Aux glaces polaires: Indiens et esquimaux
Ce sont des gens d’un naturel très gai. Pas un qui soit triste ou sombre. Pour réussir avec eux, il faut toujours être de joyeuse humeur. Quelqu’un qui parlerait couramment leur langue et aurait le mot pour rire serait, je crois, en sécurité au milieu d’eux. Ils sont infatigables au travail et très intelligents. On ne peut les appeler, comme on le fait de nos autres Indiens, de grands enfants. Ils n’en ont ni la niaiserie, ni la vantardise. Tandis que les Dénés ne se lasseraient pas de vous faire admirer leurs ouvrages, quelquefois bien beaux, je le veux bien, les Esquimaux seront les premiers à trouver des défauts dans leurs chefs-d’œuvre et à vous les faire remarquer, déterminés à mieux faire.
Quoiqu’il me déplaise de médire de ces braves gens,—car, il y en a de bons, de très bons,—puisque l’on veut que j’exprime toutes mes impressions, allons-y.
Leurs mœurs sont déplorables. Ils ne changent pas facilement de femmes; mais, entre amis, ils se les prêtent couramment. Il n’est inconvenances qu’ils ne se permettent. Enfin, sauf quelques rares exceptions, ils sont menteurs et voleurs. Ils abandonnent facilement leurs enfants, nés durant l’été. Il y a trois ans (1916), j’ai failli être tué par Anantclick, l’ami de Sinnisiak, l’un des meurtriers de nos missionnaires. Je m’en doutais alors. Je l’ai su positivement ensuite. L’inspecteur French, de la gendarmerie, se vit à un doigt de la mort également, il y a deux ans. Bref, l’immoralité et le vol sont, je pense, les vices principaux, et le meurtre n’en est qu’une conséquence...
C’est à déraciner de ces âmes le règne de Satan que les Oblats de Marie Immaculée travaillent depuis plus d’un demi-siècle.
Les Oblats ont pris contact avec les Esquimaux sur quatre étendues des terres arctiques américaines: 1º à l’embouchure du fleuve Mackenzie; 2º sur la côte nord de l’Alaska; 3º du lac Caribou à Chesterfield Inlet; 4º du nord du Grand Lac de l’Ours au golfe du couronnement[73].
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C’est en 1860 que les tribus de l’embouchure du Mackenzie et des îles qui s’échelonnent depuis le fort Mac-Pherson jusqu’à l’île Herschel, reçurent la première visite du premier missionnaire, le Père Grollier. Il s’y rendit du fort Good-Hope, sa résidence, à deux reprises, pour essayer de les convertir. Ce fut en vain.
Ses successeurs, les Pères Séguin et Petitot, échouèrent pareillement devant l’entêtement des Esquimaux[74].
Plus tard, lorsqu’une mission fut fondée au fort Mac-Pherson, le Père Lefebvre, assistant du Père Giroux, missionnaire des Loucheux, eut la charge spéciale de s’occuper des Esquimaux. Mais, durant les sept ans qu’il travailla pour eux (1890-1897), soit au fort Mac-Pherson, où ils venaient vendre leurs fourrures, soit à l’île Richard, embouchure Est du Mackenzie, où il alla deux fois; soit encore à l’île Herschell, dans l’Océan, où il visita trois fois la tribu des Natavels, aucune conversion sérieuse ne s’accomplit. Les consolations du Père Lefebvre se bornèrent à quelques baptêmes d’enfants ou d’adultes, à l’article de la mort. Que pouvait du reste un prêtre, en de courtes apparitions, contre ce paganisme que n’avait pu commencer à amollir l’influence des coureurs-des-bois, précurseurs, si précieux ailleurs, de la religion catholique? Cependant le protestantisme, déjà puissant au fort Mac-Pherson, prit pied à l’île Herschell, dès que la Compagnie Baleinière du Pacifique, de San-Francisco, commença à y amarrer ses navires, et que les ministres prêchèrent aux Esquimaux une religion plus en harmonie que la nôtre avec leurs mœurs.
Ce triomphe de l’erreur demeure la plaie saignante de nos plus belles missions du Mackenzie. Evêque et missionnaires ne s’en consoleront, que lorsque Dieu aura suscité les apôtres et les ressources qui permettront à la vérité d’aller lutter, sur place, corps à corps, avec le paganisme et l’hérésie.
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La deuxième tentative d’évangélisation des Esquimaux par les Oblats eut pour théâtre les côtes de l’Alaska, depuis la Pointe Barrow jusqu’à l’île Saint-Michel (mer de Berhing). D’octobre 1873 à septembre 1874, le Père Lecorre suivit toutes les baies qui fouillent le continent, en prêchant l’Evangile. Il baptisa beaucoup d’enfants et prépara les voies aux Pères Jésuites, qui vinrent quatre ans plus tard[75]. Au cours de ces voyages, le Père Lecorre échappa plusieurs fois, par des interventions providentielles, aux coups de poignard et de fusil que des sorciers avaient tenté de lui porter.
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Le troisième essai d’évangélisation partit du lac Caribou, en 1868. Le Père Gasté, missionnaire des Montagnais de cette région, se porta à la rencontre des Esquimaux du versant de la baie d’Hudson. Mais il ne put donner suite aux projets de son zèle autrement qu’en travaillant au salut de quelques indigènes qui, sur son invitation, abandonnèrent le fort Churchill en faveur du lac Caribou pour la traite de leurs fourrures. Se doutait-il alors que son futur compagnon, celui qui devait fonder la mission esquimaude de ses rêves «n’était pas encore né»? C’était le Père Turquetil.
Arrivé au lac Caribou en 1900, le Père Turquetil partit pour sa première exploration, dans la Terre Stérile septentrionale du Keewatin, le 26 décembre 1901. Depuis lors, il mit tout en œuvre pour atteindre ses Esquimaux. En 1912, il arrivait à Chesterfield Inlet, au nord-est de la baie d’Hudson, ayant pris la route de Montréal, du Saint-Laurent, de l’Atlantique, et emportant toutes les pièces de sa maison, tout son combustible, tous ses vivres. Avec le Père Turquetil partit le Père Le Blanc.
La mission de Notre-Dame de la Délivrande était fondée.
Les deux inoubliables événements de cette jeune mission ont été un grand deuil et une grande joie.
Le deuil fut la mort du Père Le Blanc, en 1916. Quatre années de solitude, de souffrances de toutes sortes, l’avaient débilité au point qu’il fut nécessaire de lui procurer le repos. Il succomba pendant la traversée de la baie d’Hudson, le 21 septembre, offrant sa vie à Dieu pour la conversion de ses chers infidèles.
La joie de la mission de Notre-Dame de la Délivrande fut le baptême, le 2 juillet 1917, de douze Esquimaux bien instruits, dûment éprouvés, maintenant fervents chrétiens, et que n’arrivent pas à troubler les incessantes moqueries de leurs congénères païens. C’était le premier fruit de cinq années d’un travail sans trêve.
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Le quatrième champ de l’apostolat esquimau fut confié en 1911, par Mgr Breynat, aux Pères Rouvière et Le Roux.
Etendu sur les confins de l’océan Glacial, il comprend le bassin du fleuve Coppermine, le golfe du Couronnement—Coronation Gulf—avec ses archipels, du cap Bexley à la presqu’île de Kent, et la grande île Victoria.
Le Coppermine—Mine de cuivre—, fleuve profondément encaissé, souvent torrentueux et d’un énorme débit, tombe obliquement, à 8 kilomètres du golfe du Couronnement, son embouchure, dans une longue crevasse, qui reçut en 1771, du premier explorateur, Samuel Hearne, le nom de Bloody Fall—Chute du Sang[76]. Ce fleuve prend sa source et accomplit tout son parcours dans le Barren Land.
Le Barren Land—la Terre Stérile—, nous l’avons déjà dit, semblable à la toundra de Russie, est une vaste région bordant la mer Glaciale, et plongeant très avant dans le continent. Une ligne tirée du milieu du delta du Mackenzie à l’embouchure du fleuve Churchill, et un peu arquée vers le sud, la circonscrirait assez exactement. Rocailleuse, ondulée, montagneuse parfois, elle sertit dans ses vallons d’innombrables petits lacs. L’aridité éternelle s’est établie sur ce rendez-vous des tempêtes polaires. Le Coppermine garde sa rive ouest boisée jusqu’à 35 kilomètres de la mer, il est vrai, mais ses parages n’accordent la vie qu’à de misérables petits sapins, blottis à l’abri des rochers. Durant le court été, certains abords du Barren occidental, que l’on a comparé aux landes de Bretagne ou aux moors d’Irlande, se chamarrent de fleurettes et s’animent des chansons d’une multitude de petits oiseaux migrateurs. Cette transition parfumée et mélodieuse de la vie à la mort est refusée au Barren de l’est. Plus la toundra s’élargit vers la baie d’Hudson, plus elle se marque du brusque stigmate de l’infécondité: le même lac, le même cours d’eau verront leur rive sud plantureusement couverte, et leur rive nord tout à fait dénudée; dans la plaine, un sillon de charrue ne séparerait pas plus nettement la végétation de la désolation: par delà le sillon, il n’y a plus que le roc, la terre gelée, l’abondance du lichen et des mousses spongieuses, nourriture du renne et de l’ovibos.
On assure que les couches granitiques de la Terre Stérile recèlent des gisements de métaux précieux. Dans le bassin du Coppermine, le cuivre natif se trouve à fleur de sol, soit en paillettes légères, soit en blocs massifs: les Esquimaux lui donnent, en le martelant, toutes les formes utiles.
Les abords du Coppermine, les archipels du golfe du Couronnement et l’île Victoria constituent le domaine de plusieurs tribus, qui reçurent, en 1910, de l’explorateur Stéphanson, le nom de Copper Group—Groupe de Cuivre.—Leur vie s’écoule à la chasse de la baleine dans les eaux marines, du morse et du phoque sur le littoral, et du gibier qui peuple la Terre Stérile: troupeaux de rennes, renards de toutes couleurs, ours noirs, gris ou blancs, loups, ovibos (bœufs musqués), etc...
Au printemps de 1911, Mgr Breynat, ayant appris que deux centaines de ces Esquimaux devaient visiter les Indiens Peaux-de-Lièvres et Plats-Côtés-de-Chiens du Grand Lac de l’Ours[77], décida de mettre aussitôt à exécution le projet d’évangélisation qu’il avait tant à cœur.
Son choix se porta sur le Père Jean-Baptiste Rouvière, enfant du diocèse de Mende, âgé de 30 ans, et doué de toutes les qualités dont Dieu se plaît à munir ses grands ouvriers apostoliques. Un séjour de quatre années consécutives à la mission de Good-Hope avait rompu à la vie de l’Extrême-Nord ce Cévenol ardent et robuste. La connaissance approfondie qu’il y avait acquise de la langue Peau-de-Lièvre devait l’aider à lui faire trouver, parmi les sauvages du Grand Lac de l’Ours, des interprètes pour ses premiers rapports avec les Esquimaux.
Il partit joyeusement, le 5 juillet 1911, remonta le Mackenzie depuis le fort Good-Hope jusqu’au fort Norman, s’engagea, avec sa chapelle, quelques outils et des provisions de bouche, dans la rivière de l’Ours, et atteignit le Grand Lac de l’Ours dont elle est le déversoir. Traversant ensuite les 250 kilomètres du lac, il aborda sur la rive nord, au fond de la baie Dease.
Hélas! les Esquimaux avaient déjà levé leur camp, pour s’acheminer vers leurs quartiers d’hiver, sur l’océan Arctique. Mais, loin de se laisser abattre, le Père Rouvière poursuivit sa route sur leurs traces.
Il lui fallait remonter l’affreusement sinueuse et rapide rivière Dease, traînant son canot et marchant dans l’eau, la moitié du trajet. Lorsque l’esquif refusa d’escalader les cascades de plus en plus menaçantes, il l’abandonna et continua à pied sa marche intrépide...
Enfin, lorsqu’il eut bien peiné, bien pâti, bien soupiré après ses chers Esquimaux, la douce Vierge Marie daigna les lui montrer.
Ecoutons-le raconter lui-même, dans une lettre crayonnée sur ses genoux, et adressée à son évêque, dans quelles circonstances eut lieu sa première entrevue avec ses ouailles tant désirées:
Vous m’avez envoyé évangéliser les Esquimaux. La rencontre a eu lieu le 15 août, vers 7 heures du soir; et c’est la Sainte Vierge, que je n’ai cessé de prier, qui a guidé mes pas.
Depuis trois jours j’avais quitté mon canot et je parcourais les steppes, lorsque j’aperçus tout à coup, sur le sommet d’une colline, trois êtres vivants... Etaient-ce des rennes, étaient-ce des hommes? Pour m’en assurer, je hâtai le pas dans leur direction. Au bout de dix minutes, j’aperçus une foule de gens sur le versant du monticule. Il n’y avait plus à douter: c’étaient des Esquimaux.
«A ma vue, ils accourent; mais, arrivés à une certaine distance, ils font halte. L’un d’eux prend les devants; mais bientôt il s’arrête, lève les bras au ciel, penche la tête à droite, puis incline tout son corps vers la terre. Il répète ces gestes à plusieurs reprises. Je lui réponds en levant les bras. Alors, il se rapproche de moi, et tous les autres se précipitent à sa suite... C’était leur signe de salut.
Quand le premier Esquimau fut assez près pour me reconnaître, il se retourna en criant: «Krablouma,—c’est un Blanc!» Il arriva alors vivement jusqu’à moi, tout souriant et me tendant la main. Je la serrai entre les miennes. Aussitôt il me prit par le bras, pour me présenter à tout le monde. J’avais ma soutane et ma croix d’Oblat. Ce signe sacré les frappa vivement. Ils ne se lassaient pas de le regarder. Je leur donnai quelques médailles de la Sainte-Vierge, que je leur passai moi-même au cou. Ils étaient radieux.
Ensuite j’allai à leur campement, et je donnai la main à tous les gens qui étaient là. Ils m’invitèrent à leur table. Je n’eus garde de refuser; car, marchant depuis le matin sans manger, j’étais affamé.
Après le repas, ils m’accablèrent de questions. Je m’efforçai de leur faire comprendre que j’étais venu pour rester parmi eux...»
Le Père Rouvière prit aussitôt ses dispositions pour hiverner au lac Imerenick, à une centaine de kilomètres au nord de la baie Dease, parmi les «derniers misérables sapins secs», qu’il rencontra dans la Terre Stérile[78]. Habile charpentier, il eut vite fait d’équarrir et d’ajuster les troncs d’arbres qui devaient composer sa pauvre demeure. Il y célébra le saint sacrifice, pour la première fois, le 17 septembre 1911.
Jusqu’à la fin d’octobre, beaucoup d’Esquimaux, retournant à la mer par ce chemin, vinrent l’y visiter, famille par famille. Coïncidence touchante, ils arrivaient toujours plus nombreux aux fêtes de la Sainte Vierge. Le missionnaire écrit, dans son Journal, le 8 septembre:
Marie sera vraiment la protectrice de cette mission, car c’est toujours un de ses jours de fête qu’elle les ramène autour de moi. Merci, ô ma Mère! faites que je sois digne de la mission qui m’est confiée!
Après le départ des derniers Esquimaux, il passa l’hiver dans la solitude, la prière et le travail des mains.
Au mois d’avril 1912, il attela ses chiens et se rendit au fort Norman, afin d’y prendre le compagnon d’apostolat qui lui avait été promis.
C’était le Père Guillaume Le Roux, né dans le diocèse de Quimper, en 1885, et qui, depuis un an, était arrivé du scolasticat de Liége. Brillamment doué des dons de l’esprit et du corps, linguiste remarquable, il était fait pour les longs voyages arctiques et pour l’organisation des missions nouvelles et difficiles auxquelles l’appelait le vicaire apostolique du Mackenzie.
Les deux apôtres partirent du fort Norman, pour la Terre Stérile, à la mi-juillet 1912. Le 27 août, ils entraient dans la maisonnette du lac Imerenick.
Ils eurent la joie de voir beaucoup d’Esquimaux durant l’automne; et le Père Le Roux se mit de toute son âme à étudier leur langue.
Mais ils ne tardèrent pas à comprendre qu’à moins d’établir leur résidence sur l’océan Glacial même, ils ne pourraient songer à les convertir. Au Grand Lac de l’Ours et au lac Imerenick, il ne viendrait jamais qu’un petit nombre d’indigènes, et encore trop affairés et pour trop peu de temps. Ils résolurent donc d’aller, l’automne suivant, au golfe du Couronnement.
Cependant, ils auraient bien voulu avoir l’avis de leur évêque et son assentiment formel à une si redoutable entreprise.
Sans doute, Mgr Breynat leur avait donné l’autorisation d’agir selon leur jugement; mais, espérant toujours pouvoir communiquer avec lui au cours des mois suivants, ils ajournèrent l’exécution de leur projet.
Le printemps et l’été se passèrent sans qu’ils pussent trouver le moyen de lui faire part de leur plan d’apostolat.
Le 30 août 1913, ils reçurent une lettre du capitaine de goélette Joe Bernard, qui leur disait qu’après avoir séjourné lui-même deux ans parmi les Esquimaux du golfe du Couronnement, il jugeait le moment favorable pour y établir une mission. Il les suppliait de se presser et leur promettait son appui.
Comme l’Indien qui avait apporté la lettre du capitaine retournait aussitôt au fleuve Mackenzie, le Père Rouvière lui remit, pour Mgr Breynat, les lignes suivantes:
Je vous envoie ce mot de Joe Bernard. Il nous décide tout à fait. Nous allons partir. Bénissez-nous, Monseigneur. Et que Marie nous garde et nous dirige!
Puis, un long et angoissant silence se fit. Trois années devaient s’écouler avant qu’on sût ce qui s’était passé.
En 1914, un explorateur, M. d’Arcy Arden, qui s’était aventuré dans la Terre Stérile, y rencontra des Esquimaux, affublés de soutanes et d’ornements sacerdotaux. Les ayant interrogés sur les «hommes blancs» venus en leurs parages l’année précédente, il n’obtint d’eux que des réponses évasives et contradictoires.
Cette découverte était de mauvais augure... Mais ces gens pouvaient avoir dévalisé la cabane du lac Imerenick, en l’absence des missionnaires... En somme, il n’y avait pas d’indication positive du malheur irréparable que l’on redoutait.
Une dernière espérance s’attachait à une parole rapportée par un Peau-de-Lièvre, venu du Lac de l’Ours:
«—Lorsque les pères sont partis, assurait-il, ils nous ont déclaré: «Nous allons suivre les Esquimaux aussi loin qu’ils iront... Peut-être ne reviendrons-nous pas avant deux ans.»
On conservait donc une lueur d’espérance: «Ils seront allés, se disait-on, jusqu’à l’île Victoria; et surpris par un précoce dégel de la mer, n’osant, d’autre part, se confier aux frêles krayaks (embarcations esquimaudes), ils attendent, pour revenir, les glaces d’un autre hiver...»
Lorsqu’au printemps de 1915, il ne fut plus possible de mettre en doute une issue fatale, Mgr Breynat fit appel au gouvernement canadien et demanda qu’un détachement de gendarmes fût envoyé dans la région où ses missionnaires avaient dû vraisemblablement trouver la mort. Le gouvernement accéda très libéralement à cette requête.
L’inspecteur La Nauze et les gendarmes Wight et Withers partirent, avec des vivres et des munitions pour deux années. Mais lorsqu’ils arrivèrent dans la Terre Stérile, le plus imprévu des contretemps les y attendait. Comme s’ils eussent soupçonné les investigations dont ils allaient être l’objet, les Esquimaux n’avaient point paru cet été. La cabane des missionnaires, au lac Imerenick, était tout en ruines. Le Père Frapsauce, qui avait accompagné jusque-là les gendarmes, dut retourner au fort Norman, navré de n’avoir rien à apprendre à ses supérieurs.
Quant aux gendarmes, ils attendirent, logés dans une maison que les pères s’étaient construite au printemps 1913, à la baie Dease, le retour de la saison favorable.
A la fin d’avril 1916, ils se remirent en route vers le Nord, atteignirent, au mois de mai, le premier village de l’embouchure du Coppermine, et procédèrent immédiatement à leur difficile enquête.
Ils interrogèrent adroitement les Esquimaux sur les «deux hommes blancs». Mais tous leurs efforts pour obtenir indirectement la vérité restèrent sans résultat.
L’un des gendarmes eut enfin l’idée de dire à l’interprète:
—Demande-leur carrément qui a tué les prêtres. Pose la question sans détour.
L’interrogation, ainsi formulée dans sa franche brutalité, fut aussitôt suivie de cette réponse:
—Les Blancs ont été tués par Sinnisiak et Oulouksak.
A l’instant, les langues se délièrent, et chacun raconta ce qu’il savait. Tout le monde avait été informé, dès le lendemain du crime. On se montrait en même temps fort peiné du meurtre des «bons Blancs».
Les dépositions consignées par écrit, les aveux des meurtriers, les renseignements de M. Arden, et la découverte, à l’endroit même de l’assassinat, des débris du Journal de pauvre papier rugueux, sur lequel le Père Rouvière écrivait au crayon indélébile ses notes quotidiennes, ont permis de reconstituer presque tous les actes de la sanglante tragédie.
Les missionnaires étaient partis du lac Imerenick, le mercredi 8 octobre 1913, tous deux malades, le Père Le Roux souffrant d’un rhume, et le Père Rouvière d’une blessure qu’il s’était faite en bâtissant la maison de la baie Dease. Un groupe considérable d’Esquimaux étaient venus, la veille, pour les emmener. Parmi eux se trouvaient Sinnisiak et Kormick.
Les voyageurs mirent une douzaine de jours à parcourir les 140 kilomètres qui les séparaient de la mer Glaciale. Le Journal note continuellement «des froids intenses», «des temps affreux», «des chemins difficiles», «des vents contraires», la «fatigue des chiens affamés»...
Le terme de ce voyage fut une île située dans l’estuaire du Coppermine.
Le 20 ou 22 octobre, le Père Rouvière écrivait:
«—Nous arrivons à l’embouchure de la rivière de Cuivre (Coppermine). Des familles sont déjà parties. Désenchantement de la part des Esquimaux. Nous sommes menacés de famine; aussi, nous ne savons que faire.»
C’est la dernière phrase écrite par le missionnaire.
Le mot désenchantement apparaît, non souligné, mais fortement appuyé. C’était la première fois que le Père Rouvière parlait avec quelque amertume de ses ouailles.
La famine menaçait le camp, parce que la pêche était précaire et que le renne faisait défaut. Les pères s’étaient munis de provisions; mais elles leur furent bientôt volées. Une nuit, l’Esquimau qui hébergeait nos confrères depuis près d’une semaine, se glissa au chevet du Père Le Roux, lui enleva sa carabine et la cacha.
Quel que fût le protocole indigène, qui prescrit de ne point refuser ce que l’on vous demande, les missionnaires ne pouvaient tolérer ce dernier larcin. Se risquer sans fusil dans ces pays, c’est, pour un blanc, se condamner à mourir de faim. L’arme fut donc reprise par son propriétaire. Ce que voyant, Kormick entra en colère et se rua sur le Père Le Roux pour le tuer. Mais un brave vieillard, Koha, saisissant l’agresseur à bras-le-corps, le maîtrisa.
Koha, prenant à part les missionnaires, leur représenta alors que leur vie était en danger:
«—Kormick et ses gens, leur dit-il, vous feront un mauvais parti. Vous devriez retourner tout de suite à votre cabane du lac Imerenick. Vous reviendriez l’année prochaine en meilleure compagnie.»
Il les aida à appareiller leur équipage, qui consistait en un traîneau et quatre chiens. Puis, il les accompagna durant une demi-journée, autant pour les défendre d’autres attaques possibles que pour les placer dans la bonne direction. Il s’attela même au traîneau avec les chiens. Lorsqu’ils eurent remonté le fleuve jusqu’au chemin qui s’engage dans la Terre Stérile, il leur dit:
«—Il n’y a pas d’arbres ici. Continuez d’avancer aussi loin que vous le pourrez. Après cela vous n’éprouverez plus autant de difficulté. Je vous aime et je ne veux pas qu’on vous fasse de mal.»
Et, sur une cordiale poignée de main, ils se séparèrent.
Quatre nuits devaient encore rester aux missionnaires. Comment passèrent-ils les trois premières? Nous ne l’apprendrons jamais. Ils durent souffrir beaucoup; car il faisait très froid, et ils n’avaient ni tente pour s’abriter, ni bois pour se chauffer.
C’est pendant la seconde de ces nuits que Sinnisiak et Oulouksak quittèrent à la dérobée la tribu endormie, et se mirent à suivre les traces laissées dans la neige par le traîneau. Ils rejoignirent les missionnaires vers le milieu du jour. Ceux-ci comprirent leurs desseins perfides. Ils connaissaient la mauvaise réputation de Sinnisiak et ses relations avec Kormick. Ils leur firent cependant bon accueil.
Afin d’expliquer leur présence, et surtout de se donner le temps de choisir le moment favorable, les Esquimaux dirent qu’ils allaient au devant d’un groupe de leurs parents, attardés dans leur retour du Grand Lac de l’Ours à la mer, et qu’ils avaient, à cette fin, amené deux chiens de relai.
«—Puisque nous allons dans la même direction, proposèrent-ils, nous vous aiderons à traîner votre charge, jusqu’au moment où nous rencontrerons notre monde.»
Leu Esquimaux trouvent naturel de prendre le harnais d’un traîneau et n’estiment pas qu’il y ait rien d’humiliant dans ce travail. Au cours des longs voyages, tous les membres de la famille s’y emploient; les femmes halent en tête, les chiens sont au milieu, et les hommes en queue. Et combien de fois les missionnaires du Nord n’ont-il pas rendu ce service à leurs coursiers trop faibles!
Le soir venu, Sinnisiak et Oulouksak se retirèrent vers le fleuve, afin de camper à part.
Le matin, ils revinrent au traîneau; mais ils ne purent encore frapper, ce jour-là.
Pour la nuit suivante, ils construisirent un Iglou, et tous quatre s’y abritèrent, côte à côte. Nos pères pouvaient compter sur la loi de l’hospitalité qui rend inviolable tout étranger, tant qu’il se trouve sous la hutte de neige de l’Esquimau.
Le lendemain, la caravane se remit en marche. En avant, le Père Rouvière battait la neige de ses raquettes, pour frayer le passage. Le Père Le Roux était à la tâche, non moins pénible, de retenir, avec des cordes, l’arrière du traîneau qui, sans cela, aurait chaviré à chaque cahot.
Chemin faisant, le vent se leva et une tempête se déchaîna. La neige tourbillonnait en flocons aveuglants. La marche devenait de plus en plus pénible...
Sinnisiak jugea le moment propice. Il murmura quelques mots d’ordre à l’oreille d’Oulouksak; et tous deux se débarrassèrent du harnais.
Sinnisiak s’en alla derrière le traîneau; mais le Père Le Roux, mis en défiance, le suivit du regard... Le misérable eut alors recours à un stratagème: il fit mine de détacher sa ceinture en disant qu’il avait à satisfaire un besoin naturel. Le prêtre détourna les yeux; et le scélérat, se rapprochant de lui vivement, le frappa, de son grand coutelas, dans le dos.
Le blessé se précipita en avant, en poussant un cri; mais à peine avait-il dépassé le traîneau qu’Oulouksak, à son tour, se jetait sur lui, pendant que Sinnisiak disait:
—Achève-le. Moi, je vais m’occuper de l’autre!
Le Père Le Roux saisit les épaules du sauvage en faisant appel à sa pitié. Mais, sourd à ses supplications, Oulouksak lui porta deux coups de couteau: le premier dans les entrailles, le deuxième dans le cœur.
Cependant, averti par le cri de détresse de son confrère, le Père Rouvière accourait. En le voyant s’affaisser sur le sol, et Sinnisiak armer la carabine qu’il avait prise dans le traîneau, le missionnaire s’enfuit vers le fleuve. La première balle que lui envoya l’assassin le manqua; mais la seconde l’atteignit dans les reins, et le fit tomber assis sur la neige.
Les deux Esquimaux accoururent.
—Achève-le! commanda de nouveau Sinnisiak.
Oulouksak lui plongea dans le flanc sa lame encore fumante.
Le pauvre père, alors, s’étendit tout de son long dans la neige rougie... Comme il respirait et que ses lèvres remuaient encore, Sinnisiak alla chercher, au traîneau, la hache de travail des missionnaires; et, revenant au moribond, il lui coupa les jambes, les mains et la tête.
Puis, déchirant les entrailles, Oulouksak arracha une portion du foie; et les deux monstres en mangèrent.
Ayant jeté le corps dans un ravin, ils retournèrent au Père Le Roux, l’ouvrirent et lui dévorèrent pareillement le foie.
L’horrible festin fini, ils s’emparèrent des carabines et munitions et revinrent au camp où ils racontèrent ce qu’ils avaient fait.
—Nous avons déjà tué les Blancs, dirent-ils à Kormick, en arrivant.
Le crime fut commis, entre le 28 octobre et le 2 novembre 1913, l’après-midi, à une trentaine de kilomètres de l’océan Glacial, sur la rive gauche du Coppermine, trois lieues en amont de la Chute du Sang.
Le lendemain, un certain nombre de bons et de méchants Esquimaux s’en furent au lieu du carnage, où ils trouvèrent les quatre chiens faisant la garde de leur maître.
Les uns—Kormick en était—se distribuèrent les divers effets. Les autres, comme Koha, regardèrent avec douleur «comment les bons Blancs étaient morts».
J’étais très chagrin de la mort des bons Blancs, dit Koha, et je voulus aller les voir. En arrivant, j’aperçus le corps d’un homme sans vie, à côté du traîneau: c’était Ilogoak (le Père Le Roux); et je me mis à pleurer. Je ne vis pas Kouliavik (le Père Rouvière). La neige recouvrait le visage d’Ilogoak, laissant le nez à découvert: il était étendu sur le dos, la tête relevée... J’aimais beaucoup les bons Blancs. Ils étaient très bons pour nous.
Trois ans plus tard, le 3 juin 1916, le gendarme Wight se fit conduire à cet endroit par un indigène nommé Mayouk. Il trouva la planche de fond du traîneau, et, près de celle-ci, un os maxillaire inférieur retenant encore toutes ses dents intactes et blanches. Mayouk déclara que cette relique était du Père Le Roux, et qu’elle avait été jetée là, l’année précédente, par un passant. Comme M. Wight tenait à voir le lieu précis où le Père Le Roux avait expiré, Mayouk l’entraîna, à vingt mètres plus loin, dans la direction du fleuve, s’arrêtant à une centaine de mètres de la rive gauche. La place était marquée par des griffes d’animaux carnassiers, et par de nombreuses esquilles d’ossements tombées de leurs gueules. Mayouk montra ensuite au gendarme une excavation qu’un ruisseau avait pratiquée en se jetant dans le Coppermine, et dit que le corps du Père Rouvière était au fond. Six pieds de glace mêlée d’argile le recouvraient. Le gendarme, pressé par le temps, se contenta de confectionner, avec la planche du traîneau, deux humbles croix qu’il planta respectueusement sur les points du désert, où les deux missionnaires avaient trouvé le sanglant couronnement de leur apostolat.
En 1917 enfin, en la fête de l’Assomption de la Sainte Vierge, le 15 août, dans l’après-midi,—sixième anniversaire de la première rencontre des Esquimaux par le Père Rouvière,—Sinnisiak, son bourreau, comparaissait devant le juge de la cour suprême du Canada, à Edmonton, et faisait l’aveu de son forfait.
Invoquant son titre de père des missionnaires immolés, Mgr Breynat adressa une supplique au ministre de la justice, pour que la peine de mort, portée par le tribunal du Canada, fut commuée. Il demanda que les deux meurtriers lui fussent confiés, afin qu’il pût leur faire comprendre la beauté de la Religion catholique, dans ses institutions, dans ses missionnaires et dans sa miséricordieuse indulgence.
Ce recours en grâce fut entendu. La sentence de mort fut aussitôt changée en un emprisonnement indéfini, emprisonnement sans chaînes, ni verrous, au fort Résolution, sur le Grand Lac des Esclaves, selon que l’avait proposé le vicaire apostolique du Mackenzie.
La détention des coupables n’y dura que deux années, sous la garde bénigne de la gendarmerie locale, et à l’école des plus belles œuvres apostoliques de l’Extrême-Nord.
En 1919, à la nouvelle prière de Mgr Breynat, les deux bourreaux furent renvoyés à leur tribu...
Dans cet acte sublime de miséricorde, accompli, en leur nom, par leur évêque, s’acheva le sacrifice des deux jeunes Oblats français, de 32 et 27 ans, qui moururent sur la plage de l’océan Glacial, dans l’ouragan de neige, à 3.000 lieues de leur patrie, épuisés de fatigue et de faim, le cœur brisé par l’ingratitude de leurs enfants d’adoption, comme le Cœur du divin Maître l’avait été par l’infidélité de Jérusalem, la veille du Calvaire, et priant pour ceux qui les poignardaient.
Un autre sacrifice, pris encore aux veines de la France, devait, sept ans plus tard, le 24 octobre 1920, s’ajouter à celui-là pour mériter pleinement le salut des Esquimaux. Le nom du Père Frapsauce, cette troisième victime, est revenu plus d’une fois, au cours de ce livre. Il est permis d’écrire, maintenant, que ce missionnaire, dévoué, durant vingt ans, aux Dénés du fort Smith, du fort Résolution, du fort Rivière-au-Foin et du fort Norman, avait été l’apôtre de toute humilité, de toute abnégation.
A peine la mort des Pères Rouvière et Le Roux fut-elle connue dans sa sanglante réalité par les missionnaires du Mackenzie que tous, unanimement, se proposèrent pour faire la relève, au poste du Grand Lac de l’Ours. Le Père Frapsauce obtint d’être le premier choisi. N’ayant plus, dès lors, que le rêve de se donner entièrement à ses nouvelles âmes, il s’exerça à vivre leur vie, il s’initia à leur langue, et, l’automne 1919, il arriva, pour s’y fixer, à la cabane bâtie par ses devanciers.
De cette résidence, il parcourut les derniers bois du lac et les abords de la Terre Stérile, travaillant de ses mains et prêchant sans relâche.
Le 21 octobre, une année après le Père Frapsauce, le compagnon qu’on lui avait promis, le Père Falaize, ancien apôtre, lui aussi, des Montagnais et des Couteaux-Jaunes, arrivait à la cabane du Grand Lac de l’Ours.
Elle était vide.
Les Indiens expliquèrent au nouveau venu que le Père Frapsauce, à bout de vivres, était allé tendre des filets de pêche, sous la glace déjà formée, et qu’il avait promis de rentrer bientôt.
Mais le Père Falaize, inquiet, partit aussitôt qu’il le put, au devant de son confrère. S’engageant sur une baie qu’on lui avait désignée comme ordinairement poissonneuse, il rencontra les traces d’un traîneau. Il les suivit. Elles s’arrêtaient, un peu plus loin, à une glace brisée. Tout avait sombré là! Sur le rivage opposé, auprès d’un foyer encore fumant, un bréviaire portait la marque des secondes vêpres du 24 octobre.
Au dégel de 1921, le lac rejeta les chiens de l’attelage. Mais toutes les recherches faites pour découvrir les restes du missionnaire lui-même furent inutiles.
Enfin, le 28 janvier 1922, un chasseur indien apporta un morceau de soutane qu’un animal avait arraché d’un banc de neige, sur la côte nord du Lac de l’Ours.
Le Père Falaize gagna le lieu indiqué par le sauvage, fouilla la neige tassée par le vent, et découvrit le corps:
«J’acquis la certitude, continue-t-il, qu’il était entier, et bien conservé, lorsque les grandes tempêtes d’octobre (1921) l’avaient déposé, à l’endroit même du rivage qu’il avait quitté, l’année précédente, pour entreprendre la funeste traversée. Il s’est congelé, alors, sur place. Mais des animaux sauvages l’ont attaqué ensuite. C’est, toutefois, une grande consolation pour moi d’avoir trouvé ce qui restait du missionnaire bien aimé. Je l’inhumerai aussi décemment que possible...»
Telles furent les semailles. Tels furent les sacrifices.
Quelle sera la moisson?
La moisson ne manqua jamais de lever, dans l’Eglise de Dieu, sur les champs arrosés par le sang des apôtres.
De ces sacrifices, le Père Turquetil recueillit les premiers fruits à sa mission de Notre-Dame de la Délivrande.
A son tour, la tribu du golfe du Couronnement a donné ses prémices à la foi divine. Deux mois après la mort du Père Frapsauce, trois adultes et deux enfants recevaient des mains du Père Falaize la grâce du baptême. Depuis ce Noël 1920, l’œuvre conquérante s’est poursuivie. Le Père Trocellier, jeune recrue de France, se prépare, au fort Good-Hope, à rejoindre le Père Falaize.
Tous deux tiendront là-bas, espèrent-ils, soutenus par la pensée surnaturelle du prix des âmes les plus abandonnées, en attendant que s’achève la formation religieuse et sacerdotale des nobles cœurs, avides de renoncement et de dévouement, qui, depuis quelques années, se sont offerts au vicaire apostolique du Mackenzie, pour la conversion des Esquimaux.
Il nous reste, lecteur bienveillant, à vous demander de mêler l’accent de vos prières à la voix du sang des missionnaires, afin de hâter l’heure de Dieu, l’heure où tous les païens des plages hyperboréennes du Nouveau-Monde entreront dans le divin Bercail.
Recommandez-les au Sacré-Cœur, par Marie Immaculée.
La Très Sainte Vierge veille particulièrement sur les Esquimaux: Elle se doit de les convertir. C’est le 15 août qu’elle les donna au Père Rouvière; c’est en ses fêtes qu’elle les lui ramenait en nombre; c’est à Notre-Dame du Rosaire que Mgr Breynat avait prescrit aux missionnaires de dédier la première église qu’ils élèveraient, au bord de l’océan Glacial. De ce temple de Marie, les martyrs du sang et du devoir ont placé les assises fondamentales... de viventibus saxis: leurs dépouilles mortelles, leurs immolations totales. Et ce fut pendant le mois du Rosaire.
A Marie d’achever son édifice et d’en porter la gloire jusqu’au Ciel... Celsa... ad astra tolleris!
Nous l’avons vu, le dernier mot que les Pères Rouvière et Le Roux envoyèrent à leur évêque, en partant pour leur Calvaire, fut un cri suprême à Marie:
«—Que Marie nous garde et nous dirige!»
Elle les a dirigés vers le lieu de la récompense et du bonheur. Qu’elle dirige désormais vers eux les âmes pour lesquelles ils ont donné leur vie.
C’est au contact sanctifiant de leurs reliques—jointes à celles des Pères Fafard et Marchand, mis à mort par les Cris de la Saskatchewan, le Jeudi-Saint 1885, et à celles du Frère Alexis, tué par l’Iroquois—, que les missionnaires de demain se préparent à remplacer ceux qui tombèrent au champ d’honneur...
Ces restes sacrés—ossements, calices, bréviaires, soutanes, croix de poitrine, nappe d’autel ensanglantée—sont gardés au scolastiscat des Oblats de Marie-Immaculée, qui fut inauguré à Edmonton, le 12 septembre 1917, en la fête et sous le vocable du Saint-Nom de Marie.
Ils forment les premiers trésors de notre Salle des martyrs.
APPENDICES
APPENDICE 1
La Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée et ses œuvres
Du jour où le Père de Mazenod fonda, à Aix-en-Provence, la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, au jour où le Père Grollier, l’un de ses fils, arbora la Croix sur la plage de l’océan Glacial, il s’écoula quarante-trois ans.
En moins d’un demi-siècle, l’humble Société, destinée d’abord à n’évangéliser que la Provence, avait porté le nom de Jésus-Christ jusqu’aux extrémités de la terre.
Charles-Joseph-Eugène de Mazenod naquit à Aix, le 1er août 1782, d’une famille de haute noblesse, qui donna à la France des prélats, des amiraux, des magistrats. Chassé, avec ses parents, du domaine ancestral, par les hordes révolutionnaires, Eugène passa son adolescence dans les amertumes de l’exil, de Turin à Naples, de Naples à Venise, de Venise à Palerme. Lorsque sa vocation sacerdotale se fut manifestée, il répondit à l’un de ses oncles qui lui représentait qu’en la suivant il condamnerait à s’éteindre le nom des aïeux: «Rien ne ferait plus d’honneur à notre famille que de finir par un prêtre.»
La famille de Mazenod devait finir par deux évêques.
Le 21 décembre 1811, Eugène, ayant achevé ses brillantes études au grand séminaire de Saint-Sulpice, sous la direction de M. Emery, fut ordonné prêtre par Mgr Demandolx, évêque d’Amiens.
Déclinant l’offre que lui fit immédiatement Mgr Demandolx de le nommer son vicaire général, le nouveau prêtre rentra à Aix, afin de s’y «consacrer tout entier au service de la jeunesse et des pauvres.» Les populations ouvrières l’entendirent prêcher chaque dimanche en leur langue provençale. Les malades, les prisonniers, les pauvres honteux reçurent ses visites assidues et ses aumônes.
Une épidémie de typhus, où il multiplia son zèle, le conduisit au bord de la tombe. Tout espoir humain était perdu, lorsque les prières universelles de la ville d’Aix lui rendirent la santé.
Par reconnaissance pour ce miracle, le Père de Mazenod résolut de se consacrer plus entièrement encore au service des pauvres, en faisant appel à des compagnons embrasés de la même ardeur que lui-même pour les âmes abandonnées.
Son âme s’attristait à la vue des maux causés par la Révolution dans le clergé, les ordres religieux et les populations rurales.
«—Il lui semblait, disait-il, que s’il pouvait réunir en communauté quelques prêtres vraiment zélés, d’un désintéressement à toute épreuve, solidement vertueux, des hommes apostoliques, en un mot, qui, ayant à cœur leur propre sanctification, se donnassent tout entiers à la conversion des âmes, il remédierait, autant que possible, aux maux de l’Eglise et procurerait un grand bien.»
Cette communauté, que son amour de Dieu et de l’Eglise lui faisait désirer, il la fonda le 25 janvier 1816, en la réunissant dans un ancien monastère des Carmélites d’Aix, où ne subsistaient qu’un délabrement et une pauvreté extrêmes. Le fondateur proposa alors la devise qui fait la fierté des Oblats: Evangelizare pauperibus misit me: Il m’a envoyé évangéliser les pauvres. Pour costume apostolique, et plus tard religieux, il fut décidé que les missionnaires porteraient la simple soutane noire et la croix.
Au premier but, qui était l’évangélisation des pauvres par les missions, les retraites, les catéchismes, s’ajouta bientôt celui de la formation de la jeunesse, dans les grands séminaires et dans les collèges ecclésiastiques.
Se retirant dans une retraite profonde, le Père de Mazenod élabora les règles et les constitutions des Missionnaires de Provence, nommés aussi Oblats de Saint-Charles. Aux vœux ordinaires de pauvreté, de chasteté et d’obéissance que prononcent les religieux, il adjoignit celui de la persévérance dans le saint Institut. Ces constitutions furent telles qu’elles suffirent à retenir unis et fidèles tous les membres de la Congrégation, à travers toutes les tempêtes qui devaient les disperser.
A la fin de 1825, le Père de Mazenod, muni de son livre de Règles, et encouragé par les évêques dont les Oblats avaient évangélisé les diocèses depuis dix ans, se rendit à Rome, afin de solliciter du Souverain Pontife l’institution canonique de sa jeune Société.
Tout ce que pouvait espérer le fondateur—on le lui avait dit de toutes parts—c’était une louange, les Congrégations Romaines s’étant fait une loi de traiter ainsi les communautés nouvelles, et de ne remettre qu’à beaucoup plus tard l’approbation formelle.
Déjà, en effet, les cardinaux s’étaient prononcés pour un bref d’éloges, lorsque le Père de Mazenod, au sortir d’une longue prière aux pieds de la Sainte Vierge, se présenta à Léon XII. Comme mu par une inspiration spéciale, le Pape s’écria:
—Cette congrégation me plaît... Elle ne doit pas être louée, mais approuvée.
Et il demanda aussitôt aux cardinaux de reprendre l’examen des constitutions et de conclure dans le sens qu’il désirait.
Léon XII fit bien plus: il donna à la Congrégation le nom de Missionnaires Oblats de Marie Immaculée (Missionarii Oblati beatissimæ Virginis Mariæ sine labe conceptæ).
Le Père de Mazenod ne contient plus sa joie; et ses lettres la redisent à ses missionnaires de France:
«—Oblats de Marie Immaculée!... Nom qui plaît tant au cœur et à l’oreille! Mais n’est-ce pas le brevet de notre prédestination à tous!»
Léon XII approuva définitivement la société, le 17 février 1826. C’est pourquoi le 17 février est resté, depuis, la grande fête annuelle des Oblats. Ils ont le privilège de célébrer, ce jour-là, la messe solennelle de l’Immaculée-Conception, et de renouveler leurs vœux de religion.
Les fruits de la haute bénédiction du Pape tombèrent, sans tarder, sur la Congrégation naissante.
En 1830, elle porte son noviciat en Suisse et évangélise les diocèses de Lausanne et Genève.
En 1840, c’est l’Angleterre, l’Ecosse et l’Irlande qui appellent les Oblats et les reçoivent.
En 1841, s’ouvre le Nouveau-Monde. Mgr Bourget, évêque de Montréal, au Canada, vient demander des missionnaires au fondateur, qui depuis quatre ans avait succédé à son oncle Mgr Fortuné de Mazenod, sur le siège de Marseille. Mgr de Mazenod hésite à imposer par l’autorité le sacrifice de l’exil à ses enfants. Il leur envoie une circulaire, prescrivant à chacun de lui faire sa libre réponse.
Tous s’écrient:
—Ecce ego: mitte me.—Me voici: envoyez-moi!
Et les lettres brûlaient du désir de voler aux missions étrangères.
Mgr Bourget reçut bientôt la première caravane des missionnaires, à Montréal.
Ce fut le signal du prodigieux développement de la Congrégation des Oblats de Marie-Immaculée.
Bientôt ils rempliront l’Amérique du Nord jusqu’aux bords des trois océans qui la baignent.
En 1847, l’Ile de Ceylan, la perle des Indes, les réclame à son tour.
En 1851, ils débarquent au sud de l’Afrique, pour se dévouer aux Blancs, aux Cafres, aux Zoulous, aux Basutos...
Le vénéré fondateur eut donc la récompense de voir lui-même sa Congrégation couvrir l’univers. Il eut le bonheur aussi de donner la consécration épiscopale à six de ses enfants auxquels l’Eglise confiait déjà des diocèses ou des vicariats apostoliques.
Mgr de Mazenod mourut le 21 mai 1861, à l’âge de 70 ans. Ce fut au moment où ses Oblats, réunis autour de sa couche, récitaient les dernières paroles du Salve Regina: O clemens, o pia o dulcis Virgo Maria!
La mort de ce saint évêque, que ses continuelles mortifications ont fait appeler le «grand pénitent du XIXe siècle», fit paraître tous les signes de la prédestination. Ses fils espèrent le voir un jour placé par l’Eglise au rang des Saints, à côté de l’Oblat dont la cause est introduite à Rome: le Père Albini.
Aujourd’hui, malgré les persécutions, malgré les ruines accumulées par la grande guerre, malgré la mort de plusieurs sur le champ de bataille, il reste sur la brèche plus de trois mille Oblats. Pontifes, simples prêtres, frères coadjuteurs, ils travaillent, avec une égale abnégation, sous la bannière de Marie Immaculée. Leurs communautés cultivent la charité fraternelle et hospitalière, que leur légua leur vénéré Fondateur et qui les caractérise.
En un siècle, la Congrégation des Oblats a donné à l’Eglise un cardinal (Mgr Guibert, archevêque de Paris), et 38 archevêques ou évêques.
Les supérieurs généraux de la Société, élus à vie, ont été Mgr de Mazenod, les T. RR. PP. Fabre, Soullier, Augier, Lavillardière et S. G. Mgr Augustin Dontenwill, archevêque de Ptolémaïs. Mgr Dontenwill, élu en 1908, fut pris au siège archiépiscopal de Vancouver (Canada). A l’occasion du centenaire de sa Congrégation (1916), il a été nommé, par S. S. Benoît XV, Assistant au Trône pontifical.
La maison mère—résidence du supérieur général—se trouve à Rome, 5, via Vittorino da Feltre, Italie.
Pour renseignements s’adresser à Paris, 4, rue Antoinette—; à Aix-en-Provence (Bouches du Rhône), 60, cours Mirabeau—; à Bruxelles, 71, rue Saint-Guidon (Belgique)—; à Ottawa (Canada), juniorat du Sacré-Cœur, 600, rue Cumberland,—; à Lowell (Mass.), Etats-Unis, 725, rue Merrimack.
⁂
Etat présent des provinces et vicariats de missions:
En Europe: Les trois provinces de France. (Il est peu de paroisses françaises qui n’aient entendu la prédication des Oblats).—La province Britannique pour l’Angleterre, l’Ecosse, l’Irlande.—Les provinces de Belgique, d’Allemagne, d’Italie.
En Amérique: La province du Canada, dans l’est du Dominion, et où fleurissent toutes les œuvres de la Congrégation, depuis celles des missions indiennes, sur les côtes du Labrador et de la Baie d’Hudson, jusqu’à celle de la magnifique université d’Ottawa, avec ses facultés de philosophie et de théologie.—Les trois provinces des Etats-Unis couvrant l’immense République et le Mexique.—La province du Manitoba, qui commence le Nord-Ouest canadien. Prêchant à la bénédiction de la cathédrale de Saint-Boniface, le 4 octobre 1908, S. G. Mgr Paul-Eugène Roy, coadjuteur de S. E. le Cardinal Bégin, archevêque de Québec, disait: «L’évangélisation du Nord-Ouest est le plus beau fleuron de la couronne que portent les fils de Mgr de Mazenod, et l’un des plus merveilleux ouvrages de l’apostolat catholique dans le monde.»—La province d’Alberta-Saskatchewan.—Les vicariats de la Colombie Britannique, du Keewatin, d’Athabaska, du Mackenzie, du Youkon.
En Asie: Le vicariat de Jaffna, qui compte environ 80.000 catholiques, et à qui il reste à convertir 300.000 bouddhistes ou païens.—Le vicariat de Colombo, avec une centaine de missionnaires et 245.000 catholiques. Il y reste 1.700.000 infidèles.
En Afrique: Le vicariat de Natal, comprenant la colonie anglaise de Natal, la Cafrerie proprement dite, le Zoulouland, le Swasiland et l’Amatonga.—Le vicariat de Kimberley (autrefois Etat Libre d’Orange) avec ses Boërs, ses Noirs, et les Blancs attirés par les mines d’or et de diamant.—Le vicariat du Transvaal (mêmes éléments que le précédent).—Le vicariat du Basutoland, contrée peu fréquentée des Blancs, mais où les missionnaires ont formé de magnifiques chrétientés de Noirs. N. B. «Dans ces quatre vicariats de l’Afrique méridionale, le climat est parfaitement salubre; la température n’excède pas celle du Midi de l’Europe; l’état actuel de ces missions est consolant; l’avenir est plein d’espérance...»—La Préfecture apostolique de la Cimbébasie.
En Océanie: Une maison établie dans le diocèse de Perth (Australie).
⁂
La Congrégation des Oblats de Marie Immaculée possède des noviciats (dont l’épreuve dure une année); des juniorats (où elle donne le cours classique aux adolescents qui se destinent à devenir ses membres); des scolasticats (pour l’enseignement de la philosophie et de la théologie), et plusieurs grands séminaires.
Citons les scolasticats de Rome, de Liége, de San Giorgio, de Dublin, de Hünfeld, d’Ottawa, d’Edmonton, de Washington, de San Antonio.
Dans ces vastes scolasticats, sont confondus, jusqu’au jour des obédiences, qui se donnent au lendemain de l’ordination sacerdotale, les futurs missionnaires des cinq parties du monde, «les aspirants à l’Afrique et les amis des glaces, les partisans des Zoulous et ceux des Esquimaux.» Les supérieurs tiennent compte des goûts et des aptitudes manifestés; et tous baisent avec bonheur la main du général qui les envoie sur le champ de bataille qu’il a choisi, assurés d’être partout les missionnaires des pauvres.
Ajoutons qu’une consolation leur est désormais assurée: celle de n’être plus isolés, comme le furent, par nécessité, plusieurs missionnaires des commencements, surtout dans l’Athabaska-Mackenzie. La règle des Oblats qui prescrit la vie commune peut être généralement observée. Et si le missionnaire doit se condamner parfois encore à des voyages ou à des résidences solitaires, ce n’est que pour peu de temps. Bientôt il reverra ses confrères du voisinage. D’ailleurs, ce n’est pas dans cet isolement, accepté par sacrifice et pour les âmes, que la grâce de Dieu manquera jamais à son apôtre.
La dévotion filiale des Oblats à Marie Immaculée les a conduits à l’apostolat privilégié du Sacré-Cœur. Ils furent les premiers chapelains de Montmartre (1876-1903); les premiers aussi de la basilique nationale de Belgique, à Bruxelles.
Partout où sont établis les Oblats, la dévotion au Sacré-Cœur, sous la forme de la communion du premier vendredi du mois surtout, est en pleine prospérité.
«Trois années avant que la persécution religieuse les chassât de Montmartre, les Oblats de Marie avaient reçu, du Pape Léon XIII, la mission de propager, à travers le monde, le scapulaire du Sacré-Cœur. Par un rescrit daté du 19 mai 1900, le Souverain Pontife accordait au Supérieur général, alors en charge, et à ses successeurs, à perpétuité, la faculté, soit de bénir et d’imposer le scapulaire du Sacré-Cœur, soit de déléguer, pour cette bénédiction et cette imposition, outre les prêtres de sa Congrégation, tout prêtre du clergé tant séculier que régulier.». Cette mission officielle, reçue du Vicaire de Jésus-Christ, est une bénédiction incomparable pour toutes les œuvres confiées à la congrégation des Oblats de Marie.
Le R. P. Th. Ortolan, O. M. I., auteur de nombreux ouvrages, publie, en ce moment, l’Histoire Générale de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, sous le titre: Cent Ans d’Apostolat dans les Deux Hémisphères. Des six ou sept volumes qui composeront cette histoire, deux ont paru, illustrés, l’un et l’autre, de nombreuses gravures et de cartes. Cette édition, tirée sur papier couché, est digne du célèbre auteur et du sujet traité par lui. En vente: 4, rue Antoinette, Paris.
ASSOCIATION DE MARIE IMMACULEE
Fondée par Mgr de Mazenod lui-même, en 1840, canoniquement approuvée par le Souverain Pontife, l’Association de Marie Immaculée constitue comme le Tiers Ordre de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, et fait part à ses membres des mérites gagnés par les missionnaires, Pères et Frères, sur tous les champs de leur apostolat.
Le rôle des associés est: 1º De demander à Dieu, par l’intercession de Marie Immaculée, de bénir les travaux des Oblats, 2º De coopérer eux-mêmes à l’œuvre des vocations, en suscitant et en aidant le recrutement des missionnaires.
Conditions d’admission:
1º Se faire inscrire. (A qui ne connaîtrait quelque centre établi, ou quelque zélatrice de l’Association, nous indiquerions l’une des adresses citées plus haut, page 474.)
2º Réciter chaque jour trois Ave Maria, ou le Tota Pulchra es.
3º Faire une aumône annuelle à l’œuvre des vocations, suivant le titre que l’on choisira: Simple associé: un franc.—Souscripteur: douze francs.—Bienfaiteur: cent francs.
Il y a en outre: 1º Les Protecteurs, qui adoptent un élève, en assumant les frais de sa pension.—2º Les Fondateurs, qui versent le capital d’une bourse à perpétuité.
Les associés de Marie Immaculée trouvent, sur les publications qu’on leur adresse, la liste des nombreuses indulgences qu’ils peuvent gagner.
Chaque semaine, le saint sacrifice de la Messe est offert à leurs intentions.
APPENDICE II
Notice sur les Missions Etrangères des Sœurs de la Sainte-Famille
Née à Bordeaux, en 1820, du cœur d’un saint prêtre, M. Pierre-Bienvenu de Noailles, la Congrégation de la Sainte-Famille reçut presque aussitôt le cachet de Dieu, par un miracle de la Sainte Eucharistie.
Le 3 février 1822, dimanche de la septuagésime, dans la chapelle des religieuses de Bordeaux, durant le salut du Saint-Sacrement, Notre-Seigneur apparut au milieu de l’ostensoir, à la place de l’hostie, sous la forme d’un «jeune homme d’environ trente ans, extraordinairement beau». «Le buste était revêtu d’une écharpe rouge foncé.» Ce miracle, solennellement commémoré chaque année, fut le point de départ de l’accroissement merveilleux de l’humble congrégation religieuse.
Le ministère des Sœurs de la Sainte-Famille s’exerce tantôt auprès des orphelins abandonnés, tantôt dans l’enseignement, «depuis l’école du village, l’ouvroir, la classe primaire, jusqu’aux externats et pensionnats ouverts aux jeunes filles de la classe aisée», tantôt au chevet des malades de toutes conditions.
Ces vaillantes religieuses, répondant au vœu de leur fondateur, regardent les Missions étrangères comme le champ privilégié de leur apostolat.
En 1862, elles abordaient en Asie, à l’île de Ceylan, «la perle des Indes», et, en 1864, au Sud de l’Afrique.
A Ceylan, la Sainte-Famille compte actuellement 8 centres principaux: orphelinats, pensionnats, hôpital. A ces grandes entreprises elles ajoutent «une quarantaine d’écoles tamoules ou singhalaises». Leur succès fut si grand que de nombreuses jeunes filles quittèrent le paganisme, non seulement pour se donner à la vie chrétienne, mais pour embrasser la perfection de l’état religieux. Deux cent trente de ces religieuses indigènes «dirigent, sous le contrôle des Sœurs européennes, des écoles, que fréquentent près de 8.000 enfants».
En Afrique, les Sœurs missionnaires eurent à affronter plus que le paganisme: la vie sauvage. Elles durent souvent «défricher le sol», afin d’en tirer «leur subsistance et celle des enfants confiés à leurs soins», et «tisser des étoffes, destinées à couvrir le noir petit monde qu’elles entreprenaient de civiliser». Inlassables catéchistes, patientes gardes-malades, elles ont donné à Dieu des légions de convertis. Et même y trouvent-elles quelques âmes, éprises des abnégations de la vie religieuse.
La Cafrerie, le Basutoland, la Colonie du Natal, de l’Orange, du Transvaal voient plus de 6.000 enfants aux écoles de la Sainte-Famille. Au sanatorium de Johannesburg et à celui du Cap, les Sœurs rendent chaque année à la santé et à la vie surnaturelle des milliers de malades.
Les Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux sont affiliées à la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée.
Pour tous renseignements, s’adresser à Madame la Supérieure des Sœurs de la Sainte-Famille, 33, rue Sainte-Eulalie, Bordeaux, Gironde.
APPENDICE III
Etat de personnel dans les missions dénées de l’Athabaska-Mackenzie, de l’origine à 1920
N. B.—1º Les dates extrêmes, apposées au nom de chacun des missionnaires résidents, marquent généralement que le missionnaire a pris son poste, et l’a quitté pour un autre, durant la saison de navigation de l’année que désigne chaque date. Si l’on ne trouve qu’une seule date, l’on en conclura que la résidence n’aura duré que quelques mois.
2º Les missionnaires visiteurs vont ordinairement à leurs dessertes en raquette, pour en revenir en canot, après le dégel. Ou vice-versa. Les visites durent de deux à quatre mois. Il ne s’agit pas ici des missions aux camps nomades, que nous avons décrites, et qui sont de toutes saisons, de tous moyens de locomotion (surtout celui des raquettes) et de toutes distances.
3º Les longitudes et latitudes ont été approximativement calculées.
CHAPITRE IX.—Les Montagnais.
Mission de la Nativité (Fort Chipewyan): latitude, 58,42; longitude, 111,10.
Missionnaire visiteur: P. Taché (1847-1848).
Missionnaires résidents: PP. Faraud (1849-1861).—Grollier (1852-1858).—Grandin (1855-1857).—Clut (1859-1869).—Grouard (1862-1863; puis 1888-1894).—Eynard (1863-1864; puis 1867-1873).—Tissier (1865-1867).—Laity (1868-1881).—Le Doussal (1875-1880; puis 1882-1920).—Joussard (1880-1881; puis 1917-1920).—Pascal (1881-1890).—De Chambeuil (1893-1920).—Croisé (1901; puis 1903-1912).—Laffont (1902-1903; puis 1908-1914).—Bocquené (1907-1908).—Riou (1908-1909).—Le Treste (1913-1916).
Fondation du Couvent-Orphelinat des Saints-Anges (Sœurs Grises de Montréal), 1874.
La mission de la Nativité essaima, en 1914, à Fort Mac-Murray, mission située sur la rivière Athabaska, latitude 56,40, longitude 111,20, et que l’on avait toujours visitée, quoique irrégulièrement. Le P. Laftont en est devenu le résident. Il compte à peu près en nombre égal des Montagnais, des Cris, des Métis, des Blancs. Les Sœurs Grises de Montréal y ont fondé un orphelinat-pensionnat pour Indiens et Blancs, en 1920.
Mac-Murray, riche en ressources minières, est appelée à devenir une ville considérable. Elle est le terminus actuel du chemin de fer vers le Nord.
CHAPITRE X.—Les Mangeurs de Caribous.
Mission Notre-Dame des Sept-Douleurs (Fort du Fond-du-Lac): latitude, 59,20; longitude, 102.
Visiteurs: PP. Grollier (1853-54-55-56 et 1858).—Grandin (1857).—Clut (1859-60-61-62-63-65-66-67-74).—Séguin (1861).—Grouard (1862).—Eynard (1864-70-71-72-73).—Mgr Faraud (1869).
Résidents: PP. Pascal (1875-1881).—De Chambeuil (1881-1893).—Breynat (1892-1901).—Biehler (1900-1911).—Croisé (1902-1903).—Laffont (1903-1908).—Bocquené (1908-1909; puis 1911-1914).—Riou (1909-1920).
CHAPITRE XI.—Les Castors.
Mission Saint-Charles (Fort Dunvegan): latitude, 55,55; longitude, 118,35.
Visiteurs: M. l’abbé Bourrassa, compagnon de M. l’abbé Thibault au lac Sainte-Anne, qui vint du Petit Lac des Esclaves au fort Dunvegan, (en 1845-46-47).—P. Lacombe (1855).—P. Faraud (1858-59-60-66).
Résidents: PP. Tissier (1867-1883).—Le Doussal (1880-1881).—Husson (1881-1885).—Grouard (1883-1885).—Desmarais (1884-1885).—Le Serrec (1885-1893).—Le Treste (1885-1903).—Hess (1899-1903).—Josse (1903).
En 1903, la mission est transportée à Spirit River (latitude, 55,40; longitude, 118,40) par les Pères Le Treste et Josse.
A Spirit River, résidèrent depuis: Pères Le Treste (1903-1904); Josse (1903-1911); Alac (1906-1907); Girard (1911-1920).
Les dessertes de Saint-Charles, sur la rivière la Paix, furent Saint-Pierre (du fort Saint-Jean), latitude, 56,10; longitude, 120,50, et Notre-Dame des Neiges (du fort Hudson’s Hope), latitude, 56; longitude, 121,50. 80 kilomètres au sud, Saint-Vincent-Ferrier (de la Grande Prairie).
Mission Saint-Henri (Fort Vermillon): latitude, 58,20; longitude, 115,55.
Visiteurs: M. Bourrassa (1846-1847); PP. Faraud (1858-59-60-66).—Tissier (1866).—Mgr. Clut (1868-1869).—PP. Laity (1869-70-71-72).—Collignon (1874-1875).
Résidents: PP. Husson (1876-1888).—Laity (1881-1889).—Dupin (1889-1909).—Joussard (1889-1909).—Lecorre (1902-1903).—Habay (1904-1912).—Le Treste (1909-1913; puis 1916-1918).—Rault (1912-1918).—Bocquené (1914-1915).
La population du fort Vermillon est presque totalement blanche aujourd’hui. Les Sœurs de la Providence de Montréal y tiennent un pensionnat. Elles ont aussi un orphelinat-pensionnat à la mission Saint-Augustin (de Peace River).
CHAPITRE XII.—Les Couteaux-Jaunes.
Mission Saint-Joseph (Fort Résolution): latitude, 61,08; longitude, 113,50.
Visiteurs: PP. Faraud (1852-54-55-56).—Grandin (1856-1857).
Résidents: PP. Grollier (1858-1859).—Eynard (1858-1863; puis 1865-1869).—Gascon (1859-1880).—Petitot (1863-1864).—Lecorre (1870).—Dupire (1877-1907; puis 1919-1920).—Joussard (1881-1888).—Brémond (1895-1897).—Frapsauce (1900-1902).—Mansoz (1903-1904; puis 1906-1914).—Laity (1906-1915).—Bousso (1906-1908).—Duport (1908-1919).—Falaize (1914-1920).—Pratt (1919-1920).
Un orphelinat fondé par les Sœurs Grises, en 1903.
Mission Saint-Isidore (Fort Smith): latitude, 60; longitude, 112.
Le P. Gascon y célébra la première messe, le 3 août 1876. Depuis lors, les Pères Dupire et Joussard et Mgr Clut la visitèrent chaque année, tour à tour.
Résidents: PP. Joussard (1888-1889).—Laity (1890-1901).—De Chambeuil (1896-1897).—Brémond (1897-1902).—Frapsauce (1902-1904; puis 1908-1909).—Mansoz (1904-1906; puis 1914-1920); Gouy (1909-1914).
Fondation d’une école et d’un hôpital par les Sœurs Grises, en 1914.
Ferme Saint-Bruno (Rivière au Sel).
Résidents: PP. Roure (1911-1915).—Gourdon (1915-1920).
Mission Sainte-Marie (Fort Fitzgerald).
Visitée continuellement de Saint-Isidore ou de la Nativité.
Résidents: PP. Brémond (1902-1908).—Laffont (1908-1909); Bocquené (1909-1911).—Dupire (1911-1919).
CHAPITRE XIII—Les Plats-Côtés-de-Chiens.
Mission Saint-Michel (Fort Rae): latitude, 62,58; longitude, 116.
Visiteurs: PP. Grollier (1859).—Eynard (1859-60-61-63).—Gascon (1860-66-67-68-69-70-71).—Mgr Grandin (1862).—P. Petitot (1864).
Résidents: PP. Roure (1872-1911).—Ladet (1886-1889).—Duport (1903-1908; puis 1919-1920).—Dupire (1907-1909).—Bousso (1909-1915).—Laperrière (1911-1920).
Les dessertes principales du fort Rae sont:
1º La rivière Couteau-Jaune, 100 kilomètres au Sud du fort Rae. Elle est alternativement desservie par le fort Résolution.
2º Le lac la Martre (Tsan-triè, nom sauvage très réaliste), immense pièce d’eau, à 130 kilomètres à l’Ouest, et groupant une centaine d’Indiens.
3º Le Camp de Wetcho (nom d’un chef), à 240 kilomètres au Nord. On l’atteint après de nombreux portages, de lacs à rivières. Environ 200 Indiens.
4º Le Barren Land, à 320 kilomètres, direction Nord-Est. Là se trouvent les Gens du bout du bois.
Les Pères Bousso et Duport furent les grands coureurs de tous ces camps.
Plus loin, il n’y eut que le Père Petitot à s’aventurer. Ce fut en 1864. Il alla du fort Rae, très loin au delà du bois, dans l’intérieur du Barren, vers le Grand Lac de l’Ours, direction Nord. Il fit dans cette tournée 271 baptêmes, 319 si l’on compte ceux du fort Rae même. Les chrétiens qu’il laissa, et qui ne revirent plus jamais de prêtre, restèrent fidèles jusqu’à la mort, au dire des voyageurs indiens venus de ces contrées de temps à autre. Le Père Petitot planta des croix partout. Celle du camp de Wetcho est encore debout. Il donna à la série de rivières, portages et lacs considérables qu’il découvrit alors les noms de: Grandin, Faraud, Vandenberghe, Taché, Mazenod, Fabre, Tempier, Rey, etc...
CHAPITRE XIV.—Les Esclaves.
Mission Notre-Dame de la Providence (Fort Providence): latitude, 61,20; longitude, 117,55.
Résidents: Mgr Grandin (1862-1864).—Mgr Faraud (1866-1868).—Mgr Clut (1875-1877; puis 1882-1884).—PP. Petitot (1862-1864).—Eynard (1865).—Grouard (1863-1873).—Genin (1865-1866).—de Krangué (1868-1871; puis 1874-1875).—Lecorre (1875-1901).—Ladet (1872-1875; puis 1878-1886; puis 1889-1897).—Roure (1871-1872; puis 1915-1920); Gourdon (1884-1888; puis 1897-1903).—Audemard (1889-1890).—Brochu (1891-1894).—Ducot (1894-1895).—Vacher (1895-1896).—Laity (1901-1903).—Laperrière (1903-1911).—Gouy (1903-1905).—Constant Giroux (1905-1915).—Bézannier (1910-1911).—Moisan (1911-1913).—Le Guen (1913-1920).—Roure (1915-1920).—Andurand (1919-1920).
Mission du Sacré-Cœur (Fort Simpson): latitude, 61,50; longitude, 121,35.
Visiteurs: PP. Grollier (1858-59-60).—Gascon (1860-61-62-63).—Mgr Grandin (1861-62-63).—PP. Grouard (1863-64-66-66-67-68-69-70-71).—De Krangné (1872-73-74-75-76-77-78-79-80-81-82-83-84-85-86-87-88-89-90-91-92-93).—Lecomte (1889-90-91-92).
Résidents: PP. Brochu (1894-1903).—Vacher (1896-1897; puis 1903-1911).—Gouy (1899-1900).—Andurand (1908-1919).—Moisan (1913-1920).
Fondation d’un hospice par les Sœurs Grises en 1916.
Mission Saint-Raphaël (Fort des Liards): latitude, 60,15; longitude, 123,55.
Visiteurs: P. Gascon (1860-1861-1862).—Mgr Grandin (1861).—P. Grouard (1863-64-65-66-67-68-69-70-71).
Résidents: PP. de Krangué (1871-1873; puis 1875-1893).—Ladet (1875-1877; puis 1897-1899).—Lecomte (1888-1892).—Gourdon (1888-1897).—Le Guen (1895-1913).—Vacher (1897; puis 1902-1905; puis 1913-1920).—Gouy (1905-1908).—Moisan (1905-1911).—Bézannier (1911-1917).
Mission Saint-Paul (Fort Nelson): latitude 58,50; longitude, 123.
Les missionnaires du fort des Liards visitèrent et habitèrent tous, plus ou moins, le fort Nelson. Le vrai résident fut le Père Lecomte (1878-1888). Le Père Grouard y alla, en 1868 et 1869; le Père de Krangué, en 1872 et 1873; Mgr Clut, en 1875. Dans le registre des baptêmes, commencé en 1890, nous avons noté les passages ou résidences temporaires des Pères Gourdon (1890-91-92-93-94-95); Brochu (1894); Le Guen (de 1896 à 1908, chaque année); de Mgr Breynat (1902); des Pères Gouy (1905); Moisan (1909 et 1911); Bézannier (1912-13-14-15-16-17).
Mission Sainte-Anne (Fort Hay River): latitude 61,06; longitude, 115,50.
Visiteurs: PP. Grouard (1869-70-75).—Gascon (1869).—De Krangué (1872).—Lecorre (1877).—Mgr Clut (1875 et 1877).—Lecomte (1878).
Résidents: PP. Gouy (1900-1903).—Brochu (1903-1904).—Gourdon (1904-1915).—Frapsauce (1904-1908).—Bousso (1908-1909; puis 1915-1920).—Dupire (1909-1911).—Vacher (1911-1913).
Mission Notre-Dame du Sacré-Cœur (Fort Wrigley): latitude, 63,10; longitude, 123,45.
Visiteurs: PP. Ducot (1881-82-84-85-86).—De Krangué et Lecomte (de 1887 à 1892).—Gouy (1893).—Brochu (1895).—Gourdon (1896).—Vacher (chaque année de 1902 à 1912).—Moisan (chaque année de 1913 à 1920).
Résidents: PP. Vacher (1897-1901).—Gouy (1897-1898).
CHAPITRE XV.—Les Peaux-de-Lièvres.
Mission Sainte-Thérèse (Fort Norman): latitude, 64,50; longitude, 125,40.
Visiteurs: P. Grollier (1859-60-61).—Mgr Grandin (1861-1862).—P. Gascon (1862-1863).—Petitot (1866-67-68-69-71-72-73-76-77-78).—Séguin (1871-1874).—Lecorre (1872).
Résidents: PP. Ducot (1876-1903; puis 1907-1916).—Gouy (1893-1896; puis 1898-1899; puis 1908-1909).—Audemard (1895-1896).—Gourdon (1900-1901).—Andurand (1902-1908).—Houssais (1903-1907; puis 1915-1920).—Frapsauce (1909-1920).
Mission Notre-Dame de Bonne-Espérance (Fort Good-Hope): latitude, 66,15; longitude, 128.
Résidents: PP. Grollier (1859-1864).—Séguin (1861-1901).—Gascon (1862-1863).—Petitot (1864-1878).—Ducot (1875; puis 1903-1907).—Constant Giroux (1888; puis 1915-1919).—Lefebvre (1890-1892).—Audemard(1892-1895).—Houssais (1895-1903; puis 1907-1915).—Lécuyer (1906).—Rouvière (1907-1911).—Le Roux (1911-1912).—Robin (1912-1920).
CHAPITRE XVI.—Les Loucheux.
Mission du Saint-Nom de Marie (Fort Mac-Pherson), de 1860 à 1895; latitude, 67,25; longitude, 135, et Arctic Red River, depuis 1895; latitude, 67,30; longitude, 128.
Visiteurs: PP. Grollier (1860-1861).—Séguin (de 1862 à 1890, chaque année, excepté 1863).—Petitot (1865).
Résidents: PP. Giroux (1889-1905).—Lefebvre (1892-1898).—Lécuyer (1905-1920).
TABLE DES GRAVURES
| Pages | |
| S. G. Monseigneur Dontenwill | 6 |
| Quelques fourrures du Mackenzie | 13 |
| Un vieux Coureur-des-Bois | 20 |
| Missionnaire et Catéchumènes Esquimaux | 31 |
| Pied-de-Corbeau | 36 |
| Jeune Esquimaude du Mackenzie | 42 |
| Suzanne | 44 |
| Ave Maria en langue montagnaise | 47 |
| Chez eux, dans les Bois | 53 |
| La demeure du Pauvre | 60 |
| Le traîneau à chiens | 63 |
| Dans les Bordillons | 71 |
| Escaladant un dos d’âne | 74 |
| Les Raquettes de chasse | 81 |
| Au portage du Grand Rapide | 85 |
| Remparts du Mackenzie | 90 |
| Dans les Rapides | 92 |
| Mgr Charlebois dans un Portage | 95 |
| En canot d’écorce de bouleau | 98 |
| Une cataracte | 100 |
| Le Père Lacombe | 106 |
| Le «Saint-Alphonse» | 111 |
| Travaillant à la scie passe-partout | 117 |
| Un dîner de voyage dans la forêt | 124 |
| Une truite du Grand Lac de l’Ours | 128 |
| Pêche sous la glace | 134 |
| Rennes (Caribous) | 137 |
| La sainte Messe sous la tente | 139 |
| Gueule-de-Travers | 145 |
| Famille de Métis | 149 |
| Berceau d’Evêques | 159 |
| Mgr Taché | 169 |
| Mgr Faraud | 181 |
| Missionnaire bâtissant sa maison | 185 |
| Mgr Grandin | 199 |
| Remorquant une barge | 205 |
| Mgr Clut | 209 |
| Abattant des arbres pour le feu | 221 |
| Mission Saint-Bernard | 228 |
| Mission de la Nativité | 231 |
| Un heureux couple Montagnais | 235 |
| S. G. Mgr Grouard, vicaire apostolique d’Athabaska | 242 |
| Apostoliques scieurs de long | 246 |
| Une rencontre dans la forêt | 253 |
| Mgr Pascal | 258 |
| S. G. Mgr Breynat, vicaire apostolique du Mackenzie | 264 |
| Maison-chapelle du Père Breynat | 269 |
| Mangeuse-de-Caribou | 274 |
| Mgr Breynat en voyage | 277 |
| La rivière la Paix | 279 |
| R. P. le Doussal | 285 |
| Orignal tué | 288 |
| Mission Saint-Isidore | 291 |
| Une classe au Fort Résolution | 295 |
| A la ferme Saint-Bruno | 307 |
| Mgr Joussard au fort Vermillon | 310 |
| Bidet de Mgr Grouard | 312 |
| A l’assaut d’un iceberg | 317 |
| Un chef Plat-Côté-de-Chien | 319 |
| Savoyards... frères d’armes | 323 |
| Le Catéchisme en images | 328 |
| Jeune chasseur Plat-Côté-de-Chien | 331 |
| RR. PP. Roure et Bousso | 335 |
| Mission Notre-Dame de la Providence | 337 |
| Une bâtisse de Mgr Faraud | 341 |
| Couvent et Orphelinat | 345 |
| Notre Lièvre du Nord | 350 |
| Une réunion de Missionnaires | 357 |
| Indienne | 362 |
| Indiens de la tribu des Esclaves | 368 |
| Mission de Notre-Dame de Bonne-Espérance | 371 |
| RR. PP. Frapsauce, Ducat, Houssais | 375 |
| En costume printanier de voyage | 387 |
| Petits Peaux-de-Lièvres | 404 |
| Missionnaires en costumes Loucheux | 411 |
| Au fil de l’eau (R. P. Giroux) | 416 |
| Chez les Loucheux | 419 |
| Chez les Cris des Bois | 425 |
| S. G. Mgr Charlebois, vicaire apostolique du Keewatin | 428 |
| Sauvagesse Crise | 432 |
| Mgr Grouard au Petit-Lac des Esclaves | 435 |
| Cabane du Grand-Lac de l’Ours | 437 |
| Sorcier Natilar | 438 |
| Jeune famille Esquimaude | 440 |
| Maison de neige en construction | 442 |
| Achevée | 442 |
| Esquimaux Tchiglit | 444 |
| Les plus vieux Esquimaux | 446 |
| Jean | 447 |
| Esquimaux au dépeçage d’une baleine | 450 |
| R. P. Turquetil | 452 |
| Gros équipage esquimau | 454 |
| Au bord de la Terre Stérile | 458 |
| Famille esquimaude du groupe Copper | 461 |
| R. P. Le Roux | 463 |
| Parmi les banquises, à N.-D. de la Délivrande | 468 |
| Mgr Charles-Joseph-Eugène de Mazenod | 471 |
| Régions des cinq parties du monde évangélisées par les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée | 475 |
| Cartes du Canada et des Vicariats arctiques | 489 |
TABLE DES MATIÈRES
| Pages | |
| Lettre-préface à S. G. Mgr Dontenwill, O. M. 1., sup. gén. | 7 |
| Réponse de Mgr le Révérendissime Supérieur général | 10 |
| Chapitre 1er.—Les Fourrures | 13 |
Le Passage de l’Ouest.—Les Fourrures.—La colonie française.—Superficie du Canada.—Etendue de l’ancienne Nouvelle-France.—Les Pays d’en Haut.—Les coureurs-des-bois.—Les Compagnies de la Baie d’Hudson et du Nord-Ouest.—Leur fusion.—Les vrais pionniers.—Rapports de l’Honorable Compagnie avec les missionnaires.—«Pauvre évêque-roi».—Le terrain d’égalité. | |
| Chapitre II.—Les Ames | 31 |
Les anciennes nations Peaux-Rouges.—Pourquoi vont-elles mourir?—La maternelle Consolatrice.—Les Dénés et les Esquimaux.—Athabaska-Mackenzie.—Origine des Dénés.—Leur monographie.—Abjection de la femme, de l’enfant, du vieillard.—La Croix dans les glaces. | |
| Chapitre III.—L’Hiver | 63 |
Caractère de l’apostolat dans l’Athabaska-Mackenzie.—Linceul de neige et de nuit.—Une âme par 250 kilomètres carrés.—Le fort et la mission.—Traîneaux et chiens.—Les chemins du Nord.—Bordillons, crevasses, poudrerie.—En détresse sur le Grand Lac des Esclaves.—Carrosse épiscopal.—Les raquettes.—La soif.—Le Père Laity. | |
| Chapitre IV.—L’Eté | 85 |
Le soleil de minuit.—Activité de la nature.—Les maringouins.—Activité du missionnaire préparant l’hiver.—Le fleuve Athabaska-Mackenzie.—Les rapides de l’Athabaska.—Comment on les évita d’abord, par le Portage la Loche.—Comment on les attaqua enfin.—Mgr Taché et le Lac la Biche.—Mgr Faraud et les Sœurs Grises dans les rapides, en 1867.—Les vingt ans de Mgr Faraud au Lac la Biche.—La Prairie et les bohémiens de l’apostolat.—La grande poussée, sous Mgr Grouard et Mgr Breynat.—Les barges d’Athabaska-Landing.—La plus dure épreuve.—Les vitres du Père Séguin. | |
| Chapitre V.—La Lutte pour la Vie | 117 |
«Le grand obstacle».—De Mgr Clut à Mgr Breynat.—Nul secours du pays, ni des sauvages.- Qu’est-ce que jeûner?—Le sourire de la charité.—La Propagation de la Foi.—«Le travail de tous».—Pour «ne pas mourir de faim et de froid».—Les frères coadjuteurs Oblats.—Pêches d’automne et d’hiver.—Le Travailleur invisible. | |
| Chapitre VI.—L’Heure de Dieu | 139 |
1845—Les pionniers de l’apostolat.—Mgr Provencher.—M. Thibault dans le Nord.—Le rendez-vous du Portage la Loche.—Fondation de la mission de l’Ile à la Crosse.—La scène du Portage, décrite par M. Thibault.—Les précurseurs du missionnaire.—Les Métis.—Le Patriarche Beaulieu.—Du Diable à Dieu.—Larmes de M. Thibault.—Les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. | |
| Chapitre VII.—Berceau d’Evêques | 159 |
L’Ile à la Crosse.—«Vive le Nord et ses heureux habitants!»—Mgr Laflèche, évêque des Trois-Rivières.—Mgr Taché, archevêque de Saint-Boniface.—Mgr Faraud, vicaire apostolique d’Athabaska-Mackenzie.—Mgr Grandin, évêque de Saint-Albert. | |
| Chapitre VIII.—L’Evêque de peine | 205 |
Mgr Isidore Clut.—Les bulles blanches et le sacre.—Egaré dans les bois.—Au concile du Vatican.—Recruteur.—Episode du Grand Rapide.—Une rencontre de Mgr Clut et de Mgr Faraud.—Aux territoires du Youkon et de l’Alaska.—Les visites du vicariat.—L’indésirable bien-aimé.—Dompteur de chiens et meneur de traîneaux.—Campement à la belle étoile.—Vermine.—Le son du glas.—Au petit Lac des Esclaves.—«Notre joie et notre récompense». | |
| Chapitre IX.—Les Montagnais | 231 |
Le fort Chipewyan et la Nativité.—Les oies sauvages.—Evangélisation des Montagnais.—L’une des famines.—Notre-Dame de Lourdes.—Le Père Eynard,—Mgr Emile Grouard.—Son noviciat.—Un communiqué.—«Qui me rendra la liberté?»—Maître des novices et scieur de long.—De la maladie grave (1874) à l’épiscopat (1891).—A-t-il vieilli?—Quelques esquisses.—Dominus conservet eum. | |
| Chapitre X.—Les Mangeurs de Caribous | 253 |
Notre-Dame des Sept-Douleurs du Fond-du-Lac.—Le renne de la Terre stérile et les Mangeurs de Caribous.—Missionnaires visiteurs.—Mgr Albert Pascal.—Le divin Solitaire.—Evêque de Prince-Albert.—Mgr Gabriel Breynat.- Prémices de Liége.—Elève du P. de Chambeuil.—Deuils sur deuil.—Membre gelé.—Construction de maison-chapelle et fabrication de jardin.—Famine de 1899.—Missions aux camps sauvages.—Bouquets d’adieu.—Vicaire apostolique du Mackenzie.—The bishop of the wind. | |
| Chapitre XI.—Les Castors | 279 |
La rivière la Paix.—Les Castors.—Ravages du vandalisme et du JEU A LA MAIN.—Un sacrifié.—Le Père Tissier au fort Dunvégan.—Noyade du Frère Thouminet.—Episode de l’hiver 1870-71.—Le Père Husson naufragé.—Une relation du Père Le Treste. | |
| Chapitre XII.—Les Couteaux-Jaunes | 291 |
Mission Saint-Joseph du fort Résolution, et le Grand Lac des Esclaves.—Les Couteaux-Jaunes.—Le Père Dupire. Le Père Gascon, le Priant maigre.—Mal de neige.—Catéchiste «à la baguette».—Hospitalité canadienne.—Le Sacré-Cœur au Grand Lac des Esclaves.—La lampe du sanctuaire.—«Le martyre sans gloire».—Mission Saint-Isidore et ferme Saint-Bruno du fort Smith.—Mission Sainte-Marie du fort Fitzgerald.—Noyade des Pères Brémond et Brohan.—Mgr Célestin Joussard.—A Saint-Sauveur de Québec.—Bloqué dans les glaces. | |
| Chapitre XIII.—Les Plats-Côtés-de-Chiens | 317 |
La légende.—Fort Rae et mission Saint-Michel.—Mgr Grandin chez les Plats-Côtés-de-Chiens.—Le Père Roure.—Souffrit-il de la faim?—Quelques histoires.—Célébrités de la science et du sport au fort Rae.—Superstitions et tabous.—Pauvre femme dénée!—Foi des Plats-Côtés-de-Chiens.—Pie X les aima. | |
| Chapitre XIV.—Les Esclaves | 337 |
Non fecit taliter omni nationi.—Mission de Notre-Dame de la Providence, au fort Providence.—Le palais de Mgr Grandin.—«Plus heureux que le Schah de Perse».—Le couvent des Sœurs Grises.—Cinquante ans de leur apostolat.—Le Père Lecorre.—«Oh! qu’elle est belle, ma Bretagne!»—Le Magnificat de l’expédition 1895.—Qu’est-ce qu’un lièvre?—Mission du Sacré-Cœur, au fort Simpson.—Babel.—Le Père Brochu.—Hospice des Sœurs Grises.—Mission Saint-Raphaël, au fort des Liards.—Le fort des Poux et la danse dénée.—La Bonne Femme Houle.—Le Père de Krangué.—Champion mutilé.—Mission Saint-Paul au fort Nelson.—Le Père Lecomte.—Le Père Gourdon.—Mission Sainte-Anne, au fort Rivière-au-Foin.—Mort du Frère Hand.—Mission de N.-D. du Sacré-Cœur, au fort Wrigley. | |
| Chapitre XV.—Les Peaux-de-Lièvres | 371 |
Napolitains du Nord.—Mission Sainte-Thérèse, au fort Norman.—Rivière et Grand Lac de l’Ours.—Le Père Ducot.—Sauvé par un loup...—Le pont de glace.—Noël, le 17 décembre.—Un halo de lune et une aurore boréale.—Mission Notre-Dame de Bonne-Espérance, au fort Good-Hope.—Le Père Grollier.—Da mihi animas!—Sa rapide et douloureuse carrière.—«Je meurs content, ô Jésus!».—Le Père Séguin.—Jusqu’au fort Youkon.—Chez les Loucheux.—La conversion des Peaux-de-Lièvres.—«Le Saint est mort!» | |
| Chapitre XVI.—Les Loucheux | 411 |
Batailles et réconciliation.—Bas-Bretons de l’Extrême-Nord.—«Quels braves gens!»—Les Pères Constant Giroux et Camille Lefebvre.—Du fort Mac-Pherson à la Petite Rivière Rouge Arctique.—Un poitrinaire sous la bise glaciale.—Le Père Lefebvre en détresse.—La Mère des Loucheux.—La langue et l’âme françaises à l’océan Polaire. | |
| Chapitre XVII.—Les Cris | 425 |
Missions Crises et leurs missionnaires.—Caractère des Cris.—Le SCALP.—Les WINDIGOS.—Cris des prairies et Cris des bois.—Quels chrétiens devinrent les Cris. | |
| Chapitre XVIII.—Les Esquimaux | 437 |
«Des Japonais».—Qualités et défauts.—L’évangélisation des Esquimaux.—Aux Bouches du Mackenzie.—En Alaska.—A Chesterfield Inlet.—Au Golfe du Couronnement.—L’Apostolat des Pères Rouvière et Le Roux.—Le meurtre.—Mort du Père Frapsauce.—Fécondité du sang.—Mission de Notre-Dame du Rosaire. | |
| Appendice I.—La Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée et ses œuvres | 471 |
| Appendice II.—Notice sur les Missions étrangères des Sœurs de la Sainte-Famille | 477 |
| Appendice III.—Etat du personnel dans les missions dénées de l’Athabaska-Mackenzie | 478 |
| Table des gravures | 483 |
Laudetur Jesus Christus
et
Maria Immaculata
Imprimerie LOGIER Frères. 4, place J.-B. Clément, Paris
NOTES:
[1] Des Canadiens Français vous diront avec un sourire: «Nous aimons la France et l’Angleterre: la première comme notre mère, l’autre comme notre belle-mère.»
[2] Les territoires d’exploitation de la Compagnie se divisent en districts, indépendants les uns des autres. Chaque district possède sa hiérarchie complète. Cette hiérarchie est établie sur le principe que tous ses membres doivent se traiter en étrangers, s’acheter et se vendre leurs articles et travail respectifs, chacun demeurant averti que son avancement dépendra de l’importance des bénéfices qu’il apportera. Ainsi en va-t-il de maître-de-poste (le plus bas échelon de la hiérarchie) à commis, de commis à traiteur, de traiteur à bourgeois (chef du district). Chaque année, tous les bourgeois remettent leurs retours (apport des pelleteries), avec l’état de leurs comptes, au gouverneur, qui ne manque pas de promouvoir les plus habiles et de faire descendre les autres.
Or, les districts d’Athabaska et du Mackenzie, champ d’action des missionnaires dont nous avons à raconter les travaux, se trouvaient les derniers dans l’échelle des districts. C’est donc à leur tête qu’il fallait s’attendre à trouver les hommes les plus décidés au succès.
[3] Fervents chrétiens avant tout, les découvreurs français du Canada firent aller de pair la colonisation et l’évangélisation. François Ier, sur le rapport de Jacques Cartier, voulut «convertir les sauvages à la foi, et établir ses sujets au milieu d’eux». Champlain, que sa grande âme de catholique et de patriote a fait appeler «le véritable fondateur de la Nouvelle-France», réalisa le désir de Jacques Cartier et du roi de France, en obtenant les premiers missionnaires. Après lui, tous les explorateurs furent accompagnés, sinon précédés, par le prêtre.
Les Récollets arrivèrent en 1615, les Jésuites en 1625, les Sulpiciens en 1657. En 1659, le vicariat apostolique de Québec, plus vaste que l’Europe, fut érigé. Deux cent soixante ans plus tard, le 2 avril 1918, S. Ex. Mgr Stagni, quatrième nonce apostolique au Canada, pouvait écrire, dans sa lettre d’adieu à S. Em. le cardinal Bégin, archevêque de Québec, et aux 43 archevêques et évêques de la Puissance du Canada et de Terre-Neuve:
«Votre nation, dont l’univers entier vante la culture intellectuelle et les progrès matériels, s’est acquis une réputation plus invincible encore dans le domaine religieux. La hiérarchie catholique, laquelle n’y remonte même pas à trois siècles, se pare chaque jour d’une gloire et d’un éclat nouveau, tant par le nombre que par l’éminence des vertus de ses membres.»
On ne pouvait, en moins de mots, ni avec plus d’autorité, exprimer la rapidité du jeune continent à passer de l’état primitif à l’état d’une nation complètement européenne, au prestige mondial et au catholicisme florissant.
[4] Trois autres grandes tribus dénées se trouvent dans la Colombie Britannique: les Porteurs, les Chilcotines, les Babines. Ils ont été évangélisés, eux aussi, par les Oblats de Marie Immaculée. Le R. P. Morice, O. M. I., en a savamment traité en divers ouvrages: Au Pays de l’Ours Noir, Essai sur l’Origine des Dénés, Histoire de l’Eglise catholique dans l’Ouest Canadien (4 vol.), etc...
Les divisions les plus considérables—en nombre, mais non en qualité—de la race dénée sont «dans le sud des Etats-Unis, où elles sont connues sous le nom de Navajos et d’Apaches. Ces tribus ont dû être séparées de celles de l’Extrême-Nord, à l’époque des guerres générales entre les Indiens.»
Outre les tribus que nous avons énumérées, il y a, dans le Mackenzie, les Sékanais, les Mauvais-Monde, les Gens de la Montagne, etc. Nous les rencontrerons plus tard; mais ce ne sont que des fragments, distincts de nom plus que de réalité, des tribus sus-mentionnées.
[5] Nous transcrivons quelques observations du Père Petitot:
«Chaque tribu dénée parle son dialecte; mais la souche mère n’a point été trouvée en Amérique. Les dialectes sont à cette souche perdue ce que sont à notre latin le français, l’italien, l’espagnol, le provençal.
«Les langues dénées rentrent évidemment par leur caractère général dans les idiomes américains dont la tendance est d’accumuler une multitude d’idées dans un seul mot. C’est ce que de Humboldt a appelé agglutination, et Duponceau polysynthétisme. Le Déné, en effet, n’analyse point ses impressions, il les groupe en idées complexes. Il n’a point du tout conscience d’une analyse logique. La synthèse gouverne tellement toutes les formes du langage qu’elle se reflète même dans son écriture: toutes les lettres ne présentent qu’une enfilade de caractères placés à la suite les uns des autres, sans solution de continuité. Le discours revêt même cette forme, et les idées les plus incompatibles y sont liées entre elles sans aucune transition. C’est comme le jeu d’une navette qui ne s’arrête pas pour tisser une étoffe multicolore... Même agglutination dans les mots que dans les phrases, agglutination qui comporte des élisions très embarrassantes lorsqu’il s’agit de distinguer la racine de ce qui n’est qu’accidentel.
«La langue des Dénés présente cependant cette particularité qu’elle est, en partie, monosyllabique ou inorganique, comme l’est par exemple le chinois, et probablement toute langue primitive. Tous les mots racines ne sont que des monosyllabes. J’en ai déjà réuni 745 (en 1867), dont 233 sont dépouillés de toute particule. De ces monosyllabes dériveront tous les autres mots.
«Comme dans la langue chinoise encore, le ton, l’inflexion de la voix changeront du tout au tout la signification de certains mots dénés, qui s’écrivent de la même manière. La prononciation de ces mots et d’une infinité d’autres exige une grande délicatesse d’articulation, une grande précision dans l’intonation et dans l’observance de la quantité prosodique.
«Cette prononciation comporte, en outre, presque toutes les difficultés des langues connues. Elle a des chuintantes, des clappantes, des dentales et des hiatus qui ont fait le désespoir de bien des gens.
«Chose remarquable aussi, il y a peu d’emploi des labiales: le jeu des lèvres est presque nul. Un Déné, les lèvres légèrement entr’ouvertes et sans desserrer les dents, parlera avec une vélocité étonnante et fera entendre les sons les plus heurtés.»
Les langues du Nord, comme les autres, furent apprises par les premiers missionnaires, au seul moyen de leurs observations personnelles. Ils en ont rédigés les dictionnaires et les grammaires. Parmi les maîtres en langues dénées, il faut citer Mgr Grouard, Mgr Breynat, les Pères Petitot, Laurent Legoff, Morice.
Un ministre protestant, M. Evans, inventa, pour l’écriture du langage, un système de caractères syllabiques, hiéroglyphiques, qui fut universellement adopté.
Spécimen d’écriture Syllabique
AVE MARIA EN LANGUE MONTAGNAISE
Traduction littérale
Par toi je laisse aller mon esprit (à la joie) Marie, très-bien Celui qui-a-fait-la-terre t’aime, ton cœur près-de il est, toutes femmes par dessus tu-es grande, et Jésus, il-a-été dans-ton-sein. Lui seul est grand.
Sainte Marie, Le-Puissant sa mère tu es, nous-sommes-mauvais, quand même pour nous prie maintenant et quand nous mourrons à la veille.
Très bien c’est ainsi si c’était.
[6] Il est curieux de constater que tous ceux qui se servent de chiens ne leur parlent que français. Et ces mots sont quelquefois les seuls que les Anglais et les Indiens connaissent de notre langue. Nouvelle trace évidente des coureurs-des-bois français.
[7] Destinés à mûrir, disons-nous. C’est que malgré la chaleur continuelle, ils n’en ont pas toujours le temps. Le sol, dont aucun été n’a jamais amolli les profondeurs glacées, refroidit les racines; et il est nécessaire que pendant la courte saison chaude, ni la sécheresse, ni les orages ne viennent retarder une croissance qui ne résisterait pas aux gelées précoces, qui suivent pas à pas le soleil.
En juillet 1915, au fort Smith, la plus méridionale des missions du Mackenzie, on a vu les pommes de terre geler complètement en une nuit de moins de trois heures, entre deux journées torrides.
[8] Des 30.950.000 hectares que couvrent les lacs connus du Canada entier, le seul vicariat du Mackenzie en compte 7.564.000.
[9] Les montagnes qui enclavent le Nord-Ouest et le Nord marchent, du sud au nord, en deux groupes parallèles: les Laurentides à l’est, les Rocheuses à l’ouest. Les Laurentides, parties de la rive gauche du Saint-Laurent, envahissent en tous sens les provinces de Québec et d’Ontario, se blottissent le long du Manitoba oriental contre la baie d’Hudson, et vont expirer à la mer Glaciale, en dunes à peine surélevées. Les Rocheuses alignent et emboîtent leurs monts neigeux en une symétrie tellement semblable à celle de nos vertèbres osseuses que les sauvages les ont pittoresquement appelées: l’épine dorsale de la terre. De l’épine dorsale rocheuse, s’échappent des côtes régulières de montagnes, qui escortent, jusqu’à l’océan Pacifique d’une part, et jusqu’au fleuve Athabaska-Mackenzie d’autre part, nombre de rivières issues des glaciers centraux. Les Laurentides, de leur côté, envoient leurs rivières à la baie d’Hudson et à l’océan Atlantique, dans des cortèges montagneux analogues à ceux des Rocheuses. Qu’un éboulis de ces montagnes entrave tout à coup la rivière; qu’une veine transversale s’oppose à son cours: c’est la lutte du cours d’eau contre l’obstacle, c’est le rapide.
Mais comment les fleuves des plaines, comme la Saskatchewan, l’Athabaska, la rivière des Esclaves, la rivière de la Paix, qui n’ont eu besoin des montagnes que pour naître, vont-elles se former des rapides aussi fougueux que les rapides des rivières essentiellement montagneuses elles-mêmes? Précisément par l’intrusion des filons ramifiés, qui vont des Laurentides aux Rocheuses, et des Rocheuses aux Laurentides, pour les relier entre elles. Le fleuve des prairies, ou des bois, habitué au cours tranquille qu’il s’est tracé dans les terres friables, rencontre ces filons pierreux et doit en dompter la résistance.
[10] «Voici, continue le Père Petitot, l’énumération des lacs et des rivières que l’on suit durant cet itinéraire qui, à lui seul, peut déjà être considéré comme un très long voyage: rivière Rouge, lac Winnipeg, rivière Saskatchewan, lacs Travers, Bourbon et Vaseux, rivière du Pas, lacs Cumberland et des Epinettes, rivière Maline, lac Castor, rivière la Pente, lacs des Iles, Héron, Pélican et des Bois, Portage du Fort-de-Traite, rivière des Anglais (Churchill), lacs de l’Huile, d’Ours, Souris, Serpent, du Genou, Primeau et de l’Ile-à-la-Crosse. Après avoir traversé ce dernier bassin d’un bout à l’autre, nous pénétrons, par un canal naturel d’eau stagnante, improprement appelé rivière Creuse, sur les lacs Clair et du Bœuf, d’où nous gagnons le lac la Loche, par la rivière du même nom. C’est à l’extrémité de ce dernier lac que s’élève le coteau du Portage la Loche... Sur le versant Septentrional du portage, nous nous trouvons dans le district d’Athabaska.»
[11] V. Les Sœurs Grises dans l’Extrême-Nord du Canada, chap. v. Librairie Beauchemin, Montréal, et Œuvre des missions, 4, rue Antoinette, Paris—18e.
[12] La Saskatchewan est la grande artère de la prairie. Elle en recueille toutes les rivières pour les conduire au lac Winnipeg, lequel s’épanche dans le fleuve Nelson, qui se jette dans la baie d’Hudson. La Saskatchewan n’unit ses deux branches qu’à l’est de Prince-Albert. La branche nord a sa source au mont Brown, à côté de celle de l’Athabaska. La branche sud jaillit des montagnes Rocheuses aussi, mais presque sur la ligne des Etats-Unis. La Saskatchewan, très sinueuse toujours, coule de l’ouest à l’est.
[13] Un des traits qui «égayèrent» ce voyage de 1880 dans la prairie eut pour acteur principal, dit-on, S. G. Mgr Joussard, coadjuteur actuel, avec future succession, de Mgr Grouard, vicaire apostolique d’Athabaska. Tout jeune missionnaire, plein d’une ardeur qui ne s’éteindra qu’avec sa vie, le Père Joussard avait caracolé, autour de la brigade, sur un branco, cheval demi-sauvage de l’Ouest. Le soir, il s’endormit, lassé, à sa place de la couche commune, occupée par une dizaine de missionnaires. Mais la chevauchée, faut-il penser, continua dans son rêve. Tout à coup, il crut sentir sous sa main une crinière. Il la saisit, en criant:
—Hue donc!
Un «Aïe!» formidable réveilla la prairie:
C’était la barbe de S. G. Mgr Clut, son voisin, qu’il avait empoignée.
[14] Le nom de Saint-Alphonse avait été inspiré par la reconnaissance envers les Pères Rédemptoristes, qui avaient généreusement promis la moitié de la somme que coûterait le bateau.
[15] La source capitale de telles dépenses fut toujours la difficulté des transports. Ainsi, en 1876, époque moyenne du premier demi-siècle de nos missions du Nord, Mgr Faraud estimait à 25 piastres (125 francs) le seul transport d’un colis de 100 livres d’Angleterre au lac la Biche, c’est-à-dire environ les trois quarts de la valeur réelle de l’objet.
Du lac la Biche au fort Mac-Murray, l’évêque ne pouvait transporter lui-même chaque pièce de 100 livres qu’aux prix de 20 à 25 francs.
Au fort Mac-Murray, le tarif de la Compagnie ressaisissait la pièce, à raison d’une piastre (5 fr. 15) de chaque fort-de-traite au suivant: soit 11 piastres de plus pour la mission la plus lointaine. Total: 200 francs de transport par 100 livres.
Même à l’époque où l’on put acheter la farine à Winnipeg, au prix de 25 francs le sac, elle revenait à 110 francs, au fort Good-Hope. Un seul parti était de mise alors: se passer d’un tel luxe. C’est ce que l’on fit. Il n’y eut pendant près de cinquante ans qu’un peu de pain pour les grandes fêtes, ou pour les malades gravement atteints. Et même pas toujours.
Tous les fonds disponibles servirent à acheter les instruments indispensables, les habits, les articles de traite, l’ameublement. Plus tard vinrent les machines, scieries mécaniques, chaudières tubulaires, hélices, ferrailles volumineuses et lourdes.
C’est par là que saignait la bourse du vicariat.
[16] Les missionnaires, expliquant et recommandant le jeûne eucharistique, la veille d’une communion, ont souvent entendu cette réflexion:
—Comment veux-tu que je mange? Il y a deux jours, quatre jours, que je n’ai plus rien à manger!
[17] Ces deux congrégations de religieuses ont été fondées au Canada: les Sœurs Grises en 1737, les Sœurs de la Providence en 1843.
[18] Le chapitre général est une assemblée tenue périodiquement, dans la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Le Supérieur Général, ses quatre Assistants, les Vicaires Apostoliques et les Supérieurs Provinciaux du monde entier, ainsi qu’un Père délégué par chaque vicariat ou province, y viennent, dans des réunions intimes, exposer leurs succès, leurs déceptions, leurs espérances et leurs demandes.
[19] Apôtres inconnus.
[20] Quatre Pères Jésuites étaient venus dans ces pays, au XVIIIe siècle. Mais ils n’avaient guère pu exercer leur ministère au delà des deux forts-de-traite qui leur donnèrent asile. Ces missionnaires, qui se succédèrent, par intervalles, de 1732 à 1751, au fort Saint-Charles (sur le lac des Bois) d’abord, et au fort la Reine (Portage la Prairie) ensuite, furent: le Père Messaiger, le Père Aulneau, qui fut tué par les Sioux à l’Ile aux massacres (lac des Bois), le Père Coquart, le Père de la Morinie.
La cession du Canada à l’Angleterre, la ruine de la Nouvelle-France, la suppression temporaire de la Compagnie de Jésus, arrivant coup sur coup, entraînèrent l’abolition de toutes les missions naissantes. L’Ouest ne revit le prêtre que soixante-sept ans après le départ du dernier Jésuite, avec Mgr Provencher.
[21] Mgr Provencher détacha bientôt (1838) M. Demers des missions de la prairie, pour l’envoyer, avec M. Blanchet, qu’il avait recruté pour cette fin, fonder les missions de la Colombie (tout le territoire situé au nord de la Californie, à l’ouest des montagnes Rocheuses). Annonçant leur départ à l’évêque de Québec, il s’écriait: «Terres de la Colombie, vous allez donc enfin retentir des louanges du saint nom de Jésus. La Croix va s’élever de rive en rive, sur un espace de mille lieues, que vont parcourir ces deux apôtres pour arriver à leur destination; et la parole de Celui qui a dit que ce signe adorable attirerait à lui tous les hommes va se vérifier à l’égard des pauvres tribus errantes vers lesquelles ils sont envoyés!»
Le 10 octobre 1838, ils célébrèrent le saint sacrifice sur le point le plus élevé des montagnes Rocheuses. Ils arrivèrent à Vancouver, le 24 novembre, après un voyage de quatre mois et quatorze jours, depuis Saint-Boniface. Mgr Provencher avait vu en eux deux futurs évêques. M. Blanchet fut, en effet, nommé vicaire apostolique de l’Orégon en 1848; et M. Demers, évêque de Vancouver (Victoria), en 1847.
[22] La conversion de certaines nations, comme les Pieds-Noirs de la prairie, les Kwakwilth de la Colombie anglaise, les Esquimaux de l’océan Glacial, bien qu’entreprise depuis longtemps, n’est encore que peu ou point entamée. Or, ces nations ne furent pas pénétrées par les voyageurs canadiens français.
Ajoutons que les sauvages vinrent à Dieu dans la mesure où ils furent pauvres, travailleurs, et surtout observateurs de la loi naturelle. De tous les Indiens, les Dénés étaient les plus pauvres, les plus résignés à la souffrance, les plus moraux. Ils furent, par suite, les plus aisément préparés par les Canadiens voyageurs, et convertis par les missionnaires.
[23] La rivière au Sel, où Beaulieu eut la charge d’un fort-de-traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, est un affluent de rive gauche de la rivière des Esclaves. Elle descend des collines Buffalo, et s’alimente de ruisseaux, salins comme elle-même. A quelque cinquante kilomètres plus haut que son embouchure, on trouve des plaines toutes nues, au milieu des bois touffus, et couvertes de sel en couches blanches, assez profondes parfois. L’eau qui a déposé ces couches sort directement, par de nombreuses sources, de collines de sel gemme, et donne à l’analyse 26 0/0 de sel pur.
D’autres rivières au Sel se jettent dans le Mackenzie, du côté du fort Norman. Ce don de Dieu à ces pauvres régions est une richesse qui ne manquera jamais, par conséquent, à la table du missionnaire.
[24] La lettre pastorale de S. G. Mgr Béliveau récapitule ainsi l’état actuel de l’ancien vicariat apostolique du Nord-Ouest:
«Cette modeste mission de la Rivière-Rouge, fondée en 1818, s’est développée au point de se subdiviser, non seulement en diocèses, mais en provinces ecclésiastiques: la province de l’Orégon, qui est passée depuis aux Etats-Unis, la province de Vancouver, la province d’Edmonton, la province de Régina, la province de Winnipeg, enfin la province de Saint-Boniface. Nous trouvons dans ces territoires une population catholique qui se chiffre à plus de 300.000 fidèles. Nous y comptons 13 évêques, 338 religieux de différents ordres, 262 prêtres séculiers, et 1.580 religieuses réparties en différentes communautés.»
[25] En passant au Portage la Loche, qui se trouve sur le chemin de l’Ile à la Crosse au lac Athabaska, le Père Taché s’arrêta pour donner une courte mission aux néophytes de l’endroit, que M. Thibault avait instruits. Comme il hésitait encore à se risquer dans l’éloquence montagnaise, il pria un trappeur, d’intelligence et de mœurs éprouvées, Antoine Morin, de lui servir d’interprète. Antoine traduisait à la satisfaction de tous. Mais voici qu’au fil d’un sermon le Père Taché se trouve conduit à parler de la chasteté. Il lance le mot et recommande la vertu en question, «vertu, dit-il, qui demande beaucoup de précautions, de prudence, de défiance de l’ennemi, de réserve vis-a-vis des personnes du sexe, etc.» Le brave Antoine, qui, sans doute, pratiquait lui-même la chasteté à la façon du bourgeois de Molière, faisant de la prose sans savoir que c’en était, pérore là-dessus, avec la même assurance que sur le reste:
—Le Père, explique-t-il, dit qu’il faut faire la chasse d’été. Nous ne devons donc pas nous contenter de la chasse d’hiver, paresseux de Montagnais que nous sommes. Mais attention, mes amis! La chasse d’été est bien difficile: il faut beaucoup de précautions pour approcher les orignaux dans le bois, car ils entendent de loin. Et puis, défiez-vous de l’ennemi, le dénédjéré, qui vous guette partout dans les broussailles. Fuyez, si vous le voyez. Et puis encore, il ne faut plus emmener les femmes avec nous à la chasse d’été, de peur qu’elles ne mangent les muffles des orignaux et que nous ne puissions plus rien tuer alors... Tout de même, c’est dur ce que dit le petit Père, car c’était bien commode, les femmes, pour faire sécher la viande au soleil, quand les hommes avaient fini de tuer! Mais, que voulez-vous, le Père a parlé: il faut faire ce qu’il nous dit...»
Cette aventure apprit de bonne heure au Père Taché qu’il est parfois difficile de n’être pas au-dessus de son auditoire.
[26] Mgr de Mazenod, qui était de l’ancienne noblesse française, en avait gardé le tutoiement d’amitié.
[27] Le système économique de Mgr Faraud était l’allocation fixée d’avance. Il comptait sur l’esprit de sacrifice de chaque missionnaire pour l’accepter, tel qu’il l’imposait. Il écrit à l’un d’eux: «En fixant à chaque mission une allocation annuelle, proportionnée à nos ressources probables, j’avais plusieurs choses en vue: 1º accoutumer chaque directeur à veiller à ses affaires; 2º empêcher qu’on fît des demandes au hasard; 3º éviter les mécomptes, en retranchant, pour équilibrer recettes et dépenses, certains articles non absolument nécessaires; 4º éviter que l’insouciance possible des uns ne privât les autres de leurs droits; mais, en sous-main, je voulais réserver une poire pour la soif, afin de pourvoir aux nécessités imprévues et aux déficits, inévitables en certains cas. Dieu a béni jusqu’ici nos efforts (1885), et j’ai la consolation de voir, après avoir bouché tous les vides, que notre barque continue à voguer à pleines voiles, tandis que d’autres vicariats, mieux placés que nous, sont aux abois, et menacés de banqueroute. Que chacun soigne sa petite barque avec le soin que je mets à veiller sur celle qui les contient toutes, et, sous l’œil de Dieu, nous voguerons longtemps en sûreté... Quoiqu’il me soit bien pénible de vivre si éloigné de ceux que mon cœur aime avant tous et du centre de nos œuvres, je n’oserais regretter le devoir rigoureux qui me retient depuis longtemps à la porte (le lac la Biche), parce qu’il me paraît évident que, si je n’avais pas été là, cette porte serait fermée pour toujours, et que c’en serait fait de nos chères missions.»
[28] Jamais Mgr Faraud n’écrivit une lettre à ses missionnaires, n’eût-elle eu pour objet que des affaires sèchement matérielles, sans la relever de vues surnaturelles. Ainsi ces encouragements au Père Ducot, en lui envoyant l’état de son allocation: «...Quelque difficile que soit la position que vous occuperez, gravez fortement dans votre esprit que sans Dieu vous ne pouvez rien, et qu’avec Lui vous pouvez tout. Que la soif ardente des âmes, qui ont coûté si cher à notre très doux et très aimable Sauveur, ne vous quitte pas. Il pourra se faire, et même il se fera souvent, dans votre solitude, que la matière ouvrable que vous convoitez vous manquera, à l’extérieur: vous pourrez toujours trouver en vous-même le moyen de satisfaire votre désir du bien. Nous sommes les ouvriers des âmes: nous devons vouloir partout et toujours travailler à leur salut, à leur sanctification. Or, nous sommes toujours sûrs de nous trouver nous-mêmes. Dieu tire plus de gloire d’une seule âme vraiment sainte que de mille indifférentes ou moins saintes. En vous sanctifiant de plus en plus, vous atteindrez au mieux le but de votre vocation... Allons, continuez à faire l’impossible pour retirer les pauvres âmes des griffes de Satan. Vous faites un travail trop pénible. La récompense sera proportionnée. Bon courage!...»
[29] Mgr Faraud était naturellement éloquent, d’organe puissant et de gesticulation abondante. Mais, en véritable orateur, il savait se faire aux blancs et aux sauvages, tour à tour. Pierre Beaulieu rappelle son éloquence indienne: «—Ben oui, j’ te dis ça prêchait, ça, Mgr Père Faraud. Il chantait ben mal; mais il prêchait ben bien! Il criait, pareil comme une grue blanche; et puis, il levait sa chaise en l’air, et il frappait avec sur le plancher, et il suait! Ah, ben oui, ça l’aimait donc, les savages, Monseigneur Père Faraud!»
[30] Le diocèse de Cambrai-Lille ne s’est point contenté de ses aumônes; il a donné aux Missionnaires Oblats de Marie Immaculée plusieurs de ses enfants, parmi lesquels Monseigneur Louis d’Herbomez, premier vicaire apostolique de la Colombie Britannique.
[31] Presque tous ces détails sur la vie de Mgr Faraud à Saint-Boniface et sur son trépas nous furent donnés par feu M. l’abbé Messier. Ce bon prêtre, pieux et instruit, directeur d’âmes très éclairé, ajoutait: «Je tiens pour certain que Mgr Faraud a emporté au Ciel l’innocence de son baptême.» Et cela nous rappelait une parole de l’évêque, rencontrée dans l’une de ses lettres à son supérieur général: «Je suis ainsi fait que je ne crains rien que le péché.»
[32] La mission montagnaise-crise de l’Ile à la Crosse, berceau des quatre évêques, ne fit jamais partie du vicariat d’Athabaska-Mackenzie proprement dit. C’est pourquoi il ne pouvait entrer dans notre plan de mener son histoire au delà des années qui précédèrent la division du diocèse de Saint-Boniface, l’unique, jusque-là, du Nord-Ouest et de l’Extrême-Nord.
En 1869, l’Ile à la Crosse passa au diocèse de Saint-Albert; en 1890, à celui de Prince-Albert; en 1910, au vicariat apostolique du Keewatin.
C’est à regret que nous disons adieu à cette mission qui fut toujours, avec ses dépendances, la chrétienté modèle du Nord. Aussi de quels missionnaires a-t-elle été la fille, jusqu’à l’heure présente!
Mgr Taché ne vivait heureux que de son souvenir.
En 1888, Mgr Grandin rendait ce compte de sa dernière visite au «berceau apostolique»: «Je puis affirmer que quand même la Congrégation des Oblats, dans notre immense territoire du Nord-Ouest, n’aurait fait autre chose que de fonder cette mission, et de christianiser ceux qui la fréquentent, elle aurait déjà fait et assuré un très grand bien. Il y a un peu plus de quarante ans, il n’y avait pas ici de chrétiens, et les premiers Oblats venus à l’Ile à la Crosse durent semer dans les larmes et dans la pauvreté; maintenant la mission compte plus de 700 chrétiens; la mission du Portage la Loche, qui en dépend, en compte plus de 200; et celle de Saint-Raphaël, près de 300. Je doute que, dans les meilleures paroisses de France, les fidèles donnent plus de consolations à leurs curés que nos chrétiens à leurs missionnaires.»
Mgr Pascal, évêque de Prince-Albert, appelait l’Ile à la Crosse «la perle de son vicariat».
A l’Ile à la Crosse, enfin, Mgr Charlebois, vicaire apostolique du Keewatin, et dernier héritier de la perle du Nord, recueille aujourd’hui les meilleures de ses joies.
[33] Mgr Grandin, Oblat de Marie Immaculée, premier évêque de Saint-Albert, par le R. P. E. Jonquet, de la même Congrégation. 1 vol. S’adresser à l’Œuvre des Missions O. M. I., 4, rue Antoinette, Paris (18e).
[34] La hampe de cette crosse est encore à la mission de la Nativité, où elle sert de porte-croix aux processions et aux enterrements. La volute est conservée, avec les bulles blanches, dans le trésor du scolasticat de Marie Immaculée, à Edmonton (Alberta).
Les détails des diverses scènes rapportées ici nous furent donnés, ou confirmés, par le R. P. Tissier, qui aida lui-même Mgr Faraud à tourner la crosse du sacre.
[35] V. Chap. IV.
[36] Il fut découvert, dans la suite, que l’Alaska appartenait à la juridiction de Vancouver. Le Père Lecorre, rappelé par Mgr Faraud, en 1874, revint par San Francisco.
La consolation et l’honneur restèrent à Mgr Clut et au Père Lecorre d’avoir contribué au salut de plusieurs âmes et d’avoir été les premiers prêtres catholiques à fouler les terres et les eaux de l’Alaska.
Le fort Youkon avait déjà reçu les visites, à peu près infructueuses, de deux missionnaires de Good-Hope: celle du Père Séguin, en 1862, et celle du Père Petitot, en 1870.
[37] Ne pas confondre nos Montagnais (nation Dénée) de l’Extrême-Nord avec les Montagnais (nation Algonquine) de l’est du Canada.
[38] Il le dessécha au prix d’un long travail de trappiste. Selon les prévisions, le petit champ qui fut trouvé au fond n’a cessé de produire tout ce que l’on peut attendre sous une telle latitude.
[39] En langue dénée, dialecte esclave: Yaltri-bé-da-ra-shlan, Le priant au menton abondamment fourni de poils, Yaltri (le priant), -bé (son) -da (menton) -ra (poil) -shlan (il y en a beaucoup).
[40] La pipe était l’unité de mesure des coureurs-des-bois; et elle l’est demeurée pour les Indiens du Nord, lorsqu’ils apprécient les distances.
«Il y a tant de pipes d’un fort à tel autre. J’ai tué un ours à trois pipes d’ici» veulent dire: «Dans cet espace, le voyageur s’arrêterait tant de fois, le temps d’allumer sa pipe et de se reposer un peu.»
La longueur de la pipe varie avec la saison, l’état des neiges, des bordillons, et le courage du marcheur. Elle représenterait une moyenne de quatre à huit kilomètres. Un saint homme ne répondait-il pas à qui s’informait de la distance qu’il y avait d’un certain endroit à un autre: «La longueur de trois chapelets.»
[41] Ce chemin de charrette, qui ne mesurait pas moins de 145 kilomètres, a été remplacé récemment par le chemin de fer d’Edmonton à Peace River.
[42] Toutes les missions du Nord commencèrent par ces maisons-chapelles: une pièce unique, avec un réduit aménagé pour l’autel et caché par un rideau ou par une porte à deux battants. Le rideau tiré, ou la porte ouverte, toute la salle devient église. Les murs de cette maison-chapelle sont des arbres grossièrement équarris, placés l’un sur l’autre, et enchevêtrés l’un dans l’autre aux extrémités pour former les angles, ce qui a nom d’architecture en tête de chien, dans l’archéologie du Nord. Les interstices des arbres reçoivent des paquets de limon mêlé d’herbe: c’est le bousillage. Le plancher est en rondins de petite sapins contigus. Une couche de terre constitue la toiture. Le foyer à feu ouvert est maçonné de roches.
Mgr Clut parle des rapports de sa mitre et des solives. Cette observation nous rappelle un incident fort goûté là-bas, et dont il fit les frais, dans la maison-chapelle du fort Rae, Grand Lac des Esclaves, chapelle qui dépassait en luxe de misère celle du Fond-du-Lac Athabaska. C’était à Noël. Mgr Clut officiait quasi-pontificalement, comme il disait pour marquer qu’il manquait toujours quelque chose à l’appareil épiscopal. Cette fois encore il portait la mitre. Au Gloria in excelsis Deo, il fut s’asseoir sur un joli trône, fait du seul meuble convenable que l’on avait pu trouver, et recouvert d’une soyeuse peau de jeune caribou. Les Plats-Côtés-de-Chiens chantaient «comme des orgues vivantes». La jouissance du spectacle transportait l’évêque parmi les anges du Gloria de Bethléem, lui faisant oublier l’atmosphère compacte d’exhalaisons aiguës de tous ces Indiens tassés autour de lui. Cependant la chaleur de cette étuve grouillante amollissait les chandelles de suif de caribou. S’apercevant que celle du sauvageon porte-bougeoir, accroupi aux pieds du prélat, penchait trop vers Sa Grandeur, le Père Roure s’approcha, et lui dit, avec calme:
—Attention! Tâche de ne pas mettre le feu au trône: Monseigneur est assis sur le baril de poudre.
Mgr Clut entendit. Vif lui-même comme la poudre, il n’eut pas besoin de la détonation pour bondir en l’air. Ce mouvement tout spontané aplatit la mitre contre le soliveau qui surplombait et ramena brusquement l’évêque et l’auditoire des sereines hauteurs du Gloria in excelsis à de plus humbles réalités.
[43] La préfecture apostolique du Youkon, située entre les montagnes Rocheuses, à l’est, et l’Alaska et l’océan Pacifique, à l’ouest; et entre le 54e degré de latitude, au sud, et l’océan Glacial, au nord, est devenue vicariat apostolique en 1918. Mgr Emile Bunoz, O. M. I., qui, de préfet, devint le vicaire apostolique du Youkon, fut sacré à Vancouver, le 18 octobre 1918, par Mgr Casey, archevêque de Vancouver, assisté de Mgr Legal et de Mgr Breynat. Mgr Bunoz réside à Prince-Rupert (Océan Pacifique).
[44] Le Père Husson fut «le missionnaire charpentier de la rivière la Paix». Mgr Grouard l’a plus d’une fois présenté «luttant contre le colosse de l’invasion protestante, le bréviaire et la hache à la main», «grand bâtisseur des missions du district», et «voyageur à qui il n’arriva jamais de se faire traîner».
Il remplit la charge de procureur vicarial de l’Athabaska et du Mackenzie, de 1895 à 1909.
[45] Les Indiens Couteaux-Jaunes furent trouvés en possession de longs couteaux de cuivre, auxquels ils donnaient la consistance de l’acier en les trempant plusieurs heures dans le sang bouillant de renne.
[46] Cette rivière Courant fort est la rivière des Liards elle-même, depuis sa source jusqu’à l’endroit où elle reçoit la rivière Nelson.
[47] L’île d’Orignal, emplacement de l’ancien fort Moose-Deer, de la Compagnie du Nord-Ouest, est sise à 5 kilomètres en face du fort Résolution. Elle est aride, caillouteuse, couverte de maigres sapins. Mgr Faraud choisit cet endroit comme étant alors le plus favorable à la piété des sauvages, et il y bâtit la demeure du missionnaire. En 1890, les édifices de la mission furent transportés par le Père Dupire, aidé du Père Ladet, auprès du fort Résolution.
[48] La mission Saint-Isidore n’est autre que celle de la rivière au Sel (résidence du patriarche Beaulieu), qui fut visitée depuis les commencements par les pères du Grand Lac des Esclaves et les missionnaires de passage. Elle fut fixée, en 1876, au pied des rapides du fort Smith, à 24 kilomètres en amont du confluent de la rivière au Sel et de la rivière des Esclaves, pour le service des mêmes Indiens.
De ces Indiens, les Couteaux-Jaunes ne sont que le petit nombre, à la mission Saint-Isidore, de même qu’à la mission Sainte-Marie, fort Fitzgerald, sa voisine du sud. Au fort Smith, dominent les Montagnais (souche du lac Athabaska), et au fort Fitzgerald, les Mangeurs de Caribous (souche du Fond-du-Lac). Nous avons placé ces missions dans le chapitre des Couteaux-Jaunes, parce qu’elles sont les filles de la mission Saint-Joseph du fort Résolution.
[49] Fort Smith’s Landing jusqu’à 1916. Le nom de Fitzgerald fut substitué, à la demande de la Gendarmerie Royale à cheval du Nord-Ouest (Royal North-West Mounted Police) en mémoire du brave inspecteur Fitzgerald (catholique), qui mourut de faim, l’hiver 1911, avec tous ses subalternes, dans une expédition entreprise des bouches du Mackenzie, leur résidence, au fort Youkon (chemin de Mgr Clut).
La Gendarmerie du Nord-Ouest (vulgairement appelée la Police Montée), (the Mounted Police) a des casernes de deux ou trois hommes aux forts Fitzgerald (résidence de l’inspecteur), Résolution, Simpson, Norman, Mac-Pherson et Ile Hershell. Ils tâchent de maintenir la crainte chez les Indiens.
[50] Ces chevaux, les derniers que l’on rencontre, en allant au nord, dans le bassin d’Athabaska-Mackenzie, sont occupés au labour ou à la moisson de la ferme Saint-Bruno. L’hiver, on les relâche dans les bois, où ils pourvoient à leur nourriture, en grattant la neige jusqu’à l’herbe, avec leur sabot. Le cheval ne remplacera pas, de longtemps, le chien de trait, dans l’Extrême-Nord, faute de routes. Les chemins du fort Fitzgerald au fort Smith, et du fort Smith à la ferme Saint-Bruno—quels chemins!—sont les uniques et derniers carrossables du Mackenzie.
Avant qu’existât le portage actuel de la rive gauche, les rapides se passaient à droite, par trois portages rapprochés, sur des pentes raides et dangereuses.
[51] Traditions Indiennes du Canada Nord-Ouest, Emile Petitot, 1888.
[52] Le fort Rae (prononcer Rè), qui remplace l’ex-fort Providence, de la Compagnie du Nord-Ouest, doit son nom au Dr Rae, facteur en chef de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il le fonda, en allant à la recherche de sir John Franklin.
Le comptoir du fort Rae fournissait de huit à dix mille rennes, en viande fraîche, séchée et fumée, pilée, en pemmican et en langues: le tout destiné à la nourriture des équipages qui allaient au Portage La Loche, avec les fourrures du Nord.
[53] Le Père Roure aurait pu écrire une galerie de chapitres fort curieux, sur les singuliers savants et Nemrods qu’il vit défiler, au fort Rae, et qu’il aida souvent de plus que de ses conseils, en dépit de leur assurance de tout connaître et de tout savoir.
Il secourut ainsi un riche Englishman, septuagénaire, dont la manie était de chercher une misère de ce monde qui pût l’abattre. Il avait parcouru tous les continents et tous les climats. Il s’était mesuré, dans la jungle, avec les panthères, jaguars, crocodiles et lions. Mais il lui manquait d’avoir été dompté lui-même par les éléments ou par les fauves. D’où il doutait encore que la misère invincible, pour un vrai fils d’Albion, se trouvât sur notre globe. C’est pourquoi, en 1885, il arriva au fort Rae, décidé à affronter le Barren Land, où il comptait livrer combat au féroce bœuf-musqué, et poursuivre sa course aussi loin qu’il se pourrait. L’on saurait bien qui, de lui ou de l’hiver polaire, serait le vaincu. Il se mit à la vie sauvage, et y perdit bientôt le nez par 50 degrés de froid. C’est alors que le Père Roure le guérit. Il poursuivit ses tentatives; mais il n’eut pas à se rendre jusqu’à la Terre Stérile, encore moins à capturer son ovibos, pour atteindre son rêve. En deux jours de marche à la raquette dans l’abri des bois, il se gela si bien et vit ses provisions disparaître si vite, de par les soins de ses guides, qu’il se dit:
«—C’est bon de connaître la misère (hardship); mais mourir de faim et de froid, c’est autre chose.»
Sur cette réflexion, il vira de bord, prit congé du Père Roure et du Nord, et retourna mourir, heureux enfin, dans son foyer d’Angleterre.
[54] Explorations in the far North, by F. Russell, Cambridge, Mass.
[55] Mgr Grandin consigna ainsi, sur le registre des baptêmes, l’heureux événement:
Le premier novembre 1862, nous, soussigné, avons eu la consolation de bénir et de dédier à la divine Providence, en présence du R. P. Petitot, m. O. M. I., et du F. Boisramé O. M. I. et d’un bon nombre de sauvages réunis, une petite chapelle en bois attenant à la maison qu’habitent les missionnaires. Daigne le Divin Sauveur qui va maintenant partager leur pauvreté les consoler et les fortifier dans les nombreuses épreuves qu’ils ont encore à supporter. Depuis quatre mois qu’ils sont ici, ils ont dû sans exception travailler de leurs mains, du matin au soir, souffrant avec cela de la chaleur, des moustiques, d’une nourriture peu substantielle, et, plus tard, des pluies d’automne et des premiers froids de l’hiver. Aujourd’hui ils n’ont cessé de souffrir; mais leurs souffrances auront un adoucissement dans la présence de Jésus-Christ qui veut bien habiter en personne sous leur pauvre toit.
(Signé): Vital J., Ev. de Satala, O. M. I.;
E. Petitot, prêtre, O. M, I.; Boisramé
[56] A mi-chemin à peu près, du fort des Liards, au fort Nelson, sur la rive droite de la Nelson, des broussailles recèlent les ruines d’un fort, le Vieux Fort, de la Compagnie du Nord-Ouest. Il fut détruit par les Esclaves et les Mauvais-Monde, qui firent croire au bourgeois qu’ils avaient tué des orignaux pour les leur offrir. Le bourgeois les acheta, sur leur parole, et les envoya quérir par ses engagés. Les serviteurs partis, les sauvages se ruèrent sur le fort sans défense, massacrèrent le commis, sa femme, ses enfants, pillèrent le butin et brûlèrent les édifices. Les engagés eurent le même sort à mesure qu’ils rentrèrent. Le fort ne fut jamais relevé.
[57] Sir John Franklin avait bâti ce fort, pour le compte de la Compagnie du Nord-Ouest, en septembre 1825.
L’illustre marin fit trois expéditions à la mer polaire, dans le but de trouver le passage du Nord-Ouest. La première en 1818, par la baie d’Hudson et le continent. La deuxième, en 1825, par le fleuve Mackenzie. La troisième en 1845, par la mer polaire elle-même. L’Erebus et le Terror, avec leur brillant équipage de 134 hommes, et leur capitaine, périrent sur l’île du Roi-Guillaume. Franklin mourut le 11 juin 1847, d’après un écrit retrouvé parmi les squelettes.
[58] La mission de Good-Hope a été dotée du titre de «Normal Climatological Station» par le Meteorological Office de Toronto, charge honorable, et quelque peu profitable, qui relève du Département de la Marine et des Pêcheries du Canada. Les missionnaires prennent, deux fois le jour, la hauteur barométrique et les températures maxima et minima. Ils ont aussi à marquer la direction et la force du vent et à rendre compte de leurs observations météorologiques diverses sur les coups de tonnerre, bolides, halos, aurores boréales, etc... De Good-Hope on voit nettement jaillir les aurores boréales, quelquefois du moins, du pôle magnétique, et se répandre, de là, dans le ciel. L’influence de ce pôle magnétique s’y fait sentir au point qu’il suffit de placer une pièce de fer, une lame de couteau, en équerre avec la ligne du pôle, et de l’y laisser une demi-journée, pour qu’elle acquière une aimantation durable. La boussole s’affole dans les parages de Good-Hope, et l’aiguille cherche à se cabrer plus qu’à tourner sur son pivot.
Les missionnaires furent, en ces dernières années, chargés de lancer des ballons d’essai, gonflés d’acétylène. L’observateur suit les ballons à l’aide du théodolite, et, par une opération de trigonométrie, détermine leur hauteur et leur direction. Ces observations, qui doivent être comparées avec celles d’autres postes établis sur le même Cercle polaire, de la baie d’Hudson à l’Alaska, sont destinées à renseigner les aéronautes de l’avenir, sur la direction des vents, dans les couches supérieures de l’atmosphère, ainsi que sur la pression atmosphérique, jugée par l’éclatement du ballon. Il a été remarqué, à Good-Hope, que quel que soit le côté d’où vienne le vent à la surface de la terre, au moment de l’expérience, le ballon finit toujours par prendre une direction Est. En été, il fait le tour par le Sud, et en hiver par le Nord.
Nous avons pris, comme échantillon des températures extrêmes, enregistrées à Good-Hope, les suivantes, du thermomètre centigrade: 4 mars 1880:-54°; 15 janvier 1901:-58° ½; 15 juillet 1892: 45° au-dessus de zéro, au soleil. Et ces températures ont été plus d’une fois dépassées.
Des stations secondaires de météorologie furent placées, aux mains des Sœurs Grises, depuis 1900, aux forts Smith et Résolution. Leurs rapports, comme ceux du fort Good-Hope, sont toujours hautement appréciés par le gouvernement.
[59] Mgr Grandin fut à Good-Hope, du 9 octobre 1861 au 9 janvier 1862. Les souffrances de cet hiver sont rappelées dans la Vie de Mgr Grandin, par le Père Jonquet. A relire aussi, dans le même ouvrage, son retour en raquettes, de Good-Hope à la Providence..... Jusqu’aux corbeaux qui descendirent sur lui pour le déchiqueter....
[60] L’évangélisation du fort Youkon fut tentée deux autres fois, avec le même insuccès, par le Père Petitot, l’été 1870, et par Mgr Clut, avec le Père Lecorre, l’hiver 1872-1873. Cf. chap. VIII.
[61] La tribu des Peaux-de-Lièvres eut, par sa misère, les plus fréquentes occasions de tomber dans le cannibalisme. Les missionnaires trouvèrent le souvenir encore palpitant des boucheries de 1840-1841, où 90 personnes furent mangées, plusieurs tuées par leurs parents. Deux mégères attendirent, sur une grève du Mackenzie, deux employés de la Compagnie qui devaient passer, avec le courrier. Elles les attirèrent à elles, et, pendant leur sommeil, les égorgèrent pour s’en repaître.
«—On vit, dit Mgr Taché, de malheureuses mères tombées dans le désespoir, saisir leurs petits enfants morts d’inanition, les élever en l’air, en poussant des vociférations affreuses, suivies de ce rire désespéré plus cruel que les pleurs, puis rôtir ces enfants pour en déchirer les membres et les partager avec ceux qu’un reste de forces protégeait encore contre le dernier râle de l’agonie.»
[64] Il fait si froid, à la rivière Peel, qu’en tout janvier et décembre 1892, par exemple, le thermomètre centigrade se tint constamment entre 40° et 53° au-dessous de zéro. Plus loin que le fort Good-Hope, on ne songe plus à récolter. Le sol y est à jamais gelé; et la chaleur même de l’été, souvent torride (elle dépasse parfois, à l’ombre, la température du sang humain), n’y portera point remède. Cet été d’équateur, trop court pour amollir la terre et laisser mûrir les plantes, ne semble bon qu’à faire éclore ces peuplades incroyablement denses de maringouins, dont parlait le Père Giroux, au sujet du Père Séguin, son prédécesseur dans la région polaire.
[65] Rentré à Good-Hope pour l’hiver, il retourna à la mission du Saint-Nom de Marie, en 1905, pour y installer le Père Lécuyer. De là, il s’en fut au fort Providence, comme supérieur de la mission, jusqu’en 1915. De la Providence, il retourna à Good-Hope. En 1919, réduit par la fatigue, il dut être rapatrié dans la province de Québec. Il a certes bien mérité du Mackenzie, en ses trente ans de missions polaires.
[66] Madame Gaudet, d’origine française, quoique née au Mackenzie, était la femme de M. Gaudet, Canadien-français de Montréal, venu lui-même, très jeune, dans le pays, et chargé pendant plus d’un demi-siècle du poste-de-traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, au fort Good-Hope. De ce gentilhomme, de sa compagne encore plus, de leurs enfants distingués aussi, les missionnaires du bas-Mackenzie reçurent un puissant appui. Mme Gaudet, l’insigne bienfaitrice, mourut en prédestinée, à Good-Hope, l’année 1914. D’avoir discerné et préparé Cécile pour l’apostolat, de l’avoir ensuite soutenue par ses exemples, par ses conseils, par ses secours temporels, ne furent pas les moindres de ses bonnes œuvres.
[67] Le Petit Lac des Esclaves—petit, par comparaison avec le Grand Lac des Esclaves—mesure 120 kilomètres de longueur sur 12 à 16 de largeur. Placé entre les 55° et 56° degrés de latitude, à mi-distance des rivières la Paix et Athabaska, il se déverse dans celle-ci par la petite rivière des Esclaves. Plusieurs missions prospèrent maintenant sur ses bords. La première en date, comme en importance, est la mission Saint-Bernard.
[68] Lire les deux Vies du Père Lacombe; l’une en anglais. The Black-Robe Voyageur, par Miss C. Hughes, Brigs publisher, Toronto: l’autre Le Père Lacombe. L’homme au Bon Cœur (son nom Pied-Noir), par une Sœur de la Providence, Le Devoir, Montréal.
[69] La langue Crise, très riche en formes et nuances, est sonore, douce, mélodieuse. C’est l’italien de l’Amérique du Nord. Son alphabet ne comporte pas plus de 15 lettres. Les voyelles dominent dans la construction des mots. Les groupes de consonnes y sont rares. Plusieurs de nos consonnes, telles que b, f, j, l, r, v, x et z, y sont inconnues et imprononçables.
[70] Mission Crises principales de l’Alberta-Saskatchewan (diocèses d’Edmonton, Calgary, Régina, Prince-Albert, Saint-Boniface): Saint-Albert, Lac Sainte-Anne, Rivière-qui-Barre, Hobbéma, Stoney Plain, Lac la Biche, Lac Froid, Lac d’Ognon, Lac la Selle, Lac Bon Poisson, Lac Castor, Batoche, Fish Creek, Lac Canard, Battleford, Cut Knife, Delmas, Lac Maskeg, Flett’s Spring, Lac Vert, Qu’Apelle.
Missionnaires qui s’occupèrent de ces missions: Albert Lacombe, Mgr Grandin, Pères Végreville, Julien Moulin, André, Bourgine, Hugonard, Fourmond, Gasté, Maisonneuve, Tissot, Rapet, Paquette, Légeard, Brunet, Saint-Germain, Rémas, Chapelière, Jouan, Hert, Decorby, Fafard et Marchand (les deux martyrs du Jeudi Saint, 1885, au Lac la Grenouille), Henri Grandin, Mérer, Leduc, Ladet, Lemarchand, Tissier, Van Tighem, Boulenc, Laurent Legoff, Victor Legoff, Dauphin, Lestanc, Blanchet, Thérien Adéodat, Bigonesse, Comiré, Doucet, Riou, Gabillon, Delmas, Adolphe Watelle, Simonin Xavier, Simonin Gustave, Teston, Lajeunesse, Nordman, Portier, Beaudry, Cunningham, Poulenard Joanny, Leclainche, Daridon, Balter, Simard Louis, Dubois, Damase, Pierre Moulin, Lizée, Le Bré, Culerier, Cozanet, Marchand, Victorien, Philippot, Ernest Lacombe, Angin, Tessier, Waddel, Beys, etc.
Missions Crises du Vicariat du Keewatin (Mgr Charlebois): Le Pas, Cumberland, Lac Pélican, Ile à la Crosse, Grand Portage, Lac Laplonge, Lac Canot, Norway-House, Cross-Lake.
Missionnaires: S. G. Mgr Charlebois Ovide, Pères Lecocq, Bonnald, Rapet, Pénard, Ancel, Rossignol, Thomas Julien, Boissin, Renaud, Guilloux, Pinget, Guy, Bellemare, Ducharme, Dubeau, Lajeunesse.
Tous les missionnaires énumérés en cette note, ainsi que tous ceux de ce livre, à moins qu’il ne soit fait une distinction expresse, sont des Oblats de Marie Immaculée.
Evidemment nous ne touchons pas ici aux missions des Sauteux, Pieds-Noirs, Piégans, Gens du Sang, Sioux, qui occupèrent et occupent encore tant d’autres missionnaires Oblats du Nord-Ouest.
[71] Il ne s’agit dans ce chapitre que des Cris pur sang. Autres sont les prérogatives des Cris-Métis.
[72] Tout indifférents à ce nom algonquin, que ratifia l’Académie française, les Esquimaux se désignent eux-mêmes par un mot ou,—comme du reste l’ont fait de leur côté les Indiens dont nous avons parlé dans ce livre—ils incarnent leur fierté nationale, avec leur mépris hautain pour tout étranger à leur sang: Innoït, les hommes par excellence. Ceux de l’embouchure du Mackenzie donnent aux Loucheux, leurs voisins, l’ignoble sobriquet d’Itkreleït, lentes de vermine: «—Ils sont nés des larves de nos poux, disent-ils; c’est pourquoi nous les nommons Itkreleït.»
[73] L’évangélisation des Esquimaux fut entreprise aussi sur la côte du Labrador, en 1875, par le Père Lacasse O. M. I. Il quitta N.-D. de Bethsiamits pour se rendre à la Baie des Esquimaux. Il trouva les indigènes ameutés contre les prêtres catholiques par la secte des Frères Moraves. Ces Frères Moraves, commerçants de fourrures avant tout, occupaient 150 lieues de la côte du Labrador; et, s’ils faisaient des adeptes, ce n’était que par l’éclat du culte extérieur et la facilité de leur doctrine. Le Père Lacasse voulut traverser ces 150 lieues du domaine de l’hérésie et de la cupidité, afin d’atteindre les Esquimaux purement païens du Nord; mais divers malheurs entravèrent les efforts de son zèle. Il fit cependant beaucoup de bien aux Esquimaux qui voulurent l’écouter, durant les deux années qu’il passa au Labrador. Il avait également appris la langue esquimaude au point d’en composer un dictionnaire. Mais le bateau, qu’il devait prendre lui-même, et sur lequel il avait embarqué ses notes, avec tout ce qui était à son usage, périt, corps et biens, dans l’Atlantique. Au sujet de la langue, le Père Lacasse écrivait l’une de ses impressions avec la verve pittoresque qu’on lui connaît:
«—En m’exerçant à prononcer un de leurs k, ou kh, j’ai failli prendre un mal de gorge. Le moyen, je vous prie, de faire partir une syllabe du creux de l’estomac, de l’étouffer à son passage dans le gosier, puis de la pousser avec violence dans le nez, et là, en dépit des répugnances et des lois de la force centrifuge, de l’avaler de nouveau, en lui donnant un coup de mort dans la gorge, où elle doit expirer».
La langue esquimaude ne fut sans doute approfondie par personne autant que par le Père Turquetil, à Chesterfield Inlet. Il fait remarquer que tout s’y réduit à des racines, des sons, des syllabes qui représentent les idées fondamentales. Ce fond saisi,—ce qui serait l’affaire de six mois, sous la direction d’un professeur—la langue serait connue. Aucune exception dans les règles, et logique parfaite de la syntaxe. Ces mots-racines, dit encore le Père Turquetil, sont bien plus des signes naturels que des signes arbitraires; et nos langues européennes sembleraient très insignifiantes, pauvres et disparates dans leurs propres éléments, comparées avec l’esquimaude. Contrairement aux langues dénées, qui ne représentent jamais que l’idée concrète, la langue esquimaude est entièrement abstraite dans ses formes et son expression.
[74] Le Père Petitot alla trois fois (1865-1867), jusqu’à l’embouchure du fleuve Anderson (Baie de Liverpool), au 68-30 degré de latitude, chez les Esquimaux Tchiglit. Le résultat de ces trois voyages fut le baptême d’un mourant: «Je suis parti le cœur brisé, dit-il, de n’avoir pu faire autre chose pour la conversion de ce peuple que de semer quelques enseignements touchant l’existence de Dieu, la sainte Trinité, la Rédemption, l’immortalité de l’âme, la vie éternelle. Mais toutes ces vérités ont été accueillies par des éclats de rire, et le nom du Créateur semble pour eux ce qu’est le petit Poucet ou Barbe-Bleue pour les enfants de nos pays. Que Dieu veuille bien donner sa grâce à ce pauvre peuple de voleurs, de cyniques et d’écumeurs de mer, mais qui feraient d’excellents chrétiens, si la foi s’implantait dans leur cœur si ferme et si mâle».
[76] Samuel Hearne avait assisté là, impuissant, au massacre d’une paisible tribu esquimaude par les Peaux-Rouges, qui l’accompagnaient comme guides et serviteurs.
[78] Ce lac que nous appelons Imerenick, de son nom esquimau, porte aujourd’hui le nom de lac Rouvière, à la demande des frères Douglas, amis et admirateurs du missionnaire, auteurs du beau livre Land Forlorn.
| On a effectué les corrections suivantes: |
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| puis ils se replongaient=> puis ils se replongeaient {pg 22} |
| qu’on veulle bien=> qu’on veuille bien {pg 41} |
| comme les autres Indiens, abandonnèrèent=> comme les autres Indiens, abandonnèrent {pg 44} |
| misionnaire de la Tribu des Esclaves=> missionnaire de la Tribu des Esclaves {pg 54} |
| qu’elle n’est pas leur stupeur=> quelle n’est pas leur stupeur {pg 60} |
| cette extrémité de la région arctique ou rien=> cette extrémité de la région arctique où rien {pg 91} |
| Mgr Gouard reprit la besace=> Mgr Grouard reprit la besace {pg 111} |
| engloutissaient ou endommagaient une quantité=> engloutissaient ou endommageaient une quantité {pg 120} |
| M. Thibaut trouva sa route jalonnée=> M. Thibault trouva sa route jalonnée {pg 156} |
| sauve les misions dans lesquelles=> sauve les missions dans lesquelles {pg 176} |
| il pesa srupuleusement=> il pesa scrupuleusement {pg 197} |
| Pendant quinze ans, il desservit=> Pendant quinze ans, il desservît {pg 239} |
| Efin, après douze jours de fatigues=> Enfin, après douze jours de fatigues {pg 250} |
| sur une longeur=> sur une longueur {pg 254} |
| dans les forêtes limitrophes=> dans les forêts limitrophes {pg 255} |
| toutes les autre=> toutes les autres {pg 261} |
| festins et énivrées de symphonies=> festins et enivrées de symphonies {pg 289} |
| Kerby et Séguin se tinrent=> Kirby et Séguin se tinrent {pg 403} |
| bons Blanc=> bons Blancs {pg 465} |