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Chroniques de J. Froissart, tome 04/13 : $b 1346-1356 (Depuis le siège de Calais jusqu'à la prise de Breteuil et aux préliminaires de la bataille de Poitiers)

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The Project Gutenberg eBook of Chroniques de J. Froissart, tome 04/13

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Title: Chroniques de J. Froissart, tome 04/13

1346-1356 (Depuis le siège de Calais jusqu'à la prise de Breteuil et aux préliminaires de la bataille de Poitiers)

Author: Jean Froissart

Editor: Siméon Luce

Release date: April 22, 2024 [eBook #73443]

Language: French

Original publication: Paris: Vve J. Renouard, 1869

Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUES DE J. FROISSART, TOME 04/13 ***

Note sur la transcription: L’orthographe d’origine a été conservée et n’a pas été harmonisée, mais quelques erreurs introduites par le typographe ou à l'impression ont été corrigées.

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Presque toutes les pages du texte original des Chroniques ont des variantes. Cliquez sur le numéro de page, par exemple [6] à gauche de la première ligne pour voir ces variantes.

Table

CHRONIQUES
DE
J. FROISSART


PARIS.—TYPOGRAPHIE LAHURE
Rue de Fleurus, 9


CHRONIQUES
DE
J. FROISSART

PUBLIÉ POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR SIMÉON LUCE

TOME QUATRIÈME
1346-1356

(DEPUIS LE SIÉGE DE CALAIS JUSQU’À LA PRISE DE BRETEUIL ET AUX PRÉLIMINAIRES DE LA BATAILLE DE POITIERS)

[Logo: SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE]

A PARIS
CHEZ Mme VE JULES RENOUARD
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6


M DCCC LXXIII

Nº 164.

EXTRAIT DU RÈGLEMENT.

Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.

Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable chargé d’en surveiller l’exécution.

Le nom de l’Éditeur sera placé en tête de chaque volume.

Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.


Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome IV de l’Édition des Chroniques de J. Froissart, préparée par M. Siméon Luce, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.

Fait à Paris, le 7 novembre 1872.

Signé: L. DELISLE.

Certifié,
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
J. DESNOYERS.

SOMMAIRE


CHAPITRE LXI.

INVESTISSEMENT ET SIÉGE DE CALAIS; PREMIÈRE PÉRIODE: DUAOÛT A LA FIN DE DÉCEMBRE 1346[1] (§§ 288 à 291).

Édouard III investit Calais[2], dont la garnison, composée surtout de chevaliers de l’Artois, a pour capitaine Jean de Vienne, d’une famille de Bourgogne[3]. Entre les remparts, la rivière[4] et le pont de Nieuley[5], le roi anglais fait construire une véritable ville pour y loger son armée. Le plan des assiégeants est d’affamer cette place qu’ils n’espèrent point prendre d’assaut. Jean de Vienne, de son côté, donne l’ordre de sortir à tous ceux des habitants de Calais qui ne sont point suffisamment approvisionnés pour un long siége; le roi d’Angleterre laisse passer généreusement ces malheureux à travers son armée après les avoir fait manger et leur avoir distribué quelque argent. P. 1 à 3, 201 à 205.

Sur ces entrefaites, Philippe de Bourgogne[6] meurt d’une chute de cheval au siége devant Aiguillon, que Jean, duc de Normandie, lève par l’ordre de son père, à la suite du désastre de Crécy. Le capitaine de la garnison d’Aiguillon, Gautier de Mauny, en harcelant la retraite des Français, fait prisonnier un des chevaliers de l’entourage du duc de Normandie nommé Grimouton de Chambly[7]; informé par ce chevalier de la victoire des Anglais à Crécy, il promet de le mettre en liberté sans rançon, si Grimouton réussit à obtenir du duc un sauf-conduit qui permette à Gautier de Mauny de chevaucher à travers la France avec une escorte de vingt compagnons, pour aller rejoindre à Calais le roi d’Angleterre, son maître. Jean accorde de très-bonne grâce le sauf-conduit, moyennant quoi Grimouton de Chambly recouvre sa liberté; mais au moment où Gautier de Mauny, muni de ce sauf-conduit, traverse la France, il est arrêté à Orléans[8] et amené prisonnier à Paris par l’ordre de Philippe de Valois qui veut le faire mettre à mort. Le chevalier anglais doit son salut à l’intervention chaleureuse du duc de Normandie en sa faveur; il est mis en liberté et dîne à l’hôtel de Nesle à la table du roi, qui lui fait au départ de magnifiques présents; Gautier les renvoie, sur l’invitation de son souverain, aussitôt après son arrivée à Calais. P. 3 à 10, 205 à 218.

CHAPITRE LXII.

1346. CHEVAUCHÉE DU COMTE DE DERBY EN SAINTONGE ET EN POITOU[9] (§§ 292 à 294).

Le comte de Derby, qui s’est tenu à Bordeaux[10] pendant le siége d’Aiguillon par les Français, aussitôt qu’il apprend que le duc de Normandie vient de lever ce siége, entreprend de faire une chevauchée[11] en Saintonge et en Poitou à la tête de douze cents[12] hommes d’armes, de deux mille archers et de trois mille piétons. P. 10 et 11, 218 et 219.

Prise de Mirabel[13], d’Aulnay[14], de Surgères[15] et de Benon[16];—assaut infructueux de Marans[17];—prise de Mortagne-sur-mer[18];—assaut infructueux du château de Lusignan[19];—prise de Taillebourg-sur-Charente[20];—arrivée des Anglais devant Saint-Jean-d’Angély. P. 11 et 12, 219 et 220.

Après un assaut, Saint-Jean-d’Angély se rend aux Anglais, qui y restent quatre jours[21];—Derby est repoussé devant Niort, place très-forte et bien fortifiée, dont la garnison a pour capitaine Guichard d’Angle;—il emporte d’assaut Saint-Maixent[22] et Montreuil-Bonnin[23]. P. 12 à 14, 220 à 222.

Les Anglais attaquent Poitiers et sont repoussés à un premier assaut; ils se rendent maîtres[24] de cette vaste cité en donnant l’assaut par trois côtés à la fois. Poitiers est mis à sac[25], à feu et à sang. Derby, après s’y être reposé douze[26] jours, reprend à petites journées le chemin de Saint-Jean-d’Angély; puis il retourne à Bordeaux, d’où il ne tarde pas à s’embarquer pour Londres[27]. P. 14 à 17, 222 à 226.

CHAPITRE LXIII.

1346. INVASION DES ÉCOSSAIS EN ANGLETERRE; VICTOIRE DES ANGLAIS A NEVILL’S CROSS[28] (§§ 295 à 299).

David Bruce, roi d’Écosse, à l’instigation du roi de France, son allié[29], profite de l’absence d’Édouard III retenu au siége de Calais pour envahir l’Angleterre à la tête d’une puissante armée. Le rassemblement se fait à Édimbourg: les forces des Écossais s’élèvent à trois mille armures de fer[30], sans compter trente mille d’autres gens tous montés sur haquenées selon l’usage d’Écosse. David Bruce, laissant derrière lui Roxburgh[31], la forteresse la plus avancée de l’Angleterre du côté de l’Écosse, dont la garde a été confiée à Guillaume de Montagu, entre en Northumberland, et, après une halte entre Percy[32] et Urcol[33], sur une rivière, vient camper à une journée de Newcastle-upon-Tyne. P. 17 à 20, 226 à 231.

Philippe de Hainaut, reine d’Angleterre, chargée de la défense du royaume en l’absence de son mari, fait les plus grands préparatifs pour repousser l’invasion des Écossais et rassemble ses forces à Newcastle-upon-Tyne. Elle divise son armée en quatre corps[34]: le premier est commandé par l’évêque de Durham et le sire de Percy, le second par l’archevêque d’York et le sire de Nevill, le troisième par l’évêque de Lincoln et le sire de Mowbray, le quatrième par Édouard Baillol, gouverneur de Berwick et l’archevêque de Cantorbéry. Écossais et Anglais en viennent aux mains, à quelque distance de Newcastle-upon-Tyne[35], le mardi après la Saint-Michel[36] 1346. Les Écossais sont vaincus et laissent quinze mille des leurs sur le champ de bataille. David Bruce est fait prisonnier par Jean de Copeland, écuyer de Northumberland[37], qui se hâte d’emmener le roi d’Écosse, de peur qu’on ne lui dispute sa capture, loin du champ de bataille, et l’enferme dans un château appelé Chastel Orgueilleux[38].

Du côté des Écossais, les comtes de Fife[39], de Buchan[40], de Sutherland[41], de Strathdearn[42], de Marr[43], Jean[44] et Thomas de Douglas, Simon[45] Fraser et Alexandre de Ramsey[46] sont tués; les comtes de Murray[47] et de March[48], Guillaume[49] et Archibald de Douglas, Robert de Vescy, les évêques d’Aberdeen et de St-Andrews sont faits prisonniers. P. 20 à 24, 231 à 239.

«Et moi Jean Froissart[50], auteur de ces Chroniques et Histoires, je fis un voyage en Écosse en 1365, et je fus de l’hôtel de David Bruce pendant quinze semaines. Ma très-honorée dame, la reine Philippe d’Angleterre, m’avait donné des lettres pour le roi et les barons d’Écosse, qui, à sa recommandation, me firent très-bon accueil, spécialement le roi, qui parlait fort bien français, car il avait été dès sa jeunesse élevé en France, ainsi qu’il a été dit plus haut en cette histoire; et j’eus cette bonne fortune que, tout le temps que je fus auprès de lui et de son hôtel, il visita la plus grande partie de son royaume. J’appris ainsi à connaître l’Écosse en l’accompagnant dans ses excursions, et je l’entendis souvent parler, ainsi que plusieurs gens de sa suite, de la bataille où il avait été fait prisonnier. Il y avait là, entre autres chevaliers qui avaient combattu à Nevill’s Cross, messire Robert de Vescy, qui y fut fait prisonnier par le seigneur de Sees en Northumberland, messire Guillaume de Glaudigevin, messire Robert Bourme et messire Alexandre de Ramsey; quant aux comtes de Douglas et de Murray que je trouvai en Écosse, ils étaient les fils de ceux qui avaient été à la bataille. Je dis ceci, parce que le roi d’Écosse avait encore à la tête la pointe de la flèche dont il fut atteint; et à toutes les nouvelles lunes, il avait coutume de souffrir beaucoup à la partie de la tête où le fer était resté; il n’en vécut pas moins encore douze ans après mon voyage d’Écosse: il porta donc ce fer trente-deux ans.» P. 235 et 236.

La reine d’Angleterre, qui s’est tenue à Newcastle[51] pendant la bataille, informée que le roi d’Écosse a été pris par un écuyer nommé Jean de Copeland, écrit à celui-ci pour l’inviter à lui amener son prisonnier. Jean de Copeland répond qu’il ne livrera David Bruce qu’au roi d’Angleterre lui-même; il est mandé par Édouard et se rend à Calais. P. 24 à 26, 239 à 244.

Édouard III comble Jean de Copeland de félicitations[52] et d’honneurs; il l’invite à livrer à la reine son prisonnier, lui assigne cinq cents livres[53] sterling de pension annuelle et l’attache à son service personnel. Philippe de Hainaut fait enfermer à la Tour de Londres David Bruce et le comte de Murray[54], met des garnisons à Berwick, à Roxburgh, à Durham, à Newcastle et en général dans toutes les forteresses des frontières d’Écosse dont elle confie la garde aux seigneurs de Percy et de Nevill; puis elle passe la mer avec une nombreuse suite de dames et de damoiselles pour aller rejoindre son mari; elle débarque à Calais trois jours avant la Toussaint: le roi Édouard célèbre cette fête, à l’occasion de la venue de sa femme, avec un éclat inusité. P. 26 à 29, 244 à 247.

CHAPITRE LXIV.

1347. SIÉGE DE CALAIS; SECONDE PÉRIODE: DE LA FIN DE 1346 À MAI 1347.—LOUIS, COMTE DE FLANDRE, POUSSÉ CONTRE SON GRÉ PAR LES FLAMANDS DANS L’ALLIANCE DU ROI D’ANGLETERRE DONT IL A FIANCÉ LA FILLE, SE RÉFUGIE AUPRÈS DU ROI DE FRANCE[55] (§§ 300 à 303).

Calais résiste victorieusement à toutes les attaques des Anglais; mais les habitants commencent à souffrir de la famine, car ils ne reçoivent des vivres que subrepticement, grâce à deux intrépides marins d’Abbeville, Marant et Mestriel. Les assiégeants ont à soutenir de continuelles escarmouches contre les garnisons françaises de Guines[56], de Hames[57], de Nesles[58], d’Oye[59], de Bayenghem[60], de Fiennes[61], de la Montoire[62], de Saint-Omer, de Thérouanne[63] et de Boulogne. P. 29 et 30, 247 à 249.

Pendant l’expédition d’Édouard III en Normandie, les Flamands, alliés du roi d’Angleterre, avaient assiégé Béthune[64], d’où ils avaient été repoussés par Geoffroi de Charny, Eustache de Ribemont, Beaudouin d’Annequin, Jean de Landas, que le roi de France avait mis à la tête de la garnison. Dès le commencement du siége de Calais, le roi d’Angleterre négocie, de concert avec les communes flamandes, un mariage entre sa fille Isabelle et le jeune comte Louis[65]. Ce projet est combattu par Jean, duc de Brabant, qui, voulant faire épouser sa propre fille au comte de Flandre, parvient à mettre le roi de France dans ses intérêts[66]. Par l’entremise du duc de Brabant et du roi de France[67], le comte de Flandre se réconcilie avec ses sujets et retourne dans son comté. Il est pressé de nouveau de contracter mariage avec la fille du roi d’Angleterre; et comme il résiste, ses bonnes villes le tiennent en chartre privée. P. 30 à 34, 249 à 252.

Le comte de Flandre, pour amener ses sujets à se relâcher de l’étroite surveillance où ils le soumettent, feint de consentir au mariage qu’on lui propose. Il a une entrevue à Bergues, entre Nieuport et Gravelines, avec le roi et la reine d’Angleterre dont il fiance solennellement la fille Isabelle[68]; Édouard III et la reine Philippe retournent à Calais, où ils font des préparatifs magnifiques en vue de la célébration prochaine du mariage. Mais peu après cette entrevue, le jeune comte de Flandre, profitant de la liberté plus grande dont les Flamands le laissent jouir, s’égare à dessein un jour qu’il est en partie de chasse et se réfugie en Artois, d’où il se rend auprès du roi de France[69]. P. 34 à 37, 252 à 259.

Sur ces entrefaites, Robert de Namur[70] vient à Calais se mettre au service du roi d’Angleterre qui lui assigne trois cents livres sterling de pension annuelle. P. 37, 38, 259 et 260.

CHAPITRE LXV.

1345. PRISE DE LA ROCHE-DERRIEN PAR LES ANGLAIS.—1347. SIÉGE DE CETTE FORTERESSE PAR CHARLES DE BLOIS, QUI EST VAINCU ET FAIT PRISONNIER PAR THOMAS DE DAGWORTH A LA BATAILLE DE LA ROCHE-DERRIEN[71] (§§ 304 et 305).

La trêve de Malestroit[72] avait été bien observée[73] en Bretagne, tant par Charles de Blois et les Français que par les partisans de la comtesse de Montfort et les Anglais ses alliés. A l’expiration de cette trêve, la guerre se rallume: Édouard III expédie en Bretagne un renfort de deux cents hommes d’armes et de quatre cents archers sous la conduite de Thomas de Dagworth[74] et de Jean de Hartsel. Ces deux chevaliers font souvent, en compagnie d’un vaillant homme d’armes breton nommé Tannegui du Châtel, des chevauchées contre les gens de Charles de Blois. P. 38, 39, 260.

Thomas de Dagworth, Jean de Hartsel et Tannegui du Châtel s’emparent de la Roche-Derrien[75] au nom de la comtesse de Montfort. P. 39, 40, 261, 262.

A cette nouvelle, Charles de Blois rassemble à Nantes une armée de douze cents armures de fer, de quatre cents chevaliers, dont vingt-trois bannerets, et de douze mille hommes de pied[76] et vient mettre le siége devant la Roche-Derrien. Il fait dresser trois engins dont le jet incommode fort la garnison de cette forteresse[77]. La comtesse de Montfort[78] charge Thomas de Dagworth, Jean de Hartsel et Tannegui du Châtel de marcher au secours des assiégés à la tête de mille armures de fer et de huit mille hommes[79] de pied. Une première rencontre entre l’armée de Charles de Blois et la moitié des forces de Thomas de Dagworth a lieu au milieu de la nuit; Thomas de Dagworth y est grièvement blessé et fait prisonnier, après avoir perdu la plus grande partie de ses gens. Au moment où Jean de Hartsel et Tannegui du Châtel se préparent à effectuer leur retraite dans la direction d’Hennebont, Garnier, sire de Cadoudal, arrive avec un renfort de cent armures de fer et les décide à recommencer le combat; ils surprennent, vers le lever du soleil, l’armée de Charles de Blois endormie et que ne garde aucune sentinelle[80]. Cette armée est taillée en pièces: deux cents chevaliers et bien quatre mille hommes restent sur le champ de bataille[81]. Les Anglais reprennent Thomas de Dagworth; Charles de Blois, fait prisonnier pendant la bataille, est enfermé au château d’Hennebont, et le siége de la Roche-Derrien est levé. Les hostilités n’en continuent pas moins entre Jeanne de Penthièvre, femme de Charles de Blois, qui dirige les opérations au lieu et place de son mari, et les partisans de Jeanne de Flandre, comtesse de Montfort. P. 40 à 44, 262 à 269.

CHAPITRE LXVI.

1347. SIÉGE DE CALAIS, TROISIÈME PÉRIODE: DE MAI A AOÛT 1347.—ARRIVÉE PRÈS DE CALAIS ET RETRAITE SANS COMBAT DE PHILIPPE DE VALOIS A LA TÊTE D’UNE NOMBREUSE ARMÉE.—REDDITION DE CALAIS (3 AOÛT); DÉVOUEMENT D’EUSTACHE DE SAINT-PIERRE ET DE CINQ AUTRES BOURGEOIS[82] (§§ 306 à 314).

Philippe de Valois entreprend de réunir une armée pour marcher au secours de Calais; il donne rendez-vous à ses gens à Amiens[83] pour le jour de la Pentecôte. Il n’adresse son mandement qu’aux gentilshommes, car il pense que les gens des communautés, à la guerre, ne sont qu’un obstacle et un encombrement: ces gens-là fondent dans une mêlée comme la neige au soleil, ainsi qu’on l’a vu à Caen, à Blanquetaque, à Crécy et dans toutes les affaires où ils ont figuré. Le roi de France n’en veut plus avoir, excepté les arbalétriers des cités et des bonnes villes. Il veut bien leur or et leur argent pour subvenir aux frais et payer les gages des gentilshommes: voilà tout. Qu’ils se contentent de rester chez eux pour garder leurs femmes et leurs enfants, labourer la terre et faire le commerce: le métier des armes n’appartient qu’aux gentilshommes qui l’ont appris et s’y sont formés dès l’enfance[84]. Jacques de Bourbon, comte de Ponthieu, connétable de France par intérim en l’absence du comte d’Eu, prisonnier en Angleterre, les seigneurs de Beaujeu et de Montmorency, maréchaux de France, le seigneur de Saint-Venant, maître des arbalétriers, sont à la tête des forces françaises réunies à Amiens. On n’y compte pas moins de douze mille heaumes, ce qui fait soixante mille hommes, car chaque heaume suppose au moins cinq hommes, et en outre vingt-quatre mille arbalétriers génois, espagnols et hommes des cités et bonnes villes. P. 44, 269 à 272.

Le roi de France, qui voudrait bien envoyer une partie de ses gens du côté de Gravelines[85] et qui a besoin pour cela du concours des Flamands, essaye de détacher ceux-ci de l’alliance d’Édouard III; il n’y réussit pas et se décide alors à se diriger du côté de Boulogne.—Informé de ces préparatifs de son adversaire, le roi d’Angleterre redouble d’efforts pour réduire Calais par la famine; il fait construire sur le bord de la mer, à l’entrée du havre, un énorme château muni d’espringales, de bombardes, d’arcs à tour, et il y établit soixante hommes d’armes et deux cents archers: aucune embarcation ne peut entrer dans le port de Calais ni en sortir sans s’exposer à être criblée par l’artillerie de ce château. En même temps, les Flamands, à l’instigation d’Édouard III, viennent, au nombre de cent mille, mettre le siége devant Aire[86]; ils brûlent tout le pays des environs,

Saint-Venant[87], Merville[88], la Gorgue[89], Estaires[90], Laventie[91], localités situées sur une marche qu’on appelle Laleu[92], et ils se répandent jusqu’aux portes de Saint-Omer et de Thérouanne.—Sur ces entrefaites, Philippe de Valois vient camper à Arras[93] et envoie Charles d’Espagne tenir garnison à Saint-Omer. P. 45, 46, 272 à 274.

Philippe de Valois apprend que la position des habitants et de la garnison de Calais est de plus en plus critique[94]; il quitte Arras et prend le chemin de Hesdin[95], où il s’arrête pour attendre ceux de ses gens d’armes qui ne l’ont pas encore rejoint; puis il passe à Blangy[96], à Fauquembergue[97], à Thérouanne[98], traverse le pays qu’on appelle l’Alequine[99], et vient camper sur la hauteur de Sangatte[100], entre Wissant et Calais. P. 46, 47, 274 à 276.

Les assiégeants ont eu soin d’établir leurs campements dans une situation si favorable à la défense qu’on ne peut s’approcher d’eux, pour les attaquer, que par trois côtés: ou, par le grand chemin[101] qui va tout droit à Calais, ou par les dunes qui bordent le rivage de la mer, ou par Guines[102], Marck[103] et Oye[104], mais les routes qui vont en ligne directe de ces trois forteresses à Calais sont impossibles à suivre, tant elles sont coupées de fossés, de fondrières et de marécages. Du côté le plus accessible, il n’y a qu’un pont où l’on puisse passer, qu’on appelle le pont de Nieuley[105]. Le roi d’Angleterre fait ranger en ligne tous ses navires sur la grève et charge les bombardiers, les arbalétriers, les archers qui montent ces navires, de garder le passage des dunes. Quant au pont de Nieuley, le comte de Derby en garde l’entrée à la tête d’une troupe de gens d’armes et d’archers, afin d’en interdire l’accès aux Français et de ne leur laisser d’autre moyen d’approche que des marais impraticables. En même temps, à l’appel d’Édouard III, les Flamands du Franc, de Bruges, de Courtrai, d’Ypres, de Gand, de Grammont, d’Audenarde, d’Alost et de Termonde, passent la rivière[106] de Gravelines et se postent entre cette ville et Calais. Grâce à ces mesures, l’investissement est si complet qu’un oiselet n’aurait pu s’échapper sans être aussitôt arrêté au passage. P. 47, 48, 276, 277.

Entre la hauteur de Sangatte et la mer s’élève une haute tour, entourée de doubles fossés, où se tiennent trente-deux archers anglais pour interdire le passage des dunes aux Français. Les gens de la communauté de Tournai aperçoivent cette tour, s’en emparent après un assaut meurtrier, et la jettent par terre aux applaudissements des Français. P. 48, 49, 277, 278.

Les seigneurs de Beaujeu et de Saint-Venant, qui sont allés, aussitôt après l’arrivée des Français à Sangatte, examiner la position des Anglais, déclarent au roi que cette position leur paraît inexpugnable. Philippe de Valois envoie le lendemain Geoffroi de Charny, Eustache de Ribemont, Gui de Nesle et le seigneur de Beaujeu, offrir la bataille au roi d’Angleterre en tel lieu qui serait choisi par quatre chevaliers de l’un et l’autre parti. Édouard refuse d’accepter cette proposition[107]. P. 49 à 51, 278 à 281.

Grâce à la médiation de deux cardinaux envoyés[108] par le pape Clément VI, les ducs de Bourgogne et de Bourbon, Louis de Savoie et Jean de Hainaut[109], du côté des Français, les comtes de Derby et de Northampton, Renaud de Cobham et Gautier de Mauny[110], du côté des Anglais, passent trois jours en conférences pour traiter de la paix, mais ces négociations restent sans résultat. Philippe de Valois, qui ne voit aucun moyen de faire lever le siége de Calais ni d’en venir aux mains avec les Anglais, prend le parti de décamper brusquement[111] et de reprendre le chemin d’Amiens. Ce départ précipité de l’armée, dont ils attendaient leur délivrance, met les habitants de Calais au désespoir, tandis que les assiégeants qui poursuivent les Français dans leur retraite font un grand butin. P. 51 à 53, 281 à 283.

Le départ du roi de France vient de faire perdre aux habitants de Calais leur dernier espoir, et, pendant ce temps, la famine, qui sévit avec une rigueur croissante, est arrivée à tel point que les riches eux-mêmes ne sont pas épargnés. C’est pourquoi les assiégés prient Jean de Vienne de s’aboucher avec les Anglais pour traiter de la reddition de la ville. Le gouverneur de Calais fait signe, du haut des remparts, aux assiégeants qu’il a une communication à leur faire. Le roi d’Angleterre charge Gautier de Mauny de recevoir les ouvertures des Calaisiens. Jean de Vienne propose de rendre la ville à la condition que la garnison et la population auront la liberté et la vie sauves. Gautier de Mauny répond que la volonté bien arrêtée d’Édouard est que les assiégés se rendent sans conditions. Le capitaine de Calais s’élève contre une telle prétention, et l’envoyé anglais s’engage à user de toute son influence pour obtenir des conditions moins dures. De retour auprès du roi son maître, Gautier de Mauny plaide avec tant d’habileté et de chaleur la cause des habitants de Calais qu’Édouard, se relâchant de ses premières exigences, promet de faire grâce aux habitants de Calais à la condition que six des plus notables bourgeois viendront, tête et pieds nus, en chemise, la corde au cou, lui présenter les clefs de leur ville et se mettre entièrement à sa discrétion. P. 53 à 57, 283 à 287.

Gautier de Mauny retourne porter à Jean de Vienne l’ultimatum du roi d’Angleterre qui plonge dans la consternation les Calaisiens. A la vue de l’affliction générale, un des plus riches bourgeois, nommé Eustache de Saint-Pierre, n’hésite pas à exposer sa vie pour sauver ses concitoyens: il s’offre le premier pour être l’une des six victimes; et bientôt Jean d’Aire, Jacques et Pierre de Wissant, Jean de Fiennes et André d’Ardres, entraînés par l’héroïque exemple d’Eustache, veulent bien se joindre à lui et s’associer à son dévouement[112]. Ces six bourgeois se mettent tête et pieds nus, en chemise, la corde au cou, comme l’a ordonné le vainqueur; puis, au milieu de toute la population de Calais qui leur fait cortége et éclate en sanglots, ils se rendent, dans cet appareil, jusqu’aux remparts. Là, ils sont livrés par Jean de Vienne à Gautier de Mauny, qui les amène en présence d’Édouard. Ils se prosternent devant le roi d’Angleterre, lui présentent les clefs de Calais et le supplient à mains jointes d’avoir pitié d’eux. Édouard reste sourd à leurs prières et donne l’ordre de leur faire trancher la tête, malgré les représentations de Gautier de Mauny. La reine Philippe, qui est enceinte et assiste tout en larmes à cette scène, se jette alors aux pieds de son mari, et, à force d’instances, parvient à lui arracher la grâce des six bourgeois; elle distribue ensuite des vêtements à ces malheureux, les fait dîner à sa table et les renvoie en donnant à chacun six nobles. P. 57 à 63, 287 à 293.

C’est ainsi que la ville de Calais, qui avait été assiégée au mois d’août[113] 1346, vers la fête de la Décollation de Saint-Jean, fut prise dans le courant de ce même mois d’août de l’an 1347.—Par l’ordre du roi d’Angleterre, Jean de Vienne et tous les gentilshommes de la garnison sont faits prisonniers, tandis que l’on somme les autres gens d’armes, venus là comme mercenaires, et tous les habitants, hommes, femmes et enfants, d’évacuer la ville que l’on veut repeupler de purs Anglais. On ne garde[114] qu’un prêtre et deux autres personnes âgées et expérimentées, dont le vainqueur a besoin pour se renseigner sur les propriétés, les lois et ordonnances. Édouard fait son entrée solennelle à Calais dont il va habiter le château et où la reine sa femme met au monde une fille qui a nom Marguerite. En même temps, le roi anglais donne quelques-uns des plus beaux hôtels de la ville à Gautier de Mauny, à Renaud de Cobham, à Barthélemy de Burghersh, au baron de Stafford et à d’autres chevaliers de son entourage. P. 63 à 65, 293 à 297.

Les habitants de Calais ne reçoivent aucun dédommagement[115] du roi de France pour qui ils ont tout perdu; la plupart d’entre eux se retirent à Saint-Omer.—Grâce à la médiation du cardinal Gui de Boulogne[116], légat du Saint-Siége, une trêve de deux ans est conclue entre les rois de France et d’Angleterre: la Bretagne seule est exceptée de cette trêve.—Édouard repasse en Angleterre, après avoir confié la garde de sa nouvelle conquête à un Lombard nommé Aimeri de Pavie[117]; il ne se contente pas d’envoyer à Calais, qu’il veut repeupler[118], trente-six riches bourgeois anglais, dont douze de Londres; il octroie à cette ville de grandes libertés et franchises[119] pour y attirer des étrangers.—Charles de Blois, fait prisonnier à la Roche-Derrien, et Raoul, comte d’Eu, tombé à Caen au pouvoir des Anglais, que l’on détient alors à la Tour de Londres avec David Bruce, roi d’Écosse, et le comte de Murrey, sont traités avec beaucoup de courtoisie[120], Charles de Blois, à la prière de la reine d’Angleterre, sa cousine germaine[121], Raoul d’Eu, parce qu’il a su gagner par sa galanterie les bonnes grâces de toute la cour. P. 65 à 67, 297 à 299.

CHAPITRE LXVII.

1348. RAVAGES DES BRIGANDS EN LIMOUSIN ET EN BRETAGNE; EXPLOITS DE BACON ET DE CROQUART[122] (§§ 315 et 316).

Guillaume Douglas, retiré dans la forêt de Jedburgh, continue de faire la guerre aux Anglais, même après la prise du roi d’Écosse et malgré les trêves entre l’Angleterre et la France[123]. P. 67.

Les trêves ne sont pas observées davantage en Gascogne, Poitou, Saintonge et Limousin. Dans ces pays de frontière, les pauvres gens d’armes exercent le brigandage comme un métier et s’y enrichissent avec une promptitude merveilleuse; il y en a qui font des fortunes de quarante mille écus. Voici comment ils procèdent. Rassemblés par bandes de vingt ou trente, ils épient pendant quelque temps un riche village ou un fort château situé dans les environs; puis un beau jour, de très-grand matin, ils y pénètrent furtivement et mettent le feu à une maison. Les habitants, qui croient avoir affaire à mille armures de fer, s’enfuient affolés de terreur; les brigands pillent le village ou le château, après quoi ils se retirent chargés de butin. Ils font ainsi à Donzenac[124] et ailleurs; ils s’emparent des châteaux et les revendent. Un de ces brigands emporte par escalade le château de Comborn[125], en Limousin. Le vicomte de Comborn, fait prisonnier dans son château, ne recouvre la liberté qu’en payant une rançon de vingt-quatre mille écus. Ce brigand, nommé Bacon, après avoir vendu le château de Comborn à Philippe de Valois moyennant vingt mille écus, devient huissier d’armes[126] du roi de France, qui le comble de faveurs. P. 67 à 69, 299 à 302.

En Bretagne, un autre brigand nommé Croquart, ancien page du seigneur de Herck en Hollande, gagne bien soixante mille écus; il figure à la bataille des Trente[127] du côté des Anglais et se montre le plus brave. Le roi de France lui offre une pension de deux mille livres, s’il veut se faire Français, mais il meurt d’une chute de cheval. P. 69, 70, 302, 303.

CHAPITRE LXVIII.

1349 et 1350. TENTATIVE MALHEUREUSE DE GEOFFROI DE CHARNY POUR REPRENDRE CALAIS AUX ANGLAIS (§§ 317 à 321).

Geoffroi de Charny[128], capitaine de Saint-Omer, conclut secrètement une convention avec un Lombard, nommé Aimeri de Pavie, auquel Édouard III a confié la garde du château de Calais; Aimeri s’engage à livrer ce château moyennant vingt mille écus. Le roi d’Angleterre est informé de cette convention; il mande à Londres Aimeri de Pavie, et, après une scène de vifs reproches, il promet le pardon au Lombard à condition que celui-ci fera semblant de poursuivre le marché: Édouard, prévenu à temps, aura soin de se trouver en force à Calais le jour où Geoffroi de Charny viendra pour prendre livraison du château, et ainsi les Français seront pris au piége qu’ils ont voulu tendre.—Geoffroi de Charny, de son côté, ne confie son secret qu’à quelques chevaliers de Picardie, et met sur pied cinq cents lances en vue du coup de main projeté. Il est entendu avec le capitaine du château de Calais que le marché recevra son exécution dans la nuit du 31 décembre 1349 au 1er janvier[129] 1350. Aussitôt que le jour est fixé, Aimeri envoie à Londres son frère prévenir le roi d’Angleterre. P. 70 à 73, 303 à 306.

Édouard se rend aussitôt à Calais avec une troupe de trois cents hommes d’armes et de six cents archers placés en apparence sous les ordres de Gautier de Mauny, car le roi veut qu’on ignore sa présence. Au jour dit, c’est-à-dire le 31 décembre 1349, Geoffroi de Charny, à la tête de cinq cents lances, arrive vers minuit en vue du château de Calais, ainsi qu’il a été convenu. Il passe le pont de Nieuley dont il confie la garde à Moreau de Fiennes, au sire de Crésecques, aux arbalétriers de Saint-Omer et d’Aire, tandis qu’il prend position entre ce pont et Calais, en face de la porte dite de Boulogne. Puis il envoie en avant Oudart de Renty avec onze autres chevaliers et cent armures de fer porter à Aimeri de Pavie les vingt mille écus promis et prendre possession du château. Oudart de Renty et ses compagnons trouvent le pont-levis abaissé pour leur livrer passage; mais à peine ont-ils pénétré dans la cour du château et remis entre les mains d’Aimeri un sac contenant la somme convenue qu’à un signal donné le roi d’Angleterre[130], son fils et Gautier de Mauny, suivis de deux cents combattants, se précipitent sur les Français au cri de: «Mauny, Mauny, à la rescousse!» Oudart et les siens n’ont pas même le temps de se reconnaître et sont faits prisonniers. Puis les Anglais montent à cheval et courent attaquer Geoffroi de Charny qui ne se doute de rien et commence à s’impatienter en ne voyant pas revenir Oudart de Renty. Avant d’engager cette seconde action, Édouard, qui veut couper la retraite aux Français, dépêche en toute hâte un fort détachement composé de six bannières et de trois cents archers, contre les arbalétriers des sires de Fiennes et de Crésecques préposés à la garde du pont de Nieuley. Plus de cent vingt Français sont tués ou noyés en défendant ce pont; mais les seigneurs de Fiennes, de Crésecques, de Sempy, de Longvillers et de Mametz parviennent à se sauver. P. 73 à 79, 306 à 311.

Le fort de l’action s’engage là où Geoffroi de Charny combat en personne; il voit tomber à ses côtés, frappés mortellement, Henri du Bos et Pepin de Wierre; il est fait lui-même prisonnier, ainsi que Jean de Landas, Hector et Gauvain de Bailleul, le sire de Créquy et tous ses autres compagnons, après avoir fait des prodiges de valeur. Toutefois, l’honneur de la journée est pour Eustache de Ribemont, qui se rend au roi d’Angleterre contre qui il a soutenu une lutte acharnée, sans le connaître. P. 79 à 81, 311 à 313.

La nuit du jour de l’an, Édouard offre en son château de Calais un magnifique souper à ses compagnons d’armes et aux chevaliers français prisonniers. Après le repas, il donne devant tous les assistants son propre chapelet[131] (chapeau) enrichi de perles à Eustache de Ribemont comme au plus brave, en accompagnant ce présent des éloges les plus flatteurs; puis il rend la liberté au chevalier français, sans exiger aucune rançon[132]. P. 81 à 84, 313 à 317.

Mort de Jeanne, fille de Robert, duc de Bourgogne[133], mariée à Philippe de Valois, et de Bonne[134], fille de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, mariée à Jean, duc de Normandie. Philippe et Jean se remarient bientôt après, le premier à Blanche[135], fille de Philippe d’Évreux, roi de Navarre, le second à Jeanne[136], comtesse de Boulogne, veuve de Philippe de Bourgogne, mort devant Aiguillon. P. 84, 85, 317, 318.

CHAPITRE LXIX.

1347. MARIAGE DE LOUIS, COMTE DE FLANDRE, AVEC MARGUERITE FILLE DE JEAN, DUC DE BRABANT[137]322).

Il a été dit plus haut que Louis, comte de Flandre, après avoir fiancé à Bergues Isabelle, fille d’Édouard III, s’était réfugié en France pour échapper à la conclusion de ce mariage. Le duc Jean de Brabant ouvre aussitôt des négociations auprès du roi de France, afin d’obtenir la main du comte de Flandre pour sa fille Marguerite. Philippe de Valois, auquel le duc de Brabant promet d’engager les Flamands dans l’alliance française, conseille à Louis de Male[138] d’agréer les ouvertures de Jean III. Quant aux bonnes villes de Flandre, le duc de Brabant les menace, si elles ne lui sont pas favorables, de leur faire la guerre. A la suite de conférences tenues à Arras entre le jeune comte de Flandre et les envoyés de Jean III, Louis de Male s’engage solennellement à prendre Marguerite en mariage, puis il vient en Flandre où il rentre en possession de tous ses droits seigneuriaux, et bientôt après il épouse la fille du duc de Brabant. Une clause secrète du contrat fut que Malines[139] et Anvers, après la mort de Jean III, feraient retour au comte de Flandre.—L’irritation que le roi d’Angleterre ressent de ce mariage dans le premier moment ne l’empêche pas au bout de peu de temps de faire sa paix avec le duc de Brabant et le comte de Flandre[140]. P. 85 à 88, 318 à 320.

CHAPITRE LXX.

1350. DÉFAITE DES ESPAGNOLS DANS UNE BATAILLE NAVALE LIVRÉE EN VUE DE WINCHELSEA CONTRE LES ANGLAIS.—1352. EXÉCUTION D’AIMERI DE PAVIE A SAINT-OMER[141] (§§ 323 à 329).

Édouard III apprend que les Espagnols, dont la marine s’est portée naguère à des actes d’hostilité contre les Anglais[142], sont allés avec de nombreux vaisseaux acheter des draps, des toiles et autres marchandises en Flandre; il ne veut pas laisser échapper cette occasion de se venger de ses ennemis. Il équipe une flotte puissante, dont les navires sont montés par l’élite de sa noblesse; il en prend le commandement et va croiser entre Douvres et Calais. P. 88 à 90, 320, 321.

Les Espagnols, de leur côté, informés des projets du roi d’Angleterre, ont fait leurs préparatifs pour soutenir la lutte; ils ont muni d’artillerie leurs quarante gros vaisseaux et pris des brigands à leur solde.—Au moment où Édouard III, monté sur un navire appelé La Salle du Roi, dont Robert de Namur est capitaine, fait exécuter par ses ménestrels un air de danse que Jean Chandos vient de rapporter d’Allemagne, tout à coup une sentinelle placée au haut du mât annonce que les Espagnols sont en vue: le roi fait aussitôt sonner le branlebas de combat[143]; les navires se rapprochent pour former une ligne très-serrée; Édouard et ses chevaliers boivent du vin, revêtent leurs armes en toute hâte, et la bataille commence. P. 90 à 92, 321 à 324.

Les navires espagnols et anglais s’accrochent les uns aux autres, deux par deux, avec des crampons et des chaînes de fer, et l’on se bat à l’abordage. Après diverses alternatives, le roi d’Angleterre et le prince de Galles, son fils, montent sur deux vaisseaux ennemis qu’ils ont conquis après une lutte acharnée; ils sont forcés d’abandonner leurs propres navires qui ont été horriblement maltraités et font eau de toutes parts. La Salle du Roi allait être emmenée par les Espagnols, qui l’avaient accrochée, sans le dévouement d’un valet de Robert de Namur, nommé Hennequin, qui, en sautant à bord du navire ennemi, parvient à couper les cordes qui soutiennent les voiles. Le vaisseau espagnol ne peut plus avancer, et Robert de Namur le prend à l’abordage. Bref, les Espagnols perdent quatorze[144] de leurs navires; les autres parviennent à se sauver. La flotte victorieuse rentre à Rye et à Winchelsea. Édouard va rejoindre sa femme qui l’attend dans un château situé à deux lieues de là et qui est fort inquiète, car les habitants de cette partie des côtes d’Angleterre ont vu le combat du haut des falaises. P. 92 à 98, 324 à 328.

Geoffroi de Charny surprend Aimeri de Pavie dans un petit château de la marche de Calais, nommé Frethun[145], qui lui avait été donné par le roi d’Angleterre, et le fait mettre à mort à Saint-Omer, pour le punir de sa trahison. P. 98, 99, 328 à 330.

CHAPITRE LXXI.

1348. RAVAGES DE LA PESTE.—1349. DÉMONSTRATIONS DE PÉNITENCE DES FLAGELLANTS; EXTERMINATION DES JUIFS DANS TOUS LES PAYS DE L’EUROPE EXCEPTÉ À AVIGNON ET SUR LE TERRITOIRE PAPAL[146]330).

En ce temps éclate une peste qui fait mourir le tiers de la population[147]. Pour apaiser la colère de Dieu, il surgit alors en Allemagne[148] une secte dont les adeptes se fouettent le dos et les épaules jusqu’au sang avec des courroies garnies d’aiguillons de fer; d’où on les appelle flagellants. Ils chantent des complaintes[149] sur la Passion, et vont de ville en ville, en faisant pénitence, pendant trente-trois jours, parce que Jésus-Christ alla sur terre pendant trente-trois ans. Ces pénitences font cesser les ravages de la peste en beaucoup d’endroits; mais le roi de France interdit aux flagellants l’entrée de son royaume, et le pape lance des bulles d’excommunication contre eux.—On arrête alors les Juifs par toute l’Europe, on les brûle et on confisque leurs biens, excepté à Avignon et en la terre de l’Église, sous les ailes du pape. Une prédiction avait annoncé aux Juifs, cent ans auparavant, qu’ils seraient détruits quand on verrait apparaître des gens armés de verges de fer. L’apparition des flagellants explique le sens de cette prédiction. P. 100, 101, 330 à 332.

CHAPITRE LXXII.

1350. AVÉNEMENT DU ROI JEAN.—1351. VICTOIRE DES ANGLAIS PRÈS DE TAILLEBOURG; SIÉGE ET PRISE DE SAINT-JEAN-D’ANGÉLY PAR LES FRANÇAIS.—COMBAT DES TRENTE.—ESCARMOUCHE D’ARDRES ET MORT D’ÉDOUARD DE BEAUJEU.—1352. AVÉNEMENT D’INNOCENT VI.—1350. EXÉCUTION DE RAOUL, COMTE D’EU ET DE GUINES.—1352. VENTE DU CHÂTEAU DE GUINES AUX ANGLAIS.—1351. FONDATION DE L’ORDRE DE L’ÉTOILE[150] (§§ 331 à 342).

Mort de Philippe de Valois, avénement du roi Jean[151]. Le nouveau roi[152], aussitôt après son couronnement à Reims, fait mettre en liberté ses cousins Jean et Charles d’Artois, fils de Robert d’Artois, détenus en prison, et comble de faveurs ses deux cousins germains, Pierre, duc de Bourbon, et Jacques de Bourbon, comte de la Marche. Il quitte Paris avec un train magnifique, prend le chemin de la Bourgogne, et se rend à Avignon[153] où le pape Clément VI et le sacré collége donnent des fêtes en son honneur. D’Avignon, il va passer une quinzaine de jours à Montpellier[154] d’où il se dirige vers le Poitou[155]. Il convoque à Poitiers ses gens d’armes placés sous les ordres de Charles d’Espagne, connétable, d’Édouard de Beaujeu et d’Arnoul d’Audrehem[156], maréchaux de France, et vient mettre le siége devant Saint-Jean-d’Angély, dont les habitants appellent à leur secours le roi d’Angleterre. P. 100 à 103, 332 à 334.

Jean de Beauchamp[157] et quarante autres chevaliers anglais, envoyés au secours de Saint-Jean-d’Angély, débarquent à Bordeaux à la tête de trois cents hommes d’armes et de six cents archers. Ces forces, réunies à celles des seigneurs d’Albret, de Mussidan et des autres chevaliers gascons du parti anglais, s’élèvent à cinq[158] cents lances, quinze cents archers et trois mille brigands à pied. Gascons et Anglais franchissent la Garonne, passent à Blaye et arrivent à une journée de distance de la Charente, en vue du pont de Taillebourg. Les Français, qui assiégent Saint-Jean-d’Angély, ont envoyé un détachement garder ce pont sous les ordres de Jean de Saintré, de Guichard d’Angle, de Boucicaut et de Gui de Nesle[159]. A la vue de ce détachement, les Anglais veulent rebrousser chemin, mais les Français s’élancent à leur poursuite. Un combat s’engage qui tourne à l’avantage des Anglo-Gascons. Tous les Français sont tués ou pris[160]. Les Anglais qui ne se sentent pas en mesure, malgré ce succès, de faire lever le siége de Saint-Jean-d’Angély, retournent à Bordeaux avec leur butin et de bons prisonniers tels que Gui de Nesle, dont par la suite ils ne tirèrent pas moins de cent mille moutons. P. 103 à 108, 334 à 336.

Le roi Jean apprend à Poitiers[161] la déconfiture de Taillebourg; il est fort irrité à cette nouvelle et vient en personne devant Saint-Jean-d’Angély pour renforcer le siége. Les assiégés sollicitent et obtiennent une trêve de quinze jours, à la condition qu’ils se rendront, s’ils ne sont pas secourus dans cet intervalle. A l’expiration de cette trêve, le 7 août[162] 1351, Saint-Jean-d’Angély ouvre ses portes au roi de France. P. 108, 109, 337.

Après la reddition de Saint-Jean-d’Angély, le roi Jean retourne à Paris, tandis que Jean de Beauchamp et les siens repassent en Angleterre où ils emmènent leurs prisonniers. De retour à Londres, Jean de Beauchamp[163] est nommé, en récompense du succès qu’il a remporté près de Taillebourg, capitaine et gouverneur de Calais. Le roi de France, de son côté, envoie à Saint-Omer Édouard, seigneur de Beaujeu[164], pour garder la frontière contre les Anglais. P. 110, 337.

Combat des Trente. Trente gens d’armes, bretons et français, partisans de Charles de Blois, sous les ordres de Robert de Beaumanoir, châtelain de Josselin, se battent en vertu d’une convention et dans des conditions réglées à l’avance contre trente soudoyers anglais, allemands et bretons, partisans de la comtesse de Montfort, commandés par Bramborough, châtelain de Ploërmel[165]. A la première passe, quatre Français et deux Anglais sont tués. On suspend la lutte pour prendre quelques instants de repos; puis le combat recommence. A la seconde passe, les Français prennent le dessus: Bramborough est tué avec huit de ses compagnons; les autres se rendent. Robert de Beaumanoir et les Français survivants emmènent leurs prisonniers à Josselin et les mettent à rançon courtoise, dès que leurs blessures sont guéries, car il n’y a personne, d’un côté comme de l’autre, qui n’ait été blessé. P. 110 à 115, 338 à 340.

«Vingt-deux ans[166] après le combat des Trente, ajoute Froissart, je vis assis à la table du roi Charles de France un chevalier qu’on appelait Yvain Charuel. Comme il avait pris part à ce combat, on l’honorait par-dessus tous les autres. On voyait bien du reste, à son visage, qu’il savait ce que valent coups d’épées, de haches et de dagues; car il était très-balafré. Il me fut dit vers ce même temps que messire Enguerrand de Hesdin avait été lui aussi l’un des Trente, et que c’était là l’origine de la faveur dont il jouissait auprès du roi de France. Ce glorieux fait d’armes se livra entre Ploërmel et Josselin le 27 juillet 1351.» P. 341.

Escarmouche d’Ardres[167]. Édouard, sire de Beaujeu, maréchal de France, envoyé à Saint-Omer après la reddition de Saint-Jean-d’Angély[168], est tué entre Ausques[169] et Ardres en poursuivant les Anglais de Calais, qui sont venus un matin faire une incursion et recueillir du butin jusqu’aux portes de Saint-Omer. En revanche, Jean de Beauchamp, gouverneur de Calais, et vingt autres chevaliers anglais sont faits prisonniers par les Français, grâce à un renfort de cinq cents brigands de la garnison de Saint-Omer, qui surviennent vers la fin de l’action. En même temps, le butin fait par les Anglais est repris par le sire de Bouvelinghem, les trois frères de Hames[170] et les garnisons françaises de Hames, de la Montoire[171] et de Guines[172].—Arnoul d’Audrehem[173] est envoyé à Saint-Omer, et succède à Édouard de Beaujeu comme gardien de la frontière contre les Anglais. D’un autre côté, le comte de Warwick[174] est nommé par Édouard III gouverneur de Calais en remplacement de Jean de Beauchamp qui vient d’être fait prisonnier; celui-ci, toutefois, ne tarde pas à recouvrer sa liberté: les Français l’échangent contre Gui de Nesle[175] pris par les Anglais à l’affaire de Taillebourg. P. 115 à 122, 341 à 346.

Mort de Clément VI; avénement d’Innocent VI[176]. Grâce à la médiation du cardinal Gui de Boulogne, légat du nouveau pape, une trêve[177] est conclue pour deux ans entre les rois de France et d’Angleterre. P. 122, 123, 346.

Raoul, comte d’Eu et de Guines, connétable de France, peu après son retour d’Angleterre[178] où il a passé quatre ans en prison, est mis à mort sans jugement par l’ordre du roi Jean qui donne les biens de la victime à Jean d’Artois, comte d’Eu; et cette exécution excite de violents murmures en France comme aussi au dehors du royaume. P. 123 à 125, 346, 347.

Quelque temps après l’exécution du comte de Guines, et durant la trêve[179] conclue avec le roi d’Angleterre, un traître vend et livre le château de Guines aux Anglais. Jean de Beauchamp, gouverneur de Calais, répond à toutes les réclamations du roi de France au sujet de ce marché que l’achat d’un château ne constitue pas une infraction à la trêve. P. 125, 126, 347, 348.

Le roi Jean fonde[180], à l’imitation de la Table Ronde du roi Arthur, un ordre de chevalerie composé des trois cents chevaliers les plus preux de France, et appelé l’ordre de l’Étoile, parce qu’il a pour signe distinctif une étoile d’or, d’argent doré ou de perles qu’on porte par-dessus le vêtement. Les membres de l’ordre doivent, à toutes les fêtes solennelles, se réunir à la Noble Maison construite exprès pour cet objet près de Saint-Denis; c’est là que le roi tient cour plénière au moins une fois l’an, et que chaque compagnon vient raconter ses faits d’armes enregistrés sous sa dictée par des clercs. On ne peut être admis dans la confrérie qu’avec l’assentiment du roi et de la majorité des compagnons; on fait serment, en y entrant, de ne jamais fuir dans une bataille plus loin que quatre arpents, au risque d’être tué ou fait prisonnier; on jure aussi de se porter secours les uns aux autres en toute occasion. Si un compagnon de l’Étoile se trouve sans ressource sur ses vieux jours, la Noble Maison lui offre un asile où il est assuré d’un train de vie honorable pour lui et pour deux varlets.—Peu après la fondation de l’ordre de l’Étoile, la guerre redouble en Bretagne où le roi d’Angleterre, allié de la comtesse de Montfort, expédie des forces considérables. Gui de Nesle, sire d’Offémont[181], et plus de quatre-vingt-dix chevaliers de l’Étoile, envoyés par le roi de France au secours de la comtesse de Blois, trouvent la mort dans une embuscade que les Anglais leur avaient tendue; ils auraient pu se sauver, mais ils venaient de s’engager par serment, en vertu des statuts de la nouvelle confrérie, à ne jamais fuir. Un aussi malheureux début et plus encore les désastres qui s’abattent ensuite sur la France ne tardent pas à amener la ruine de l’ordre de l’Étoile. P. 126 à 128, 348, 349.

CHAPITRE LXXIII.

1354. ASSASSINAT DE CHARLES D’ESPAGNE; RUPTURE ENTRE LE ROI DE NAVARRE ET SES FRÈRES, INSTIGATEURS DE CET ATTENTAT, ET LE ROI DE FRANCE.—1355. EXPIRATION DES TRÊVES ET OUVERTURE DES HOSTILITÉS ENTRE LA FRANCE ET L’ANGLETERRE.—MORT DE JEAN, DUC DE BRABANT, ET AVÉNEMENT DE JEANNE, MARIÉE A WENCESLAS DE LUXEMBOURG.—1356. GUERRE ENTRE FLANDRE ET BRABANT[182] (§§ 343 et 344).

Le roi Jean, non content d’avoir fait après l’exécution du comte d’Eu Charles d’Espagne connétable de France, le comble de biens[183] et lui donne notamment une terre que le roi de Navarre et ses frères prétendent leur appartenir. A dater de ce moment, les enfants de Navarre vouent au favori une haine mortelle. Pour assouvir leur vengeance, ils ont recours à un guet-apens: ils surprennent une nuit le connétable dans un petit village situé près de Laigle[184] et le font mettre à mort par une bande que commande leur cousin le Bascle de Mareuil. A la nouvelle de l’assassinat de Charles d’Espagne, Jean confisque le comté d’Évreux et tout ce que le roi de Navarre possède en Normandie; il fait aussi envahir la Navarre par les comtes de Comminges et d’Armagnac, mais le comte de Foix, allié du roi de Navarre son beau-frère, porte la guerre en Armagnac. P. 129 à 131, 349, 350.

Pierre, duc de Bourbon et Henri, duc de Lancastre, envoyés à Avignon pour traiter de la paix, ne parviennent pas à s’entendre malgré tous les efforts du pape Innocent VI; et comme la trêve vient d’expirer[185], la guerre recommence entre la France et l’Angleterre.—Mort de Jean[186], duc de Brabant. Le duché de Brabant échoit à Jeanne, fille aînée de Jean, mariée à Wenceslas, duc de Luxembourg, fils de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, et d’une sœur de Pierre, duc de Bourbon. Wenceslas est encore jeune, mais il gouverne par le conseil de son oncle Jacques de Bourbon[187]. Louis, comte de Flandre, marié à l’une des filles de Jean de Brabant, réclame Malines et Anvers comme devant faire retour au comté de Flandre après la mort de son beau-père, en vertu d’une convention consentie par le feu duc de Brabant. Une guerre terrible éclate au sujet de cette réclamation entre Flandre et Brabant; elle ne dure pas moins de trois[188] ans. Cette guerre prend fin grâce à l’arbitrage de Guillaume de Hainaut[189], fils de l’empereur Louis de Bavière, qui adjuge Malines et Anvers au comte de Flandre. P. 132, 133, 350, 351.

CHAPITRE LXXIV.

1355. TRAITÉ D’ALLIANCE ENTRE LES ROIS DE FRANCE ET DE NAVARRE.—CHEVAUCHÉE DU ROI D’ANGLETERRE EN BOULONNAIS ET EN ARTOIS; CONCENTRATION A AMIENS ET MARCHE DES FRANÇAIS CONTRE L’ENVAHISSEUR.—PRISE DU CHÂTEAU DE BERWICK PAR LES ÉCOSSAIS; RETOUR D’ÉDOUARD A CALAIS[190] (§§ 345 à 351).

Les frères de Navarre se rendent en Angleterre où ils concluent une alliance offensive et défensive avec Édouard contre le roi de France[191]; à leur retour en Normandie, ils mettent en état de défense les châteaux d’Évreux, de Breteuil et de Conches. Le roi d’Angleterre lève trois armées à la fois: la première, composée de cinq cents hommes d’armes et de mille archers sous la conduite du duc de Lancastre, doit opérer en Bretagne contre Charles de Blois qui vient de recouvrer sa liberté moyennant une rançon de quatre cent[192] mille écus; la seconde, dont l’effectif ne s’élève pas à moins de mille hommes d’armes et de deux mille archers, est dirigée sur la Guienne et placée sous les ordres du prince de Galles[193] et de Jean Chandos; la troisième enfin, forte de deux mille hommes d’armes et de quatre mille archers, est commandée par le roi d’Angleterre en personne et doit débarquer en Normandie. P. 133 à 136, 351 à 354.

Édouard s’embarque à Southampton[194] et fait voile vers Cherbourg où l’attend le roi de Navarre; mais les vents contraires l’obligent à relâcher quinze jours à l’île de Wight, puis à Guernesey. Le roi de France est informé de ces préparatifs ainsi que de la prochaine descente des Anglais en Normandie; il envoie à Cherbourg l’évêque de Bayeux et le comte de Saarbruck qui parviennent à détacher le roi de Navarre de l’alliance d’Édouard et le décident à faire la paix[195] avec Jean son beau-père; toutefois Philippe de Navarre reste attaché au parti anglais. P. 136 à 138, 354 à 356.

A la nouvelle de la défection de son allié, le roi d’Angleterre renonce à descendre en Normandie et débarque à Calais. Il entreprend une chevauchée à travers la France, passe devant Ardres[196] et la Montoire[197], court devant Saint-Omer, dont Louis de Namur est capitaine, et s’avance tellement dans la direction de Hesdin que les habitants d’Arras s’attendent à être assiégés par les Anglais[198].—Le roi de France, de son côté, fait de grands préparatifs pour repousser l’envahisseur; il appelle à son secours ses bons amis de l’Empire, entre autres Jean de Hainaut; il convoque à Amiens tous les chevaliers et écuyers depuis quinze jusqu’à soixante ans; il se rend lui-même dans cette ville avec ses quatre fils, le roi de Navarre son gendre, le duc d’Orléans son frère et l’élite de la noblesse du royaume; il parvient à réunir sous ses ordres une armée de douze mille hommes d’armes et de trente mille gens des communautés. P. 138 à 141, 356 à 359.

Sur ces entrefaites, les Écossais, qui reçoivent des renforts du roi de France[199], profitent de l’absence d’Édouard, du prince de Galles et du duc de Lancastre, pour attaquer, sous les ordres de Guillaume de Douglas, Roxburgh et Berwick; ils échouent devant Roxburgh, mais ils s’emparent du château de Berwick[200] et sont sur le point de prendre la cité elle-même dont les bourgeois demandent du secours au roi d’Angleterre. P. 141 à 143, 359 à 361.

Dans le même temps, un chevalier français nommé Boucicaut, prisonnier des Anglais, qui lui ont permis seulement d’aller quelques mois dans son pays mettre ordre à ses affaires, vient rejoindre le roi d’Angleterre devant Blangy, beau château et fort du comté d’Artois. Édouard met Boucicaut en liberté sans rançon, à condition qu’il ira de sa part offrir la bataille au roi de France[201] qui se tient toujours à Amiens où il achève de rassembler ses forces. P. 143 à 146, 361 à 363.

Le roi Jean laisse sans réponse le défi de son adversaire. Ce que voyant, Édouard rebrousse chemin à travers le comté de Fauquembergue, passe à Licques[202] dans le pays d’Alquines, contourne la bastide d’Ardres, et, par le beau chemin de plaine dit de Leulingue, rentre tout droit à Calais. Arnoul d’Audrehem, capitaine d’Ardres[203], se jette sur l’arrière-garde anglaise et fait dix ou douze prisonniers. Jean fait défier à son tour Édouard par Boucicaut et Arnoul d’Audrehem; mais les mauvaises nouvelles reçues d’Écosse empêchent le roi d’Angleterre d’accepter ce défi[204]. Le roi de France licencie son armée.—Au retour de cette expédition, Jean de Hainaut meurt dans la nuit de la Saint-Grégoire en son hôtel de Beaumont; il est enterré en l’église des Cordeliers de Valenciennes. Il laisse pour héritiers ses petits-fils Louis, Jean et Gui, fils du comte de Blois tué à Crécy et de Jeanne de Beaumont. P. 146 à 150, 363 à 368.

CHAPITRE LXXV.

1356. EXPÉDITION D’ÉDOUARD III EN ÉCOSSE[205] (§§ 352 à 355).

Le roi d’Angleterre quitte Calais dont il confie la garde au comte de Salisbury, repasse en Angleterre et se dirige tout droit vers l’Écosse[206]. Gautier de Mauny, qui marche à l’avant-garde de l’expédition, parvient à reprendre le château de Berwick aux Écossais avant l’arrivée d’Édouard dans cette ville. P. 150 à 152, 368, 369.

Les Anglais occupent Édimbourg qui est une ville ouverte; le roi habite la maison d’un bourgeois auquel David Bruce avait promis naguère de le faire maire de Londres; il met le siége devant le château. P. 153, 154, 369, 370.

La famine menace bientôt les assiégeants[207]. On est au fort de l’hiver. Les Écossais, pour affamer les envahisseurs, ont emporté vivres et bétail de l’autre côté de la rivière de Tay; et une horrible tempête force la flotte qui apporte des provisions aux Anglais à rentrer dans le port de Berwick[208]. Édouard reçoit à Édimbourg la visite de la comtesse de Douglas qui habite le château de Dalkeith; à la prière de cette dame, il s’engage à ne pas brûler la capitale de l’Écosse. Pendant ce temps, Guillaume de Douglas[209], mari de ladite comtesse, garde avec cinq cents armures de fer des défilés par où les ennemis doivent passer pour retourner chez eux. P. 155, 156, 370, 371.

Aussi, les envahisseurs, à leur retour en Angleterre, sont attaqués à l’improviste par Guillaume de Douglas au moment où ils traversent, morcelés en petits pelotons, les défilés de Cheviot d’où sort la Tweed qui forme la limite entre les deux royaumes. Édouard ne se trouve pas dans le détachement qui est ainsi surpris et ne doit son salut qu’à cette circonstance; toutefois, les Écossais ne se retirèrent pas sans emmener des prisonniers parmi lesquels se trouvent six Brabançons[210]. P. 157 à 159, 371.

CHAPITRE LXXVI.

1355. EXPÉDITION DU PRINCE DE GALLES EN LANGUEDOC[211] (§§ 356 à 362).

A peine débarqué en Guyenne[212] avec mille hommes d’armes et deux mille archers, le prince de Galles entreprend de faire une chevauchée en Languedoc et convoque à Bordeaux les principaux seigneurs de Gascogne. P. 159 à 161, 371, 372.

L’armée anglo-gasconne, forte de quinze cents lances, de deux mille archers et de trois mille bidauds, passe à gué la Garonne au Port-Sainte-Marie[213] et marche sur Toulouse. Les habitants de cette ville, alors presque aussi grande que Paris, mettent le feu à leurs faubourgs par l’ordre du comte d’Armagnac[214] leur capitaine; ils sont quarante mille hommes sous les armes et font si bonne contenance du haut de leurs remparts que les Anglais n’osent les attaquer et se dirigent vers Carcassonne. Leur première halte est Montgiscard[215]. Cette petite place, située dans un pays où la pierre[216] fait défaut, n’est fermée que de murs de terre. Les Anglais l’emportent d’assaut et, après l’avoir livrée aux flammes, chevauchent vers Avignonet[217], gros village ouvert de quinze cents maisons, où l’on fabrique beaucoup de draperie. Au-dessus de ce village s’élève un château en amphithéâtre où les riches bourgeois ont cherché un refuge. Les Anglo-Gascons s’en emparent, mettent tout au pillage et prennent le chemin de Castelnaudary. P. 161 à 164, 372 à 374.

La ville et le château de Castelnaudary[218], qui ne sont entourés que de murs de terre, sont pris et pillés ainsi que le bourg de Villefranche[219] en Carcassonnois. Ce pays est un des plus riches du monde. Des draps et des matelas garnissent les chambres; les écrins et les coffres sont remplis de joyaux. Les envahisseurs, et surtout les Gascons, qui sont très-avides, font main basse sur tout. P. 164, 165, 374.

La ville de Carcassonne est située au milieu d’une plaine, sur le bord de la rivière d’Aude; à la main droite, en venant de Toulouse, la cité, dont les remparts sont hérissés de tours, couronne le sommet d’une haute falaise et domine la ville. Les habitants de Carcassonne[220] ont mis en sûreté dans cette cité leurs femmes et leurs enfants, avec ce qu’ils ont de plus précieux; néanmoins, aidés d’un certain nombre de bidauds à lances et à pavais, ils entreprennent de défendre la ville elle-même, dont ils barrent chaque rue au moyen de chaînes. Deux chevaliers du Hainaut, Eustache d’Auberchicourt et Jean de Ghistelles, se distinguent à l’assaut de ces chaînes. La ville est conquise rue par rue, et c’est à peine si quelques-uns de ses défenseurs parviennent à se sauver dans la cité. Les vainqueurs mettent à sac toutes les maisons[221], au nombre de près de sept mille, et à rançon les plus riches bourgeois; ils cherchent ensuite pendant deux nuits et un jour de quel côté ils pourront assaillir la cité, mais elle est imprenable. P. 165 à 167, 374, 375.

Cette cité, jadis appelée Carsaude et fondée par les Sarrasins, résista sept ans à Charlemagne[222].—Les Anglo-Gascons franchissent l’Aude sur le pont de Carcassonne, passent à Trèbes[223] et à Homps[224] que l’on épargne à la prière du seigneur d’Albret moyennant le payement d’une rançon de douze mille écus, et arrivent à Capestang[225], gros bourg situé près de la mer, dont les salines sont une source de richesses pour ses habitants[226]. Ceux-ci se rançonnent à quarante mille écus, qu’ils s’engagent à payer dans cinq jours; mais après le départ des Anglais, les bourgeois de Capestang reçoivent de Jacques de Bourbon, connétable de France, qui se tient à Montpellier[227], un renfort de cinq cents combattants, que leur amène Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre; ils fortifient leur bourg et refusent de payer la somme promise. P. 167 à 170, 375 à 377.

Narbonne se compose, comme Carcassonne, d’une cité et d’un bourg. Le bourg, situé sur le bord de l’Aude, est une ville ouverte; la cité, attenante au bourg, est défendue par une enceinte munie de portes et de tours. Aimeri de Narbonne s’est enfermé dans la cité avec une garnison[228] de gens d’armes de sa vicomté et de l’Auvergne; cette cité, qui regorge de richesses, possède une église de Saint-Just[229], dont les canonicats valent par an cinq cents florins. Les Anglais occupent le bourg et le pillent, mais la cité résiste à tous leurs assauts. A la grande joie des habitants de Béziers[230], de Montpellier, de Lunel et de Nîmes, les Anglo-Gascons vident après une semaine de séjour le bourg de Narbonne, non sans y avoir mis le feu, et reprennent le chemin de Carcassonne. Sur leur route, ils pillent Limoux, où l’on fabrique des draps renommés pour leur beauté; en passant par Carcassonne, ils incendient une seconde fois la ville et emportent d’assaut Montréal[231]; puis ils gagnent les montagnes dans la direction de Fougax[232] et de Rodes[233]; enfin, ils repassent la Garonne au Port-Sainte-Marie. L’inaction du comte d’Armagnac dans tout le cours de cette incursion occasionne une émeute à Toulouse; le comte est assiégé dans le château et réduit à se sauver par une fenêtre. Jacques de Bourbon et le comte d’Armagac opèrent la jonction de leurs forces trop tard pour pouvoir couper la retraite aux Anglais. De retour à Bordeaux, le prince de Galles licencie son armée, qui rapporte de cette expédition un butin immense. P. 170 à 174, 377 à 382.

CHAPITRE LXXVII.

1356. TROUBLES A ARRAS ET EN NORMANDIE A L’OCCASION DE LA GABELLE OU IMPÔT SUR LE SEL; ARRESTATION DU BOL DE NAVARRE A ROUEN, EXÉCUTION DU COMTE DE HARCOURT.—GUERRE ENTRE LE ROI DE FRANCE ET LES FRÈRES DE NAVARRE QUI FONT ALLIANCE AVEC LE ROI D’ANGLETERRE; CHEVAUCHÉE DU DUC DE LANCASTRE ET DES NAVARRAIS EN NORMANDIE.—SIÉGE ET PRISE D’ÉVREUX, DE RHOTES ET DE BRETEUIL PAR LE ROI DE FRANCE[234] (§§ 363 à 370).

L’impôt de la gabelle[235] excite à Arras une révolte des petites gens qui tuent quatorze[236] des plus riches bourgeois; le roi de France fait pendre les meneurs.—En Normandie, le roi de Navarre, comte d’Évreux, le comte de Harcourt, Godefroi de Harcourt, Jean de Graville et plusieurs autres seigneurs s’opposent aussi à la levée de la gabelle sur leurs terres. Le roi Jean, furieux de cette résistance, saisit la première occasion de s’en venger. Un jour que le roi de Navarre et le comte de Harcourt dînent au château de Rouen à la table de Charles, duc de Normandie, fils aîné du roi de France, celui-ci survient à l’improviste[237] pendant le repas; le roi de Navarre est arrêté séance tenante malgré les supplications du jeune duc dont il est l’hôte; le comte de Harcourt, Jean de Graville[238], Maubue[239] de Mainemares et Colinet Doublel[240] ont la tête tranchée. P. 174 à 180, 382 à 386.

A la nouvelle des événements de Rouen, Philippe et Louis de Navarre, frères du roi Charles, Godefroi de Harcourt, oncle et [Jean] de Harcourt, fils aîné du feu comte de Harcourt, l’héritier de Jean de Graville, Pierre de Sacquenville et bien vingt chevaliers défient le roi de France. Le roi de Navarre, détenu d’abord au château du Louvre, est bientôt transféré dans la forteresse de Crèvecœur en Cambrésis. P. 180 à 183, 386, 387.

Louis de Harcourt, l’un des familiers du duc de Normandie, frère du comte de Harcourt exécuté à Rouen, refuse, en dépit des instances et des menaces de son oncle Godefroi, de prendre parti contre le roi de France[241]. Philippe de Navarre[242] et Godefroi de Harcourt, laissant leurs forteresses de Normandie sous la garde de Louis de Navarre et du Bascle de Mareuil, vont à Londres pendant la session du Parlement solliciter l’appui du roi d’Angleterre. Édouard s’engage à les soutenir et, non content de leur fournir cent hommes d’armes et deux cents archers, sous le commandement des seigneurs de Ross et de Nevill, il donne l’ordre au duc de Lancastre qui guerroie en Bretagne de seconder les frères de Navarre avec toutes les forces dont il dispose. P. 183 à 186, 387, 388.

Le duc de Lancastre, qui a sous ses ordres le fameux Robert Knolles, vient de Pontorson à Évreux rejoindre Philippe de Navarre et Godefroi de Harcourt, aussitôt après leur retour d’Angleterre. L’armée anglo-navarraise s’élève à douze cents lances, seize cents archers et deux mille brigands[243] à lances et à pavais; elle occupe, pille et brûle successivement Acquigny, Pacy, Vernon, Verneuil[244] et les faubourgs de Rouen. A cette nouvelle, le roi de France, accompagné de ses deux maréchaux Jean de Clermont et Arnoul d’Audrehem, vient à Pontoise, à Mantes, à Rouen; il rassemble une armée de dix mille hommes d’armes, ce qui fait trente ou quarante mille combattants, et marche contre les Anglo-Navarrais. Ceux-ci, qui se sentent inférieurs en nombre, se retirent précipitamment dans la direction de Pontorson et de Cherbourg. Les Français les poursuivent et parviennent à les joindre à peu de distance de Laigle[245]; le duc de Lancastre n’évite la bataille qu’à la faveur d’un habile stratagème. L’armée anglo-navarraise se disperse: Jean Carbonnel s’enferme à Évreux avec Guillaume Bonnemare et Jean de Ségur, Foudrigais à Conches, Sanson Lopin à Breteuil en compagnie de Radigot et de Frank Hennequin, tandis que le duc de Lancastre et les Anglais regagnent la forte marche de Cherbourg. P. 186 à 191, 388 à 390.

Évreux se compose d’un bourg, d’une cité et d’un château, et il y a des fortifications particulières pour chacune de ces trois parties de la ville. Le roi Jean[246] assiége cette place et réduit successivement le bourg et la cité à se rendre; le château lui-même, confié à la garde de Guillaume de Gauville et de Jean Carbonnel, capitule au bout de quelques semaines: la garnison a la vie sauve et peut se retirer à Breteuil. Pendant ce temps, Robert Knolles essaye de s’emparer du château de Domfront. P. 191 à 193, 390 à 392.

Après la prise d’Évreux et du château de Rothes[247], le roi de France, dont l’armée est forte de soixante mille chevaux, met le siége devant Breteuil, un des plus forts châteaux assis en plaine qu’il y ait en Normandie; ce fut le plus beau siége qu’on eût vu depuis celui d’Aiguillon.—A ce moment, le comte de Douglas d’Écosse et Henri de Castille, bâtard d’Espagne et comte de Transtamare, viennent offrir leurs services au roi Jean, qui les accueille courtoisement et assigne à Douglas cinq cents livres de revenu annuel.—Les assiégeants font construire un chat ou atournement d’assaut, monté sur quatre roues, crénelé et cuirassé, composé de trois étages, dont chacun peut contenir deux cents combattants. On comble pendant un mois, avec des fascines, les fossés du château de Breteuil, à l’endroit où l’on veut donner l’assaut, et l’on parvient ainsi à amener, au moyen des roues, cette énorme machine contre les remparts; mais les assiégés ont eu soin de se pourvoir de canons qui vomissent du feu grégeois[248]: ce feu embrase le toit de la machine, et les gens d’armes qui la montent sont obligés de se sauver. Les assiégeants entreprennent alors de combler, dans toute leur étendue, les fossés qui entourent les remparts, et ils emploient à ce travail quinze cents terrassiers. P. 193 à 196, 392, 393.

Pendant que le roi de France assiége ainsi Breteuil, le prince de Galles, informé de l’alliance conclue entre son père et les Navarrais, veut faire une diversion en faveur de ses nouveaux alliés; c’est pourquoi, il part de Bordeaux aux approches de la Saint-Jean à la tête d’une armée de deux mille hommes d’armes et de six mille archers et il se dirige vers la Loire à travers l’Agenais, le Limousin et le Berry.—A la nouvelle de cette incursion, le roi Jean presse le siége de Breteuil avec plus de vigueur encore qu’auparavant[249]. Les assiégés font prisonnier Robert de Montigny, chevalier de l’Ostrevant, qui s’est aventuré trop près du rempart, et tuent Jacquemart de Wingles son écuyer. Sept jours après cet incident, le capitaine de Breteuil nommé Sanson Lopin, écuyer navarrais, qui résiste depuis sept semaines[250] aux efforts d’une armée tout entière, se voit contraint de rendre la forteresse moyennant que la garnison aura la vie sauve et pourra se retirer au château de Cherbourg. Le roi Jean rentre à Paris et fait ses préparatifs pour marcher à la rencontre du prince de Galles. P. 196 à 198, 393 à 398.


CHRONIQUES
DE J. FROISSART.


LIVRE PREMIER.

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