Des postes en général, et particulièrement en France
Note de la page 28.
ÉDIT SUR LES POSTES.
Le seigneur et Roy (Louis XI) ayant mis en délibération avec les seigneurs de son conseil, qu’il est moult nécessaire et important à ses affaires et à son estat de sçavoir diligemment nouvelles de tous costez, et y faire, quand bon luy semblera, sçavoir des siennes ; d’instituer et d’establir en toutes les villes, bourgs, bourgades, et lieux que besoin sera jugé plus commodes, un nombre de chevaux courants de traitte en traitte, par le moyen desquels ses commandements puissent estre promtement exécutez, et qu’il puisse avoir nouvelles de ses voisins quand il voudra, veut et ordonne ce qui en suit.
Que sa volonté et plaisir est que dèz à présent et doresnavant, il soit mis et establi spécialement sur les grands chemins de son dit royaume, de quatre en quatre lieues, personnes séables, et qui feront serment de bien et loyaument servir le Roy, pour tenir et entretenir quatre ou cinq chevaux de légère taille, bien enharnachez et propres à courir le galop durant le chemin de leur traitte, lequel nombre se pourra augmenter, s’il est besoin.
Le Roy nostre seigneur veut et ordonne qu’il y ait en la dite institution et establissement et générale observation, et pour en faire l’establissement un office intitulé conseiller grand-maistre des coureurs de France ; qui se tiendra près de sa personne, après qu’il aura esté faire le dit establissement, pour ce faire luy sera baillé bonne commission.
Et les autres personnes qui seront ainsi par luy establies de traitte en traitte, seront appelées maistres, tenant les chevaux courans pour le service du Roy.
Les dits maistres seront tenus, et leur est enjoint de monter sans aucun délay ni retardement, et conduire en personne, s’il leur est commandé, tous et chacuns les courriers et personnes envoyées de la part du dit seigneur ayant son passeport et attache du grand-maistre des coureurs de France, en payant le prix raisonnable, qui sera dit ci-après.
Porteront aussi lesdits maistres coureurs toutes despêches et lettres de sa majesté qui leur seront envoyées de sa part et des gouverneurs et lieutenans de ses provinces et autres officiers, pourveu qu’il y ait certificat ou passeport dudit grand-maistre des coureurs de France, pour les choses qui partiront de la cour et hors d’icelle, des dits gouverneurs, lieutenans et officiers, que c’est pour le service du Roy, lequel certificat sera attaché au dit paquet, et envoyé avec un mandement du commis du dit grand-maistre des coureurs de France, qui sera par luy establi en chacune ville frontière de ce royaume, et autre bonnes villes de passage que besoin sera ; le dit mandement addressant audit maistre des coureurs, pour porter sans retardement lesdits paquets, ou monter ceux qui seront envoyés pour les affaires du Roy.
Et afin qu’on puisse savoir s’il y aura eu retardement, et d’où il sera procédé, le dit seigneur veut et ordonne que le dit grand-maistre des coureurs, et ses dits commis cottent le jour et l’heure qu’ils auront délivré lesdits paquets au premier maistre-coureur, et le premier au second, et aussi semblablement pour tous les autres maistres-coureurs à peine d’estre privez de leurs charges, et des gages, priviléges et exemptions qui leur seront donnés par la présente institution.
Ausquels maistres coureurs est prohibé et deffendu de bailler aucuns chevaux à qui que ce soit, et de quelque qualité qu’il puisse estre sans le mandement du Roy et du dit grand-maistre des coureurs de France, à peine de la vie. D’autant que le dit seigneur ne veut et n’entend que la commodité du dit establissement ne soit pour autre que pour son service, considéré les inconvéniens qui peuvent survenir à ses affaires, si les dits chevaux servent à toutes personnes indifféremment sans son sçeu, ou du dit grand-maistre des coureurs de France.
Et afin que nostre très-saint père le pape et princes estrangers, avec lesquels sa majesté a amitié et alliance, par le moyen desquels le passage de France est libre à leurs courriers et messagers, n’ayent sujet de se plaindre du présent réglement, sa majesté entend leur conserver la liberté du passage, suivant et ainsi qu’il est porté par ses ordonnances, leur permettant si bon leur semble, d’user de la liberté du dit establissement, en payant raisonnablement et obéissant aux ordonnances contenues.
Mais pour éviter les fraudes que pourraient commettre les courriers et messagers allants et venants en ce royaume, lesquels pour ne se vouloir manifester aux bureaux du dit grand-maistre des coureurs de France, et à ses commis qui y résideront en chacune ville frontière, et autres de ce royaume, passeraient par chemins obliques et destournez pour oster la connaissance de leur voyage et entrée en ce dit royaume prenant pour ce faire autres chevaux et guides.
Sa majesté veut et leur enjoint de passer par les grands chemins et villes frontières pour se manifester aux bureaux dudit grand-maistre des coureurs, et prendre passeport et mandement tel que sera dit, à peine de confiscation de corps et de biens.
Et d’autant que la charge du dit grand-maistre des coureurs de France, est moult d’importance, et requiert avoir fidélité, soigneuse discrétion et sçavoir ; et qu’au moyen du dit office et de sa dite charge les articles de l’institution et establissements dessus dit, doivent estre gardez, entretenues, et observez et estant iceluy establissement moult utile au service et à l’intention du Roy, il y requiert y avoir bien notables personnes pour le tenir.
Veut et ordonne que celui qui sera pourveu de la dite charge, soit compris de ses conseillers et autres officiers ordinaires, compté en enrollé en l’estat de son hostel, tout ainsi que l’un de ses conseillers et maistres d’hostel ordinaires.
Veut et ordonne que le dit grand-maistre des coureurs de France, ait l’entière disposition de mettre et establir par-tout où besoin sera les dits maistres coureurs, les déposséder si leur devoir ne font, et pourvoir en leur place tel que bon luy semblera, mesme advenant vacation par mort, résignation ou autrement de leurs charges, luy a donné pouvoir d’y pourvoir et instituer d’autres en leur place, et en délivrer lettres, les faisant faire serment de fidélité, et leur en donner acte sur les dites lettres.
Veut et ordonne que le dit conseiller grand-maistre des coureurs de France pour l’entretenement de son estat, après avoir fait serment au Roy ès mains de son chancelier, de bien loyaument servir, ait pour gages ordinaires la somme de huit cents livres parisis, lesquels seront pris sur les plus clairs deniers et revenus du dit seigneur, outre et par dessus les droits et émolumens ordinaires qu’il prendra comme officier de l’hostel et maison du dit seigneur, qui par autres ses lettres lui seront ordonnez et payez.
Et en outre il aura pension de mille livres par autres lettres du dit seigneur pour son dit office, qui luy sera assigné et donné chacune année.
Veut et ordonne que tous maistres coureurs qui seront par le dit grand-maistre establis, ayent aussi pour leur entretenement en leurs estats, pour gages ordinaires, chacun cinquante livres tournois, et chacun des commis qu’il aura près de sa personne et autres lieux que besoin sera ; chacun cent livres pour leur entretenement, et veut que les uns et les autres pendant qu’ils serviront, jouissent des mesmes exemtions et priviléges que les officiers et commensaux de sa maison.
Et, à ce que les maistres ayant moyen d’entretenir et nourrir leurs personnes et leurs chevaux, et qu’ils puissent servir commodement le Roy.
Il veut et ordonne que tous ceux qui seront envoyés de sa part, ou autrement, avec son passeport et attache du grand-maistre des coureurs de France ou de ses commis, payent pour chacun cheval qu’ils auront besoin de mener, y compris celui de la guide qui les conduira, la somme de dix sols, pour chacune course de cheval, durant quatre lieues, fors et excepté ledit grand-maistre des coureurs, qu’ils seront tenus de monter sans rien prendre de luy ni de ses gens, qu’il menera pour son service, allant faire ses chevauchées et son establissement et pour les affaires de Sa Majesté ; ensemble ne prendront rien de ses commis qui voudront courir pour les affaires pressées du Roy, au moins trois ou quatre fois l’an.
Et quant aux paquets envoyés par le dit seigneur, ou qui lui seront adressez, les dits maistres-coureurs seront tenus de les porter en personne, sans aucun délay, de l’un à l’autre, avec la cotte ci-mentionnée, sans en prétendre aucun payement, ains se contenteront des droits et gages qui leur seront attribuez.
Veut et ordonne les susdits articles et institution dudit grand office de conseiller grand-maistre des coureurs de France, et autres choses des susdites, soient à toujours observez et gardez sans enfreindre.
Fait et donné à Luxies, près de Doulens, le dix-neufviéme jour de juin mil quatre cent soixante et quatre.
Signé, LOUIS.
Par le Roy, en son conseil de la Loërre.
Plus bas :
Cheveteau.