Des postes en général, et particulièrement en France
AVANT-PROPOS.
Les postes, créées dans l’intérêt général, n’ont point cessé, depuis leur fondation, de faire partie des institutions sur lesquelles la société est établie. Toujours dirigées vers un but unique, invariables dans leur marche, constantes dans leurs résultats, l’expérience n’a fait qu’ajouter aux avantages qu’elles promettaient aux peuples chez lesquels elles se sont successivement introduites. C’est par elles encore, comme à leur origine, que les princes veillent au maintien de leur puissance, les individus à la conservation de leurs droits, et les nations à l’accroissement de leur prospérité. Tout ce qui se passe sur les points les plus opposés du globe ne peut échapper à la connaissance des monarques, aux vastes conceptions de l’homme d’état, et aux combinaisons multipliées du négociant : la pensée franchit en peu de tems des espaces immenses ; et, rapportée avec la même vîtesse des extrémités de la terre, elle vient instruire les rois au sein de leurs cours, éclairer les ministres dans le silence du cabinet, enflammer le génie dans la paix de la retraite, et seconder les entreprises hardies que dirige, de son comptoir, l’actif et habile spéculateur.
Il n’est plus un seul lieu où l’on ne puisse former et entretenir des relations. A peine voyons-nous paraître une société, ou s’élever une colonie, que des correspondances aussitôt entamées, se répandent avec une étonnante rapidité. L’intérêt qui d’abord lie les individus, fait naître ensuite des sentimens d’amitié, de famille, d’affections et de convenances, dont l’absence semble accroître la force et présager la durée.
L’amour de la patrie, si touchant chez tous les êtres, nous rend le bienfait des postes encore plus précieux. Nous résoudrions-nous à quitter le sol natal et les objets si chers que nous y laissons, sans l’espoir si consolant d’adoucir, par un commerce réciproque de pensées, cet exil commandé par la nécessité.
Je sçais, a dit Montaigne, que l’amitié a les bras assez longs pour se tenir et se joindre d’un coing de monde à l’aultre. C’est aussi par le charme que nous inspire ce sentiment, que nous nous livrons à l’illusion qui nous rapproche de ceux dont nous sommes séparés par des distances incommensurables.
Mais, si l’action des postes, momentanément suspendue par l’effet de ces crises politiques qui agitent les nations, a suffi pour jeter parfois l’épouvante, de quelle stupeur les peuples ne seraient-ils pas frappés si cet état se prolongeait, si, enfin, les relations arrêtées tout-à-coup, cessaient pour ne plus exister ?
Le renversement d’une institution qui facilite si admirablement les moyens de correspondre comme par enchantement, ne tarderait pas long-tems à faire disparaître toutes les traces de prospérité dont elle est une des sources les plus fécondes, et à rompre l’harmonie qu’elle établit entre les états et qu’elle entretient entre les individus. Le corps social, menacé d’une entière dissolution, rentrerait bientôt dans les ténèbres de la barbarie commune à l’origine du plus grand nombre des nations.
Heureusement que cette marche rétrograde de l’esprit humain est désormais impossible par l’état actuel de la civilisation, et les moyens continuels que les postes fournissent de la reproduire et de la répandre. Les empires, fatigués des grandes secousses qu’ils ont éprouvées, sentent de plus en plus le besoin de consolider les institutions bienfaisantes qui assurent leur stabilité, et les hommes, celui de se communiquer leurs pensées pour s’éclairer et chercher à se rendre réciproquement plus heureux.
Ces considérations générales, qui nous démontrent et l’utilité des postes dans l’intérêt privé, et leur importance dans l’ordre moral et politique, nécessitaient néanmoins quelques développemens pour prouver l’influence directe que cette institution exerce sur nos besoins, nos mœurs et nos affections. C’est ce que nous nous sommes proposé dans l’aperçu rapide des faits qui s’y rattachent.
Découvrir l’origine des postes dans l’antiquité ; indiquer l’époque de leur introduction chez les modernes, et particulièrement en France ; exposer les diverses modifications qu’elles ont subies chez tous les peuples ; enfin, chercher à en rendre la pratique plus utile par la connaissance des règles générales auxquelles elles sont assujetties : tel est le plan que nous nous sommes tracé. Si nous ne l’avons pas embrassé avec un égal succès dans toutes ses parties, nous pensons qu’on nous saura du moins quelque gré d’en avoir tenté l’exécution, après nous être livré à de longues recherches pour donner à notre travail l’ordre, la clarté et l’intérêt dont il est susceptible.
En conséquence, la division en quatre parties, que nous établissons, nous a paru la plus naturelle, et en même tems la plus favorable pour soulager la mémoire dans une succession de faits dont la multiplicité n’est peut-être pas rachetée par tous les charmes de la variété.
La première partie traite de l’origine des postes ; la deuxième des postes en France ; la troisième, des postes chez tous les peuples ; la quatrième, enfin, de la pratique des postes.
Nous nous sommes abstenu de citer minutieusement les sources auxquelles nous avons été obligé de recourir en composant cet essai ; mais, en le dégageant de tout appareil scientifique, nous avons pensé, néanmoins, que nous devions indiquer les principales autorités sur lesquelles nous nous appuyons, afin que l’authenticité des faits que nous rapportons ne pût être rangée au nombre de ces assertions vagues et dénuées de vérité qu’enfante malheureusement trop souvent l’esprit de système.