Chroniques de J. Froissart, tome 03/13 : $b 1342-1346 (Depuis la trêve entre Jeanne de Montfort et Charles de Blois jusqu'au siége de Calais)
P. 152, l. 28: Argies.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: Orgies. Fº 140.—Le ms. B 6 ajoute: qui estoit au conte de Blois. Fº 309.
P. 153, l. 19: se rançonnèrent.—Ms. B 6: à paier douse cens florins dedens trois jours. Fº 310.
§ 266. P. 154, l. 21: Or voel je.—Ms. d’Amiens: Or voeil retourner au roy Phelippe de France, qui estoit à Saint Denis ou là environ, et tousjours li venoient et croissoient gens de tous costéz, et tant en avoit que sans nombre. Si estoit li dis roys partis de Saint Denis o grant baronnie en instance de che que de trouver le roi englès et de combattre à lui, car de ce avoit il grant desir, pour contrevengier l’arssin de son royaumme et le destruction que li Englès y avoient fait. Et chevauça tant li roys de France par ses journées qu’il vint à Coppegni le Quisiet, à troix lieuwes priès d’Amiens, et là s’aresta pour atendre ses gens qui venoient de touttez pars, et pour aprendre le couvenant des Englès.
Or dirons dou roy Edouwart qui estoit à Arainnes arestéz, si comme vous avés oy, et avoit mout bien entendu que li roys de Franche le sieuwoit o tout son effort; et si ne savoit encorrez là où il poroit passer le rivierre de Somme, qui est grande, large et parfonde; et si estoient tout li pont deffait ou si bien gardet de bonnes gens d’armes que le rivierre ne porroit passer. Si appella li roys ses deux marescaux, le comte de Warvich et monseigneur Godeffroit de Halcourt, et leur dist que il presissent mille hommez d’armes et deux mille archiers tous bien montés, et s’en alaissent tastant et regardant seloncq le rivière de Somme, se il poroient trouver passaige là où il poroit passer et toutte sen host. Si se partirent li doy marescal dessus noummet, bien acompaigniet de gens d’armes et d’archiers, et passèrent parmy Loingpret et vinrent au Pont à Remy, et le trouvèrent bien garny de grant fuisson de chevaliers et d’escuiers et des gens dou pays, qui là estoient assamblet pour le pont et le passaige deffendre et garder. Si vinrent là li Englès, et se missent à piet et en bon couvenant pour lez Franchois assaillir. Et y eut très grant assault et très fort, et qui dura dou matin jusques à primme, mès li pons et la deffensce estoient si bien batillie et deffendue, que oncques li Englès n’i peurent riens concquerre; ainschois s’en partirent et chevauchièrent d’autre part. Et vinrent à une grosse ville que on claimme Fontainne sur Somme; si l’ardirent toutte et robèrent, car elle n’estoit point fremmée. Et puis vinrent à une autre ville que on claimme Loncq en Pontieu sur Somme; si ne peurent gaegnier le pont, car il estoit bien garnis et fu bien deffendus. Apriès, il s’en chevauchièrent deviers une autre grosse ville que on claimme Loncqpret sur Somme. Et y a bonnes chanonneries et riche ville et moult de biaux hostelx, qui tout furent ars et robés, et n’y demoura maison en estant; mès li pons estoit deffais, et ne peurent veoir mannierre ne tour coumment il fuist refèz. Si chevaucièrent encorres deviers Pikegny, et trouvèrent le ville et le castiel et le pont bien garny, par quoy jammais ne l’ewissent gaegniet ne pris. Enssi avoit li roy Phelippes fait pourveir les destroix et les passaiges sus le rivierre de Somme, affin que li roys englès ne son host ne pewissent passer, car il les volloit combattre à se vollenté ou afammer par delà le Somme. Fº 91 vº.
—Ms. de Rome: Bien lor avoit dit messires Godefrois de Harcourt que desous Abbeville devoit avoir un passage, mais que on seuist ou peuist prendre la mer à point. On li demanda quels li pasages estoit, et se point il l’avoit passet. Il respondi: «Onques ne le passai. Je ne le sçai fors par oïr dire. Et toutes fois, entre Amiens et Abbeville, il i a pluisseurs passages sus la rivière de Sonme. On deveroit envoiier taster se li pont sont deffait ou bien gardé.»
Li rois i envoia; et en furent esleu et ordonné pour aler, li contes de Warvich et messires Godefrois de Harcourt, à tout mille honmes d’armes et deus mille archiers, tous bien montés. Si se departirent de Arraines et cevauchièrent parmi Lonchpret, et vinrent au Pont à Remi, et le trouvèrent bien garni et pourveu de grant fuisson de chevaliers et d’esquiers et des honmes dou pais qui là estoient assamblé. Et en estoient chapitainne li sires de Doumarc, li sires de Havesqerqe, li sires de Brimeu, li sires de Boubert et li sires de Saintpi, et avoient mallement fortefiiet le pont, et euls aussi. Qant les Englois veirent ce, il passèrent oultre et vinrent à Fontainnes sus Somme, une grose ville, et l’ardirent toute, car elle n’estoit point fremée. Et puis vinrent à Lonch en Pontieu, et trouvèrent le pont bien garni et pourveu de gens d’armes et d’archiers; et estoit cose imposible de euls conquerre et là passer. Fos 115 vº et 116.
P. 154, l. 23: de tous lés.—Ms. B 6: tant de l’Empire que des parties de Franche; et sy atendoit le conte de Savoie et mesire Lois de Savoie son frère qui estoit priès et mandés à mille lanches. Fº 311.
P. 155, l. 3: Copegni l’Esquissiet.—Mss. A 1 à 6: Compegny l’Esquissié. Fº 241.—Mss. A 15 à 17: Copigny l’Esquiessié. Fº 142.—Mss. A 20 à 22: Copegni l’Escuissé. Fº 204.—Mss. A 23 à 29: Coppigny l’Esquisié. Fº 161.—Mss. A 7 à 14, 18, 19, 30 à 33: Coppegni l’Esquissié. Fº 134 vº.—Ms. B 6: Coppegny. Fº 311.
P. 155, l. 23: Pont à Remi.—Ms. A 7: Pont Atemi. Fº 135.—Mss. A 30 à 33: Pont Athemy. Fº 186 vº.
P. 156, l. 3: sus Somme.—Ms. A 7: sus Sainne. Fº 135.
P. 156, l. 5: Lonch.—Mss. A 20 à 22: Loing. Fº 204 vº.—Mss. A. 30 à 33: Long. Fº 186 vº.
P. 156, l. 24: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 267. P. 156, l. 16: Quant li doi.—Ms. d’Amiens: Quant li marescal d’Engleterre eurent enssi un jour enthier tastet et chevauchiet et costiiet le rivierre de Somme, et il virent que de nul léz il ne trouveroient point de passage, si retournèrent arrière à Arainnes deviers le roy leur seigneur, et li recordèrent leur cevaucie et tout ce que trouvet avoient.
Che meysme soir, vint li roys de Franche jesir à Amiens à plus de cent mil hommes, et estoit tous li pays d’environ tous couviers de gens d’armes.
Quant li roys englès eut entendu ses deux marescaux, si n’en fu mies plus liés et coummencha moult à muser; et coummanda que, l’endemain au matin, il fuissent tout appareilliet, car il se volloit deslogier de là. Si se passèrent le nuit enssi, et l’endemain bien matin, li roys englès oy messe; puis sonnèrent les trompettes, et montèrent tout à cheval. Et chevaucha li roys parmy le Vismeu, à tout son host, droit par deviers Oizemont et le bonne ville de Abbeville en Pontieu, et si coureur devant, et de tous costés ardans et essillans le pays, si comme il avoit coummenchiet.
Che meysme jour coummanda li roys de Franche à monseigneur Godemar dou Fay, que il partesist d’Ammiens et presist grant fuisson de gens d’armes, et s’en allast à le Blancque Take desoubz Abbeville et gardast là le passaige contre lez Englès, par quoi il ne pewissent passer. Adonc se departi messires Ghodemar dou Fay et prist bien deux mil hommez d’armes et cinq mil de piet parmy les Geneuois, et s’en vint là où il estoit ordounnés et establis pour aller. Fº 92.
—Ms. de Rome: Qant il (les Anglais) veirent que tout li pasage estoient si bien pourveu et deffendu, il retournèrent viers le roi et toute l’oost, qui les atendoient à Arrainnes, et li recordèrent ce que il avoient trouvé.
Bien avoient entendu li roy d’Engleterre et ses consauls, que li rois Phelippes, à toute sa poissance, le poursievoit moult fort et estoit jà venus à Amiens, et que sur ce il euissent avis et consel. Si fu li dis rois d’Engleterre consilliés de departir d’Arraines et de aprocier Abbeville et le pasage de la Blance Taqe, où il esperoient à passer, car trop mieuls lor valoit que il atendesissent apriès le passage, que li passages atendesist apriès euls. Si se departirent au matin de la ville d’Arraines et chevauchièrent viers Abeville, ardans et essillans le pais. Et coururent chil de l’avantgarde jusques à Aumale, et fu la ville arse; et puis s’en retournèrent viers Oizemont, où li rois d’Engleterre et les Englois, pour ce jour, avoient pris lor logeis. Et trouvèrent sus lor cemin une grose ville non fremée qui s’apelle Sénartpont et se gouverne toute de la draperie: si fu de l’avant garde toute courue et arse; et puis passèrent oultre et vinrent à Oizemont. Là trouvèrent il le roi et toute l’oost; si se logièrent pour ce jour. Fº 116.
P. 156, l. 27 et 28: à muser et à merancolier.—Mss. A 1 à 6, 8 à 14, 18, 19: à avisier et soy merencolier. Fº 141 vº.
P. 158, l. 1: le Blanke Take.—Mss. A 1 à 6, 8 à 14, 18 à 22: Blanche Tache. Fº 141 vº.—Mss. A 7, 15 à 17, 23 à 33: la Blanche Take ou Tacque ou Taque. Fº 135 vº.—Ms. B 6: entre Saint Vallery et le Crotoy desoubz Abeville. Fº 313.
P. 158, l. 15: combatans à tournikiaus.—Mss. A 1 à 6, 8 à 10: tourniquiens, turniquiens. Fº 142.—Mss. A 15 à 17, 20 à 22: Tournoisiens, Tournisiens. Fº 142 vº.
§ 268. P. 158, l. 16: Apriès ceste ordonance.—Ms. d’Amiens: Encorrez coummanda li roys de Franche que tout seigneur et aultre fuissent prest, car il volloit chevaucier deviers Arainnes, là où on disoit que li roys englès estoit. Et se parti d’Ammiens et passa le Somme parmy les pons, et chevaucha vers Arainnes et y vint à heure de nonne. Et li rois englès s’en estoit partis au matin; et encorres trouvèrent li dit Franchois assés des pourveanches as Englès. Si se loga li roys de Franche à Arainnes à l’heure qu’il y vint et le soir ossi, et l’endemain tout le jour, pour attendre ses gens et son grant host qui le sieuwoient.
Li roys englès, qui chevauchoit parmy le Vismeu, ardant et essillant le pays, fist tant que il parvint à Maroel. Et ardirent ses gens le ville, et assaillirent le castiel, et le concquissent d’assault et le abatirent et rompirent, et ossi une abbeie qu’il trouvèrent bien garnie en le ville de Maroel. Et puis chevaucièrent devers Oisemont, ardant et essillant le pays, tant que les flameskes en volloient en Abbeville. Tant allèrent li Englès en celle mannierre qu’il aprochièrent le ville de Oisemont, là où tout le pays de Vismeu estoit assambléz. Quant ces gens, qui estoient en Oisemont, virent aprochier cez Englès, il se traissent hors as camps, et se quidièrent bien deffendre encontre yaux; si les coururent seure asprement et vistement. Et avoient pour cappittainne un bon chevalier banereth, le seigneur de Bouberk, hardi homme durement. Là y eut grant hustin et dur. Et eurent li Englès une mout fort rencontre, et en y eult pluisseurs navrés et blechiés. Et trop bien s’i portèrent li Franchois; mais finablement il furent si dur combatut, et tant y sourvint de nouvelle gent sus yaux, que il perdirent le place, et les couvint partir et rentrer en le ville à grant meschief. Et y fu li sires de Bouberk très bons chevaliers, bien assallans et bien deffendans, et fu pris et prisonniers à monseigneur Jehan Camdos. Et ossi y furent pris li sirez de Brimeu, li sirez de Sains, li sirez de Louville, li sirez de Saint Pi et pluisseur autre chevalier et escuier. Et entra li roys en le ville de Oizimont et se loga ou grant hospital, et touttes ses gens en le ville ou environ, sus une petite rivierre. Et che meysme jour que li ville de Oisimont fu prise, courut messires Ghodeffroy de Harcourt, à tout une cantitet de gens d’armes et d’archiers, jusques à Saint Wallery. Et là eut une grant escarmuche et grant hustin, car li ville et li castiel estoient bien pourveus de bonnes gens d’armez, dont li comtez de Saint Pol et messires Jehans de Lini estoient chief. Et n’i peurent li Englès [riens] concquerre; si retournèrent arrierre deviers le roy englès, et le trouvèrent à Oizimont. Liquelx roys estoit moult penssieux coumment il poroit passer le rivierre de Somme, car bien savoit que li roys de Franche le sieuwoit à tout très grant effort. Si en fist li roys englès parler à aucuns chevaliers franchois qu’il tenoit pour prisonniers. Et leur faisoit proumettre grant courtoisie, mès que il li volsissent enssignier un passaige pour passer le Somme, liquelx devoit y estre ens ou pays entre Vismeu et Pontieu; mais li chevalier, pour leur honneur, s’escusoient et disoient que nul n’en y savoient.
Quant li roys englès, qui estoit logiés ou grant hospital de Oizimont, vit che qu’il ne porroit atraire aucuns chevaliers franchois dou pays de Pontieu et d’ailleurs qu’il tenoit pour prisonniers, affin que il li vosissent ensseignier passage pour passer et toutte sen host le rivierre de Somme, et tout s’escuzoient pour leur honneur, si eut li roys englès autre advis et conseil, que il fist venir devant lui gens de menre estat et de le droite nation dou pays de Vismeu, que il tenoit pour prisonniers, si leur dist enssi: «Se il a chi homme nul qui me voeil enssegnier le passage, pour passer le rivierre de Somme, et toutte mon host, je le quitteray de se prison et avecq lui cinq ou six de ses compaignons pour l’amour de lui, et li donray cent noblez d’Engleterre.»
Là eut un compaignon que on clammoit Gobin Agache, qui bien congnissoit le passaige de le Blanke Take, car il avoit estet nouris assés priès, et l’avoit passet et rappasset pluisseurs fois. Quant il oit le proummesse dou roy, si eut grant joie, tant pour gaegnier lez florins que pour estre delivréz de prison; si dist ensi: «Sire, oil, en nom Dieu, se vous me volléz tenir couvent, je vous menray demain au matin en tel lieu là où tout vostre ost sera passéz avant tierche, sour l’abandon de ma teste. Je say ung gués là où douze homme passeraient bien de froncq deux foix entre jour et nuit, et n’aroient de l’yauwe plus hault que jusques à genoulx. Car li fluns de le mer est: en venant, il regorge la rivierre si contremont, que nuls n’y poroit passer; mès quant chilx fluns, qui vient deux foix entre jour et nuit, s’en est tout rallés, li rivierre demeure là endroit si petitte, que on y passe bien aise à piet et à cheval. Che ne fait on nulle part que là, fors au pont à Aubeville, qui est forte ville et grande et bien garnie de gens d’armes. Et à ce passage, sire, que je vous di, a gravier de blanke marle, forte et dure, que on y puet seurement chariier, et pour ce le appell’on le Blancque Take.»
Quant li roys oy les parolles dou varlet, il n’ewist mies estet ossi liés qui li ewist donnet vingt mil escus; et li dist, s’il le trouvoit en veritet, qu’il quitteroit tous sez compaignons pour l’amour de lui, et li amenderoit son couvent. Et Agace li respondi: «Sire, oil. Ordonnés vous sour ce, et pour y estre là sus le rivierre, devant soleil levant.» Dist li roys: «Vollentiers.» Puis fist savoir par tuit son host que chacuns fust armés et appareilliéz au son de le trompette, pour mouvoir et departir de là pour aller ailleurs. Fº 92.
—Ms. de Rome: Ce jour que li rois d’Engleterre se departi d’Arainnes et que il vint à Oizemont, li rois Phelippes de France se departi de la chité d’Amiens et prist le cemin de Arainnes. Et estoit li intension de li, quel part que il trouveroit le roi d’Engleterre et les Englois, il les combateroit. Et avoit envoiiet devant, pour garder le pas à la Blance Taqe grant fuisson de gens d’armes, des quels messires Godemars dou Fai estoit chapitains, car on avoit enfourné le dit roi que les Englois ne pooient avoir autre passage que par là. Qant li rois de France vint à Arainnes, les Englois en estoient parti dou matin. Encores trouvèrent les François biau cop de lors pourveances, les pains ou four, et les chars ens ès hastiers, de quoi les pluisseurs se disnèrent. Li rois de France se tint à Arainnes. Gens d’armes et arbalestriers geneuois le sievoient de toutes costés. Encores estoient à venir li contes Amé de Savoie et messires Lois de Savoie, ses frères, et amenoient bien cinq cens honmes d’armes. Li bons rois de Boesme et mesires Carles, ses fils, et leurs routes sievoient le roi de France, et se logoient au plus priès de li que il pooient. Tant de peuple venoient de tous lés que mervelles seroit à penser; tous les camps estoient couvers de gens et de charoi, qui poursievoient le roi. On disoit au roi: «Sire, cevauchiés par ordenance. Les Englois sont enclos: il ne pueent avoir nullement le pasage de la Blanqe Taqe si apparilliet, avoecques ce que mesires Godemars dou Fai et grant gent d’armes sont par de delà la rivière de Sonme, qui le garderont et deffenderont; et vous et li vostre, lor venrés d’autre part au dos. Comptés ensi: il sont vostre, car il ne sont que une puignie de gens ou regart des vostres. A celle fois chi, en auerés vous raison; il ne vous pueent fuir ne escaper, se il ne mucent en terre.» Fº 116.
P. 159, l. 18: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 159, l. 19: Gobin.—Mss. A 11 à 14: Colin. Fº 136.—Mss. A 20 à 22: Robin. Fº 205 vº.
P. 159, l. 19: Agace.—Mss. A 20 à 22: Agache. Fº 205 vº.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Agathe. Fº 142.
P. 159, l. 22: passet.—Ms. B 6: le plus grosse nefs d’Espaigne y passeroit. Fº 314.
P. 160, l. 15: cent nobles.—Mss. A 15 à 17: cent nobles d’or. Fº 143.
P. 160, l. 19 et 21: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 269. P. 160, l. 22: Li rois d’Engleterre.—Ms. d’Amiens: Li roys ne dormy mies gramment celle nuit, ains se leva à le mienuit, et fist sounner le tronpette. Chacuns fu tantost appareilliéz, sommiers tourssés, chars cargiés. Si se partirent, sour le point del jour, de le ville de Oizemont, et chevauchièrent sour le conduit de ce varlet et de ses compaignons, parmy le pays que on claimme Vismeu, tant qu’il vinrent à soleil levant assés priès de che gués que on claimme à le Blancque Take; mès li fluns de le mer estoit adonc tous plains: si ne peurent passer. Ossi bien couvenoit il au roy atendre sez gens qui venoient apriès lui. Si demoura là endroit jusques apriès prime, que li fluns s’en fu tous rallés. Et ainssois que li fluns s’en fuist rallés, vint d’autre part messires Godemars dou Fay à grant fuisson de gens d’armes, envoiiéz de par le roy de Franche, si comme vous avés oy. Et avoit li dis messires Godemars rassamblet grant fuisson des gens dou pays à piet et à cheval avoecq les siens, qui tantost se rengièrent sour le pas de le rivierre pour deffendre le passage. Mais li roys englès ne laissa mies à passer pour che; ains coummanda à ses marescaux tantost ferir ou gués et sez archiers traire fortement as Franchois. Là commença ungs fors hustins, car messires Godemar et li sien deffendoient vassaument le passaige. Là y eut aucuns chevaliers et escuyers franchois d’Artois et de Pikardie et de le carge monseigneur Godemar, qui, pour leur honneur avanchier, se freoient ou dit gués et venoient d’encontre jouster as Englès. Là eut mainte belle jouste et maintez bellez appertisses d’armes faittes. Et vous di que li Englès eurent là ung mout dur encontre, car tout ceux qui estoient avoecq monseigneur Godemar envoiiet pour garder et deffendre le passage de le Blancque Taque, estoient gens d’eslite, et se tenoient bien rengiet et sus le destroit dou passage de le rivierre: dont li Englès estoient dur rencontré, quant il venoient à l’yssue. Et y avoit Geneuois qui dou tret leur faisoient mout de maux; mais li archier d’Engleterre traioient si fort et si ouniement qu’à merveillez, et entroez qu’il ensonnioient les Franchois, gens d’armes passoient. Et sachiés que li Englès se prenoient bien priès de bien yaux combattre, car il leur estoit dit que li roys de Franche les sieuwoit à plus de cent mil hommes. Et jà estoient aucun compaignon coureur de le partie des François venus jusques as Englès, et qui en reportèrent vraies enssaingnes au roy dez Franchois, si comme vous oréz dire. Fº 92 vº.
—Ms. de Rome: Or retourrons au roi d’Engleterre, qui estoit en la ville d’Oisemont, à quatre lieues priès d’Abeville, et avoit entendu, par auquns prisonniers que ses gens avoient pris, que li rois de France, à grant poisance, estoit venus à Arainnes et le sievoit fortement. Li rois d’Engleterre desiroit à avoir passet la rivière de Sonme, avant que li François venissent sur lui. Et fu ordonné, la nuit que il se loga à Oisemont, que, tantos apriès mienuit, on se deslogeroit, et fu conmandé que on sievist les banières des marescaus. Tout ensi que il fu ordonné, il fu fait; et sonnèrent les tronpètes des mareschaus tantos apriès mienuit. Toutes manières de gens, au son des tronpètes, sallirent sus et se resvillièrent et armèrent; au secont son des tronpètes, on toursa et apparilla, et se missent toutes gens en ordenances des batailles, ensi que il devoient estre et aler. Au tier son, tout montèrent à ceval et se departirent et prissent le cemin, et jà estoit l’aube dou jour apparant, et se missent sus les camps; et ne laissièrent nulle cose derrière, et esqievèrent le cemin pour aler à Abeville, et prissent celi de la Blanqe Taqe. Si bien se esploitièrent que, sus le point de solel levant, le flun estoit tous plains; et qant il vinrent au pas, il trouvèrent que la mer weboit et se mettoit au retour. Donc dissent il: «Vechi bonnes nouvelles: avant que l’arrière garde soit venue, li avantgarde passera.» Messires Godemars dou Fai et sa carge estoient d’aultre part la rivière de Sonme. Et avoient les gens d’armes requelliet et assamblet parmi tout le pais et fait venir avoecques euls, et avoient les arbalestriers d’Amiens, d’Abeville, de Saint Riqier et tous les arbalestriers des villes là environ et les honmes de deffense aussi. Et estoient bien douse mille, et quidoient bien garder le pasage, mais non fissent, ensi que je vous recorderai; mais avant je vous parlerai un petit dou roi de France.
Qant ce vint le joedi au matin, li rois de France, qui logiés estoit à Arainnes, se desloga et envoia ses coureurs devant pour descouvrir le pais, et pour avoir nouvelles des Englois. Et vinrent à Oizemont, et trouvèrent encores grant apparel de chars en hastiers, à moitié quites, là laissies, et des pastés grant plenté ens ès fours, et des chars en caudrons et en caudières sus le feu, qui n’estoient point quites. Et disoient li auqun François: «Les Englois sont malescieus. Il ont tout volentiers laissiet ces pourveances en cel estat, à la fin que nous nos i ataqons. Il n’i a gaires que il se departirent de chi.» Les nouvelles vinrent au roi de France, là où il cevauçoit entre Arainnes et Oisemont, et mesire Jehan de Hainnau en sa compagnie, et li fut dit et nonchiet le couvenant des Englois. Adonc fist li rois haster ses gens, et vint à Oisemont ensi que à heure de tierce; et entra en la ville et descendi à l’ostel des Templiers, et là s’aresta, et toute li hoos aussi. Et destoursèrent les sonmiers et les pourveances, et burent et mengièrent un petit, et puis tantos retoursèrent et missent à voiture. Et fu adonc conmandé que tout voiturier et charoi et sonmiers presissent le cemin de Abbeville et tournaissent celle part, et toutes gens d’armes et de piet sievissent les banières des marescaus. Ensi conme il fu ordonné, il fu fait. Tout se departirent de Oizemont, et n’i arestèrent li François, depuis que il i furent venu, que une heure; et se missent tout au cemin en ordenance de bataille et en grande volenté de trouver les Englois, à ce que il moustroient. Les Englois, qui estoient venu sus le pas de Blanqe Taqe pour passer oultre, n’eurent aultre espasce de loisir que ce que li François missent à venir de Oizemont à la Blanque Taque, où il puet avoir de cemin environ cinq lieues. Or vous recorderai conment la besongne se porta celle journée que les Englois vinrent pour passer la rivière de Sonme.
Mesires Godemars dou Fai et sa poissance estoit d’aultre part l’aige, ens ou pais de Pontieu; et les François estoient avoecques lui, tout rengiet et ordonné en bataille sus le rivage. Li rois d’Engleterre et ses gens estoient en Vismeu: ensi se nonme le pais où il se tenoient. Et bien veoient François et Englois l’un l’autre; et atendirent là les Englois tant que la rivière fu bien ravalée. Mais les Englois, qui desiroient à passer, le prissent moult vert, car bien sçavoient que les François les poursievoient, et si veoient lors ennemis d’aultre part la rivière. Et avint que pluisseur chevaliers et esquiers, qui se desiroient à avancier et à faire armes, brochièrent cevaus des esporons, les lances ens ès poins et les targes au col, et entrèrent en la rivière. D’aultre part, chevaliers et esquiers françois, qui veoient les Englois venir, se vorrent aussi avanchier et se boutèrent contre euls en la rivière. Et i ot fait des joustes au plat de la rivière... abatus et bien moulliés et noiiés, qui ne les euist rescous. Finablement toutes manières de gens se missent au pasage et en haste de passer. Là couvint que Englois fuissent bonnes gens d’armes et de grande ordenance; car les François, qui estoient d’aultre part, les empeçoient et ensonnioient ce qu’il pooient. Fos 116 vº et 117.
§ 270. P. 162, l. 21: Sus le pas.—Ms. d’Amiens: Sus le pas de le Blancque Take fu la bataille dure et forte, et mout bien gardée et deffendue des Franchois; et maintes belles appertisses d’armes y eut ce jour fait, d’un lés et de l’autre. Mais finablement li Englès passèrent oultre, à com grant mesaise que ce fuist, et se traissent sus lez camps. Depuis qu’il eurent gaegniet le pas de le rivière et qu’il furent sur lez camps, li Franchois furent tantost desconffis. Et y eut là grant occision et maint homme mort de Abbeville, de Saint Rikier, de Rue, de Monstroel, dou Crotoi et dou pays de Pontieu, qui là estoient tout assamblet. Et s’en parti messires Godemars durement navrés et aucuns chevaliers et escuiers de se routte, et en laissièrent pluisseurs mors et pris. Quant li Englès, qui premiers estoient passet, furent oultre, il fissent voie as darrains et à leurs charoy et à leurs pourveanches. Encorrez n’estoient il mies tout oultre, quant aucun escuier as seigneurs de Franche qui aventurer se volloient, especiaulment de chyaux de l’Empire, dou roy de Behaingne et de monseigneur Jehan de Haynnau, vinrent sur yaux, et concquissent aucuns chevaux et harnas et tuèrent des Englès sour le rivaige, qui mettoient painne à passer, affin qu’il fuissent tout oultre. Les nouvellez vinrent au roy Phelippe de Franche, qui chevauchoit fortement celle matinée, et estoit partis de Arainnes, que li Englès avoient passet le Blancque Taque et desconfit messire Ghodemar et se routte. De ces nouvellez fu li roys moult courouchiés, car il quidoit bien trouver là les Englès sus le passage. Si demanda se il poroit passer à le Blancque Take: on li respondi que nenil, car li fluns de le mer commençoit jà à remonter. Dont eut conseil li roys de venir passer le rivierre de Somme au pont à Abbeville, et retourna mout courouchiéz, et s’en vint ce joedi jesir à Abbeville. Et toutte sen host sieuwy ce train, et vinrent li seigneur logier en le ditte ville et ou pays environ, car tout n’y pooient mies y estre logiéz, tant estoient grant fuison. Fº 92 vº.
—Ms. de Rome: Et avant que li Englois fuissent tout passet, il i ot grande escarmuce et maint homme reversé. Toutes fois, li Englois passèrent oultre, à quel mescief que ce fust; et ensi que il passoient, il prendoient terre et s’ordonnoient sus les camps. Sitos que ces bonhonmes dou pais, que messires Godemars avoit amené pour li aidier à garder et à deffendre le pasage, sentirent les saiettes de ces archiers, et que il en furent enfillé, il se desroutèrent tout, et ne tinrent point de ordenance et de conroi, mais tournèrent les dos et laissièrent les gentils honmes combatre et faire ce que il pooient. Se les Englois euissent aussi bien entendu au cachier et au prendre prisonniers, que il entendirent à lor charoi et sonmiers à metre hors de la rivière, il euissent porté plus de damage assés les François que il ne fissent. Qant messires Godemars dou Fai vei le grant mescief qui tournoit sus euls, et que tout li Englois estoient oultre, et que, de sa poissance, ce n’estoit riens, car moult de ses honmes fuioient et se sauvoient, si s’apensa que il se sauveroit aussi, car point n’i avoit de recouvrier. Si prist les camps et fist retourner sa banière avoecques lui. Et me fu dit que chils qui le portoit, le bouta en un buisson, car elle l’ensonnioit au brocier son ceval, et que là elle fu trouvée en ce jour meismes des Englois. Messires Godemars, tous desconfis et desbaretés, et auquns chevaliers de sa route, s’en vinrent à Saint Riqier en Pontieu, et là se tinrent pour aprendre des nouvelles et où li rois de France estoit. Or, vous parlerons dou roi d’Engleterre, conment il persevera depuis que il ot conquis le pasage. Fº 117.
P. 162, l. 22: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 162, l. 30: desconfit.—Ms. B 6: Toutefois les Englès vinrent sy enforchiement que il conquirent la rivière et prirent terre et desconfirent tous les Poulyés et Normans qui là estoient. Et y fut pris le conte de Dreus, le sire de Castillon, le sire de Pois, le sire de Briauté, le sire de Cresecque, le sire de Bourbourc, messires Hectors Kierés et grant foison de chevaliers et d’escuiers. Et en y eult mors, que d’un que d’autre, bien six mille. Et s’eufuy messires Godemars et se sauva. Fº 315.
P. 163, l. 6: de Rue.—Mss. A 30 à 33: d’Arras. Fº 186 vº.
P. 163, l. 6: Saint Riquier.—Mss. A 20 à 22: Saint Richier. Fº 206 vº.
P. 163, l. 7: plus d’une grosse liewe.—Mss. A 20 à 22: plus de deux grosses lieues. Fº 206 vº.
§ 271. P. 164, l. 5: Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Or parlerons dou roy englès coumment il persevera depuis qu’il fu passés à le Blancque Take, et qu’il eult desconfi monseigneur Godemar dou Fay et lez Franchois. Il s’aroutèrent et se missent en ordonnance si comme il avoient fait par devant en venant jusques à là, et chevauchièrent tout bellement et à leur aise. Quant il se trouvèrent en Pontieu et le rivierre de Somme à leur dos, si en loa li roys englès ce jour Dieu par pluisseurs foix, qui tel grasce li avoit fait, et fist venir avant le varlet qui le passaige li avoit enssaigniet, et li quitta se prison et à tous ses compaignons pour l’amour de lui, et li fist delivrer cent noblez et un bon ronchin: de celui ne say jou plus avant. Mais li Englès chevauchièrent tout souef et tout joyant, et eurent che jour empensset de logier en une bonne et grosse ville que on claimme Noyelle, qui priès de là estoit; mès quant il seurent que [elle estoit à] la comtesse d’Aubmarle, qui estoit serour à monseigneur Robert d’Artois, qui trespassés estoit, il assegurèrent le ville et le pays appertenans à le damme pour l’amour de lui, de quoy elle remerchia mout le roy et les marescaux. Si allèrent logier plus avant ens ou pays en aprochant la Broie. L’endemain au matin, chevauchièrent li marescal englès et vinrent jusquez au Crotoy, qui est une bonne ville et marcande et bon port de mer; si le gaegnièrent à peu de fait, car elle n’estoit point fremmée: si le pillièrent et robèrent enssi qu’il veurent. Et puis s’en revinrent au soir deviers leur host, et amenèrent grant fuisson de buefs, de vaches, de pors et de brebis, et ossi grant fuison de bons vins de Poito et de Gascoingne, qu’il avoient trouvet en le ville dou Crotoy, car elle en estoit bien pourveue. Ceste nuit se tinrent tout aise, et à l’endemain, se deslogièrent et tirèrent pour venir deviers Crechi en Pontieu; si chevauchièrent che venredi jusquez à heure de miedi. Et se loga adonc toutte li os par le coummandement dou roy, assés priès de Crechi. Fº 93.
—Ms. de Rome: Qant li rois d’Engleterre et ses gens furent oultre, et que il eurent mis en cace et desconfi lors ennemis et delivré la place, et que il ne veoient ne trouvoient mais qui lor veast le cemin, il se traissent bellement et ordonneement ensamble et aroutèrent tout lor charoi, et cevauchièrent, banières desploiies, li avant garde des marescaus premiers, le roi et son fil le prince apriès, et l’arrière garde tout derrière. Et cevauçoient ensi, par ordenance que il avoient fait ou païs de Vexin et de Vismeu, et ne se esfreoient de riens, puis que il sentoient la rivière de Sonme derière euls. Il n’avoient mais que la rivière de Qance à passer, qui court desous la ville de Monstruel, et orent intension d’aler veoir Noielle et asallir le chastiel et logier dedens la ville. Mais qant il sceurent que elle estoit à madame d’Aumale, serour à mesire Robert d’Artois, qui trespassés estoit, il tournèrent d’aultre part et asegurèrent le castel et toute la ville. Mais li marescal cevauchièrent jusques au Crotoi et prissent la ville et le ardirent, mais il ne fissent riens au chastiel, car il est trop fors; et chevauchièrent viers Saint Esprit de Rue, et prissent la ville et le ardirent. Et se logièrent les Englois là environ la Broie, et orent grant fuisson de bons vins, qui furent trouvé au Crotoi des marceans de Saintonge et de la Rocelle, qui là gissoient à l’ancre. Et le venredi il ceminèrent tant que il vinrent à Creci en Pontieu et là se arestèrent, et se requellièrent toutes les trois batailles des Englois ensamble. Fº 117.
P. 164, l. 23: Noielle.—Mss. A 1 à 6: Norle. Fº 143 vº.—Mss. A 11 à 14: Nocle. Fº 137 vº.—Mss. A 18, 19: Noile. Fº 147.
P. 164, l. 25 et 26: sereur à monsigneur Robert d’Artois.—Ms. B 6: nièche à messire Goddefroy de Harcourt. Fº 316.
P. 164, l. 30: la Broie.—Mss. A 1 à 6: la Voie. Fº 143 vº.—Mss. A 11 à 22: la Voye. Fº 137 vº.—Mss. A 8, 9: la Boye. Fº 129 vº.
P. 165, l. 15: de Saint Esperit de Rue.—Mss. A 20 à 22: de Saint Esprit et de Rue. Fº 207.
§ 272. P. 165, l. 20: Bien estoit infourmés.—Ms. d’Amiens: Bien savoit li roys englès et estoit emfourmés que li roys Phelippez de Franche le sieuwoit à tout son grant effort, et avoit grant desir de combattre à lui, si comme il appairoit, car il l’avoit vistement poursieuwi jusquez à le Blancque Take et estoit retournés arrierre à Abbeville. Si dist adonc li roys englès que jammais n’yroit plus avant, si aroit veus et attendus ses annemis, et que il estoit sus son bon hiretaige de Pontieu, qui estoit à madamme se mère et li avoit estet donnés en mariaige, pour tant avoit il mieux cause et raison de là atendre ses ennemis que ailleurs, et de prendre l’aventure et le fortune telle que Dieux li envoieroit. Or savoit il bien que il n’avoit pas si grant gens de six fois comme estoient si annemy: pour tant avoit il plus grant mestier, ou cas que combattre se volloit, de regarder à son conroy et aviser le marce et le pays et d’entendre à son avantaige. Si fist touttez mannierrez de gens logier très ce venredi, et leur dist et fist dire par son connestable et ses marescaux, que chacuns se pourveist et appareillast endroit soy, si comme pour attendre le bataille, car, se li Franchois venoient, il seroient combatu. Adonc entendi chacuns à se besoingne che venredi toutte jour à rebourbir leurs armures, et remettre tout leur harnoy en bon point et à yaux fortefiier. Et regardèrent et advisèrent li doy marescal et messires Renaux de Gobehem et messires Richart de Stanfort terre et plache pour ordounner leur batailles et atendre leurs ennemis. Fº 93.
—Ms. de Rome: Bien estoit enfourmés li rois d’Engleterre que son adversaire, li rois de France, le sievoit à tout son grant effort, si ques, qant li rois d’Engleterre se vei à Creci en Pontieu, il dist à ses gens: «Prenons chi place de terre, et attendons nostres ennemis qui nous poursievent. Je sui sus mon droit hiretage, qui me vient de par madame de mère. Si le vodrai deffendre et calengier contre ceuls qui le me vodront debatre.» Donc se logièrent les Englois sus les camps et missent en bonne ordenance, et avoient vivres et pourveances assés, qui les poursievoient; et aussi li fourageur en trouvèrent assés, qant il orent passet la rivière de Sonme. Et fist li dis rois aviser et regarder par ses chevaliers les plus usés d’armes, le lieu et la place de terre, où il ordonneroit ses batailles et atenderoit ses ennemis. Ce furent li contes de Warvich, mesires Renauls de Gobehen, mesire Godefroi de Harcourt et le conte de Sufforc. Chil quatre baron, le samedi au matin, avisèrent et considerèrent bien la place de terre et raportèrent au roi: «Sire, à nostre avantage, nous attenderons chi nostres ennemis.» Et li rois respondi: «Ce soit, ou nom de Dieu et de saint Gorge!» Ensi se portèrent les ordenances.
Or parlons un petit dou roi Phelippe de France, liquels poursievi le joedi, qant il se departi de Oizemont, les Englois jusques moult priès de la Blanqe Taqe. On li dist sus le cemin: «Sire, les Englois sont oultre, et li flos de la mer conmence à retourner. Vous ne poés passer par là: il vous fault revenir à Abeville, et là passerés vous la rivière de Sonme à pont et toutes vostres aussi.» Li rois crei ce consel et retourna à Abeville, et toutes ses gens, et se logièrent: ce fu le joedi; et le venredi aussi, il se tint là tout le jour, attendans ses gens, car il en i avoit grant fuisson derrière. Fº 117 vº.
§ 273. P. 167, l. 3: Le venredi.—Ms. d’Amiens: Che venredi tout le jour se tint li roys Phelippez de Franche en Abbeville, attendans sez gens, et faisoit ossi passer oultre les aucuns pour estre plus appareilliet quant li bataille se feroit. Et avoit li dis roys de Franche envoiiet devant ses marescaux, monseigneur Carle seigneur de Montmorensi et le seigneur de Saint Venant, pour aprendre et savoir le couvenant des Englès. Si raportèrent li dessus dit au roy à heure de vespres que li Englèz estoient logiet assés priès de Crechi en Pontieu, et moustroient, seloncq leur ordounanche, qu’il atenderoient là le roy. De ces nouvelles fu li roys de Franche moult liés, et dist, se il plaisoit à Dieu, que à l’endemain il seroient combatu. Si pria au soupper dalés lui, che venredi, les haux prinches qui adonc estoient dedens Abbeville, telx que le roy de Behaingne, le comte d’Alenchon, son frère, le comte de Blois, son nepveu, le duc de Loerainne, le comte de Flandres, monseigneur Jehan de Haynnau, le comte de Namur, le comte de Salebruche, l’arcevesque de Roem, l’arcevesque de Rains, l’arcevesque de Sens, l’evesque de Laon, le comte d’Auçoire, le comte de Halcourt et pluisseurs autres. Et fu che soir en grant recreation et en grant parlement d’armes, et pria à tous les seigneurs que il fuissent amit et courtois, sans envie, sans orgoeil et sans haynne li uns as autrez, et chacun li eut en couvent. Encorres atendoit li roys le comte de Savoie et monseigneur Loeys de Savoie, son frère, qui devoient venir à bien mil lanches, Savoiiens et de le Dauffinet; car enssi estoient il mandet et retenut et paiiet de leurs gaiges pour trois mois tous pleniers. Or vous conterons dou roy englèz et de son couvenant, et coumment il ordounna ses batailles, et puis si retourons as Franchois. Fº 93.
—Ms. de Rome: Ce venredi, envoia li rois descouvrir sus les camps, pour aprendre le couvenant des Englois. Et raportèrent chil qui envoiiet i furent, que les Englois avoient pris place et pièce de terre au dehors de la ville de Creci en Pontieu. Et fu dit ensi au roi: «Sire, à ce que il moustrent et sont ordonné, il vous atenderont, et auerés la bataille.» De ces nouvelles fu li rois Phelippes tous resjois, et conmanda à ses marescaus et au mestre des arbalestriers que il regardaissent que toutes gens fuissent prest et ordonné, car le samedi on iroit combatre les Englois. Chil obeirent au conmandement dou roy, et se apparillièrent li signeur de France et lors gens de tous poins. Là estoient logiet dedens Abbeville et venu pour servir le roi, premierement li rois de Boesme, messires Carles de Boesme son fils, rois d’Alemagne, li contes de Alençon, li contes de Flandres, li contes de Blois, li dus de Lorainne, li contes de Harcourt, li contes de Namur, li contes d’Aumale, li contes de Forois, li contes d’Auçoire, li contes de Sansoire, le daufin d’Auvergne, le conte de Boulongne et tant de nobles et hauls signeurs que la matère en seroit trop longe au prononchier et au nonmer. Et estoit la ville de Abbeville, qui est une ville grande et estendue et bien logans, si raemplie de gens d’armes que tout estoit plain et pris, et encores tous les villages de là environ. Mesires Godemars dou Fai se tenoit en la ville de Saint Riquier, et n’osoit venir à Abeville deviers le roi Phelippe, car il le sentoit trop crueuls, pour tant que, sus sa garde et carge, li rois d’Engleterre et les Englois estoient passet oultre à la Blanqe Taqe. Et de ce il estoit bien consilliés, car voirement se il fust venus avant deviers le roi, entrues que il estoit en son aïr, il euist fait le dit messire Godemar dou Fai pendre, jà ne l’en euist respité ne deporté. Et en avoit parlé moult hault li dis rois sus celle fourme, là où mesires Jehans de Hainnau estoit presens. Encores atendoit li rois de France le conte de Savoie et mesire Lois de Savoie son frère, qui venoient à bien mil lances de Savoiiens et de Geneuois. Par especial, la poisance dou roi de France estoit trop grande enviers ceste des Englois, car li rois de France avoit bien vingt mil honmes d’armes et soissante [mil] honmes de piet des conmunautés dou roiaulme de France et bien vingt mil Geneuois arbalestriers; et li rois d’Engleterre, quatre mil honmes d’armes et douze mil archiers. Nous retournerons au roi d’Engleterre et parlerons de son couvenant. Fos 117 vº et 118.
P. 167, l. 20: au souper.—Ms. B 6: à l’abeie Saint Pière. Fº 318.
P. 167, l. 22: premierement.—Le ms. B 6 ajoute: messires Charles de Behaingne, ses filz, qui jà avoit enchergiet les armes, le roy de Navare. Fos 318 et 319.
§ 274. P. 168, l. 8: Ce venredi.—Ms. d’Amiens: Che venredi, si comme je vous ai dit, se loga li roys englès à plains camps à toutte son host, et se aisièrent bien de ce qu’il avoient: che fu assés, car il avoient trouvet le pays moult cras de vins et de touttez autres pourveances. Si donna à soupper che venredi tous lez baronz et le plus des chevaliers de son host, et leur fist moult grant chière, et puis leur dounna congiet d’aller reposer, si comme il fissent. Ceste meysme nuit, ensi que jou ay oy depuis recorder, quant touttes ses gens furent parti de lui et qu’il fu demourés dallés les chevaliers de son corps et de sa cambre, il entra en son oratore et fu là en genoulx et en orisons devant son autel, en priant à Dieu que il le laiast partir de le besoingne à honneur. Environ mienuit il alla couchier, et se leva l’endemain assés matin par raison, et oy messe et s’acumenia, et ses fils li prinches de Gallez ossi, et en tel mannière li plus de l’host. Et oïrent tout li seigneur messe et s’acumeniièrent et confessèrent et se missent en bon estat.
Apriès les messes, li roys commanda à touttes gens armer et yssir de lor logeis et à traire sus les camps, et fist faire un grant parck priès d’un bois de tous les chars et charettez de l’host, liquelx pars n’eut qu’une seule entrée, et fist mettre tous les chevaux dedens che parck, puis ordounna trois bataillez bellement et sagement. S’en dounna la premierre à son aisnet fil le prinche de Gallez à tout douze cens armures de fier, quatre mil archiers et quatre mil Gallois de son pays, et mist son fil en le garde dou comte de Warvich, dou comte de Kenfort, dou comte de Kent, de monseigneur Godeffroy de Halcourt, de monseigneur Renaut de Gobehen, de monseigneur Richart de Stanfort, de monseigneur Jehan de Biaucamp, de monseigneur Thummas de Hollandes, de monseigneur Jehan Camdos et de pluisseurs autres bons chevaliers et escuiers. Et donna la seconde bataille au comte de Norhantonne, au comte de Sufforch, à l’evesque de Durem, à monseigneur Loeis de Biaucamp, au seigneur de le Ware, au seigneur de Willebi et as pluisseurs autres bons chevaliers et escuiers, à tout douze cens armures de fier et trois mil archiers. Et la tierche il retint pour lui, qui devoit estre [entre] ces deux batailles, à tout quinze cens ou seize cens armurez de fier et quatre mil archiers et le remannant de pietons. Et sachiés que tout estoient Englès ou Gallois: il n’y eult miez plus hault que six chevaliers d’Allemaingne, desquelx fu li ungs messire Rasses Masurez, je ne say lez autrez noummer, et messires Oulphars de Ghistellez, de Hainnau.
Quant li roys eut enssi ordonné sez batailles par l’avis de ses marescaux en un biel plain camp devant son parck deseure dit, là où il n’avoit fraite ne fosset, et tout estoient à piet, il alla tout autour de renck en renck, et leur amonestoit de si bonne chière, en riant, de chacun bien faire son devoir, que ungs homs couars en deuwist hardis devenir. Et coummanda sour le hart que nuls ne se meuvist ne desroutast de son renck pour cose qu’il veist, ne alast au gaaing, ne despouillast mort ne vif, sans son congiet, coumment que li besoingne tournaist; car, se li fortune estoit pour yaux, chacuns venroit assés à tamps et à point au gaaing; et, se li fortune estoit contre yaux, il n’avoient que faire de gaegnier. Quant il ot tout ordonnet et coummandé ensi comme vous avéz oy, il donna congiet que chacuns alast boire et reposer jusqu’au son de le trompette, et quant li trompette sonneroient, que chacuns revenist à son droit renck, desoubz se bannierre, là où ordonnéz estoit. Si fissent touttez gens son coummandement, et s’en allèrent boire et mengier un morsiel et rafreschir pour y estre plus nouviel, quant il besongneroit. Fº 93 vº.
—Ms. de Rome: Ce venredi, ensi que je vous ai dit, se loga li rois d’Engleterre à plains camps o toute son hoost, et se aisièrent de ce que il orent. Il avoient bien de quoi, car il trouvèrent le pais cras et plentiveus de tous vivres, de vins et de viandes, et estoient bien pourveu sus lors sonmiers, car il en avoient grant fuisson trouvé en Normendie, ou Vexin et en Vismeu. Ce venredi, donna li rois d’Engleterre à souper tous les barons et les capitainnes de son hoost, et lor fist bonne chière et lie, et puis lor donna congiet d’aler reposer, si com il le fissent. Ceste meismes nuit, qant toutes ses gens furent departi de li, et que il fu demorés avoecques les chevaliers de sa cambre, il entra en son oratore, et fu là en genouls et en orisons devant un autel que ses cambrelens avoient fait, ensi que on fait et ordonne pour un roi, qant il est logiés as camps, et reconmenda à Dieu toutes ses besongnes, et li pria affectuesement que il peuist, à son honnour, retourner en Engleterre, et puis ala couchier. Le samedi au matin, il se leva et apparilla, et li princes de Galles, son fils, et aussi fissent tout chil de l’hoost. Et oïrent messe et se confessèrent li rois et ses fils, et la grignour partie de ceuls de l’hoost, et se aqumeniièrent et missent tout en bon estat, car bien sçavoient que point ne partiroient dou jour sans bataille. Qant tout ce fu fait, il fu heure de mengier et boire un cop, et puis entendre à li ordonner et à mettre en ordenance de bataille. Qant il eurent mengiet et beu à lor aise, et il se furent armé et mis en ordenance, il se traissent tout sus les camps en la propre place que il avoient le jour devant aviset.
Et fist faire li rois un grant parc priès d’un bois derrière son hoost, et là mettre et retraire tous chars, carettes et sonmages, et fist encores tous les cevaus entrer dedens ce parc, et demorèrent tout honme à piet; et n’avoit en ce parc que une seulle entrée. Encores là presentement il fist faire et ordonner par son connestable le conte de Herfort et de Norhanton et ses marescaus, trois batailles. Et fu mis et ordonnés en la première Edouwars, son fil, li princes de Galles. Et dalés le prince furent esleu à demorer, pour li garder et consillier, li contes de Warvich, li contes de Kentfort, mesires Godefrois de Harcourt, mesires Renauls de Gobehen, mesires Tomas de Hollandes, messires Richars de Stanfort, li sires de Manne, li sires de le Ware, li sires de Felleton, messires Jehans Candos, mesires Bietremieus de Brouhes, mesires Robers de Noefville, mesires Thomas Clifors, mesires Guillaumes Penniel, mesires Jehans Hacconde, li sires de Boursier, mesires James d’Audelée, mesires Pières d’Audelée, li sires de Basset, li sires de Bercler, li sires de Ponnins, li sires de Moulins et pluisseurs aultres, lesquels je ne puis pas tous nonmer. Et pooient estre en la bataille dou prince environ douse cens honmes d’armes et quatre mille archiers et mille Gallois, trop apertes gens. Si se mist la bataille dou prince en ordenance moult proprement, tout signeur desous sa banière ou son pennon. En la seconde bataille furent li contes de Herfort et de Norhantonne, li contes d’Arondiel, li sires de Roos, li sires de Lussi, li sires de Persi, li sires de Noefville, li sires de Braseton, li sires de Helinton, li sires de Multon, li sires de Fil Watier, li sires de Fil Warin, et pluisseurs aultres et tant que il furent douse cens hommes d’armes et quatre [mille] archiers. La tierce bataille ot li rois pour son corps et pluisseurs bons chevaliers et esquiers; et estoient en sa bataille environ quinse cens hommes d’armes et siis mille autres hommes parmi les archiers.
Qant ces batailles furent ordonnées et mises à lor devoir, et que casquns sçavoit quel cose il devoit faire, on amena le roi une petite blance hagenée: il monta sus, et puis cevauça autour des batailles en priant et en amonestant ses hommes que casquns vosist entendre à bien faire son devoir, et que tout i estoient tenu; et retenoit sus son corps et se ame que pour son hiretage et son bon droit, que Phelippes de Valois li ostoit et perseveroit en ce, il avoit passet la mer et atendoit l’aventure de la bataille. Tout respondirent à lui, chil qui ses paroles entendirent, que loiaument il s’aquiteroient, tant que tout i aueroient honnour, et il lor en saueroit gré. De ces responses les remercia li rois, et puis revint à sa bataille, et descendi de sa hagenée, et se mist à piet avoecques ses gens et manda son fil, le prinche. On li amena et fu adestrés de quatre chevaliers de son corps qui sont nonmé ensi: mesires Jehans Candos, mesires Bietremieus de Bruhes, mesires James d’Audelée et mesires Guillaumes Penniel. Li enfes se engenoulla devant son père: li rois le prist par la main et le baisa et le fist chevalier, et puis le renvoia en l’ordenance de sa bataille, et pria et enjoindi as quatre chevaliers desus nonmés que il en fesissent bonne garde; et il respondirent en inclinant le roi, que tout en feroient lor devoir. Qant ces batailles furent toutes apaisies et mises en pas et en ordenance, ensi que vous avez oï, on ordonna de par les marescaus que casquns s’aseist à terre et mesist son arc ou son bacinet devant lui, pour estre plus frès, qant on asambleroit. Tout ensi que il fu ordonné, il fu fait. Et se reposèrent et rafresqirent les Englois par la fourme et manière que dit vous ai. Or retournons à l’ordenance dou roi de France et des François qui estoient logiet dedens Abbeville. Fº 118.
P. 168, l. 11: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 169, l. 14 et 15: Stanfort.—Mss. A 1 à 6: Pontchardon. Fº 145.
P. 169, l. 15: Manne.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: Mauni, Mauny. Fº 145.
P. 169, l. 15: de le Ware.—Mss. A 18, 19: de Ware. Fº 148 vº.
P. 169, l. 16: Chandos.—Ms. B 6: qui estois tenus pour ung moult vaillant homme d’armes et saige; et estoit delés le banière du prinche, laquelle messires Thomas Ourduwich portoit. Là estoit le sire de le Ware, le sire de la Poule, le sire de Basset et plus de deux mille hommes d’armes et quatre mille archiés. En la seconde bataille, estoit le conte de Norhantonne, le conte de Herfort, le conte d’Arondel, le sire de Manne, messires Hues de Hastinges, le sire de Willeby, messires Thomas Bisse et pluiseurs aultres qui estoient douze cens lanches et deus mille archiers. En la tierche bataille estoit le roy bien acompagniés de barons, de chevaliers et de aultres. Sy estoit delés luy le conte de Sallebrin, le conte d’Arezelles, le conte de Cornuaille, le sire de Lusy, le sire de Persy, le sire de Neufville, le sire de Ros, le sire de Felleton, messire Thomas de Hollande et messire Jehan de Hartecelle. Fos 319 et 320.
P. 169, l. 16: Broues.—Ms. A 7: Bruues. Fº 138 vº.—Mss. A 1 à 6, 15 à 17, 20 à 33: Brunes. Fº 145.—Mss. A 8, 18, 19: Brubbes. Fº 130 vº.—Mss. A 11 à 14: Brubles. Fº 138 vº.
P. 169, l. 17 et 18: Cliffors.—Mss. A 1 à 6, 8, 18 à 22: Clisors. Fº 145.
P. 169, l. 18: de Boursier.—Mss. A 23 à 29: le Boursier. Fº 164.
P. 169, l. 18: Latimiers.—Mss. A 15 à 17: le Latimier. Fº 145 vº.—Mss. A 11 à 14: Latiniers. Fº 138 vº.—Mss. A 18, 19: de Latiniers. Fº 148 vº.
P. 169, l. 21: huit cens.—Mss. A 20 à 22: huit mille. Fº 209.
P. 169, l. 26: d’Arondiel.—Les mss. A 20 à 22 ajoutent: de Labreth. Fº 209.
P. 169, l. 27: Ros.—Mss. A 30 à 33: Rooz. Fº 187.
P. 169, l. 27: Luzi.—Mss. A 30 à 33: Ligy. Fº 187.
P. 169, l. 27: Willebi.—Mss. A 20 à 22: Willebri. Fº 209.
P. 169, l. 29: Tueton.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: Tuecon. Fº 145.—Mss. A 20 à 22: Turcon. Fº 209.
P. 169, l. 29: li sires de Multonne.—Mss. A 15 à 17: Loys de Multonne, monseigneur de la Haze. Fº 145 vº.
P. 169, l. 29: Multone.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: Mulsonne. Fº 145.—Mss. A 18, 19: Mulconne. Fº 148 vº.—Mss. A 20 à 22: Mulcon. Fº 209.
P. 169, l. 29: Alassellée.—Mss. A 23 à 29: de la Selée. Fº 164.—Mss. A 30 à 33: de la Selle. Fº 187.
P. 170, l. 2: cinq cens.—Mss. A 15 à 17: six cens. Fº 145 vº.—Mss. A 20 à 22: huit cens. Fº 209.
P. 171, l. 1 et 2: poissance.—Les mss. A 15 à 17 ajoutent: ainsi qu’il fist. Fº 146.
§ 275. P. 171, l. 3: Ce samedi.—Ms. d’Amiens: Che samedi au matin que li roys englès eult ordounné ses bataillez, si comme vous avés oy, se parti li roys de Franche de Abbeville, qui sejourné y avoit le venredi tout le jour, atendans ses gens, et chevaucha, bannierrez desploiiées, deviers les ennemis. Adonc fu biel veoir ces seigneurs noblement montéz et acemés et cez rices paremens et ces bannierrez venteler et ces conrois par ces camps chevauchier, dont tant en y avoit que sans nombre. Et sachiés que li hos le roy de Franche fu extimés à vingt mil armurez de fier, à cheval, et à plus de cent mil hommes de piet, desquelx il y avoit environ douze mil que bidaus, que Jeneuois. Et li roys englès en avoit environ quatre mil à cheval, dix mil archiers et dix mil Gallois, que sergans à piet. Quant li roys de Franche se fu très sus les camps et eslongiet Abbeville environ deux petittez lieuwez, il ordounna ses bataillez par l’avis de ses marescaux. Et toudis alloient et chevauçoient ses gens avant, bannierres desploiiées, et ossi le sieuvoient il, car li routte estoit si grande que il ne pooient mies chevauchier, ne aller tout d’un froncq. On faisoit les geneuois arbalestriers à leur aise aller tout devant et porter sus chars leurs arbalestres et leur artillerie, car on volloit de yaux coumenchier le bataille et assambler as Englès. Et cilz qui se tenoit che jour le plus prochains dou roy, c’estoit messires Jehans de Hainnau, car li dis roys l’avoit retenu dalléz lui pour deviser et ordounner par son conseil en partie de ses ennemis. Quant li roys de France eut ordounnet ses bataillez et ses conrois, il fist cevauchier avant delivrement pour raconsuir lez Englèz, et si envoya devant pluisseurs appers chevaliers et compaignons pour veoir là où on les poroit trouver ne raconssuiwir, car bien penssoit qu’il n’estoient mies loing. Et toudis alloit li hos avant et li roys ossi. Ainchois qu’il ewist esloingniet Abbeville quatre lieuwez, revinrent li chevalier qui envoiiet y avoient estet, et li dissent qu’il avoient veut les Englèz et qu’il n’estoient mies plus hault de trois lieuwez en avant.
Adonc pria li roys à un mout vaillant chevalier et moult uset d’armez, que on clammoit le Monne de Basèle, et à trois ou quatre autres preus chevaliers ossi, que il se volsissent avanchier et chevauchier si priès des Englès, qu’il pewissent conssiderer leur couvenant. Chil vaillant chevalier le fissent vollentiers et se partirent dou roy, qui tout bellement cevauchoit, mès s’arestoit en souratendant leur revenue. Jà estoit il heure de nonne, et sollaux commenchoit à tourner. Et avoit li roys englès fait sonner ses trompettes, et chacuns dez siens estoit remis en se bataille desoubz se bannierre, si comme ordonnés avoit estet en devant, car bien sentoient que li Franchois les aprochoient. Et seoient touttes mannierres de gens bien et faiticement les dos contre le solleil, et les archiers mis contre les annemis. Enssi et en cel estat les trouvèrent li dessus dit chevalier. Quant il eurent bien conssideré et ymaginé leur couvenant que pour rapporter ent le certaineté, et bien s’en perchurent li Englès, il s’en retournèrent arrière. Si encontrèrent en leur chemin pluisseurs bannierrez des leurs à une lieuwe des Englès, qui chevauçoient toudis avant et ne savoient où il alloient. Si les fissent arester et attendre lez autres, puis s’en revinrent au roy et à son consseil, et dissent qu’il avoient veut et comsideret les Englèz, qui estoient à mains de deux lieuwez de là et avoient ordonnet trois bataillez, et les atendoient bellement. Adonc estoit dalléz le roy messires Jehans de Haynnau, qui le relation oy mout vollentiers, pour tant que li bon chevalier en raportoient verité. Et li dissent cil qui ce rapport faisoient, qu’il regardast quel cose il en volloit faire. Lors pria li roys au Monne de Basèle qu’il en volsist dire son advis, pour tant qu’il estoit durement vaillans chevaliers, et les avoit veu et justement conssideré. Li Monnes s’escuza par pluisseurs foix, et disoit que là avoit tant de noblez seigneurs et de bons chevaliers que sus yaux ne s’en vorroit mies ensonniier. Non obstant ses excusanches et son bel langage, il fu tant priiéz et cargiéz dou roy qu’il en dist son advis en telle mannierre. Fos 93 vº et 94.
—Ms. de Rome: Ce samedi au matin, qant li rois de France ot oy messe en l’abeie de Saint Pière, dedens Abeville, où il estoit logiés, on fist sonner ses tronpètes, liquel cevauchièrent en toutes les rues d’Abeville, pour resvillier gens d’armes, armer et traire sus les camps. Au son des tro[n]pètes dou roi, se armèrent et apparillièrent tous signeurs et toutes aultres gens; et tant en i avoit grant fuisson, que il missent plus de demi jour à widier hors d’Abeville. Et devés sçavoir que onques nobles gens, qui deuissent sentir et considerer que c’est de tels coses, ne se ordonnèrent pis, ne issirent de bonne ville ne ne missent sus les camps, que les François fissent. Li rois issi de Abbeville, mesire Jehan de Hainnau et le signeur de Montmorensi en sa compagnie, et se traist sus les camps. Li rois de Boesme et mesires Carles, ses fils, issirent assés tos apriès li; et tout issoient sans ordenance, ne point n’atendoient l’un l’autre. Qant on ot un petit eslongiet Abbeville, il fu dit au roi: «Sire, ce seroit bon que vous envoiissiés chevauceurs devant, pour aviser le couvenant de vostres ennemis.» Li rois respondi et dist: «On i envoie!»
Donc furent esleu quatre chevaliers usés d’armes, les quels je vous nonmerai: premiers le Monne de Basèle, le signeur de Biaugeu, mesire Mille de Noiiers et mesire Loeis d’Espagne. Chil quatre chevalier se departirent dou couvenant des François et cevaucièrent sus les camps, et si avant aprocièrent les Englois que les Englois euissent bien trait jusques à euls, se il vosissent, mais nennil. Onques ne se desrieulèrent, mais se tinrent tout quoi et les regardèrent en seant. Et qant li quatre chevaliers les orent avisés et considerés, il se missent au retour. Et ensi que il retournoient, il encontroient lors gens qui ceminoient, les auquns à cheval, les aultres à piet et sans ordenance, de quoi il en fissent pluisseurs arester et demorer tous qois sus les camps, car il lor disoient: «Pourquoi allés vous avant, folle gent, sans les banières des marescaus? Vous vos alés perdre: vechi les ennemis devant vous.» Qant chil quatre chevalier furent venu deviers le roi, il s’arestèrent et trouvèrent le roi sus les camps, le conte d’Alençon, le conte de Flandres, le conte de Blois, le duc de Lorraine, mesire Jehan de Hainnau, le signeur de Montmorensi et grant fuisson de nobles signeurs autour de li, car tout s’arestoient, pour tant que il estoit arestés. Qant li rois vei les chevaliers ens sa presence, il volt sçavoir quel cose il avoient veu et trouvé, ce fu raison. Li chevalier regardoient l’un l’autre, et ne voloit nuls parler premiers. Donc regarda li rois sus le Monne de Basèle et li dist: «Monnes, parlés, je vous voel oïr.» Fos 118 vº et 119.
P. 171, l. 30: le Monne de Basèle.—Mss. A 1 à 6: le Moyne de Baselée. Fº 145 vº.—Mss. A 11 à 14, 18, 19: le Moynne de Baseles. Fº 139.—Mss. A 20 à 22: le Moynne de Baselle. Fº 209 vº.—Mss. A 23 à 33: le Moyne de Bascle. Fº 164 vº.
P. 171, l. 31: Noiiers.—Mss. A 23 à 29: Nouyers. Fº 164 vº.
P. 172, l. 22: que on tenoit.—Ms. B 6: pour tant que il estoit le plus rusés de guerre. Fº 322.
§ 276. P. 172, l. 28: Sire.—Ms. d’Amiens: «Sire, vostre conroy sont diversement espars par ces camps: si sera durement tart ainschois qu’il soient ordonné ne rassamblé, car nonne est jà passée. Si consseilleroie que vous fesissiés chy endroit vostre host logier, et demain matin, apriès messe, si ordonnissiéz vos batailles meurement, et puis chevauchissiés par deviers vos ennemis, rengiés sans desroy, el nom de Dieu et de saint Gorge, car je sui certain que vostre annemy ne s’enfuiront mies, ains vous atenderont seloncq che que j’ay veut.»
Chilx conssaulx pleut assés au roy de Franche, et l’ewist vollentiers fait. Si fist envoiier partout as routtez des seigneurs et priière qu’il fesissent retraire leurs bannierrez arrière, car li Englèz estoient là devant rengiés; si volloit là endroit logier jusquez à l’endemain. Bien fu sceu entre lez seigneurs li mandemens dou roy, mès nulx d’iaux ne se volloit retourner, se chil ne se retournoient, qui estoient premiers. Et chil qui estoient devant avanchiet, ne se volloient retourner pour tant qu’il estoient si avant allet, se li autre ne se retournoient premiers, car ce lor sambloit estre homtez, mais il se tenoient quoys. Li autre, qui estoient derière, chevauchoient toudis avant pour tant qu’il voloient y estre ossi avant que li autre ou plus. Et tout ce estoit par orgoeil et par envie, si comme on puet bien supposer, et dont touttes bonnez gens d’armes n’ont que faire, car Dieux et fortune het ces deus visces. Or ne fu mies li conssaux dou bon chevalier tenus, ne li coummandemens dou roy acomplis, dont che fu follie, car oncques bien ne vint de desobeir à son souverain. Tant avoit là de grans seigneurs, de baronnie et de chevalerie, que merveillez seroit à recorder. Si regardèrent li ungs sus l’autre, si comme pour leur honneur avanchier, car, enssi con dist, c’est une bonne envie d’armes, mès que on le face raisonnablement. Fº 94.
—Ms. de Rome: Li Monnes enclina le roi et dist: «Sire, volontiers, puis que vous le conmandés, et ce sera par l’amendement et correction de mes signeurs et compagnons. Nous avons cevauchiet si avant que nous avons veu et consideré le couvenant des Englois. Il sont mis et ordonné en trois batailles, bien et faiticement, et ne font nul samblant que il doient fuir, mais vous attenderont à ce qu’il moustrent. Si conselle de ma partie, salve tousjours le millour conseil, que vous faites toutes vos gens chi arester sus les camps, et logier pour celle journée. Car, avant que li darrainnier puissent estre là où li premier sont, et vos batailles ordonnées et mis en pas, ensi que il apertient, il sera tart et hors d’eure pour courir sus et combatre vos ennemis. Et seront vos gens tous las, et vous trouverés vos ennemis frès et nouviaus, et tous avisés à savoir quel cose il deveront faire. Et ce consel, je le donne et nul aultre; et qui mieuls scet, se le die.» Donc regarda li rois sus son frère, le conte d’Alençon, et sus messire Jehan de Hainnau, et dist: «Il nous samble que chils chevaliers a bien parlé, et nous volons que sa parole soit oïe et tenue.»—«Monsigneur, respondirent li doi desus nonmé, il a parlé bien et sagement, ensi que il apertient, selonch l’usage d’armes; si faites apriès son consel.» Donc s’arestèrent li signeur tous sus l’opinion dou Monne de Basèle, qui fu uns moult vaillans chevaliers et usés d’armes, et le plus proçain dou corps le bon roi de Boesme. Et fu conmandé à deus marescaus de France de faire ordenance sus ces paroles et tantos. Li doi marescal obeirent, ce fu raison, et cevauchièrent li uns devant, et li aultres derrière, en disant et conmandant as bannières: «Arestés, banières, de par le roi, ou nom de Dieu et de monsigneur saint Denis.» Chil qui estoient premiers, à ceste ordenance arestèrent, et li darrainnier, point, mais cevauçoient tout dis avant et disoient que point il ne se aresteroient, jusques à tant que il seroient ausi avant que li premier estoient. Et qant li premier veoient que li darrainnier les aproçoient, il cevauçoient avant et voloient moustrer: «Je sui premiers, et premiers demorrai.»
Ensi par grant orguel et beubant fu demenée ceste cose, car casquns voloit fourpasser son compagnon. Et ne pot estre creue ne tenue la parole dou vaillant chevalier, de quoi il lor en mesvint si grandement, com vous orés recorder assés briement. Ne ausi li rois de France ne si marescal ne porent estre mestre de lors gens, car il i avoit si grant multitude de peuple, et par especial de grans signeurs, que casquns par envie voloit là moustrer sa poissance. Et trop grant temps avoit que point il ne s’estoient veu en parti de bataille avoir, si apparans conme ceste estoit, et cose si notable que la poissance d’Engleterre et la poissance de France ensamble l’un contre l’autre; car tout estoit là des deus roiaulmes, ou dedens Agillon et en Gascongne avoecques le conte Derbi, ou devant Agillon au siège avoecques le duch de Normendie. Si se voloient li un pour l’autre avancier, et non estre nonmé à demorer derrière. Et cevauchièrent en cel estat sans arroi et sans ordenance si avant que il aprochièrent les ennemis, et que ils les veirent en lor presence. Or fu moult grans blames pour les premiers, et mieuls lor vausist à estre aresté à l’ordenance dou vaillant chevalier desus nonmé, que ce que il fissent. Car si tretos que il veirent lors ennemis, il reculèrent tout à un faix si desordonneement que chil qui derrière estoient et qui venoient, s’en esbahirent. Et quidièrent li pluisseur que la bataille fust conmenchie et li premier desconfi; et orent adonc bien espasce de aler devant se il veurent, de quoi li auqun i alèrent. Et li aultre se tinrent tout quoi et ne moustrèrent point adonc de haste, mais laissièrent passer ceuls qui passer voloient, et disoient: «Nous demorrons chi, atendans le roi et ses arrois, car il nous est dit de ses marescaus ensi.» Là ot sus les camps si grant peuple de conmunauté des chités et bonnes villes de France que tout estoit là reversé, et les cemins tous couvers entre Abbeville et Crechi, et plus de euls vingt mil de ces bons honmes, qant ils se veirent sus les camps, traissent lors espées, et escriièrent: «A la mort, ces traitours Englois! Jamais piés n’en retournera en Engleterre.» Fº 119.
P. 173, l. 19 à 22: en disant... saint Denis.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: en disant et commandant aux banières, de par le roy, ou nom de monsigneur saint Denis, que chacun se tenist selon ce que ordonné lui estoit. Fº 146.—Mss. A 20 à 22: en commandant aux bannières, de par le roy, eulx arrester, en nom Dieu et saint Denis. Fº 210.—Mss. A 23 à 33: en disant aux banières: «Arrestés, banières, de par le roy, ou nom de Dieu et de saint Denis.» Fº 165.
P. 173, l. 28: ceste cose.—Ms. B 6: car il estoient sy grant peuple au regart des Englès qu’il lez deuissent avoir tout devorez. Fº 323.
§ 277. P. 174, l. 22: Il n’est nulz.—Ms. de Rome: Vous devés sçavoir, et c’est cose posible et legière assés à croire, que il n’est honme, tant fust presens à celle journée, ne euist bon loisir de aviser et imaginer toute la besongne ensi que elle ala, qui en sceuist ne peuist recorder, de la partie des François, bien justement la verité. Et ce que je en ai escript, je en fui enfourmés de vaillans honmes, chevaliers d’Engleterre qui là furent, et liquel missent grande entente à veoir le couvenant des François: ce furent depuis mesires Jehans Candos et mesires Bietremieus de Brouhes, et de la partie des François li sires de Montmorensi, et des chevaliers messire Jehan de Hainnau; car chil doi hault baron estoient et furent ce jour au frain dou roi Phelippe de France. Mais sitos que les chevaliers usés d’armes, qui estoient de la partie des Englois, veirent le povre couvenant des François, il dissent: «Ces gens sont nostre.» Et aussi li sage chevalier de France et usé d’armes, parellement dissent: «Nous sonmes en parti de tout perdre, car il n’i a point de bonne ordenance en nous.»
Les Englois, qui ordonné estoient en trois batailles, et qui seoient jus à terre tout bellement, sitos que il veirent les François aprochier, ils se levèrent sus, moult ordonneement sans nul effroi, et se rengièrent en lors batailles. Et se mist en grande ordenance ceste dou prince, car elle pensoit bien à avoir le grignour faix de la journée, et missent les archiers tout devant en fourme de une erce, et les gens d’armes ou fons, et la bataille seconde sus une aultre èle, pour reconforter la première, se besoings estoit, et le roi d’Engleterre et sa bataille, encores plus en sus, liquel avoient pris la mote d’un moulin à vent. Et là se tenoit li rois au plus hault, pour veoir plus lonc et autours de li. Et pooit estre li rois adonc en l’eage de trente sis ans, en la flour de sa jonèce, et conforté grandement en ses besongnes. Fos 119 vº et 120.
P. 174, l. 28 et 30: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 278. P. 175, l. 14: Quant li rois.—Ms. d’Amiens: Ensi en chevauchant toudis avant, li maistres des arbalestriers, qui conduisoit les Geneuois, chevauça tant et se routte qu’il se trouvèrent devant les Englèz. Lors s’arestèrent tout quoy et prissent leurs arsbalestrez et leur artillerie, et s’appareillièrent pour coummencher le bataille. Environ heure de vesprez, coummencha ungs esclistrez et ung tonnoire très grans et une pleuve très grosse avoecq un très grant vent; et l’avoient li Franchois ens ou viaire, et li Englès au dos. Quant li maistres des arbalestriers eut ordonné et aroutté les Geneuois pour traire, il coummenchièrent à huer et à juper moult hault; et li Englès [demorèrent] tout koy et descliquièrent aucuns kanons qu’il avoient en le bataille, pour esbahir les Geneuois.
Apriès ce que li oraiges fu passés, li dit mestre des arbalestriers fissent avanchir bidaus et Geneuois, et aller par devant lez bataillez pour traire et pour bersser as Englès et yaux derompre, enssi que coustumme est, et allèrent de si priès qu’il traissent assés li uns as autrez. Et furent assés tost bidaus et Geneuois par lez archiers desconfis et fuisson fuis en voies, se il pewissent; mais les bataillez des grans seigneurs estoient si escaffées pour yaux avanchier et combattre lors ennemis, qu’il n’atendirent ne ung, ne autre, ne ordonnanche, ne aroy; ains coururent tous desordonnés et entremeslés, tant quil encloïrent les Geneuois entre yaux et les Englès, par quoy il ne peurent fuir, ains cheoient li cheval foible parmy yaux, et li cheval fort cheoient parmy les foiblez qui cheu estoient. Et chil qui derière estoient, n’y prendoient point garde pour le priesse; si cheoient parmy chiaux qui ne se pooient relever. Et d’autre part, li archier traioient si espessement et si ouniement à chiaux qui estoient devant et d’encoste, que li cheval, qui sentoient ces saiettez barbues, faisoient merveillez. Li ung ne volloient avant aller, li autre salloient contremont, li pluisseur regettoient fort, li autre se retournoient les culz pour les saiettez qu’il sentoient, par deviers les ennemis, maugret leurs mestres, et chil qui sentoient le mort, se laissoient cheoir. Et les gens d’armes englès, qui estoient rengiet à piet[359], s’avanchoient et se freoient entre ces seigneurs et ces gens qui ne se pooient aidier de leurs chevaux, ne d’iaux meismes, et tenoient daghes, haces et cours espios de gue[r]re, durs et roys, et ocioient gens à leur aise, sans contredit et à peu de fait et de deffensce; car il ne se pooient aidier ne dessonniier li uns par l’autre, ne oncquez on ne vit tel mesaventure, ne perdre tant de bonnes gens à peu de fait.
En telle mannierre dura chilz grans mesciéz pour lez Franchois jusques à le nuit, car li nuis les desparti. Et jà estoit vesprez, quant li bataille coummencha; ne oncques li corps dou roy de Franche, ne nulz de se bannierre ne peut che jour parvenir jusques à le bataille. Ossi ne fissent nullez des commugnez des bonnes villez de Franche, fors tant que li sires de Noiiers[360], ungs anchiens chevaliers et durement preudons et vaillans, porta l’oriflambe, la souverainne bannierre dou roy, si avant qu’il y demoura. Fº 94.
—Ms. de Rome: Qant li rois Phelippes de France vint auques priès de la place où les Englois estoient aresté et ordonné et il les vei, se li mua li sans, car moult les avoit encargiet en grant haine, et perdi tous pourpos et arrois sus l’estat que li Monnes de Basèle avoit dit et ordonné, et dist tout en hault: «Par m’ame et par mon corps, je voi mes ennemis, mais je les voel aler combatre. Faites traire avant ces Geneuois et conmenchier la bataille, ou nom de Dieu et de monsigneur saint Denis.» Donc fu faite voie as arbalestriers, et moustroient les auquns que point il n’i aloient de bonne volenté, car jà il estoient tous las de venir à piet de Abbeville jusques à là, où il i a siis lieues, et de porter lors arcs. Ces Geneuois pooient estre environ quinse mille. Li mestres des arbalestriers des Geneuois dist tout en hault: «On nous fait issir hors de l’ordenance des marescaus. On nous avoit dit que nous reposerions meshui ichi, et entenderions à mettre nostre artellerie à point; et on voelt, tous lassés que nous sonmes, que nous alons tantos combatre!» Ces paroles furent ditets et reprises au conte d’Alençon, qui durement en fu courouchiés, et dist à ceuls qui estoient dalés li: «Regardés, on se doit bien cargier de tèle ribaudaille! Il ne sont bon, fors à la table. On tue tout! Il nous porteront plus d’empecement que de avancement.» Entrues que ces paroles et detriances couroient, et que chil Geneuois se requelloient, descendi dou chiel une plueve si grose et si espesse que mervelles fu à considerer, et conmença à esclitrer et à tonner, et sambla proprement que li mondes deuist finer. Avoecques tout ce, il vint une vollée de corbaus, si grande et si espesse, en vollant pardesus les deus hoos et en demenant très grant noise. Adonc dissent auquns chevaliers, et de l’une part et de l’autre: «Il auera, avant que il soit nuit, ichi très grande bataille et effusion de sanc et mortalité de honmes, sur qui que li affaires tourne.»
Apriès toutes ces coses, li temps s’apaisa et li solaus conmença à luire sus l’eure de basses vespres, biaus et clers. Li François l’avoient en l’oel, et li Englois au dos. Qant chil Geneuois furent tout requelliet et mis ensamble, et il deubrent aprocier les Englois, il conmenchièrent tout de pluisseurs vois à juper si hault que ce fu mervelles. Et fissent ceste ordenance pour les Englois esbahir, mais les Englois n’en fissent compte, assés tos apriès la seconde fois en tèle manière et la tierce ensi, et il l’ont de usage; et puis passèrent avant et tendirent lors arbalestres, et conmenchièrent à traire. Et qant chil archier d’Engleterre veirent ceste ordenance, il passèrent un pas avant, et puis fissent voler ces saiètes, les quelles entrèrent et descendirent si ouniement sus ces Geneuois que ce sambloit nège. Li Geneuois, qui point n’avoient apris à trouver tels archiers que chil d’Engleterre sont, qant il sentirent ces saiètes qui lor perchièrent bras et poitrines, et lors ceoient sus lors visages et de plus lonc que il ne pooient traire, se conmenchièrent à esbahir et furent tantos desconfi. Et coppèrent li pluisseur les cordes de lors arbalestres, et les aultres les ruèrent jus, et conmencièrent à tourner les dos et moustrèrent samblant que il voloient fuir, mais il ne peurent, car il furent enclos des gens d’armes. Et li rois de France et son frère, le conte d’Alençon, qant il veirent le mauvais couvenant de euls, dissent: «Tués la pietaille! Tués la pietaille! Il nous ensonnient et tiennent le cemin sans raison.» Là veissiés gens d’armes entouelliés entre euls ferir et fraper sus euls et ocire, et moult de vaillans honmes, euls et lors cevaus, ceoir et tresbuchier parmi euls, que on ne pooit aidier ne relever. Et toutdis traioient archier englois esforciement ou mont, et ne perdoient nuls de lors trais, car il enfieroient et enpalloient parmi les corps, ou parmi chevaus, ou testes ou bras ou jambes de gens d’armes, par telle manière que on estoit mehagniet trop durement ou bleciet ou mort, et si ne savoit on d’où les saiètes venoient. Ensi se conmença la bataille, ce samedi, à heure de basses viespres, tout oultre l’ordenance et la volenté des vaillans honmes qui avoient consilliet que on se logast là ce samedi devant les Englois, et que le dimence on aueroit avis conment on se poroit ordonner. Fº 120.
P. 175, l. 22: quinze mil.—Ms. B 6: qui fasoient porter sur les cars leurs arbalestres. Fº 324.
P. 176, l. 19 et 20: li Englès.—Ms. B 6: Les Englès avoient entre eulx deulx des bonbardieaulx, et en firent deux ou trois descliquier sur ces Geneuois, qui trop mal ordeneement se mirent quant il les oïrent ruer. Fº 325.
P. 176, l. 25 et 32: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 176, l. 31: cil d’Engleterre.—Ms. B 6: qui traissent deus ou trois fois où il ne tiroient c’une fois. Fº 326.
P. 177, l. 12: raison.—Ms. B 6: Et ossy ly aucuns Geneuois, pour eulx oster de che dangier, se mettoient vingt ou trente ensamble et se deffendoient. Fº 326.
P. 177, l. 15: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 279. P. 177, l. 24: Li vaillans.—Ms. d’Amiens: Li bons roys de Behaingne, qui tant fu larges et courtois, preux et vaillans, quant il entendi que on se combatoit, apella le Monne de Basèle, qui estoit dalléz lui et de ses chevaliers, et les bons chevaliers de son pays de Behayngne et de Luxembourch, qui durement l’amoient, et leur pria et enjoindi especialment que il le volsissent mener si avant qu’il pewist ferir un cop d’espée. Si chevalier acomplir veurent son desir, se requeillièrent tout enssamble et fissent chevauchier les bannierrez leur seigneur le roy, et s’en vinrent de grant vollenté assambler as Englès; et là eut fort hustin et dur, et reboutèrent adonc le bataille dou prinche. Fº 94 vº.
—Ms. de Rome: Li vaillans et nobles rois de Boesme et contes de Lucenbourc, sires de Ammeries et de Rainmes, qui se nonma Jehans, et li auqun dient que il fu rebaptisiés à avoir nom Carles, et qui fils fu à l’empereour Henri, entendi par ses gens que la bataille estoit conmenchie: «Ha! dist li Monnes de Basèle, liquels estoit dalés li et à son frain, on n’a point tenu ne creu mon ordenance. Si sonmes sus un parti que de tout perdre.» Li gentils rois entendi la parole dou chevalier; se li demanda: «Monnes, quel heure est il, et conment sont nostre ennemi?»—«Sire, respondi li chevaliers, il est tous bas vespres, et si avons le solel en l’oel. Et sont li nostre de povre arroi, car il entrèrent ou tret des archiers et s’en vont perdre sans raison, et, puis que la cose est conmencie, on n’i puet remediier.» Adonc dist li gentils rois, qui tous aveugles estoit, au Monne de Basèle et as ses aultres chevaliers: «Biau signeur, je vous pri chierement, et par la foi que vous me devés, que vous me menés si avant en la bataille que je puisse ferir un cop d’espée.» Et il respondirent tout: «Monsigneur, volentiers.»
Là se aloiièrent tout li chevalier dou roi par les resnes de lors cevaus ensamble, à la fin que il ne se peuissent departir l’un de l’autre, ne perdre la veue de lor signour le roi, ne retourner l’un sans l’autre. Et qant il se furent mis en celle ordenance, li Monnes de Basèle, qui estoit li plus usés d’armes, et qui dou matin avoit cevauchiet pour aviser le couvenant des ennemis, fist tourner les banières dou roi sus costé, et regarda là où les gens d’armes englois se tenoient, qui encores se tenoient en lors pas, ensi que ordonné on les avoit. Les banières dou roi de Boesme, li rois et ses gens tourniièrent tant que il vinrent là où les gens d’armes estoient, et conmenchièrent la bataille à euls, et qant il i entrèrent, il estoit jà tart. Là furent chil Behagnon et Alemant requelliet de la bataille dou prince et des vaillans hommes qui là estoient. Là fu la bataille forte et dure et bien poursievoite. Et ot li rois de Boesme son desirier acompli, car on le mist tout devant; et se il euist esté congneus que ce euist esté li rois de Boesme, on ne l’euist pas tretiiet jusques à mort. Mais li vaillans homs fu là ocis, et tout chil qui avoecques le gentil roi estoient, reservé deus equiers, Lambeqins dou Pé et Pières d’Auvilers. La manière conment il se sauvèrent, je ne le sçai pas, mais par euls fu sceu l’ordenance dou roi et des gens, et conment il entrèrent dedens la bataille et asamblèrent à lors ennemis.
Bien est verité que de si grans gens d’armes et de si noble cevalerie et si grant fuisson que li rois de France avoit là, il en issirent trop petit de grant fais d’armes, car la bataille conmença tart, et si estoient li François trop fort lassé et travilliet. Toutesfois, ensi que il venoient, li vaillant honme, pour lor honnour et pour euls acquiter, cevauçoient toutdis avant, et ne savoient où il aloient, fors morir. Considerés cel afaire et conment une dure fortune et perverse tourna sus les François. Fos 120 vº et 121.
P. 178, l. 13 et 19: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 178, l. 19: li Monnes de Basèle.—Mss. A 18, 19: le Moine de la Basèle. Fº 151 vº.—Mss. A 20 à 22: le Moisne de Baselle. Fº 212 vº.
P. 178, l. 21: conté.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 22: duchié. Fº 147 vº.
P. 178, l. 21: Lussembourc.—Mss. A 18, 19: Lucebourc. Fº 151 vº.
P. 179, l. 5: Saint Pol.—Mss. A 15 à 17: Saint Poul. Fº 148.
P. 179, l. 6: de Namur.—Mss. A 15 à 17: Jehan de Namur. Fº 148.
P. 179, l. 7: Sanssoire.—Le nom de ce chevalier est omis dans les mss. A 1 à 6, 11 à 14.
P. 179, l. 13: il s’en parti.—Ms. B 6: messire Charles de Behaigne, qui jà s’apelloit roy d’Alemaigne, quoique l’empereur vesquit encore, fist là voller l’aigle d’Alemaigne, car il s’en parti et pluiseurs des siens qui le sievirent; et ne cessa de chevaucier, sy vint en la chité d’Amiens. Fos 333 et 334.
P. 179, l. 17: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 280. P. 179, l. 24: Vous devez.—Ms. de Rome: Vous devés sçavoir que li rois de France avoit grant angousse au coer, qant il veoit ses gens ensi desconfire et fondre l’un sus l’autre par une puignie de gens que li Englois estoient, et en demanda consel à mesire Jehan de Hainnau qui dalés lui estoit. Li dis mesire Jehan respondi et dist: «Monsigneur, je ne vous saueroie aultre cose consillier: le millour pour vous est que vous vos retraiiés et tenés arrière de la bataille. Il en est avenu par le desroi et le mauvaise ordenance des vostres, ce que chils vaillans chevaliers li Monnes de Basèle en dist et proposa ce matin. Vous perderés celle fois, et vous gagnerés une aultre. Ensi vont les pareçons d’armes et les fortunes en ce monde. Et encores est li perils trop grans pour vous, car il sera tantos tart et fera brun de la nuit. Si vous poriés, qui estes rois de France, aussi bien fourvoiier que avoiier, et mettre sus vostres ennemis que entre vostres amis; et vous tous seuls ne poés pas faire la besongne.»
Li rois de France, qui tous fremissoit d’aïr et de merancolie, ne respondi point adonc, mais cevauça encores un petit plus avant. Et li sambla que il se voloit adrecier deviers le conte d’Alençon, son frère, dont il veoit les banières sus un petit tertre, liquels contes d’Alençon estoit descendus et avoit là requelliet ses gens moult ordonneement; et en cel estat, sans requler, il vint combatre les Englois, et aussi li contes de Flandres en tèle manière. Vous devés sçavoir que li grant signeur et moult de vaillans gens s’aquitèrent vaillanment et moustrèrent tout estat et fait de proèce, et ne furent pas trouvet mort à l’endemain en fuiant, mais l’espée en la main et le viaire viers lors ennemis.
Che samedi au matin, avoit li rois de France donné à mesire Jehan de Hainnau un noir coursier durement biel et grant. Et portoit sus le dit coursier uns chevaliers de Hainnau, qui se nonmoit Tieris de Senselles, la banière dou dit messire Jehan de Hainnau. Et avint que li chevaus et le chevalier sus passa de force tout parmi les conrois des Englois, ne onques la banière ne li vola hors des buhos où li hanste estoit boutée. Qant li chevaliers se vei hors de la bataille et sus les camps, il n’ot nul talent de retourner arrière, car riens n’i euist fait, et si ne pooit sçavoir que son mestre estoit devenu. Si prist le cemin pour venir viers Dourlens et viers Arras, et fu le dimence à Cambrai et là aporta la banière.
Messires Jehans de Hainnau et mesires Carles de Montmorensi estoient au frain dou roi de France et li plus proçain de li, et avoient cause de li garder et consillier. Si le fissent partir et issir hors dou peril, ensi que à force. Là avoit un chevalier de Hainnau, qui se nonmoit sires Henris d’Usfalise, sires dou Petit Wargni, moult vaillant et appert chevalier, et estoit retenus au capiel et au frain le signeur de Montmorensi. Qant il vei que son signeur s’en retournoit, il n’ot nulle volenté dou retourner, mais feri cheval des esporons et entra dedens la bataille, et i fist d’armes ce que il peut[361], mais il i demora. Dieus ait l’ame de li et de tous les aultres, car ce samedi il en i ot mors grant fuisson. Fº 121.
P. 179, l. 26: fondre.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: fouldroier. Fº 148.
P. 180, l. 25: Thieri.—Mss. A 15 à 17: Henrry. Fº 148 vº.
P. 180, l. 26: Senselles.—Ms. A 7: Fenseilles. Fº 141 vº.—Mss. A 15 à 17: Sanselles. Fº 148 vº.—Mss. A 20 à 22: Seriseilles. Fº 213.
§ 281. P. 181, l. 15: Ceste bataille.—Ms. d’Amiens: Lors s’avala la bataille dou comte de Norhantonne et de l’evesque de Durem; et reconfortèrent celle dou prinche de Galles. Li comtez de Blois, li dus de Lorainne et leurs gens se combatoient d’autre part mout vassaument, et donnèrent à leur endroit les Englèz assés affaire. Et fu tel fois que li bataille dou prinche de Gallez branla et eut moult affaire. Et vinrent doy chevalier englès de le bataille dou prince deviers le roy englès et li dissent: «Sire, il vous plaise à venir comforter vostre fil, car il a durement affaire.» Adonc demanda li rois s’il estoit auques blechiés ne navréz, et on li dist: «Oil, mès non trop durement.» Donc respondi li roys et dist as chevalliers: «Retournés deviers lui et ne m’en venés meshui querre jusquez à tant qu’il soit si navrés qu’il ne se puist aidier: laissiés l’enfant gaegnier ses esperons.» Adonc retournèrent li chevallier de le bataille dou roy et revinrent deviers le prinche et se bataille. Fº 94 vº.
—Ms. de Rome: Ceste bataille, ce samedi, entre la Broie et Creci, fu moult felenesse et très orible. Et i avinrent pluisseurs grans fais d’armes, liquel ne vinrent pas tout à connissance; car, qant la bataille conmença, il estoit jà moult tart. Et ce greva plus les François que aultre cose, car pluisseurs gens d’armes, chevaliers et esquiers, sus la nuit, perdirent lors signeurs et lors mestres. Si vaucroient par les camps, et ne savoient où il aloient, et souvent il s’embatoient entre les Englois, où il estoient mal logiet.
Vous devés sçavoir que, se les trois batailles dou roi d’Engleterre se fuissent toutes misses ensamble et euissent poursievi les François, tout i fuissent demoret ou mort ou pris, quoique il en i demorast assés et trop. Mauvaisement on puet sçavoir conment chil se conbatirent, qui là furent mort, tels que le conte Carle d’Alençon, frère au roi de France, le conte Lois de Blois, lor neveu, le conte Lois de Flandres, le duch de Lorrainne, le conte de Harcourt, frère à mesire Godefroi de Harcourt, qui là estoit, le conte d’Aumale, le grant prieus de France et pluisseurs aultres; mais on doit croire et supposer que si grans signeurs que chil estoient, ne furent pas mort ne ocis à petit de fait. Mais couvint que des grans fais d’armes par euls et par lors gens i avenissent, liquel ne vinrent pas tout à la congnisance de ceuls qui m’en enfourmèrent; mais en tels coses on en puet mieuls sçavoir la verité par les victorieus que par les desconfis, car il ont plus grant loisir et l’avis plus atempré, et plus grant entente il i mettent au regarder que ne font li fuiant ou li cheu ou chil qui tirent à euls sauver. Chil grant signeur de France desus nonmé, liquel pour leur honnour et pour euls acquiter, qant il entrèrent en la bataille, moult de vaillans hommes, chevaliers et esquiers qui les servoient et qui offisce avoient, les uns de estre au frain dou signeur, et les aultres à porter les banières ou à estre dalés pour aidier à deffendre et à garder, ne puet estre que il ne fuissent grant fuisson, et que la venue d’euls et la moustre ne fesist à cremir. Et avint que chil qui avoient à garder le corps le prince de Galles, qant il veirent si grant peuple venir à l’encontre d’euls, resongnièrent le faix et orent consel de envoiier deviers le roi son père, ensi qu’il fissent, qui estoit en sus de la bataille dou prinche et sus la mote d’un moulin à vent. Et estoient chil de la bataille dou roi à costé par derrière de une grose haie, et ne pooit on venir ne entrer sus euls fors que par devant, à la fin que il vosist descendre et venist aidier son fil, quoi que la seconde bataille et la première fuissent remisses tout en une; et i envoiièrent, et i vint uns chevaliers de par le conte de Warvich. On li fist voie, et parla au roi et dist: «Chiers sires, je sui chi envoiiés de par ceuls qui ont le corps de vostre fil, le prince, en garde, et vous segnefiient que il font doubte que la poissance des François ne les esforce, car elle est trop grande.» Donc respondi li rois: «Et mon fil, en quel estat est il?»—«En nom Dieu, sire, respondi li chevaliers, il est encores fors et hetiés et en bon point.» Donc dist li rois: «Or alés, alés et retournés deviers ceuls qui chi vous envoient, et lor dites de par moi que il est heure que li enfes gagne ses esporons, et ne me venés plus querre, tant que il ait poissance de tenir en main glave ne espée; car se il plaist à Dieu et à monsigneur saint Gorge, la journée sera pour li.» Li chevaliers retourna sus ceste parole.
Or avoit li rois ensi parlé, je vous dirai pourquoi. De là où il estoit, il pooit veoir en partie le couvenant des François, si ques ils et ses gens l’avoient veu et veoient encores si très povre et mauvais que pires ne pooit estre; car ensi que il venoient et entroient en la bataille, il s’abandonnoient follement et se perdoient[362].... Fº 121 vº.
P. 181, l. 15: la Broie.—Mss. A 1 à 6, 18, 19: Broye. Fº 148 vº.—Mss. A 20 à 22: Braye. Fº 152.
P. 181, l. 16: Creci.—Ms. A 7: Cresy. Fº 141 vº.
P. 181 l. 16 et 24: voir aussi Sup. var. (n. d. t.)
P. 181, l. 25: à raençon.—Ms. B 6: Et proprement le roy d’Engleterre avoit ordonné que on n’entendesist à prendre prisonniers; et n’en y eult mie, que che soir, que l’endemain, douze. Fº 331.
P. 181, l. 25 et 26: car entre... de peuple.—Mss. A 20 à 22: Ainsy l’avoit le roy Edouard ordonné dès le matin pour l’advertance de la grant multitude des François. Fº 213 vº.
P. 182, l. 16: d’Arondiel.—Mss. A 18, 19: d’Aronde. Fº 152 vº.
§§ 282, 283, 284. P. 183, l. 23: On doit.—Ms. d’Amiens: A ceste bataille, qui fu assés priès de Crechi, eut trop de contraires et de inconveniens pour les Franchois. Premierement par orgoel il se combatirent sans arroy, sans ordonnanche et oultre le vollenté dou roy; car il ne peult oncquez parvenir jusques à le besoingne, ne messires Jehans de Haynnau, qui estoit retenus pour son corps, ne pluisseurs autres bons chevaliers. Et assamblèrent li Franchois as Englès, li pluisseur qui n’avoient beu ne mengiet tout le jour, mais estoient lasset et travilliet, dont il n’estoient mies plus fort, ne mieux en leur alainne; et se combatoient le solleil en l’oeil, qui mout lez grevoit, et avoecq tout ce, il estoit durement tart, car il fu tantost nuis. Se ne savoient li pluisseur radrechier à leur bannière, ne à leurs mestres, mès cil qui aventurer et combattre se volloient, tout enssi qu’il venoient, se boutoient ens; et quant il estoient parvenu jusques à la bataille, il trouvoient d’encontre ces archiers qui trop grant encombrier leur faisoient. Enssi se parsevera ceste vesprée tant que la nuis fu toutte obscurchie, et ne recongnissoient mies l’un l’autre. Touttesfois, li Englès ne se mouvoient de leur place, ne dou lieu où il estoient ordounné, ne nulx hommes d’armes de leur costet ne se metoit devant leur tret, car il pewissent bien foliier. Li roys de France, qui se tenoit enssus de le bataille, dallés lui monseigneur Jehan de Haynnau et aucuns de son consseil, bons chevaliers et sceurs, qui estoient garde de son corps, enqueroit souvent coumment li besoingne se portoit. Se li fu dit environ soleil esconssant li mesaventure et li pestilence qui estoit avenus sus ses gens; et se n’y avoit point de remède de nul recouvrier. Quant li roys oy ces nouvellez, si fu durement enflaméz d’ayr, et se feri son cheval des esperons par deviers ses ennemis. Adonc le ratinrent chil qui dallés lui estoient, messires Jehans de Haynnau, messires Carlez de Montmorensi, li sires de Saint Digier, li sires de Saint Venant et aucun bon chevalier qui ordonnet estoient pour son corps garder et li conssillier, et qui ymaginèrent et considerèrent le peril, et dissent: «Ha! chiers sirez et noblez roys, aiiés atemprance et mesure en vous. Se aucune partie de vos gens se sont perdu par follie et par leur outrage, ne vous voeilliés pour ce mettre en peril, ne le noble couronne de France en tel meschief ne tel aventure; car encorres estes vous puissans assés de rassambler otant de gens que vous avés perdu et plus assés. Jà ne sera vos royaummes si desconfis, et retournés meshui à la Broie qui est assés priès de chy: dedens demain aurés vous autrez nouvelles et bon consseil, se Dieux plaist.»
Li roys, qui moult estoit escaufféz d’aïr, tout en chevauchant, considera lez parollez de sez bons chevaliers et leur consseil, et plus celui de monseigneur Jehan de Haynnau que nulx des aultrez, car il le sentoit si loyal et si adviset, que contre se deshonneur, il ne l’ewist nullement fourconssilliet. D’autre part ossi, au voir dire, il veoit bien qu’il estoit tart, et une puignie de gens qu’il avoit dallés lui, pooient, sus une desconfiture, peu faire. Si se rafrenna et tourna son cheval sus frain, et prist le chemin de la Broie et y vint gesir celle nuit, et li chevalier dessus noummet, qui estoient dallés lui. Encorres se combatoient et entoueilloient aucuns de chiaux qui estoient à le bataille. Si s’en parti messires Carles de Behaingne, filx au bon roy de Behaingne, qui s’appelloit et escripsoit roys d’Allemaingne; ossi fissent pluisseurs seigneurs, car ce ewist esté pité se tout y fuissent demouret. Si en demoura il assés, dont ce fu dammaiges, mès telz bataillez et si grans desconfitures ne se font mies sans grant occision de peuple. Li comtez Guillaume de Namur eut mort desoubz lui son courssier, et fu en grant peril de son corps et à grant meschief relevés; et y demora ung bon chevalier des siens que on clammoit messires Loeys de Jupeleu. Si se sauva li dis comtes par l’avis et l’effort de sez hommes qui le gouvrenoient, qui le missent hors dou peril. On ne vous poet mies dire ne recorder de tous chiaux qui là furent, quel aventure il eurent, ne coumment il se combatirent chil qui y demorèrent, ne coumment cil s’en partirent, qui se sauvèrent; car trop y fauroit de raisons et de parolez. Mès tant vous di, que on oy oncques à parler de si grande desconfiture, ne tant mors de grans seigneurs, ne de bonne chevalerie, qu’il eut là à si peu de fait d’armes qu’il y eut fait, si comme cil le temoignent qui y furent, tant d’un lés comme de l’autre, et par lesquelx li pure verité en est escripte. Ceste bataille fu par un samedi, l’endemain dou jour Saint Bietremieu, ou mois d’aoust, l’an de grace Nostre Seigneur mil trois cens quarante six.
Quant la besoingne fu departie et la nuis fu venue toutte espesse, li roys englès fist criier sus le hart que nulx ne se mesist à cachier apriès les ennemis, et que nus ne despouillast les mors, ne les remuast, jusquez à tant qu’il en aroit donnet congiet. A celle fin fist li rois ce ban, que on les pewist mieux reconnoistre au matin, et coummanda que chacuns allast à se loge reposer sans desarmer, et pria que tout li comte, seigneur, baron et chevalier venissent souper avoecq lui, et coummanda à ses marescaux que son host fust bien gardés et escargaitiés toute celle nuit. Li coummandemens dou roy fu fais de tout en tout; et vinrent soupper dalléz le roy, chil qui priiet en estoient. Si poés bien croire qu’il furent en grant joie et en grant repos de coer, pour la belle aventure qui avenue leur estoit. Fos 94 vº et 95.
Page 184, l. 25: voir Sup. var. (n. d. t.)
P. 185, l. 6: garites.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: creneaulx. Fº 149 vº.
P. 185, l. 9: chastellain.—Mss. A 23 à 29: capitaine. Fº 168.
P. 185, l. 9 et 10: li infortunés.—Mss. A 30 à 33: le fortuné. Fº 189 vº.
P. 185, l. 30: perseverèrent.—Les mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19, ajoutent: après celle desconfiture. Fº 149 vº.
§ 285. P. 187, l. 20: Quant la nuis.—Ms. d’Amiens: Le diemenche au matin fist grant brumme, si ques grant fuisson des Englès yssirent des loges, aucun à cheval et aucun à piet, et allèrent, par le congiet dou roy, aval les camps pour savoir se il porroient veoir aucuns des Franchois qui se rassamblaissent par troppiaux ou granment enssamble pour yaux rassaillir de nouviel. Si en trouvèrent fuisson des commungnes dez bonnes villez qui avoient dormit en boskès, en fossés et en hayes, par troppiaux; et demandoient li ungs as autres de leur aventure et qu’il devenroient; car il ne savoient que avenu leur estoit, ne que li roys ne leurs conduisières estoit devenus. Quant il virent ces Englès venir viers yaux, il les atendirent et penssèrent que ce fuissent de leurs gens. Et chil Englès se ferirent entr’iaux, si comme li leux entre brebis, et les tuoient à vollenté et sans deffensse. Une autre compaignie d’Englès allèrent aventurer d’un autre costet. Si trouvèrent grans tropiaux de gens en pluisseurs lieux, qui alloient aval lez camps pour savoir se il poroient oyr nouvellez de lor seigneur; li autre queroient lors mestres, li aultres leurs proismez, li autres lors compaignons, et chil Englès les ocioient tout enssi qu’il les trouvoient ou encontroient. Fº 95.
—Ms. de Rome: [Li rois acola le prince, et] li princes, li. Et là li dist li rois: «Biaus fils, Dieus vous doinst bonne perseverance! Vous estes mon hiretier, car vous vos estes wi vaillanment portés et acquités.» Li princes, à ceste parole, s’enclina tout bas, et se humelia en honnourant le roi son père, ce fu raison.
Vous devés sçavoir que grant joie de coer fu là entre les Englois, qant il sentirent et congneurent de fait que la place lor estoit demorée, et que la nuit avoit esté pour euls. Si tinrent ceste aventure à belle, et en regratiièrent Dieu qui lor avoit envoiiet, et passèrent la nuit jusques à l’endemain.
Qant ce vint le dimence au matin, il fist grant brume, et tèle que à painnes pooient veoir lonch un arpent de terre. Adonc se departirent de l’oost par l’ordenance dou roi et des marescaus, cinq cens hommes d’armes et doi mille archiers, pour descouvrir et savoir se il trouveroient ne veoiroient auquns François qui se vosissent requellier. Che dimence au matin, estoient parti de la ville d’Abbeville et de Saint Riqier en Pontieu les conmunautés de Roem, de Biauvais et de Amiens, qui riens ne savoient de la desconfiture qui estoit avenue le samedi. Et trouvèrent ces gens, à male estrine pour euls, ces Englois qui cevauçoient. Si se boutèrent entre euls, et quidièrent de premiers que ce fuissent de lors gens. Et lorsque les Englois les avisèrent, il les courirent sus moult vistement, et furent tantos ces François desconfis et mis en cace. Si en i ot mors sus les camps, que par haies, que par buissons, ensi que il fuioient pour euls sauver, environ huit mille; et se il euist fait cler sans brume, il n’en fust jà piés escapés.
Assés tos apriès furent rencontré de ces Englois meismes, une aultre route de François où li archevesques de Roem et li grans prieus de France estoient, qui riens aussi ne savoient de la desconfiture, car on lor avoit dit que li rois de France ne se combateroit jusques au dimence, et sus cel estat avoient il le samedi logiet sus les camps entre lors gens et lor charroi. Qant les Englois les perchurent, il en orent grant joie et lor courirent sus, et furent aussi tantos desconfi. Et là furent mort li doi chief qui les menoient, et uns aultres homs, moult vaillans, qui se nonmoit li chastelains d’Amposte, et qui nouvellement estoit venus de Rodes, et s’estoit trouvés par pluisseurs fois en batailles mortels sus les Turs, mais toutdis à son honnour il en estoit issus, et morut là li chevaliers, avoecques le dit grant prieus de France. Ensi chevauchièrent, ce dimence au matin, ces Englois à destre et à senestre, querans les aventures, et ruèrent jus par fous et par compagnies moult de François. Et fui enfourmés que, le dimence au matin, la grant desconfiture fu des conmunautés, et le samedi au soir et par nuit des barons et chevaliers de France. Fº 123.
P. 187, l. 20: ce samedi.—Mss. A 1 à 6, 8 à 22: du samedi. Fº 150.
P. 187, l. 25: tortis.—Mss. A 15 à 17: teurteiz. Fº. 150.—Mss. A 20 à 22: torsins. Fº 215 vº.—Mss. A 30 à 33: torcys. Fº 189 vº.
P. 187, l. 27: bacinet.—Mss. A 23 à 29: heaulme. Fº 168 vº.
P. 188, l. 8 et 9: nuitie.—Mss. A 7, 20 à 22: journée. Fº 143.—Mss. A 1 à 6, 18, 19: nuittiée, nuittée. Fº 150 vº.—Mss. A 8, 9, 15 à 17: nuitée. Fº 135.
P. 188, l. 13: Ensi.—Les mss. A 1 à 6, 11 à 14 ajoutent: baillant et rendant graces à Dieu. Fº 150 vº.
P. 188, l. 14 et 15: ne voloit.... fesist.—Mss. A 20 à 22: ne le vouloit mye. Fº 215 vº.
P. 188, l. 15: que nulz s’en fesist.—Mss. A 1 à 6, 8, 9, 11 à 14, 18, 19: que aucun fouist. Fº 150 vº.
P. 188, l. 24: les communautés.—Ms. B 6: de Rains, de Roan, de Paris, de Chalon, d’Amiens, d’Arras et des chités et bonnes villes de France. Fº 336.
P. 188, l. 27: à male estrine.—Mss. A 1 à 9, 15 à 19: male estraine. Fº 150 vº.—Mss. A 20 à 22: male espine pour eulx en leur chemin, c’est assavoir ces Anglois. Fº 216.
P. 189, l. 3: sept mil.—Mss. A 15 à 17: huit mille. Fº 150 vº.
Page 189, l. 27: voir Sup. var. (n. d. t.)
§ 286. P. 189, l. 31: Ce dimence.—Ms. d’Amiens: Environ heure de tierche, revinrent (li Englès) à leurs loges, en ce point que li roys et li seigneur avoient oy messe. Si lor comptèrent lor aventure et chou qu’il avoient fait. Adonc coummanda li roys à monseigneur Renaut de Ghobehen, qui estoit moult vaillans chevaliers et li plus preux des chevaliers englès tenus, qu’il presist aucuns chevaliers connissanz armes et tous lez hiraux avoecq lui, et allast par tout les mors, et mesist tous les chevaliers qu’il poroit recongnoistre, en escript, et tous les princhez et les grans seigneurs fesist porter enssamble d’un costet, et sus chacun son nom escript, par quoy on les pewist reconnoistre et faire leur service seloncq leur estat. Li dis messires Renaux et se compaignie le fissent, ensi que coummandé leur fu, et cierquièrent tout le jour les camps de chief en cor et tous les mors, et rapportèrent au soir au roy, si comme il avoit jà souppet, leur escript. Et fu sceut par leur escript qu’il avoient trouvet onze chiés de princes, parmy un prelat, mors, quatre vingt chevaliers bannerèz et environ douze cens chevaliers d’un escut ou de deux, et bien quinze mil ou seize mil autrez, que escuiers, que tourniquiel, que bourgois de bonnes villez, que bidaus, que Geneuois, que gens de piet, tous gisans sour les camps, et n’avoient trouvet que trois chevaliers englès et environ vingt archiers.
Or est bien raison que je vous nomme les princhez et les haux hommez qui là demorèrent mors, mèz des autres ne poroie venir à chief. Si commencerai au jentil et noble roy, monseigneur Carle, roy de Behaingne, qui tous aveugles vot estre premiers à le bataille, et coummanda et enjoindi très especialment à ses chevaliers qu’il le menaissent, comment que ce fust, si avant qu’il pewist ferir un cop d’espée sour aucunz dez ennemis, et chil li acomplirent son desir; et demorèrent dalléz lui tuit si chevalier, et furent trouvet mort environ le bon roy. Li plus grans prinches apriès che, fu messire Carlez, comte d’Allenchon, frèrez germains au roy de Franche; apriès, li comtes Loeis de Blois, filz à la sereur germainne au roy de Franche; apriès, li comtez de Flandres; apriès, li dus de Loerainne; apriès, li comtes de Saumes en Saumois; apriès, li comtez de Halcourt; apriès, li comtes d’Auchoire; apriès, li comtez de Sansoire; apriès, li comtes d’Aubmale; apriès, li grans prieux de France, si ques on disoit adonc que passet avoit deux cens ans que on n’avoit veut ne oy racompter que tant de prinches fuissent mort en une bataille, comme il furent là, ne à Courtray, ne à Bonivent, ne autre part. Dieux en ait les anmes, car il morurent vaillamment ou serviche dou roy, leur seigneur, qui moult les plaindi et regretta, quant il en sceut la verité; mès le congnissance ne l’en vint jusquez au lundi à heure de nonne, et qu’il y eut envoiiet par trieuwes quatre chevaliers et ses hiraux. Et se tenoit li dis roys à Amiens, où il vint le diemence au matin, car il se parti de la Broie le diemenche au point dou jour, à privée mesnie; et là à Amiens ou environ se requeillièrent li plus de ses gens, qui ooient dire que li roys y estoit.
Che dimenche tout le jour apriès le bataille, demoura li roys englès en le ditte place où il avoit eu victore, et le soir ossi. Le lundi au matin, vinrent hiraut de par le roy de Franche prendre trieuwes, troix jours seullement, de ceux qui revenroient apriès leurs mestrez et leurs amis, pour ensepvelir, et li roys leur accorda. Et fist li dis roys porter le corps dou roy de Behaingne, son cousin germain, en une abbeie qui siet assés priès de là, et le appelle on Mentenay. Et ossi y fist il porter les corps des autres princhez; dont messire Godeffroit de Halcourt plaindi mout le mort dou comte, son frère, mès amender ne le peut. Che meysme diemence vint li comtez de Savoie [et] sez frèrez, à bien mil lanchez, et ewist este à le bataille, se elle ewist estet faitte par l’ordre dou bon chevalier le Monne de Basèle, qui demoura vaillamment dalléz le bon roi de Behaingne, son mestre. Quant cil doy seigneur dessus noumet entendirent que la bataille estoit outrée, et qu’il n’y estoient point venut à tamps, si furent moult courouchiés. Touttesfoix, pour emploiier leur voiaige et deservir leur gaiges, il chevauchièrent che dimenche au dessus de l’host le roy englès, et s’en vinrent bouter en le ville de Monstroeil pour la garder et deffendre contre les Englès, se mestier faisoit, car elle n’estoit mie adonc si forte que elle est maintenant. Si eurent chil de Monstroel grant joie de le venue des dessus dis seigneurs.
Ce lundi au matin se desloga li roys englès et chevaucha deviers Monstroeil, et envoia courir ses marescaux deviers Hedin, ardoir et essillier le pays, si comme il avoient fait par devant. Et ardirent Waubain, Biauraing, mais au castiel ne fissent nul mal, car il est trop fors. Et puis s’en retournèrent vers Moustroel, et ne se peurent tenir qu’il n’alaissent escarmucier as Savoiiens qui laiiens estoient, mais rien n’y gaegnièrent. Si s’en partirent et ardirent les fourbours, et revinrent deviers l’ost le roy, qui avoit pris son chemin deviers Saint Josse, et se loga celle nuit sus le rivierre. Au matin il s’en partirent, et passèrent l’aige et ardirent ses gens le ville de Saint Josse et puis Estaples, le Noef Castiel, le Delue, et apriès tout le pays boullenois et tout entour Bouloingne, et la ville de Wissan, qui estoit adonc bonne et grosse, et y loga li roys et toutte son host une nuit. Fº 95 vº.
—Ms. de Rome: Le dimence au matin, ensi que li rois d’Engleterre issoit de messe, retournèrent li chevauceour et les archiers, liquel avoient parfurni la desconfiture. Si recordèrent au roi, les capitainnes mesires Richars de Stanfort et mesires Renauls de Gobehen, tout ce que il avoient veu et trouvé, et dissent enssi en oultre que nuls apparans n’estoit de nulle requelloite. Adonc eut consel li rois que il envoieroit cercier les mors à sçavoir quel signeur estoient là demoret. Et en furent ordonné de l’aler, et fu dit de la bouce dou roi, mesires Thomas de Hollandes, mesires Renauls de Gobehem, li sires de Persi, mesires Guis de Briane et mesires Oulfars de Ghistelle, et lor furent delivret tout li hiraut de l’oost, et quatre clers pour escrire les noms des nobles. Si se departirent li desus nonmé et plus de quatre cens honmes en lor compagnie, pour aidier à tourner et à retourner les mors. Qant il furent venu sus la campagne où la bataille avoit esté, li hiraut dou roi d’Engleterre trouvèrent biau cop des hiraus les signeurs de France, qui là estoient venu pour cerchier lors mestres et lors signeurs mors. De qoi li signeur d’Engleterre furent moult resjoi et lor fissent bonne chière. Et cercièrent chil hiraut englois et françois tous les camps, et trouvèrent les signeurs mors en pluisseurs places, et estoient recongneu le plus par lors armoieries; et tantos que il estoient avisé et recongneu, les clers dou roi les metoient en escript. Si y furent trouvet onse chiés de hauls signeurs, quatre vins et trois banerés et douse cens et douse chevaliers d’un esqut, sans le menu peuple, dont il i eut plus de trente mille. Sus l’eure de vespres retournèrent deviers le roi d’Engleterre li baron qui envoiiet avoient esté cerchier les mors, et amenèrent avoecques euls les hiraus françois, pour mieuls certefiier la besongne, et estoient cinq. Je les vous nonmerai: premierement Valois, Alençon, Harcourt, Donpierre et Biaujeu. Li rois d’Engleterre les vei volontiers, et aussi fissent tout li signeur. Et là furent nonmé tout li signeur qui mort estoient: le roi de Boesme premierement, le conte d’Alençon, le conte de Blois, le conte de Flandres, le duch de Lorrainne, le conte d’Auçoirre, le conte de Harcourt, le conte de Saint Pol, le conte d’Aumale, l’arcevesque de Roem et le grant prieus de France. Des barons et des chevaliers, la detriance seroit trop grande à nonmer; mais dalés le conte de Namur, qui fu à la besongne et s’en parti, qant il vei l’eure, morut mesires Phelippes de Jupeleu. De la relation faite par les barons et chevaliers desus nonmés et les hiraus avoecques euls appellés, furent moult esmervilliet li rois d’Engleterre et li signeur de son costé, et plaindirent par especial moult grandement la mort dou bon roi de Boesme, et tinrent son fait à grant vaillance. Et s’en vestirent li rois et ses fils, li princes de Galles, de noir, pour l’amour de li, et aussi pour les aultres qui li estoient de linage, et mesires Godefrois de Harcourt, pour la mort de son frère et de son neveu le conte d’Aumale.
Che soir donna à souper li rois en son logeis tous les barons et chevaliers d’Engleterre qui là estoient, et qui aler i vorrent; et menèrent grant joie et grant reviel toute la nuit, et fissent bon gait et gardèrent les mors. Et à l’endemain on se ordonna au departir de là, et de traire plus avant viers Monstruel sus la Mer. Mais avant le departement dou roi, il fu ordonné et prononchiet par les hiraus françois, que li rois donnoit trieuwes quatre jours à tous ceuls qui vodroient travillier à aidier ensepvelir les mors. Et furent les corps des hauls signeurs presentement levés et portés en une abbeie, seans assés priès de là, qu’on nonme Mentenai. Et furent là, à un obsèque que on fist pour les signeurs, li rois d’Engleterre presens et ses fils, et vesti de noir, et la grignour partie des barons d’Engleterre qui en la compagnie dou roi estoient. Et devés sçavoir que li hiraut françois furent très larguement bien paiiet tant dou roi, de son fil et des barons d’Engleterre, et emportèrent avoecques euls, sans les jeuiauls, en deniers apparilliés, plus de deus mil livres. Nous laisserons un petit à parler dou roi d’Engleterre et des Englois, et parlerons dou roi de France.
Vous avés ichi desus oï recorder conment, le lundi, li rois fist faire une ordenance sus le pais et donna trieuwes quatre jours pour ensepvelir les mors, qant il et ses gens se departirent de Creci en Pontieu, apriès ce que il ot fait faire en l’eglise dou monastère de Mentenai un moult biel service pour l’amour de son cousin le roi de Boesme, qui là i fu aportés, et de tous les aultres hauls et grans signeurs. Li Englois cevauchièrent et s’aroutèrent, et prissent le cemin de Monstruel sus Mer. Le dimence au soir, estoient venu en la ville de Monstruel, li contes de Savoie, et mesires Lois de Savoie son frère, et li contes de Genève, et bien cinq cens lances de Savoiiens, et n’avoient peut venir à temps à la bataille; mais, pour tant que il avoient entendu que la desconfiture estoit sus les François, et que la ville de Monstruel seoit ou voiage des Englois, il se boutèrent dedens. Les Englois coururent devant Monstruel, et ardirent Wauben et Estaples et Saint Josse, et passèrent la rivière de Cance, et ardirent tout le pais autour de Boulongne; et ne cessèrent de ceminer, si furent venu devant Calais et le asegièrent. Fos 123 et 124.
P. 190, l. 10: troi.—Ms. B 6: deulx. Fº 337.
P. 190, l. 23: onze.—Mss. A 11 à 14: dix. Fº 144.
P. 190, l. 24: banerés.—Mss. A 11 à 33: banières, bannières. Fº 144.
P. 190, l. 25: d’un escut.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14: d’un escri. Fº 151.
P. 190, l. 25: trente mil.—Ms. B 6: seize mille. Fº 337.
P. 190, l. 26: d’autres gens.—Ms. B 6: Encores n’alèrent il mie savoir la verité de ceulx qui ochis avoient esté le dimanche au matin. Et prumierement y fu mort le roy de Behaigne, le conte d’Allenchon, le conte de Blois, le conte de Flandres, le duc de Loraine, le conte de Sanssoire, le conte de Harcourt, le conte d’Ausoire, le conte de Saint Pol, le conte d’Aumerle, l’archevesque de Sens, le grant prieur de Franche. Et toutes les armes de ches prinches furent aportéez en l’armoierie du roy d’Engleterre. Et tout les corps des prinches furent emporté en une abeie de moisnes qui siet près de là, que on apelle Mentenay. Ceste bataille de Cressy en Pontieu fu l’an de grasce Nostre Seigneur mil trois cens quarante six, le vingt sixiesme jour d’auoust. Fos 337 et 338.
P. 191, l. 8 et 9: en un.... Montenai.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: en un moustier, près de la chapelle de Montenay. Fº 151 vº.—Mss. A 20 à 22: au moustier de la chapelle de Montenay. Fº 217.—Mss. A 23 à 33: au moustier de Montenay. Fº 169.
P. 191, l. 12: et puis chevança.—Ms. B 6: Le lundy au matin, après messe et boire, se deslogèrent les Englès de Crechy où celle belle et eureuse aventure leur estoit avenue, et prindrent le chemin de Hesdin et de Boulongne. Et chevauchèrent les marisalx devers la ville de Rue et ardirent les faubours, mais à fortresse ne peurent il advenir. Et puis chevauchèrent devers la ville de Monstreul, et ardirent tout le plat pais d’environ jusques à Blangy et jusques à Hesdin et Maurain ossy, mais au chastiel ne peurent il aprochier, car il estoit trop fort. Le mardy il passèrent oultre et vinrent bouter les feus à Saint Josse, et ardirent le Neuf Castiel de Waubain et Estaples et les fourbours de Boullongne, et se logèrent asés priès de là. Le merquedy, il passèrent oultre et vinrent devers Wissan; sy ardirent le lieu et le village oultre les bois de Hardelo et tout le plat pais de le conté de Boulongne, et s’en vinrent devant la forte ville de Calais.
Or considerés entre vous se, depuis cinq cents ans, il fu nulz rois qui fesist sy puissant voiage ne sy grant que le roy Edouart d’Engleterre fist adonc, et les belles aventures qui luy avinrent sur son chemin depuis qu’il ariva en Constentin en le Hoghe Saint Vast, les pons, les pasaiges qu’il trouva et toudis aparilliés pour combatre ses ennemis. Et fu sy près de Paris que jusques as portes, car en grant tamps en atendant, sy comme j’ai oit recorder en Engleterre, les sors de Merlin disoient que ly saingler de Windesore venroient ferir des dens ens ès portes de Paris. Par che saingler on doit entendre le roy Edouwart d’Engleterre, car il fu nés ens ou chastiel de Windesore, et avery chelui sors en che tamps: il passa et repassa la rivière de Saine et puis la rivière de Somme et se combaty ses annemis tels que toute la fleur de Franche et de bonne chevallerie sans nombre et les desconfy; et y furent mors deus tans de gens que il estoient, Et après il vint mettre le siège devant Calais, qui est une des fortes villes du monde, et dist que jamais ne s’en partiroit sy l’aroit; et de che ne faly mie à son entente, sy comme vous orés chi avant recorder en ces chroniques. Fos 338 à 340.
P. 191, l. 14: Hedin.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 20 à 29: Hesdin. Fº 151 vº.
P. 191, l. 14: Waubain.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Waudain. Fº 151 vº.
P. 191, l. 14: Serain.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18 à 22: Seran. Fº 151 vº.
P. 191, l. 17: au lés devers Blangis.—Mss. A 15 à 17: du costé devers Boulongne et Blangis. Fº 151.
P. 191, l. 17: Blangis.—Mss. A 18, 19: Blanges. Fº 155.—Mss. A 23 à 29: Blangy. Fº 169 vº.
P. 191, l. 20: Estaples le Delue.—Mss. A 1 à 6, 8 à 19: Estapes et Delue. Fº 151 vº.—Mss. A 20 à 22: Estaples, Delue. Fº 216 vº.
P. 191, l. 22: les bos.—Mss. A 15 à 17, 20 à 29: le bois. Fº 151.—Mss. A 30 à 33: le pays. Fº 190.
P. 191, l. 22: Hardelo.—Mss. A 20 à 22: Hadrelo. Fº 217.
§ 287. P. 191, l. 29: Quant li rois.—Ms. de Rome: Qant li rois Phelippes fu partis dou chastiel de la Broie, ensi que chi desus est dit, à moult seule gent, ils et sa route qui n’estoit pas grans, cevaucièrent celle nuit tant et le dimence au matin, que il vinrent en la chité d’Amiens. Et fu li rois logiés en l’abeie dou Gart, qui sciet au dehors d’Amiens. Petit à petit gens venoient, qui escapé de la bataille estoient, apriès lors signeurs et lors mestres. Encores ne savoit point li rois la verité de la perte des nobles de son sanc que il avoit perdus, et qui demoret estoient derrière. Le dimence au soir, il en fu enfourmés de une gran partie, et encores mieuls le mardi au matin, qant li hiraut françois retournèrent, liquel avoient esté presens à cerchier tous les mors. Li rois les plaindi et regreta grandement et longement l’un apriès l’autre, et lor fist faire en l’eglise d’Amiens, avant que il s’en partesist, un moult solempnel office et service. Il n’est doels qui ne se passe et ne se mète en oubli: li rois de France passa cel anoi au plus biel que il pot, et entendi à ses besongnes. Toutesfois, mesires Jehans de Hainnau fu là uns très bons moiiens pour mesire Godemar dou Fai, car li rois le voloit faire prendre et pendre; mais li gentils chevaliers dessus nonmés rafrena le roi et li brisa son aïr, et l’escusa par tant de raisons et si bonnes, que li rois, pour celle fois, s’apaisa et entendi à toutes ses besongnes, et donna toutes gens d’armes congiet. Messires Jehans de Hainnau prist congiet au roi, et puis s’en retourna arrière en Hainnau, ensi que chils qui grosement avoit perdu en ceste cevauchie, et aussi avoient fuisson d’autres. Nuls n’en retournoit contens.
Les nouvelles s’espardirent en moult de lieus et volèrent moult lonc, conment [par] le roi d’Engleterre, de une puignie de gens que il avoit, estoit ruée jus la poissance dou roi de France, et avoient esté li François bien diis contre un. Si acquist li rois d’Engleterre grant grasce, et li rois de France et li François grant blame, et moult fu eslevés li noms le roi d’Engleterre, douquel nous parlerons et compterons conment il persevera. Fos 123 vº et 124.
P. 191, l. 30: à moult seule gent.—Mss. A 1 à 6, 11 à 14, 18, 19: à moult pou de gens. Fº 151 vº.—Mss. A 20 à 22: à moult petit de gens. Fº 217.—Mss. A 15 à 17: à moult petite compaingnie. Fº 151 vº.
SUPPLÉMENT AUX VARIANTES.
Dans le cours d’un voyage que nous avons fait à Breslau en 1868, nous avons pu étudier à loisir le célèbre manuscrit des Chroniques de Froissart conservé dans la bibliothèque de cette ville. Quoique ce manuscrit (coté A 29 dans notre classement des mss. du premier livre) appartienne à une famille représentée par 7 exemplaires dont 4 sont à Paris[363], cependant il offre à partir de 1340, et surtout de 1342, certains développements qui manquent dans les autres manuscrits de la même famille. Le Froissart de Breslau, dont la valeur réside principalement dans les belles miniatures de l’école de Louvain qui illustrent les deux derniers volumes[364], a été exécuté ou grossé par David Aubert pour Antoine, bâtard de Bourgogne, en[365] 1468 et 1469; par conséquent, jusqu’à ce qu’on ait retrouvé les développements dont nous parlons dans un manuscrit plus ancien, il y a lieu de les considérer plutôt comme l’œuvre de David Aubert et des scribes aux gages de la maison de Bourgogne que comme celle de Froissart. Cependant, à notre retour en France, nous nous proposions de solliciter le prêt du ms. de Breslau auprès de la municipalité de cette ville par l’entremise du gouvernement prussien; malheureusement, les cruels événements de 1870 et de 1871 ne nous ont pas permis de donner suite à ce projet. Ayant appris, d’un autre côté, à la fin de 1868, que les variantes du ms. de Breslau avaient été copiées au seizième siècle en marge d’un exemplaire de l’édition de Sauvage qui fait partie de la collection plantinienne d’Anvers, nous avions prié M. Moretus, propriétaire de cette collection et héritier des Plantin, de vouloir bien nous autoriser à prendre communication sur place de cet exemplaire; malgré l’obligeante entremise de M. le baron de Witte, cette autorisation nous a été refusée. Plus heureux que nous, M. le baron Kervyn de Lettenhove a pu donner les variantes du ms. de Breslau, sinon d’après l’original lui-même, au moins d’après la copie du seizième siècle inscrite en marge du Froissart de la collection Plantin. Force nous est donc de reproduire aujourd’hui ces variantes d’après l’édition du savant éditeur belge (voy. t. IV, p. 479 à 508, et t. V, p. 545 à 548). Seulement, nous avons pensé qu’il importait de ne pas confondre avec les résultats de notre propre travail des textes qui ne nous arrivent ainsi que de troisième main; voilà pourquoi nous avons pris le parti de les publier à part et en supplément à la fin du présent volume de notre édition.
P. 56, l. 20: Montagrée.—Ms. A 29: qu’il assaillit si longement et par telle manière qu’il le prist d’assault, et le chevalier qui dedens estoit lui fut amené: si l’envoya tenir prison à Bourdeaux.
P. 61, l. 21: consideret.—Ms. A 29: comment à grans assaux ils ne pourroyent resister, aussi qu’ils estoyent petitement pourveus d’artillerie et de vivres.
P. 66, l. 17: leur.—Ms. A 29: venoient de haut en bas descendant et tout effondrant combles de tours et de manoirs, planchers et voutures, portes et murs. Et tellement s’espouvantoyent tous, quant ils veoyent la pierre venir, qu’en fin ne savoyent où se musser et sauver, fors ès profons celiers du chastel qui tous croulloyent par le grand fais du coup qu’ils recevoyent.
P. 71, l. 6: bataille.—Ms. A 29: Celle venue des deux chevaliers rafraichit moult grandement l’ost du conte Derby, qui estoit jà fort travillié pour le grand fais qu’il avoit eu à soutenir par le gros nombre de très vaillants chevaliers et escuyers qu’iceux Françoys et Gascons estoyent. Mais, comme dict est, il furent pris trop depourveuement, ainsi que l’usage de guerre porte que l’on prent toujours son ennemi à son avantage.
P. 73, l. 30: ennemis.—Ms. A 29: par son sens et par ses vertus dont il estoit comblé.
P. 75, l. 8: cauch.—Ms. A 29: et tonneaux pleins de cailloux et grosses pièces de boys.
P. 76, l. 1: fronth.—Ms. A 29: Incontinent que ceux du chastel virent leurs murailles ainsi pertruiser, ils furent moult esbais et non sans cause. Adonc les plusieurs en abandonnèrent les deffenses et se retirèrent dedens l’eglise qui estoit assez forte; et entandis les autres assaillants escheloyent le fort d’autre part.
P. 82, l. 8: instrumens.—Ms. A 29: comme pieds de chèvre et longues pièces de boys pour effondrer les murs. Et tantost en eurent elevé grand foison de pierres et tiré à part, car nul ne les povoit empescher, ne destourner leur labeur pour le traict, comme dict est. Et tant besognèrent iceux brigans, qu’en moins de deux heures ils firent un trou si grand en celui mur, que bien y povoyent entrer deux hommes de front.
P. 91, l. 18 et 19: Stanfort.—Ms. A 29: pour la mort duquel et des archiers, iceux bons hommes furent trop durement traictés et la pluspart occis, et leurs biens meubles et leurs vivres furent abandonnés aux compagnons qui s’en tindrent tous aises. Quant le comte Derby volut partir de Monpesas, il defendi de piller autrement la place et d’y boutter le feu, car il la donna, le chastel et la chastellennie, à un sien escuyer, qui s’appeloit Thomas Lencestre, et laissa avec luy en garnison, pour garder le pais, soixante compagnons, la pluspart archiers. Et ainsi fut prins le chastel de Monpesas et preservé de larcin et destruction par le don que le conte en avoit fait au gentil escuyer qui s’en tenoit bien joyeux, car il siet en belle contrée et bon pais. Tant chevaucha le conte Derby, quant il fut parti de Monpesas, qu’il vint et ses routtes devant la ville de Mauron, laquelle estoit forte et pourveue de vaillans compagnons. Il s’arresta et logea, puis commanda que l’assaut fust douné de toutes parts; et quant il perceut que par assaut ils n’i gangnoyent rien, il ordonna que tout homme se retraist et se logeast pour celle nuit.
P. 92, l. 17: oultre.—Ms. A 29: Quant cil de Mauron veirent les bagages de l’ost charger, puis mettre à la voye, et le conte Derbi et sa grande routte partir, ils dirent entre eux: «Ces Angloys voyent bien que leur proufict n’est pas de eux [tenir] longuement ici, et qu’ils n’i peuvent rien conquester; ils y furent hier trop bien gallés, mais ceux là qui sont demourés derrière, pensent ils nous tenir ici enclos? La grosse routte est jà bien loin; si conseille que tantost nous yssons dehors et les allons combattre; ils ne sont pas gens pour nous, nous les aurons incontinent deconfits et mis à mercy: si sera honneur et proufit à nous grandement.»
P. 93, l. 30: Miremont.—Ms. A 29: qui est bon chastel et en bonne marche.
P. 94, l. 1: Sainte Marie.—Ms. A 29: Quant il vint devant Miremont, il y fit arrester et loger ses gens à l’entour, car le soir approchoit, et là se passèrent celle nuit de ce qu’ils peurent avoir. Et quant vint l’endemain, entour soleil levant, le conte commanda d’assaillir le forteresse. Et dura l’assaut si jusques à haute none que les Angloys se retirèrent en leur logis à petit de conquest; mais ils furent très bien battus, et en y eut des morts et des bleciés. Quant le conte Derbi veit la manière, il jura que de là ne partiroit qu’il n’eust le chastel conquis. Mais leans n’avoit nul gentilhomme, fors aucuns routtiers, qui s’y estoyent boutés avecque les bons hommes. Quant ils sceurent que le conte Derbi chevauchoit là entour, si furent avertis du serment que le conte avoit fait: ils n’en furent pas moins pensifs. Et si povoient veoir comme tous ces Angloys se logeoyent comme pour y demourer tout l’yver, et si ne leur estoit apparant d’avoir secours de nul sens. Et quant le conte eut là esté quatre jours, il fit dire à ceux de dedens que, s’ils se vouloyent rendre courtoisement, ils auroyent pitié d’eulx, et que si plus se faisoyent assaillir, qu’ils n’en prendroient jamais homme qui là dedens seroit trouvé, à merci. Tant fut parlementé que les routtiers s’en povoyent aller comme ils estoyent venus, et les bons hommes demouroyent en leurs biens et moyennant ce firent serment au conte Derby, qui les receut: si que, au quatriesme jour, la place lui fut rendue. Et la donna le conte à un sien escuyer appellé Jehan de Bristo, qui en fut moult joyeux, car le don estoit bel et riche, et fit depuis très bien reparer le chastel. Quant le conte Derbi fut à son dessus de Miremont, il chevaucha vers une petite ville fermée sur la Garonne, appelée Thorine, que ses gens prindrent d’assaut, et la robèrent, puis brullèrent. De là le conte et ses gens chevauchièrent vers le fort chastel de Damassen, et y voulut arriver la nuit, et y envoya devant ses escheleurs, qui tant esploitèrent que à l’aube du jour les Anglois en furent saisis, et le guet qu’ils trouvèrent dormant jettèrent du haut de la grosse tour au fond des fossés. Et le chastellain mesme, qui estoit de Limosin et vaillant escuyer, fut occis à l’huis de sa chambre, la hache au poin, et tous ses compaignons morts; car jamais le conte ne autre ne povoit le chastel de Damassen reconquerir que d’emblée. Il trouva la place garnie pour deux ans de vins, de bleds, de farine, de chairs et autres provisions, et d’artillerie et armures à planté. Et quant le conte Derbi veit que si bien lui estoit prins de celle forteresse, il conclut qu’il en feroit sa retraicte; si la garnit de bons gens d’armes et d’archiers, puis partit de là et chevaucha tant avec sa routte qu’il vint devant la cité d’Angoulesme, qu’il assiegea de toutes parts, et dist que jà n’en partiroit s’il ne l’avoit à sa volenté. Adonc ceux de la cité se composèrent à lui, à condition qu’ils envoyeroient à Bourdeaux, en ostage, jusques à vingt et quatre hommes des plus riches de la ville, et demoureroient en souffrance de paix un moys; et si dedens le terme dudit moys le roy de France envoyoit homme au pays si puissant de gens qu’il peust tenir les champs à l’encontre du conte Derby, iceux ostages seroient renvoyées quictes et delivres à Angoulesme, et absous de leur traicté; et, se ainsi n’en avenoit, se mettroyent en l’obeissance du roy d’Engleterre. Atant chevaucha outre le conte Derbi et vint à tout son ost devant Blaives, qu’il assiegea de tout point. Si en estoyent capitaines et gardiens deux vaillans chevaliers de Poictou, monseigneur Guichart d’Angle et monseigneur Guillaume de Rochechouart. Ceux dirent bien, quant le conte Derbi fit parlementer à eux par messire Gautier de Mauni, qui en telles affaires se savoit moult hautement conduire, car il estoit gracieux parleur et courtoys, qu’ils ne se rendroient à homme nul. Endementires le conte Derbi seoit devant Blaives, chevauchèrent les Angloys jusques devant Montaigne en Poictou dont monseigneur Boucicaut estoit capitaine; si eut là moult grant assaut, mais rien n’i conquirent les Angloys, fors horions, dont ils reçeurent mains, et y laissèrent de leurs gens morts et blecés en grant nombre. Si s’en retournèrent, mais ainçoys furent devant deux bonnes forteresses, Mirabel et Auni, où ils ne firent que quelques assaux, puis revindrent au siège de Blaves où presque tous les jours estoit faict aucune apertise d’armes. Le siège durant devant Blaves, le terme du moys vint que ceulx d’Angoulesme se devoyent rendre; si envoya le conte Derbi ses deux marechaux auquels ceux de la cité firent homage au nom du roy d’Angleterre par vertu de la procuration qu’il avoit. Ainsi eurent paix ceux de la cité d’Angoulesme; et revindrent leurs ostages. Si renvoya le dict conte à leur requeste Jehan de Nortwich, escuyer, et l’establit capitaine d’icelle cité. Et toujours se tenoit le siège devant Blaves, tellement que les Anglois s’en lassèrent, et par special pour ce que l’yvers aprochoit fort, car c’estoit après la Sainct Michel, que les nuits sont longues et froides, et si ne conqueroyent riens sur ceux de Blaves. Si eurent conseil ensamble le conte Derbi, monseigneur Gautier de Mauni et les autres barons et chevaliers de l’ost, qu’ils delogeroyent de là et qu’ils se retryroayent vers la cité de Bourdeaux et là s’entretiendroyent, si autre incidance ne survenoit, jusques au nouveau temps. Ainsy se deslogea le conte Derbi et ses routtes de devant Blaves; si passèrent la rivière de Gironde et vindrent à Boudeaux, où ils furent receus à grand honneur de toute la cité. Assés tost après, le conte Derbi departit toutes gens et renvoya chacun en sa garnison pour mieux entendre aux besognes dessus la frontière, et aussi pour estre plus au large.
P. 97, l. 10: malmeus.—Ms. A 29: Quant il sceut qu’il n’i avoit point de remède.
P. 97, l. 15: Braibant.—Ms. A 29: car, de ses terres qu’il avoit en France ou en Normandie, n’en recevoit rien.
P. 98, l. 18: d’Engleterre.—Ms. A 29: ce que jamais le pais et les bonnes villes n’eussent voulu consentir, comme bien fut veu.
P. 99, l. 18: esté.—Ms. A 29: envoyet de Gand.
P. 100, l. 2: venus.—Ms. A 29: ceste conclusion prise.
P. 100, l. 17: souffrir.—Ms. A 29: à tout preud’hommes.
P. 101, l. 7: assaillis.—Ms. A 29: par telle force que merveille estoit à veoir le grand peuple qui là survenoit.
P. 102, l. 3 et 4: sans nostre sceu.—Ms. A 29: contre nostre gré.
P. 103, l. 6: Flandres.—Ms. A 29: Premierement toutes petites gens le mirent en amont, et pouvres et mechantes gens l’occirent en la parfin.
P. 103, l. 11: Tenremonde.—Ms. A 29: si n’en demena mies trop grant duel.
P. 103, l. 13: moult.—Ms. A 29: rebelles et.
P. 103, l. 18: l’Escluse.—Ms. A 29: à grand estat.
P. 103, l. 24: dist.—Ms. A 29: à son departement.
P. 104, l. 2: excuser.—Ms. A 29: de la mort de Jacquemart d’Artevelle et d’autres choses dont on les chargeoit.
P. 104, l. 15: de lui.—Ms. A 29: moult troublés, courroucés et tant desolés que plus ne povoient.
P. 106, l. 14: foursenés.—Ms. A 29: Quant il sceut la mesaventure et mort de son neveu, il se vouloit incontinent combattre et vendre aux Frisons, qu’il veoit là rengés devant lui, car ils requeroyent battaille; ses gens, voyant la desconfiture, le portèrent et conduirent, vousist ou non, en une autre nef, et par especial ce gentil escuier Robert de Guelin, qui alors estoit escuyer de son corps.
P. 125, l. 6 et 7: desconfis.—Ms. A 29: car il fut poursuivi jusques aux tentes de l’ost: si s’en alla vers sa tente moult desconfit, pour la perte de ses compagnons; et les Angloys, tous travailliés de combattre, retournèrent dedans Aiguillon, et les plusieurs fort navrés, et remportèrent leurs gens qui estoyent demourés morts sur la place.
P. 128, l. 30: que.—Ms. A 29: monseigneur Gautier de Mauni, le conte de Pennebrouc, monseigneur Franque de Halle, monseigneur Thomas Cocq et bien jusques à quarente chevaliers et escuyers et troys cens hommes d’armes parmi les archers, avec six vingts compagnons de par le conte Derbi.
P. 129, l. 8: paians.—Ms. A 29: en Gueldres, en Julliers, en Alemaigne, en Brabant, en Flandres, en Haynaut et en Escoce.
P. 132, l. 9: Hoghe Saint Vast.—Ms. A 29: Bien avoit un moys par avant ouy recorder le roy de France, lui estant à Paris, que le roy d’Angleterre mettoit sus une très grande armée. Et depuis il avoit esté veus sur la mer en une grosse flotte de navires.
P. 133, l. 1: fremée.—Ms. A 29: fors de petits fossés et de palis en aucuns lieux, mais au dessus de la ville il y a un bon chastel grand et fort et bien garni de bons compaignons. Aussi il s’entendirent à faire armer et appareiller et pourvoir de bastons et d’armures, chascun selon son estat.
P. 133, l. 10 et 11: roidement.—Ms. A 29: du visaige contre le sablon.
P. 135, l. 17: enfans.—Ms. A 29: adonc, vousissent les gens d’arme qui estoyent avec eux ou non, ils abandonnèrent leur ville et leurs biens à la voulenté de Dieu, comme ceux à qui il sembloit que tout estoit perdu. Si tost que les gens d’armes et saudoyers qui en la ville de Carenten estoyent, veirent l’ordonnance des bourgeoys, ils prindrent leurs bagues, et se retirèrent par devers le chastel qui estoit moult fort. Et quand ces seigneurs d’Angleterre entrèrent en la ville et qu’ils veirent la force du chastel, et sceurent comment la garnison de la ville s’y estoyent retraicts et leurs biens, il conclurent qu’il ne lairroient pas une telle doute derrière eulx. Adonc ils firent assaillir au chastel par deux jours, tant asprement qu’il estoit possible. Et quant les compagnons qui dedans estoyent, et qui nul secours n’atendoyent, virent comment on les queroit de près, ils parlementèrent si bien pour eux, qu’ils rendirent le place, leurs corps et leur avoir sauves.
P. 136, l. 19: pays.—Ms. A 29: Ils trouvèrent le pays gras et plantureux de toutes bonnes provenances, les granges pleines de bleds et d’avoines et aultres grains, les maisons pleines de toutes richesses, riches bourgeois, chars, charrettes attelées de bons gros chevaux, chevaux, pourceaux, moutons et brebis, vaches, veaux et les plus beaux et grands beufs du monde que l’on nourist et elève en celle marche. Si en choisirent et prindrent à leur voulenté, desquels qu’ils voulurent, et les amenèrent en l’ost du roy. Toutesfois, comme je fus adonc informé, varlets et garçons ne bailloyent mie à leurs maistres l’or, l’argent et les joyaux qu’ils trouvoyent, ainçois retenoyent tout pour eulx.
P. 137, l. 15: Ensi.—Ms. A 29: par le pouvoir du roy d’Angleterre et par le conseil et enhortement de monseigneur Godefroy de Harrecourt, estoit par les Angloys, anciens ennemis du royaume de France, chevauché, couru, robé, pillé et par feu essilé ce bon et plantureux pais de Normandie. Et quant le roy de France, qui se tenoit à Paris, entendit ces dures nouvelles, il fut tellement courroucé que plus ne povoit. Adonc il manda le bon chevalier monseigneur Jehan de Haynault, qui lors se tenoit dedens Bouchain, qu’il venist devers lui, et il y alla moult estoffeement et à belle compagnie de chevaliers de Haynault et d’autre part. Et pareillement le roy manda partout ses gens d’armes, là où il en pensoit recouvrer, et fit une moult grosse assemblée de ducs, de contes, de chevaliers, de nobles hommes et de gens de guerre de toutes sortes, et plus grant qu’il n’avoit esté veu cent ans devant. Et pour tant qu’il mandoit gens de tous costés en lointaines contrées, ils ne furent pas sitost venus ni assemblés; aincoys eurent le roy Edouart et ses Angloys trop piteusement couru et desolé le pais de Constantin et de Normandie, comme ci après sera encore plus amplement declaré. Ainsi vindrent au roy en son palais à Paris ces durs avertissemens, par maintes foys et par maints messages, comment le roy d’Angleterre, à grant baronnye et à grant povoir de gens d’armes, estoit arrivé au port de Sainct Wast et descendu en Constantin, si ardoit et detruisoit tout le pais devant lui, à dextre et à senestre. Adonc dist le roy Philippe et jura que jamais ne retourneroit le roy Edouard, ne ses Angloys, si n’auroyent esté combattus; et les domages et derobiers qu’ils faisoyent à ses subjects et à son pais, qu’ils desoloyent par feu et par glaive, leur seroyent cher vendu. Si fit le roy, tantost et sans delay, lettres escrire et seeller en grand nombre, et envoya premierement devers ses bons amis de l’Empire, pour tant qu’ils estoyent plus loin, au très gentil roy de Behaigne, que moult il aymoit, et aussi à monseigneur Charles de Behaigne son fils, qui dès lors s’appeloit roy d’Alemaigne, et en estoit roy notoirement, par l’ayde et pourchas de monseigneur Charles son père et du roy Philippes de France, et avoit jà enchargé les armes de l’Empire. Si les pria le roy de France, tant acertes comme il peut, qu’ils venissent à tout leur effort, car il vouloit chevaucher contre les Angloys, qui couroyent et ardoyent son pais sans tiltre et sans querelle et sans sommation nulle.
P. 143, l. 6: non.—Ms. A 29: et perceurent bien leur faute quand ils avoyent prins fiance en communauté. Quant les Angloys en veirent la manière, ils lez poursuivirent très aigrement. Adonc le connestable et le conte de Tancarville, et environ vingt et cinq chevaliers, se boutèrent sur une porte à l’entrée du pont, à sauveté.
P. 148, l. 10: fremée.—Ms. A 29: de portes, de murs et de tours.
P. 148, l. 27: approchant.—Ms. A 29: la noble cité de.
P. 149, l. 16: Bourch le Royne.—Ms. A 29: et aucuns beaux manoirs qui apertenoyent aux bourgeois de Paris.
P. 149, l. 25: estoient.—Ms. A 29: Si tost que ceux de Paris qui estoyent en grand nombre, sceurent que le roy d’Angleterre et ses mareschaulx aprochoyent la cité de si près, car ils veoyent tout plainement les feus et les fumées à tous lés deçà Saine, si ne furent mie ceux de Paris bien asseurés, car elle n’estoit point adonc fermée de murs. Adonc s’emeut le roy Philippe, voyant ses ennemis ainsi aprocher et le grant domaige qu’ils faisoyent en son royaume, et fit abbattre les appentis de Paris, puis monta à cheval et s’en vint à Sainct Denis, là où le roy de Behaigne, monsigneur Jehan de Haynault, le duc de Lorraine, le conte Louis de Flandre, le conte de Blois et grant baronnie et chevalerie estoyent venus en moult grant arroy. Quant les bourgeoys de Paris veirent le roy partir pour les elongner, ils vindrent à luy, eux gettans à genoux, et dirent: «Ha, cher sire et noble roy, que voulez vous faire? Quant vous abandonnez ainsi vostre bonne cité de Paris, qui n’est fermée ne de tours ne de murs; et si sont nos ennemis à moins de deux lieues près. Tantost se viendront boutter à tous lés en la ville et par especial quand ils sçauront que vous en serez ainsi parti, et diront que vous les fuyez et que vous ne les osez attendre, et lors nous n’aurons qui nous defende ne garantisse contre eux. Et pour tant, cher sire, vueillez demourer ici, si aiderez à garder vostre bonne cité de Paris.» Le roy Philippe leur respondit et dit: «Mes bonnes gens de Paris, ne vous doutez de rien; jà les Anglois nevous approcheront de plus près. Je m’en vueil aller à Sainct Denis, devers mes gens d’armes qui là m’attendent, car à toute diligence je vueil chevaucher contre les Angloys et les combattre, comment qu’il soit.»
P. 150, l. 16: mances.—Ms. A 29: qu’on dict mantel royal.
P. 152, l. 17: fremée.—Ms. A 29: et garnie de planté de soudats.
P. 156, l. 24: armes.—Ms. A 29: Le roy d’Engleterre fut moult pensif tout le soir, et environ une heure devant le jour, lui fut certifié par unes espies qui le suivoyent de loin secretement, car ils estoyent plus en l’host des François que des Anglois, moult bien parlant françoys, alemant et angloys, et planté d’autres, que pour vray le roy de France estoit le soir entré en Amiens et avoit plus de cent mille hommes: si venoyent à grand esploit de Paris le combattre à voulenté. Ces espies estoyent de Normandie. Quant le roy Edouard eut ouy parler le Normand, il se leva et appareilla, puis ouit messe devant soleil levant. Adonc il fit sonner ses trompettes de delogement. Lors monta le roy à cheval et partit de la ville d’Araines; et suivirent toutes manières de gens les bannières des mareschaulx, si comme le roy avoit commandé le jour de devant. Et ainsy chevauchèrent par ce gras pais de Vismeu, en approchant la bonne ville d’Abbeville.
P. 159, l. 18: lui.—Ms. A 29: tels qu’il les voudra eslire de sa compagnye. Quant les prisonniers qui là estoyent amenés, estroitement loyés et durement traictés, eurent entendu la parolle du roy d’Angleterre, il y en eut de tous rejouis; et entre les autres avoit un valet appelé Gobin Agace, qui s’avança de parler et dit au roy.
P. 160, l. 19: Blanke Take.—Ms. A 29: Quant le roy Edouart d’Angleterre fut par Gobin Agace, comme dict est, averti du passage de la Blanche Taque et de sa position, il estoit jà près de la nuit; et quant il eut souppé, il voulut aller reposer combien qu’il ne dormit guères, car il se leva et son fils le prince, dès la minuit: si furent armés; et tantost le roy fist sonner sa trompette de delogement. Adonc chascun entendit à soy appareiller et à charger sur les sommiers et charrettes, malles, bahus, bouges, coffres et bagages. Si se partit le dit roy et ses routtes de Oisemont en Vismeu, sur le point du jour, et chevauchèrent sous la conduite du dit Gobin Agace, tant qu’ils vindrent, environ soleil levant, sur l’entrée de ce que l’on clame la Blanche Tacque; mais le flus de la mer estoit adonc tout plein: si ne peurent mie si tost passer. Aussi bien convenoit il au roy illec attendre ses routtes qui venoient après lui. Si demoura là endroit jusques après prime que tout le flus fut retourné.
P. 160, l. 21: ailleurs.—Ms. A 29: s’ils ne vouloyent retourner dont ils estoyent venus, ce que faire ne pourroyent, pour les Françoys qui leur seroyent au devant.
P. 162, l. 22: forte.—Ms. A 29: et l’estours si terrible et si mortel que merveille seroit à penser; car pour le pas gaingner et deffendre, maint vaillant homme y perdit la vie, et mainte belle apertise d’armes y eut faicte ce jour, du costé de France et du costé des Angloys.
P. 168, l. 11: car.—Ms. A 29: les Angloys trouvèrent la contrée moult plantureuse de vins, de chairs, de bleds, d’avoines et d’autres fourrages; et aussi pour les deffautes qui avenir pourroyent, planté de grandes pourveances par charroy suivoyent tousjours leur ost. Si entendirent ce jour à eux remettre à point et leurs chevaux ferrer, et à fourbir leurs armures.
P. 174, l. 28: Englès.—Ms. A 29: qui peurent bien veoir et comprendre à la verité planté du convenant des batailles du roy de France et de ses arbalestriers geneuoys, doit il avoit un grant nombre, et qui trop laschement s’y esprouvèrent, et des communautés des pais et des bonnes villes, cités et chasteaux du royaume de France, dont il y avoit sans conte et sans nombre, comme dict est, qui plus y feirent d’empeschement assez aux seigneurs et vaillans hommes que d’avancement. Et aussi j’en aprins ce que possible me fut, par les gentilshommes de monseigneur Jehan de Haynault, qui fut tousjours auprès de la personne du roy Phelippe de France.
P. 174, l. 30: France.—Ms. A 29: Le roy d’Engleterre, qui avoit ordonné ses gens d’armes et ses archers et autres pietons des marches de Galles et d’ailleurs en troys batailles tous à pied, et qui s’estoient mis à terre pour estre moins foulés au besoin, comme dict est, incontinent qu’il veit les François aprocher, il commanda que tout homme se levast ordonneement; et se rengèrent en leurs batailles, celle du prince de Galles tout premierement, dont les archers estoyent en manière d’une herse, et les gens d’armes tout au fons de la bataille. Le conte de Northanthonne, le conte d’Arondel, le sire de Roos, le sire de Ligi, le sire de Villebi, le sire de Basset, le sire de Saint Aubin et pluiseurs autres qui faisoyent la seconde, se tenoyent sus esle moult bel et ordonneement, pour conforter la bataille du prince, s’il besognoit. Vous devés savoir que les grans seigneurs, comme roys, ducs, princes et barons françoys, ne vindrent pas jusque devant la bataille des Angloys tous ensemble, mais venoyent l’un devant et l’autre derrière, sans ordre.
P. 176, l. 25: traire.—Ms. A 29: de gros carreaux.
P. 176, l. 32: perçoient.—Ms. A 29: leurs habillemens et navroyent à tous lés. Pluiseurs couppèrent les cordes de leurs arbalestes, et disoient les aucuns: «Nous ne pouvons tirer de nos arbalestes, les cordes sont de la pluye fort retraictes.»
P. 177, l. 15: relevèrent.—Ms. A 29: Là entre ces Englès avoit pillars et bidaus, Gallois et Cornouaillois, qui portoyent grans coustilles et fort trenchans.
P. 178, l. 13: gens.—Ms. A 29: comme celuy qui ne voloit partir sans faire armes.
P. 178, l. 19: amoient.—Ms. A 29: l’eussent envis laissé.
P. 179, l. 17: quatre.—Ms. A 29: voire plus de six.
P. 181, l. 16: moult.—Ms. A 29: dangereuse et horrible, mortelle et sans pitié, car princes, roys, ducs, contes, barons, ne autres n’i estoyent receus à merci ne à rançon; et y advindrent maints haults faits d’armes, qui pas ne vindrent tous à conoissance.
P. 181, l. 24: occis.—Ms. A 29: car dès le matin le roy d’Angleterre et les barons de son ost avoyent ordonné et conclu que, s’ils avoient bataille aux François, jà homme ils ne prendroyent à rençon.
P. 184, l. 25: tout tart.—Ms. A 29: le roy de France, qui n’avoit à son departement que soixante hommes, qu’uns qu’autres, fut admonesté par monseigneur Jehan de Haynault, qui là estoit et l’avoit remonté une fois, ayant le coursier du roy esté occis par le trait, de se retirer, en lui disant: «Sire, pour Dieu, soyés content de vous retraire; il est plus que temps. Ne vous perdez mie si simplement. Si vous avés perdu à ceste fois, vous gangnerés à une autre.» Lors le print par le frein et l’emmena, ensi comme par force, en sus et en dehors des batailles; et paravant il l’avoit jà prié qu’il vousisist retraire, mais ce fu pour neant: dont il fu plus d’une foys en grant dangier.
P. 189, l. 27: merci.—Ms. A 29: Et me fu dict et certifié que, de gens de pié et communauté des cités et bonnes villes de France et du pais de Picardie et de Normandie, il en y eut de mors ce dimanche, pour tout le jour, plus de quatre foys autant que le samedi n’avoit eu à la bataille, qui tant fu dure et mortelle.
FIN DES VARIANTES DU TOME TROISIÈME.