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Des postes en général, et particulièrement en France

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[197] La facilité des communications entre les diverses parties de l’Inde est si grande aujourd’hui, qu’un courrier du gouvernement qui part de Calcutta pour Ceylan, par la voie de Madras, arrive à sa destination en 8 jours et 3/4 d’heure. La distance est de 1044 milles : la poste fait ordinairement cette route en onze jours. Un courrier extraordinaire, expédié de Bombay à Calcutta par terre, se rend dans cette dernière ville en 18 jours et demi : la distance entre les deux villes est de 1308 milles.

Dans les provinces qui appartiennent à la Compagnie, le produit des lettres lui rend, comme en Angleterre, un bénéfice considérable. On paie, par exemple, de Bombay à Pouna 50 reas pour une lettre simple. Le port augmente en raison du poids[198].

[198]

De Bombay à Tajala pour Roupies 1 quartz 50 reas.
Id.
à Hyderabad,
»
2 »
Id.
à Mazulipatan,
»
3 »
Id.
à Madras,
1
  50
Id.
à Calcutta,
1
2 25

Il avait été question de correspondre par terre avec l’Angleterre, mais les frais de cette entreprise en firent rejeter l’exécution. On y trouvait cependant un avantage réel, puisque les dépêches seraient parvenues par cette voie en 49 jours au Bengale, et en cinquante et un jour à Madras ou à Bombay, tandis qu’il faut par mer quatre mois pour arriver au Bengale, cent jours pour aller à Madras et trois mois vingt jours pour se rendre à Bombay.

L’entreprise des bateaux à vapeur, qui sera bientôt en activité, offre des résultats autrement avantageux. Elle ne peut manquer de trouver auprès des capitalistes des colonies de l’Angleterre aux Indes, la protection que la métropole accorde à toutes les découvertes utiles à la prospérité nationale. Nous avons vu que déjà les négocians de Calcutta avaient répondu à cet appel par des souscriptions. Les tentatives qu’ils ont faites dans ce genre et qui ont été couronnées du plus heureux succès, ne laissent plus d’incertitude sur la stabilité de ce nouveau moyen de correspondance. Le premier bateau à vapeur, qui ait été construit aux Indes, se nomme la Diana[199]. Il a exécuté, de la manière la plus satisfaisante, le trajet de Calcutta à Chinsarab.

[199] Il a été lancé à l’eau le 12 juillet 1823, à Kidderpon, près de Calcutta.

Le voyage à travers l’Isthme de Suez est regardé de plus en plus comme un faible obstacle à tout projet de communication avec la Méditerranée. Dans tous les cas, le trajet par le cap de Bonne-Espérance deviendrait et moins long et plus régulier que la navigation actuelle, par la voie des bâtimens à vapeur, si surtout on pouvait en améliorer la construction, comme tout semble le présager[200].

[200] M. Brown, anglais, se propose d’introduire, au lieu de vapeur dans le cylindre, du gaz hydrogène qui, étant détruit par la combustion, produirait un vide complet dans lequel le piston se plongerait avec une force irrésistible. On introduirait de nouveau du gaz, ce qui produirait l’effet d’élever le piston, et ensuite le gaz serait détruit comme la première fois. La machine ne pèserait que 25 à 30 quintaux. Un petit fourneau tiendrait lieu de la chaudière à vapeur, et l’on calcule que 5 barils d’huile seraient suffisans pour conduire un vaisseau dans l’Inde.

Au Mogol il n’y a que les princes ou les grands personnages qui puissent se faire suivre par des chevaux, des bœufs ou des chameaux. Les palekis, voitures du pays, sont à deux roues, tirés par des bœufs, ayant une impériale en forme de toit incliné. Ces voitures servent pour les grands voyages.

C’est une profession assez commune au Mogol que celle de louer des bœufs et de les conduire pour toute espèce de transport. Il y a aux Indes des castes entières qui n’embrassent point d’autre métier.

CHINE.

Les postes sont établies d’une manière très-régulière dans tout l’empire de la Chine. L’empereur seul en fait les frais, et entretient à cet effet une infinité de chevaux. Les courriers partent de Pékin pour les capitales des provinces ; le vice-roi[201] qui reçoit les dépêches de la cour d’un kougtou ou gouverneur, les communique par d’autres courriers aux villes du premier ordre, celles-ci aux cités d’un ordre inférieur.

[201] Il est toujours assisté par province d’un trésorier général, d’un juge criminel, d’un conservateur des impôts et d’un intendant des postes.

Quoique ces postes ne soient pas entretenues pour les particuliers, il est rare qu’il ne s’en servent pas. Les missionnaires en usaient avec autant de sûreté, et beaucoup moins de dépense qu’ils ne faisaient en Europe.

Comme il est très-important que les courriers arrivent avec régularité, les mandarins ont soin de faire tenir les chemins en bon état ; et l’empereur, pour les y obliger plus efficacement, fait souvent courir le bruit qu’il parcourt ses provinces. C’est ainsi qu’Auguste et quelques empereurs romains en agissaient. La moindre négligence est punie avec sévérité. Un de ces officiers n’ayant pas mis assez d’activité à faire réparer une route par laquelle l’empereur devait passer, aima mieux se donner la mort que de s’exposer à un châtiment inévitable.

Les Chinois n’ont pu parvenir à remédier à l’inconvénient causé par la poussière qui couvre leurs routes[202]. Les voyageurs qui les parcourent soit à pied, à cheval, sur des chameaux, soit en litière ou en chariot, se précautionnent inutilement de masques ou de voiles pour éviter cette incommodité ; cependant, ces chemins sont larges, unis et bien pavés ; dans plusieurs provinces on a pratiqué des passages sur les plus hautes montagnes, en applatissant leur sommet, en coupant les rochers, en comblant les vallées et les précipices, en établissant des ponts suspendus sur des cordages ainsi que sur les fleuves et les rivières et tous les endroits difficiles où l’on n’aurait pu parvenir sans ce moyen. Un des plus connus est celui de la rivière de Kein cha yan, dans le canton de Lolo. Il y a aussi de distance en distance sur les routes, tantôt des grottes, des hospices ou d’autres établissemens commodes et agréables, bâtis pour l’utilité des voyageurs : ils sont dus le plus ordinairement à la bienfaisance de quelques mandarins.

[202] Bernardin de Saint-Pierre attribue aux tempêtes sablonneuses la poussière qui couvre les routes de la Chine et qui oblige d’aller toute l’année à cheval avec un voile sur les yeux.

Avec le permis ou billet de poste dont on a soin de se munir, on trouve tous les secours nécessaires sur la route. Ce permis consiste en une feuille de papier, imprimée en caractères tartares et chinois, et scellée par le tribunal souverain de la milice. Il est ordonné au bureau de fournir, sans délai, un certain nombre de chevaux ou de barques lorsqu’on est oblige de voyager par eau ; enfin tout ce qui est nécessaire à la vie. Le sceau imprimé sur ce permis a trois pouces de largeur en carré, sans autre figure ou caractère que le nom du tribunal et des principaux officiers.

On se fait porter en chaise par des porteurs qui ont leur chef, auquel on s’adresse pour ce service. C’est d’après l’état des malles et des paquets que le prix est fixé et payé d’avance, et l’on reçoit autant de billets qu’on veut d’hommes. Rien n’égale la légèreté de ces porteurs, ils ne s’arrêtent que trois fois par jour et font deux lieues par heure.

C’est à l’empereur Hoang-Ty que les Chinois attribuent l’invention des chars attelés d’animaux pour conduire avec rapidité les hommes et transporter les fardeaux. Si la nécessité de multiplier les relations dans un état est en raison de sa population, on doit juger des avantages qui en ont résulté dans cet empire, où 15,000 mandarins lettrés sont chargés de l’administration.

Outre leurs postes, les Chinois ont établi sur les routes des tours ou stations de cinq lieues en cinq lieues destinées aux signaux qu’ils emploient comme un autre moyen de communication. Il suit de là qu’aux yeux de quelques personnes, l’invention du télégraphe français serait attribuée à ce peuple. Cette supposition, injurieuse pour un savant de notre nation, n’a pas besoin d’être combattue : elle est du nombre de ces assertions dont le tems fait justice. D’ailleurs ce moyen si rapide de communiquer par signes dans une langue nouvelle, eût-il été négligé par les nations de l’Europe et particulièrement par les Anglais qui ont apporté tant d’étude dans l’établissement de leurs signaux. Cette correspondance oculaire, si imparfaite en tous lieux, n’a de perfection et de résultats importans qu’en France. Le profit d’une si précieuse découverte est donc resté seul à cette nation, et la gloire de l’avoir faite à un français. Nous sommes loin de penser que les Chinois, aussi grands calculateurs que profonds dans la connaissance des sciences exactes, n’aient pas des méthodes utiles et ingénieuses dans l’art de s’entendre par signes : tout porte à croire même qu’ils les possèdent ; mais c’est un secret qu’ils conservent avec tant d’autres qu’on pourrait leur envier.

Il n’est pas rare de voyager en Chine dans des espèces de voitures attelées de chiens. Les missionnaires disent avoir vu une femme tartare qui revenait de Pékin, et qui avait un équipage de cent chiens à ses traînaux.

Parmi les moyens qu’employèrent les maîtresses de Tien-ou-ti, empereur chinois, qui se laissait entièrement captiver par elles, on rapporte qu’elles avaient fait construire un char d’une grande magnificence, et d’une légèreté telle, que des moutons le traînaient dans un parc immense, où tout lui retraçait les goûts voluptueux qui lui faisaient négliger les soins de son empire. Cet exemple ne tarda pas à trouver des imitateurs parmi les courtisans qui, pour plaire à leur maître, ne se présentaient plus à la cour qu’avec des attelages de cette espèce d’animaux.

SIAM.

On voyage dans ce royaume sur des chevaux assez généralement mauvais. Les éléphans sont la monture la plus usitée, quoi qu’on se serve souvent de buffles et de bœufs. Les chaises à porteurs ne ressemblent pas aux nôtres. Elles sont découvertes et entourées d’une balustrade, dont la richesse des décorations dépend de la qualité des personnes. Les palanquins sont comme les hamacs ou filets de Goa.

Les voitures pour voyager par terre sont moins communes que les barques appelées ballons, employées sur les fleuves, si nombreux de ce pays. Les Siamois sont renommés par leurs courses sur l’eau dans ces sortes de bateaux. A certaines époques on adjuge des prix aux rameurs qui les conduisent avec une vîtesse incroyable. Ils ont aussi des courses de bœufs et de buffles. Ces animaux, que les grands seigneurs font dresser pour cet exercice, courent avec la même rapidité que les chevaux.

BOUTAN.

Il y a des chemins si étroits et si difficiles dans le royaume de Boutan, qu’on y trouve à peine la place du pied. Les précipices que l’on voit à droite et à gauche rendent les voyages très-dangereux. Une coutume singulière et bizarre a lieu dans ces contrées montagneuses ; ce sont les femmes qu’on assujettit à la cruelle corvée de porter les voyageurs, au-devant desquels elles viennent à cet effet avec des boucs pour le transport des bagages.

Le coussin sur lequel les voyageurs se placent, et qui sert de siége, est retenu par des courroies fixées aux épaules. Ces femmes sont disposées par relais de distance en distance, et se reposent ainsi d’un service aussi abject que pénible. Elles ne gagnent qu’une roupie en cinq jours. On donne le même prix pour un bouc, quelle idée peut-on concevoir d’un peuple qui s’avilit à ce point. Heureusement qu’un usage aussi révoltant ne s’est point reproduit ailleurs. N’est-ce pas déjà trop de ce triste exemple ?

JAPON.

Les postes au Japon sont appelées sinka ; elles sont placées quelquefois à un mille de distance l’une de l’autre, et souvent à quatre milles. Tout ce qui peut convenir à la commodité et à l’agrément se trouve réuni à ces stations, où l’on remarque toujours des cours spacieuses pour les chevaux. Le prix de tout ce qu’on peut se procurer à ces postes est réglé par tout l’empire. Il règne dans ces tarifs un grand esprit du justice. Les distances, l’état des chemins et le prix des vivres et des fourrages, contribuent à les modifier suivant les localités. Les ponts, dans cet empire, sont magnifiques ; les chemins unis et plantés comme nos promenades en Europe. Ils sont divisés en milles géométriques, qui commencent au pont de Jedo, placé, croit-on, au centre de l’empire. Les milles sont marqués par des buttes élevées l’une vis-à-vis de l’autre, au sommet desquelles on plante des arbres. Chaque canton est distingué par un pilier qui indique le nom du seigneur dont il dépend et les limites qui le circonscrivent. On a coutume de porter, lorsqu’on voyage, un éventail sur lequel les routes sont marquées, ainsi que les distances des lieux, le prix des postes, celui des vivres et des hôtelleries. Cette idée est ingénieuse, surtout dans un pays où la chaleur du climat rend par là l’usage de l’éventail aussi agréable qu’utile.

Chaque station a un certain nombre de messagers chargés de porter, à la plus voisine, les lettres, les édits, les déclarations ; enfin tout ce qui intéresse le service de l’empereur. Ces dépêches sont renfermées dans une boîte ou coffre verni de noir, sur lequel on voit les armes du prince, et que les messagers portent sur leurs épaules, au moyen d’un bâton auquel elles sont fixées. On a toujours soin de faire marcher deux courriers ensemble, en cas d’accident. Ils portent une cloche à la main et l’agitent de tems en tems, afin d’avertir de leur approche. Cette précaution a pour but de prévenir tous les obstacles qui pourraient s’opposer à leur marche. Les voyageurs, à ce signal, s’arrêtent ou changent la direction de leur route. L’empereur même se soumettrait à cette loi, s’il se trouvait sur leur passage et qu’il pût les retarder dans leur course.

AMÉRIQUE.

Les postes sont très-bien servies au Canada, surtout de Québec à Montréal ; et, pour rendre praticables, en hiver, les routes si généralement belles dans les autres saisons, on y plante des perches, lorsque la neige commence à tomber, afin d’en conserver la direction : dès qu’elles ont pris assez de consistance pour être favorables au traînage, les communications reprennent avec plus d’activité et on fait, par ce moyen, 15 à 20 milles par heure. Les traîneaux, les berlines et les carrioles servent l’hiver : l’été, on voyage en calèche. Ces voitures contiennent trois personnes et sont traînées le plus ordinairement par un seul cheval.

Dépendant autrefois de l’Angleterre, les Etats-Unis ont dû en recevoir les institutions. Les postes aussi n’ont rien changé à l’organisation qu’elles lui doivent. Elles sont toujours remarquables par leur activité, qui ne peut que se conserver et même s’accroître par la prospérité vers laquelle ces contrées tendent de plus en plus. On y compte aujourd’hui plus de six mille bureaux de poste, qui font parvenir les lettres avec une étonnante célérité. Les courriers parcourent 1,500,000 milles de routes de plus qu’ils ne faisaient il y a cinq ans ; malgré tant d’améliorations, les recettes, cette année, égalent les dépenses. Les communications sont favorisées par la beauté des routes[203], les canaux et les ponts suspendus sur des chaînes de fer[204]. Combien les voitures publiques ont dû se multiplier dans un pays où l’on voyage si fréquemment. Les fiacres y sont devenus très-communs. Il y a 15 ans on n’en comptait pas 25 à Philadelphie, il s’en trouve aujourd’hui plus de 600 ; les chevaux, généralement très-beaux et très-robustes, sont dressés à aller l’amble et font cinq milles par heure et 15 lieues par jour. Il est à remarquer que les postillons ne manquent jamais de s’arrêter, après avoir parcouru 4 milles, pour faire abreuver leurs chevaux. Ces haltes fréquentes, dont ils profitent eux-mêmes pour leur compte, très-désagréables en hiver pour les voyageurs, ont un but d’utilité pour les chevaux, auxquels elles redonnent une nouvelle vigueur. Il serait impossible d’en agir autrement, vu la rapidité avec laquelle on leur fait parcourir la distance qui se trouve entre chaque relais. Du reste, les routes sont généralement commodes.

[203] On s’occupe, aux Etats-Unis, du projet d’une grande route qui doit aller de Washington à Mexico pendant 3300 milles [1100]. Le gouvernement mexicain doit coopérer à cette dépense.

[204] Il n’en existait que 8 en 1820, et on en compte aujourd’hui plus de 40.

On cite parmi les hommes remarquables qui ont dirigé les postes de l’Amérique septentrionale, le célèbre Benjamin Franklin[205]. Il fut d’abord directeur des postes de la Pensylvanie, et il s’acquitta si bien de cet honorable emploi, que le gouvernement le nomma, en 1753, à celui plus important et plus lucratif de directeur-général des postes de l’Amérique.

[205] Il occupait encore cette place, en 1766, lorsqu’il parut à la chambre des communes de Londres, au sujet de la révocation de l’accise du timbre.

Jamais contrées ne furent plus favorablement partagées pour jouir pleinement de l’avantage de la navigation par le moyen des bâtimens à vapeur. On sait combien les beaux fleuves qui les traversent sont convenables à ces entreprises maritimes, et combien la correspondance a acquis de célérité et de régularité depuis cette découverte. En 1787, Fitch parvint à naviguer sur la Delaware, avec une assez grande vîtesse, mais à l’aide d’un mécanisme trop peu solide pour être employé avec un succès soutenu. C’est à Robert Fulton que les Etats-Unis doivent le précieux avantage d’avoir donné l’exemple de cette navigation aussi utile que merveilleuse. Le premier bateau que cet ingénieur a construit en Amérique, fit, en 1807, le trajet d’Albanie à New-Yorck (57 lieues) en 32 heures, et revint en 30 heures. Depuis ce tems, l’usage des bateaux à vapeur s’est répandu avec une étonnante rapidité. M. Marestier, déjà cité, estime qu’il y en a plus de 60 sur le Mississipi, 40 au moins sur le Canal de l’île longue, le Hudson, etc., outre ceux du fleuve Saint-Laurent et des grands lacs au nord des Etats-Unis.

Autrefois, le trajet de la Nouvelle-Orléans à Louisville, qui est de 150 lieues de poste en suivant le cours des rivières, ne durait pas moins de trois mois ; aujourd’hui, quelques bateaux de la Nouvelle-Orléans se rendent en 14 jours jusqu’à Cincinnati, c’est-à-dire 54 lieues plus haut que Louisville. A la Louisiane, ces bateaux[206] font la navigation du fleuve et des rivières qui y affluent et jaugent 40 ou 50 tonneaux. Ou en voit même de 900 tonneaux, qui portent un nombre considérable de passagers.

[206] On en compte sur une seule rivière plus de 100 et plus de 50 dans un seul port. Ils jaugent ensemble plus de 14 mille tonneaux.

Nul doute que dans dix ans on ne parvienne à communiquer aux grands lacs du nord-ouest, à la mer Atlantique, de là à l’Isthme de Panama, et peut-être à travers cet Isthme, à la Chine et à la Nouvelle-Hollande, par le moyen de ces bâtimens ; ils servent actuellement aux voyages de New-Yorck à Pensacola, à la Nouvelle-Orléans et à la Havane. On y trouve les commodités, les avantages et les agrémens, des voitures et des hôtelleries les meilleures de l’Europe.

On remarque encore chez les esquimaux de la baie de Baffin l’usage des attelages de chiens aux traîneaux.

PÉROU.

On courait la poste au Pérou sur les épaules d’hommes destinés à ce service. Leur diligence à parcourir une distance qui ne devait pas excéder un mille, était si étonnante, qu’elle égalait la vîtesse d’un cheval. Ce qui surprenait davantage, c’était leur adresse à décharger sans s’arrêter le voyageur qu’ils portaient, pour le jeter sur les épaules du courrier qui les remplaçait.

Lors de la conquête que les Espagnols firent de cet empire en 1527, les chemins étaient magnifiques. Ils remarquèrent surtout que celui qui conduisait de Cusco à Quito, dans une étendue de près de cinq cents lieues, était aligné avec soin, pavé avec solidité, bordé d’arbres appelés molly, aux pieds desquels coulaient deux ruisseaux. Ce chemin était aussi revêtu de chaque côté de murailles parfaitement construites pour retenir les terres. L’imagination est surprise des travaux qu’il a fallu entreprendre pour venir à bout d’un projet aussi vaste, soit en perçant des montagnes ou comblant des précipices, d’autant plus que les Péruviens étaient privés de machines propres à transporter les pierres[207] pour la construction des édifices établis de distance en distance sur les routes. L’étonnement redouble en considérant la hardiesse de ces ponts suspendus par des cordages avec lesquels la communication entre Lima et Quito fut rendue si facile. L’Europe peut imiter ces entreprises gigantesques avec la supériorité que donne l’industrie aux peuples civilisés, sans rien ôter à la gloire de ces nations qui, n’ayant pas les mêmes avantages, ne trouvaient aucun obstacle pour se frayer un passage à travers les montagnes les plus élevées et les plus inaccessibles du globe.

[207] Les moindres avaient dix pieds carrés.

Quant aux courriers appelés chasqui, leur emploi consistait à porter les ordres de l’Inca aux gouverneurs des provinces. Placés au nombre de six dans de petites cabanes distantes l’une de l’autre d’un quart de lieue, les uns veillaient constamment pour être prêts à porter sans délai, à la station voisine, le message qu’ils recevaient de vive voix d’aussi loin qu’ils pouvaient l’entendre, afin de le transmettre de la même manière ; les autres, pendant ce tems se livraient au repos que ce service fatigant et continu leur rendait si nécessaire. On conçoit avec quelle rapidité les volontés du monarque parvenaient sur tous les points de l’empire.

Quelle ressource offrait encore aux Péruviens leurs nœuds ou quipos. La différence des couleurs, la variété des contextures, avaient une signification très-multipliée, qui donnait les moyens de correspondre plus secrétement. Les quipos étaient composés de petits cordons de laine de toutes couleurs arrangés et contournés en divers sens. On attachait à chacune de ces formes, de ces couleurs, la signification des choses les plus essentielles. Ainsi, un rond fait avec de la laine blanche ou jaune représentait la lune ou le soleil. Les Péruviens correspondaient par la voix ; mais, lorsque la commission devait être secrète, ils se donnaient l’un l’autre une espèce de quipos ; c’était alors un chiffre convenu entre l’Inca et le gouverneur auquel il était adressé.

La maîtresse de Pizarre trouvait les nœuds pour exprimer la pensée bien insuffisans auprès des caractères européens. Ce langage, disait-elle, était trop borné pour rendre ce que je ressentais pour mon amant.

MEXIQUE.

La nouvelle de la présence de Cortez au Mexique jeta l’effroi dans tout l’empire de Montezuma. Ce prince, qui régnait alors, ne tarda pas à en être instruit ; car, selon la coutume de cet état, il avait des courriers qui l’entretenaient de tout ce qui s’y passait. On choisissait les jeunes gens les plus dispos qu’on exerçait dès le premier âge. La principale école était le grand temple de la ville de Mexico. Il y avait des prix tirés du trésor public pour celui qui arriverait le premier au pied de l’idole. Dans ces courses, qu’ils faisaient d’une extrémité de l’empire à l’autre, ils se relevaient de distance en distance avec une mesure si proportionnée à leur force, qu’ils se succédaient avant d’être las. Les dépêches qu’ils apportaient à l’Empereur consistaient en des pièces de toiles peintes, sur lesquelles étaient représentées les différentes circonstances des affaires dont ils devaient être instruits. Les figures étaient entremêlées de caractères qui suppléaient à ce que la peinture n’avait pu exprimer.

Dans les circonstances extraordinaires, les Péruviens et les Mexicains, comme les peuples anciens, employaient la fumée et les feux pour transmettre au loin les avis qui intéressaient le salut de l’état.

Non-seulement on avait reconnu les chiens propres aux attelages, mais encore à servir de courriers. On leur attachait au cou les dépêches qu’on voulait qu’ils transportassent, et l’instinct dont ce précieux animal est doué, le conduisait à fournir sa course avec rapidité, et même encore à défendre le paquet qui lui était confié contre toute entreprise indiscrète. Les Portugais, dit-on, les ont employés à cet usage lors de leurs conquêtes aux Indes.

Dans l’intérieur de l’Amérique du sud, pour les communications, soit du Brésil, de Buenos-Ayres, soit des provinces de l’ouest situées aux pieds des Andes, les marchandises d’un grand poids sont transportées quelquefois sur des chars traînés par des bœufs ; mais le mauvais état des routes, les ruisseaux bourbeux et les étangs, rendent ce mode excessivement long : on se sert plus communément de mules et de chevaux de bât. Les maisons de poste, qu’on trouve de distance en distance, sont de misérables chaumières presque abandonnées et très-incommodes par les insectes qui s’y rassemblent.

Il n’y a que quatre passages dans la partie de la cordillière méridionale, dont un seul est assez large pour que les chars y passent avec facilité.

Nous ne porterons pas plus loin l’énumération, peut-être déjà trop prolongée dans un essai de ce genre, des moyens de correspondre et de voyager chez tous les peuples du monde. Nous nous bornerons à observer que le séjour des Européens dans leurs possessions d’outre-mer[208] et les relations non interrompues que celles-ci entretiennent avec les métropoles, ne laissent plus d’incertitude sur la possibilité de communiquer avec les diverses contrées répandues sur tous les points du globe.

[208] Une compagnie anglaise a déjà rassemblé de très-grands capitaux destinés à la construction de routes, de canaux, de bâtimens à vapeur, de chemins en fer et de tous les ouvrages propres à établir, dans l’Amérique méridionale, les moyens rapides et perfectionnés employés en Europe pour multiplier les communications. Parmi les singularités que nous avons remarquées dans le cours de cet essai sur la docilité de certains animaux, nous citerons encore les tigres, dressés à conduire le chariot de M. Carneiro, procureur à Bogota. Ils sont tellement apprivoisés, qu’il s’en sert habituellement pour se rendre au palais de justice.

Et quoiqu’il n’existe pas en France de bâtimens[209] spécialement destinés au transport des lettres, le service des postes maritimes n’en a pas moins lieu avec toute la régularité qu’on remarque sur le continent. Aucun vaisseau n’y est attaché ; tous y coopèrent ; et le nombre considérable de ceux que le commerce emploie à faciliter ses échanges, sert aussi à multiplier ceux de la pensée.

[209] Le bateau à vapeur le Galibi, nommé la Caroline depuis le voyage de S. A. R. Madame duchesse de Berri en Normandie, parti du Havre, est arrivé sur la côte de la Guyanne en 36 jours de traversée. Ce bâtiment est destiné à naviguer entre les divers points de cette intéressante colonie, coupée par de nombreuses rivières, qui deviendra bien plus importante, lorsqu’on aura mis à exécution les divers projets de canalisation.

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