Chroniques de J. Froissart, tome 03/13 : $b 1342-1346 (Depuis la trêve entre Jeanne de Montfort et Charles de Blois jusqu'au siége de Calais)
P. 91, l. 18-19: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 91, l. 23: Baucestre.—Mss. A 1 à 6: Lancastre. Fº 124.—Mss. A 7, 11 à 14, 18 à 33: Lancestre. Fº 118 vº.
P. 91, l. 25: Mauron.—Mss. A 1 à 6, 30 à 33: Manron. Fº 124.—Ms. A 8: Marcion. Fº 112 vº.—Mss. A 15 à 17: Martron. Fº 125 vº.—Mss. A 18, 19: Mauion. Fº 126 vº.—Ms. B 6: Manton. Fº 267.
P. 92, l. 17: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 92, l. 25: quatre cens.—Ms. B 6: cinq cens. Fº 268.
P. 93, l. 20: cent.—Ms. B 6: soixante. Fº 268.
§ 234. P. 93, l. 29: Quant li contes.—Ms. d’Amiens: Apriès ce que li comtez Derbi eut fait se vollenté de Villefrance, il s’en ralla vers Miremont, en raprochant le chité de Bourdiaux, qui est ungs très fors castiaux et bien seant; si y fu trois jours devant; au quatrimme il se rendi. Si le prist li comtez et le donna à un sien escuier que on clammoit Jehan de Bristo. Apriès il prist le castiel que on claimme Thonis, et apriès le fort castiel de Damassen, et puis se traist deviers le chité d’Anghouloime et l’asega, mès elle fu assés tost rendue; si y mist dedens grant fuisson de gens d’armes et d’archiers, pour le garder, avoecq les bourgois. Quant li comtez eut ordonné de le chité d’Anghouloime che que bon l’en sambla, il se traist par devant Blaves qui est une très forte ville et où la rivière de Garonne l’enclot par derière. Si y basti et mist le siège par devant. Et y sist un grant temps et y fist livrer tamaint assault, mès peu y concquist; car la ville estoit forte et bien garnie et pourveue de bonnes gens d’armez. Et par especial, il y avoit deux chevaliers de Poito, vaillans hommez durement, que li roys de Franche y avoit envoiiés, monseigneur Guichart d’Angle et monseigneur Bouchikau, qui le gardèrent et deffendirent si bien avoecq leurs compaignons que il n’y prissent nul dammaige. Fº 85 vº.
—Ms. de Rome: Et puis s’en vinrent devant la ville de Blaves, laquelle pour lors estoit françoise, et sciet à sept lieuves l’aige de la Geronde de la cité priès de Bourdiaus, il n’i a que la rivière entre deus. Si bastirent là les Englois lor siège, et dissent que point ne s’en partiroient si l’auroient à lor volenté, se poisance de roi de France ne venoit si grande que il ne peuissent contrester à l’encontre. Tant furent les Englois devant Blaves que chil qui dedens estoient, se tanèrent, car il estoient asegiet par terre et par la rivière de la Geronde, laquelle bat et fiert as murs de la ville; si se tourna englesce, et se missent en l’obeisance dou roi d’Engleterre. Ensi eurent les Englois Blaves, dont il furent moult resjoy, car elle lor avoit porté moult de contraire et portoit encores tous les jours, jusques à tant que elle fu pour euls. Si i ordonna li contes Derbi, avant que il s’en partesist, bon chapitainne, gens d’armes et archiers pour le garder. Et puis ils et ses gens, petit à petit, rapasèrent as barges et à bastiaus la rivière de la Geronde et retournèrent à Bourdiaus, et là se tinrent et s’i rafresqirent. Et lor fu avis que, pour celle saison, il avoient assés fait, et se tenroient là, jusques à tant que il oroient aultres nouvelles. Si envoia li contes Derbi ses honmes par les garnisons, tant pour entendre as lieus remparer, que pour garder les frontières, et que nuls mauvais trettiés ne se fesist des villes et des castiaus que conquis avoient as François. Nous nos soufferons un petit à parler de euls, et parlerons d’aultres avenues qui avinrent en France et en Flandre. Fº 102 vº.
P. 93, l. 30: Miremont.—Mss. A 15 à 17: Miraumont. Fº 126. Voir aussi Sup. var. (n. d. t.)
P. 94, l. 1: voir Sup. var (n. d. t.)
P. 94, l. 4: Bristo.—Mss. A 7: Brisco. Fº 119.—Mss. A 15 à 17: Briston. Fº 126.
P. 94, l. 5: Garone.—Ms. B 6: Geronde. Fº 269.
P. 94, l. 6: Thonins.—Mss. A 1 à 9, 18 à 33: Thonis. Fº 124 vº.—Mss. A 11 à 14: Thours. Fº 119.—Mss. A 15 à 17: Channis. Fº 126.
P. 94, l. 6 et 7: Damasen.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: Damensi. Fº 124 vº.—Mss. A 20 à 22: Damancy. Fº 182.—Ms. B 6: Damasson en Angolesmois. Fº 269.
P. 94, l. 9: d’Angouloime.—Ms. B 6: Et ensy concqueroit le conte Derby en la basse Gascongne chités, villes et chastieaulx, et faisoit rendre à luy et mettre en l’obeysanche du roy d’Engleterre son signeur. Et se ne ly alloit nul au devant; car, ensy que vous savés, l’anée precedente tous les barons de Gascongne franchois avoient esté mort ou pris devant Auberoche: pour coy nulle recouveranche ne se povoit mettre sus ou pais des gentilz hommes, car encore estoient le plus prisonniers as Englès qui ne se povoient armer. Fº 269.
P. 94, l. 16: vingt quatre.—Ms. B 6: douze. Fº 270.
P. 94, l. 27: Blaives.—Mss. A 1 à 6, 20 à 29: Blanes, Blaines. Fº 124 vº.—Mss. A 7 à 14: Blaves. Fº 119.—Mss. A 18, 19: Bleves. Fº 127.—Mss. A 15 à 17: Blaives. Fº 126.
P. 94, l. 29: Guichart.—Mss. A 20 à 22: Richart. Fº 182 vº.
P. 94, l. 29: d’Angle.—Ms. A 8: d’Engle. Fº 119.
P. 95, l. 1: Rochewart.—Mss. A 1 à 6: Rouchechouart. Fº 124 vº.—Ms. A 7: Rochouart. Fº 119.—Ms. A 8: Richechouart. Fº 113 vº.—Mss. A 11 à 33: Rochechouart. Fº 119 vº.
P. 95, l. 3: Entrues.—Ms. B 6: Le siège pendant devant Blaves, le conte de Kenfort à tout deux cens lances s’en vint devant Mirabiel et courut le pays environ Ausnay et entra en Saintonge, et puis retourna en l’ost et amena grant proie. Fº 271.
P. 95, l. 9: Mirabiel.—Mss. A 1 à 6: Mirebel. Fº 124 vº.—Mss. A 7 à 33: Mirabel. Fº 119 vº.
P. 95, l. 10: Ausnay.—Mss. A 15 à 17: Aunoy. Fº 126 vº.—Mss. A 20 à 22: Aulnay. Fº 182 vº.—Mss. A 23 à 29: Ansny. Fº 143.—Mss. A 30 à 33: Ausny. Fº 175.
§ 235. P. 95, l. 13: Ce siège pendant.—Ms. d’Amiens: Quant li seigneur d’Engleterre eurent là sis un grant tamps, et que li yviers les aprochoit, et que riens à Blaves ne faisoient, il se deslogièrent et vinrent devant un castel que on claimme Bourch desoubs Blaves, et l’assegièrent et y fissent pluisseurs assaux. En le fin tant l’assaillirent que il le prissent et le rappareillièrent bien et fort, et y missent dedens deux cens archiers pour le garder. Et en fissent castiellain un bon escuier que on apelloit Jen Dancastre. Et puis rappassèrent la Garone et s’en revinrent à Bourdiaux, che fu environ le Saint Michiel l’an mil trois cens quarante cinq.
Au voir dire, moult furent honnerables et pourfitables ces deux saisons pour le comte Derbi et ses gens. Et tant y gaegnièrent en pluisseurs mannierrez que li plus povre en furent riche. Et ne faisoient compte li varlet ne d’or ne d’argent, tant en estoient rempli. Yaux revenu à Bourdiaux, il se departirent, et en alla chacuns en se garnison. Et li comtez Derbi et messires Gautiers de Mauni se tinrent à Bourdiaux. Fº 85 vº.
P. 95, l. 18: obligiet.—Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22 ajoutent: au roy d’Angleterre. Fº 125.
P. 95, l. 27: Norvich.—Mss. A 8, 9: Morvich. Fº 113 vº.—Mss. A 20 à 22: Norwich. Fº 183.
P. 96, l. 16 à 23: Or... devant.—Cet alinéa manque dans les mss. A 23 à 33. Fº 143.
P. 96, l. 21 à 23: en celle... devant.—Mss. A 1 à 6: en celle mesme saison et année. Fº 125.—Ms. A 8: en celle meisme saison et année de devant. Fº 114.—Mss. A 11 à 14: en celle mesme année. Fº 119 vº.—Mss. A 7, 18 à 22: en celle meisme anée et la saison devant. Fº 119 vº.
P. 95 et 96: Ce siège... devant.—Le § 235 manque dans les mss. A 15 à 17. Fº 126 vº.
§ 236. P. 96, l. 24: En ce tamps.—Ms. d’Amiens: En celle saison eschei en le indination et haynne trop grandement dou roy Phelippe de Franche ungs grans banerès de Normendie et de grant linage, messire Ghodefroit de Harcourt. Et le couvint soudainnement wuidier et partir hors dou royaumme de Franche; car se li roys l’ewist tenut, il n’en ewist nient fait mains qu’il fist faire dou seigneur de Clichon et des autrez qui furent decollet à Paris. Si se parti messires Godeffroix au plus tost qu’il peult, et s’en vint en Braibant où il avoit belle revenue; et si estoit li dus Jehans, ses cousins. Se le festia et le tint ung tamps dallés lui. En le fin, il se parti et s’en alla en Engleterre deviers le roy, qui le vit vollentiers et le retint tantost à une grant cantitet de gens et de chevaux, et li donna belle terre et bonne pour son estat et le fist de son consseil. Fº 86.
—Ms. de Rome: En che temps et en celle meisme saison eschei en le indination et haine trop grandement dou roi de France, mesires Godefrois de Harcourt, li uns des grans barons de toute la Normendie, frères au conte de Harcourt et sires de Saint Saulveur le Visconte et de pluisseurs villes en Normendie. Et ne vous sçai pas à dire la cause pourquoi la haine vint, mais elle fu si grande que, se li rois de France l’euist tenu en son aïr, il l’euist fait morir honteusement. Et couvint le dit mesire Godefroi tapir et fuir et issir dou roiaulme de France. Et ala en Engleterre deviers le roi Edouwart, et se offri à lui et mist en obeisance, ensi conme messires Robers d’Artois avoit fait jadis, ne nuls ne li pot onques faire sa paix. Li rois d’Engleterre le rechut et le retint dalés lui, et li donna assés pour tenir son estat. Fº 102 vº.
P. 96, l. 28: Harcourt.—Mss. A 11 à 14: par l’ennortement du sire de Saint Sauveur le Viconte et de plusieurs seigneurs de Normendie. Fº 120.
P. 96, l. 29: Saint Salveur.—Mss. A 1 à 33: Saint Sauveur. Fº 125.
P. 97, l. 1: et tout par amise et par envie.—Mss. A 11 à 14, 18 à 33: tout par envie. Fº 120.—Mss. A 15 à 17: par mauvaise envie. Fº 126 vº.
P. 97, l. 10 et 15: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 97, l. 16 et 17: mès avoit... pourfis.—Mss. A 11 à 14: car le roy avoit saisi toute la terre que le dit messire Geoffroy tenoit en la terre de Constentin et en faisoit lever les prouffiz. Fº 120.
P. 97, l. 16: toute sa terre.—Mss. A 20 à 22: toutes ses terres. Fº 183 vº.
P. 97, l. 20: priier.—Ms. B 6: Quant il eut là esté ung terme dalés le duc son cousin, qui recheu l’avoit moult liement, il prist congiet et vint en Flandres; et entra en mer à l’Escluse, et fist tant qu’il vint en Engleterre devers le roy qui lui fist grant feste. Messires Godeffrois s’acointa si bien du roy que le roy le retint de son ostel et de son consail pour l’un des especiaulx, et lui donna cinq cens mars de rente par an assigné moult bien en Engleterre. Fº 272.
§ 237. P. 97, l. 25: En ce temps.—Ms. d’Amiens: Or parlerons ung petit dou roy d’Engleterre et de Jaquemon d’Artevelle, qui gouvrena bien par l’espasse de neuf ans les Flammens; et en fu, ensi que vous avés chydessus oy, si souverains que il y a eu en Flandrez peu de comtez qui mieux aient eut les Flammens en leur vollenté de lui tant qu’il dura. Chilx d’Artevelle estoit durement bien dou roy d’Engleterre. Et le tenoit li roys mout à amour pour le grant prouffit que il en atendoit, car d’Artevelle li proumetoit que il le feroit seigneur de Flandrez et le donroit à son aisnet fil, et en feroit on une ducé. Et sus ceste entension li roys englèz avoit fait ung grant appareil de nés et de vaissiaux sus le Tamise, et mandéz grant fuisson de barons et de chevaliers de son pays; et s’en devoit venir jeuuer en Flandrez et y devoit amener son fil le jone prinche de Gallez, et estoit jà meus, quant les nouvellez li vinrent que chil de Gand, par leur outraige, avoient tuet che d’Artevelle, son grant amit. Fº 85 vº.
—Ms. de Rome: En ce temps resgnoit encores ou pais de Flandres, en grande prosperité et poissance, chils bourgois de Gand, Jacquemes d’Artevelle, liquels tenoit à amour le roi d’Engleterre, ce que il pooit, car tous jours se doubtoit il des Flamens, car il les sentoit muables. A considerer raison, il acquist le povre conclusion que il ot, ensi que je vous dirai. Il voloit de tous poins deshireter de la conté de Flandres le conte Lois l’escachiet et Lois de Male, son fil, et voloit le roi d’Engleterre metre en l’iretage de Flandres. Et disoit chils Jaquemes d’Artevelle que on feroit de Flandres une ducé, et en seroit dus li princes de Galles. Et sus cel estat en ce temps, il fist venir le roi d’Engleterre, son chier compère, à l’Escluse; et qant li rois fu là venus, point n’issi de ses vassiaus. Les bonnes villes de Flandres, c’est à entendre les consauls, l’alèrent veoir à l’Escluse et conjoir, et li offrirent tout le pais ouviert à li et à ses gens à son conmandement; et li priièrent que il vosist venir à Bruges et à Gaind, et que partout on li feroit bonne chière. Li rois, en euls remerchiant, respondi à ce moult doucement et dist que, pour l’heure, il n’estoit point venus pour descendre à terre. A toutes ces paroles estoit chils Jaquemes d’Artevelle.
Assés tos apriès, se fist uns parlemens ens ou vassiel dou roi, qui estoit moult grans et moult biaus, que on nonmoit Cristofle, et furent là tous les consauls des bonnes villes de Flandres. Là promeut Jaquemes d’Artevelle les paroles desus dittes et remoustra par pluisseurs raisons, aournées de biaus langage, que cose utille estoit de recevoir le prince de Galles à signeur, et que de Flandres on feroit une ducée, et se tenroit li dis dus et princes ou pais et gouvreneroit la terre et le pais de Flandre en tous bons usages, et tenroit justice et raison à tout honme; et prioit Jaques d’Artevelle que de ce, les bonnes villes qui là estoient se vosissent consillier et faire ent response. Adonc regardèrent il tous li uns l’autre, et ne sceurent que dire. Toutes fois il demandèrent consel de parler ensamble; on lor donna. Il parlèrent tout à un, et fu la response telle: «Jaquemes, nous avons bien oï ce que vous avés dit; et qant nous venimes ichi, nous ne savions pas que vous nous deuissiés aparler de ceste matère, et nous est assés nouvelle. Et nous ne poons pas faire cechi de nous tant seullement: il couvient que tous li pais de Flandres s’i asente; et qant là sera venu, que on voie et congnoise les rebelles qui à ce ne se vodront acorder, et que il soient bani publiquement et perdent ce que ou pais de Flandres à present il i tiennent, sans esperance de jamais ravoir, ne i retourner. Ensi se pora faire chils hiretages segurement, car, tant que avons qui chi sonmes, nous volons bien à signeur, puis que il est à ce promeus, le prinche de Galles, sauf et reservé les conditions desus dittes.» Ceste response souffi très grandement au roi et à son consel; mais il fu demandé as bonnes villes de Flandres qui avoient respondu, qant li rois se poroit certefiier de la response. Euls par acord prissent un mois de jour; on lor donna. Et disnèrent avoecques le roi en son vassiel meismes, et puis se departirent et retournèrent, casquns sus son lieu, les auquns tous abus et courouchiés de ces nouvelletés que il avoient oy, quoi que il euissent respondu à la plaisance dou roi et de d’Artevelle. Et leur sambloit dure cose et estragne de deshireter lor signeur; et se il faisoient ce, à tousjours mès il seroient tenu et reputé pour traittes et infames. Nequedent, d’Artevelle estoit tant doubtés et cremeus ou pais de Flandres que, au fort, nuls ne l’euist osé courouchier, ne desdire de ses volentés. Encores demora Jaques d’Artevelle dalés le roi sus sa navie à l’Escluse, depuis que li aultre furent parti.
Or montèrent grandes murmurations parmi la conté de Flandres, qant les nouvelles s’espardirent que Jaquemes d’Artevelle avoit jeté sa visée à ce que li princes de Gales seroit sires de Flandres, et que on en feroit une ducée. Li auqun disoient, qui amoient le roi d’Engleterre: «Ce sera bien fait.» Et li aultre disoient le contraire, et que ce seroit damages, blames et traison trop grande à deshireter son signeur. Et en avoient les bonnes gens pité, et plus pour la cause dou fil, le conte Lois de Male, que il n’euissent pour le père, car ils lor avoit esté crueuls, hausters, durs et mervilleus. Et pour tels causes l’avoient ils bouté hors de Flandres, mais ils gardoient Lois, le jone fils, et disoient que il le nouriroient à lor manière, et seroit mieuls abuvrés de conditions flamenges que son père n’euist esté. Li dus Jehans de Braibant, pour le temps d’adonc, avoit une jone fille à marier, si ques conme sages et imaginatis que il fu et moult soubtieus, il avoit jetté sa visée à che que uns mariages seroit trop bien pris et fais de sa fille et dou fil le conte de Flandres. Et le concordoit assés le conte de Flandres, mais il n’estoit pas sires ne mestres de son fil: ançois le tenoient et gardoient li Flamenc, et le nourissoient sus bonnes gardes, et ne le laissoient point issir de la ville de Gant. Li dus de Braibant consideroit bien les coses à venir, et conment Jaquemes d’Artevelle pour ces jours estoit si grans en Flandres que par lui estoit tout fait, et sans lui n’estoit riens fait; et fu enfourmés de ces nouvelles conment li rois d’Engleterre estoit à l’Escluse et gissoit là à l’ancre, et procuroit, et Jaquemes d’Artevelle pour lui, que ses fils, li princes de Galles, fust dus de Flandres. Si se doubta li dis dus de Braibant que toutes cez coses n’avenissent, qui trop legierement pooient avenir, et avisa que il i meteroit un tel touel que il romperoit et briseroit tout.
Et c’est ce qui avint en la ville de Gant, les jours courans que li rois d’Engleterre se tenoit en sa navie devant l’Escluse, et atendoit la response de ceuls dou pais de Flandres. Une disension s’esmut très grande en la ville de Gant, des tisserans de draps à l’encontre de Jaqueme d’Artevelle, et tout par le promotion et esquoel de lor doiien qui se nonmoit Tomas Denis. Et voelt on bien dire que li dus de Braibant fu cause de ceste aventure, car chil tisserant, par l’information de lor doiien, vinrent un jour plus de quatre cens devant l’ostel d’Artevelle, et l’environnèrent devant et derrière, et moustrèrent que de force il voloient entrer dedens. Quant les varlès de ce d’Artevelle les veirent ensi venus, si furent tout esmervilliet que il demandoient, car il n’avoient point acoustumé que chil de Gand, ne aultres gens venissent ensi de fait et en cel estat parler à lor mestre et voloir efforchier la maison. Si conmenchièrent à parler rudement à euls et voloir metre hors à force, mais il ne peurent; avant furent batu et vilené et blecié. Jaques d’Artevelle estoit enclos en sa cambre, et avoit oy la grignour partie des paroles et dou hustin. Si vint à une fenestre qui regardoit sus une rue où toutes ces gens estoient asamblé; se lor demanda: «Bonnes gens, quel cose vous fault? Pourquoi estes vous si esmeus?» Il respondirent: «Nous volons parler à vous. Venés çà jus.» Donc respondi Jaques et dist: «Et se je estoie là, que voriiés vous dire?»—«Nous volons que tu nous rendes compte dou grant tresor de Flandres, que tu as eu et levé, depuis sept ans, à ta volenté, et nous di quel cose tu en as fait, ne où tu l’a[s] mis.» Donc respondi Jaquemes d’Artevelle, qui bien considera que les coses aloient diversement et hors des rieulles acoustumés, aultrement que il ne soloient estre, et les quida apaisier de douces paroles et dist: «Bonnes gens, retraiiés vous casquns en son hostel, et dedens trois jours je vous appellerai et serai pourveus de vous rendre si bon compte, que vous en serés tout conteut.» Il respondirent de une vois: «Nous ne volons point tant atendre, mès vieng hors de ton hostel compter à nous,» Jaquemes d’Artevelle considera bien tantos que les coses aloient mal, et que il estoit en peril de sa vie; si dist: «Signeur, signeur, tenés vous là, je irai tantos parler à vous.» A ces mos il se tinrent tout quoi, et il issi hors de sa cambre et vint viers son estable et ses cevaus, et quida monter sus et partir par derrière et aler sa voie, mais il ne pot, car l’ostel estoit si environnés de tous lés que tantos il fu aperceus et veus quel cose il voloit faire; et fu acusés de ceuls qui gardoient l’uis à ceuls qui estoient à la porte devant. Donc s’esleva grans tumultes entre iaus, et rompirent de force les huis et passèrent tout oultre, et vinrent en l’estable et trouvèrent Jaquemon d’Artevelle qui s’ordonnoit pour monter et aler sa voie. Tantos de fait il l’asallirent; et li donna chils Thomas Denis, li doiiens des tisserans, le premier cop de une hace, en la teste, par quoi il l’abati. Se li avoit Jaques d’Artevelle fait pluisseurs biens, et l’avoit mis en l’office dou doiainné des telliers, et si estoit son compère. Nequedent, toutes ces coses et afinités furent oubliies et misses arrière. Et fu là ochis Jaques d’Artevelle mescanment, qui tant avoit eu d’estat, d’onnour et de prosperités en Flandres; ne on ne trouva onques en Gant honme ne justice qui en vosist prendre ne lever amende. Ensi vont les fortunes de ce monde; ne nuls ne se puet ne doit confiier, se sages est, trop grandement ens ès prosperités de ce monde. Fos 103 et 104.
P. 98, l. 16: preeçoit.—Les mss. A 1 à 33 ajoutent: sa querelle. Fº 125 vº.
P. 98, l. 18 à 23: d’Engleterre... et dit ensi.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: en lui donnant en mariage la fille du conte Loys de Flandres, en faisant de la conté duchié, dont les Flamens avoient respondu d’un commun accort et dit ainsi. Fº 125 vº.—Mss. A 20 à 22: pour adheriter le filz au roy d’Angleterre. Si luy respondirent tous d’un commun accord. Fº 184. Voir aussi Sup. var. (n. d. t.)
P. 99, 100, 101, 102: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 103, l. 4: teliers.—Ms. A 8: cellier. Fº 115 vº.—Mss. A 15 à 17: sellier. Fº 128.
P. 103, l. 6: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 238. P. 103, l. 17: Quant li rois.—Ms. d’Amiens: De quoy li roys fu si courouchiés et si mautalentis sus les Flammens que il lez volloit gueriier; et leur manda que le mort de son compère d’Artevelle et qui si sagement les avoit gouvrennés, il leur feroit comparer chierement. Et retourna li roys à Londrez et n’ala adonc plus avant. Chil de Bruges, d’Ippre, de Courtray, de Popringhe et dez autrez bonnez villez de Flandrez se doubtèrent durement dou roy englèz que il ne leur fesist contraire pour la mort d’Artevelle. Si se vinrent à lui escuzer, et li dissent que de sa mort il n’estoient en rienz coupablez, et que, quant il li plairoit, il le feroient amender chyaux de Gand tellement que bien deveroit souffire, et que jà pour ce il n’en seroit le mains fors en Flandrez, ne li comtez plus avanchiéz, mais li tenroient tous lez couvens et proummesses que juret li avoient. Par ensi se rappaissa ung peu li roys d’Engleterre, et mist en nuncalloir le mort Jaquemon d’Artevelle, et depuis tint à amour grandement lez Flammens. Fº 85 vº.
—Ms. de Rome: Qant li rois d’Engleterre, qui se tenoit à l’Escluse en sa navie et estoit tenus tout le temps, attendans la response des consauls des bonnes villes de Flandres, entendi que chil de Gant avoient ocis Jaquemon d’Artevelle, son grant amic et son chier compère, vous poés bien croire et sçavoir que il fu courouciés et sautmoutonnés oultre mesure. Et fist tantos desancrer sa navie et tirer les voilles amont, et se departi de devant l’Escluse; et rentra en mer en maneçant grandement les Flamens. Et dist et jura que jamais il n’entenderoit à aultre cose, si lor aueroit si remoustré acertes que il lor en souvenroit à tous jours mais, et retourna arrière en Engleterre. Qant les nouvelles furent esparses parmi le pais et les bonnes villes de Flandres que d’Artevelle estoit mors, et que chil de Gant l’avoient ocis, si en furent li pluisseur moult tourblé pour le pourfit conmun dou pais de Flandres, et imaginèrent que li rois d’Engleterre, outre mesure, seroit moult courouciés, et que li pais de Flandres le poroit bien trop cierement comparer; si regardèrent que generaument il s’envoieroient escuser, ensi que il fissent. Et passèrent douse honmes notables oultre en Engleterre, et fissent tant parmi un bon moiien que il trouvèrent ou consel dou roi, que li rois s’apaisa et mist en oubli d’Artevelle, car il fu ensi dit au roi: «Sire, vous n’avés que faire de gerriier pour ce d’Artevelle. Vous avés gerre assés aillours. Soufisse vous, qant les bonnes villes de Flandres s’esqusent et voellent demorer avoecques vous en vostre gerre; car se il vous clooient les pas en Flandres et les entrées, vous en seriés plus foibles et aueriés plus d’ennemis, et remanderoient tantos le conte de Flandres et le remeteroient ou pais, et ensi aueriés vous perdu tout ce que vous avés mis en Flandres à conquerir l’amour des Flamens jusques à chi; pour tant vous fault oubliier d’Artevelle et refaire un nouvel. Et encores i a un point qui i fait grandement à considerer pour vous. Les Flamens gardent et tiennent dalés euls moult priès Lois, le fil dou conte, qui vendra tout à point au mariage de Issabiel, vostre fille. Ensi demorra tous jours li pais de Flandres à vos enfans. Si les tenés à amour, ce que vous poés, car il vous besongne.» Li rois d’Engleterre entendi bien à toutes ces paroles et les considera, et persevera sus, et fist bonne chière à ces douse bourgois que li pais de Flandres avoit là envoiiés, et les tint bien pour esqusés; et retournèrent à joie en Flandres, et demora li pais en paix. D’Artevelle fu oubliiés; li rois d’Engleterre tint à amour les Flamens et ne lor osta nulles des grasces faites ne données en devant, mais les amplia tous jours en bien pour euls tant que il... cause dou retraire, ensi que vous orés recorder avant en l’istore. Fº 104.
P. 104, l. 2 et 15: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 104, l. 14: c’estoient cil.—Ms. A 7: c’estoit cilz. Fº 121 vº.
P. 104, l. 14: c’estoient... euissent.—Ms. A 18, 19, 11 à 14, 23 à 33: c’estoit cellui que (mss. A 11 à 14, 23 à 33: qui) deffendu et gardé en eussent. Fº 130.
P. 105, l. 3: puisnée.—Mss. A 18 à 22: puis Noel. Fº 130.
§ 239. P. 105, l. 16: En ce temps.—Ms. d’Amiens: Pour ce que ens ou coummenchement de mon livre j’ay parlé dou comte Guillaume de Haynnau, fil au comte qui trespassa à Valenchiennes et là gist, et que on sace dou tamps à venir qu’il devint, je vous en feray mention. Voirs est que chil comtes fu ungs chevaliers de grant corage, hardis et entreprendans; mais peu dura, dont che fu dammaigez pour son pays et pour ses amis. Avint que, en celle saison que on compta l’an mil trois cens quarante cinq, il sist devant Utrec et constraindisi le ville et chiaux de dedens que il les eult à se vollenté. Assés tost apriès, il fist une grant assamblée de chevaliers et d’escuiers de son pays de Haynnau et de Hollande, et s’en alla en Frise guerier les Frisons. Si y eut une journée trop fortunée contre lui, car il y perdi grant fuisson de bonne bachelerie, chevaliers et escuiers, de ses pays, et il meymmes y demoura. Et là fu messires Jehans de Haynnau en grant peril et en grant aventure, et y ewist estet adonc mors et sanz remède, se n’ewist estet Robers de Glennes, uns siens escuiers, qui fu depuis chevaliers. Chilz Robers le prist entre ses bras et le porta en le mer bien avant et le jetta en ung batiel, et depuis le remist en une plus grosse nef et fist tant que li gentilz chevaliers fu sauvéz. Fº 85 vº.
—Ms. de Rome: En ce temps, en celle meisme saison que on compta en l’an de grasce mil trois cens et quarante cinq, seoit li contes Guillaumes de Hainnau, de Hollandes et de Zellandes et sires de Frice, devant la chité de Utrec; et tant i sist que il le mist à raison et en ot en partie ses volentés. Tantos apriès, li dis contes, qui fu moult entreprendans, fist une asamblée et une priière de gentils honmes assés grande pour aler en Frise, car li Frison, pour lors, ne voloient, par lor orguel et presomption, obeir au conte de Hainnau. Et pour euls met[t]re à raison, li dis contes fist sa carge à Doudresc, en Hollandes, de naves, de barges et de vassiaus, et se departi de belle marée et de bon vent et à grant chevalerie de Hainnau, de Hollandes, de Flandres, de Braibant, de Gerlles, de Jullers, de Namur et de Hasbaing. Et s’adreça ceste navie viers Frise et une ville et abbeie que on apelle Stales. Li Frison estoient segnefiiet de la venue dou conte et de ses gens, si ques pour euls requellier, il s’estoient grandement fortefiiet à l’encontre dou dit conte et de sa venue, et mis ensamble priès que tous li pais. Chils contes qui fu de grande volenté, hardis et entreprendans oultre mesure, et pour lors en la flour de sa jonèce, et qui petit amiroit et prisoit la poissance des Frisons contre la sienne, prist terre assés priès de Stales, de sa volenté et sans atendre mesire Jehan de Hainnau, son oncle, liquels avoit bonne chevalerie avoecques lui. Li Frison atendirent trop bien que li contes et ses gens, ce que pour lors en avoit en sa compagnie, euissent pris terre; et qant il furent oultre, tout consideré, il n’estoient que une puignie de gens ens ou regart des Frisons. Nonobstant tout ce, li contes les ala assaliir, et aussi fissent ses gens. Et là ot grant bataille et dure et fort combatue; mais li Frison estoient, à parler par raison, vingt contre un. Si tourna li mesciés sus le conte et ses gens, et furent là tout ocis, mais moult lor cousta de lors honmes. Petit s’en sauvèrent en la navie, se ce ne furent varlès, car encores avoit li contes fait une ordenance, afin que ses gens ne pensaissent au requler et trouver la navie apparillie, et conmandé as navieurs sus la teste que nuls ne traisist avant, mais rentraissent en la mer. Par ce point perdirent moult li Hainnuier, et furent tout mort chil qui avoecques le dit conte avoient pris terre. Messires Jehans de Hainnau et sa carge prissent terre d’aultre part; et se li contes euist creu son oncle, la besongne fust aultrement tournée que elle ne fist, et pour ce que point ne le crei, il l’en mescei, dont ce fu damages et pités pour tous ses pais.
Les nouvelles vinrent presentement à mesire Jehan de Hainnau, et estoit sus terre des Frisons, que son cousin li contes estoit perdus. Ils qui fu de ces nouvelles tous foursenés, parellement se voloit aler perdre; mais ses gens le prissent à force et l’enportèrent à sa navie, ensi que tout maugret li. Et l’encarga, à force de bras, uns siens esquier, fors homs durement, qui se nonmoit Robers de Ghines, et le mist au vassiel. Encores i ot là grant peril pour les Hainnuiers et grant hustin au rentrer ens ès vassiaus, car li Frison, ensi que tout foursené, entroient en la mer, li pluisseur jusques à la boudine, et venoient en cel estat combatre les Hainnuiers; et en ocirent et noiièrent auquns, et retinrent des barges et des hoquebos qui furent peri et perdu et chil qui dedens estoient. Et fu ceste bataille environ le Saint Luch, l’an mil trois cens quarante cinq.
Et demorèrent li Frison en paix par celle desconfiture jusques en l’an de grace mil trois cens quatre vingt et seize, que uns jones homs qui se nonma Guillaumes, fils ainnés au duch Aubert, conte de Hainnau, de Hollandes et de Zellandes, et ce Guillaume desus dit nonmet conte de Ostrevant, vivant son père, et gouvrenères de tout le pais de Hainnau, emprist le voiage à faire à tout bonne chevalerie de Hainnau et de Hollandes, de France et d’Engleterre, et ariva en Frise et desconfi les Frisons sus une marce que on dist le Viés Clostre. Et depuis i retournèrent li contes d’Ostrevant et li Hainnuier et Hollandois par pluisseurs fois, au damage et confusion des Frisons et de lor pais. Et contrevenga grandement chils contes d’Ostrevant nonmé Guillaumes, la mort de son grant oncle le conte Guillaume de Hainnau, et fu plus avant en Frise en son temps que nuls sires en devant euist esté, ensi que il vous sera compté et esclarci ensievant en l’istore, se je Froissars, actères et cronisières de ces croniques, puis avoir le temps, l’espace et le loisir dou faire, et que je m’en puisse veoir justement enfourmés.
Qant mesires Jehans de Hainnau fu retournés en Hainnau et chil qui revenu et escapé estoient de Frise en sa compagnie, onques depuis il n’orent parfaite joie, car trop de priès lor touça la mort dou gentil conte le signeur dessus dit, et par especial à un gentil chevalier qui se nonma messires Henris de Huffalise, et vosist bien estre demorés en Frise avoecques son signeur, ce disoit il. Fos 104 vº et 105.
P. 105, l. 19: d’Uttré.—Mss. A 1 à 6, 18, 19: du Tret. Fº 127 vº.—Ms. A 7: d’Uttré. Fº 122.—Ms. A 8: de Duttré. Fº 116.—Mss. A 11 à 14: du Trez. Fº 122.—Mss. A 15 à 17: de Dourdrech. Fº 128 vº.—Mss. A 20 à 22: d’Utrect. Fº 186 vº.—Mss. A 23 à 29: d’Utrech. Fº 146 vº.—Mss. A 30 à 33: du Tresche, du Trecht. Fº 177.
P. 105, l. 28: Dourdresch.—Mss. A 20 à 22: d’Utrect. Fº 186 vº.—Mss. A 1 à 6, 8, 18, 19: Dourdrech. Fº 127 vº.—Mss. A 23 à 29: Dordrech. Fº 146 vº.—Mss. A 30 à 33: Dourdrecht. Fº 177.
P. 106, l. 9: les ames.—Ms. B 6: Sy prist terre en une place à tout grant foison de nobles chevaliers et escuiers, où bien soixante mille Frison l’atendoient, qui le combatirent ossi tos que il ot pris terre. Et là eult grant foison de Frison mors; mais Haynuier y furent desconfis et le conte mors, et [de] tous les nobles qui avec lui estoient petit s’en sauva. Fº 273.
P. 106, l. 10: priès.—Mss. A 18 à 22: à pou près. Fº 130 vº.
P. 106, l. 10: Et y fu priès demorés.—Mss. A 1 à 6: Et n’y demoura mie. Fº 128.—Mss. A 11 à 14: Si s’en revint arrière. Fº 122.
P. 106, l. 10 à 12: Et y fu... ou pays.—Mss. A 23 à 33: Messire Jehan de Haynau n’arriva pas ou pais. Fº 146 vº.
P. 106, l. 14: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 106, l. 17: Glennes.—Mss. A 15 à 17: Glannes. Fº 129.—Mss. A 23 à 33: Glunes. Fº 147.
P. 106, l. 17 et 18: qui estoit... legiers.—Mss. A 1 à 6: qui estoit adonc pour son corps fort et legier. Fº 128.—Mss. A 20 à 22: qui estoit adonques de son corps fort et legier. Fº 187.—Mss. A 23 à 33: adonc escuier de son corps. Fº 147.
P. 106, l. 21: Gertrud.—Mss. A 18, 19: Geltrud. Fº 130 vº.
P. 106, l. 23: conte.—Les mss. A 20 à 22 ajoutent: et l’appelloit on. Fº 187.
P. 106, l. 27: Binch.—Mss. A 18, 19: du Binch. Fº 130 vº.—Mss. A 20 à 22: Bins. Fº 187.
§ 240. P. 107, l. 10: Assés tost.—Ms. d’Amiens: Assés tost apriès se revenue et que il estoit baux et gouvrenèrez de le comté de Haynnau jusquez à tant que sa nièche madamme Margheritte, roynne à ce donc d’Allemaigne, y fu descendue, li roys de Franche qui mout desiroit que li gentilz chevaliers monseigneur Jehan de Hainnau fuist de son accord, fist tretier vers li le comte de Blois, qui avoit sa fille et dont elle avoit jà troix filz, et ossi monseigneur Charlon de Blois qui s’appelloit adonc ducs de Bretaingne, et pluisseurs autres seigneurs de Franche qui avoient faveur et amour à lui. Et par especial li sirez de Faignuellez, qui estoit des chevaliers li plus secrèz et especial de son consseil, y rendi grant painne. Trop à envis devenoit li jentilz chevaliers françois, car il avoit le fleur de se jonesse usée et aleuée ou service le roy englèz. Et li avoit li dis roys fait moult de prouffis et donnet grant penssion; mès pour retraire le chevalier de l’amour et dou service le roy englès, on l’emfourma que on ne li volloit plus paiier ses pencions en Engleterre. Che fu li princhipaux cause qui li donna voie, matère et escuzanche de renunchier au service dou roy d’Engleterre, et de venir ou service le roy de France qui en eut grant joie, et il eut droit; car il eut l’ayde, le consseil et le service d’un sage et vaillant chevalier et qui sagement resgna tant qu’il vesqui; si ques d’ores en avant ens ès arméez et chevauchiez dou roy de Franche nous le trouverons: si en parlerons quant il en appertenra à parler.
Or revenrons as guerrez de Gascoingne et à le grosse chevaucie que li dus de Normendie y fist, ainnéz filz dou roy de Franche, et coumment il reconquist sus lez Englèz pluisseurs villez et castiaux, et coumment il assiega le fort castiel d’Aguillon. Fº 86.
—Ms. de Rome: Vous savés que li contes Lois de Blois, sires d’Avesne et dou Louvion, avoit à fenme et à espouse la fille à mesire Jehan de Hainnau, qui tous jours s’estoit armés pour la partie dou roi d’Engleterre, et avoit de celle dame trois fils, Lois, Jehan et Gui. Par le moiien de ce conte de Blois et aultres chevaliers qui s’en ensonniièrent, li sires de Fagnuelles et li sires de Barbençon et li sires de Senselles et messires Wallerans de Lini plus que nuls, li rois Phelippes de France fist traitiier deviers mesire Jehan de Hainnau, pour li tourner François. Envis relenqisoit pour son honnour li dis chevaliers le roi d’Engleterre, car il l’avoit trouvé bon et courtois, et paiement apparilliet. D’autre part, il veoit que si heritier, les enfans dou conte de Blois, seroient de tous poins François, et que lors pères, li contes de Blois, estoit neveus dou roi Phelippe et dou conte d’Alençon. Si considera toutes ces coses et plus le temps à venir que le temps present, si ques, par les raisons desus dittes, il renvoia son honmage au roi d’Engleterre et devint homs au roi de France. Et li rois de France li restitua et donna otretant et plus que sa pension par an montoit, qui li venoit d’Engleterre, et fu asignés sus la terre de Vellis, et là paiiés d’an en an tant que il vesqui. Nous nos soufferons à parler de ces coses, et retournerons as besongnes de Gascongne. Fº 105.
P. 107, l. 20: trois.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: trois ou quatre. Fº 128 vº.
P. 107, l. 22: le signeur.—Mss. A 15 à 17: ou seigneur. Fº 129.—Mss. A 20 à 22: au seigneur. Fº 187.—Mss. A 23 à 29: par le seigneur. Fº 147.
§ 241. P. 108, l. 11: Bien estoit infourmés.—Ms. d’Amiens: Bien estoit enfourmés li roys Phelippez dez cevauciez que li comtez Derbi avoit fettez ens ou pays de Gascoingne, et coumment il avoit pris villez, chitéz et castiaux, et le pays durement toullé et apovri. Si en estoit moult courouchiéz; et avoit fet ung très grant et especial mandement que tout noble et non noble, dont on se pooit aidier en bataille, fuissent à Paris: ce fu environ le Toussains, l’an mil trois cens quarante cinq. Si y vinrent au mandement dou roy, signeur et gens d’armes, de tous lés: premierement, li dus Oedes de Bourgoingne et messires Phelippes de Bourgoingne, ses filx, et avoient en leur routte cinq cens chevaliers et escuiers, et estoient bien trois mil chevaux; ossi messires Loeis, comtez de Foriès, en grant routte, li dus de Bourbon à grant gent, li daufins d’Auvergne, ossi li comtez de Bouloigne, li comtez de Roussi, li comtez de Porsiien, li sires de Couchi, li sires d’Aufemont et de Nielle, et tant de baronnie et de chevalerie que ce seroit uns detris dou compter. Et passoient tout chil seigneur, à fet qu’il venoient, oultre en allant le grant chemin de Toulouse. Si se parti li dus de Normendie dou roy son père à grant gent, et passa parmy Orliiens et puis parmy le Berri et puis l’Auvergne; et fist tant par sez journées qu’il vint à Toulouse, où il fu recheu à grant joie, car moult y estoit desiréz. Quant li dus de Normendie fu venus à Thoulouse, de rechief il fist ung grant mandement en le Lange d’Oc. Et vinrent en brief jours o toutte leur puissance li comtez de Nerbonne, li comtez d’Uzès, li senescaux de Biaucaire, li senescaux de Rohège, li senescaux de Quersin et pluisseur grant baron et chevalier de Gascoingne qui s’estoient acquités de leurs raenchons et de leur prise d’Auberoche. Si estoient en grant desir de reconcquerir sus les Englèz che qu’il avoient perdu. Li dus de Normendie tint en Thoulouse se feste dou Noel, des Estrinnez et des Roys. Et toudis li croissoient gens, car encorres li revinrent li comtez de Ghinnez, connestablez de Franche, et li comtez de Tamkarville et li comtez de Danmartin, et amenèrent de leur routte bien trois mil combatans. Fº 86.
—Ms. de Rome: Bien estoit enfourmés li rois Phelippes de France des cevauchies et conquès que li contes Derbi, ses cousins, avoit fait ou desus dit pais de Gascongne, et des prises et rendages, chités, villes et chastiaus, et le pais durement foulé et apovri. Et fu consilliés à ce que on i pourveroit. Si fist faire un très grant mandement de gens d’armes à estre, les Normans, les François, et les Piqars en la chité d’Orliiens, et là faire lor moustre à un jour qui nonmés i fu, et les Lorrains, Barrois et Bourghignons à Lions sus le Rosne, et les Prouvenciaus et ceux de la Lange d’Oc à estre à Montpellier; et institua de toutes ces gens d’armes estre souverains son fil le dus de Normendie. Et mist li dis rois Phelippes en sa compagnie le duc Oede de Bourgongne et mesire Phelippe de Bourgongne son fil, le duch de Bourbon, mesire Jaqueme de Bourbon, [le] conte d’Eu, le conte daufin d’Auvergne, le conte de Forois, le conte de Vendome, le conte d’Auçoire, le conte de Sansoirre, le signeur de Chastellon et grant fuisson de barons et de chevaliers de tous pais. Et qant ces gens se furent tous remis ensamble, il se trouvèrent siis mille honmes d’armes et quarante mille d’autres honmes as lances et as pavais, les quels on nonme pour le temps present gros varlès. Et furent tout environ le Noel l’an desus dit en la chité de Toulouse, et là tint li dus de Normendie sa feste. Fº 105 vº.
P. 109, l. 6: Tankarville.—Mss. A 18, 19: Tanquerville. Fº 130.
P. 109, l. 11: de Roie.—Le ms. B 6 ajoute: et le senescal de Bieaucaire, le senescal de Carquasonne, le senescal de Roergue, le senescal de Quersin, le senescal de Limosin, le senescal d’Aghinois, le senescal de Bigorre. Fº 275.
P. 109. l. 15: Quersin.—Mss. A 1 à 7, 15 à 33: Caoursin. Fº 129.—Mss. A 11 à 14: Omersin. Fº 123.
P. 109, l. 20: Rodais.—Mss. A 15 à 17: Roddais. Fº 129 vº.
§ 242. P. 109, l. 29: Tantost apriès.—Ms. d’Amiens: Tantost apriès l’Apparition des Roys, li dus de Normendie se parti de Toulouse o touttes sez hos; et fist devant chevauchier ses marescaux, le seigneur de Montmorensi et le seigneur de Saint Venant. Si se traissent premierement devant le fort chastiel de Miremont que li Englèz avoient concquis en celle saison; si l’asaillirent fortement et durement. Il y avoit dedens environ cent Englèz et une cappittainne, très bon escuier, que on appelloit Jehan de Bristo. Chilx avoec sez compaignons le deffendi tant qu’il peut; mais en le fin, il ne peurent durer as Franchois. Et fu li castiaux de Miremont pris par assaut, et tout li Englès ochis et meimmez Jehans de Bristo, et encorrez pluisseurs gens de le nation de le ville. Apriès il s’en vinrent devant celle grosse ville et forte de Villefranche, que li Englès avoient bien garnie et bien pourveue, et l’assaillirent fortement, et y furent quatre jours. Au cinquimme, il le prissent par assaut et par force, et ochirent bien deus cens archiers englès qu’il y trouvèrent. Et y fu li cappittainne tellement navréz qu’il morut de le navreure. Si fu la ville de Villefranche toutte courue et toutte robée, et y trouvèrent grant avoir que li Englèz y avoient assamblé. Si l’ardirent et essillièrent toutte ains leur departement, mès il laissièrent le castiel tout enthier et sans garde, dont depuis mout se repentirent; puis se traissent par devant le cité d’Angouloime et l’assegièrent tout autour, car li estoient tant de gens que bien le pooient faire. Dedens avoit grant garnisson de par lez Englèz et un escuyer qui s’appelloit Jehans de Noruwich, appert homme durement. Fº 86.
—Ms. de Rome: Et avant que li dus de Normendie se departesist de Toulouse, li revinrent grans gens d’armes que li connestables de France, li contes d’Eu et de Ghines, li amena. Si se departirent tantos apriès les festes dou Noel, et se traissent tout premierement devant le castiel de Miremont que les Englois tenoient. Et estoient marescal de l’oost le duc de Normendie, li sires de Saint Venant et li sires de Biaugeu; et vinrent tout premiers mettre le siège devant Miremont, car il gouvrenoient l’avant garde. Et sourvint messires Lois d’Espagne en l’oost des marescaus, en sa compagnie cinq cens arbalestriers geneuois et espagnols. Si asallirent le chastiel de Miremont ces gens d’armes et ces arbalestriers, et le prissent de force; et ocirent tous ceuls qui dedens estoient, horsmis le capitainne et cinq ou siis gentilshonmes qu’il retinrent pour prisonniers. Et puis passèrent oultre et laissièrent le chastiel tout vage, et se traissent devant la chité d’Angouloime et là missent le siège. Et là vinrent li dus de Normendie et tout li signeur de France qui en sa compagnie estoient, et l’environnèrent de toutes pars. Fº 105 vº.
P. 110, l. 3: Miremont.—Mss. A 20 à 22: Michemont. Fº 188.
§ 243. P. 111, l. 5: Quant li contes.—Ms. d’Amiens: Quant li comtez Derbi, qui estoit à Bourdiaux, entendi que li dus de Normendie et chil signeur de Franche estoient venut à si grant host pour reconcquerre tout le pays de Gascoingne que il avoit concquis, et que jà avoient reconcquis Miremont et Villefranche, et toutte robée et arse horsmis le castiel, il s’avisa et envoiia tantost quatre chevaliers des siens, ens ès quelx mout s’afioit, et leur dist que il presissent jusquez à soixante ou quatre vingt compaignons d’armes et trois cens archiers, et s’en alaissent par deviers Villefranche et represissent le castiel qui estoit demouréz wuis et entiers et le remesissent à point et lez portez de le ville ossi, et le garnesissent bien de pourveanchez et des hommez dou pays ossi; et se li Franchois le venoient encorrez assaillir, que il se deffendissent bien, car il les secouroit à quel meschief que ce fuist. Li chevalier s’i consentirent vollentiers et se partirent de le cité de Bourdiaux, si comme chargiet leur fu. Or vous diray les noms de eiaux: che furent messires Estievènez de Tomby, messires Richars de Hebedon, messires Raoulx de Hastingez et messires Normans de Sinefroide.
Apries ce, li comtez Derbi parla au comte de Pennebrucq, à monseigneur Gautier de Mauni, à monseigneur Francke de Halle, à monseigneur Thumas Kok, à monseigneur Jehan de Lille, à monseigneur Robert de Noefville, à monseigneur Thummas Biset, à monseigneur Jehan de la Souche, à monseigneur Phelippe de Biauvers, à monseigneur Richart de Roclève et à pluisseurs autrez chevaliers et escuiers, que il volsissent aller à Aguillon et garder le fortrèce, car trop seroit courouchiéz si le reperdoient. Chil se partirent, qui estoient bien quarante chevaliers et sept vingt bons escuiers et cinq cens archiers, et s’en vinrent bouter dedens le fort castiel d’Aguillon. Si y trouvèrent bien six vingt bons compaignons que li comtes y avoit laissiet par de devant. Si pourveirent le castiel de farinez, de chars, de vins et de touttez autrez coses bien et largement.
Ossi li quatre chevaliers dessus noumet, ordonnet pour aller à Villefranche, chevaucièrent parmy le pays et prissent bues, vacez, cevaux, pourchiaux, vins, bleds, farinnes et quanqu’il trouvèrent de tex pourveanches. Et fissent tout amener dedens Villefranche, et reprissent le castel et le remparèrent bien et à point, et relevèrent les murs et les portez de le ville. Et fissent tant qu’il furent plus de quinze cens hommes tous aidablez et pourveu de vivrez pour vivre six mois tous entiers. Fº 86.
—Ms. de Rome: Qant li contes Derbi, qui tenus s’estoit une espasse de temps en Lieboume et retournés à Bourdiaus, entendi que li dus de Normendie, à si grant poissance, estoit entrés en la Lange d’Och pour reconquerir che que conquis avoit sus deus ans à si grant painne et si bonne diligense, si se avisa que il esparderoit ses chevaliers et esquiers et ses gens d’armes, et envoieroit au devant pour rafresqir les garnisons et les forterèces qui obeisoient à lui. Et regarda sus mesire Thomas Kok et li dist: «Tomas, quel cose faites vous chi? Je vous avoie ordonné à estre chapitainne de Villefrance en Agenès. Et je entens ensi que li François l’ont prise et sont venu devant Angouloime; mais tant i a de bien pour nous: il ont laissiet le chastiel et n’en ont fait compte. Se voel que vous et des vostres, tant que il devera souffire, s’en voisent bouter dedens le chastiel et le facent remparer. Il sciet sus marce de pais: si pora porter as François moult grant contraire.» Messires Thomas Kok respondi ensi et dist: «Sire, je ferai vostre conmandement. Et qant je vins deviers vous, je quidoie plus tos retourner que je n’aie fait. Car sus l’estat que je vous remoustrai, vous me deuissiés avoir delivret plus tos que vous n’aiiés fait, car Villefrance estoit mal pourveue de toutes coses, et pour ce a elle esté perdue.» Respondi li contes Derbi: «Il fault perdre, il fault gaegnier. Nous avons tenu les camps deus saisons, et li François les tenront ceste saison, car il sont trop poissant contre nous, se li rois d’Engleterre, nostres sires, ne vient par deçà à poissance de gens d’armes et d’archiers. Je li segnefierai proçainnement nostre estat, et sur ce il auera consel.» Adonc se departi messires Thomas Kok à tout cent armeures de fier et deus cens archiers. Et chevauchièrent à la couverte, et s’en vinrent de nuit bouter ens ou chastiel de Villefrance en Agenois; et le fissent tantos remparer et le pourveirent de vins, de chars et de grains et de toutes coses necessaires. Et en fissent une très bonne garnison et qui depuis fist et porta moult de contraires as François, car il n’osoient aler fouragier, fors en grans routes, pour la garnison de Villefrance.
En ces meismes ordenances, institua li contes Derbi le conte de Pennebruq à estre chapitainne de la ville et chastiel de Agillon; et ordonna et nonma de là aler avoecques li mesire Gautier de Mauni, mesire Franqe de Halle, mesire Jehan de Lille, mesire Robert de Noefville, messire Jehan de la Souce, mesire Richart Roclève, messire Phelippe de Biauvers et pluisseurs aultres chevaliers et esquiers, tant que il furent trois cens armeures de fier parmi les archiers. Et s’en vinrent bouter dedens le chastiel d’Agillon, et i trouvèrent bien siis vins compagnons que li contes Derbi i avoit laissiés, qant il s’en departi et il l’eut conquis. Si entendirent ces gens d’armes dou remparer et pourveir grandement, et coururent tout le pais d’autour et boutèrent tout là dedens, et avoient les camps et la rivière à lor volenté. Et vinrent les Englois en Agillon ensi estofeement, pour la cause de ce que bien pensoient que il aueroient le siège; et par l’estat dou siège qui se tenroit devant Agillon se romperoient trop de cevauchies et de pourpos des François, qui estoient fort assés pour tenir les camps. Et entrues se poroit aviser li rois d’Angleterre et venir à Bourdiaus à poissance de gens d’armes et d’archiers et conbatre le duch de Normendie et les François. Fº 106.
P. 111, l. 24: Hebedon.—Mss. A 23 à 33: Helledon. Fº 148.
P. 111, l. 24 et 25: Hastinges.—Mss. A 11 à 14: Astinges. Fº 123 vº.
P. 112, l. 1: Biset.—Mss. A 18, 19: Bisset. Fº 132.
P. 112, l. 2: la Souce.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: la Soche. Fº 129 vº.—Mss. A 20 à 23: la Souche. Fº 188 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: la Fonce. Fº 117 vº.
P. 112, l. 2 et 3: Biauvers.—Mss. A 1 à 14: Biauvais. Fº 129 vº.—Mss. A 18 à 33: Beauvais, Beauvaix. Fº 132.—Mss. A 15 à 17: Beauvers. Fº 130 vº.
P. 112, l. 3: Roclève.—Mss. A 18, 19: Rochève. Fº 132.—Mss. A 30 à 33: Rochlève. Fº 178.
P. 112, l. 7 et 8: trois cens.—Ms. B 6: à tout six cens armés de fer et deux cens archiers. Fº 279.
§ 244. P. 112, l. 26: Ces nouvelles.—Ms. d’Amiens: Trop se repentoit li dus de Normendie dou castiel de Villefranche qu’il avoit laissiet en estant, quant il entendi que li Englèz l’avoient repris et fortefiiet et regarni. Touttesfois, il demora une bonne pièche devant la chité d’Angouloime, et y fist pluisseurs fois assaillir; mès petit y concquist, car elle estoit bien deffendue. Quant il dus de Normendie et ses conssaux virent que il ne le conqueroient point par assault, et qu’il perdoient chacun jour de leurs gens à l’assaillir, il fissent coummander et criier que nulx n’alaist plus assaillir, ainschois se remuaissent et alaissent logier plus priès de le cité. Adonc obei chacuns au coummandement de leur souverain, che fu raisons.
Che siège durant devant Angoulem, vint ung jour au duc li senescaux de Biauquaire, ungs vaillans chevaliers, et li dist: «Sire, je sai bien touttez lez marcez de ce pays. Se il vous plaisoit, et vous me volsissiés prester six cens ou sept cens armurez de fier, jou iroie aventurer aval ce pays pour querre bestez et vitaillez, car assés tost en arons nous deffaulte.» Che pleut bien au duc et à son consseil. Si prist l’endemain li dis senescaux le comte de Bloix, le jouene duc de Bourgoingne, le duc de Bourbon, le cambrelench de Tancarville, l’evesque de Biauvès, le seigneur de Couchy, le seigneur de Montmorensi, marescal de Franche, le seigneur de Roye, le seigneur d’Aufemont, le seigneur de Trie, le seigneur de Biausaut, le seigneur de Rainneval et pluisseurs autres seigneurs, chevaliers et escuiers, tant que il en eut bien huit cens armurez de fier. Si montèrent à une vesprée et chevauchièrent toutte le nuit jusquez au point dou jour, qu’il vinrent à demy lieuwe priès d’une grosse ville qui estoit rendue as Englèz et l’appell’on Antenis. Là endroit vint une espie au dit senescal, et li dist que dedens Antenis avoit bien six vingt armurez de fier, Gascons et Englès, et trois cens archiers, qui bien deffenderoient le ville, se on lez assailloit. «Mès jou ay veu, dist li espie, le proie de le ville yssir hors, et y a bien six cens ou sept cens grosses bestez, et sont par desoubz le ville aval lez prés.»
Quant li senescaux de Biauquaire oy ce, il dist as seigneurs qui là estoient: «Seigneur, je consilleroie que vous demorissiéz en ceste vallée quoiement, et jou yray à tout soixante compaignons à queillir ceste grande proie, et le vous amenroie chy endroit; et se chil Englèz yssoient hors pour rescourre leur proie, ensi que je pensse bien qu’il le feront, je les amenray jusquez à vous tout fuiant, car je say bien qu’il me casseront follement.» Chacuns s’asenti à che consseil. Adonc se parti li dessus dis senescaux et ala prendre le proie, ensi que deviset avoit, et l’amena par devant le ville. Quant chil de le ville le virent, il yssirent hors et coururent apriès tout armet, Gascons et Englès, pour le rescourre. Quant li senescaux les vit, il fist toudis cacier le proie avant, et s’en alloit le grant pas en voiez en samblant de fuir; et chil le cachoient toudis, qui à envis perdoient leurs bestez. Tant les mena il enssi fuiant, qu’il vinrent priès de l’embuschement. Adonc saillirent chil seigneur et chil bacheler de leur aghait, qui mieux mieux, en criant: «A le mort! à le mort!» Là coummença ungs fors pugneis, car chil Gascon et Englèz se remissent enssamble pour mieux deffendre. Quant il virent qu’il estoient si souspris que il ne pooient retourner à leur fortrèche, il se deffendirent ce qu’il peurent, et fissent grant fuisson de belles rescousses li ung l’autre; mais au darrain, il furent desconfit, et le plus grant partie mort, car force lez sourmonta. Quant il furent desconfit, chil signeur se traissent par deviers le ville et le prissent à leur vollenté, et y demorèrent tout le jour et le nuit ossi; car bien en avoient besoing, qui toutte le nuit devant n’avoient dormit. L’endemain au matin, il missent dedens gens d’armez et fuison d’arbalestriers geneuois pour le garder, puis s’en revinrent en leur host par devant le chité d’Anghouloime à tout leur proie, là où il furent bien festiiet et à grant joie rechupt. Fos 86 vº et 87.
—Ms. de Rome: Les nouvelles vinrent en l’oost le duch de Normendie, qui tenoit son siège devant la chité d’Angouloime, que li Englès estoient venu à Villefrance et avoient trouvé le chastiel tout vage et sans garde, et s’en estoient saisi et l’avoient remparet et repourveu de toutes coses; et ne faisoit point à reprendre presentement que trop il ne deuist couster. Si en furent grandement blamé li doi marescal de l’hoost, qant par lor negligense li chastiaus estoit repris, qui lor poroit porter grans contraires et damages, ensi que il fist toute la saison à lors fouragiers. Li marescal s’escusèrent au mieuls que il sceurent ne porent, et demora la cose ensi et li sièges devant Angouloime. La chité estoit bien pourveue de gens d’armes et d’archiers, par quoi elle en estoit plus tenable et de millour garde, car onques li François ne venoient as barrières que il ne fuissent requelliet, fust au traire ou au lanchier, et moult d’apertisses d’armes i furent faites.
Le siège estant devant Angouloime, vint un jour devant le duch de Normendie li seneschaus de Biauqaire, uns moult vaillans homs, et li dist: «Sire, je sçai bien toutes les marces de ce pais. Se i[l] vous venoit à point ensi et à vostre consel, que vous vosissiés faire cevauchier avoecques moi cinq cens armeures de fier, je les conduiroie en tel lieu où vous aueriés honnour et pourfit.»—«Et conment seroit ce, seneschaus? Moustrés nous en la manière.»—«Volentiers, monsigneur, respondi il. Vous savés que vostre hoost est grande, et que il i fault grant bestail pour le pourveir. Et, à ce que j’ai entendu, nous en auerons tantos defaute, si ques, avant que li cas aviengne et que les honmes dou pais où je menroi vos gens, destournent la proie, bon seroit que vous en soiiés saisis: si en sera vostre hoost plus plentiveuse.»—«Seneschaus, respondi li dus, vous parlés bien et sagement, et nous ferons apriès vostre ordenance.»
Donc fist li dus venir le connestable de France et les mareschaus, et lor remoustra l’ensengnement le senescal de Biauqaire. Tout s’i acordèrent et ordonnèrent tantos cinq cens armeures de fier, bien montés et plains de bonnes emprises, et se departirent un soir de l’oost ou conduit dou dit senescal, et cevauchièrent toute celle nuit. Sus le point dou jour, il vinrent assés priès de une bonne ville fremée qui se nonme Anthenis, et estoit nouvellement rendue as Englois, et là dedens avoit grant garnison de gens d’armes et d’archiers. Et avoient les Englois requelliet tout le pais autour de euls, et fait venir le bestail de tous lés, et assamblé ens ès praieries desous Antenis. Et tout ce savoit bien li dis seneschaus, et la poissance des Englois qui dedens estoient. Il i pooit avoir environ cent armeures de fier et cent archiers. Si dist li seneschaus au duch de Bourbon et à mesire Jaqueme de Bourbon, son frère, qui là estoient, et as marescaus: «Signeur, nous trouverons la proie jà sus l’eure de prime, que chil de la ville bouteront hors ens ès praieries; et qant nous saudrons avant, il n’est riens si vrai que les Englois, qui sont chaut et hastieu, se bouteront hors pour le rescourre. Si nous fault avoir avis sur che et jeuer de l’enbusque, par quoi il soient atrapé et la ville prise. Velà un petit bois: nous nos meterons dedens, et envoierons deus cens des nostres lever la proie, et verons conment les Englois s’en maintenront.»
Chil signeur françois s’ordonnèrent ensi que li seneschaus parla, qui fu uns moult vaillans homs, et envoiièrent deus cens armeures de fier, tous bien montés. Qant la proie fu toute issue hors de la ville et avallée ens ès praieries, [evous les François] courir celle part, et le demorant se missent en embusqe, ensi que dit estoit. Qant chil que ces bestes gardoient ens ès praieries, veirent ces gens d’armes venir en une brousse, si furent tout esbahi et tournèrent en fuies, les auquns deviers la ville; et les aultres des fuians de paour se boutoient ens ès haies et buissons. Li hus et li cris monta tantos en la ville. Evous ces Englois courir as armes, monter as chevaus et issir de la ville, et euls mettre en cace apriès ces François qui enmenoient la proie et l’avoient jà aquelliet. Qant chil qui estoient en l’enbusque veirent le couvenant, si sallirent hors à quoite d’esporons, et se missent entre la ville et les Englois. Or furent il enclos devant et derrière, car [qant] chil qui la proie avoient aquelliet, veirent lors gens venir, il retournèrent sus les Englois et les envairent. Qant les Englois se veirent en ce parti, et ensi asalli, devant et derrière et de droite gens d’armes, sifurent tout esbahi, et toutesfois, conme gens de vaillance, il moustrèrent deffense très bonne; mais il ne porent durer longement, car les François entrèrent tantos en euls et les espardirent. Là furent il tout mort ou pris. Petit s’en sauvèrent, tant que on les peuist veoir ne percevoir.
Et de recief les François vinrent à Anthenis et entrèrent dedens et le conquissent, et prissent les honmes de la ville à merchi. Et i furent un seul jour, et i ordonnèrent chapitainne de par euls et gens pour le garder, et puis s’en departirent et enmenèrent lors prisonniers et la proie que conquis avoient, et vinrent devant Angouloime. De ceste emprise ensi achievée rechut li dis seneschaus de Biauqaire grant grace et renonmée de tous ceuls de l’hoost. Et finèrent li prisonnier englois qui pris estoient au mieuls que il porent, et il ot fait des escanges des uns as aultres. Fos 106 vº et 107.
P. 113, l. 25: d’Aufemont.—Mss. A 1 à 6: d’Ouffremont. Fº 129 vº.—Mss. A 8, 15 à 17: d’Offemont. Fº 118.
P. 113, l. 27: Saintré.—Mss. A 11 à 14: Caintré. Fº 124.—Mss. A 20 à 22: Santé. Fº 189 vº.
P. 113, l. 28 et 29: entre mil et neuf cens.—Ms. B 6: six vingt. Fº 279.
P. 114, l. 1 et 2: Anchenis.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 23 à 33: Athenis. Fº 129 vº.—Ms. A 8: Anchenis. Fº 118.—Mss. A 15 à 17: Ancenis. Fº 131.—Mss. A 18, 19: Achenis. Fº 132 vº.—Mss. A 20 à 22: Athemes. Fº 189 vº.—Ms. B 6: Anthonis. Fº 279.
P. 114, l. 3: six vingt archiers.—Ms. B 6: six vingt lanches et trois cens archiers. Fº 279.
P. 114, l. 7: sept cens ou huit cens.—Mss. A 20 à 22: sept cens. Fº 189 vº.—Mss. A 23 à 33: deux cens. Fº 149.
P. 114, l. 25: espardre.—Mss. A 18, 19, 23 à 29: espandre. Fº 132 vº.—Mss. A 30 à 33: espartir. Fº 178 vº.
P. 114, l. 32: Sitost qu’il furent en friente.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Tantost qu’ilz furent ensemble mis. Fº 130.—Mss. A 20 à 22: Si tost qu’ilz furent esmeuz. Fº 189 vº.—Mss. A 8, 15 à 17 à 19: Si tost qu’ilz furent enfrientez. Fº 118.
P. 115, l. 5: Lussi.—Mss. A 15 à 17, 20 à 22: Lusy. Fº 131.
§ 245. P. 116, l. 9: Ensi se tint.—Ms. d’Amiens: Enssi se tint des seigneurs de Franche ung grant terme i sièges devant Angouloime. Et couroient li Franchoix ens ou pays que li Englèz avoient concquis, et y faisoient maint grant destourbier, et ramenoient souvent en leur host des prisonniers et grans proies qu’il trouvoient. Et y acquist en cez chevauchies li senescaux de Biauquaire grant grasce. Quant Jehans de Norewich, cappittainne et souverain d’Angouloime, vit que li dus n’avoit tallent de deslogier s’il n’avoit le chité à se vollenté, et entendoit qu’il avoit reconcquis grant fuisson dez villez et des castiaux, si comme Villefranche, Miremont, Anthenis et des autres, et savoit que les pourveanches de layens amenrissoient et que li bourgois et li commun de le chité se enclineroient plus vollentiers as Franchois que as Englès, se il osoient, il s’avisa d’un malicieus tour tel que je vous diray. Le nuit de le Purification Nostre Dame, à l’entrée de fevrier, il vint as cretiaux de le chité tous seux, sans descouvrir son pourpos à nullui, et fist signe de son capperon qu’il volloit parler au ducq ou à son marescal. Li dus meysmes y vint sour son pallefroy, car il penssoit qu’il se volloit rendre, et li demanda s’il se volloit rendre ou non. Adonc Jehans li respondi qu’il n’en estoit point consilliet à ses compaignons; mès il estoit là venus pour tant que l’endemain il devoit y estre une grande feste et sollempnelle. Se li sambloit que il appertenoit bien, pour le reverence de Nostre Damme, cui feste il seroit, on se desportast celui jour de grever li ungs l’autre dedens et dehors; et se on leur volloit donner trois jours de respit, il parleroit à ses compaignons et aroient consseil de accorder ou de laissier. Li dus de Normendie accorda assés legierement le respit de trois jours, et le fist criier par toute l’ost. Chils Jehans de Norewich vint l’endemain à ses compaignons et leur descouvri son pourpos, tel que vous orés chy apriès, et leur moustra si bonnes raisons pluisseurs qui à son pourpos faire le mouvoient, qu’il s’i assentirent dou tout.
Or vous diray qu’il fist. L’endemain de le Candeler, enssi que on seoit au disner en l’ost et en le chité, il fist tous ses compaignons, gens d’armes, saudoiiers et archiers, appareillier, et tout sen harnas et tout ce qu’il avoient ossi, sans le sceu de chiaux de le cité; puis fist le porte ouvrir, et yssi hors à toutte se compaignie. Quant chil de l’ost le virent yssir, il se coummenchièrent à estourmir, che ne fu mies merveillez; si se coururent armer. Li dis Jehans de Norwich leur fist savoir que c’estoit sans raisson qu’il s’armoient, car il avoient acordet bon respit qui encorres duroit, et ne leur volloient nul mal. Atant se rapaisa li hos, et li dis Jehans s’en passa oultre avoecq toutte se routte, et s’en alla par deviers Aguillon, où il fu bien venus et recheus à grant joie, quant il eut comptet sen aventure et les raissons pour quoy il avoit enssi laissiés le chité d’Angouloime. On racorda au duc coumment Jehans de Norvich s’en alloit et se compaignie sus le respit qu’il leur avoit donnet. «En nom Dieu, dist li dus, il m’a bareté. Che n’est pas li premiers, ossi ne sera ce li darrains, se je vis longement.» Fº 87.
—Ms. de Rome: Ensi se tint li sièges des signeurs de France, un grant temps, devant la chité d’Angouloime, et cevauçoient ou pais que li Englois avoient conquis les saisons devant, et le metoient en grant tribulation. Qant la chapitainne d’Angouloime, qui se nonmoit Jehans de Nordvich, vei et considera que li dus de Normendie n’avoit nulle volenté de li deslogier, et sentoit que les pourveances de là dedens afoiblissoient, et que li contes Derbi ne faisoit nul apparant de lever le siège, et si veoit, d’aultre part, que chil de la ville s’enclinoient trop fort à estre françois, et plaindoient lors biens que il avoient sus le plat pais que il veoient perdus et ou dangier des François; si se avisa que à toutes ces coses il pourveroit si se avisa: de une grande soutilleté, et avint la nuit de la Purification Nostre Dame. Il vint sus les crestiaus de la ville, et fist signe de son caperon que il voloit parler et trettier de auqunes besongnes. Sitos que on vei ce signe, on envoia deviers li sçavoir que il voloit. Il dist que il parleroit volentiers au duc de Normendie, se il li plaisoit. On li demanda qui il estoit, qui voloit parler au duc. Il respondi que il estoit Jehans de Nordvich, capitainne de Angouloime de par le conte Derbi. «Bien, respondirent chil qui là estoient, on le dira à monsigneur.» On le dist au duch. Li dus fu consilliés de soi meismes que il monta à cheval et vint jusques à là, et fist dire à ce Jehan que il venist parler à lui as barrières. Jehans descendi des murs et vint as barrières et trouva le duch. Li dus li demanda: «Que voes tu dire?»—«Sire, dist il, je vous demande, moi et les miens, trieuves meshui et demain pour la reverense et solempnité dou jour Nostre Dame.»—«Et ne voes tu autre cose?» dist li dus.—«Mès Dieus! non.»—«Et je le te acorde meshui et demain, et encores le tierch jour apriès.» Li dus retourna; Jehans de Nordvich demora.
Qant ce vint le jour de la Purification, Jehans de Nordvich s’arma et fist armer tous ses compagnons englois qui en la garnison estoient, et monter as chevaus, et puis fist ouvrir la porte. Il sallirent tout hors, et dist au departement à ceuls de Angouloime: «Faites dou mieuls que vous poés et savés, car je m’en vois sans retourner.» Qant chil de l’oost veirent venir les Englois ensi sus euls, si quidièrent de conmencement que il venissent là pour euls envaïr. Si criièrent alarme, et s’estournoi li hoos, et s’armèrent et vinrent contre ces Englois. Jehans de Nordvich ne fu de riens effraés, mais vint contre euls et dist tout quoi: «Signeur, nous avons trieuwes meshui tout le jour, et demain aussi, de l’acort et parole vostre signeur le duch de Normendie.» Li François auquns qui là estoient savoient bien que il estoit ensi; si se astinrent et les laissièrent passer pasieuvlement. Les nouvelles vinrent au duch, conment les Englois s’en aloient. Dist li dus: «Il ne pooient plus demorer. Et se il m’euissent requis: nous en volons aler salve nostres cors et le nostre, je lor euisse bien fait celle grace et legierement; car ce sont cas d’armes que on doit faire l’un à l’autre à ceuls qui tiennent garnisons sus les frontières.» Fos 106 et 107 vº.
P. 116, l. 17: Norvich.—Mss. A 8, 9: Marvich. Fº 118 vº.
§ 246. P. 118, l. 29: Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Quant chil de le chité d’Anghouloime se virent sans cappittainne et sans ayde fors de yaux meysmes, si n’eurent mies vollenté d’iaux tenir plus longement contre le duc; ainschois se rendirent assés tost apriès. Et y envoya li dus ses marescaux qui prissent le saisinne de le cité; et y ordonnèrent nouvellez gardez, et missent bons saudoiiers pour tenir et deffendre le chité contre lez Englès, s’il besongnoit. Puis se desloga li dus et se traist deviers le castiel de Damasen et y loga quinze jours par devant, ainschois qu’il le pewist avoir, et ne fu oncquez jours qu’il n’y ewist assault. Si fu concquis par force, et tout chil qui dedens estoient, Gascon et Englès, mors. Quant li François eurent pris Damassen, il le missent en milleur point que oncques mais n’avoit estet; et le donna li dus de Normendie à ung escuier de Biausse que on appelloit le Borgne de Milli, et y laissa avoec lui cent saudoiiers pour le garder. Apriès il s’en vinrent devant Thonis, qui siet sour le rivierre de Garonne. Si le trouvèrent bien pourveue de Gascons et d’Englès, qui le deffendirent vassaument ung grant tamps, et y avoit tous les jours assault. Tant y fu li dus que la ville se rendi, sauve leurs biens et leurs corps; et s’en partirent li Englèz et li Gascon, mais riens n’en portèrent ne n’en menèrent, fors tant seullement leurs chevaux. Li dus de Normendie et toutte sen host se tinrent en Thonis ou environ jusquez apriès le jour de Pasques, qu’il se traissent tout devant Aguillon; mais ainschois qu’il y parvenissent, il trouvèrent à une lieuwe prièz, sus le rivierre, une petitte bonne villette fremmée qui estoit as Englèz, que on clamoit le Port Sainte Marie, et y avoit dedens bien deux cens saudoiiers gascons et englèz. Si l’assaillirent li Franchois vistement et ne l’eurent mies si aise, ainschois y fissent pluisseurs assaulx. Finalement, elle fu concquise de force, courue et robée, et tous li saudoiiers ocis, qui dedens estoient, et remparée de nouvel et regarnie de gens d’armes et de pourveanchez. Et puis s’en vinrent devant Aguillon. Fº 87.
—Ms. de Rome: Les Englois partis et mis au cemin par la manière que je vous di, li dus de Normendie envoia ses mareschaus parler et tretiier à ceuls d’Angouloime, pour sçavoir quel cose il voloient dire et faire. Les bourgois de la chité et toute la conmunauté, qui avoient assés affection as François, se rendirent incontinent; et i entrèrent li signeur ce meisme jour, et i soupèrent à grant joie. Ensi orent il Angouloime et se rafresqirent là je ne sçai qans jours, et puis jettèrent lor visée que il iroient devant le chastiel d’Agillon et metteroient là le siège. Si se ordonnèrent pour che faire, et se departirent de la chité d’Angouloime en grant estat et arroi; et ceminèrent viers Agillon, et tant fissent que il i parvinrent. Fº 107 vº.
P. 119, l. 11: Villers.—Mss. A 1 à 6, 15 à 19, 23 à 29: Villiers. Fº 131.
P. 119, l. 15: Damassen.—Mss. A 30 à 33: Damassien. Fº 179.
P. 119, l. 21: Milli.—Mss. A 1 à 6: Mulli. Fº 131.—Mss. A 15 à 17, 20 à 33: Milly. Fº 132 vº.—Mss. A 18, 19: Nulli. Fº 134.
P. 119, l. 23: Thonins.—Mss. A 1 à 6: Thenis. Fº 131 vº.—Mss. A 7 à 14, 18 à 33: Thonis. Fº 125 vº.—Mss. A 15 à 17: Chonis. Fº 132 vº.
P. 119, l. 23: Garone.—Ms. B 6: Geronde. Fº 282.
§ 247. P. 120, l. 12: Tant esploitièrent.—Ms. d’Amiens: Or sont chil seigneur de Franche venut à host devant Aguillon, et logiet contreval ces biaux prés seloncq le rivierre qui porte grant navie, cescuns sires entre ses gens, chacune connestablie par lui, si comme ordonné estoit par les marescaux de l’host. Et devés savoir que par devant le fort castel de Aguillon eut le plus bel host et le plus bel siège que on avoit, grant tamps avoit, veut ou royaumme de Franche ne ailleurs; et dura parmy cel estet tout jusques à le Saint Remy. Et y avoit bien cent mil hommes armez portans, à cheval et à piet. Et si ne poroit on raconter par nulle histoire à siège fait tant de biaux fais d’armes et de grandes appertisses qu’il avinrent là de une part et d’autre; car oncques gens assegiés ne souffrirent tant, ne ne se deffendirent si vassaument comme cil qui furent dedens Aguillon, si comme vous oréz chy apriès. Car tous les jours les couvenoit combattre deus fois ou trois à chiaux de l’host, et le plus souvent dou matin jusques à le nuit sans cesser, car toudis leur sourvenoient nouvellez gens, geneuois et autrez, qui ne les laissoient reposer. Les mannierrez et les assaux, coumment et de quoy, je les vous voeil declairier et plainnement deviser. Fº 87 vº.
P. 120, l. 14: d’Aguillon.—Ms. B 6: qui est une moult belle plache et seant en la pointe de deux rivières, dont est l’une le rivière de Lot et chiet en Geronde qui porte grant navire pour aller par tout le monde. Fº 283.
P. 120, l. 17: connestablie.—Mss. A 8 à 14, 18 à 22: connestable. Fº 119 vº.
P. 120, l. 17: par lui.—Mss. A 1 à 6: par elle. Fº 131 vº.—Mss. A 23 à 33: à par lui. Fº 150 vº.
P. 120, l. 23: cent mille.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: cinq mille. Fº 131 vº.
§ 248. P. 121, l. 9: Quant li signeur.—Ms. d’Amiens: Quant li seigneur de Franche furent venut devant Aguillon, il regardèrent premierement que il ne pooient parvenir jusquez à le forterèche, se il ne passoient le rivierre. Or leur couvenoit faire ung pont pour le passer. Si coummanda li dus que li pons fust fais, quoy que il coustast. Si y vinrent pour le ouvrer plus de trois cens carpentiers, qui y ouvroient jour et nuit. Quant chil de dedens Aguillon veirent que il estoit oultre le moitié de le rivierre, il fissent appareillier trois navez et entrèrent ens, et chacièrent tous ces ouvriers en voiez et les gardes ossi, et deffissent tout ce que il avoient fait et carpenté ung grant temps. Quant li signeur de Franche virent ce, il furent durement courouchiéz, et fissent appareillier aultrez navez à l’encontre d’eux; et missent ens grant fuisson de gens d’armes, de Geneuois et bidaus arbalestriers, et coummandèrent les ouvriers à ouvrer sour le fianche de leurs gardes. Quant li ouvrier eurent ouvré ung jour jusques à miedi, messires Gautiers de Mauny et aucun de ses compaignons entrèrent ens leurs nefs, et coururent sus ces ouvriers et les gardez. Et fu tout deffait quanque fait avoient, et y laissièrent dez mors et des noiiés grant plenté. Chils debas et ceste rihote recoummenchoit chacun jour. Au pardarrain, li seigneur de Franche y furent si estoffeement et si bien gardèrent leurs ouvriers que li pons fu fais bons et fors.
Quant li pons dessus le rivierre fu parfais, toute li hos passa oultre, armet et ordounnet par mannierre de bataille; et assaillirent le castiel de Aguillon durement et fortement, sans yaux espargnier ne chiaux de dedens. Et chil dedens se deffendirent si vassaument que riens n’y perdirent, et dura chilx assaux ung jour tout jour. Au soir, chil de l’host se repairièrent et vinrent à leurs logeis. Chil dou castiel avoient ossi avoecq eux plenté d’ouvriers. Si remissent de nuit à point ce que brisiet et froissiet avoit esté par jour. Fº 87 vº.
—Ms. de Rome: Qant li signeur et li grant baron de France, qui en la compagnie dou duc de Normendie estoient, furent venu devant Agillon, il regardèrent premierement et considerèrent que il ne pooient parvenir à la forterèce, se il ne passoient la rivière, qui est large, longe et parfonde, et lor couvenoit faire un pont pour le passer. Si ordonna et conmanda li dus que li pons fust fais, quoi que il coustast. Et vinrent pour ce pont ouvrer grant fuisson de carpentiers, et i ouvroient nuit et jour. Qant li chevalier qui dedens Agillon estoient, veirent que chils pons estoit fais et carpentés et menés jusques à la moiienné de la rivière, il fissent armer et apparillier trois naves, et entrèrent dedens à fuisson d’archiers, et cachièrent ces ouvriers en voies et les gardes aussi, et desfissent tantos et sans delai tout ce que fait avoient et carpenté à grant painne et mis un lonch temps. Qant li signeur de France veirent ce, si furent durement courouchié, et fissent apparillier aultres naves et batiaus, et amener sus la rivière à l’encontre de ceuls, et missent dedens grant fuisson de gens d’armes et d’arbalestriers. Et conmandèrent li signeur, les carpentiers à ouvrer sus la fiance de lors gardes. Qant li ouvrier orent ouvré un jour, messires Gautiers de Mauni, sus l’eure de nonne, entrèrent, ils et ses compagnons, en lors nefs, et coururent sus ces ouvriers et lors gardes, et en i ot des mors et des bleciés, et couvint de rechief les ouvriers laissier oevre et retourner arrière. Et fu adonc tout deffait qanqque fait avoient. Ces debas et ces rihotes reconmençoient casqun jour.
Qant li signeur de France veirent ce, si en orent grant virgongne, et i vinrent en la parfin si estofeement, et si bien gardèrent les ouvriers, que li pons fu fais, biaus et fors. Si passèrent adonc li signeur et toute l’oost oultre, armé et ordonné par manière de bataille; et asallirent à ce donc le chastiel d’Agillon fortement, sans euls espargnier. Et i ot ce jour maint honme blechiet, car chil qui dedens estoient, se deffendirent si vassaument que mervelles seroit à recorder. Et dura chils assaus un jour tout entier, mais riens n’i conquissent que painne et travel, cops et horions; et retournèrent au soir à lors logeis pour euls reposer et aisier, car il avoient bien de qoi. Fos 107 vº et 108.
§ 249. P. 122, l. 24: Quant ce vint.—Ms. d’Amiens: Quant che vint à l’endemain, cil seigneur de France s’asamblèrent et regardèrent et advisèrent coumment il poroient le mieux et le plus apertement grever chiaux dou castiel. Si ordonnèrent, pour plus travillier leurs anemis, que il partiroient leur host en quatre parties, desquellez li première assauroit dou matin jusquez à prisme, la seconde, de primme jusquez à miedi, la tierce, de miedy jusques à vespres, et li quarte, de vespres jusques à le nuit; car bien penssoient que li deffendant ne poroient tant durer. Si le fissent enssi par grant avis, et assaillirent par tel ordonnanche cinq jours ou six; mès ce ne leur valli riens, ains y perdirent grossement de leurs gens, car chil dou castiel ne furent oncques si recreant, coumment que il fuissent travilliet oultre mesure, qu’il ne se habandonnaissent au deffendre si vassaument que oncquez chil de l’ost pewissent gaegnier le pont qui estoit dehors le porte dou castel. Et quant il virent que ce ne leur valloit riens, si en furent tout confus, car lor sires, li dus de Normendie avoit dit et juret qu’il ne se partiroit dou siège jusques à tant qu’il aroit concquis le ville et le castiel. Si eurent autre conseil, et envoiièrent à Thoulouse querre les huit plus grans enghienz de le chité, et en fissent faire quatre plus grans assés, et les fissent, sans cesser, jetter nuit et jour toudis dedens le castiel; mais chil dou castiel estoient si bien garitet que oncques pierres ne leur greva, fors as toix des manandises. Et avoient chil dou castiel bons enghiens qui debrisoient tous les enghiens de dehors, et en peu de tamps en debrisièrent jusques à six, dont chil de l’ost furent mout courouchiet, et toudis avisèrent comment ils lez poroient le mieux grever. Fos 87 vº et 88.
—Ms. de Rome: Qant ce vint à l’endemain, chil signeur de France se remissent ensamble pour avoir consel conment, ne par quel art ne manière, il poroient le mieuls esploiter pour grever lors ennemis. Et avisèrent que il departiroient lor hoost en quatre parties, des quelles la première partie assaudroit dou matin jusques à prime, la seconde de prime jusques à midi, la tierce de miedi jusques à vespres, et la quarte de vespres jusques à la nuit; car il pensoient que li deffendant ne poroient porter si grant faix que pour soustenir la painne toute jour ajournée, et pour estre en armes sans reposer, boire ne mangier, ne euls rafresqir. Au voir dire, li avis fu moult soubtieus pour donner as Englois moult à faire et grant contraire. Et furent ordonné ou premier assaut, dou matin jusques à prime, les Espagnols et les Geneuois, les Prouvenchiaus et les Savoiiens et Bourgignons; et estoient de celle route, parmi les signeurs et lors honmes qui s’en ensonnioient et s’i boutoient, bien huit mille de prime. Sitos que chil cessoient, entroient en l’asaut chil de Nerbonne, de Montpellier, de Besiers, de Montroial, de Fougans, de Limous, de Cabestain, de Saint Ubert, de Olimpi et de Carchasonne. De miedi jusques à vespres, rentroient en l’asaut chil de Toulouse, de Roerghe, de Qersi, d’Agenois et de Bigorre. De viespres jusques à la nuit, tous frès et tous nouviaux entroient en l’asaut li Limosin, chil de Villai, de Cevaudem, d’Auvergne, de Poito et de Saintonge. Et s’aquitoient toutes gens très loiaument. Et continuèrent ces assaus par siis jours, mais riens n’i gaegnièrent fors que de lors gens mors et bleciés grant fuisson; car chil dou chastiel ne furent onques si las, quoi que il fuissent travilliet oultre mesure, que il ne s’abandonnassent au deffendre si vaillanment que li signeur de l’oost meismement s’en esmervilloient conment il pooient souffrir et porter celle painne. Et les reputoient pour vaillans gens, quoi que ce fuissent lor ennemi; ne il ne porent onques pour tous ces assaus parvenir jusques au conquès dou pont, qui estoit devant le chastiel, tant estoit il bien gardés, deffendus et soustenus. Qant li signeur de l’oost veirent ce, il se cessèrent et entendirent à mettre à point les navrés et les bleciés.
Par devant Agillon ot le plus biau siège qui onques, les gerres durant de France et d’Engleterre, euist [esté] fait ne tenu ens ou roiaulme de France, et fait la grignour plenté d’apertisses d’armes. Et dura moult longement de l’entrée de march jusques en la fin dou mois d’aoust; et furent devant bien soissante mille honmes. Considerés les grans coustages qui en nasqirent. Il me fu dit et recordé, et ce fait assés à croire, que on euist fait, fondé et ordonné sus noient deus milleurs chastiaus plus biaus et plus fors que Agillon n’est, des deniers qui despendu, en tenant les saudoiiers, i furent. Qant li signeur de l’oost veirent que, par ces assaus que il faisoient, il ne pourfitoient riens, si en furent tous abus et esmervelliet. Bien savoient que par dedens estoient droite flours de gens d’armes, et bien le moustroient, car il ne s’esbahissoient de nulles nouvelletés que on lor fesist. Et orent li signeur un aultre consel, car il envoiièrent querre à Thoulouse, huit les plus grans enghiens qui i fuissent. Et encores en fissent il faire et carpenter quatre plus grans assés, et fissent, sans cesser, ces douse enghiens jetter nuit et jour par dedens la forterèche. Mais chil dou chastiel estoient si bien garitté et par si bonne ordenance que onques pière d’enghien ne les greva, fors à tois des manandies. Et avoient chil dou chastiel bons enghiens qui debrisoient tous ceuls de dehors, et sus huit jours il en rompirent et brisièrent jusques à siis, dont chil de l’oost furent très courouchiet, et avisoient toutdis nouvelles soutilletés par grant art et avis, conment il les peuissent le plus adamagier. Fº 108.
P. 123, l. 1 et 2: jusques à le nuit.—Mss. A 1 à 6, 8 à 17: jusques à mienuit. Fº 132.
P. 123, l. 19 et 20: fors as thois des manandies.—Ms. A 7: fors aus tours des manandies. Fº 126 vº.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: fors aus tours des manantises. Fº 132.—Mss. A 8, 15 à 17: fors ès tois des maisons. Fº 120.—Mss. A 23 à 33: fors aux tours des manoirs. Fº 151 vº.—Mss. A 20 à 22: fors qu’ilz effondroient les combles des tours. Fº 192 vº.
§ 250. P. 123, l. 25: Ensi estoit.—Ms. d’Amiens: Ensi estoit li castiaux de Aguillon et chil qui dedens estoient, ouniement assailli et par pluisseurs mannierrez; car priès que touttez les sepmainnez, on y trouvoit et avisoit aucune cose de nouviel, et chil dou castiel ossi pour yaux deffendre. Che siège durant, il avint par pluisseurs foix que messires Gautiers de Mauni s’en yssoit à tout cent ou deux cens compagnons, et en alloient par oultre le rivierre de lor costet fourer, et ramenoient, veant chiaux de l’host, souvent grant proie, dont li Franchois avoient grant annoy. Et avint ung jour que messires Carlez de Montmorenssi, marescal des Franchois, chevauchoit et alloit, bien cinq cens compaignons tous à cheval avoecq lui, et amenoient grant proie en leur ost. Si encontra monseigneur Gautier de Mauni, liquelz se feri entre eux à ce qu’il avoit de gens. Là eut bon hustin et fort, mès briefment li Englès en ewissent eu dou pieur, se n’ewist estet li comtez de Penebruc qui vint au secours à bien trois cens compaignons. Lors y eut bataille durement forte, et moult de blechiéz de l’un lés et de l’autre. Finaublement, li Franchois wuidièrent le place. Et fu li sirez de Montmorensi mout dur navréz et à grant meschief sauvés. Et concquissent li Englèz le proie, et le amenèrent en leur castiel et ossi pluisseurs prisonniers. Enssi et touttez lez sepmainez deux fois ou trois y avoit des rencontres, des hustins, des assaux et des meslées. Fº 88.
—Ms. de Rome: Ensi que je vous recorde, estoit li chastiaus d’Agillon et chil qui le deffendoient, asalli par pluisseurs manières et ordenances, car priès toutes les septmainnes on i trouvoit et avisoit auqune cose de nouviel. Et aussi chil dou chastiel, pour euls garder et deffendre, contrepensoient à l’encontre tous jours. Le siège durant devant Agillon, il avint par pluisseurs fois que messires Gautiers de Mauni s’en issi hors à tout cent ou siis vins compagnons, et en aloient par oultre la rivière de lor costé fourer, et ramenoient, voiant ceuls de l’oost, souvent grant proie, dont li François avoient grant anoi. Et avint un jour que mesires Carles de Montmorensi et li sires de Saint Venant cevauçoient, et avoient en lor route bien cinq cens compagnons, et ramenoient grant proie en l’oost, laquelle il avoient requelliet sus le pais, pour avitallier l’oost. Si se encontrèrent les François et les Englois desous Agillon. Messires Gautiers ne volt pas refuser, conment que il euist le mains de gens; et se ferirent ils et li sien en ces François, et li François entre euls. Là ot dur hustin et fort, et maint honme reversé, blechiet et mort, et fait pluisseurs grans apertisses d’armes. Toutesfois li Englois n’en avoient pas la millour pareçon et euissent perdu, mais cils rencontres avint si priès dou chastiel que li contes de Pennebruq et mesires Jehans de Lille et li compagnon qui ou chastiel estoient, les veirent; si salirent hors et vinrent tout à temps à la meslée. Et trop à point fu secourus messires Gautiers de Mauni, car il le trouvèrent enclos entre ses ennemis, et entendoient moult fort à lui prendre, qant chil Englois, fresc et nouviel, se boutèrent dedens euls et les requièrent moult avant, en sus de mesire Gautier de Mauni et le remontèrent. Entrues que ces François et Englois se combatoient et entendoient à conquerir par armes l’un sus l’autre, la proie que li François menoient fu tous jours cachie des gros varlès avant, et missent à sauveté au pourfit des François. Les Englois n’orent aultre cose que l’esbatement des armes, et se departirent les Englois et les François casquns l’un de l’autre. Messires Gautiers, dit de Mauni, et li compagnon d’Agillon rentrèrent en la garnison, et li François retournèrent en l’oost. Et ne savoient chil qui parloient de ce rencontre à qui donner l’onnour de la journée, ou as François ou as Englois. Fº 108 vº.
P. 125, l. 6 et 7: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 251. P. 125, l. 8: De telz rencontres.—Ms. d’Amiens: Encorres avoecq tout che, chil seigneur de France fissent ung jour armer tous chiaux de l’host, et coummandèrent que chil de Toulouse, chil de Charchasonne, chil de Biauquaire et tout chil de leur senescaudie assausissent dou matin jusquez à miedi; et chilx de Chaours, de Roerghe, de Aghinois, à leur retrète jusquez au viespre; et chilz qui premiers poroit gaegnier le premier pont dou castiel, on li donroit tantost cent escus. Li dus de Normendie, pour mieux furnir cel assault, fist assambler grant plenté de nefz et de chalans. Li aucun entrèrent ens pour passer le dite rivierre, et li aucun passèrent au pont. Chil dou castel, qui virent l’ordonnance de l’assault, furent tout appareilliet de eux deffendre. Lors coummencha uns plus fors assaux qu’il n’avoient encorres eut. Qui donc veist gens abandonner vie et corps, et aprochier le pont pour gaegnier les cent escus et presser l’un sour l’autre si comme par envie, et qui regardast chiaux du castiel ossi yaux deffendre vassaument, il se pewist bien esmervillier. Finablement, au fort de le besoingne, aucun se missent par une nacelle en l’iauwe par desoubz le pont, et jettèrent grant kros de havés au pont leveis, et puis tirèrent si fort qu’il rompirent lez chainez qui le pont tenoient, et le abaissièrent jus par forche jusquez au droit pont. Qui adonc veist gens lanchier sus ce pont et trebuchier li ungs sus l’autre dix ou douze en ung mont, et veist chiaux de le porte d’amont jetter grandes pières, pos de cauch et grans mairiens, bien pewist veir grant fuisson de gens mehaignier et morir et jus del pont trebuchier, qui oncques puis ne se relevèrent. Touttesvoies fu li pons gaegniés par forche au darains jusques à le maistre porte, mès il cousta grandement de leurs gens assés plus qu’il ne vaulsist. Quant li pons fu gaegniés, chil de l’host eurent plus affaire que devant, car il ne peurent aviser voie coumment il peuissent gaegnier le porte. Si se retraissent à lors logeis, car il estoit tart et priès de le nuit. Si avoient besoing de reposer. Quant il furent retret, chil dou castiel yssirent hors et refissent le pont plus fort que devant. Fº 88.
—Ms. de Rome: De tels rencontres et de tels hustins i avenoient souvent, le siège tenant, sans les assaus et les escarmuces qui estoient priès que tous les jours à chiauls dou chastiel. Et ce estoit grandement en la desplaisance le duch de Normendie et des signeurs de France. Et seoient là plus par erredrie que pour cose que li chastiaus vausist quatre fois, ne toutes les signouries qui au chastiel apendoient, mais tous les jours il le quidoient avoir à volenté et ceuls qui dedens estoient. Ce estoit la cause pour quoi tant il s’i tenoient, ne point il ne s’en voloient partir ne aler avant, non que li chastiaus de Agillon demourast derrière à lor contraire; car avis lor estoit, se il le laissoient derrière, et elle lor fust ennemie, elle lor torroit lors pourveances par terre et par aige. Pour ce et pour lor honnour, rendoient ils grant painne à l’avoir. Et de ce se arguoit durement li dus de Normendie que tant se tenoient, et que si vaillanment les Englois, qui dedens estoient, se portoient. Et avoit juret li dus de Normendie que le siège d’Agillon ne leveroit par nulle condition que ce fust, se li rois, son père, ne le remandoit, si aueroit les Englois, qui dedens Agillon estoient enclos, à sa volenté. Or avisèrent li François une autre manière d’asaut, et fist on armer un jour tous ceuls de l’hoost; et qant il furent armé, li signeur ordonnèrent que chil de Toulouse, de Carcasonne, de Biauqaire et tout li honme des senescaudies desus dictes qui là estoient, fesissent assaut dou matin jusques à midi, et chil de Bighorre, de Roergue, de Qersi et d’Aginois, à lor retraitte, jusques à viespres, et chils qui premierement poroit conquester le pont aueroit cent esqus.
Li dus de Normendie, pour mieuls furnir cel assaut, fist venir et asambler sus la rivière grant plenté de nefs et de calans. Li pluisseur entrèrent dedens pour passer la ditte rivière, et li auqun passèrent au pont que il avoient fait. Qant chil dou chastiel veirent l’ordenance de l’assaut, si furent tantos tout apparilliet pour deffendre. Lors conmença uns trop plus fiers assaus que il n’i euist encores eu. Qui veist là gens abandonner vies et corps, et aprocier le pont pour la convoitise de cent esqus gaegnier, et presser l’un sus l’autre ensi que par envie, et qui veist aussi cheuls dou chastiel euls deffendre vassaument, de toutes ces coses il se peuist grandement esmervillier. Finablement, au fort de la besongne, auqun appert compagnon se missent en un batiel desus la rivière, et vinrent desous le pont et jettèrent grans gros cros et havés de fier au dit pont leveis, et puis tirèrent si fort que de force il rompirent les chainnes que le pont portoient et tenoient, et l’avalèrent jus par force. Et qui adonc veist gens lancier sus ce pont et tresbuchier l’un sus l’autre, diis ou douse en un mont, et qui veist ceuls de la porte d’amont, as deffenses, jetter pières et blechier honmes, il peuist de toutes ces coses avoir grant mervelle, et moult en i ot de trebusciés en l’aige. Toutes fois li pons fu conquis par force, mais il cousta grandement des François plus que il ne vausist. Qant li pons fu gaegniés, chil de l’hoost eurent plus à faire que devant, car il ne porent aviser voie conment il peuissent gaegnier la porte. Si se retraissent à lors logeis, car jà estoit tart, et avoient li plus bien mestier de reposer. Qant il furent retrait, chil dou chastiel issirent hors, et tantos il entendirent au pont refaire, et le refissent plus fort que devant. Fos 108 vº et 109.
§ 252. P. 126, l. 25: A l’endemain.—Ms. d’Amiens: A l’endemain, vinrent doy maistre enghigneour au ducq et as seigneurs de son consseil et dissent, se on les volloit croire et livrer bois et ouvriers à fuison, il feroient quatre grans cas, fors et haulx, sour quatre grandes fortes nefs que on menroit jusques as murs dou castel, et seroient si hault qu’il sourmonteroient lez murs, par quoy chil qui dedens lez cas seroient, se combateroient main à main à ciaux qui seroient sour les murs. Li dus y entendi vollentiers, et coummanda que chil quatre cat fuissent fait, quoy qu’il dewissent couster, et que on mesist en oeuvre tous les carpentiers dou pays, et que on leur payast largement leur journée, par quoy il ouvraissent plus apertement et plus vollentiers. Chil quatre chat furent fait à le devise et ordonnanche dez deux maistrez en quatre fortez nefs, mès on y mist longement, et coustèrent grans deniers. Quant il fu parfait et les gens d’armes dedens entré, qui à chiaux dou castiel devoient combattre, et il eurent passet le moitiet de le rivierre, chil dou castiel fissent desclichier quatre martinéz que il avoient nouvellement fait faire pour remediier contre lez quatre cas dessus diz. Chil quatre martinet jettèrent si grosses pièrez et si souvent sus ces cas, qu’i[l] furent bientost [si] debrissiet, que lez gens d’armez et chil qui les conduisoient, ne se peurent dedens garantir. Si les couvint retraire arrière, ainschois qu’il fuissent oultre le rivierre. Et en fu li uns effondrés el fons de l’aige, et le plus grant partie de chiaux qui dedens estoient, noiiet: dont che fu pitéz et dammaiges, car il y avoit des bons chevaliers et escuiers. Fº 88.
—Ms. de Rome: A l’endemain vinrent doi mestre des enghiens que li dus de Normandie avoit mandés et fait venir de moult lonc à grans coustages. Et dissent au duch et as signeurs: «Faites nous delivrer bois et ouvriers, et nous ferons et ordonnerons quatre enghiens que on nomme kas, et les ferons hauls et fors et bien batilliés, et sus quatre fortes nefs, que on menra jusques as murs dou chastiel; et seront si très hault que il sourmonteront les murs. Et auera, en ces kas, estages où gens d’armes se meteront, et se combateront, main à main, à ceuls de dedens, et par cel assaut, se jamais il doivent estre conquis, il le seront.» A ces paroles entendirent li dus de Normendie et li signeur volentiers, et leur sembla raisonnable. Et furent tantos ouvriers mis en oevre, bos amenés et achariiés, et estoient bien deus cens carpentiers ouvrans. Et furent fait chil enghien, nonmés kas, sus quatre grosses nefs, à la devise et ordenance des deus mestres enghienneours, qui menoient les ouvriers. Qant chil enghien nonmés kas furent parfait, et les gens d’armes dedens entré qui à ceuls dou chastiel devoient combattre, et il orent passet la moitiet de la rivière, chil dou chastiel fissent descliqier quatre martinés que il avoient nouvellement fait faire, pour remediier contre les quatre kas desus dis. Chil quatre martinet jettèrent grosses pières et si souvent sus ces kas que il furent bientos tous confroissiés et debrisiés, que les gens d’armes, qui dedens estoient et chil qui les conduisoient, ne se peurent garandir. Si les couvint retraire arrière, avant que il fuissent oultre la rivière. Et en fu li uns effondrés au fons de l’aige, et la plus grant partie de ceuls qui dedens estoient, noiiet: dont ce fu pités et damages, car il i avoit de bons chevaliers et esquiers, qui grant desir avoient de lors corps, pour leur honnour, avanchier. Fº 109 vº.
§ 253. P. 127, l. 28: Quant li dus.—Ms. d’Amiens: Quant li dus de Normendie et li signeur de France virent le grant mescief, et que par ce il ne pooient venir à leur entente, il furent mout courouchiet; et fissent les autres trois nefs et les chas cesser et retraire, et yssir hors tous chiaux qui dedens estoient. Si ne pooient li seigneur plus aviser voie, mannierre ne enghien coumment il pewissent le fort castiel de Aguillon concquerre, et se n’y avoit duc, ne comte, tant fust grans sirez, ne prochains de linage au ducq de Normendie, qui osast parler dou deslogier; car li dis ducs en avoit parlet moult avant qu’il ne s’en partiroit, si aroit le castiel à se vollenté et chiaux qui dedens estoient, non se li roys ses pèrez ne le remandoit. Si avisèrent li seigneur que li comtez de Blois, li comtes de Ghinnez, connestablez de Franche, li comtez de Tancarville se partiroient dou siège et s’en repairoient en Franche pour compter au roy le mannierre dou siège et quel cose li roys volroit que li dus sez filz en ordonnast. Si se partirent chil troi seigneur dessus nommet, et aucun chevalier de Franche ossi, par le bon congiet dou ducq, et s’en revinrent à Paris deviers le roy de Franche, et lui recordèrent toutte l’ordonnance dou siège d’Aguillon et le couvent de chiaulx de l’host et ossi de cheux dou castiel. Si en fu li roys moult esmervilliéz coumment tant se pooient tenir, et ne remanda mies adonc le duc son fil, mès s’acorda bien à ce que il tenist le siège et que il les conquesist par afammer, puisque par assault ne les pooit avoir. Or vous lairons à parler dou siège d’Aguillon, et parlerons dou roy englès et coumment il ariva en Normendie, en l’ille de Coustentin, en celle meysme saison, sus l’enort de monseigneur Godeffroy de Halcourt. Fº 88 vº.
—Ms. de Rome: Qant li dus de Normendie et li signeur de France veirent le grant mescief, et que par ce il ne pooient venir à lors ententes, il furent moult courouchiet, et fissent les aultres trois nefs et les kas cesser et retraire, et issir hors tous ceuls qui dedens estoient. Si ne pooient li signeur plus aviser voie, manière ne enghien conment il peuissent le chastiel de Agillon avoir et destruire. Et se n’i avoit prince ne baron, tant fust grans sires ne proçains de linage au duc de Normendie, qui osast parler dou deslogier, ne aler d’aultre part entendre, car li dus en avoit parlé moult avant que point de là ne se departiroit, si aueroit le castiel à sa volenté et ceuls qui dedens estoient, con longement que il i deuist mettre, non se li rois son père ne le remandoit. Si avisèrent li signeur que li contes de Ghines, connestables de France, et li contes de Tanqarville se departiroient dou siège et s’en retourneroient en France, pour remoustrer au roi l’estat de son fil, le duch de Normendie, et dou siège qui tant avoit cousté et coustoit encores tous les jours. Si se departirent de l’oost chil doi conte desus nonmé, assés par le gré et congiet dou dit duch, et cevauchièrent tant par lors journées que il vinrent à Paris, et trouvèrent le roi et la roine et la duçoise de Normendie et les dames. Si furent chil signeur conjoi et requelliet liement dou roi et de la roine, de tous et de toutes; et demandèrent de l’estat dou duch et dou siège. Il lor en comptèrent assés. Si demora la cose ensi et li sièges devant Agillon. Nous nos soufferons à parler dou duc de Normendie, et parlerons dou roi d’Engleterre. Fº 109 vº.
§ 254. P. 128, l. 29: Bien avoit.—Ms. d’Amiens: Vous avés bien chy dessus oy coumment messires Ghodeffroix de Halcourt, qui estoit li uns dez plus grans barons de Normendie, escei en le indination et malivolensce dou roy Phelippe de Franche, et ossi coumment il vint en Engleterre, où li roys englès le rechupt liement et le retint de son hostel et de son consseil, et le assigna de terre et de pencion grande et rice pour lui et pour son estat. Chilx messires Godeffroix avoit pris en grant anoy et despit le courouch dou roy de Franche, et mettoit et rendoit toutte le painne qu’il pooit, que li roys englèz volsist ariver en Normendie. Et bien li disoit que Normendie estoit ungs dez gras pays de tout le monde et dez plentiveux de tous biens, et que trop grandement il y feroit le prouffit de lui et de ses gens. Tant consilla et enhorta le roy englès que il eut affection et desir de y venir et de faire une chevauchie en Franche plus grande que oncque n’avoit fait; si fist tout cel estet son apparreil très grant et très gros de touttes coses. Et entroes qu’il s’appareilloit, pluisseurs lettrez li vinrent de Gascoingne dou comte Derbi, son cousin, qui se tenoit à Bourdiaux, et li segnefioit à quel puissance li dus de Normendie seoit devant Aguillon et avoit ou dit castiel asegiet ses gens. Si eut li roys pluisseurs pourpolx, et touttesfoix celli où il s’enclinoit le plus, estoit de aller lever le siège devant Aguillon et combattre lez Franchois.
Et messires Godeffrois de Halcourt, d’autre part, le reconssilloit de ariver en Normendie, si comme vous avés chy dessus oy, si ques li roys englès, sus cel estat, fist ung grant appareil de naves et de vaissiaux, grans et petis, et de touttes pourveanches qui à gens d’armes appertiennent, et les fist touttez aroutter et appointier ou havene de Hantonne; et fist un especial et grant mandement de tous ses hommes dont il se pooit aidier, à estre à Londres ou environ, le vegille monseigneur Saint Jehan Baptistre. Tout y furent au jour denommet, pourveu et garni pour passer le mer avoecq lui. Assés tost apriès le jour Saint Jehan, li roys parti et prist congiet à le roynne sa femme, et le recoummanda en le garde dou comte de Kent son cousin, dou seigneur de Perssi et dou seigneur de Noefville, et son royaumme en le garde de ces seigneurs et de quatre prelas, l’archevesque de Chantorbie, l’arcevesque d’Iorche, l’evesque de Lincolle et l’evesque de Durem; et n’eswuida mies son royaume tellement que il n’y demorast assés de bonne gent pour le garder et deffendre, se mestiers faisoit.
Li rois englès s’en vint à Hantonne, et là entra en mer et touttes ses gens ossi, dont il y avoit belle carge. Et pooient y estre quatre mil hommez d’armes et dix mil archiers, sans les Galès et aucuns Irois qui sieuwoient son host tout à piet. Or vous nommeray aucuns seigneurs qui estoient avoecq le roy: premiers li prinches de Galles ses filx, qui lors estoit en l’eage de treize ans ou environ, li comtez de Herfort, li comtez de Norrenton, li comtez de Cornuaille, li comtes de Warvich, li comtez de Sufforch, li comtez d’Arrondiel, le comtez de le Marche, li comtez de Hostidonne, messires Renaux de Gobehen, messires Jehans de Biaucamp, messires Loeys de Biaucamp, messires Rogiers de Biaucamp, li sirez de Ros, li sirez de le Ware, li sirez de Felleton, messires Guillaummes Filx Warine, li sires de Willebi, messires Guillaumme de Windesore, li sires de Brasseton, li sirez de Multon et pluisseur autre banereth et chevalier. Et se missent en mer et singlèrent che premier jour à l’ordonnance dou vent et dez maronniers au léz deviers l’ille de Grenesie. Et fist li roys patron de se nave monseigneur Godeffroy de Halcourt, en qui il avoit grant fiance. Fº 88 vº.
—Ms. de Rome: Bien avoit li rois d’Engleterre oy recorder que li François tenoient les camps en Gascongne, et que li dus de Normendie, à poissance de gens d’armes, seoit devant Agillon. Et tout l’estat dou pais, ses cousins, li contes Derbi, li avoit escript, et que sur ce il euist avis et consel, car ensi que li pais avoit esté gaegniés, il se perderoit, se on n’i pourveoit. Et se il estoit perdus, ce ne seroit point à recouvrer en grant temps ou espoir jamais, car les villes se fortifieroient et garniroient aultrement et plus fort que il n’euissent esté en devant. Et aussi li chevalier dou pais qui tourné françois estoient, jamais ne retourneroient en l’obeissance dou roi d’Engleterre; et tout li aultre, qui espoir poroient venir à celle volenté, n’i prenderoient point bon exemple. Toutes ces coses considera bien li rois d’Engleterre. Si eut avis et volenté que, à poissance de gens d’armes et d’archiers, il passeroit la mer, et s’en iroit prendre terre à Bourdiaus sus la Geronde et lever le siège de devant Agillon; à tout le mains, il en feroit son acquit. Si fist un mandement et semonse de gens d’armes à estre à Londres as octaves de la Saint Jehan Baptiste. Tout i furent, chil qui mandé et escript estoient. Et se departi li dis rois dou chastiel de Windesore, et vint à Cènes, et de là à Eltem, et toutdis estoit la roine en sa compagnie. Qant li rois d’Engleterre ot tout son estat ordonné, et ses pourveances furent prestes, et sa navie toute ordonnée, tant à Wesmude, à Pleumude et à Dardemude, il fist traire ses gens petit à petit de celle part, et cargier la navie, et puis prist congiet à la roine, et le reconmanda en la garde des Londriiens. Et puis se departi et enmena avoecques lui, son fil, le prince de Galles, Edouwart, l’ainnet de tous ses enfans, et pooit avoir pour lors environ quinse ans.
Avoecques le roi et moult proçains de li, se tenoit mesires Godefrois de Harcourt, liquel estoit banis et escaciés dou roiaulme de France, ensi que vous savés et que dit est en l’istore ichi desus. Chils Godefrois de Harcourt fu uns chevaliers de grant corage, et moult vaillans de consel et d’armes, selonch sa poissance, car il fu boisteus moult fort. Mais pour ce ne demora mies que il ne fust hardis et entreprendans, et ne daigna onques fuir en bataille; et avoit pris ce que on l’avoit escachiet hors de France et bani, en grande ingratitude et desplaisance. Et proposoit que, par envie, fraude et mauvesté, on li avoit fait ce blame, et que tout estoit pour garder et tenir en droit et soustenir les coustumes et libertés normandes. Et pour ce que trop avant il en avoit parlé à l’encontre de la majesté roiale, on l’avoit pris en indignation, si ques trop volentiers il en veroit, ce disoit il au roi d’Engleterre et à auquns barons d’Engleterre, son coer esclarchi et sa contrevengance. Et rendoit grant painne à ce, et consilloit que li rois d’Engleterre et sa navie presissent terre en Normendie; et leur disoit que trop bien il les menroit et ou millour pais, plus rice, plus cras et mieuls pourveus de tous biens qui fust ou monde. Et disoit ensi: «Sire, de une marée, nous i serons et ne trouverons honme qui nous contredie.» Li rois d’Engleterre entendoit as paroles messire Godefroi de Harcourt et les sentoit, contenoit assés, et trouvoit bien dalés li qui li consilloit à faire; mais son corage s’enclinoit à ce que ses gens, qui estoient enclos dedens le chastiel d’Agillon, fuissent réconforté, car il gissoient là en peril et en dangier. Et respondoit à ce, et disoit: «Godefroi, je sçai assés que vous me consilliés loiaument, mais il faut premierement entendre au plus disseteus, et [qant auerons] nous esté par de delà et viseté Bourdiaus et le pais, jamais en Engleterre ne retournerons, si auerés veu une partie de vostre desir.»
Ensi se devisoient li rois d’Engleterre et messires Godefrois de Harcourt ensamble. Et tant vinrent que il se trouvèrent à lor passage, où toutes les nefs estoient apparillies et cargies, ensi que conmandé et ordonné estoit. Et euls venu, il n’i sejournèrent point longement, car il avoient tout pourveu, et vent à volenté. Si entrèrent tout generaulment en lors vassiaus, et se desancrèrent et entrèrent en la mer, et levèrent les voilles amont. Et estoit li intention dou roi de prendre la mer pour aler en Gascongne et à Bourdiaus, mais qant il furent en la mer et il quidièrent esploitier et avoir le vent pour euls, ils l’orent tantos si contraire que il ne pooient aler avant. Et les couvint jesir à l’ancre à l’encontre des isles de Normendie, et tant que li rois en estoit tous anoieus. Adonc li dist messires Godefrois de Harcourt: «Sire, soiiés tous certains que Dieus voelt que nous alons en Normendie. Si vous pri que vous creés Dieu et le vent, et vous verés proçainnement que vostres besongnes en vaudront mieuls.»—«Godefroi, respondi li rois d’Engleterre, se li chastiaus d’Agillon et chil qui sont dedens enclos, estoient en Normendie, je seroie bien tos consilliés de traire celle part; mais il fault et si apertient que nous alons à plus digeteus devant, et reconfortons ceuls qui gissent en dangier et en peril.» A ces paroles respondi messires Godefrois de Harcourt et dist: «Sire, conment les poés vous faire plus grande aïe que de entrer dedens le roiaulme de France et tantos, et faire forte gerre? Vous chevaucerés et tout vostre hoost jusques ens ès portes de Paris, et jà ne trouverés qui vous empèce, ne contredie vostre cemin. Et par le voiage que vous ferés ensi parmi le roiaulme de France, se levera li sièges de devant Agillon; car toutes gens d’armes, où que il soient, seront mandé pour venir à l’encontre de vous et vous combattre. Et li dus de Normendie et li grant baron de France, qui seent devant Agillon, ne seront pas oubliié, ne mis derrière que il ne soient remandé.» Adonc regarda li rois d’Engleterre sus le conte de Warvich et le conte de Arondiel, qui estoient dalés li, et lor demanda: «Que vous en samble de ce que Godefrois de Harcourt conselle?» Il respondirent: «Sire, nous n’i veons que tout bien, et voirement dist il verité de une cose: li voiages est lons de chi en Gascongne, et si avons le vent contraire pour nous, et vous ne poés aler avant ne esploitier fors que par le vent. Et se vous prendés terre en Normendie, et cevauchiés avant ou roiaulme de France, de legier, ensi que il dist, se leveront chil qui tiennent siège devant Agillon.» Adonc dist li rois: «Or avant, faites tourner deviers Normendie, car nous volons prendre et aler ce cemin, et Dieux soit sus nostre voiage!» Fos 109 vº et 110.
P. 129, l. 8: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 129, l. 12: Cartesée.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18, 19: Cartasée. Fº 133 vº.—Mss. A 20 à 22: Carcassée. Fº 195.
P. 129, l. 17: Kent.—Mss. A 11 à 14, 18, 19: Kenk. Fº 128.—Mss. A 15 à 17: Ken. Fº 135.
P. 129, l. 24 et 25: mil trois cens quarante cinq.—Mss. A 18, 19, 23 à 29: mil trois cens quarante six. Fº 137.
P. 129, l. 29: quatre.—Mss. A 20 à 22: trois. Fº 195.
P. 129, l. 32: Durem.—Mss. A 15 à 17: Durennes. Fº 135.
P. 130, l. 8: Si pooient.—Ms. B 6: Et entrèrent ens le roy son filz, six contes, vingt deux barons, quatre cens chevaliers et tout en somme six mille hommes d’armes et douze mille archiés et environ six mille Gallois. C’estoit grant bieauté à veoir la navire nagier sur mer et ces ensaignes et ces banières venteler sur la mer. Sy y avoit environ quatre cens nefs. Là sist le roy sur mer, et fist messire Godefroy de Harcour estre patron de toute la navire. Fº 294.
P. 130, l. 8: sept mil.—Mss. A 1 à 33: quatre mille. Fº 134.
P. 130, l. 9: trois.—Ms. A 8: Yrlois. Fº 121 vº.—Mss. A 15 à 17: Yrlandois. Fº 135 vº.
P. 130, l. 14: treize.—Mss. A 15 à 17: dix sept. Fº 135 vº.—Mss. A 20 à 22: quatorze. Fº 195 vº.
P. 130, l. 14: Herfort.—Mss. A 20 à 22: Harfort. Fº 195 vº.
P. 130, l. 15: Norenton.—Ms. A 7: Noreton. Fº 128 vº.—Mss. A 20 à 22: Norton. Fº 195 vº.
P. 130, l. 17: Hostidonne.—Mss. A 1 à 6: Hastidonne. Fº 134.—Mss. A 15 à 17: Hostidionne. Fº 135 vº.—Mss. A 23 à 29: Hontindonne. Fº 153.
P. 130, l. 17 et 18: Askesufforc.—Mss. A 11 à 14: Hasquesufford. Fº 128 vº.—Mss. A 20 à 22: Acquesuffort. Fº 195 vº.—Mss. A 1 à 6: Stanfort. Fº 134.—Mss. A 15 à 17: Kenforth. Fº 135 vº.
P. 130, l. 20: Biaucamp.—Mss. A 15 à 17: Beaux Champs. Fº 135 vº.
P. 130, l. 21: Gobehen.—Mss. A 11 à 17: Gobehan. Fº 128 vº.
P. 130, l. 22: Ros.—Mss. A 30 à 33: Rooz. Fº 181.
P. 130, l. 22: Lussi.—Mss. A 18, 19, 23 à 33: Lucy. Fº 137.
P. 130, l. 22: Felleton.—Mss. A 20 à 22: Filleton. Fº 195 vº.
P. 130, l. 23: Brasseton.—Mss. A 15 à 17: Busenton. Fº 135 vº.—Mss. A 20 à 33: Braston. Fº 195 vº.
P. 130, l. 23: Multon.—Mss. A 30 à 33: Millon. Fº 181.
P. 130, l. 23 et 24: le Ware.—Mss. A 1 à 6: Ware. Fº 134.—Mss. A 7 à 17: la Ware. Fº 128 vº.—Mss. A 23 à 33: Labbar. Fº 153.
P. 130, l. 25: Bercler.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18, 19: Bercles. Fº 134.—Mss. A 23 à 29: Barcles. Fº 153.—Mss. A. 30 à 33: Barclet. Fº 181.
P. 130, l. 25: Willebi.—Mss. A 20 à 22: Willebry. Fº 195 vº.
P. 130, l. 27: Guillaumes.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Jehan. Fº 134.
P. 130, l. 28: James.—Mss. A 8, 15 à 17: Jaques. Fº 121 vº.
P. 130, l. 28: Audelée.—Mss. A 8, 9, 15 à 17, 23 à 33: Andelée. Fº 121 vº.
P. 130, l. 29: Wettevale.—Mss. A 15 à 17: Westevalle. Fº 135 vº.
P. 130, l. 29: Bietremieus de Brues.—Mss. A 15 à 17, 23 à 33: Berthelemi de Brunes. Fº 135 vº.—Mss. A 20 à 22: Bertholomieu de Brunis. Fº 195 vº.
P. 130, l. 31: nommer.—Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19 ajoutent: singulierement. Fº 134.
P. 130, l. 32: Oulphars.—Mss. A 11 à 14: Oulfas. Fº 128 vº.
P. 131, l. 14: gras.—Mss. A 15 à 17: cras. Fº 135 vº.—Mss. A 8, 9, 11 à 14: grans. Fº 122.
P. 131, l. 27: voiage.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: Et pour certain vous et nous tous en vauldrons mieulx, car nous y trouverons or, argent, vivres et tous autres biens à grant plenté. Fº 135 vº.—Ms. B 6: car il n’i a rien, fontainne ne rivière où jou n’ay esté voller de mes oisieaulx; et congnois tous les pasages par où on puelt entrer ne yssir en Normendie. Fº 295.
§ 255. P. 131, l. 28: Li rois d’Engleterre.—Ms. d’Amiens: Li roys de Franche estoit bien enfourmés de l’arivée le roy englès et dou grant appareil qu’il avoit fait, mès il ne savoit de quel part il vorroit ariver. Si avoit garnis tous ses pors de mer et partout envoiiéz gens d’armes. Et avoit envoiiet son connestable le comte de Ghines et le comte cambrelent de Tamkarville, qui nouvellement estoit revenu d’Agillon, à grant fuisson de gens d’armes, en Normendie, qui se tenoient en le bonne ville de Kem. Et avoit envoiiet l’un de ses marescaux, monseigneur Robert Bertran, en Constentin, à grant fuisson de gens d’armez, car il supposoit que messires Godeffroys de Halcourt poroit bien amenner les Englès celle part. Et avoit envoiiet à Harflues monseigneur Godemar dou Fay à grant fuisson de gens d’armes, et li avoit recargiet toutte celle marche mouvant de Harfluez tant c’à Kalais. Tant singla li roys englèz qu’il ariva à l’entrée d’aoust en l’ille que on claimme Grenesie, à l’encontre de Normendie, et se tient celle terre françoise; si le trouva plaine et grasse durement, et y sejourna sept jours, et l’ardi et essilla tout. Là eut consseil li roys que il se trairoit en Normendie, et premiers ou boin pays de Constentin. Si ordonnèrent leurs vaissiaux et leur navie et rentrèrent ens, et tournèrent lez voilles deviers le Hoge Saint Vast, assés priès de Saint Sauveur le Visconte, où li marescaux de Franche estoit à bien deux mil combatans. Tant singla la navie au roy englès qu’il arivèrent en le Hoge Saint Vast le jour de le Madelainne, l’an mil trois cens quarante six.
Quant messires Robers Bertrans, marescaux de Franche, entendi que li roys englèz avoit ars et essilliéz l’ille de Grenesie et pris le fort castiel qui y estoit, et volloit ariver en Normendie, si manda par touttez les garnisons gens d’armes et compaignons pour deffendre et garder le pays, si comme ordonné et coummandé de par le roy li estoit. Et fist sen asamblée à Saint Salveur, qui solloit estre au dessus dit monseigneur Godefroy de Halcourt, mès li roys de Franche li avoit tolut et toutte se terre ossi; et se mist as camps et dist que il veeroit au roy englèz le passaige. Si avoit li dis marescaux de Franche adonc avoecq lui pluisseurs chevaliers et escuiers de Normendie, dou Maine, dou Perce, de le comté d’Allenchon. Si se ordonnèrent li Franchois bien et hardiement par le fait de leur souverain, seloncq le marinne, et missent tout devant chiaux qui archiers et arbalestriers estoient. Quant li roys englès et se navie durent ariver, il trouvèrent cel encontre. Là fist li roys englès le prinche de Gallez, son fil, chevalier, et le recoumanda à deux des milleurs chevalierz de son host, le seigneur de Stanfort, qui revenus estoit nouvellement de Gascoingne et dou comte Derbi, et monseigneur Renart de Gobehem. Et puis coummanda li roys à ordonner les archers seloncq le marine et de prendre terre. Dont s’aroutèrent vaissiel, chacuns qui mieux mieux. Là estoient li Franchois qui bien s’aquittoient d’iaux veer et deffendre le passaige; et y eut dur hustin et fort malement, et dura li trais moult longement. Fº 89.
—Ms. de Rome: En ce jour estoit amirauls de la mer et institués de par le roi et son consel, li contes de Warvich, et connestables, li sires de Biaucamp, et marescauls, mesires Thomas de Hollandes, et mestres cambrelens d’Engleterre, li contes de Honstidonne. Et avoit li rois d’Engleterre en celle flote et route quatre mille hommes d’armes et douse mille archiers. Adonc furent les nefs tournées au conmandement et ordenance dou roi, au lés deviers Normendie; et tantos il orent si plain vent que à droit souhet il euissent assés perdu, et prissent terre en l’ille de Coustentin, en la Hoge Saint Vast. Dont messires Godefrois de Harcourt estoit si resjois de ce que il veoit que il enteroient en Normendie, que de joie il ne s’en pooit ravoir, et disoit bien: «Nous enterons ou plus cras pais dou monde, ou plus plentiveus, et si en ferons nostre volenté, car ce sont simples gens qui ne scèvent que c’est de gerre.» Fº 110.
P. 132, l. 9 et p. 133, l. 1: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 256. P. 133, l. 7: Quant la navie.—Ms. d’Amiens: Quant li vaissiaux le roy englès deut approchier terre, il, de grande vollenté, se mist à deus piés le bort de se nef et s’esquella tous armés et sailli à terre. Ad ce qu’il sailli, li ungs de ses piés li glicha, et chei trop durement en dens sus le sablon, tant que li sans li volla hors dou viaire. Adonc le prissent li chevalier qui dallés lui estoient, et li dissent: «Sire, sire, rentrés en vostre nef; vous n’avés que faire de traire avant pour combattre. Nous ferons bien ceste journée sans vous. Che que vous estez cheus et si dur blechiés, nous esbahist grandement, et le tenons à mauvais signe.» Adonc respondi li roys et dist à ses chevaliers qui ces parollez li avoient dittez: «Signeur, signeur, il n’est miez enssi, mais est ungs très bons signez, car la terre me desire et connoist que je sui ses sirez naturelx. Pour ce a elle pris de mon sanc. Alons avant, ou nom de Dieu et de saint Jorge, et requerons nos ennemis.» De le responsce dou roy furent chil qui dallés lui estoient, tout sollet, et dissent entr’iaux que il se confortoit grandement de soy meysmez. Touttesfois il se tinrent là tant que il fust estanciés, et entroes se combattoient li autre. Là eut bataille dure et forte, et dura moult longement. Et prendoient li Englèz terre à grant meschief; car li Franchois leur estoient au devant, qui lez traioient et berssoient, et en navrèrent de coumencement pluisseurs, ainschois que il pewissent ariver. Touttesfois, li archier d’Engleterre moutepliièrent si, et tant ouniement traioient, que il efforcièrent les Normans qui là estoient, et les reculèrent. Et prissent terre premierement li princes de Gallez et se bataille, et puis messires Godeffroit de Halcourt et li comtez de Sufforch, qui estoit marescaux de l’ost. Là furent li Franchois reculet, et ne peurent tenir plache, et mis à desconfiture. Et y fu messires Robers Bertrans durement navrés, et uns siens fils, uns juenez et mout appers chevaliers, mors, et pluisseurs autrez. Et vous di que se li Englès ewissent eu lors chevaux, qui encorres estoient en lors vaissiaux, jà homs ne s’en fuist partis, que il n’ewissent esté ou mors ou pris. A grant dur et à grant meschief se sauva li marescaux de France.
Apriès celle desconfiture, ariva li roys englès et tout sen host paisieulement en le Hoge Saint Vast, et se tinrent là sus les camps quatre jours en descargant leur navie, et en ordonnant leurs besoingnes et en regardant quel part il se trairoient. Si fu enssi conssilliet que il partiraient leur host en trois pars; et yroit li une des parties par mer pour ardoir et essillier le pays seloncq le marinne, là où il avoit plenté de cras pays et plentiveus et grant fuisson de bonnes villez, et prenderoient touttez lez naves et les vaissiaux qu’il trouveroient sus les frontierrez de le marine. Et li roys et li prinches, ses filz, yroient à tout une grosse bataille par terre, gastant et essillant le pays, et li doy marescal, li comtez de Sufforch et messires Godeffrois de Harcourt, à cinq cens hommez à cheval et deux mil archiers, reprenderoient l’autre léz de le terre, et chevaucheroient un autre chemin, et revenroient touttez les nuis en l’ost le roy englès, leur seigneur. Chil qui s’en allèrent par mer, che furent: messires Richart de Stamfort, messires Renaux de Gobehen, li sirez de Ros, li sire de le Ware, messires Loeis de Biaucamp, messires Jehans Camdos, messires Edouwart de Clifort, li sirez de Willebi et messires Thoumas de Felleton et pluisseurs aultrez.
Chil chevalier et leurs gens, qui s’en aloient par mer seloncq le marinne, prendoient touttes les naves, petittez et grandes, qu’il trouvoient, et les enmenoient avoecq yaux. Archiers et gens de piet aloient de piet seloncq le marinne d’encoste yaux, et reuboient et ardoient villettez, enssi qu’il lez trouvoient. Et tant allèrent et chil de terre et chil de mer que il vinrent à un bon port de mer et à une moult forte ville que on claimme Blarefleu, et le concquissent, car li bourgois se rendirent à yaux pour doubtance de mort; mès pour ce ne demoura mies que toutte la ville ne fust reubée, et pris or et argent et chiers jeuiaux, car il en trouvèrent si grant plenté que garchon n’avoient cure de draps fourréz de vair, ne de couvretoirs, ne de telz coses. Et fissent tous les hommes de le ville yssir hors, et monter en naves et aller avoecq yaux, pour ce qu’il ne volloient mies que ces gens se pewissent rassambler, quant il seroient oultre passet, pour yaux grever. Fº 89.
—Ms. de Rome: Qant li rois Edouwars d’Engleterre, qui pour lors estoit en la flour de sa jonèce, ot pris terre en la Hoge Saint Vast, en l’ille de Coustentin, et que tout[e] la navie fu aroutée, et toutes gens issoient de lors vassiaus et saloient sus le sabelon, car la mer estoit retraite, li rois, qui estoit de grant volenté, mist son piet sur le bort de sa nef et salli oultre sus la terre; et à ce que il fist son sault, li piés li gliça et chei si roit sus le sabelon que li sans li vola hors dou nés à grant randon. Donc dissent li chevalier qui dalés li estoient: «Sire, retraiiés vous en vostre navie. Vechi un povre et petit signe.»—«Pourquoi? respondi li rois, mais est li signes très bons, car la terre me desire.» De ceste response se contentèrent et resjoirent moult grandement tout chil qui l’oirent. Et issirent, petit à petit, les Englois hors de la navie, et se logièrent là environ au mieuls que il porent. Et qant toutes les nefs furent descargies, le rois d’Engleterre eut consel que on les garniroit de gens d’armes et d’archiers, et poursievroient tous jours la marine; et puis orent consel conment il chevauceroient. Il ordonnèrent lors gens en trois batailles, de quoi li une cemineroit d’un lés, costiant la marine, et la bataille de l’avant garde chevauceroit sus le pais à destre, et li rois en milieu de ces batailles; et devoit, toutes les nuis, la bataille des marescaus retraire ou logeis dou roi. Si conmencièrent à cevauchier et à aler ces batailles, ensi que ordonné estoient. Chil qui s’en aloient par mer, selonch la marine, prendoient toutes les naves petites et grandes que il trouvoient, et les enmenoient avoecques euls. Archiers et honmes de piet aloient costiant la mer, et prendoient et enportoient devant euls tout che que il trouvoient. Et tant alèrent et chil de mer et chil de terre, que il vinrent à un bon port de mer et une forte ville que on clainme Barflues, et entrèrent dedens; car li bourgois se rendirent pour le doubtance de mort, mais li chastiaus n’eut garde, car il est trop fors. Et pour ce ne demora pas que la ville ne fust courue et roubée de tout ce de bon que il i trouvèrent; et i trouvèrent or et argent à grant plenté, et [de] lor butin et pillage, il cargoient lors vassiaus; et fissent entrer en lors vassiaus tous les honmes aidables de la ville, et les enmenèrent avoecques euls, afin que ils ne se requellaissent et mesissent ensamble et les poursievissent. Fº 110 vº.
P. 133, l. 10 et 11: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 133, l. 27: sus leur navie.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: sur le rivage. Fº 135.
P. 133, l. 28: quatre cens.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: trois cens. Fº 135.
P. 133, l. 31: serrant.—Ms. A 8: suiant. Fº 122 vº.—Mss. A 15 à 17: suivant. Fº 136 vº.
P. 134, l. 13: Barflues.—Mss. A 7, 15 à 17: Barfleu. Fº 129 vº.—Mss. A 11 à 14: Barefleu. Fº 129 vº.—Ms. A 8: Harfleus. Fº 122 vº.—Mss. A 1 à 6, 18 à 33: Harefleu, Harfleu. Fº 135.
P. 134, l. 15: reubée.—Ms. B 6: car elle n’estoit point framée. Sy fut toute pillie et arse et destruite, et l’avoir mis ès nefs. Et en estoient les gouverneurs le conte de Hostidonne et messire Jehan de Beaucamp. Fº 296.
§ 257. P. 134, l. 24: Apriès ce que.—Ms. d’Amiens: Apriès ce que la grosse ville de Barefleu fu prise et robée, il allèrent et s’espandirent aval le pays seloncq le marinne, et faisoient touttes leurs vollenté[s], car il ne trouvoient nul homme qui leur veast. Et allèrent tant qu’il vinrent à une bonne ville et riche et grant port de mer que on claimme Chierebourch, et le prissent et le robèrent en tel mannierre qu’il avoient fait Barefleu. Et puisedi en tel mannierre il fissent de Montebourc, d’Avaloingne et touttes autrez bonnes villez qu’il trouvèrent là en celle marce; et gaegnièrent si grant tresor qu’il n’avoient cure de draps ne de jeuiaux, tant fuissent bon, fors d’or et d’argent seullement. Apriès, il vinrent à une moult grosse ville et bien fremée et fort castiel que on claimme Quarentin, là où il i avoit grant fuison de saudoiiers et de gens d’armes de par le roy de Franche. Adonc descendirent li seigneur et les gens d’armes de leurs naves, et vinrent devant le ville de Quarentin et l’assaillirent fortement et vistement. Quant li bourgois virent chou, il eurent grant paour de perdre corps et avoir; si se rendirent sauf leurs corps, leurs femmes et leurs enfans, maugret lez gens d’armes et lez saudoiiers qui avoecq yaux estoient, et missent leur avoir à vollenté, car il savoient bien qu’il estoit perdu davantaige. Quant li saudoiier virent che, il se traissent par deviers le castiel qui estoit mout fors, et chil seigneur d’Engleterre ne veurent mies laissier le castiel enssi. Si se traissent en le ville, puis fissent asaillir au dit castiel deux jours si fortement, que chil qui dedens estoient et qui nul secours ne veoient, le rendirent, sauf leurs corps et leur avoir; si s’en partirent et en allèrent autre part. Et li Englèz fissent leur vollentés de celle bonne ville et dou fort castiel, et regardèrent qu’il ne le pooient tenir. Si l’ardirent et abatirent, et fissent les bourgois de Quarentin entrer ens ès naves, et allèrent avoecq yaux, enssi qu’il avoient fait les autres. Or parlerons ottant bien de le chevaucie le roy englès que nous advons parlet de ceste. Fº 89 vº.
—Ms. de Rome: Apriès que la ville de Barflues fu prise et robée sans ardoir, il s’espardirent parmi le pais, selonch la marine, et i fissent grant partie de lors volentés, car il ne trouvoient honme qui lor deveast; et ceminèrent tant que il vinrent jusques à une bonne ville, grose et rice, et port de mer, qui se nonme Chierebourch. Si en ardirent et reubèrent une partie, mais dedens le castiel il ne peurent entrer, car il le trouvèrent trop fort et bien pourveu de bonnes gens d’armes et arbalestriers, qui s’i estoient bouté pour le garder, de la conté d’Evrues, qui pour lors estoit hiretages au roi de Navare. Si passèrent oultre les Englois et vinrent à Montbourch, et de là à Valongne. Si le prisent et robèrent toute, et puis l’ardirent et parellement grant fuisson de villes et de hamiaus en celle contrée, et conquissent si fier et si grant avoir, que mervelles seroit à penser. Et puis vinrent à une aultre bonne ville, seans sus mer, que on dist Qarentin, et i a bon chastiel et tout au roi de Navare, et de la conté d’Evrues. Qant il parfurent venu jusques à là, il trouvèrent la ville close et assés bien fremée et pourveue de gens d’armes et de saudoiiers: si se ordonnèrent les Englois pour le asallir, et i livrèrent de venue très grant assaut. Qant li bourgois de Quarentin veirent ce, il orent grant paour de perdre corps et avoir. Si se rendirent, salve lors corps, lors fenmes et lors enfans, vosissent ou non les gens d’armes et les saudoiiers qui dedens estoient, liquel se retraissent ou chastiel, et là dedens s’encloirent. Les Englois entrèrent en la ville de Quarentin et s’i rafresquirent, et ne vorrent pas laissier le chastiel derrière, mais le alèrent tantos asallir de grant volenté, et furent deux jours par devant. Qant li compagnon qui ou chastiel estoient, veirent que point les Englois ne passeroient oultre, et mettoient lor entente à euls prendre de force, et ne venoient secours ne delivrance de nulle part, si doubtèrent à tout perdre et tretièrent as Englois, et le rendirent, salve lors corps et lors biens. Qant li signeur se veirent au desus de Quarentin, de la ville et dou castiel, il regardèrent que il ne le poroient tenir. Si le ardirent et desemparèrent tout, et fissent les honmes aidables et de deffense de Qarentin entrer en lor navie, ensi que ceuls de Barflues, et les enmenèrent avoecques euls, par quoi il ne se aunassent sus le pais et lor portaissent damage. Et ensi avoient il pris les honmes de Chierebourc, de Montebourc et des aultres villes voisines. Et fu tous li pais pilliés, courus et robés, selonc la marine, et avoient cargiet lor navie de si grant avoir de draps, de pennes, de lainnes, de fillés et de vassielle que mervelles estoit à penser. Or parlerons nous otretant bien de la cevauchie le roi d’Engleterre, que nous avons parlé de ceste. Fº 111.
P. 134, l. 30: Chierebourc.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Chierbourc. Fº 135.—Mss. A 20 à 22: Chierbourch. Fº 197.—Mss. A 15 à 19: Chierebourc. Fº 136 vº.—Mss. A 23 à 33: Chierebourg. Fº 155.—Mss. A 8, 9: Cherebourc. Fº 122 vº.—Ms. A 7: Chierebourch. Fº 129 vº.
P. 135, l. 3: Montebourch et Valoigne.—Mss. A 7, 8, 9, 15 à 17: Montebourch ou Montebourc Davalongne. Fº 129 vº.—Mss. A 18, 19: Montebourch Davaloigne. Fº 138 vº.—Mss. A 20 à 22: Montbourch Davalonne. Fº 197.—Mss. A 23 à 29: Montebourg Danalongne. Fº 155.—Mss. A 30 à 33: Montebourg de Valongnes. Fº 182.—Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, ne font pas mention de Valognes.
P. 135, l. 8: grosse ville.—Ms. B 6: qui est au roy de Navare. Fº 297.
P. 135, l. 9: Quarentin.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Karentin. Fº 135.—Mss. A 7, 8, 9: Qarentain. Fº 129 vº.—Mss. A 15 à 17: Carentain. Fº 136 vº.—Mss A 18, 19: Carentan. Fº 138 vº.—Mss. A 20 à 33: Carenten. Fº 197.
P. 135, l. 16 à 18: avoir... et misent.—Mss. A 1 à 7, 11 à 14, 18, 19, 23 à 33: avoir, leurs femmes et leurs enffans. Malgré les gens d’armes et les souldoiers qui avec eulx estoient, ilz mistrent... Fº 135. Voir aussi Sup. var. (n. d. t.)
§ 258. P. 136, l. 8: Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Quant li roys Edouars eut envoiiés ses gens seloncq le marinne, enssi comme vous avés oy, il se parti de Hoges Saint Vast en Coustentin et fist monseigneur Godeffroy de Harcourt, marescal de l’host, gouvreneur et conduiseur, pour tant qu’il savoit toutez les entrées et yssues dou pays, liquelx prist cinq cens armures de fer et deux mil archiers, et se parti dou roy et de son ost, et alla bien six ou sept lieuwez loing enssus de l’host, ardant et essillant le pays. Si trouvèrent le pays cras et plentiveux de touttes coses, les grainges plainnes de bleds, les maisons plainnes de touttes rikèches, riches bourgois, kars, karettes et chevaux, pourchiaux, moutons et les plus biaux bues del monde que on nourist ens ou pays; si les prendoient et amenoient en l’ost le roy, quel part qu’il se logast le nuit, mès il ne delivroient mies as gens le roy l’or et l’argent qu’il trouvoient, ainschois le retenoient pour yaux. Enssi cheuvauchoit li dis messires Godeffrois, comme marescaux, chacun jour d’encoste le grant host le roy, au destre costet, et revenoit au soir o toutte se compaignie, là où il savoit que ly roys se devoit logier, et telx fois estoit qu’il demouroit deux jours, quant il trouvoient cras pays et assés à gaegnier. Si prist li roys son chemin et son charoy deviers Saint Leu en Coustentin. Mais ainschois qu’il y parvenist, il se loga sus une rivierre trois jours, atendans ses gens qui avoient fait le chevauchie seloncq le marinne, enssi comme vous avés oy. Quant il furent revenut et il eurent tout leur avoir mis à voiture, li comtes de Warvich, li comtez de Sufforch, li sires de Stanfort, messires Renaux de Gobehen, messires Thummas de Hollandez, messire Jehans Camdos et pluisseur autre reprissent le chemin à senestre, à tout cinq cens armures de fer et deux mil archiers, et ardoient et couroient le pays, enssi que messires Ghodeffroit de Halcourt faisoit d’autre costé; et tous les soirs revenoient en l’ost le roy, voir[e]s se il ne trouvoient leur prouffit à faire trop grandement. Fos 89 vº et 90.
—Ms. de Rome: Qant li rois d’Engleterre ot envoiiet ses gens costiant la marine, par le consel de mesire Godefroi de Harcourt, et chil se furent mis au cemin, assés tos apriès il se departi de la Hoge Saint Vast, là où il avoit pris terre, et fist monsigneur Godefroi de Harcourt conduiseur de toute son hoost, pour tant que il savoit les entrées et les issues de la duccé de Normendie. Liquels messires Godefrois, conme uns des marescaus, se departi dou roi, à cinq cens armeures de fier et deus mille archiers, et chevauça bien siis ou sept lieues en sus de l’hoost le roi, ardant et essillant le pais. Se le trouvèrent cras, et plentiveuse la contrée de toutes coses, les gragnes plainnes de bleds, les hostels raemplis de toutez ricoises, buefs et vaces les plus cras et mieuls nouris dou monde, brebis, moutons et pors aussi. Tant trouvoient à fouragier que il n’en savoient que faire. Si prendoient les Englois de tous ces biens à lor volenté et le demorant laissoient, et s’esmervilloient des grans recoises et des biens que ils trouvoient près; et de ce bestail il en avoient assés tant que il voloient, et en envoioient encores grant fuisson en l’oost le roi, dont il estoient servi. Ensi cevauçoit messires Godefrois de Harcourt, casqun jour, dou costé le grant hoost le roi, au destre costé, et revenoient le soir et toute sa compagnie, là où il sçavoit que li rois devoit logier; et tèle fois estoit que il demoroit deux jours, qant il trouvoit bien à fourer. Et prist li rois son charoi et son cemin deviers Saint Lo le Coustentin, mais ançois que il parvenist jusques à là, il se loga trois jours sus une rivière, atendans ses gens qui avoient fait la cevauchie sus la marine, ensi que vous avés oy. Qant il furent revenu, et il orent tout lor avoir mis à voiture, li contes de Sufforc, li contes de Warvich, messires Renauls de Gobehen et messires Thomas de Hollande reprissent le cemin à senestre, ardans et assillans le pais, ensi que messires Godefrois de Harcourt faisoit à destre. Et li rois chevauçoit entre ces deus èles; et tous les soirs se trouvoient ensamble, et ceminoient à si grant loisir que il n’aloient le jour que deus ou trois lieues dou plus. Fº 111 vº.
P. 136, l. 19: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 137, l. 4: Saint Leu.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Saint Lou. Fº 135 vº.—Mss. A 23 à 33: Saint Lo. Fº 155 vº.
§ 259. P. 137, l. 15: Ensi par les Englès.—Ms. d’Amiens: Ensi par les Englès estoit ars et essilliés, robéz et pilliéz li bons pays et li cras de Normendie. Ces nouvelles vinrent au roy de France qui se tenoit à Paris, coumment li roys englès estoit en Constentin et gastoit tout devant lui. Dont dist li roys que jammais ne retourroient li Englèz, si aroient estet combatu, et les destourbiers et anois qu’il faisoient à ses gens, rendus. Si fist li roys lettrez escripre à grant fuison, et envoya premierement deviers ses bons amis de l’Empire, pour ce qu’il li estoient plus lontain, au gentil et noble roy de Behaingne, et ossi à monseigneur Charlon de Behaingne, son fil, qui s’appelloit roys d’Allemaingne, et l’estoit par l’ayde et pourkas dou roy Carlon, son père, dou roy de Franche, et avoit jà encargiet lez armes de l’Empire. Si les pria li roys de Franche si acertes que oncques peult, que il venissent o tout leur effort, car il volloit aller contre les Englès qui li ardoient son pays. Chil dessus dit seigneur ne se veurent mies excuzer, ains fissent leur amas de gens d’armes allemans, behaignons et luzenboursins, et s’en vinrent deviers le roy efforchiement. Ossi escripsi li roys au duc de Lorainne, qui le vint servir à plus de quatre cens lanchez. Et y vint li comtez de Saumes en Saumois, li comtez de Salebrugez, li comtez Loeys de Flandres, li comtez Guillaumme de Namur, chacuns à moult belle routte. Encorrez escripsi li roys et manda especialment monseigneur Jehan de Haynnau, qui nouvellement s’estoit aloiiés à lui par le pourkas dou comte Loeys de Blois, son fil, et dou seigneur de Faignoelles. Si vint li dis chevaliers, messires Jehans de Haynnau, servir le roy moult estoffeement et à grant fuisson de bonne bachelerie de Haynnau et d’ailleurs. Dont li roys eult grant joie de sa venue, et le retint pour son corps et de son plus privet et especial consseil. Li roys de Franche manda tout partout gens d’armes là où il lez pooit avoir, et fist une des grandez et des grossez assambléez de grans seigneurs et de chevaliers, qui oncques ewist estet en Franche, ne à Tournay, ne ailleurs. Et pour ce que il mandoit ensi tout partout gens et en lontains pays, il ne furent mies sitos venu ne assamblé; ainchoys eut li roys englèz mout mal menet le pays de Constentin, de Normendie et de Pikardie, enssi comme vous oréz recorder chi enssuiwant. Fº 90.
—Ms. de Rome: Ensi, en ce temps dont je parole, que on compta en l’an de grasce mil trois cens et quarante siis, fu gastés et essilliés li bons pais et li cras de Normendie, de quoi les plaintes grandes et dolereuses en vinrent au roi Phelippe de Valois, qui se tenoit ens ou palais à Paris. Et li fu dit: «Sire, li rois d’Engleterre est arivés en Coustentin à poissance de gens d’armes et d’archiers, et vient tout essillant et ardant le pais, et sera temprement à Can, et tout ce cemin li fait faire messires Godefrois de Harcourt. Il faut que vous i pourveés.»—«Par m’ame et par mon corps, respondi li rois, voirement i sera pourveu.» Lors furent mis clers en oevre pour lettres escrire à pooir, et sergans d’armes et messagiers envoiiés partout [deviers] signeurs et tenavles de la couronne de France. Li bons rois de Boesme ne fu pas oubliiés à mander, ne mesires Carles ses fils, qui jà s’escripsoit rois d’Alemagne, quoi que Lois de Baivière fust encores en vie. Mais par la promotion de l’Eglise et auquns eslisseurs de l’empire de Ronme, on avait esleu Carle de Boesme à estre rois d’Alemagne et emperères de Ronme; car li Baiviers estoit jà tous viels, et aussi il n’avoit pas fait à la plaisance des Ronmains, ensi que il est escript et contenu ichi desus en l’istore. Si furent mandé li dus de Lorrainne, li contes de Salebruce, li contes de Namur, li contes de Savoie et messires Lois de Savoie, son frère, le conte de Genève et tous les hauls barons, dont li rois devoit ou pensoit à estre servis. Et aussi [fu escript] as honmes des chités, des bonnes villes, des prevostés, bailliages, chastelleries et mairies dou roiaulme de France, que tout honme fuissent prest. Et lor estoient jour asignet, là où casquns se deveroit traire et faire sa moustre, car il voloit aler combatre les Englois, liquel estoient entré en son roiaume. Tout chil qui mandé et escript furent, se pourveirent et s’estofèrent de tout ce que à euls apertenoit, et ne fu pas sitos fait. Avant eurent les Englois cevauchiet, ars et essilliet moult dou roiaulme de France.
Si furent ordonné de par le roi et son consel, sitos que les nouvelles furent venues que li rois d’Engleterre estoit arivés en Coustentin, mesires Raouls, contes d’Eu et de Ghines et connestables de France, et li contes de Tanqarville, cambrelenc de France, à cevauchier quoitousement en Normendie, et li traire en la bonne ville de Can, et là asambler sa poissance de gens d’armes et faire frontière contre les Englois. Et lor fu dit et conmandé, tant que il amoient lor honneur, que il se pourveissent, tellement que les Englois ne peuissent passer la rivière d’Ourne qui court à Can et s’en va ferir en la mer. Chil signeur obeirent et dissent que il en feroient lor pooir et lor devoir, et se departirent en grant arroi de Paris et s’en vinrent à Roem, et là sejournèrent quatre jours, en atendant gens d’armes qui venoient de tous lés, et puis s’en departirent; car il entendirent que li rois d’Engleterre estoit venus jusques à Saint Lo le Coustentin. Et cevauchièrent oultre et vinrent à Can, et là s’arestèrent et fissent lors pourveances telles que elles apertiennent à faire à gens d’armes qui se voellent acquiter et combatre lors ennemis. Encores fu escrips et mandés dou roi Phelippe messires Jehans de Hainnau, qui s’estoit tournés François, ensi que vous savés. Si vint servir le roi moult estofeement et bien accompagniés de chevaliers et d’esquiers de Hainnau et de Braibant et de Hasbain, et se contenta grandement li rois Phelippes de sa venue. Si venoient et aplouvoient gens d’armes, de toutes pars, pour servir le roi de France et le roiaulme, les auquns qu’il i estoient tenu par honmage, et les aultres pour gaegnier lors saudées et deniers. Si ne porent pas sitos chil des lontainnes marces venir que fissent li proçain, et les Englois ceminoient tout dis avant. Fº 112. Voir aussi Sup. var. (n. d. t.)
P. 138, l. 13: duch de Loeraingne.—Ms. B 6: et à l’evesque de Mès. Fº 299.
§ 260. P. 139, l. 4: Vous avez.—Ms. d’Amiens: Vous avés chy dessus bien oy recorder des Englès coumment il cevauchoient en troix batailles, li marescal à destre et à senestre, et li rois et li prinches de Galles, ses filz, en le moiienne. Et vous di que li roys cevauçoit à petittez journées: toudis estoient il logiés, où que ce fuist, entre tierce et midi. Et trouvoient le pays si plentiveux et si garny de tous vivres, qu’il ne leur couvenoit faire nullez pourveanchez, fors que de vins; si en trouvoient il asséz par raison. Si n’estoit point de merveille, se cil dou pays estoient effraet et esbahit, car, avant ce, il n’avoient oncquez veu hommes d’armes, et ne savoient que c’estoit de guerre ne de bataille; si fuioient devant les Englèz, ensi que brebis devant les leus, ne en yaux n’avoit nulle deffensce.
Li roys Edouwars et li princes de Gallez, sez filz, avoient en leur routte bien quinze cens hommes d’armes, six mil archiers et dix mil sergans à piet, sans ceux qui s’en alloient avoecq lez marescaux. Si chevaucha, comme je vous di, en tel mannière li roys, ardans et essillans le pays et sans brisier sen ordonnance, et ne tourna point en le chité de Coustanses; ains s’en alla par deviers le grosse ville, riche et marchande durement, que on claimme Saint Leu en Coustentin, qui estoit plus rice et valloit trois tans que la chité de Coustances. En celle ville de Saint Leu le Constentin avoit très grant draperie et très grant aport de marchandise et grant fuisson de richez bourgois; et trouvast on bien en le dite ville huit mil hommes, mannans que bourgois, rices que gens de mestier. Quant li roys englès fu venu assés prièz, il se loga dehors, car il ne veut mies logier en le ville pour le doutance dou feu, mais li grosse ville fu tantost conquise à peu de fait et courue et robée partout. Il n’est homs vivans qui poroit pensser, aviser ne croire, se on lui disoit le grant avoir qui là fu gaegniés et robés, ne le grant fuison dez draps qui là furent trouvet. Qui en volsist acheter, on en ewist grant marchiet. Chacuns en pooit prendre là où il volloit, mès nulz riens n’y acomptoit, ains tendoient plus à querre l’or et l’argent, dont il trouvoient asséz. Et si ardamment y entendirent que la ville demoura à ardoir, mès grant partie des ricez bourgois furent pris et envoiiés en Engleterre pour ranchonner; et grant planté dou commun peuple furent de premiers tués à l’entrée en le ville, qui se missent à deffensce. Fº 90.
—Ms. de Rome: Vous avés ichi desus bien oï recorder l’ordenance des Englois et conment il chevauçoient en trois batailles, li marescal à destre et à senestre en deus èles, et li rois et li princes de Galles, ses fils, en la moiienne. Et vous di que li rois cevauçoit à petites journées, et aussi faisoient toutes ses batailles. Et estoient logiet toutdis entre tierce et midi, car il trouvoient tant à fourer et si plentiveus pais et raempli de tous biens, les plus cras buefs dou monde, vaces, pors et oilles et tant que il n’en savoient que faire; et estoient tout esmervilliet des biens que il trouvoient. Il prendoient desquels que il voloient, et le demorant laissoient aler. Et ne brisoient point les Englois lor ordenance, et ne tournèrent point adonc viers Coustanses, mais prissent le cemin de Saint Lo le Coustentin, une grose ville, qui pour lors estoit durement rice et pourveue de draperie. Et bien i avoit neuf ou dis mille bourgois, gens de tous mestiers, mais la grignour partie s’estofoient tout de la draperie. Qant li rois d’Engleterre fu venus assés priés, il se loga dehors et envoia ses marescaus et ses gens d’armes et archiers devant, pour escarmucier et veoir quel cose chil de la ville voloient dire et faire, tant que au deffendre lor vile. Il furent tantos conquis et desconfi et caciet en fuites, et entrèrent les Englois dedens, et en fissent toutes lor volentés. Et orent li pluisseur pité des honmes, fenmes et enfans qui ploroient et crioient à haus cris, et les laissoient passer et widier la ville legierement; mais ils widoient les maisons des riches biens que il i trouvoient, et ne faisoient compte que d’or et d’argent. Et n’avoit si petit varlet en la compagnie, qui ne fust tous ensonniiés d’entendre au grant pourfit que il veoient. Fº 112.
P. 140, l. 4 et 5: huit mil ou neuf mil.—Mss. A 7, 23 à 33: huit vingt ou neuf vingt. Fº 131.—Mss. A 20 à 22: huit mille. Fº 198 vº.—Ms. B 6: dix à douze mille. Fº 300.
P. 140, l. 6 et 7: dehors.—Ms. B 6: au dehors de la ville, en une abeie. Fº 300.
P. 140, l. 9: conquise.—Ms. B 6: car les gens qui estoient en la ville n’estoient point de deffense, car c’estoient simple gens laboureulx et marchans et ouveriers qui faisoient leur draperie, et pour le temps de lors ne savoient que c’estoit de guerre; car oncques n’avoient porté espée, fors ung baston de blanc bos pour les chiens, allant de ville à aultre. Fº 300.
§ 261. P. 140, l. 16: Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Qant li roys englès eut fait ses vollentés de le bonne ville de Saint Leu en Constentin, il se parti de là pour venir par deviers le plus grosse ville, le plus grande, le plus riche et le mieux garnie de toutte Normendie, horsmis Roem, que on claimme Kem, plainne de très grant rikèce, de draperie et de touttes marcandises, de riches bourgoix, de noblez dammes, de bellez eglises et de deux richez abbeies. Et avoit entendu li roys englès que là se tenoient en garnison, de par le roy de France, li comtez d’Eu et de Ghinnez, connestablez de Franche, et il comtez de Tamkarville et grant fuison de bonne chevalerie de Normendie et d’ailleurs, que li roys y avoit envoiiés pour garder le ditte ville et le passaige contre les Englès. Si se traist li roys celle part, et fist revenir ses bataillez enssamble. Tant alla li roys qu’il vint asséz priès de Kem: si se loga à deux lieues prièz. Li connestable et li autre seigneur de Franche et dou pays, qui là estoient avoecq lui, fissent la ville gettier mout noblement toutte le nuit; et au matin, il coummandèrent que tout fuissent armet un et autre, chevalier et escuier et bourgois ossi, pour deffendre le ville. Qant il furent tout armet, il yssirent hors de le ville et se rengièrent par devant le porte par où li Englès devoient venir, et fissent grant samblant de bien deffendre et de leurs vies mettre en aventure. Fº 90.
—Ms. de Rome: Qant li rois d’Engleterre et ses gens orent fait lors volentés de la ville de Saint Lo le Coustentin, il s’en departirent et prissent lor cemin pour venir deviers une plus grose ville trois fois que Saint Lo ne soit, qui se nonme Cen en Normendie. Et est priès aussi grose, et aussi rice estoit pour lors, que la chité de Roem, plainne de draperie et de toutes marceandises, rices bourgois et bourgoises et de bon estat, aournée de belles eglises et par especial de deus nobles abbeies durement belles et riches, seans l’une à l’un des cors de la ville et l’autre à l’autre. Et est appellée li une de Saint Estievène, et l’autre de la Trenité, le une de monnes, celle de Saint Estievène, et en celle de la Trenité dames, et doient estre siis vins dames à plainne prouvende. D’autre part, à l’un des cors de la ville, sciet li chastiaus, qui est uns des biaus castiaus et des fors de Normendie. Et en estoit pour lors chapitainne, uns bons chevaliers, preus, sages et hardis, qui se nonmoit messires Robers de Wargni, et avoit avoecques lui dedens le chastiel en garnison bien trois cens Geneuois. Dedens la ville estoient logiet li connestables de France, li contes de Tanqarville et plus de deus cens chevaliers, tout au large et à leur aise; et estoient là venu et envoiiet pour garder et deffendre Kem et faire frontière contre les Englois.
Li rois d’Engleterre estoit tous enfourmés de mesire Godefroi de Harcourt que la ville de Kem estoit durement rice et grosse, et bien pourveue de bonnes gens d’armes. Si chevauça celle part et tout sagement, et remist ses batailles ensamble, et se loga celle nuit sus les camps à deus petites lieues priès de Kem. Et tout dis le costioit et sievoit sa navie, laquelle vint jusques à deus lieues priès de Kem, sus la rivière de Iton qui se rentre en la mer, et sus un havene que on nonme Austrehem, et la rivière Ourne, et court à Kem; et estoit de la ditte navie conduisières et paterons li contes de Honstidonne. Li connestables de France et li aultre signeur, qui là estoient, fissent celle nuit grant gait, car il sentoient les Englois moult priès de euls. Qant ce vint au matin, li connestables de France et li contes de Tanqarville oirent messe. Et aussi fissent tout li signeur qui là estoient, où grant fuisson de chevalerie avoit, et avoient consilliet le soir que de issir hors et de combatre les Englois. Si sonnèrent les tronpètes dou connestable moult matin, et s’armèrent toutes manières de gens de armes, et les bourgois meismement de la ville. Et widèrent hors de la ville et se traissent sus les camps, et se missent tout en ordenance de bataille. Et moustrèrent tout par samblant et par parole que il avoient grant volenté de combatre les Englois, dont li connestables de France estoit moult resjois. Fº 112 vº.
P. 140, l. 17: Saint Leu.—Mss. A 1 à 6: Saint Loup. Fº 136 vº.
P. 140, l. 20: Kem.—Mss. A 1 à 6, 8 à 19, 23 à 33: Caen. Fº 136 vº.—Ms. A 7: Kan. Fº 131.—Mss. A 20 à 22: Kent. Fº 199.
P. 141, l. 2: Robers.—Mss. A 15 à 17: Thomas. Fº 138 vº.
P. 141, l. 2: Wargni.—Mss. A 20 à 22: Warny. Fº 199.—Mss. A 23 à 29: Blargny. Fº 157.
P. 141, l. 7: envoiiés.—Ms. B 6: dont il estoient bien vingt mille hommes. Fº 299.
P. 141, l. 15: Kem.—Ms. B 6: Et à deux lieues de Kem a ung chastiel que on apelle Austrehen sur ceste meisme rivière de Ourne, où toutes les grosses nefs arivent. Fº 301.
P. 141, l. 16: Austrehem.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Hautrehen. Fº 137.—Mss. A 7, 18, 19, 23 à 33: Austrehen. Fº 131.—Mss. A 8, 9, 15 à 17: Austrehem. Fº 124.—Mss. A 20 à 22: Haustrehem. Fº 199.
P. 141, l. 21: assamblé.—Ms. B 6: plus de deux cens. Fº 302.
P. 141, l. 25: bourgois.—Ms. B 6: car le communalté de Kem avoient fait leut moustre; sy s’estoient bien trouvé quarante mille hommes deffensablez. Fº 302.
§ 262. P. 142, l. 17: En ce jour.—Ms. d’Amiens: A celui jour, li Englès furent moult matin esmeus d’aller celle part. Li roys ossi yssi hors et fist ses gens aller par conroy, car bien penssoit qu’il aroit à faire; si se traist tout bellement celle part, ses batailles rengies, et fist ses marescaux chevauchier devant à toutte sa bannierre jusques as fourbours de le ville, et assés priès de là où chil signeur estoient rengiet, et li bourgois de Kem moult richement et par samblant en bon couvenant. Si tost que cez gens bourgois de Kem virent lez bannierrez dou roy englèz et de ses marescaux approchier et tant de si bellez gens d’armes que oncques n’avoient veut, il eurent si grant paour que tout chil del monde ne les ewissent retenut que il ne rentraissent en leur ville, volsissent connestablez et marescaux ou non. Adonc pewist on veir gens fremir et abaubir, et celle bataille enssi rengie desconfire à pau de fait, car chacuns se penna de rentrer en le ville à sauveté. Grant fuisson de chevaliers se missent à l’aler deviers le castiel: chil furent à sauveté.
Li connestablez, li cambrelens de Tamkarville et pluisseur autre chevalier et escuier avoecq yaux se missent en le porte de le ville, et montèrent as fenestrez des deffenscez, et veoient ces archiers qui tuoient gens sans merchy et sans deffensce; si furent en grant esmay que ce ne fesissent il d’iaux, s’il lez tenoient. Enssi qu’il regardoient aval en grant doubte ces gens tuer, il perchurent un gentil chevalier englès qui n’avoit que un oeil, que on clammoit messire Thoumas de Hollande, et cinq ou six bons chevaliers avoecq lui, qu’il avoient autrefoix compaigniet et veu l’un l’autre en Grenade, en Prusse, oultre mer et en pluisseurs lieux, ensi que bon chevalier se treuvent; si les appiellèrent et leur dissent en priant: «Ha! seigneur chevalier, venés amont et nous gharandissiéz de ces gens sans pité qui nous ochiront, se il nous tiennent, enssi que les aultrez.» Quant li gentilx chevaliers messires Thumas les vit et il lez eut ravissés, il fu moult liés: ossi furent li autre compaignon. Si montèrent en le porte jusquez à yaux, et li connestablez de Franche, li cambrelens de Tamkarville et tout li autre qui là estoient afuis, se rendirent prissonnier; et le dit messire Thummas de Hollande et si compaignon les rechurent vollentiers et se pennèrent d’iaux à sauver et de garder leurs vies; et puis missent bonnez gardes dalléz yaux, par quoy nulx ne lez osast faire mal ne villonnie.
Puis s’en allèrent chil chevalier englès par le ville de Kem pour destourber à leur pooir le grant mortalité que on y faisoit, et gardèrent puisseurs belles bourghoises et dammes d’encloistre de violer: dont il fissent grant aumousne et courtoisie et droite gentillèche. Et fu trouvés et robés si grans tresors, que on ne le poroit croire ne pensser. Au recorder le persequcion, le occision, le violensce et le grant pestilensce qui adonc fu en le bonne ville de Kem, c’est une pité et grans orreurs à pensser coumment crestiien puevent avoir plaisanche ne conssienche de enssi li ungs l’autre destruire. A deus corron[s] de celle bonne ville de Kem avoit deus moult grandes et mout riches abbeies, l’une de noirs monnes et l’autre de noires dammes qui sont touttes gentilz femmez. Et doient estre et elles [sont] six vingt par compte et par droit nombre, et quarante converses à demie prouvende, dont une grant partie furent viollées. Et furent ces deus abbeies priès que touttes arsses avoecq grant partie de le ville, dont ce fu pitéz et dammaigez. Et moult en despleut au roy, mès amender ne le peut, car ses gens s’espardirent si en tous lieux pour le convoitise de gaegnier, que on ne les pooit ravoir. Et sachiés que très grans tresors y fu gaegniés, qui oncques ne vint à clareté, et tant que varlet et garchon estoient tout riche; et ne faissoient compte de blancq paiement fors que de florins: il donnaissent plain ung boisciel de paiement pour cinq ou pour six florins.
Quant li roys englès eut acompli ses volentéz de le bonne ville de Kem, et que ses gens l’eurent toutte courue et robée, et concquis ens si grant avoir que on ne le poroit numbrer, si regarda li roys et ses conssaux que il avoient tant d’avoir qu’il n’en savoient que faire, et n’en quidoient mies tant en un royaumme qu’il en avoient jà trouvet depuis qu’il arivèrent en l’ille de Grenesie en venant jusquez à là. Et avoient pris par droit compte en le ville de Kem cent et sept chevaliers et plus de quatre cens riches bourgois; et en avoient encorrez grant fuison pour prisonniers pris ens ès bonnes villes, que concquis avoient en avant. Et si estoit ossi toutte leur navie en le Hoge Saint Vast. Dont il regardèrent as pluisseurs coses, à sauver leur avoir concquis et leurs prisonniers, et à garder leur navie. Si ordonna li roys d’Engleterre que tous leurs avoirs fust menés et chariiés à leur navie, et ossi tous leurs prisonniers menet, ainschois que il chevauchaissent plus avant. Tout enssi comme il fu ordonnet, il fu fait. Les naves et li vaissiel furent recargiet de draps, d’avoir et de jeuiaux tant que sans numbre, et leurs charois alegeris; et puis missent tous leurs prisonniers en leur navie. Et en fu rekerkiés li comtez de Hostidonne à deux cens hommes d’armes et cinq cens archiers, qui se parti dou roy et de l’host et monta en mer et ramena tout ce que devant est dit, à sauveté en Engleterre. Or parlerons dou roy Edouwart et coumment il chevauça encorez avant. Fº 90 vº.
—Ms. de Rome: En ce jour se levèrent aussi les Englois moult matin. Et oirent li rois messe et tout li signeur, et puis se apparillièrent et missent en ordenance et au cemin pour aler à Kem. Si se traissent tout souef, lors batailles rengies, les banières des marescaus tout premiers, et aprochièrent la ville de Kem. Ces gens d’armes de France, chevaliers et esquiers, estoient tout tret sus les camps, et mis en bonne ordenance de bataille, et d’autre part aussi tout li honme bourgois de Caen; et moustroient par samblant que il attenderoient les Englois et les conbateroient. Mais qant il les veirent venir cevauchant en ordenance de bataille, et tout en une brousse, banières et pennons ventellans, ce que acoustumé il n’avoient pas de veoir, si se conmencièrent à esfraer, et encores plus qant ces archiers conmenchièrent à traire et il sentirent ces saiètes; et se desconfirent si de euls meismes que tout chil dou monde ne les euis[sen]t mies retenus qu’il ne se fuissent mis à la fuite. Adonc peuist on veoir gens fremir et esbahir, et celle bataille rengie desconfire à peu de fait, car casquns se pena de rentrer dedens la ville à sauveté. Là ot grant encauch et maint honme reversé et bouté jus à terre, et ceoient à mons l’un sus l’autre, tant estoient il fort eshidé. Li connestables de France et li contes de Tanqarville, li sires de Graville, li sires d’Estouteville, li sires de Saqenville, li sires de Coursi, li sires d’Iveri, qui veirent ce grant meschief apparant et ces honmes et bourgois de Kem ensi fuir et ceoir l’un sus l’autre, s’en retournèrent, casquns que mieuls mieuls, sans arroi et ordenance. Et montèrent amont en une porte sus l’entrée dou pont et se quidièrent là sauver; et estoient, n’i avoit baron, ne chevalier, tout esbahi dou mescief que il veoient, car les Englois estoient jà entré dedens la ville bien avant. Et ensi que il entroient, il se rengoient et ordonnoient sus les caucies, ne nuls n’entendoit à lui deffendre, mès au fuir et à lui sauver, et gissoient li mors et les ocis sus les caucies à mons. Auqun chevalier et esquier, qui savoient le cemin viers le castel et meismement des honmes de la ville, se destournèrent et se missent hors dou fouleis et de la voie des Englois, et se retraissent et boutèrent ou chastiel. Tout chil et celles qui peurent avoir celle aventure d’entrer ens ou chastiel, furent sauvé. Moult de honmes, de fenmes, et d’enfans widoient aussi par les portes qui estoient ouvertes, et prendoient les camps et eslongoient ce mescief, et ne faisoient compte de cose qui demorast derrière. Bien sçavoient que tout estoit perdu: encores ewireus qui se pooit sauver par ce parti. Englois, gens d’armes et archiers qui encauçoient les fuians, faisoient grans occisions, car honme n’estoit espargniés, qui ceoit en lors mains.
Et avint que li connestables de France et li contes de Tanqarville, qui monté estoient en celle porte au pont, regardèrent au lonc, tant en la ville que dehors la ville, car tous jours entroient Englois; et veirent devant euls sus les rues si grans oribletés et pestilenses que grans hisdeurs seroit et estoit de le oser regarder. Si se doubtèrent de euls meismes de esceir en ce dangier et entre mains d’archiers qui point ne les congneuissent. Ensi que il regardoient aval, en grant doubte, ces gens ocire et abatre, il perchurent un gentil chevalier englois, qui n’avoit q’un oel, lequel on nonmoit mesire Thomas de Hollandes, et cinq ou siis chevaliers avoecques lui, et desous banière. Et par la banière que uns chevaliers portoit toute droite, il le ravisèrent, car bien l’avoient veu aultrefois, et boutèrent hors deus de lors pennons par les fenestres de la porte, et conmenchièrent à criier et à huier et à faire signe que on parlast à euls. Tantos chil gentilhonme englois, qui estoient avoecques mesire Thomas de Hollandes, entendirent ce signe, et li dissent: «Monsignour, arestés vous. Là sus sont retrait grant fuisson des barons de France, qui ne sont pas bien asegur de lors vies. Montons amont, car il vous demandent et se voellent rendre. Vous poriés par ce parti moult tos avoir une bonne journée.» Mesires Thomas et sa banière s’aresta; et descendirent de lors chevaus et montèrent les degrés de la porte. Ensi que il montoient, li doi conte de France lor vinrent au devant et li dissent: «Messires Thomas de Hollandes, entendés à nous et nous prendés à prisonniers, et nous sauvés les vies de ces archiers.»—«Qui estes vous?» dist mesires Thomas. «Nous sonmes Raouls, contes d’Eu et de Gines, connestables de France, et je Jehans de Melun, contes de Tanqarville et canbrelens de France.» Qant messires Thomas de Hollandes les entendi, si senti et congneut tantos que il avoit bien volé, et fu tous resjois pour deus raisons: li une estoit pour tant que il avoit bons prisonniers, dont il poroit avoir cent mille moutons; l’autre pareçon, pour tant que il lor sauveroit les vies, car il gissoient là et avoient esté en grant peril pour les archiers et les Gallois, car ils sont si divers que il ne voellent nului congnoistre. Tantos chil doi conte fiancièrent lors fois à mesire Thomas de Hollandes, et aussi fissent tout li aultre baron et chevaliers, qui dedens la porte estoient. Considerés la bonne estrive et aventure que mesires Thomas de Hollandes ot d’avoir si bons prisonniers qui li ceirent ens ès mains. Tantos, il ordonna trois de ses chevaliers et de ses honmes à demorer là d’encoste ses prisonniers, et mist son pennon en la porte. Ce estoit segnefiance que la porte estoit à lui, et tout chil qui dedens estoient; et puis descendi aval et monta à ceval, et se remist en ordenance avoecques les autres au cevauchier et à aler toutdis avant; mais toutes gens fuioient devant les Englois. Si est la ville de Kem grande et poissans et estendue durement et fort peuplée. Et cei adonc si bien as Englois que sans le dangier de passer au pont, il passoient et repasoient, ensi que il voloient, la rivière de Ourne, car la mer estoit si basse pour celle heure que il n’i avoient nul empecement de passer, et par ce point fu la ville plus tos conquise.
Ensi ot et conquist li rois d’Engleterre la bonne ville de Kem, et en fu sires; mais aussi il li cousta moult de ses honmes, car chil qui estoient montés ens ès loges et sus les tois, par jetter pières et baus et autres coses, en mehagnièrent et ocirent assés. Et fu dit au roi d’Engleterre au soir et raporté de verité que il avoit perdu bien cinq cens honmes, dont li rois fu si courouchiés que il ordonna et conmanda que à l’endemain tout fust mis à l’espée, et la ville contournée en feu et en flame. A ces paroles dire, estoit messires Godefrois de Harcourt presens, qui amoit la ville de Kem, quoi que il fust là en la compagnie des Englois, et ala au devant et rafrena le corage dou roi, et li remoustra ensi, en disant: «Chiers sires, soufisse vous, se vous avés les biens de la ville, sans essillier. Encores est la ville moult peuplée, et se sont repus et muchiés moult de gens en cambres, en soliers, en tours et en celiers, qui se meteront à deffense, se il voient que on les voelle tout metre à l’espée. Et ce vous poroit grandement couster de vos honmes, et vous en avés bien à faire, avant que vous soiiés au cor de vostre voiage; et auerés des rencontres et des batailles assés, avant que vous soiiés venus devant Calais, où vous tendés à venir; mais faites asavoir et criier par toute la ville que casquns se loge et se tiengne en sa paix, car jà ont vostres gens tant conquesté que tout li plus povre sont rice.» Li rois se rafrena et se ordonna par le consel Godefroi de Harcourt.
Li rois d’Engleterre et ses gens furent signeur de la ville de Kem trois jours, et ne fissent à honme ne à fenme mal, depuis que mesires Godefrois de Harcourt en eut priiet et parlet. Mais jà avoient les Englois pris et levés tant de biens et de bons meubles, que bien lor devoit souffire; et tant en avoient amené des aultres villes conquises et dou plat pais que tout en estoient cargiet et soelet. Et orent ordenance et avis, en ces trois jours, que tout lor butin et lor conquès et les prisonniers que pris avoient, il les envoieroient en Engleterre par la mer, et en lors vaissiaux qui gissoient à l’ancre, assés priès de Kem, en la rivière de Ourne. Se ne fissent li plus de ces Englois que porter, mener et chariier toutes bonnes coses, draps, toilles, pennes, lis, cambres ordonnées, et tous bons meubles. De menues coses et petites, il ne faisoient compte, et vendoient bien li un à l’autre lor pillage et lor conquès, et en donnoient très grant marchiet, et lors prisonniers aussi, et tout estoit remis à cariage et voiture et porté en la navie. Li connestables de France et li contes de Tanqarville furent rendu et livré de mesire Thomas de Hollandes au roi d’Engleterre. Et furent tant que dou rendage et de la prise bien d’acort ensamble, et des aultres chevaliers qui pris avoient esté en la ville de Kem prissonniers. Et toutes coses furent tout mis ens la navie, et li contes de Honstidonne, à tout deus cens honmes et quatre cens archiers, ordonnés à estre capitains et conduisières de la navie, pour mener en Engleterre. Et fissent ce les Englès à celle intension et ordenance que il ne voloient point estre cargiet, sus le grant cemin que il avoient à faire, de nulle cose qui lor donnast empecement. Fos 113 et 114.
P. 143, l. 1: oïrent.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: virent. Fº 137.
P. 143, l. 1: ruire.—Mss. A 15 à 17, 20 à 29: bruire, bruyre. Fº 138 vº.
P. 143, l. 6: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 143, l. 13: aucun chevalier.—Ms. B 6: neuf chevaliers. Fº 304.
P. 144, l. 19: moutons.—Mss. A 20 à 22 et B 6: escus. Fº 200.
P. 146, l. 4: il vous tourroit.—Mss. A 23 à 33: la quèle chose vous redonderoit à grant blasme (mss. A 30 à 33: honte. Fº 184.) Fº 158 vº.
P. 147, l. 17: Si fu ordonnés.—Ms. B 6: Sy le renvoia on et tout l’avoir devant conquis et toute leur navire en Engleterre par le conte de Hostiton à cinq cens combatans. Et ossy y furent mené tous les prisonniers, le connestable et le conte de Tancarville et bien six vingt chevaliers et quinse cens riches hommes normans, que de Kem, que de Saint Lo et de Barfleu, qui depuis paièrent grant renchon. Fº 306.
§ 263. P. 147, l. 25: Ensi ordonna.—Ms. d’Amiens: Quant li roys englès eut enssi ordounné, si comme vous avés oy, il fist chevauchier ses marescaux seloncq se premierre ordounnanche, l’un des lés et l’autre d’autre; et il et li prinches de Galles, ses filx, chevauchoient enmy le moiienne. Yaux parti de Kem, il entrèrent en le comté de Ewrues, ardant et essillant le pays. Et vinrent à une ville que on claimme Louviers, là où on fait plus grant drapperie qu’en ville qui soit en France; et estoit priès ossi bonne que li chitéz d’Ewrues ou que Saint Leu en Constentin. Si fu la ville de Louviers prise assés tost à peu de force, car elle n’estoit point fremmée; et fu toutte courue et robée, et y eut trouvet très grant avoir. Quant li roys englès eut fait ses vollentés de le ville de Louviers et de le comté de Ewruez, horsmis des fortrèchez, car devant nul fort il ne se volloit arester, si se mist sour la rivierre de Sainne, et gasta tout le pays d’entours Mantes et Meulent. Et s’en vint à Vrenon, qui estoit moult grosse ville, et l’ardi et essilla. Puis s’en vint à Poissi, mout grosse ville ossi, et trouva le pont brisiet et deffait. Ossi avoit il fait à Vrenon, dont il fu dollans et courouchiés; mès encorrez estoient les estakez et les gistez en le rivierre. Si se aresta là li roys, et y sejourna par cinq jours. Endementroes fist il le pont refaire bon et fort, pour passer son host bien et aisiement. En che sejour il fist chevaucier ses marescaux monseigneur Godeffroy de Harcourt et le comte de Warvich jusques à Saint Clou, et là bouter les feus, et puis Saint Germain en Laie et le Monjoie aussi ardoir et abattre, et tant que on en veoit clerement les feux de Paris. Et estoient adonc moult esbahit en le chité, car elle, à che donc, n’estoit point fremmée fors que de bailles. Si se doubtoient li Parisiien qui li Englès par outraige ne venissent escarmucier à yaux.
Quant li roys de Franche, qui se tenoit adonc en Paris, vit lez Englès si aprochier, que les feux estoient à deux petittez lieuwez priès de lui, si fu moult courouchiéz, et demanda consseil coumment il poroit ouvrer de ceste besoingne. Ad ce jour avoit grant fuison de prelas et de fourés chaperons dalléz lui, car li roys de Behaigne, li dus de Loerainne, messires Jehanz de Haynnau, li comtez de Namur et toutte se chevallerie estoient à Saint Denis et là environ. Si conssillièrent au roy que il venist deviers yaux, et ewist advis de chevauchier contre ses ennemis, et que de yaux enclore sour aucun pas, car à leur navie ne poroient il jammais retourner. Et lui dissent encorrez, pour lui recomforter, qu’il ne fust de riens effraés, car par fummières li Englès ne le bouteroient jamès hors de son hiretaige.
Adonc se parti li roys de Paris et s’en vint à Saint Denis, où il trouva le roy de Behaingne, le duc de Lorainne, le comte de Bloix, son nepveult, monseigneur Jehan de Haynnau, et grant fuison de bonne chevalerie, qui li fissent grant chierre et li conssillièrent qu’il chevauchast contre ses ennemis. Lors remforcha li roys son mandement partout, en Bourgoingne, en Campaigne, en Franche, en Vermendois, en Artois, en Pikardie et par tous lieux où il pooit avoir gens d’armes, qu’il venissent deviers lui; et chil obeirent, qui mandet furent.
Endementroes fu li pons à Poissi refais bons et fors, et passa oultre li roys [englès] et toutte sen host; et s’en vint logier en l’abbeie de Poissi, et y fu le nuit de Nostre Damme my aoust, et le jour toute jour. Et l’endemain il s’en parti, et chevaucha plus avant le chemin de Pikardie, au léz devers Biauvais et Biauvesis. Fº 91.
—Ms. de Rome: Au quatrime jour, li rois d’Engleterre et les Englois issirent de Kem, et qant il monta à ceval, il i avoit autour de li grant fuisson de honmes et de fenmes, qui venu l’estoient veoir. Se lor dist li rois tout hault: «Entre vous qui chi estes, de la courtoisie que je vous fac, remerciiés vostre bon amic Godefroi de Harcourt, car par li estes vous deporté de non estre ars.» Tout et toutes s’engenoullièrent adonc devant le roi, et dissent de une vois: «Très chiers sires, Dieus le vous puist merir, et à li ossi.» Adonc cevauça li rois oultre, et li princes de Galles, ses fils; et grant fuisson de claronchiaus et de tronpètes et de menestrels cevauçoient devant et faisoient lor mestier. Et cevauchièrent en cel estat tout au lonch de la ville de Kem, et missent priès d’un jour au widier, avant que li arrière garde fust hors. Et prissent tout le cemin de Louviers, et se logièrent oultre Kem, celle première journée puis lor departement, une lieue ou cemin de Louviers.
Et li contes de Honstidonne à toute sa carge à flun de la mer se desancra, et vint celle première marée jessir à l’ancre en l’abouqure de la mer. Et enmenoit si grant avoir jà conquis en Normendie que mervelles seroit à penser, et bien cinq cens prisonniers, tous rices honmes des viles où il avoient passet, et le conte d’Eu et de Ghines, connestable de France, et le conte de Tanqarville, et bien soissante chevaliers et esquiers. Et esploitièrent tant depuis, à l’aide de Dieu et dou vent, que il prissent terre en Engleterre. Si fu tous li pais resjois de lor venue, et par especial la roine Phelippe d’Engleterre, et conjoi ces chevaliers prisonniers; et furent envoiiet et mis ens ou chastiel de Londres, tout au large et à lor aise, car li rois en avoit ensi escript et segnefiiet à la roine. Se tint la bonne roine l’ordenance dou roi, ne jamais ne l’euist brissiet.
Tant cevauchièrent li rois d’Engleterre et ses gens, depuis que il se furent departi de la bonne ville de Kem, que il aprochièrent Louviers, une bonne ville, et où on faisoit grant fuisson de draperie, et estoit pour lors rice et plentiveuse de tous biens. Les Englois entrèrent dedens à peu de fait, car pour lors et en devant elle n’estoit noient fremée. Si fu la ville courue et reubée, mais il ne prendoient que toutes bonnes coses, et ne se voloient mais cargier de si grant meuble que il avoient fait en devant, pour tant que lor navie ne les sievoit plus. Nequedent ne se pooient il tenir de pillier et de rompre huges et escrins et de prendre or et argent, qant il le trouvoient. Et qant il avoient assamblé des draps, des lainnes et des biaus jeuiauls à grant fuisson, il apactissoient les honmes dou pais qui se boutoient ens ès fors. Et tenoient trop bien lors pactis, et lor vendoient tout ce de gros que pris et pilliet avoient; et donnoient pour cent florins ce qui en valloit mille, et ensi orent il moult de finance sus le cemin.
Qant il orent fait lors bons et lors volentés de Louviers et il s’en departirent, li darrainnier boutèrent le feu dedens; et puis entrèrent en la conté d’Evrues et l’ardirent toute, reservé les forterèces. Et passèrent Pasci et au Pont à l’Arce et aprocièrent la chité de Roem, qui pour lors estoit moult bien garnie de gens d’armes et de signeurs; mais chil qui dedens estoient, n’avoient nulle volenté de issir, car il avoient bien oï dire que la ville de Kem estoit perdue par l’orguel des bourgois de la ville, qui vorrent issir. Et là estoient en garnison li contes de Harcourt, frères à mesire Godefroi, et li contes de Dreus, mais sa ville fu arse. Li avant garde ne se peurent tenir, c’est à entendre chil qui la gouvernoient, que il n’aproçassent Roem, et en ardirent les fourbours. Li rois d’Engleterre et sa bataille passèrent ensi que à une lieue priès, et se rengièrent et ordonnèrent à la veue et moustre de ceuls qui en Roem estoient, et lor mandèrent la bataille par un hiraut; mais point ne s’i acordèrent.
Si tournèrent les Englois deviers Vrenon, où il i a bon chastiel et fort, auquel il ne fissent nul samblant de l’asallir, mais il ardirent la ville, et puis Vrenuel et tout le pais de environ Roem et le Pont de l’Arce. Et vinrent ensi tout ardant le pais, à destre et à senestre, et devant euls jusques à Mantes et Meulent. Et passèrent assès priés dou fort chastiel de Roleboise, mais point n’i assallirent. Et partout sus la rivière de Sainne trouvoient il les pons deffais. Et tant ceminèrent que il vinrent à Poissi, et trouvèrent le pont deffait; mais encores estoient les estaces dou pont et les gistes en la rivière. Si se aresta là li rois et toute li hoos, et i sejournèrent cinq jours. Et entrues entendirent les Englois carpentiers, que il avoient amené en lor compagnie, au pont refaire. Et couroient li fourageur tout le pais environ, tant que, des feus que il faisoient ou plat pais, les fumières en estoient veues de Paris.
Li rois Phelippes et li signeur de France, qui se amassoient à Paris et venoient de tous costés, avoient grant mervelle de ce que les Englois faisoient. Et disoient ensamble li auqun: «Mervelles est dou voiage des Englois. Que pensent il à devenir, ne où quident il passer la rivière de Sainne?» Disoient à aultre qui respondoient à ce pourpos: «Il iront passer en Bourgongne, qui ne lor ira aultrement au devant.»—«Que on conmence donc! respondoient li aultre; il n’est point en lor poissance de faire ce voiage: il seront avant conbatu quatre fois.» Or fu on moult esmervilliet à Paris, qant les nouvelles i vinrent que les Englois avoient refait le pont à Poisi, et estoient tout passé la rivière de Sainne. Donc fu conmune renonmée que les Englois venroient devant Paris. Donc se departi li rois Phelippes à toute sa cevalerie que il avoit très grande, et s’en vint à Saint Denis. De quoi li bourgois de Paris furent tout esbahi, mais il leur fist dire et semer paroles que il se departoit pour aler au devant des Englois et euls combatre; et parmi tant, li peuples de Paris s’apaissa. Et li rois d’Engleterre se tint à Poissi cinq jours, et fu là le jour de la Nostre Dame mi aoust, et tint court solempnèle en l’abeie des Dames de Poisi, et sist à table en draps vermauls d’escarlate, fourés d’ermine, et en sourcot sans mances, et tint son estat roial de toutes coses, aussi bien ou mieuls que il fust en Engleterre.
Qant li rois d’Engleterre ot esté à Poisi les Dames, cinq jours, et ils et ses gens s’i furent rafresqi, il s’en departirent et cevauchièrent oultre en aproçant Paris. Messires Godefrois de Harcourt, li contes de Warvich, messires Renauls de Gobehem et messires Thomas de Hollandes menoient l’avantgarde, et cevauçoient à tout cinq cens lances et douze cens archiers, et ardoient et essilloient tout le pais devant euls. Et avoient ars les Englois, estans euls à Poisi les Dames, Saint Germain en Laie, la Montjoie, Saint Clo et Boulongne, et courut jusques ens ès fourbours de Paris. Et pour ce avoient esté li Parisien si esbahi, car adonc Paris n’estoit noient fremée fors de kainnes, et furent adonc toutes levées et sierées, qant li rois fu partis et venus à Saint Denis. Fos 114 et 115.
P. 147, l. 28: soissante.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: quarante. Fº 138 vº.
P. 148, l. 7 et 8: l’un à l’un des lés et l’autre à l’autre lés.—Mss. A 1 à 6, 8, 11 à 22: l’un d’un costé et l’autre d’autre. Fº 139.—Mss. A 23 à 33: l’ung à dextre et l’aultre à senestre. Fº 159.
P. 148, l. 10 et 27: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 148, l. 12: Louviers.—Mss. A 23 à 33: Loviers.—Mss. A 20 à 22: Louvres. Fº 201 vº.
P. 148, l. 30: de Dreus.—Mss. A 1, 3: d’Evreux.
P. 148, l. 31: Roem.—Mss. A 1 à 7: Rouen. Fº 139.—Mss. A 20 à 22: Rouan. Fº 202.
P. 148, l. 32: Vrenon.—Mss. A 1 à 6, 8 à 22: Vernon. Fº 139.—Mss. A 7, 23 à 33: Gysors. Fº 133, en marge. Vernon a été effacé dans le texte du ms. A 7.
P. 149, l. 2: Vrenuel.—Mss. A 1 à 6, 8 à 14, 18 à 22: Viennel. Fº 139.—Mss. A 15 à 17: Vernonnel. Fº 140 vº.—Mss. A 7, 23 à 33: Vernon. Fº 133.
P. 149, l. 4: Mantes.—Les mss. A 20 à 22 ajoutent: à chevas. Fº 202.
P. 149, l. 5 et 6: Roleboise.—Mss. A 11 à 14: Roloboise. Fº 133 vº.—Mss. A 20 à 22: Roseboise. Fº 202.—Mss. A 23 à 29: Roulleboise. Fº 159.
P. 149, l. 10: estaches.—Mss. A 11 à 14, 18, 19, 30 à 33: ataches. Fº 133 vº.—Mss. A 20 à 22: estançons. Fº 202.
P. 149, l. 15: Boulongne.—Mss. A 7, 20 à 33: petite Bouloigne. Fº 133.
P. 149, l. 16 et 25 et p. 150, l. 16: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 264. P. 150, l. 17: Ensi que.—Ms. d’Amiens: Ensi que li roys englès chevauchoit et qu’il aloit, son host traynant, messires Ghodeffroix de Harcourt, ses marescaux, qui chevauchoit d’un costet et faisoit l’avangarde à tout cinq cens hommez d’armes et douze cens archiers, encontra grant fuisson de bourgois d’Amiens à cheval et à piet et en grant arroy et riche, qui s’en alloient au mandement dou roy Phelippe, vers Paris. Si les courut sus messires Godeffroys et se routte, et les assailli vighereusement; et chil se deffendirent ossi assés vassaument, car il estoient grant fuison et de bonne gent et friche et bien armet. Là eut grosse bataille et dure et qui dura longement, et mainte belle rescousse, car chacuns se prendoit priès de bien faire le besoingne. Finablement, li bourgois d’Amiens furent là desconfit, tout mort et tout pris; peu en escappa. Et perdirent tuit leur charoy, leur arroy et leurs pourveanches qui estoient grandez et grossez; et en y eut bien mors sus le place douze cens. Et retourna li dis messires Godeffroys deviers le roy englès sur le soir, et li recorda sen aventure: dont li roys fu moult liés, quant il vit que li besoingne estoit pour lui. Si cevauça li roys avant et entra ens ou Biauvesis, ardant et essillant le plat pays, ensi comme il avoit fait en Normendie. Et chevaucha tant en telle manière que il s’en vint logier en une moult belle et riche abbeie que on claimme Saint Missiien et siet assés priès de Biauvais. Si y jut là li roys une nuit. L’endemain, si tost qu’il s’en fu partis, il ne s’en dounna de garde, si vit le feu dedens et toutte ardoir, dont il fu moult courouchiés, car il l’avoit asseuret et coummandet à ses marescaux que on n’y fesist nul mal; et ceux qui le feu y boutèrent, il lez fist pendre, affin que li aultre gardaissent une autre foix mieux son commandement. Fº 91.
—Ms. de Rome: Or cevauchièrent les Englois et entrèrent ou pais de Vexsin. Et ardirent chil de l’avant garde les fourbours de Pontoise et de Biaumont sus Oise et Cormelles en Vexsin et Sas en Vexsin et tout le pais sans nul deport, et prissent le cemin de Ghissors et de Gournai. Et ardirent les Englois Gamaces et tous les fourbours de Ghisors et de Gournai et tout le pais de Vexsin, et entrèrent en Biauvoisin. Et trouvèrent chil de l’avant garde les bourgois d’Amiens assés priès de Saint Just en Biauvesins, que li rois de France avoit mandés, et aloient passer Oize la rivière au pont à Crai. Il furent courut sus de ceuls de la bataille des marescaus et se deffendirent, car il estoient bien quatre mille. Et les conduisoient li viscontes de Qesnes, li sires de Biausaut, li sires de Sautcourt et mesires Pières de Mellincourt, et furent en bon couvenant et se conbatirent assés vaillanment; mais finablement, il furent desconfi, et en i ot biaucop de mors et de pris. Li demorans tournèrent en fuites, et se boutèrent en la Herielle et ens ès villes voisines fremées de là priès. Li quatre chevalier demorèrent prisonnier, et plus de deus cens autres honmes, qui tout paiièrent depuis raençon. Ce soir retournèrent chil de l’avant garde deviers le roi d’Engleterre, là où il estoit logiés. A l’endemain, toute li hoos passa assés priés de Biauvais, et furent li fourbours ars, et une moult rice abbeie, qui est asisse assés priès de Biauvais, que on nonme Saint Lusiien. Fº 115.
P. 150, l. 21 et 22: douze cens.—Mss. A 23 à 29: quatorze cens. Fº 160.—Mss. A 30 à 33: treize cens. Fº 184 vº.
P. 150, l. 25: viers Paris.—Ms. B 6: et estoient bien trois mille. Fº 308.
P. 151, l. 11: douze cens.—Ms B 6: quinze cens. Fº 308.
P. 151, l. 20: Saint Lusiien.—Mss. A 1 à 33: Saint Messien. Fº 140.
P. 151, l. 27: Car li rois.—Ms. B 6: car à la prière des moines et qui avoient fait present de bons vins, il leur avoit acordé, et fist pendre vingt de ceulx qui le feu y avoient bouté. Et donna encores as moines vingt des plus riches prisonniers qu’il euist de la cité de Bieauvais en restituant leur damaige: de quoy ces vingt paièrent l’un pour l’autre chacun vingt escus à ceulx de Saint Mesien pour la refescion de leur abbeie; et ne les vot onques le roy quitter de leur foy aultrement jusques à tant qu’il eurent paiet. Fº 309.
§ 265. P. 152, l. 3: Apriès chou.—Ms. d’Amiens: Quant li roys se fu partis de Saint Messiien, il s’en passa oultre par dallés le chité de Biauvais et n’y vot point arester pour assaillir, ne à assegier, car il ne volloit mies travillier ses gens, ni perdre sen artillerie, et s’en vint logier ce jour en une ville que on claimme Milli en Biauvesis. Li doy marescal de son ost passèrent si priès des fourbours de Biauvais qu’il ne se peurent tenir que il n’alaissent assaillir et escarmuchier à chiaux des barrièrez, et partirent leurs gens en trois bataillez et assaillirent à trois portez. Et y eut mout grant assault, mès peu y gaegnièrent, car à la dite chité ne peurent il riens fourfaire; mais il ardirent tous les fourbours de Biauvais jusques as portez, et deux bonnes abbeies qui seoient hors des murs de le cité, et à leur departement, pluisseurs villages entours le chité. Et se deseverèrent li doy marescal li ungs de l’autre. Si en allèrent li ungs chà, li autres là, ardant, robant et essillant le pays de tous costéz; et allèrent tant en telle mannierre qu’il vinrent au soir logier à Milli dallés le roy leur seigneur.
L’endemain, li roys se parti de Milli et s’en alla parmy le pays, gastant et essillant à son pooir, et vint logier à une bonne grosse ville que on claimme Grantviller. L’endemain, il s’en parti et passa par devant Argies; et ne trouvèrent nullui qui gardast le castiel. Si l’ardirent et tout le pays d’environ jusquez à le ville de Pois, là où il trouvèrent bonne ville et deux castiaux, mès nuls des seigneurs n’y estoit, ne nullez gardez n’y avoit, fors deux belles damoiselles, filles au seigneur de Pois, qui tantost ewissent estet viollées, se n’ewissent esté doy chevalier d’Engleterre qui les deffendirent et les menèrent au roy pour ellez garder: che furent messires Jehans Camdos et li sires de Basset. Liquelx roys, pour honneur et gentillèche, leur fist grant feste et les envoya conduire à sauveté là où ellez veurent aller. Et se loga li roys le nuit en le ditte ville et ou plus bel castel de Pois, et toutte son ost ens ès vilettes d’entour. Celle nuit parlementèrent les bonnez gens de Pois as marescaux de l’ost que li ville deut y estre rachatée parmy une somme de florins à paiier au matin. Quant ce vint au matin, li roys se desloga et se mist au chemin à tout son host, excepté aucuns qui demorèrent pour recepvoir le racat.
Quant chil de le ville furent assamblet et il virent que li hos s’estoit partis et que cil qui demouret estoient, n’estoient que ung petit de gens, il n’eurent talent de paiier, ainschois les coururent seure pour ocire. Chil Englès se missent à deffensce et envoiièrent apriès l’ost querre secours. Li messages s’en alla quanqu’il pot, criant: «Trahi! trahi!» Quant chil de l’ost l’entendirent, il retournèrent qui mieux mieux, tant qu’il vinrent à Pois, et tuèrent chiaux qu’il trouvèrent, qui lasqueté et fraude leur avoient fait; et ardirent le ville et le castiel si netement qu’il n’y demora maison. Puis s’en alla li hos, et ne cessa si vint à Airainnes. Là endroit fist criier li roys sur le hart que nulx ne fourfesist à le ville, car il y volloit reposer ung jour ou deux. Che fist il pour tant qu’il volloit querre avis par quel pas il polroit le rivierre de Somme passer plus aise. Fº 91.
—Ms. de Rome: Et s’en vinrent logier ce jour à Grantvillers, et passèrent la rivière de Tierain, et puis vinrent à Dargies, ardant et essillant tout le pais. Si ne trouvèrent chil de l’avant garde nului qui deffendissent ne gardaissent le chastiel de Dargies. Si le prissent à petit de fait et le desemparèrent, et le ardirent ce que ardoir en porent; et puis passèrent oultre, ardant et exillant le pais à tous lés. Et vinrent ensi jusques à Pois, là où il trouvèrent bonne ville et deus chastiaus, mais nuls des signeurs n’i estoient, ne nulles gardes n’i avoit, fors deus belles jones damoiselles, filles au signeur de Pois, Jehane et Marie, qui tantos euissent esté violées, se ne fuissent doi gentil cevalier d’Engleterre, asquels la congnisance vint de la prise, mesire Jehan Candos et mesire Renault de Basset, qui tantos les delivrèrent, pour la cause de gentilèce, des mains d’archiers qui les avoient, et les amenèrent au roi: liquels rois en ot pité, et lor demanda où elles vodroient estre, et elles respondirent: «A Corbie.» Là les fist li rois mener et conduire sans peril. Et se loga li rois celle nuit en la ditte ville de Pois et toutes ses gens, là ou environ, au mieuls qu’il peurent. Et orent celle nuit parlement li honme de Pois et ceuls des deus chastiaus, à mesire Godefroi de Harcourt et au conte de Warvich qui gouvrenoient l’avantgarde, pour euls sauver de non estre ars à l’endemain, car il doubtoient ce grandement au deslogement dou roi. Et se porta trettiés que, parmi une sonme de florins que il paieroient à l’endemain et trop bon marchiet, il seroient respité.
A l’endemain, li rois et toute li hoos se deslogièrent et se missent au cemin; et demorèrent derrière auquns hommes d’armes et archiers, pour recevoir cel argent. Mais qant li hoos fu eslongie environ une lieue, ces honmes de Pois ne vorent point paier, ne nulle paction tenir; mais coururent sus ceuls qui demoret estoient, et en ocirent et mehagnièrent auquns. Les nouvelles vinrent à ceuls de l’arieregarde, qui cevauçoient tout derrière, conment li bonhonme de Pois estoient faussaire. On le segnefia au roi, pour sçavoir quel cose il en voloit faire. Li rois fist arester toute l’oost et là logier pour ce jour, et envoia ses marescaux de rechief à Pois. Qant les Englois furent retourné jusques à là, il trouvèrent ces bonhonmes qui estoient rebelles, qui tantos furent en voies, qant il veirent ces Englois venus; mais il en i ot des atrapés biaucop, qui furent mors et mehagniet. Et fu la ville de Pois toute arse, et li doi chastiel ars et abatu; et puis retournèrent li marescal, là où li rois d’Engleterre estoit logiés.
Qant ce vint à l’endemain, li rois et toute li hoos se deslogièrent et cevauchièrent viers Arainnes, ardant et essillant le pais à destre et à senestre. Et vinrent à Arainnes environ tierce, et là s’arestèrent, car il ne savoient là, ne où, ne qant, il passeroient la rivière de Sonme. Fº 115.
P. 152, l. 17: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 152, l. 26: Grantviller.—Mss. A 1 à 6, 11 à 29: Grantvillier. Fº 140.