reçut à la joue une blessure dont la marque lui resta toute sa vie, ce qui lui fit donner le surnom de Balafré.
99: Dans l'édit de pacification composé de soixante-trois articles, la liberté entière de conscience étoit accordée aux huguenots, avec l'exercice public de la religion prétendue réformée; cet exercice public étoit sans bornes et sans modification, seulement avec cette exception qu'ils ne le pourroient faire à deux lieues des endroits où se trouveroit la cour, et à deux lieues de Paris. Huit places de sûreté étoient livrées tant aux calvinistes qu'aux politiques; la mémoire de tous les condamnés pour conspiration étoit rétablie, etc., etc.
100: Rom. XIII, 1.
101: Ex quo omnis paternitas in cœlis et in terrâ nominatur.
Eph. III, 15.
102: Tom. II, 2e. part., p. 591.
103: Ibid., p. 596.
104: Tom. II, 2e part., p. 598.
105: Ibid., et p. 1034.
106: Ibid., p. 602.
107: Tom. II, 2e part., p. 877, et p. 8 et 9 de ce vol.
108: Cela fut manifeste, surtout dans la dernière session du concile de Trente, où les ambassadeurs de France menacèrent hautement de se retirer, si l'on osoit toucher à ce qu'ils appeloient les libertés gallicanes; où toutes les affaires de ce royaume étant conduites par des diplomates dont la foi étoit plus que suspecte, il n'est point de dispositions malveillantes et de prétentions hautaines qu'ils ne se plussent à élever contre les actes de cette assemblée vénérable. Il en résulta que, malgré tous les ménagements qu'y mirent le pape et les légats, et la précaution extrême qu'ils eurent de n'attaquer les usurpations du pouvoir temporel sur le Saint-Siége, qu'en exhortant les princes, par les motifs les plus pressants, à procurer l'observation des actes et décrets du saint concile, ces décrets et ces actes furent rejetés en France, en tout ce qui étoit contraire aux libertés de l'église gallicane; et si quelques-uns de ceux qui concernoient la discipline y furent adoptés, parce que l'utilité en étoit démontrée, ils le furent, non comme émanés du concile, mais comme autorisés par les états de Blois, qui s'assemblèrent quelques années après.
109: Voyez t. II, 2e part., p. 1071.
«Arrangez-moi un peu ces feux avec cette protection,» disoit très-judicieusement Brantôme.
110: Voyez p. 9 et 10 de ce vol.
111: Celui de la reine Marguerite de Navarre sa sœur.
112: La Popelinière.
113: Il assistoit à Avignon avec le roi et toute la cour à une procession de pénitents, lorsqu'il lui prit un mal de tête si violent, qu'il fut obligé de se retirer avant la fin de la cérémonie. Il mourut peu de jours après, le 26 décembre 1574, étant à peine âgé de cinquante ans. Le bruit courut qu'il avoit été empoisonné; mais on n'en a aucune preuve. Toujours à la tête des plus grandes affaires de l'Église ou de l'état, dirigé par les mêmes maximes politiques et religieuses que son illustre frère, doué comme lui d'un génie supérieur et d'un fort caractère, il occupe à côté de lui une première place parmi les grands personnages de son temps.
114: Le duc Casimir osa lui demander raison de sa manière d'agir envers les protestants de France, tandis que lui-même et les autres princes allemands réformés persécutoient les catholiques dans leur propre pays; et le roi se vit réduit à lui donner sur ce point les explications les plus humiliantes.
115: Les termes de l'édit étoient ménagés de manière que la religion romaine paroissoit toujours la dominante; mais de sorte aussi que la prétendue réformée ne perdoit aucun avantage solide pour n'être qu'en second. On lui assuroit l'exercice public, avec une liberté plus étendue, mieux spécifiée et moins assujétie à la gêne des anciennes restrictions. Le roi établit ses sectateurs dans tous les priviléges de citoyens, dans le droit aux charges, aux magistratures et autres dignités: il approuva la prise d'armes et tout ce qu'ils avoient fait, comme très-utile à l'état; il leur accorda des juges établis exprès pour eux dans chaque parlement, neuf places de sûreté et des troupes, à condition qu'ils paieroient les dîmes, rendroient les biens d'église usurpés, chômeroient les fêtes extérieurement, et ne choqueroient en rien les catholiques dans leur culte.
116: Damville avoit eu occasion de connoître, dans ses relations avec elle, le génie de cette secte et les projets de ses chefs pour l'établissement d'une espèce de république dans le Bas-Languedoc, sur le plan de celles qu'ils avoient déjà formées à La Rochelle et à Montauban. Ils ne se servoient de leurs liaisons avec lui que pour le trahir et séduire les peuples; après les avoir séduits, s'emparer, en les soulevant, des principales villes, et le chasser de son gouvernement. Il s'en aperçut et rompit sans retour avec eux, mais trop tard: car le calvinisme avoit déjà jeté de profondes racines dans ce pays qui, de bon qu'il étoit, devint un des plus mauvais de toute la France.
117: La plupart y furent introduits par René de Villequier, qui faisoit, auprès du roi, le personnage d'artisan de plaisir.
118: Les deux premiers furent tués en duel. Ce fut à l'entrée de la rue des Tournelles, où aboutissoit alors un des côtés du parc, vis-à-vis de la Bastille, qu'ils se battirent à cinq heures du matin, le 27 avril 1578, avec Livarot, autre mignon du roi, contre d'Entragues, attaché aux Guises, Riberac et Schomberg. Maugiron et Schomberg, qui n'avoient que dix-huit ans, furent tués roides; Riberac mourut le lendemain; Livarot, d'un coup sur la tête, resta six semaines au lit; d'Entragues ne fut que légèrement blessé; Caylus, blessé de dix-neuf coups, languit trente-trois jours, et mourut entre les bras du roi qui, pendant tout ce temps, ne quitta pas le chevet de son lit. «Il avoit promis aux chirurgiens qui le pansoient cent mille francs, en cas qu'il revint en convalescence, et à ce beau mignon cent mille écus, pour lui faire avoir bon courage de guérir. Nonobstant lesquelles promesses il passa de ce monde en l'autre.» Henri n'aimoit pas moins Maugiron «car il les baisa tous deux morts, fit tondre leurs têtes, et emporter et serrer leurs blonds cheveux, ôta à Caylus les pendants de ses oreilles, que lui-même auparavant lui avoit donnés et attachés de sa propre main.» Il soulagea sa douleur en leur faisant faire, dans l'église de Saint-Paul, des obsèques d'une magnificence royale, et en faisant élever des statues sur leurs tombeaux.
Saint-Mégrin, qui avoit une intrigue galante avec la duchesse de Guise, fut assailli, en sortant du Louvre, par vingt ou trente hommes apostés par le duc de Mayenne et le cardinal de Guise. Ils le percèrent de trente-trois coups de poignard, dont il mourut le lendemain. Le roi le fit enterrer à Saint-Paul avec la même pompe et les mêmes cérémonies que Caylus et Maugiron.
119: Il dépensa douze cent mille écus aux noces de Joyeuse, qu'il maria à une sœur de la reine, sans compter quatre cent mille autres qu'il promit de lui payer. Il acheta à La Valette la terre d'Épernon, et lui donna d'avance, en argent, la dot de la femme qu'il lui destinoit.
120: On afficha au Louvre la pasquinade suivante: «Henri, par la grâce de sa mère, inutile roi de France et de Pologne, imaginaire concierge du Louvre, marguillier de Saint-Germain l'Auxerrois, bateleur des églises de Paris, gendre de Colas, goudronneur des collets de sa femme et friseur de ses cheveux, mercier du palais, visiteur d'estuves, gardien des quatre-mendiants, père-conscript des blancs-battus, et protecteur des capucins.»
121: Il avoit épousé en 1575 Louise de Lorraine; fille de Nicolas, comte de Vaudemont, frère puîné du duc de Lorraine.
122: Le prédicateur de la cathédrale nommé, Poncet, appela publiquement une nouvelle confrérie de pénitents, érigée par le roi, la confrérie des hypocrites et athéistes. «Et qu'il ne soit vrai, dit-il en propres mots, j'ai été averti de bon lieu, qu'hier au soir, qui étoit le vendredi de leur procession, la broche tournoit pour le souper de ces gros pénitents, et qu'après avoir mangé le gras chapon, ils eurent pour collation de nuit le petit tendron, qu'on leur tenoit tout prêt. Ah! malheureux hypocrites! vous vous moquez donc de Dieu, sous le masque, et portez, par contenance, un fouet à votre ceinture? Ce n'est pas là, de par D..... où il faudroit le porter: c'est sur votre dos et sur vos épaules, et vous en étriller très-bien; il n'y a pas un de vous qui ne l'ait bien gagné.» Le roi se contenta de reléguer ce prédicateur insolent dans une abbaye qu'il possédoit. Un des mignons (les uns disent d'Épernon, d'autres Joyeuse), voulant se moquer de la disgrâce de Poncet, fut payé de sa raillerie par une réponse qui fut trouvée fort à propos. «Monsieur notre maître, lui dit le mauvais plaisant, on dit que vous faites rire les gens à votre sermon; cela n'est guère bien. Un prédicateur comme vous doit prêcher pour édifier, et non pas pour faire rire.—Monsieur, répondit Poncet sans s'étonner, je veux bien que vous sachiez que je ne prêche que la parole de Dieu, et qu'il ne vient point de gens à mon sermon pour rire, s'ils ne sont méchants et athéistes: et aussi n'en ai-je jamais tant fait rire en ma vie comme vous en avez fait pleurer.» (Journal de Henri III.)
123: C'étoient les ducs de Mayenne, de Nevers, le cardinal de Guise, le baron de Seneçay, Rosni, Menneville, Mandreville et quelques autres. Le duc de Lorraine s'y rendit aussi. Le duc Casimir, qu'ils vouloient détacher du parti du roi de Navarre, y fut invité, et y envoya un agent affidé.
124: La consternation profonde où le plongea cette nouvelle, produisit cet effet singulier que, rêvant, la tête appuyée sur sa main, aux malheurs qui pouvoient résulter pour lui et pour la France d'un tel traité et de ces discordes intestines, la partie de sa moustache qui étoit cachée sous cette main, lui blanchit tout à coup. Son historiographe, Matthieu, rapporte ce fait comme l'ayant entendu lui-même raconter à Henri IV. Liv. 8.
125: L'écrit dans lequel il portoit contre lui cette accusation, avoit été composé par Du Plessis Mornay, et étoit intitulé: Avertissement sur l'intention et but de messieurs de Guise dans la prise des armes. Il fit grand bruit, et le duc de Guise l'ayant reçu y fit des notes, lesquelles furent remises à Pierre d'Espinac, archevêque de Lyon, qui se chargea d'y répondre. Cette réponse est remarquable en ce que, repoussant l'accusation qu'on élevoit contre le duc de Guise, de prétendre à la couronne de France, non-seulement son auteur prouve qu'elle est fausse et calomnieuse, mais il démontre en même-temps la nullité des titres sur lesquels certains mémoires publiés sur ce même sujet, appuyoient les droits de la maison de Guise. Une telle défense faite de l'aveu du duc, et même avec sa coopération, peut faire douter que ses desseins ambitieux fussent tels qu'on les a supposés; et auroit dû rendre plus circonspects des gens que l'esprit de parti a portés à décider d'un ton si tranchant une question au moins indécise, et dans laquelle ceux qui sont d'un avis contraire ont pour nier des raisons meilleures qu'ils n'en ont pour affirmer.
(Mém. du duc de Nevers, t. I.)
126: Les principaux étoient Jean Prévost, curé de Saint-Séverin, Jean Boucher, curé de Saint-Benoît, et Mathieu de Launoy, chanoine de Soissons.
127: On nomme entre autres Acarie, maître des comptes; d'Orléans, Caumont, Ménager, avocats; le sieur de Manœuvre, de la famille des Hennequins; le sieur Deffiat, gentilhomme auvergnat; Jean Pelletier, curé de Saint-Jacques-de-la-Boucherie; Jean Guincestre, curé de Saint-Gervais; Bussy-le-Clerc, Emonet, La Chapelle, Crucé, procureurs; le commissaire Louchard; La Morlière, notaire, Compan, marchand, etc.
128: Mayenne avoit chargé le vicomte d'Aubeterre de garder le passage de la Garonne: celui-ci se laissa surprendre, et le roi de Navarre passa la rivière seulement avec trente personnes. Tout le monde crut alors, dit d'Aubigné, que d'Aubeterre ne s'étoit fait donner ce poste que pour favoriser la retraite de l'illustre fugitif.
129: Il exigea que la disposition de cet argent fût remise aux mains du cardinal de Bourbon, du nonce et de l'évêque de Paris.
130: Ces reproches étoient fondés. Le roi, qui n'avoit point d'autre politique que de tromper tous les partis, étoit convenu avec le baron de Rosni, que le roi de Navarre feroit une levée de vingt mille Suisses protestants, sous la condition que ces Suisses passeroient dans son camp, au moment où il se déclareroit lui-même contre la ligue. (Mém. de Sully.)
131: Il lui marquoit, dans sa lettre, qu'abandonner les Parisiens à la merci du roi, c'étoit s'exposer à perdre les principales villes du royaume qui se hâteroient, voyant la capitale de la France entre ses mains, de demander leur pardon; qu'elles l'obtiendroient, mais que tous les princes de leur maison paieroient ce pardon de leur tête. Il lui prouvoit que si l'on n'avoit point encore attenté à leur vie; c'est que l'occasion avoit manqué, et lui montroit combien il étoit nécessaire de ne traiter qu'avec des sûretés qui les missent à l'abri des vengeances du roi. (Matthieu, liv. 8.) On voit dans cette lettre que la haine impolitique de Henri III contre les Guises avoit poussé les choses à des extrémités d'où il étoit impossible à ceux-ci de revenir.
133: On prétend que la jalousie que le prince de Condé avoit conçue contre lui le força à prendre ce parti, par les divisions qu'elle mit dans son armée; d'autres assurent que ce fut la passion qu'il avoit pour Corisande d'Audouin, comtesse de Guiche, qui lui fit commettre cette faute irréparable. Il ne put résister, dit-on, au plaisir d'aller lui faire hommage de sa victoire, et déposer à ses pieds les drapeaux qu'il avoit pris à la bataille de Coutras.
134: On lui demandoit 1o d'éloigner de lui les personnes suspectes qui lui seroient nommées; 2o de faire publier le concile de Trente; 3o d'établir le tribunal de l'inquisition, du moins dans les principales villes de France, moyen que l'expérience de l'Europe entière avoit prouvé être le plus efficace pour détruire entièrement l'hérésie; 4o de mettre les places de guerre aux mains des chefs de la ligue; 5o de lever une contribution pour les frais de la guerre, dont les catholiques ne seroient point exempts, mais dont le poids devoit principalement tomber sur les huguenots, etc.
135: La lettre étant écrite et renfermée avec la lettre de créance dans un même paquet, elle avoit été donnée à un courrier; mais comme il ne se trouva pas dans le trésor de l'épargne vingt-cinq écus qui étoient nécessaires pour les frais de sa course, le paquet fut mis à la poste.
136: L'auteur de l'Esprit de la Ligue dit ici qu'il fit semblant de ne les avoir pas reçues, et n'en apporte aucune preuve. C'est ainsi qu'il a écrit tout son livre, sans critique et avec un esprit de partialité qui se dénote presque à chaque page.
137: Aujourd'hui l'hôtel de Soubise.
138: Si l'on en croit quelques mémoires du temps, elle avoit déjà reçu un avis à ce sujet avant la conférence. Au moment où elle escaladoit une des barricades, un bourgeois, sous prétexte de l'aider, s'étoit approché de son oreille et lui avoit dit: «que quinze mille hommes étoient prêts à sortir pour investir le Louvre par la campagne.»
139: Cette parole et la surprise du duc de Guise firent croire à un grand nombre que, d'accord avec les Seize, il avoit eu dessein de se rendre maître de la personne du roi. Mais, comme l'observe très-judicieusement le père Daniel, en réfléchissant sur la conduite qu'il avoit tenue dans toute cette entreprise, il semble qu'on en doit juger autrement: car, s'il avoit voulu le faire, il n'eût pas renvoyé au Louvre les Suisses, les gardes-françoises et les autres soldats dont il étoit le maître, après les avoir renfermés dans les barricades; et rien ne lui étoit plus aisé, dans ce moment, que d'investir cette maison royale, et de faire de gros détachements de bourgeois pour se saisir de toutes les avenues. Ce qu'il y a de plus vraisemblable, c'est que son dessein étoit de profiter de la consternation de la cour, et d'obtenir par la voie de la négociation tous les articles du mémoire dressé à Nancy.
140: Ils furent tous choisis parmi les plus déterminés ligueurs. La Chapelle-Marteau fut élu prévôt des marchands.
141: On peut reprocher ici justement au duc de Guise d'avoir fait donner ces places à des hommes de la dernière classe, et sous tous les rapports, indignes de les exercer. Ainsi sont entraînés ceux qui se croient obligés de se servir des factions populaires pour arriver au but même des plus louables desseins.
142: Ils portoient entre leurs mains divers instruments de la passion; l'un d'eux avoit les épaules chargées d'une grande croix[142-A], et représentoit Notre-Seigneur allant au Calvaire. C'étoit une allégorie par laquelle ils vouloient faire entendre au roi que de même que Jésus-Christ avoit pardonné à ses ennemis les outrages qu'il en avoit reçus, de même le roi devoit pardonner aux Parisiens.
142-A: Ce porteur de la croix étoit Henri de Joyeuse, frère du duc tué à la bataille de Coutras. Il s'étoit montré long-temps à la cour et dans les armées; et même on l'avoit compté au nombre des mignons du roi. Depuis la mort de sa femme, Catherine de Nogaret, sœur du duc d'Épernon, il s'étoit converti et étoit entré dans l'ordre des capucins.
143: Il étoit alors seul à la tête du parti protestant, le prince de Condé étant mort cette même année, à Saint-Jean-d'Angeli, à l'âge de trente-cinq ans. Charlotte de La Trimouille, sa femme, fut accusée de l'avoir empoisonné; et ce n'est que sous le règne suivant qu'un arrêt du parlement la déclara innocente de ce crime.
144: Il étoit dit dans cet édit que le roi et tous ses sujets, de quelque qualité qu'ils fussent, feroient serment de se réunir pour l'entière destruction en France de l'hérésie; qu'il ne seroit plus donné aucune place, dans le civil et dans le militaire, qu'aux seuls catholiques; qu'il n'y auroit plus ni ligue ni association autre que celle que légitimoit l'édit d'union, et que ceux qui refuseroient de s'y soumettre, seroient déclarés coupables de lèse-majesté. On stipuloit une amnistie entière pour le passé, et l'adoption du concile de Trente; les places de sûreté données au chef de la ligue restoient encore entre leurs mains pendant dix ans; le roi s'engageoit à mettre sur-le-champ deux armées sur pied pour combattre les huguenots, etc.
145: Les ministres expulsés étoient le chancelier de Chiverni, Bellièvre, surintendant des finances, Brulart, Villeroi et Pinart, secrétaires des finances. Ils furent remplacés par Ruzé, Révol et Montholon, alors avocat au parlement de Paris, qui fut fait garde des sceaux, et qui étoit bien loin de s'y attendre.
146: Il semble cependant que l'avis que donna le duc de Guise, et qui fut celui de la plus grande partie de l'assemblée, étoit le meilleur. Plusieurs membres, et surtout dans l'ordre de la noblesse, vouloient qu'on laissât là toute autre affaire, pour tirer vengeance de cette insulte du duc de Savoie. Le duc et les deux autres ordres pensèrent qu'il étoit bien plus pressant de suivre le grand dessein exprimé dans l'édit d'union et déjà en partie commencé, de mettre fin aux guerres civiles et à l'hérésie, pour en finir ensuite avec un aussi foible ennemi. Mais c'étoient là de ces conseils que le roi ne pouvoit prendre en bonne part, et qu'il étoit même incapable d'entendre.
147: Rien n'est moins prouvé. On sait que le duc de Guise, qui avoit besoin de cette faction turbulente et qui étoit forcé de la ménager, n'étoit pas toujours le maître de l'arrêter dans ses écarts et dans son fanatisme.
148: Cette tendance continuelle des Guises à rétablir en France la suprématie de la cour de Rome si malheureusement détruite par ce que l'on appeloit les libertés gallicanes, est très-remarquable, et suffiroit seule pour prouver la profondeur de leurs vues politiques, et combien étoit éclairé le zèle qu'ils avoient pour la religion. Sans doute en faisant de continuels efforts pour que la France se soumit enfin au concile, ils faisoient une chose agréable au pape; mais c'étoit aussi le bien de l'état et son plus grand bien qu'ils vouloient produire, en le replaçant ainsi dans ses justes rapports avec le chef de la chrétienté. Le duc de Guise trouva en cette circonstance l'opposition la plus invincible dans les parlementaires dont nous avons déjà fait connoître l'esprit, et que nous verrons toujours les mêmes jusqu'à la fin.
149: On l'accusoit d'avoir dit devant plusieurs personnes, en montrant une paire de ciseaux d'or qu'elle portoit à sa ceinture, que le meilleur usage qu'elle espéroit avoir bientôt l'occasion d'en faire, étoit de s'en servir à couper les cheveux à l'indigne prince qui occupoit alors le trône de France; ajoutant qu'après qu'il auroit été renfermé dans un monastère, un autre viendroit qui répareroit tout le mal qu'il avoit fait à l'état et à la religion.
150: Cet avis étoit contenu dans un billet qu'il trouva sous sa serviette en se mettant à table. L'ayant lu, il prit un crayon, écrivit au bas: on n'oseroit, et le jeta sous la table.
151: C'étoient le président de Neuilly, La Chapelle-Marteau, Compan, Cotte-Blanche, etc.
152: Le 5 janvier de cette année.
153: Quelques-uns ont prétendu que le meurtre du duc de Guise avoit été concerté entre elle et son fils; d'autres qu'il ne lui en rendit compte qu'après l'exécution; et qu'alors, sans blâmer ni approuver ce qui venoit d'être fait, et sans en paroître même émue, elle lui demanda seulement s'il avoit prévu les suites d'une telle mort, et s'il avoit bien pourvu à tout; que sur la réponse qu'il lui fit qu'il avoit pris toutes ses mesures, elle lui répliqua: «Je le souhaite, et que tout tourne à votre avantage.» Ce dernier récit est plus vraisemblable. Le roi n'étoit point alors avec elle dans une assez grande intimité pour lui confier de semblables projets; et le discours que l'on prête ici à Catherine est tout-à-fait dans le génie de cette princesse.
154: Mayenne répondit qu'après ce qui s'étoit passé à Blois, il ne pouvoit plus se fier à la parole du roi; et en effet toute réconciliation étoit devenue impossible entre lui et les princes lorrains.
155: Il demandoit que l'on mit en liberté l'archevêque de Lyon et le cardinal de Bourbon; que le concile de Trente fût reçu en France sans aucune modification; que l'inquisition y fût établie; que le roi fît aux hérétiques une guerre à outrance, renonçant à toute alliance ou confédération avec la reine d'Angleterre, les Turcs et les princes protestants d'Allemagne. On ne peut nier que toutes ces demandes ne fussent à la fois salutaires au roi et à la monarchie; nous n'en exceptons pas même l'inquisition, contre laquelle il est facile de répéter d'absurdes déclamations, tandis que l'histoire entière lui rend témoignage, et aujourd'hui plus que jamais; puisque le seul peuple qui l'ait conservée dans l'Europe chrétienne, est aussi le seul qui ait su résister à la force militaire et aux intrigues politiques de la révolution, le seul qui forme encore, au milieu de cette corruption sans exemple, une véritable société.
Il est remarquable que, dans cette négociation au sujet de l'absolution du roi, l'ambassadeur de France menaça le pape du rétablissement de la pragmatique-sanction, que désiroient à la fois les parlements, l'université et une grande partie du clergé; soutenant que, d'après les libertés gallicanes, les rois de France avoient le privilége de ne pouvoir être excommuniés, ce qui revenoit à dire que les papes devoient les reconnoître chrétiens, fussent-ils mahométans, païens, ou même publiquement athées. Telle étoit la marche ordinaire des négociations de la France avec la cour de Rome: dès que celle-ci réclamoit ses droits les plus légitimes, s'il ne plaisoit pas de les reconnoître, on la menaçoit d'un schisme.
156: Il ne le fit que lorsqu'il ne lui fut plus possible de douter de cette alliance du roi avec un prince hérétique. Henri III en fut consterné; c'est alors que le roi de Navarre le pressa de faire le siége de Paris: «Vainquons, lui dit-il, et nous aurons l'absolution; mais si nous sommes battus, nous serons excommuniés, aggravés et réaggravés.» C'est ainsi que devoit parler un protestant; mais l'événement lui prouva à lui-même qu'il ne suffisoit pas d'être victorieux pour obtenir l'absolution, et que la cour de Rome se conduisoit par d'autres maximes.
157: Il se nommoit Edme Bourgoin, et fut depuis condamné au supplice des régicides.
158: Son confesseur lui ayant demandé en quelle disposition il étoit relativement à l'excommunication lancée contre lui par le pape, il répondit: «Je suis le premier fils de l'Église catholique, apostolique et romaine, et veux mourir tel. Je promets devant Dieu et devant vous, que mon désir n'a été et n'est encore que de contenter Sa Sainteté en tout ce qu'elle désire de moi.» Sur quoi il reçut l'absolution.
159: L'édit qu'il donna à ce sujet, portoit qu'il n'y auroit point d'exercice public d'aucune autre religion que de la catholique, excepté dans les lieux actuellement en la possession des huguenots; que l'on ne mettroit que des commandants catholiques dans les villes ou châteaux pris sur l'ennemi; que les charges, dignités, gouvernements des villes ne seroient conférés qu'à des catholiques, etc.
160: Soutenu de ceux de cette faction qui lui étoient dévoués, cet ambassadeur avoit déjà fait, dans le conseil de l'Union, la proposition captieuse de faire déclarer le roi, son maître, protecteur de la France, avec le droit de nommer aux charges et aux dignités du royaume. Mayenne, aidé de Villeroy, de l'archevêque de Lyon et du cardinal de Gondi, eut beaucoup de peine à faire rejeter cette proposition, que les Seize avoient reçue avec beaucoup d'applaudissements, parce qu'elle étoit accompagnée de promesses de secours très-puissants en argent et en soldats. Il n'y parvint qu'en faisant entendre que ce seroit faire un affront au pape que de décider une question de cette importance avant l'arrivée de son légat.
161: Ce fut l'archevêque de Lyon. Il remplaça Montholon.
162: Il mourut le 8 mai de cette année, au château de Fontenay-le-Comte, à l'âge de soixante-huit ans. Ce prince, chef apparent de la ligue, n'acceptoit point le titre de roi que lui donnoient les ligueurs; il avoit toujours aimé Henri IV; et depuis la mort de Henri III, il affectoit de l'appeler toujours, non pas le roi de Navarre, comme faisoient tous ceux du parti de la ligue, mais simplement le roi mon neveu.
163: Il est remarquable que, dans le temps que cette compagnie agissoit avec cette violence, le pape commençoit à écouter favorablement le duc de Luxembourg, député auprès de lui par les princes et par les gentilshommes catholiques qui avoient embrassé le parti du roi.
164: Voy. t. I, ire partie, p. 199 et 205.
Le clergé espagnol nous offre, depuis près de vingt ans, le spectacle de ce grand dévouement, au milieu de la crise la plus terrible que l'ordre social ait jamais éprouvé.
165: Les Capucins, les Feuillants, les Chartreux, etc. Il y avoit aussi dans cette troupe beaucoup d'écoliers.
166: Le légat les ayant rencontrés près du pont Notre-Dame, et ayant fait arrêter son carrosse pour les voir passer, ils crurent devoir le saluer par une décharge de leur mousqueterie. L'un de ces mousquets, que, par inadvertance, on avoit chargé à balle, ayant été tiré trop bas, alla tuer auprès de lui, son secrétaire, ce qui l'empêcha d'assister plus long-temps à ce spectacle.
167: Par un excès de bonté qui, dans cette circonstance, étoit une faute militaire très-grave, lui-même avoit contribué à prolonger la défense des Parisiens en laissant passer, au travers de son camp, une foule considérable de vieillards, de femmes et d'enfants, que le duc de Nemours avoit fait sortir de la ville comme bouches inutiles; ce qu'il fit contre le conseil de la plupart de ses généraux.
168: La porte Saint-Antoine exceptée, parce qu'il n'y avoit alors, de ce côté, que très-peu de maisons où les assiégeants pussent se mettre à couvert.
169: Sans compter les ressources qu'ils tiroient des jardins nombreux dont ces faubourgs étoient entourés, ils faisoient un trafic de vivres avec les officiers même de l'armée, qui recevoient en échange des meubles, de l'argent et d'autres effets de tout genre. Cela se passoit sous les yeux même du roi, qui n'osoit user de sévérité, parce que, ne pouvant les payer, il craignoit d'être abandonné de la plupart d'entre eux, s'il leur enlevoit ce moyen de suppléer à la solde qu'ils ne recevoient point.
170: Un auteur contemporain[170-A] prétend que, dans cette conférence, Henri IV déclara au cardinal et à l'archevêque qu'il étoit résolu de ne jamais changer de religion. Ce fait nous semble peu vraisemblable; il présente une contradiction formelle avec sa conduite et ses discours, dans toutes les occasions où il fut amené, avant sa conversion, à donner une réponse sur ce point important, et le seul qui fût décisif dans cette malheureuse guerre entre les sujets et leur souverain. Jamais il ne dit autre chose sinon qu'il ne pouvoit se résoudre à quitter une religion pour une autre, sans être assuré de la vérité de celle-ci et de la fausseté de celle-là. Ce qui aura induit en erreur cet écrivain, c'est qu'effectivement le duc de Nemours, pour exciter les Parisiens à tout souffrir plutôt que de se rendre, fit répandre ce bruit, et prêta au roi ces paroles d'un hérétique opiniâtrement attaché à son erreur.
170-A: Mém. de la ligue, t. IV.
171: En ce moment le prince Maurice, fils et successeur du prince d'Orange, s'apprêtoit à envahir les places qui tenoient pour les Espagnols, dès qu'il les trouveroit dégarnies de troupes; et les Hollandois, agissant de concert avec le roi, croisoient avec un grand nombre de vaisseaux devant les côtes de la Normandie, pour empêcher les ligueurs de rien entreprendre sur cette province. Il ne sembloit pas vraisemblable que le duc de Parme se hasardât à quitter les Pays-Bas dans une circonstance aussi critique, et Henri en étoit persuadé.
172: Il avoit douze mille hommes d'infanterie et trois mille de cavalerie: c'étoit, pour cette époque, une armée considérable. Ce n'est que depuis deux siècles que, dans la chrétienté, on fait manœuvrer des populations entières, comme faisoient autrefois les peuples barbares.
173: La plupart des soldats étoient presque nus; faute d'argent, il ne les pouvoit payer, et le manque de vivres étoit tel dans l'armée, que, deux jours avant la prise de Lagni, le roi n'ayant pas de quoi dîner, en alla chercher dans la tente du sieur d'O, qui s'en trouva beaucoup plus mortifié qu'il ne s'en tint honoré, car il se trouva que sa table étoit très-bien servie, alors que son maître manquoit de tout. (D'Aubigné, t. III, liv. III, c. 8.)
174: La plupart ne l'avoient suivi que sur l'espérance qu'il leur avoit donné de son changement de religion. Ne voyant point cette espérance se réaliser, ils crurent leur conscience engagée à rester plus long-temps avec lui, et plusieurs s'en allèrent alors sans même demander congé.
175: L'avocat étoit un Anglois nommé Guillaume Balden; le libraire se nommoit Jean Nivelle. Ce nom a été depuis célèbre dans la librairie.
176: La province presque entière repoussoit un roi hérétique; et avec de telles dispositions, il eût été difficile d'y former, en faveur de Henri IV, un parti assez considérable pour contenir les autres. Le maréchal de Matignon, rappelant avec beaucoup d'adresse au parlement, cette promesse que le roi de Navarre avoit faite de s'instruire et de se convertir s'il étoit persuadé, ce qui demandoit un certain temps, lui fit voir que le meilleur parti à prendre étoit de faire observer inviolablement les anciens édits des rois précédents, relatifs à la conservation de la religion catholique; et relativement au roi, de ne se prononcer ni pour ni contre lui, jusqu'à ce que lui-même eût fait connoître ses dernières décisions sur ce point important de la religion.
177: Le duc de Mercœur avoit épousé Marie de Luxembourg, héritière de la maison de Penthièvre, et qui par conséquent descendoit des anciens ducs de Bretagne; de là le droit qu'il prétendoit avoir à s'y faire souverain; le roi d'Espagne établissoit le sien sur ce qu'il avoit une fille d'Élisabeth de France, fille de Henri II, héritière, disoit-il, de ses trois derniers frères, surtout à l'égard de la Bretagne. Voilà comment les princes chrétiens en agissoient entre eux, lorsque l'existence même de la société chrétienne étoit menacée.
178: Il ne lui succéda point immédiatement; entre ces deux règnes, il faut compter celui d'Urbain VII, qui ne dura que treize jours.
179: Cette entreprise manquée fut nommée la Journée aux farines; et il fut ordonné que tous les ans on feroit une fête pour la célébrer. Depuis la journée des barricades, c'étoit la cinquième de ce genre que l'on avoit instituée à Paris.
180: Il étoit si mal instruit par ses ministres, et avoit des idées si étranges sur l'état des affaires en France, que, ne doutant point que ce royaume ne fût avant peu de temps entièrement à lui, il lui échappoit à tous moments de dire, dans ses entretiens avec Jeannin, «ma ville de Paris, ma ville de Rouen, ma ville d'Orléans, et autres choses semblables.» (Dupleix, Histoire de Henri IV.)
181: Celui qui avoit été tué à la bataille de Jarnac.
182: Ce fut une lettre interceptée qui lui en donna connoissance. Le cardinal de Bourbon étoit alors à Tours. Le roi dissimula, et sous prétexte de réunir tous les membres de son conseil, envoya l'ordre à ce prince de se rendre auprès de lui. Celui-ci, dont les mesures n'étoient pas encore entièrement prises, n'osa pas désobéir. Henri, l'ayant en sa puissance, prit ses précautions pour qu'il ne lui échappât pas, et ne donna pas d'autres suites à cette affaire.
183: Cette accusation s'éleva à l'occasion d'un procureur de la ville nommé Brigard, que l'on accusoit d'être d'intelligence avec le roi. Il avoit été absous par le parlement, que présidoit alors Brisson. On a vu que quand le parlement s'étoit dispersé, après l'attentat de Bussi-Leclerc, ce magistrat s'étoit laissé mettre à la tête des membres qui restèrent à Paris: il continua de s'y conduire suivant les règles d'une exacte probité, ne souffrant pas que l'on procédât autrement que selon les formes juridiques. C'est ce qui sauva Brigard, que Brisson renvoya absous, parce qu'il ne le trouva pas suffisamment convaincu.
184: Plusieurs autres magistrats et officiers avoient été arrêtés en même temps; et peu s'en fallut qu'ils ne subissent le même sort. Ils se rachetèrent à prix d'argent.
185: Il alla se réfugier à Bruxelles, où il vécut misérablement, ayant été obligé de se faire prévôt de salle pour gagner sa vie.
186: Qu'on suive avec attention le cours de tant d'événements si variés que produit cette guerre, de tant d'intérêts et de passions qui naissent de ces événements, tout vient aboutir là, et sans cesse et sans aucune restriction. Il faut un roi catholique à la France, parce que la France est, avant toutes choses, catholique; qu'avant d'appartenir à un homme, quels que soient les droits qu'il tienne de sa race, quelque grandes d'ailleurs que soient ses qualités, elle appartient à Dieu. Certes, c'est là, quoi qu'on en puisse dire, une époque honorable pour une nation; et à moins qu'on ne nous prouve que les nations ne doivent point avoir de conscience, nous continuerons d'approuver et le principe de la ligue et la plupart de ses résultats.
187: Il ne vouloit pas même exclure les ministres d'Espagne de cette assemblée; mais il se faisoit fort d'y faire rejeter les prétentions de l'infante d'Espagne.
188: Il y perdit la vie, s'étant noyé dans la déroute, en voulant passer le Tarn à la nage. C'est alors que son frère, Ange de Joyeuse, quitta l'habit de capucin, et d'après une dispense qu'il reçut du pape, reprit le casque, la cuirasse, et succéda au titre de duc de Joyeuse.
189: Il fut tué au siége de la petite ville de Roquebrune.
190: Il n'avoit point encore oublié le mauvais service que ce seigneur lui avoit rendu, en quittant l'armée immédiatement après la mort du feu roi, et ne croyoit pas d'ailleurs pouvoir entièrement compter sur lui. Mais ayant appris que les capitaines gascons de l'armée de Provence disoient hautement que si on le leur refusoit, ils se rangeroient au parti de la ligue, et livreroient leurs places au duc de Savoie, ce fut une nécessité pour lui de le nommer.
191: Il ne le pouvoit sans le concours des Espagnols; et il étoit évident que ceux-ci le lui auroient refusé, puisque étant marié, il n'y avoit aucun moyen pour lui d'épouser l'infante.
192: Le duc de Parme venoit de mourir; et cette mort fut l'événement le plus fâcheux qui pouvoit arriver au roi d'Espagne pour le succès de ses desseins sur la France. Les troupes se désorganisèrent, l'autorité du gouverneur qui lui succéda fut long-temps contestée par les grands; et cela arriva dans le moment où il eût été nécessaire de frapper les coups les plus décisifs.
193: La première chose que proposa le comte de Feria fut l'abolition de la loi salique, afin de détruire le seul obstacle qui, selon lui, pouvoit s'opposer à l'élection de l'infante Isabelle, comme reine de France. Dans toute cette conférence, il fit voir combien son maître et lui étoient ignorants de la situation des choses en France, s'étant persuadés qu'ils pouvoient tout emporter avec une poignée d'hommes et presque sans argent.
194: Le légat ne présentoit ici que sa propre opinion, comme partisan des Espagnols, et non point celle de sa cour: car l'archevêque de Lyon lui ferma la bouche sur ce sujet, en lui disant qu'on avoit remis à la prudence du pape le choix des moyens propres à rendre la tranquillité à la France, et que l'on ignoroit encore quelles étoient ses intentions.
195: La crainte de passer à la cour de Rome pour être entièrement dévoué à la faction espagnole, et pour s'être fait un homme de parti, détermina le légat à y donner son consentement; et c'est ainsi que nous le verrons agir jusqu'à la fin, prouvant par toute sa conduite qu'il n'avoit reçu de sa cour d'autres instructions que celles qui concernoient en général l'intérêt de la religion.
197: Il leur dit, entre autres choses, que, quand bien même il se seroit fait catholique immédiatement après la mort de Henri III, son changement de religion n'eût point donné la paix à l'État; que les huguenots l'auroient abandonné pour chercher un autre chef; que les forces de la ligue étoient alors trop grandes, pour qu'il pût se soutenir contre elles sans leur assistance; que le parti catholique n'eût point fait la paix, malgré sa conversion, parce qu'il étoit alors trop animé à la guerre, etc. Toutes ces raisons peuvent paroître foibles; on y voit que Henri ne supposoit que des motifs politiques aux ligueurs, ce que tant d'autres ont supposé de même après lui; et cependant la suite des événements a prouvé et prouvera jusqu'à la fin que les motifs religieux étoient les plus puissants.
198: Henri venoit d'assigner une somme considérable pour l'entretien des colléges où la jeunesse calviniste faisoit ses études, et pour celui des ministres qui les dirigeoient.
199: La vérité est que les Espagnols n'avoient ni assez de troupes, ni assez d'argent pour se faire un parti prépondérant dans la ligue, et exécuter les grands desseins qu'ils s'étoient proposés. Philippe II, dans toute cette guerre, ne prit que des fausses mesures, parce qu'il ne reçut jamais sur le véritable état des choses que de faux renseignements. C'est à quoi sont exposés les princes qui prétendent conduire, à l'extérieur, de grandes affaires, sans sortir de leur cabinet.
200: En cela le légat ne faisoit rien qu'il ne dût faire: jusqu'à ce que le roi eût été absous par le pape, à qui seul il appartenoit de le relever des censures qu'il avoit encourues, son abjuration étoit nulle et de nul effet. C'est une condition essentielle pour celui qui rentre dans le sein de l'église catholique, de reconnoître avant tout, l'autorité de son chef, le mépris de cette autorité étant la principale source de toute hérésie.
201: Ces députés étoient le cardinal de Gondi, évêque de Paris, et le duc de Nevers.
202: Les députés des provinces y mirent toutefois cette restriction: «Que si aux immunités et franchises du royaume il y avoit quelque chose qui méritât d'être entretenue, Sa Sainteté étant requise d'y pourvoir, il n'y feroit aucune difficulté.» Ce fut cette restriction qui, dans la suite, rendit cette réception du concile de nul effet dans le royaume. Rien ne pouvoit arracher des esprits ces malheureux préjugés au moyen desquels il étoit établi en France qu'il y avoit une église gallicane, laquelle avoit droit d'être gouvernée autrement que les autres églises, et pour laquelle n'étoient pas faites les lois de l'église universelle.
203: Sans doute le pape n'ignoroit point que Philippe II avoit plutôt consulté son ambition que son zèle religieux, dans les secours qu'il avoit donnés en France au parti catholique; mais enfin, quels que fussent ses motifs, il n'en est pas moins certain que, sans lui, le calvinisme auroit triomphé en France, qu'il étoit l'instrument dont Dieu s'étoit servi pour empêcher un aussi grand malheur, et le seul souverain de la chrétienté sur qui l'Église pût alors compter dans ce péril extrême où la réduisoit la plus dangereuse de toutes les hérésies. Il lui devoit donc les plus grands ménagements; et cette considération, jointe à celles que nous avons déjà présentées, lui faisoit un devoir de ne rien précipiter.
204: Une lettre interceptée du légal l'avoit mis au fait de cette intrigue nouvelle. Le roi la montra à Villeroy, qui négocioit auprès de lui pour le duc; et Villeroy la fit voir à son tour à Mayenne. Celui-ci allégua pour s'excuser qu'il n'avoit point eu d'autre moyen d'empêcher l'élection d'un nouveau roi, et ajouta beaucoup d'autres raisons assez spécieuses pour que le roi consentît enfin à prolonger la trève.
205: D'autres papiers, interceptés peu de temps après, lui apprirent que le duc avoit envoyé un de ses agents à la cour d'Espagne pour y proposer le mariage de son fils aîné avec l'infante, la condition de ce mariage devant être de les placer tous les deux sur le trône de France.
206: Le 27 février.
207: Lorsque le comte de Feria et les autres seigneurs espagnols passèrent devant lui, le roi leur rendit le salut avec beaucoup d'affabilité, et leur dit en riant: «Messieurs, recommandez-moi à votre maître; mais n'y revenez plus.»
208: Ces scrupules, pour quelques-uns d'entre eux, venoient de ce que le roi n'avoit point encore reçu l'absolution du pape; mais tous étoient loin de les partager: car l'université entière s'étant assemblée, peu de jours après, au collége de Navarre, il y fut arrêté que «S. Paul assurant que toute puissance vient de Dieu, on ne pouvoit, sans résister aux ordres de Dieu et sans encourir la damnation, résister à la puissance du roi.» Ainsi les mêmes docteurs qui avoient décidé quelque temps auparavant, qu'on ne pourroit reconnoître un roi hérétique, fût-il même absous par le pape, décidoient aujourd'hui que sa puissance venant de Dieu, elle étoit indépendante de la puissance religieuse, comme si cette autre puissance ne venoit point aussi de Dieu. C'étoit là ce qu'on appeloit les libertés gallicanes. Telle étoit la puissante manière de raisonner qu'elles inspiroient à leurs défenseurs.
209: L'expulsion des jésuites t. I. première part, p. 228.
210: Voyez t. I, première partie, pag. 244.
211: Le duc de Guise.
212: On sait que ce seigneur, l'un des hommes les plus follement orgueilleux qui aient jamais existé; convaincu de sa trahison après avoir opiniâtrement refusé de l'avouer au roi qui lui en offroit en même temps le pardon, fut condamné à avoir la tête tranchée, et subit son supplice dans une des cours de la Bastille le 31 juillet 1602.
213: Lecture faite dans l'assemblée du brevet qui leur permettoit de s'assembler, ils déclarèrent que «c'étoit sans s'y lier et s'astreindre, et sans préjudicier en aucune façon à la liberté de leurs églises, de se pouvoir assembler sans telles et semblables lettres.» (Procès-verbal de l'assemblée de Saumur tenue en 1597, tom. 1.)
214: Il fut résolu, dans cette même assemblée «qu'on arrêteroit les deniers du roi dans les mains des receveurs; et que là où il n'y auroit ni élection ni recette, on établiroit des péages et des impositions sur les rivières, ou ailleurs.» (Ibid. et procès-verbal de l'assemblée de Loudun. Année 1596, tom. 1.)
215: Quelques efforts qu'il pût faire auprès d'eux, lors de la prise d'Amiens, il n'en put rien obtenir; ils demeurèrent inébranlables dans toutes leurs demandes. «Les ayant obtenues, disoient-ils, nous protestons de nous contenter, comme aussi nous protestons de ne jamais consentir d'en être privés.» (Lettres du 19 mars. MM. SS. t. 4.) Dans une autre circonstance ils osèrent lui déclarer «que s'il pouvoit être induit et conduit à des résolutions contraires à leurs prétentions, ils seroient obligés d'avoir recours à une nécessaire défense; qu'ils espèrent que Sa Majesté, ayant le tout bien considéré, saura bien prendre le chemin qu'il conviendra pour ne tomber en ces inconvénients.» (Lettre du 12 mars 1597. Procès-verbal de l'assemblée de Chatell. t. 2.)
216: «Madame de Rohan n'avoit pas trouvé au-dessus de sa dignité, dit Sully, de briguer auprès des particuliers pour y faire agréer, à la pluralité des voix, qu'on prît les armes et qu'on forçât le roi à recevoir les conditions qu'on prétendoit lui prescrire. D'Aubigné osa soutenir dans les assemblées qu'on ne devoit plus prendre confiance en ce prince, que la nécessité forçoit seule à avoir recours à eux et à les ménager... qu'il ne restoit donc plus qu'à profiter de l'embarras pendant un siége pénible (le siége d'Amiens), de la disette d'argent où il étoit, du besoin qu'il avoit d'eux... pour obtenir par la force ce que Henri IV refuseroit ensuite de leur accorder.» (Mém. de Sully.) Ainsi fut obtenu l'Édit de Nantes.
217: Ils devoient, en vertu de cet édit, remettre au bout de huit ans leurs places de sûreté au roi: ce terme écoulé, ils refusèrent de les rendre. Même refus de restituer aux catholiques les églises qu'ils avoient usurpées sur eux; il fallut que l'autorité suprême s'en mêlât; des dispositions formelles de cet édit leur défendoient de s'assembler à l'insu de la cour; ils ne cessèrent pas un seul instant de tenir des assemblées secrètes, etc., etc.
218: La manière dont il sut comprendre ce qu'étoient les jésuites, l'excellence de leurs institutions et le bien que la France en pouvoit retirer, suffiroit seule pour prouver qu'il avoit sur le gouvernement d'une société chrétienne des idées fort au-dessus de la plupart de ses ministres et de tous ceux qui se mêloient de le conseiller. (Voy., t. 1, p. 247, 248.)
219: On peut lui reprocher encore d'avoir détruit tout l'effet de ses mesures prohibitives à l'égard des duels, les encourageant par ses discours en même temps qu'il les défendoit par ses ordonnances. Aussi ce désordre continua-t-il d'être grand sous son règne, et il y contribua autant qu'il étoit en lui.
220: Deux jacobins de Flandre avoient résolu de l'assassiner lorsqu'il n'avoit pas encore reçu l'absolution du pape, et vinrent plusieurs fois en France pour exécuter ce qu'ils avoient projeté, sans en avoir pu trouver l'occasion. Tous les deux furent punis du dernier supplice. Le même crime fut encore médité par un frère lai sorti des capucins de Milan. Il fut arrêté sur l'avis qu'on en reçut, et également puni de mort.
221: «Le lendemain du sacre[221-A], quatorzième jour de mai, le roi sortit du Louvre sur les quatre heures pour aller à l'Arsenal visiter Sully qui étoit indisposé, et pour voir en passant les apprêts qui se faisoient sur le pont Notre-Dame et à l'Hôtel-de-Ville pour la réception de la reine. Il étoit au fond de son carrosse, ayant le duc d'Épernon à son côté; le duc de Montbazon, le maréchal de Lavardin, Roquelaure, La Force, Mirabeau et Liancourt, premier écuyer, étoient au-devant et aux portières. Son carrosse, entrant de la rue Saint-Honoré dans celle de la Ferronnerie, trouva à la droite une charrette chargée de vin, et à la gauche une autre chargée de foin, lesquelles faisant embarras, il fut contraint de s'arrêter, car la rue est fort étroite à cause des boutiques qui sont bâties contre la muraille du cimetière Saint-Innocent. Le roi Henri II avoit autrefois ordonné qu'elles fussent abattues, pour rendre ce passage-là plus libre; mais cela ne s'étoit point exécuté. Les valets de pied étant passés sous les charniers de Saint-Innocent, pour éviter l'embarras, et n'y ayant personne autour du carrosse, le scélérat qui depuis long-temps suivoit opiniâtrement le roi pour faire son coup, remarqua le côté où il étoit, se coula entre les boutiques et le carrosse, et, mettant un pied sur un des rais de la roue et l'autre sur une borne, d'une résolution enragée, lui porta un coup de couteau entre la seconde et la troisième côte, un peu au-dessus du cœur. À ce coup le roi s'écria: Je suis blessé. Mais le méchant, sans s'effrayer, redoubla, et le frappa dans le cœur, dont il mourut tout à l'heure, sans avoir pu jeter qu'un grand soupir. L'assassin étoit si assuré, qu'il donna encore un troisième coup, qui ne porta que dans la manche du duc de Montbazon. Après cela il ne se soucia point de s'enfuir ni de cacher son couteau; mais se tint là comme pour se faire voir et pour se glorifier d'un si bel exploit.» (Péréfixe.)
221-A: Il s'agit ici du couronnement de la reine Marie de Médicis, que le roi avoit fait faire avec beaucoup de pompe dans l'église de Saint-Denis, parce qu'il avoit résolu de lui laisser la régence du royaume pendant la grande expédition qu'il projetoit et dont tous les préparatifs étoient achevés. L'entrée solennelle de la reine dans Paris devoit avoir lieu le dimanche suivant.
222: Voyez pl. 147.
223: Pour bien entendre cette inscription il faut savoir que Louis XIV avoit supprimé un impôt établi sur les marchandises qui arrivoient de ce côté à Paris, et que ce fut en reconnoissance de ce bienfait que l'on résolut l'érection du monument.
224: Voyez pl. 137.
225: Dubreul, p. 771.
226: Vie de S. Vinc. de P., p. 115.
227: Voyez ses Mémoires, tome Ier.
228: D'ailleurs Lacaille s'est encore trompé en disant qu'en 1665 les filles Sainte-Geneviève s'établirent rue de la Tournelle. Les autres historiens de Paris ne les y placent qu'en 1670. Mais cette date elle-même est-elle certaine? ou du moins la doit-on considérer comme celle de l'établissement légal? c'est ce qu'il est difficile de concilier avec les titres et les lettres-patentes. Il est vrai, ainsi que le disent ces historiens, qu'en 1670 madame de Miramion acheta, sur le quai de la Tournelle, une grande maison, qu'un riche partisan nommé Martin avoit fait bâtir, et qu'elle en acquit encore une autre voisine, soit qu'elle eût conçu le dessein d'y établir à demeure sa communauté, ou simplement de les lui laisser par la suite. Mais il est également certain, 1o qu'il n'est point fait mention de cette communauté sur les plans de Jouvin en 1673, et de Bullet en 1676; 2o que l'acquisition de la maison qu'occupoient les Miramiones n'est que du 26 juin 1691; 3o que dans l'énoncé des lettres-patentes du mois d'août 1693, qui confirment leur établissement, elles exposent au roi, «qu'encore que par les lettres-patentes du mois de juillet 1661 et mai 1674, Sa Majesté ait confirmé leur établissement, elles n'ont point été en état d'acquérir une maison propre à loger une communauté; qu'elles ont été obligées de demeurer dans des maisons qu'elles ont tenues à loyer..... mais qu'elles ont depuis peu acquis une maison sur le quai de la Tournelle, de M. de Nesmond, évêque de Bayeux, et de madame de Miramion, moyennant 80,000 fr., par contrat du 26 juin 1691, et une autre maison joignant la précédente, par autre contrat du 26 juin 1693. Qu'outre ce ladite dame de Miramion leur a donné deux maisons réunies en une seule, situées sur ledit quai..... afin de la faire servir aux exercices des retraites d'un grand nombre de filles et de femmes de toutes qualités.» Ces lettres furent enregistrées au parlement le 7 septembre de la même année et à la chambre des comptes le 30 juin 1696. (Jaillot.)
229: Cette maison a été rétablie depuis quelques années.
230: Voyez t. II, 2e part., p. 974.
231: Hist. de Par., t. 5, p. 190.
232: Voyez à la fin de ce quartier l'article Monuments nouveaux.
233: Tom. II, cap. 4, p. 416.
234: Ibid., t. I, p. 510.
235: Hist. de Par., t. I, p. 309.—Pigan., t. V, p. 330.—Dubois, t. II, p. 436.—La Barre, t. V, p. 220.
236: Corrozet, fo 122.—Sauval, t. 1, p. 436 et 621.
237: Tom. II, p. 555 et 559.
238: Nous parlerons de cet acte à l'article de Saint-Nicolas du Chardonnet, et nous prouverons qu'il concerne cette église et non la maison des Bernardins.
239: Tom. IV, cap. 6, p. 296.
240: Quart. de la place Maubert, t. V, p. 12.
241: Tom. II, p. 491.
242: Trés. des chart., Mélanges, fo 69.
243: Voy. pl. 138.
244: Ce mausolée, déposé pendant la révolution aux Petits-Augustins, offre le buste du ministre-prélat et une table contenant son épitaphe. Cette table est couronnée d'un fronton que soutiennent deux figures, représentant l'une la ville de Marseille, l'autre celle de Lisieux. C'est un ouvrage très-médiocre.
245: L'église et le monastère ont été détruits.
246: L'abbé Lebœuf, sur la foi de l'étiquette de l'acte de vente, s'est cru autorisé à dire que cette chapelle appartenoit aux Bernardins. S'il s'étoit donné la peine de lire l'acte même, il auroit facilement reconnu que cette chapelle, que Guillaume III fit bâtir au Chardonnet en 1230, n'a pu avoir d'autre destination que celle que nous lui donnons, c'est-à-dire que ce fut simplement une fondation pieuse, telle qu'on en faisoit si souvent dans ces temps-là, à laquelle on joignoit ordinairement une maison pour servir de logement au prêtre chargé de la desservir. (Voyez du Boulai et Jaillot.)
247: Tom. I, p. 283.
248: Quart. de la place Maubert, p. 144.
249: Ibid. L'auteur des Tablettes de Paris s'est trompé, dans le sens contraire, en indiquant cette église comme une chapelle bâtie en 1247, et érigée en paroisse en 1300.
250: Voy. pl. 148.
251: Ce tableau jouissoit d'une grande réputation. Nous ignorons s'il existe encore; mais il est certain qu'on ne le trouve point dans la collection du Musée Français, où sont réunis les meilleurs tableaux des églises de Paris.
252: Rien de plus médiocre que ce monument. Les deux figures d'Anguier n'ont aucun caractère; le saint Jérôme de Girardon est ignoble et d'une grande mollesse d'exécution. (Déposé aux Petits-Augustins.)
253: Ce buste se voyoit aux Petits-Augustins.
254: Cette dame y est représentée soulevant la pierre de son tombeau, et élevant les yeux vers un ange qui sonne de la trompette. Le monument entier est bien au-dessous de sa renommée: la figure de la femme ne manque pas d'une certaine vérité d'exécution, surtout dans les bras et dans les mains; mais les formes en sont mesquines, l'expression vague et sans noblesse, la draperie lourde et sans vérité. L'ange, également dépourvu de style et de beauté, entouré d'une draperie chiffonnée et du plus mauvais goût, nous semble encore plus médiocre. Cette dernière figure n'est qu'en stuc; tout le reste du monument est en marbre. (Déposé dans le même Musée.)
255: Son buste, placé sur un piédouche, est porté par un soubassement qui renferme son épitaphe, et surmonté d'une pyramide. Sur un socle placé à la base du monument, sont assises deux figures en bas-relief, de grandeur de nature, dont l'une, qui représente la Piété, a les yeux tournés vers le buste, tandis que l'autre, dont les attributs indiquent la Peinture, baisse la tête, et semble pleurer la mort de ce grand artiste. Ces deux figures, sans être d'un très-grand style, sont agréables et pleines d'expression, surtout celle de la Peinture. Les draperies, disposées dans le système de l'école de ce temps, n'ont pas un jet très-sévère ni très-élégant, mais cependant ne sont pas dépourvues de vérité. Au total, ce monument est digne d'être remarqué, et peut être mis au nombre des bons ouvrages de Coysevox. (Déposé également aux Petits-Augustins.)
256: L'église Saint-Nicolas du Chardonnet a été rendue au culte.
257: Voyez t. II, 2e partie, p. 1269.
258: Voyez t. II, 2e part., p. 720.
259: Les Filles Angloises habitent encore leur maison, et n'ont pas cessé de l'habiter un seul instant pendant la révolution.
260: Hist. des ord. Monast., t. IV, p. 236 et seqq.
261: On voit, par un bref d'Alexandre VII du 26 septembre 1659, qu'il permit aux membres de cette congrégation de faire les trois vœux simples et d'y joindre la promesse de stabilité, déclarant cependant qu'ils pourroient en être dispensés par le chapitre général, etc. En 1726 le roi, en confirmant cette congrégation dans son état de sécularité, ordonna que ceux qui auroient fait les vœux simples ne seroient plus admis, après l'âge de vingt-cinq ans, à recueillir aucune succession ni en ligne directe ni en ligne collatérale. (Jaillot.)
262: La maison de ces religieux est maintenant habitée par des particuliers.
263: Sauval, t. I, p. 679.—Piganiol, t. V, p. 199.
264: On voit, par l'acte de cet établissement, que M. Philibert Brichanteau, évêque de Laon, leur avoit donné, le 11 mars précédent, 1000 liv. de rente. Jacques Duval, valet de chambre du roi et de la reine, et Catherine Oudin, sa femme, contribuèrent à leur dotation par un don de 600 liv. de rente qu'ils leur firent le 12 du même mois. Ce fut à la faveur de cette dotation que M. l'archevêque, suivant le commandement et instantes prières de la reine, permit leur établissement.
265: Cette maison est maintenant habitée par des particuliers.
266: Ad annum, 129.
267: La Chronique de Jumièges.
268: Hist. de Par., t. I, p. 145.—Hist. univ. Paris, t. II, p. 24 et 39.
269: Tom. II, p. 542.
270: Quart. de la place Maubert, p. 161.
271: Ces personnages sont frère André, abbé de Saint-Magloire, et frère Thibaut, abbé de Sainte-Geneviève. Or, il est aisé de prouver qu'en 1085 Hilgotus étoit doyen de Sainte-Geneviève, Haimon, abbé de Saint-Magloire, et qu'il n'y en avoit point alors à Saint-Victor. André étoit abbé de Saint-Magloire en 1248. On a une bulle d'Innocent IV, adressée, en 1249 à Thibaut, abbé de Sainte-Geneviève, et Ascelin étoit, dans ce même temps, abbé de Saint-Victor.
272: Dans l'épitaphe de ce roi, ce lieu est appelé vetus cella[272-A] (Dubreul, p. 405), et Robert du Mont, auteur contemporain, dit que Guillaume de Champeaux établit un monastère de clercs dans un endroit où il y avoit une chapelle de saint Victor martyr. (De Immutat. ord. monarch., cap. 5.)
272-A: On appeloit celle, une petite maison, une ferme, une métairie appartenant à un monastère: on nommoit un religieux pour y résider, veiller à la culture, recueillir les fruits et percevoir les revenus. Comme quelques-unes de ces celles étoient considérables, on donna alors des adjoints au religieux cellerier, pour l'aider dans ses travaux, et chanter avec lui l'office divin. L'assemblée d'Aix-la-Chapelle, tenue en 817, ayant ordonné par le vingt-sixième article (Pleury, Hist. ecclés., liv. 46, p. 18) qu'il y eût au moins six religieux ou chanoines dans cet établissement, les celles devinrent de petits monastères, et le religieux qui étoit à leur tête prit le nom de prieur de ses frères. Ainsi, de simple agent ou procureur, il devint le chef de sa communauté. Telle est probablement l'origine de la plus grande partie des prieurés. À qui appartenoit la celle de Saint-Victor? on n'en sait rien.
273: Il faut également rejeter l'opinion qu'avant la fondation de Louis-le-Gros cette église ne fut qu'un reclusoir où se renfermoient quelques personnes par zèle de dévotion. On parle effectivement d'une recluse nommée Basilla, qui se renferma dans une cellule près de Saint-Victor, y mourut et y fut inhumée. Mais cette tradition, déjà fort incertaine elle-même, ne prouveroit rien relativement à l'origine du monastère, puisque l'on sait qu'il y avoit de ces reclusoirs auprès de plusieurs autres églises de Paris.
274: Tom. V, p. 262.
275: Voyez pl. 139.
276: Elle a été déposée depuis aux Petits-Augustins.
277: Sa tombe étoit ornée de deux épitaphes, dont nous citerons seulement la première, composée par le célèbre Rollin.
Quem superi præconem, habuit quem sancta poëtam
Relligio, latet hoc marmore Santolius.
Ille etiam heroas, fontesque, et flumina et hortos
Dixerat: at cineres quid juvat iste labor?
Fama hominum merces sit versibus æqua profanis:
Mercedem poscunt carmina sacra Deum.
Obiit anno Domini M. DC. XCVII. nonis augusti. ætatis LXVI. professionis XLIV.
278: Le buste en marbre de ce bienfaiteur étoit placé à l'entrée de la bibliothèque, avec une inscription.
279: On y voyoit une Bible manuscrite du neuvième siècle, un Tite-Live du douzième; beaucoup de manuscrits orientaux, entre autres un Alcoran, dont un ambassadeur turc reconnut l'authenticité dans le siècle dernier, en le baisant, et en apposant sur le premier feuillet un certificat écrit de sa propre main.
280: L'abbaye Saint-Victor a été détruite entièrement pendant la révolution.
281: Cet établissement n'a point changé de destination.
282: Fontenelle, Éloge de M. Fagon.
283: Tom. II, p. 374.
284: Nous croyons devoir donner la description de ce jardin tel qu'il est aujourd'hui.
285: Voyez pl. 140.
286: On y plaça, pendant quelques années, le corps du maréchal de Turenne lorsqu'il fut exhumé du monument que lui avoit élevé la France; et ce moyen fut le seul que l'on put trouver pour le sauver de la fureur des révolutionnaires.
287: Ce kiosque, construit par M. Verniquet, architecte du jardin du Roi, est de forme circulaire, et dans une proportion de treize pieds de diamètre sur environ vingt-cinq de hauteur. Il est tout en fer, et revêtu de cuivre. Le dessous, entouré d'un appui, forme un belvédère. Huit lances y servent de piliers, et supportent un couronnement pyramidal. Sur la frise de la corniche on lisoit l'inscription suivante: Dum lumine et calore sol mundum vivificat, Ludovicus XVI sapientiâ et justitiâ, humanitate et munificentiâ undique radiat. M. DCC. LXXXVI.
Cette corniche est surmontée d'un amortissement avec panneaux en mosaïque à jour. Au-dessus est une lanterne composée de petites colonnes avec arcades, dont la frise de la corniche porte cette inscription:
Horas non numero nisi serenas,
inscription qui avoit rapport à un méridien très-ingénieux, que l'action du soleil mettoit seule en mouvement, et qui marquoit l'heure de midi par douze coups frappés sur un tambour chinois. Le marteau de ce méridien représentoit le globe de la terre, et étoit renfermé dans une sphère armillaire, posée sur un piédouche, laquelle couronnoit ce petit édifice.
288: Voyez pl. 141.
289: Une grande partie des richesses du cabinet d'Histoire Naturelle reste cachée aux yeux du public, faute de place pour les mettre en évidence.
290: Voy. pl. 142. Ce marché continue à se tenir au même lieu et aux mêmes jours qu'avant la révolution.
291: Cette maison étoit divisée en deux parties, celle du côté de la rue du Puits-de-l'Ermite servoit de refuge aux femmes ou filles renfermées par ordre du roi. On entroit dans l'autre, destinée aux femmes de bonne volonté, par la rue Copeau. Elles y payoient pension, et l'on y élevoit aussi de jeunes demoiselles.
La maison de Sainte-Pélagie est maintenant une prison où l'on renferme les débiteurs insolvables, et des criminels condamnés aux travaux. Ils occupent deux parties séparées dans cette maison; et, sous le règne de Buonaparte, une troisième partie étoit destinée aux prisonniers d'état pour lesquels il y avoit alors des prisons sur presque tous les points de la France.
292: Nous ignorons ce qu'est devenu ce monument; il n'étoit point au musée des Petits-Augustins.
293: Cet établissement ayant été confirmé par lettres-patentes du mois de janvier 1700, les prêtres qui le composoient furent placés la même année sur les fossés de l'Estrapade, et en 1702 on les transporta au carrefour du Puits-l'Ermite, en vertu d'un décret du 1er mars de cette même année.
294: Les bâtiments de cette communauté ont été réunis à l'hôpital de la Pitié.
295: Voyez T. II, 2e partie p. 1244.
296: Cet établissement est maintenant habité par des particuliers.
297: Voyez t. II, 2e partie p. 1248.
298: Cette communauté a été changée en maison particulière.
299: Cet hôpital a été changé en maisons particulières.
300: Ce buste avoit été déposé aux Petits-Augustins.
301: Tom. I, p. 433.
302: Le territoire de Saint-Médard, depuis la fondation de l'église des SS. Apôtres par Clovis, a été réputé compris dans la donation de ce prince faite à cette église. Pons S. Medardi est marqué dans un état des biens de l'abbaye Sainte-Geneviève fait dans le douzième siècle, comme étant de ce côté-là les limites de sa justice, laquelle, du côté opposé, s'étendoit jusqu'à l'église Saint-Étienne dite des Grès, située sur le grand chemin d'Orléans..... On trouve aussi que l'abbaye Sainte-Geneviève avoit, dans le treizième siècle, à Saint-Médard, un pressoir pour ses vignes; que l'imposition de la taille des habitants de ce bourg, pour la guerre de Philippe-le-Hardi contre le comté de Foix, en 1372, alla en total à la somme de 30 sous.
303: Voy. l'article de la maison du Patriarche.
304: Voy. pl. 143.
305: Il avoit fait construire dans cette église une chapelle, où plusieurs membres de sa famille furent depuis enterrés, et dans laquelle sa veuve fonda une chapellenie.
306: On voit que cette paroisse sortoit ainsi du quartier dans lequel elle est située. Elle n'est pas la seule qui offre de telles irrégularités.
307: p. 401.
308: Il ne faut pas le confondre avec la cour du Patriarche, lieu assez vaste, et voisin de celui-ci, qui appartenoit au même prélat. Des actes rapportés par Jaillot prouvent évidemment que c'étoient deux édifices différents.
309: Cet hôpital n'existe plus. La chapelle, dédiée sous le nom de Saint-Martial et de Sainte-Valère, avoit été détruite long-temps avant la révolution.
310: Corrozet, l. II, fol. 112.—Dubreul, p. 392.
311: De Glor. confess., cap. 89.
312: Ibid., cap 105.
313: Tom. V, p. 223.
314: À l'endroit où l'on bâtit, au siècle suivant, l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, nommée depuis Sainte-Geneviève.
315: Hist. eccles. Paris. Tom. I, p. 304.
316: On trouve souvent, dans les actes, les chanoines de Notre-Dame désignés sous le nom de frères de Sainte-Marie.
317: Ainsi s'expliqueroit aussi pourquoi il y fut enterré. Les Romains avoient souvent leur sépulture dans les jardins de leurs maisons de campagne ou sur le grand chemin qui avoisinoit ces maisons; et cet usage s'étoit conservé sous les premiers rois de la race Mérovingienne.
318: Les licenciés en théologie étoient, dit-on, obligés de venir, pendant leur licence, chanter, le jour de Saint-Pierre, une messe dans cette collégiale, à six heures du matin.
319: On ne doit cependant pas, dit l'abbé Lebeuf, entendre ce terme dans le sens qu'on lui donne aujourd'hui. Voy., sur l'origine des villes, la première partie du premier volume, p. 79 et 80.
320: Le clocher de l'église de Saint-Marcel a été abattu, et l'on a fait une maison particulière d'une partie du bâtiment.
321: Dans ce cloître la demoiselle d'Abra de Raconis avoit acheté une maison pour y établir un couvent de Cordelières. Elle la donna, sous cette condition, aux religieuses de cet ordre, établies rue de l'Oursine, par contrat du 13 décembre 1628. L'archevêque de Paris ayant accordé son consentement, elles y envoyèrent quelques religieuses; mais cette maison ne s'étant pas trouvée propre à recevoir une communauté, elles en sortirent peu de temps après, et formèrent un autre établissement, rue de Grenelle, faubourg Saint-Germain.
322: V. pl. 148. Cette église a été détruite pendant la révolution.
323: Tom. I, p. 303.
324: Tom. III, p. 13.
325: Le trente-deuxième canon de ce concile ordonnoit aux curés de desservir eux-mêmes leur paroisse, à moins que la cure ne fût annexée à une prébende ou à une dignité qui obligeât le curé de servir dans une plus grande église; auquel cas le concile lui enjoint d'avoir un vicaire perpétuel, qui recevra une portion congrue sur le revenu de la cure; telle est l'origine des portions congrues: et il paroît assez vraisemblable de fixer à cette époque l'érection de la cure de Saint-Hippolyte.
326: Cette église a été presque entièrement démolie pendant la révolution. Il n'en restoit plus, il y a quelques années, qu'une partie du mur postérieur.
327: P. 397 et seqq.
328: Tom. V, p. 231.
329: Hist de Par., t. 1, p. 464.—Hist. eccles. Paris., t. II, p. 515.—Hist. univers. Paris., t. III, p. 468.—Gall. Christ., t. VII, col. 952.—Mézerai, t. V, p. 402.
330: Quart. de la place Maubert, p. 78.
331: Du Breul faisoit dériver ce nom du mot latin urbs; il dit qu'elles furent ainsi dénommées «non pas pour villoter et ne garder la clôture, mais pour vivre de possessions comme ceux qui habitent les villes.» Cette étymologie ridicule n'est point la véritable. Sainte Claire avoit fondé en 1212 un ordre pour les personnes de son sexe, sur le plan de celui que saint François-d'Assise avoit institué pour les hommes: cet ordre étoit d'une austérité qui paroissoit surpasser les forces humaines; et la pauvreté absolue de ces religieuses, qui ne vivoient que d'aumônes, les avoit fait nommer les Pauvres-Dames. Dix ans après la mort de cette sainte, arrivée en 1253, le pape Urbain IV crut devoir adoucir la règle de cet ordre, et permit aux religieuses de posséder des biens-fonds. Celles qui se maintinrent dans l'observance du premier institut sont appelées Clarisses ou religieuses de Sainte-Claire; telles sont les filles de l'Ave-Maria, les Capucines, etc. Les autres qui avoient embrassé la règle mitigée par Urbain IV, en prirent le nom d'Urbanistes.
332: Voy. pl. 144.
333: Le couvent des Cordelières est presque entièrement détruit. Ce qui en reste sert d'atelier à un tanneur.
334: Leur église, très-petite, et remarquable uniquement par son extrême propreté, avoit été rebâtie peu d'années avant la révolution. La bénédiction du maître-hôtel, érigé aux frais de M. Davignon, secrétaire du roi, avoit été faite le 14 septembre 1784.
335: La maison des Gobelins a conservé son ancienne destination, et n'a rien perdu de sa supériorité.
337: Voy. t. I, 2e part., p. 1048.
338: Voy. pl. 145.
339: Quoiqu'il n'entre point dans notre plan de parler des monuments qui ne sont pas renfermés dans l'enceinte de Paris, nous croyons que quelques détails sur ce fameux château de Bicêtre ne paroîtront point ici déplacés, et pourront même intéresser la curiosité de nos lecteurs. C'étoit, dans le principe, une simple maison de campagne qui appartenoit, en 1204, à l'évêque de Winchester en Angleterre. Elle en prit le nom, que le peuple ne tarda pas à altérer, suivant son usage: il l'appela d'abord Vinchestre, ensuite Bichestre et Bicestre. Cette maison fut depuis rebâtie et embellie par Jean, duc de Berri, frère de Charles V, qui en étoit devenu propriétaire, et ce fut là que ce duc et les autres princes ligués contre le duc de Bourgogne signèrent, en 1410, la paix[339-A] avec leur ennemi. Sa situation hors des murs de Paris l'exposoit à tous les désastres de la guerre; et dès l'année suivante, les factieux qui désoloient la France ayant pillé et ruiné le château de Bicêtre, le duc de Berri, qui s'en étoit dégoûté, le donna au chapitre de Notre-Dame, avec toutes les terres qui en dépendoient. Les lettres qu'il fit expédier à ce sujet sont du mois de Juin 1416. On voit que cette donation fut amortie par Charles VIII en 1441, et par Louis XI en 1464.
Soit que ce château n'ait pas été rétabli par les nouveaux propriétaires, soit qu'il fût tombé une seconde fois en ruine, il est certain toutefois que, sous le règne de Louis XIII, il étoit désert et abandonné; et que ce prince l'acquit en 1632, et y fit construire des bâtiments où il logea les officiers et les soldats invalides. Bicêtre fut alors appelé la commanderie de Saint-Louis; et l'on y construisit, en 1634, sous le nom de Saint-Jean, une chapelle, changée, peu de temps après, en église, sous le même vocable. Enfin Louis XIV ayant conçu, pour la retraite des militaires invalides, des projets plus grands et plus dignes d'un roi de France, ce château fut joint, comme nous venons de le dire, à l'Hôpital général. On le destina d'abord à servir de demeure aux pauvres, veufs ou garçons, valides ou invalides. Il servoit aussi de prison pour les jeunes gens débauchés et les vagabonds que la police croyoit devoir soustraire de la société. Sa destination n'a point changé, et c'est là aussi que les malfaiteurs condamnés aux galères attendent le départ de la chaîne.
339-A: Voy. t. II, 1re part., p. 118.
340: L'hôpital de la Salpétrière n'a point changé de destination.
341: L'arithmétique, la musique, la géométrie et l'astronomie.
342: Au dixième siècle, son traité περι ερμηνειας c'est-à-dire des signes interprètes de nos pensées, et ses Topiques faisoient déjà la matière des leçons de quelques maîtres.
344: Dans le récit que Jean de Salisbury nous a laissé du cours de ses études, on voit qu'il y avoit un grand nombre de maîtres qui tenoient leurs écoles, les uns près de Notre-Dame, les autres sur la montagne Sainte Geneviève. Il en nomme jusqu'à douze, et ils n'étoient pas les seuls. Ils enseignoient les arts et la théologie: il n'est point parlé de droit et de médecine.
345: Célestin II, Adrien IV, Innocent III.
346: Il reste d'Hildebert et de Salisbury des poésies d'une latinité assez pure, aussi bien pensées que bien écrites, et qui prouvent qu'ils étoient nourris de la lecture des bons modèles de l'antiquité. La prose de Salisbury offre aussi des morceaux extrêmement remarquables. Ce dernier étoit Anglois de naissance.
347: L'étude en fut défendue dans l'école de Paris par le pape Honorius III, qui vivoit dans le treizième siècle, et n'y a été reprise que dans le dix-septième.
348: Outre ces priviléges, l'Université et tous ses suppôts, même ses clients, tels que libraires, relieurs, enlumineurs, écrivains, etc., étoient déchargés de toutes impositions, tailles, aides, gabelles, du guet de la ville, garde des portes, etc. Les livres étoient exempts de tout droit de péage et entrée en quelque lieu du royaume qu'on les transportât; et dans la distribution des bénéfices, le tiers en devoit être affecté à cette compagnie, et distribué entre ses membres.
349: Les colléges de Saint-Thomas-du-Louvre et des Danois.
350: Le premier légat qui leur donna un statut se nommoit Robert de Courçon. Il étoit élève de l'Université, et avoit été envoyé en France par le pape Innocent III pour y prêcher la croisade.
351: Les livres d'Aristote y furent défendus pendant quelque temps, ou du moins on en restreignit beaucoup l'usage.
352: Éloge de M. Duhamel.
353: C'étoit une collection de sentences ou pensées tirées de l'écriture et des pères, lesquelles formoient un traité à peu près complet de théologie, en quatre livres assez courts. Cet ouvrage, supérieur à tous ceux qu'on avoit faits auparavant dans le même genre, étoit de Pierre Lombard, évêque de Paris.
354: L'emplacement sur lequel ils commencèrent, en 1218, à bâtir leur grand couvent, dépendoit de cette compagnie, laquelle leur céda tous les droits qu'elle pouvoit y avoir par un acte qui existe encore.
355: Voyez t. I, deuxième partie, pag. 697.
356: Elles se nommoient 1o la nation de France; 2o la nation de Picardie; 3o la nation de Normandie; 4o la nation d'Angleterre[356-A].
Ces quatre nations avoient chacune leur chef, que l'on appeloit procureur, et qui changeoit tous les ans.
Toutes ensemble elles formoient la faculté des arts, mais n'en étoient pas moins quatre compagnies distinctes, dont chacune avoit son suffrage dans les affaires générales de l'Université.
Le recteur, choisi par les nations ou leurs représentants, et tiré du corps de la faculté des arts, étoit chef de toute l'Université, et chef de la faculté des arts en particulier. On le changeoit anciennement tous les trois mois; ce qui dura jusque dans le seizième siècle.
La faculté de théologie avoit pour chef, comme nous l'avons dit, le plus ancien de ses docteurs séculiers, sous le nom de doyen.
La faculté de droit, qui d'abord n'avoit été établie que pour le droit canon, et qui ne fut autorisée qu'en 1679 à enseigner le droit civil, avoit aussi son doyen, choisi chaque année entre ses professeurs, suivant l'ordre d'ancienneté.
Le doyen de la faculté de médecine étoit électif, et sa charge duroit deux ans.
L'Université avoit en outre trois officiers perpétuels, tirés tous les trois de la faculté des arts: le syndic, le greffier et le receveur.
356-A: Elle prit le nom de nation d'Allemagne, en haine des Anglois, après que Charles VII les eut chassés de France.
357: Voyez t. II, 2e part., p. 1034.
358: Ils la soumirent aux taxes et aux impositions comme le reste des citoyens, et ne firent aucun cas des remontrances qu'elle leur adressa à ce sujet.
359: La police intérieure de la compagnie et des facultés qui la composoient regardoit l'Université elle-même. L'Official étoit juge des contestations qui s'élevoient entre ses suppôts; et les affaires qu'ils avoient avec d'autres particuliers étoient portées devant le tribunal du prévôt de Paris. C'est par cette raison qu'il prêtoit serment entre les mains du recteur de l'Université.
360: Voyez tome II, 2e part., p. 903.
361: Une délibération, prise le 5 mars 1457 par les professeurs ès-arts de la nation de France, ne reconnoît pour vrais régents que ceux qui enseignent dans la rue du Fouare, et qui y lisent les livres de logique, de physique et de métaphysique.
362: Il avoit lié un commerce épistolaire avec le célèbre Érasme, qui, sans fortune et sans état, tenoit alors le sceptre de la littérature, dominoit sur l'opinion publique, et étoit recherché de tous les souverains.
363: Parmi ces fondations de chaires, on n'en trouve aucune pour les progrès de la langue et de la littérature françoise; cependant cette langue étoit dès lors d'un usage universel, tant à la cour qu'à la ville, et plusieurs écrivains, tels que Marot, Melin de Saint-Gelais, Philippe de Comines, les frères du Bellay, etc., avoient déjà prouvé qu'elle pouvoit être maniée avec succès en prose, et qu'elle étoit susceptible de toutes les grâces de la poésie. François Ier la parloit lui-même avec beaucoup d'élégance, et sa sœur, la célèbre Marguerite de Navarre, l'avoit illustrée par ses écrits. Une telle indifférence ne peut s'expliquer que par la docilité du roi pour les savants qui le dirigeoient dans la formation de cet établissement, et qui, dans leurs préjugés scolastiques, dédaignoient, comme un jargon barbare, une langue que tout le monde pouvoit entendre, et qu'on parloit dans les boutiques. Telle est la cause qui retarda si long-temps encore le progrès des lettres françoises, qui même les replongea dans la barbarie dont elles commençoient à sortir.
364: Ils faisoient un tort manifeste à ses anciens membres, en donnant gratuitement, au moyen de leurs gages, des leçons que ceux-ci étoient forcés de vendre pour se procurer des moyens d'existence.
365: Avant ce règne, elle avoit déjà éprouvé plusieurs réformes, entre autres celle qui fut dressée en 1366 par les cardinaux Jean de Saint-Marc, et Giles Aicelin de Montaigu, sous l'autorité du pape Urbain V, et la réforme plus remarquable encore qu'y fit, dans le quinzième siècle, le cardinal d'Estouteville, assisté des commissaires du roi. Sous Henri IV on jugea nécessaire de lui en faire subir une nouvelle; et voici un exposé succinct de la situation de l'Université, depuis cette époque, jusqu'à celle qui a précédé la révolution.
Il y avoit deux chanceliers, l'un à Notre-Dame et l'autre à Sainte-Geneviève; tous les deux donnoient la bénédiction de licence, avec la puissance d'enseigner; mais celui de Sainte-Geneviève ne la donnoit que dans la faculté des arts. Il y avoit aussi des conservateurs des priviléges de cette compagnie. Les évêques de Beauvais, de Meaux et de Senlis étoient conservateurs apostoliques; le prévôt de Paris continuoit d'être conservateur des priviléges royaux; mais depuis le commencement du dix-septième siècle il n'est plus assujetti à prêter serment entre les mains du recteur.
L'élection du recteur se faisoit toujours de trois mois en trois mois, mais souvent il étoit continué. Il avoit l'honneur de haranguer le roi au nom de l'Université dans plusieurs cérémonies et dans les événements extraordinaires, comme entrées solennelles, mariages, morts de reines, avénements à la couronne, naissances, mariages et morts d'enfants de France, etc.
Ses habits de cérémonie étoient une robe violette, une ceinture de soie de même couleur avec des glands d'or; un cordon violet passé en baudrier de gauche à droite, d'où pendoit une bourse antique, appelée escarcelle. Cette bourse étoit de velours violet, et garnie de boutons et galons d'or. Il portoit en outre un mantelet d'hermine sur les épaules, et étoit coiffé d'un bonnet carré violet.
Les processions du recteur se faisoient quatre fois l'an, en mars, juin, octobre et décembre. Un mandatum affiché dans toute la ville en indiquoit le jour. L'objet de ces processions étoit de faire des prières publiques pour la conservation du souverain et de sa famille, pour l'extirpation de l'hérésie, le maintien de la paix et l'union entre les princes chrétiens, la gloire de l'Église, etc.
Elles partoient de la chapelle du collége de Louis-le-Grand, rue Saint-Jacques, pour se rendre à l'église stationale indiquée par le mandement du recteur. Voici quel en étoit l'ordre: 1o la croix et les chandeliers portés par des religieux Augustins du grand couvent, après lesquels marchoient les étudiants des quatre ordres mendiants, Cordeliers, Augustins, Carmes et Jacobins; 2o les maîtres-ès-arts en robes noires, et quelques religieux des abbayes qui étoient admises aux leçons de l'Université; ils étoient suivis des chantres; 3o les bacheliers en médecine et en théologie, ornés de la fourrure qui leur étoit particulière; 4o les docteurs régents de la faculté des arts, et les quatre procureurs ou chefs des nations, en robes rouges doublées d'hermine. Chaque procureur étoit précédé d'un massier; 5o les docteurs en médecine, en robes rouges et fourrures; les docteurs en droit, en robes et chaperons rouges; les docteurs en théologie, en fourrures; enfin le recteur, précédé de huit massiers ou bedeaux qui portoient devant lui des masses ou bâtons à têtes garnies d'argent, telles qu'on les portoit devant le roi et devant le chancelier de France. Il étoit accompagné des trois officiers généraux de l'Université, syndic, greffier et receveur, et suivi des cliens de l'Université, qui, sans être obligés à prendre les degrés, participoient à ses priviléges, tels que les imprimeurs, libraires, papetiers, parcheminiers, relieurs, enlumineurs, etc.
En arrivant dans l'église stationale, l'Université étoit reçue, au son des cloches et des orgues, par le clergé en chape, avec la croix, l'eau bénite et l'encens. La messe étoit célébrée par le curé, s'il étoit docteur en théologie, sinon par le doyen de la faculté. Après l'offrande, il y avoit sermon, également par un docteur en théologie. Un orateur, choisi dans la faculté des arts par le recteur, faisoit, après la messe, un remerciement en latin au célébrant; celui-ci lui répondoit dans la même langue; et la procession revenoit au collége de Louis-le-Grand à peu près dans le même ordre.
Les armes accordées à l'Université étoient une main qui sembloit descendre du ciel, laquelle tenoit un livre entouré de trois fleurs-de-lis d'or, sur un fond d'azur.
Pendant long-temps l'extrême pauvreté de cette compagnie avoit empêché que l'éducation n'y fût gratuite, ce qui étoit humiliant pour la première école du monde, et en même temps nuisible au progrès des lettres. Le projet de l'instruction gratuite, ébauché sous le cardinal de Richelieu, n'eut cependant son entière exécution qu'en 1719. C'est alors que, par un contrat passé entre le roi et la faculté des arts, cette compagnie obtint le vingt-huitième du produit effectif du bail des postes et messageries, pour la dédommager de la cession qu'elle faisoit à Sa Majesté des messageries dont elle étoit l'inventrice[365-A] et la propriétaire, et en considération de l'engagement qu'elle prenoit d'instruire gratuitement ses sujets.
365-A: Les messagers établis par l'Université pour le service des écoliers devinrent peu à peu ceux du public, parce que l'on trouva commode de se servir de cette voie pour faire transporter d'un lieu à l'autre ses hardes, ses lettres, ses paquets. Ils jouirent pendant long-temps de ce privilége exclusif, dans lequel ils furent constamment maintenus par l'autorité, sans que les messagers royaux, institués en 1576 par Henri III, fussent même admis à les partager. (Ceux-ci ne pouvoient porter que les sacs et papiers de justice.) Cet état de choses dura jusqu'en 1632, que Louis XIII les autorisa à remplir les mêmes fonctions que les messagers de l'Université, mais seulement les mardis et vendredis.
366: Jean de Vitri.
367: Page 706.
368: Hist. de Par., t. IV, p. 622.
369: Le maître n'avoit alors que 6 sous par semaine, le chapelain 4 sous, et chaque boursier 3 sous.
370: Ce collége est maintenant habité par des particuliers.
371: Crevier, Hist. de l'univ., t. II, p. 214.
372: Il eut égard, dans une telle mesure, aux changements qui pouvoient survenir dans la monnoie, et qui étoit alors très-fréquents, sage prévoyance, dont depuis les boursiers ne surent pas profiter. La bourse de chaque théologien fut fixée à six marcs d'argent pur, poids de Paris; celle d'un artien à quatre marcs.
373: Voyez pl. 148. Quelques historiens ont cru qu'elle étoit sous le titre de saint Remi, parce que l'église célébroit le même jour la mort de ce saint et la translation de saint Fremi ou Firmin son patron. Cette dernière fête étoit remarquable par des particularités assez singulières: un boursier, vêtu en Éminence, représentoit, pendant toute cette journée, la personne du cardinal, et dans cet affublement assistoit à l'office, suivi d'un aumônier qui portoit son chapeau rouge. La nation de Picardie y alloit célébrer la première messe, y recevoit une sportule, et venoit ensuite rendre ses devoirs au prétendu cardinal, qui lui prodiguoit les dragées et les confitures sèches; de là on se rendoit à l'église, où souvent celui-ci célébroit pontificalement la grand'messe. L'Éminence devoit ensuite donner un grand dîner, dans lequel on continuoit à lui rendre les mêmes honneurs, etc. Cette fête, connue sous le nom de la solennité du Cardinal, avoit été sagement abolie au commencement du siècle dernier.
374: L'église a été détruite. Les bâtiments qui existent encore ont été changés en habitations particulières; et sur le terrain qui en dépendoit, il a été établi un chantier qui porte le nom de Chantier de la Ville.
375: Tome III, p. 183, 180.
376: L'abbé Lebeuf, Piganiol et plusieurs autres se sont fondés sans doute sur la date de ces lettres pour placer l'origine du séminaire Saint-Nicolas en 1632; mais elle est plus ancienne, si l'on considère le temps et la réunion de ses premiers membres; et postérieure de douze ans, si l'on n'envisage que l'institution légale du séminaire.
377: Cartul. S. Magl. Lebeuf, t. II, p. 560.
378: Ce séminaire a été rendu à sa première destination.
379: Hist. eccles. Paris, t. II, p. 414.—Hist. univ., t. III, p. 217.
380: Grand cartul. de l'évêché, fol. 330, cart. 527 et 528.
381: Le sieur Pluyette, qui en fut principal, y fonda deux bourses par son testament du 4 septembre 1478.
382: Jean-François de Gondi, premier archevêque de Paris, qui avoit autorisé l'établissement des prêtres de la Mission, regardoit leur maison comme un véritable séminaire, puisque par son mandement du 21 février 1631 il obligea les jeunes élèves de son diocèse qui aspiroient aux ordres de faire au collége des Bons-Enfants une retraite de dix jours.
383: L'institution des Jeunes-Aveugles a été établie depuis peu dans les bâtiments de ce collége.
384: Sur l'origine de ce collége plusieurs historiens ont prétendu que, peu après la prise de Constantinople, en 1204, le projet de réunir les églises grecque et latine ayant repris faveur, un des moyens qui parurent les plus efficaces pour parvenir à ce résultat fut d'envoyer des professeurs à Constantinople, et d'en faire venir des jeunes gens qu'on élèveroit à Paris; qu'en conséquence on fonda, en 1206, un collége qui fut nommé Collége Grec ou de Constantinople. Jaillot trouve cette opinion plausible, mais en même temps entièrement destituée de preuves: c'est également sans aucune autorité que Sauval a dit «que sous Urbain V, qui tint le siége depuis 1352 jusqu'en 1362, le cardinal Capoci fonda, à la rue d'Amboise, un collége que quelques-uns nommoient le collége de Constantinople, d'autres de Sainte-Sophonie, d'autres de Sainte-Sophie, etc.» Il est certain qu'Urbain V ne fut élu pape que le 28 octobre 1362, que dès-lors le collége de Constantinople existoit, et que Jean de La Marche, qui l'avoit pris à loyer au commencement de cette même année, fit confirmer cette transaction par l'Université le 19 juillet suivant, lorsqu'Innocent VI occupoit encore le siége pontifical.
385: Gall. Christ., t. VII, col. 145.
386: Les bâtiments de ce collége sont maintenant occupés par une pension.
387: Hist. univ., t. VI, p. 328.
388: Quart. de la place Maubert, p. 6.
389: Les bâtiments de ce collége sont habités par des particuliers.
390: Hist. univ. Paris, t. VI, p. 167.—Du Breul, p. 666.
391: On a fait de ses bâtiments un bureau de liquidation.
392: Manusc. de S. Germain-des-Prés, coté 453, fol. 160.
393: Les bourses de ce collége furent depuis réduites à trente, sans y comprendre celles de cette dernière fondation.
394: T. V, p. 534.
395: On lisoit sur sa tombe le vers suivant, lequel formoit un jeu de mots assez puéril:
Qui lampas fuit ecclesiæ, sub lampade jacet.
396: Les bâtiments de ce collége sont occupés maintenant par l'École polytechnique.
397: C'est ce que constatoit l'inscription suivante, gravée sur la porte: «Ce séminaire de la famille de Jésus-Christ fut fondé par Anne d'Autriche en 1638.»
398: Ce local est occupé aujourd'hui par une pension.
399: Hist. de Paris, t. III, p. 440.
400: Des bâtiments considérables ont été ajoutés à ces deux colléges réunis; et l'on y a placé l'école polytechnique.
401: Nous parlerons par la suite de cette communauté.
402: On a établi une pension dans les bâtiments de ce collége.
403: Hist. de Paris, t. IV, p. 806.
404: Cette maison est presque détruite. La cour est devenue un marché public.
405: Il en résulte que ce qu'on appeloit encore, avant la révolution, le fief du séjour d'Orléans, comprenoit tout l'espace renfermé entre les rues d'Orléans, Moufetard, du Fer-à-Moulin, de la Muette et du Jardin du Roi, à la réserve du carré qu'occupent l'église, le cimetière Saint-Médard et les maisons voisines jusqu'à la Bièvre, et du terrain de l'hôtel de Clamart, lequel contenoit environ soixante toises carrées.
406: Marguerite d'Anjou, femme de Henri IV, roi d'Angleterre, s'y retira peu de temps après la mort de ce prince.
407: Mémor. R. fol. 332.
408: Il ne reste plus, depuis très-long-temps, aucun vestige de cet édifice.
409: Sauval, t. II, p. 66.
410: Ibid., p. 77.
411: Cet hôtel est également détruit depuis long-temps.
412: Tome I, p. 161.
413: Juven. des Urs. Hist. de Charles VI, p. 93.—Corrozet, fol. 134.
414: Voyez t. II, p. 516.
415: M. Colonne du Lac.
416: Tome I, p. 271.
417: Cartul. 5. Gen. fol. 107 et 203.
418: Cet hôtel, qui existe encore en partie, est habité par des particuliers.
419: Voy. pl. 146.
420: Cens. de l'archev.
421: Cet hôtel est maintenant habité par des particuliers.
422: Cet édifice a encore aujourd'hui la même destination.
423: On enterre encore aujourd'hui dans ce cimetière.
424: In not. ad Epist. 410.
425: Ce moulin subsistoit encore à la fin du siècle dernier, rue du Jardin du Roi, vis-à-vis la rue Censier: en 1636 on le nommoit le moulin Bourgault.
426: Les démolitions et l'excavation des terres que causa cette opération ayant apporté un notable préjudice aux religieux de Saint-Victor, Charles VI, pour les indemniser, leur accorda, en 1411, le privilége exclusif de la pêche dans les fossés qu'on avoit creusés sur leur territoire.
427: Fol. 63.
429: Elle a été reculée jusqu'au nouveau mur que l'on vient d'élever, et qui renferme une portion de terrain sur lequel s'étoit formé, depuis quelques années, un village que l'on nommoit village d'Austerlitz; il a été détruit et s'est reformé hors de la barrière d'Ivry, sous le nom de Nouveau Monde.
430: Aujourd'hui barrière de Lourcine.
431: Cette barrière est fermée.
432: Trait. de la Pol., t. I, p. 79.
433: On le lui avoit probablement donné à cause des débauches qui s'y commettoient, et dont il est fait mention dans un arrêt du parlement du 4 décembre 1555.
434: La partie de cette rue qui donne sur le boulevart se nomme rue de la Glacière, celle qui aboutit à la rue du Champ de l'Allouette est désignée sous le nom de rue du Petit-Champ.
435: Hist. de Par., t. III, p. 218.
436: Cart. de Sorbonne.
437: Tome II, p. 121.
438: À l'entrée de cette rue, du côté de la rue Moufetard, il y a une espèce de ruelle qui conduit à la rivière de Bièvre. Il y en avoit une autre vis-à-vis l'hôpital des Cent-Filles, qu'on nommoit, en 1588, ruelle Jubin ou rue Saint-Antoine, et qu'on a abandonnée à cet hôpital.
439: Sauval, t. I, p. 126.
440: Hist. de Par., t. 4, p. 273.
441: Elle se nomme, depuis la révolution, rue des Cornes; sa continuation, qui se prolonge maintenant jusqu'au boulevard, est nommée rue d'Ivry.
442: Part. A, pages 715 et 782, et D, p. 323.
443: Ce moulin existe encore, et sert à faire mouvoir des mécaniques.
444: Sauval, t. III, p. 69.
445: Ibid., t. I, p. 133.
446: Sauval, t. II, p. 66.
447: Terrier de Sainte-Genev., 1603, fol. 320 et 330.
448: Cette rue a pris le nom de celle du Puits-l'Ermite.
449: Dans cette rue est un cul-de-sac nouveau nommé des Sœurs; le cloître Saint-Marcel se nomme place de la Collégiale. La petite place qui est située vis-à-vis l'église a pris le nom de place Saint-Marcel. Les deux rues qui communiquent de la place à la rue Moufetard sont appelées rue Pierre-Lombard et rue Saint-Marcel. (Voyez rues nouvelles).
450: Cart. Sainte-Genev., fol. 1 et 12.
451: En entrant dans cette rue par la rue Coupeaux on trouvoit autrefois à gauche une ruelle nommée Sainte-Anne, laquelle, suivant les apparences, faisoit la continuation de la rue d'Ablon, et étoit la même ou du moins sur la même ligne que la ruelle Denys-Moreau; celle-ci étoit parallèle à la rue Tripelet. Elles sont comprises maintenant dans les enclos de Sainte-Pélagie et de la Pitié.
452: Vers le côté oriental du Jardin du Roi on a percé une rue nouvelle qui se nomme rue de Buffon. La place située vis-à-vis le jardin, du côté de la rivière, est nommée place Valhubert.
453: Tome I, p. 148.
454: Tome I, p. 159 et 160; t. II, p. 414.
455: Tome I, p. 190 et 191.
456: Cart. Sorbon., fol. 37 et 140.—Gall. Christ., t. VII, col. 734.
457: Dans cette rue est un cul-de-sac nommé d'Amboise, d'un hôtel qui y étoit situé, et que cette famille y a conservé jusqu'au milieu du quatorzième siècle.
458: Rec. de Blondeau, t. XXIV, 1er cahier.
459: On la nomme maintenant rue de Poissy.
460: Tome I, p. 151.
461: Cartul. de Sainte-Genev., fol. 9, et Cens., fol. 12.
462: Tout ce territoire étoit partie en vignes, partie en terres labourées. Le vignoble situé entre les rues Moufetard et du Jardin du Roi, le long de la rue Copeau, s'appeloit le Breuil, Brolium.
463: On trouve dans les titres du seizième siècle qu'il y avoit dans cette rue plusieurs maisons qui aboutissoient à celle de la Planchette. Cette dernière rue n'existe plus, et il paroît difficile de fixer sa véritable position.
464: Une tradition populaire, et rejetée par les bons critiques, prétendoit qu'elle la devoit au cimetière qu'on y a placé, attendu que les personnes mortes sont muettes. Il est certain qu'elle étoit ainsi appelée avant l'existence du cimetière qui est appelé Clamart, parce qu'il étoit situé vis-à-vis l'hôtel de ce nom. Cette rue a pris le nom de celle de Fer-à-Moulin.
465: Fol. 29.
466: On trouve sur le plan de Gomboust une rue parallèle à celle-ci, sous le nom de rue des Petits-Champs. Il paroît que c'étoit un chemin que le public s'étoit frayé sur les ruines des jardins de la maison du Patriarche. Il n'a pas subsisté long-temps.
467: Cette rue a pris le nom de la rue Gratieuse.
468: Un petit ruisseau qui passoit le long de l'hôpital, et se jetoit dans la Bièvre, traversoit cette rue sous un petit pont nommé, dès 1380, le poncel de la Saussoie. Celui qu'on avoit pratiqué sur le grand chemin s'appeloit dans le même temps le pont aux Marchands-sur-Seine. Il y en avoit encore un au-dessous de l'endroit où l'on avoit creusé le canal dont nous avons déjà parlé, pour donner de l'eau à Saint-Victor. Ce dernier se nommoit le pont Didier.
469: Il est vrai qu'il y a encore dans la rue Traversine un cul-de-sac sans nom, qui, par sa situation en face de la rue du Bon-Puits semble annoncer que cette rue se prolongeoit anciennement, et qu'elle a été fermée; toutefois il faut dire que ce cul-de-sac existoit long-temps auparavant, et qu'il en est fait mention dès 1540.
470: On voit sur plusieurs plans qu'au coin de cette rue, à droite en entrant par la rue Moufetard, il y avoit une chapelle sous le nom de Sainte-Apolline. On ignore par qui et quand elle avoit été bâtie, ni en quel temps on l'a détruite.
471: Cette rue se nomme maintenant rue de Pontoise.
472: Il y avoit autrefois dans cette rue deux culs-de-sacs; le premier, qui existe encore, se nomme cul-de-sac du Jardin du Roi, et avoit eu autrefois le nom de petite rue du Jardin-Royal, et de rue du Cochon. L'autre, qui est maintenant fermé, et dont la situation est plus rapprochée de l'ancien cours de la rivière de Bièvre, est désigné dans les titres sous les noms du Tondeur, des Tondeurs et de Jean de Cambray, parce que la maison de ce particulier y étoit située.
Piganiol dit «qu'au coin de cette rue il y a une tour où l'on enfermoit autrefois les enfants de famille débauchés; que le premier qu'on y mit s'appeloit Alexandre, et qu'on en donna le nom à la tour: il ajoute que Pierre Bercheur, religieux de Saint-Benoît, qui fut depuis prieur de Saint-Éloi, y avoit été renfermé; et que, comme il avoit composé un dictionnaire pendant sa détention, on l'avoit confondu avec Despautère, et qu'on avoit donné le nom de ce dernier à cette tour.» Ces petites anecdotes sont plus que suspectes; il est certain que la tour en question est désignée dans plusieurs actes sous le nom d'Alexandre; mais on ne trouve aucune preuve ni de l'antiquité qu'on lui donne, ni de l'usage auquel on prétend qu'elle a servi. Jaillot a seulement découvert qu'en 1576 la ville ordonna aux religieux de Saint-Victor de faire murer la porte d'Aleps et la rue de Seine, et de faire faire deux tourelles à leur clôture; ce qui fut exécuté.
473: Dans cette rue, et vis-à-vis celle de Versailles, est un cul-de-sac qui porte le nom de cette dernière rue.
474: Cens. de Sainte-Genev., an 1540, fol. 97.
475: Dans cette rue il y en avoit anciennement une autre appelée rue d'Aleps, qui se prolongeoit jusqu'au grand chemin le long de la rivière, et qui de ce côté se terminoit par une porte. En parlant de la rue de Seine, nous avons remarqué que les religieux de Saint-Victor avoient eu ordre de la faire murer. Les titres de cette abbaye nous apprennent que cette rue ou chemin coupoit un terrain labouré nommé d'abord terre d'Alez ou d'Aleps, et ensuite du Chardonnet, et qu'il lui fut donné par Louis-le-Gros. Quelques historiens ont prétendu, mais sans en donner de preuve, que ce nom lui venoit d'Alix ou Adélaïde de Savoie, épouse de ce prince.
476: En face du collége des Écossois, situé dans cette rue, on en a percé une nouvelle qui donne dans la rue Bordet. Elle est encore sans nom.
477: Recueil d'Antiq., t. III, p. 398.