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En Pénitence chez les Jésuites: Correspondance d'un lycéen

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Ceci n’est pas un roman : c’est une histoire vécue.

Je n’ai pas été élevé sur les genoux de la Compagnie de Jésus. C’est l’Université qui s’est appliquée la première à dégrossir ma jeune intelligence et à la former. Je lui sais gré de ses louables intentions. Mais la vérité m’oblige à dire que, si je vaux quelque chose, ce n’est pas à elle que je le dois. Je l’ai, bien qu’involontairement, quittée d’assez bonne heure pour avoir le temps de faire peau neuve sous une autre influence. Les pages qu’on va lire marquent les diverses phases de mon évolution.

Elles sont d’un jeune homme qui dit, au jour le jour, ce qu’il a senti, ce qu’il a vu, et qui le dit sans arrière-pensée. J’aurais pu leur donner un tour moins juvénile, les corriger : je les aurais gâtées. Je les livre au public telles que je les ai retrouvées, un peu jaunies déjà par l’âge, dans des tiroirs longtemps oubliés. A une époque où le mot d’ordre est de courir sus aux Jésuites, ce témoignage primesautier d’un lycéen devenu leur élève pourra, sinon guérir les aveugles volontaires — miracle difficile — du moins ouvrir quelques yeux qui cherchent sincèrement la lumière.

Il y a de par le monde des égarés intelligents qui, après avoir reçu chez les Jésuites, quelquefois pour l’amour de Dieu, le pain du corps et celui de l’âme, le leur ont, depuis, vilainement craché au visage. J’en appelle à ceux-là : ils ne sont pas sujets à caution. Qu’ils soient francs, et je les défie de me taxer d’exagération ou de mensonge.

Néanmoins, on est tellement habitué dans certains milieux à regarder les Jésuites, qu’on n’a d’ailleurs jamais vus de près, comme des êtres à part, ténébreux, insaisissables, essentiellement retors et louches, que je ne me flatte pas outre mesure d’être cru sur parole. On dira que je suis un jésuite masqué. Il ne me restera qu’une ressource : c’est de répondre à ces incrédules : « Allez, une bonne fois, y voir vous-mêmes. »

Il s’en trouvera peut-être qui auront assez de courage et de loyauté pour faire cet essai, quand les Jésuites seront rentrés chez eux — ce qui ne peut tarder bien longtemps, s’il est vrai, comme on le dit volontiers, qu’étant sortis par les portes, ils ont l’habitude de rentrer par les fenêtres.

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