Voyage en Espagne du Chevalier Saint-Gervais (1 de 2)
Nous étendîmes nos manteaux sur la terre, et nous invoquâmes le dieu Morphée; mais il nous refusa ses pavots. Don Manuel qui trouvait son lit un peu dur, disait que ses confrères les poètes avaient grand tort de dire que le sommeil fuyait les couches royales et les matelas d’édredon; qu’il voudrait bien en avoir un pour cette nuit. Senor ermitano, ajouta-t-il, est-ce par dévotion que vous vivez dans cet antre, à la manière des Saints? — Non, senor poeta, ce n’est point la religion qui m’a exilé dans cette solitude, c’est le malheur, le dégoût de la vie et du monde. — Cependant, le monde et la vie donnent de jolis moments; on pleure un jour, on rit l’autre; tantôt on a la fièvre, la migraine, et tantôt on boit de bon vin, l’on fait l’amour, et l’on arrive ainsi au terme sans s’en apercevoir. — Je vois que vous désirez connaître mon histoire; je consens à vous la confier, j’y trouverai quelque plaisir. Il y a long-temps que je n’ai ouvert mon cœur et épanché mes chagrins.
FIN DU TOME PREMIER.