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Histoire de la vie et de l'administration de Colbert

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PIÈCE Nº III.—INÉDITE[613].

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VERSION DU 118e PSEAUME DE DAVID

Dans lequel ce grand Roy exhorte tout le monde à publier les bontés de Dieu, explique les effects qu'il en a ressenty et prophétise la venüe de Nostre Seigneur.

Ce pseaume a beaucoup de rapport avec l'estat de mes affaires et à l'issüe que j'en espère par la miséricorde de Dieu[614].

Venez, accourez tous, peuples de lunivers,
Confessés un seul Dieu, venés luy rendre hommage,
Annoncés et loués en langages divers
La bonté de celuy dont vous estes limage.

Vous peuple bien aimé dont il a faict le choix
Par un sensible effect de sa miséricorde
Expliqués ses bontés distes à haulte voix
Et les maux qu'il empesche et les biens qu'il accorde.

Vous qu'il a séparés du reste des mortels
Destinés isy bas à l'office des anges
Prestres qu'il a chargés du soing de ses autels
Chantés de sa bonté les divines louanges.

Et vous qui languisses de célestes ardeurs
Elevés vers le ciel vos amoureuses plaintes
Justes qui le craignés respectés ses grandeurs
Publiés ses bontés et modérés vos craintes.

Triste accablé dennuicts et pressé de douleurs
Jinvoque mon seigneur; jy mets mon espérance
Touché de ma misère, et sensible à mes pleurs
Il mescoulte, il mexauce, il me donne assistance.

Il se rend à ma voix, je le trouve en tout lieu
Je lappelle, il me tend une main secourable
Quaije à craindre appuyé des forces de mon Dieu
Mortel qui que tu sois tu n'es plus redoutable[615].

Il vient à mon secours contre mes ennemis
Contre eux en ma faveur sa puissance est armée
Je les mespriseray, je les verray soumis
Leurs injustes efforts s'en iront en fumée.

Quil est seur, qu'il est bon d'avoir aveuglement
Sa confiance en Dieu plutost que sur les hommes
Qui trompeurs ou trompés toujours égallement
Nous font connoistre enfin trop tard ce que nous sommes[616].

Heureux qui sçait placer son espérance en luy
Heureux celuy qui suit la loy de ses promesses
Princes vostre parole est un fragile appuy
Vos honneurs peu certains et vaines vos caresses[617].

Tout le monde s'estoit à ma perte engagé
Mes ennemis trop fiers avoyent cru me surprendre
Mais au nom de mon Dieu je suis assés vangé
Jay veü leurs trahisons et jay sceu m'en deffendre[618].

Dans un triste séjour honteusement logé
Ils m'ont de touttes parts entouré de milice
Mais au nom de mon Dieu je suis assés vangé
Leur conduitte paroist on cognoist leur malice.

Bruyants comme un essain autour de moy rangé
Ils pétillent d'ardeur ainsi qu'un feu despines
Mais au nom de mon Dieu je suis assés vangé
Jay détruyct leurs picquants, jay dissipé leurs mines[619].

Poussé par eux, Seigneur, et prest à succomber
Vous mavés soustenu contre leur violence
Vous mavés affermy, je ne puis plus tomber
Et vous me maintiendrés contre leur insolence.

Mon Seigneur est ma force, il est tout mon honneur
Il soppose à leurs coups, je ne suis plus leur proye
Il sest faict mon salut, il sest fait mon bonheur
Jen fais tout mon plaisir, jen fais toutte ma joye.

Cest luy qui de la cheute a sceü me garantir
Cest luy qui de mon cœur a banny la tristesse
Justes qui le serves, faittes en retentir
Dans vos sacrés concerts mille chants d'allégresse.

La dextre du Seigneur a fait voir sa vertu
La dextre du seigneur a lancé son tonnerre
La dextre du Seigneur tient l'orgueil abbatu
La dextre du Seigneur me releve de terre.

Non je ne mourray pas mon Dieu ma préservé
Et de trop de périls et par trop de merveilles
Non je ne mourray pas mon Dieu ma réservé
Pour vivre et publier ses grandeurs nompareilles[620].

Comme un maistre puissant mon Dieu ma chastié
Dune juste rigueur mon offense est suivie
Mais me voiant soumis, contrit, humilié
Comme un père à son fils il ma donné la vie.

Vous qui gardés son temple ouvrés moy promptement
Ouvrés sans différer son temple de justice
Entrés justes, entrés et sans perdre un moment
Confessons sa clémence à nos maux si propice.

Ouy je confesseray que vous m'avés sauvé
Que vous avés Seigneur exaucé ma prierre
Que j'estois criminel et qu'en vous jay trouvé
La puissance dun maistre et la bonté d'un père.

Vos ennemis Seigneur sestoient bien abusés
En mettant au rebut pour nen scavoir que faire
La pierre que vous mesme aujourdhuy vous posés
En vostre bastiment pour la pierre angulaire[621].

Cest une chose rare un chef dœuvre des cyeux
Cest un digne sujet deternelle mémoire
Un ouvrage parfaict admirable à nos yeux
Cest lœuvre de vos mains, Seigneur cest votre gloire.

Je prevoy que bientost viendra cet heureux jour
Jour longtemps attendu, jour de rejouissance
Jour qua faict le Seigneur par un excès damour
Jour illustre à jamais pour nostre délivrance.

Seigneur délivrés moy terminés ma langueur
Adorable Seigneur que tout vous soit prospere
Et bény soit qui vient au nom de mon Seigneur
Me tirer de mes fers et finir ma misere[622].

Déja je m'aperçois de ma félicité
Je vous veux faire part de ces bonnes nouvelles
Déja jay veü paroistre un rayon de clarté
Cest mon Dieu, mon Sauveur, je vous lapprends fidelles.

Establissés un jour, mais un jour solennel
Rendés grâces à Dieu, que le temple sappreste
Qu'il soit orné de fleurs, remply jusquà lautel
Et que chacun célèbre à lenvy cette feste.

Vous seul estes mon Dieu, je vous confesseray
Je diray sans cesser vostre grandeur supresme
Vous seul estes mon Dieu, je vous exalteray
Je chanteray partout vostre clémence extrême.

Ouy je confesseray que vous mavés sauvé
Que vous avés Seigneur exaucé ma prierre
Que jestois criminel et quen vous jay trouvé
La puissance d'un maistre et la bonté d'un père[623].

Venés, accourés tous peuples de lunivers
Confessés un seul Dieu, venés luy rendre hommage
Annoncés et loués en langages divers
té de celuy dont vous estes louvrage.

FIN.


PIÈCE Nº IV.

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VERS LATINS

attribués a fouquet[624].

Il y a quelques années, un des membres de l'Académie Delphinale, M. Auzias, étant allé visiter le monastère de la Trappe d'Aiguebelle, un frère trappiste, qui s'occupe de recherches archéologiques et historiques, lui communiqua une pièce de vers latins découverte dans un registre de la cure de Réauville, petit village très-rapproché de la terre de Grignan où Mme de Sévigné a passé, comme on sait, plusieurs années auprès de sa fille.

Ces vers, on va le voir, ne peuvent se rapporter à un autre qu'à Fouquet après sa condamnation. Il est très-probable qu'ils furent apportés dans le pays par l'amie dévouée du prisonnier de Pignerol, et inscrits, en raison de leur mérite qui est incontestable, par le curé de Réauville, sur le registre de sa paroisse. Cette supposition est d'autant plus fondée que Mme de Sévigné connaissait parfaitement le latin. Enfin, les vers français qui précèdent et la tournure des idées de Fouquet ajoutent un nouveau poids à cette opinion. Seulement, ceux qu'on va lire leur sont de beaucoup supérieurs. «On y trouve, dit le Bulletin de l'Académie Delphinale, ses sentiments religieux, ses regrets sur la privation de son épouse, de ses enfants, de sa liberté, de sa fortune, de ses honneurs, et de la bonne grâce du grand roi; il se plaint de voir mettre en doute sa fidélité; de ce qu'on lui a enlevé tous ses moyens de défense, ses registres, ses comptes; de ce qu'il ne lui reste pas un des amis qui, chaque matin, lui formaient une si nombreuse cour de clients; il apprend que les uns, effrayés de sa chute, se sont tournés vers de plus fortunés que lui; que les autres enveniment les accusations qui l'accablent, et que, s'il en est resté de fidèles, les gardes, les fossés et les remparts de la prison les empêchent de pouvoir venir jusqu'à lui; les longs ennuis de la prison excitent son imagination et l'exposent à des maux qu'il se crée lui-même; il voit sa mère qui le baigne de larmes, ses frères exilés, ses enfants privés de leur père, et sa femme frappée de chagrins si peu mérités. Enfin, il termine par deux vers d'une admirable sensibilité et d'une heureuse expression.»

Voici ces vers:

Sidereæ regina plagæ qua vindice surgens
Naufragus iratis emergit salvus ab undis,
Et laceram reficit peregrino in littore puppim;
Numinis intemerata parens à numine summo,
Altera spes, humanumque salus, quæ vota gementum
Suseipis et fraetis præstas solatia rebus;
Da mihi te facilem paulumque adverte querenti.

Ille ego qui quondam, summa ad fastigia vectus,
Francigenum moderabar opes, quem longa clientum
Mane salutabat spatiosa per atria turba,
Ille ego tot procerum socius, quem tota colebat
Gallia, quem populi toties dixere beatum,
Nunc miser indigno clausus sub carcere, vitam
In tenebris luctuque traho, nunc miles inermem
Obsidet armatus, pilisque minacibus instat.
Mens concussa malis, varioque agitata dolore,
Hæret et incerta est quid primum defleat; uno
Cuncta mihi sunt rapta die: dulcissima conjux,
Pignora chara thori, libertas, census, honores,
Prædia, rura, domus et magni gratia regis;
Nec mihi de tantis superest, nisi futilis umbra.
Hæc equidem cruciant animum; tamen acrius illud
Pungit, et ardenti transigit viscera telo,
Quod regni pro laude labor susceptus et ingens
Curarum series patriae consumpta luendæ,
Vana cadit, tristesque refert pro munere pœnas;
Quin etiam illa fides omni quæ carior auro,
Quæque prior mihi luce fuit, vexata, malignæ
Vocibus invidiæ, media mordetur in aula.
His lamen insistit rigidus quæsitor et ansam
Hinc rapit unde reus capitali crimine dicar.
Scriniaque et pluteas digestaque computa fisci,
Unde laboranti possim succurrere causæ,
Accipio periisse mihi, casuve dolove,
Nosse tuum est Virgo, puris quæ cuncta pererras
Luminibus, cæcique vides penetratia cordis.
Has inter latebras tanto in caligine rerum,
Qui me consiliis prudentive adjuvet arte?
Nullus amicus adest; horum nisi rumor inanis
Nuntia falsa tulit, pars nostro territa casu,
Majorique inhians fortunæ, turpia vertit
Terga; mihi pars impositum mihi crimen acerbat,
Insultatque malis. Quæ pars mihi fida remansit,
Arma per elatis circumdata mœnia fossis,
Huc penetrare nequit, crebris stationibus omnes
Quippe aditus tenet infaustæ custodia turris.
Sic premor assidue, regis modo territat ira,
Aversæque aures et quæ mihi fronte procaci,
Improperat qui nostra tulit stipendia testis,
Qui conviva meæ consumpsit fercula mensæ.
Nunc mala me febris, nunc longi tœdia torquent
Carceris; ipse novos etiam mihi suscito luctus,
Ingenio fingente, subit nam prævia mater,
Sæpe mihi largis profundens fletibus ora;
Extorresque domo fratres, prolesque parente
Orba suo, et sponsæ non digna ferentis imago.
Tristior ire dies, nox longior esse videtur,
Apparentque animo majora pericula veris.

(Bulletin de l'Académie Delphinale, t. I, p. 262 et suiv.)


PIÈCE Nº V.

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NOTE

COMMUNIQUÉE A M. EUGÈNE SUE PAR LA FAMILLE DE COLBERT,

en 1839.

La famille de Colbert possède les pièces suivantes:

1º L'acte de naissance de Colbert, du 29 août 1619;

2º Les preuves de noblesse pour l'ordre de Malte de Gabriel Colbert de Saint-Pouange, du 18 septembre 1647;

3º Les preuves pour le même ordre du propre fils de M. Colbert, du 1er août 1667.

La première de ces pièces énonce que Jehan Colbert (Jean-Baptiste) est fils de Nicolas et de Marie Pussort. Le parrain est messire Charles Colbert conseiller au siége présidial de Vermandois; la marraine, Marie Bachelier, veuve de feu messire Jehan Colbert.

Il n'y a rien dans cet acte qui puisse porter à croire que le père du grand Colbert ni aucune des personnes qui y sont nommées fussent des marchands.

La marraine, aïeule du baptisé, avait été mariée, par contrat du 2 janvier 1585, à Jehan Colbert, seigneur du Terron, nommé contrôleur-général des gabelles de Bourgogne et de Picardie, le 7 juin 1595, pour avoir contribué à la soumission de Rheims à Henri IV. Marie Bachelier lui avait porté en dot la terre de Saint-Mars en Champagne, qui passa à son second fils, Charles Colbert; parrain du grand Colbert, et qui plus tard, fut président et lieutenant-général au bailliage de Vermandois, en 1663. Quant à Marie Pussort, mariée le 24 septembre 1614, à Nicolas Colbert, seigneur de Vendière, elle était sœur de Henri Pussort, seigneur de Cernay, qui fut depuis doyen des conseillers d'État. Colbert n'avait que sept ans lorsque son père fut nommé capitaine de la ville et de la tour de Fismes. Appelé à Paris par son beau-frère Henri Pussort, en 1650, Colbert, Nicolas, fut maître d'hôtel du roi en 1650, et conseiller d'État en 1652.

La seconde pièce (1647) justifie, qu'antérieurement au crédit du grand Colbert, sa famille était non-seulement réputée noble, mais même qu'elle jouissait de la notoriété d'une noblesse ancienne, puisque la preuve pour l'ordre de Malte de Gabriel Colbert, de Saint-Pouange remonte à Gérard Colbert, écuyer, seigneur de Crèvecœur, né en 1500, auteur de la branche de Villacerf, et frère puîné d'Hector Colbert.

Cet Hector Colbert, écuyer, seigneur de Magneux, marié en 1532 avec Jeanne Cauchon, dite de Condé, fille de Jacques Cauchon, écuyer, seigneur de Condé et de Vendière (cette dernière possédée par Jean-Baptiste Colbert, du chef de cette dame, sa trisaïeule) est celui par lequel commence la preuve faite à Malte en 1667, par Antoine-Martin Colbert, troisième fils du grand Colbert, et c'est cette preuve qui forme la troisième pièce.


PIÈCE Nº VI.

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GÉNÉALOGIE DE LA FAMILLE DE COLBERT[625].

Dans ses mémoires sur les Troyens célèbres, à l'article Colbert, P. G. Grosley raconte très en détait qu'il a eu en sa possession une liasse de papiers de sept à huit livres relatifs à des affaires de commerce et embrassant, un intervalle de 45 ans, de 1590 à 1655. C'étaient des lettres concernant le commerce de la draperie, des étamines, toiles, soies, blés, chapelets, etc. Il y était aussi question d'opérations de banque. Elles avaient été adressées de Reims, de Paris, de Lyon, de Marseille, de Milan, de Venise à Odart Colbert, de Troyes[626]. Odart Colbert avait plusieurs associés, c'étaient Paolo Mascrani et Gio. Andrea Lumagna[627] à Paris et à Lyon, Polaillon à Marseille, Lorenzi à Milan; il était en outre le patron d'une foule de frères, de neveux, de cousins, et c'était chez lui, à Troyes, que les divers intéressés de la maison se donnaiont rendez-vous. Les lettres adressées à Odart Colbert présentaient, dit P. G. Grosley, l'histoire suivie de plusieurs branches de commerce, entr'autres du vin de Champagne, des révolutions que ce commerce avait subies et de la variation des prix, année par année, de 1590 à 1655. Marie Bachelier, veuve de Jean Colbert[628], faisait à Reims, pour le compte d'Odart, des achats considérables d'étamines des manufactures de cette ville. On voit par ses lettres combien Odart était attentif aux moindres gains, sensible aux pertes, impitoyable sur ses droits, dur, mais au fond secourable. Lumagna tenait la maison de Paris et, il était en outre banquier de la cour. Lors du meurtre du maréchal d'Ancre, il fut soupçonné d'avoir fait payer pour lui des fonds considérables en Italie et ses livres furent enlevés. Lumagna fut depuis banquier de Mazarin. Crosley pense que le cardinal reçut de ses mains Jean-Baptiste Colbert, petit-neveu d'Odart, le chargea de l'intendance de sa maison et de celle de ses finances; mais il ne fait pas connaître sur quoi se fonde son opinion. A en juger par la correspondance de Lumagna, Colbert ne pouvait avoir été formé à meilleure école. L'ordre dans les vues, la précision dans les idées, la netteté dans les détails caractérisent toutes ses lettres. L'heureuse facilité de son style le rend comparable à celui des meilleurs écrivains de la cour de Louis XIV.

La famille de Colbert se composait donc alors de différentes branches, les unes riches, les autres tombées.

Dans une lettre du 24 octobre 1604, un Simon Colbert de Reims écrivait à Odard de lui avancer l'argent nécessaire pour les frais de ses vendanges. «Il venait, disait-il dans la même lettre, de rencontrer Largentier,» et il ajoutait: «Je l'ai trouvé bien insolent depuis qu'il est secrétaire du roi, quoiqu'il n'ait pas plus de noblesse que nous[629]

Colberts de Paris.—Le plus connu, au commencement du dix-septième siècle, était un M. Colbert de Treslon qui épousa une Brulart, et fit fortune dans la robe. Le 6 août 1609, la veuve de Jean Colbert (Marie Bachelier) écrivait de Reims à Odard Colbert: «La fille de M. de Treslon est mariée à un conseiller du grand conseil. C'est un bien grand mariage, cela fait beaucoup de bruit de deçà... On lui donne quarante mille livres en mariage, ce qui n'est pas grand'chose eu égard à celui qui la prend. Je crois que l'honneur qu'elle a d'être nièce de M. le chancelier (Brulard de Sillery) en est la cause.»

Girard Colbert, était établi à Paris, rue des Arcis, à la clef d'argent. En 1601, il s'associa avec Camus, dont le fils, Nicolas Camus, épousa Marie Colbert, fille de Girard Colbert. Camus était de Troyes. De la branche de sa famille restée à Troyes sortait Nicolas Camus à qui Jean-Baptiste Colbert procura plus tard le travail sur Térence ad usum Delphini, et qui fit sur Térence un commentaire des plus estimés.

Nicolas Camus eut de Marie Colbert quatre filles et six fils. L'aînée des filles épousa M. d'Emery, surintendant des finances pendant la régence d'Anne d'Autriche.

L'aîné des fils fut M. Lecamus, conseiller d'État, père de M. le premier, président de la cour des aides, de M. le lieutenant civil, et de l'évêque de Grenoble.

Le deuxième, autrefois président des comptes, et depuis conseiller d'État, surintendant de justice dans l'Isle de France, et contrôleur des finances[630].

Dans leurs voyages à Paris, les Colberts de Reims et de Troyes descendaient chez Nicolas Camus. En 1604, celui-ci avait pris avec son frère Guillaume, la ferme des droits sur les vins à Reims.

Colberts de Reims.—Jean Colbert, établi à Reims, y avait épousé Marie Bachelier. Il mourut jeune et sa veuve continua la société qu'il avait avec Odart.... En 1633, Jean Bachelier avait formé une maison à Lyon avec Jean et Nicolas Colbert. Les Bachelier eurent part à la fortune de Jean-Baptiste Colbert lorsqu'il fut devenu contrôleur-général. Au surplus, Simon Bachelier était déjà, en 1606, receveur général des finances d'Orléans.

En 1634, la mère de Jean et de Nicolas Colbert ayant renouvelé sa société avec Odart, y fit entrer ses deux fils, auparavant associés avec Jean Bachelier. Les fonds de cette société étaient de cent mille livres.

En 1635, l'archevêque de Reims, seigneur de Taisy, concéda à Jean Colbert, possesseur, à titre d'achats ou de succession de domaines situés à Taisy, le droit d'élever un colombier à pied et de faire boire ses canaux dans la rivière de Taisy, et ce, en considération des bons et loyaux services que le sieur de Terron a rendus à l'archevêché.

Le contrôleur général, son neveu, le fit pourvoir de la charge de premier président au parlement de Metz, où il se fixa et mourut en 1670...

La qualité de noble homme, prise par Jean Colbert, dans les actes relatifs à ce domaine, était assortie au surnom de du Terron qu'il s'était donné, le bâtissant en château qu'il avait construit sur ce domaine, et aux missions dont l'honorait le ministre de la guerre.

En effet, dans une lettre écrite par le cardinal de la Valette au cardinal de Richelieu, le 10 mars 1639, on lit ce qui suit: «Aussitôt que nous aurons l'avis de l'acceptation des lettres de change tirées pour les fortifications du pont d'Esture, nous y ferons travailler. J'enverrai, dans deux jours à Votre Éminence, le marché qu'en a fait le sieur Colbert (Jean Colbert) lequel entend fort bien ces choses-la.»

Dans une autre lettre, le ministre de la guerre, M. Desnoyers, dit:

«Le roi envoie un honnête homme, qui a été à moi, nommé le sieur Colbert, pour acheter du canon où il en trouvera, suivant vos bons avis.»

Le nom de Colbert n'était donc pas nouveau à la cour et dans les bureaux des ministres lorsque Jean, son neveu, y fut introduit par le cardinal Mazarin.

Colberts de Troyes.—Odard, frère de tous les Colberts de Reims, né en 1560, exerçait le commerce à Troyes dès l'année 1581. Il épousa Marie Fouret, dont le frère faisait l'épicerie... A mesure que sa fortune s'élevait, Odart en réalisait une partie en achetant des terres. Il acquit d'abord des Marguenat, celle de Villacerf. Il fut longtemps en marché pour celle de Bossancourt, et joignit celle de Saint-Pouange et de Turgis à ses acquisitions. Ayant eu des contestations avec le corps municipal pour la contribution aux charges publiques, et ne se trouvant pas assez garanti par les privilèges concédés par Henri IV aux Mascrani et Lumagna, pour l'encouragement de leurs manufactures, privilèges qui lui furent attribués en qualité d'associé de ces négociants, il traita vers 1612 d'une charge de secrétaire du roi... Cependant, il continua et étendit son commerce, n'épargna rien pour l'éducation de ses fils, les pourvut de charges au grand conseil, facilite leur établissement avec des familles riches et considérées, mourut enfin à l'âge de 80 ans et fut inhumé dans une chapelle adhérente au sanctuaire de l'église des Cordeliers, sous une grande tombe de marbre noir avec cette inscription:

cy-gist
odard colbert
seigneur de villacerf, saint-pouange et turgis,
conseiller secrétaire du roi, maison et couronne de france,
lequel décéda le 14 janvier 1640,
en la quatre-vingtième année de son age.

PRIEZ DIEU POUR SON AME.

Jean Baptiste Colbert, fils d'Odard Colbert dont il vient d'être question (Colbert de Saint-Pouange), épousa en 1628, par les secours de Lumagna, Claude Le Tellier, sœur de Michel Le Tellier, conseiller au Parlement, et depuis chancelier de France, et il dut à cette alliance l'illustration et les biens qui entrèrent dans sa branche. De la Chambre des comptes il passa au conseil d'État et mourut en 1663, intendant de Lorraine. Son fils Édouard dut au crédit de Colbert et de Le Tellier, dont il était parent, la place importante d'inspecteur général des bâtiments du roi.


PIÈCE Nº VII.—INÉDITE.

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ÉDIT

PORTANT NOMINATION D'UNE COMPAGNIE DE COMMERCE POUR LE NORD[631].

«LOUIS, etc., etc.—Comme le commerce est le moyen le plus propre pour concilier les différentes nations et entretenir les esprits les plus opposez dans une bonne et mutuelle correspondance, qu'il rapporte et respand l'abondance par les voyes les plus innocentes, rend les peuples heureux et les Estats plus florissans; aussy n'avons-nous rien obmis de ce qui a despendu de nostre authorité et de nos soins pour obliger nos sujets de s'y appliquer et le porter jusques aux nations les plus esloignées, et d'autant que celuy du nord peut produire réciproquement de grands advantages, nous avons estimé à propos d'exciter nos sujets de s'associer pour l'entreprendre et de leur accorder à cet effet des grâces et privilèges considérables; à ces causes, nous avons establi une Compagnie qui sera appelée du Nord, etc., etc., etc.»

Voici en quoi consistaient les nombreux privilèges accordés à la Compagnie du Nord.

A partir du 1er juillet 1669, la Compagnie était autorisée à faire le commerce en toute liberté en Zélande, Hollande, côtes d'Allemagne, Danemarck, mer Baltique, Suède, Norvège, Moscovie, etc., etc.

Tous les Français et étrangers pouvaient s'y associer pendant un an, sans pouvoir y apporter moins de 2,000 fr. Les gentilshommes ne dérogeaient pas en y entrant.

Les règlements étaient dressés par la Compagnie elle-même et approuvés par le Roi.

«Et pour d'autant plus favoriser ledit establissement,» le Roi lui accordait 3 fr. pour chaque barrique d'eau-de-vie transportée hors du royaume et 4 livres par tonneau pour les autres marchandises également transportées hors de France ou reçues dans les retours, en déduction des droits qu'elles auraient dû payer.

La Compagnie n'aurait en outre rien à payer pour les munitions et vivres nécessaires à l'équipement et nourriture de ses navires. Elle était dispensée de tous droits de transit et d'emprunter l'intermédaire des courtiers.

«Et attendu, porte l'édit, que le commerce ne se fait ordinairement dans le pays du nord que par eschange de marchandises et que ladite Compagnie pourroit se trouver surchargée, faute du prompt débit, de celle qu'elle auroit apportée par ses retours, nous promettons de faire prendre et recevoir dans les magasins de nos arsenaux de marine, toutes les marchandises propres pour la construction, radoub, armement et équipement de nos vaisseaux, fournitures et provisions de nos armées navalles, par les intendants et commissaires généraux qui en feront les marchez avec un profit raisonnable, tel qu'il sera convenu entre lesdits intendans et directeurs de la Compagnie.»

Les matelots étrangers devaient acquérir le droict de naturalité après avoir servi pendant six ans sur les navires de la Compagnie du Nord.

Les directeurs seraient exempts du logement des gens de guerre, guet, corvées, etc.

Les ouvriers et charpentiers étrangers travaillant pour la Compagnie auraient les mêmes exemptions et privilèges que les ouvriers français.

«Les officiers qui entreront en ladite Compagnie pour vingt mil livres seront dispensez de la résidence.»

«Les actions seront transmissibles.

«Et pour faire connoistre la satisfaction que nous nous promettons de l'establissement de ladite Compagnie et la protection que nous entendons luy donner non-seulement par nostre authorité, mais encore de nos deniers, nous voulons, consentons et nous plaist mettre de nos deniers le tiers du fonds capital qui sera fait par tous ceux qui y prendront intérest et que toutes les pertes qui pourront arriver à la dite Compagnie pendant les six premières années de son establissement soient portés à la descharge des intéressez en icelle sur lesdits fonds que nous entendons mettre à ladite Compagnie.»

«Promettons à la Compagnie de la protéger et deffendre envers et contre tous, mesme d'employer nos armes en toutes occasions pour la maintenir dans l'entière liberté de son commerce et navigation et lui faire faire raison de toutes injures et mauvais traitemens qui luy pourraient estre faits par les nations qui voudraient entreprendre contre ladite Compagnie; de faire escorter ses envois et retours à nos frais et despens par tel nombre de vaisseaux de guerre qu'il sera nécessaire et partout où besoin sera. Si donnons en mandement, etc.

Signé: LOUIS.

Par le Roy: COLBERT.

Saint-Germain, au mois de juin 1669.


PIÈCE Nº VIII.

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RÈGLEMENT

concernant les détails dont m. colbert est chargé, comme contrôleur-général et secrétaire d'état ayant le département de la marine.

Le Roi, ayant considéré la connexité du commerce avec la marine et les grands avantages que son service et celui du public en recevraient si ces deux emplois étaient confiés à une même personne, Sa Majesté, étant d'ailleurs bien informée que pendant que le sieur de Colbert, à présent secrétaire d'État, a pris soin du commerce en qualité de contrôleur-général des finances, il s'est notablement augmenté dans le royaume, elle a jugé à propos de mettre dans le département de la charge de secrétaire d'État dudit sieur Colbert, le commerce avec la marine, les démembrant de la charge du sieur de Lionne, aussi secrétaire d'État, de laquelle le sieur marquis de Berny, son fils, est pourvu à sa survivance, en leur donnant d'autre part un dédommagement proportionné à la diminution qu'ils souffriront dans leur emploi: pour cet effet, Sa Majesté, du consentement desdits sieurs de Lionne et de Berny et dudit sieur Colbert, a résolu le présent règlement de la manière qui suit:

Premièrement, que ledit sieur Colbert aura dans son département la marine en toutes les provinces du royaume, sans exception, même dans la Bretagne, comme aussi les galères, les Compagnies des Indes orientales et occidentales, et les pays de leurs concessions; le commerce, tant dedans que dehors le royaume, et tout ce qui en dépend; les consulats de la nation française dans les pays étrangers; les manufactures et les haras, en quelque province du royaume qu'ils soient établis;

Que lesdits sieurs de Lionne et de Berny auront dans leur département la Navarre, le Béarn, le Bigorre et le Berry, qui étaient de l'ancien département de la charge dudit sieur Colbert;

Que les appointemens attribués à la charge desdits sieurs de Lionne et de Berny seront augmentés de la somme de 4,000 livres, pour et au lieu de pareille somme que ledit sieur de Lionne touchait tous les ans sur les états de la marine, laquelle somme serait dorénavant employée dans les états sous le nom dudit sieur Colbert, et qu'en outre pour dédommager lesdits sieurs de Lionne et de Berny de la diminution de leur dit emploi, il sera payé comptant audit sieur de Berny, du consentement dudit sieur de Lionne, des deniers du Trésor Royal, la somme de 100,000 livres.

Signé: LOUIS.

Et plus bas: Le Tellier.

Fait à Paris, le 7 mars 1669.

(Archives de la marine, Registres des ordres du Roy.)


PIÈCE Nº IX.—INÉDITE.

COMMERCE DE LA FRANCE AVEC L'ESPAGNE

EN 1681.

INSTRUCTION POUR LE COMTE DE VAUGUYON,

ambassadeur extraordinaire en espagne[632].

Fontainebleau, 29 septembre 1681.

«Le roy envoyant le Sr comte de Vauguyon en Espagne, Sa Majesté a bien voulu lui faire savoir ses intentions sur tout ce qui concerne le commerce que ses sujets font en Espagne, afin qu'il puisse tenir la main à ce que les traités de paix puissent être ponctuellement exécutés à cet égard, et, qu'en tout ce qui concerne ledit commerce, les sujets de Sa Majesté soient aussi favorablement traitez qu'aucun autre dans toute l'estendue des pays de la domination des rois catholiques, conformément au traité des Pyrénées, articles 6 et 7, confirmés par ceux d'Aix-la-Chapelle et de Nimègue.

Il doit estre informé que le commerce de toutes les nations, en Espagne ne se fait presque point par échange de marchandises, mais pour de l'argent comptant qui vient en Espagne du Pérou; ce commerce est d'autant plus considérable que c'est par son moyen que l'argent se répand dans tous les autres États de l'Europe, et que, plus chaque État a de commerce avec les Espagnols, plus il a abondance d'argent; c'est pourquoi il est nécessaire, et Sa Majesté veut que ledit sieur de Vauguyon ait une application toute particulière à maintenir et augmenter ce commerce par tous les moyens que les marchands pourrons luy suggérer, et qu'il emploie toujours le nom et les instances de Sa Majesté pour luy donner toute la protection dont ils pourront avoir besoin. Et afin qu'il sache en quoy les sujets de Sa Majesté peuvent avoir besoin de la protection et assistance qu'il doit leur donner, il doit savoir que le commerce des François se fait, en Espagne, de trois manières différentes; la première, par les ouvriers et artisans françois des frontières des provinces d'Auvergne, de Limousin et autres qui y passent tous les ans et qui, après y avoir travaillé quelque espace de temps, repassent en France et rapportent dans leurs provinces ce qu'ils ont pu gagner, et comme ces ouvriers artisans se répandent dans toutes les provinces d'Espagne, il sera bon que ledit sieur comte de Vauguyon soit informé autant que possible de leur nombre, des difficultés et facilités qu'ils trouveront à repasser en France avec l'argent qu'ils ont gagné par leur travail, et qu'il leur donne les assistances dont ils pourront avoir besoin, en quoy il est nécessaire qu'il agisse avec quelque adresse et secret, n'étant pas à propos que les Espagnols ni les François même sachent qu'il veuille être informé de leur nombre.

La seconde manière de ce commerce consiste en un grand nombre de mulets, et de marchandises manufacturées en France de toute sorte qui passent en Espagne, et qui servent à la consommation du pays, et sur ce commerce il suffit de luy dire qu'il doit donner facilitez auprès de luy à tous les marchands françois et à tous leurs correspondants de Madrid et des autres villes principales d'Espagne et leur donner toute l'assistance et la protection dont ils auront besoin; il doit même appeler quelquefois auprès de luy ceux auxquels il aura reconnu plus d'esprit et de conduite et s'informer d'eux de tout ce qui pourra être fait, soit pour leur donner plus de liberté dans le commerce, soit pour augmenter et donner plus de cours aux manufactures de France.

La troisième manière, plus importante et plus considérable que les deux autres, consiste en toutes les marchandises et manufactures de France qui sont portées à Cadix, Sainte-Marie, Saint-Luc et autres ports d'Espagne pour être chargés sur les galions et sur les flottes qui partent d'Espagne pour toutes les Indes occidentales, et au chargement des marchandises fines, ou en argent monnoyé et en barres qui se fait sur les frégates de Saint-Malo, Rouen et autres ports de France, lors du retour des galions et flottes, et c'est à rendre ce commerce sûr et facile que le sieur comte de Vauguyon doit donner toute son application.

Il doit considérer pour cela que les Espagnols ne s'appliquant à aucunes manufactures, il est d'une nécessité absolue que toutes les marchandises nécessaires pour tous les grands pays qu'ils possèdent dans l'Amérique septentrionale et méridionale leur soient fournies par les étrangers, lesquels, par ce moyen, profitent d'une bonne partie des richesses qui tirent des mines de ce pays-là; c'est ce qui oblige les marchands de toutes les nations de l'Europe, François, Anglois, Hollandois, Génois, Vénitiens, villes anséatiques et autres de travaillera l'envi à qui fournira un plus grand nombre de ces marchandises pour en retirer plus de profit et d'avantage; mais les François ont un si grand avantage sur les autres nations, par la fertilité de la terre, la grande quantité de chanvres et de lins qu'elle produit, et par leur industrie qui produit les plus belles et les meilleures manufactures, que pourvu qu'ils soient assistez et protégez en sorte qu'ils soient, ou mieux traitez que les étrangers ou au moins aussi bien, il n'y a pas de doute qu'ils attireront la plus grande partie de ces richesses au-dedans du royaume.

Pour cet effet, ledit sieur comte de Vauguyon sait que, par les traités des Pyrénées, Aix-la-Chapelle, de Nimègue, les François doivent être traitez aussi favorablement qu'aucuns autres étrangers, et ainsy pour bien, connoitre l'étendue du bon traitement qui doit être fait aux François, il faut qu'il lise exactement les traités faits entre l'Espagne et l'Angleterre et particulièrement celui de 1667, et les traités faits avec l'Espagne, les Hollandois, les villes anséatiques, les Danois, Suédois, Génois et autres.

Il doit même observer avec soin dans tous ces traités et particulièrement dans celui d'Angleterre, la liberté qui leur est donnée d'aborder quelquefois, et pour de certaines considérations, dans les ports des Indes occidentales, non pas pour demander la même chose par un article exprès, mais seulement pour s'en servir dans les occasions qui se pourront présenter; et sur ce sujet, Sa Majesté fait joindre à cette instruction la copie d'une ordonnance que la Reine Catholique fit expédier et délivrer à M. le cardinal de Bouzy, lors archevêque de Toulouse, ambassadeur de Sa Majesté en Espagne, portant ordre à tous les gouverneurs des places du roy catholique, et à ses officiers de faire jouir les François des mêmes grâces et privilèges dont jouissent les Anglois et les villes anséatiques, et Sa Majesté estime bien nécessaire que le comte de Vauguyon demande le renouvellement de la même ordonnance, et même en termes plus forts et plus précis, s'il est possible.

Pour bien connaître de quelle sorte et en quelle occasion il doit se servir de ce traitement qui doit être fait aux François aussi favorable qu'à tous les étrangers, il doit savoir qu'il est enjoint par les lois et ordonnances d'Espagne, d'enregistrer tout l'argent et les effets qui sont embarqués dans les ports des Indes occidentales sur les galions et vaisseaux de la flotte, et ce, à peine de confiscation de tout ce qui n'est pas enregistré, et qu'il est défendu par les mêmes lois et ordonnances de sortir d'Espagne aucun argent, monnoyé ni en barre, et par ces deux lois les Espagnols ont prétendu conserver au-dedans de leur État toutes les immenses richesses de leur Nouveau Monde; mais comme ils ne travaillent à aucune des marchandises et manufactures nécessaires pour l'entretien de ce grand pays, la nécessité absolue d'en tirer des pays étrangers a produit partie par industrie, partie par tolérance et partie par intérêt que ces deux lois ont été rendues vaines et inutiles, et ainsi les capitaines de ces galions et vaisseaux favorisent ces fraudes par rapport à leur intérêt et au gain qu'ils y font, que les juges et officiers contribuent presque toujours à cacher; mais comme ils sont en droit de faire valoir la rigueur de ces ordonnances, c'est souvent à quoy ils s'appliquent à l'égard des François pour leur ôter tout ou la meilleure partie de ce commerce, ne se souciant pas de le faire passer aux étrangers, de la puissance desquels ils ne croyent pas avoir tant à craindre que de celle des François; et c'est pour cela qu'il faut que ledit sieur comte de Vauguyon ait une application particulière à faire jouir les François des mêmes avantages et facilités que les autres étrangers.

Ces facilités consistent en ce que pour éluder ou rendre inutiles ces lois et ordonnances, les étrangers font venir leurs vaisseaux chargés de marchandises lors du départ des galions et flottes dans les rades de Cadix, et pendant les nuits, de concert avec les capitaines desdits galions et flottes qui y sont intéressés, ils embarquent les marchandises sans être enregistrées, et au retour ils chargent de même les marchandises fines, argent monnoyé et en barre qui leur appartiennent en échange de leurs marchandises qui ont été vendues dans les Indes.

Et pour se délivrer indirectement de la rigueur de la loi, les Anglois et les villes anséatiques ont obtenu, par leur traité, une dispense de visite pour leurs vaisseaux, magasins et marchandises, en sorte que le chargement des marchandises lors du départ, et des marchandises fines et en barre lors du retour, se faisant de nuit, et n'étant pas visitées de jour, ils font ce commerce en toute liberté.

Et par les mêmes raisons de tolérance et de nécessité, lorsque par le retardement du départ et de l'arrivée des galions, les navires sont obligés de recharger les marchandises dans la ville de Cadix, ou dans les autres villes maritimes, les marchands de ces villes, correspondants ou associez des François et les officiers donnent les facilités nécessaires pour frauder les douanes, en faisant passer ou par-dessus les murailles ou par des endroits obliques, les marchandises pour être embarquées sur lesdits galions et vaisseaux lors de leur départ.

Et par ces différents moyens, et autres qui se pratiquent sur les lieux, et que l'industrie, la nécessité et l'intérêt inventent et souffrent suivant les besoins, ce grand et considérable commerce se fait; mais comme tous ces moyens sont indirects, lorsque les Espagnols veulent bien maltraiter ces nations, ils se servent de la rigueur de leurs lois et ordonnances pour la confiscation de leurs marchandises ou effets en jugeant qu'ils y ont contrevenu, ou en leur accordant ce qu'ils appellent indulte, moyennant des sommes d'argent considérables qu'ils exigent, et c'est sur ce point que ledit comte de Vauguyon doit appliquer toute la force des instances et de la protection de Sa Majesté.»


PIÈCE Nº X.

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MÉMOIRE

pour mon fils sur ce qu'il doibt observer pendant le voyage qu'il va faire a rochefort[633].

Estant persuadé comme je le suis qu'il a pris une bonne et ferme résolution de se rendre autant honneste homme qu'il abesoin de l'estre, pour soutenir dignement, avec estime et réputation, mes emplois, il est surtout nécessaire qu'il fasse toujours réflection et s'applique avec soin au règlement de ses mœurs, et surtout qu'il considère que la principale et seule partie d'un honneste homme est de faire toujours bien son debvoir à l'égard de Dieu, d'autant que ce premier devoir tire nécessairement tous les autres après soi, et qu'il est impossible qu'il s'acquitte de tous les autres s'il manque à ce premier. Je crois lui avoir assez parlé sur ce sujet en diverses occasions pour croire qu'il n'est pas nécessaire que je m'y estende davantage; il doibt seulement bien faire réflection que je lui aycy-devant bien fait connoistre que ce premier debvoir envers Dieu se pouvoit accommoder fort bien avec les plaisirs et les divertissements d'un honneste homme en sa jeunesse.

Après ce premier debvoir je désire qu'il fasse souvent réflection à ses obligations envers moi, non-seulement pour sa naissance, qui m'est commune avec tous les pères, et qui est le plus sensible lien de la société humaine, mais mesme pour l'élévation dans laquelle je l'ai mis, et par la peine et le travail que j'ai pris et que je prends tous les jours pour son éducation, et qu'il pense que le seul moyen de s'acquitter de ce qu'il me doibt est de m'aider à parvenir à la fin que jesouhaiste, c'est-à-dire qu'il devienne autant et plus honneste hommeque moi s'il est possible, et qu'en y travaillant comme je le souhaiste il satisfasse en même temps à tous ses debvoirs envers Dieu, envers moi et envers tout le monde, et se donne en même temps les moyens sûrs et infaillibles de passer une vie douce et commode, ce qui ne se peut jamais qu'avec estime, réputation et règlement de mœurs.

Après ces deux premiers points, et pour descendre aux détails de ce qu'il doibt faire pendant son voyage, je désire qu'il commence incessamment la lecture des ordonnances de marine, qu'il trouvera dans Fontanon, Conférence des ordonnances et ordonnances de 1629, qu'il emporte avec lui les traités de Clairac, et lise promptement celui des termes maritimes; et que dans le voyage il s'instruise toujours de la marine avec M. de Terron, affin qu'il ne soit pas tout à fait neuf en cette matière lorsqu'il arrivera à Rochefort; et je désire que, pendant le séjour qu'il y fera, il emploie toujours trois heures du matin à étude, c'est-à-dire à la lecture dans son cabinet de tout ce qui concerne la marine; et même quelquefois, pour changer de matière, qu'il poursuive la lecture des traités que je lui ai fait faire sur toutes les plus importantes et plus agréables matières de l'Estat.

Aussitost qu'il sera arrivé, il doibt faire une visite généralle de tous les vaisseaux et de tous les bâtiments de l'arsenal; qu'il voie et s'instruise soigneusement de l'ordre général qui s'observe pour faire mouvoir une si grande machine.

Qu'il interroge avec application sur tout ce qu'il verra, affin qu'il puisse acquérir les connaissances générales, pour descendre ensuite aux particulières.

Qu'il se fasse montrer le plan général de toute l'estendue de l'arsenal, tant des ouvrages faits que de ceux qui sont à faire, et sache la destination de chaque pièce différente, en voye la forme et la figure, et en sçache donner les raisons; qu'il écrive de sa main les noms de tous les vaisseaux bâtis, et de ceux qui sont encore sur les chantiers, et l'estat auquel il les trouvera, et en même temps une description de tout l'arsenal contenant le nombre des différentes pièces et de leur usage particulier.

Ensuitte il fera la liste des officiers qui servent dans le port, depuis l'intendant jusqu'au moindre officier, et s'en fera expliquer les moindres fonctions dont il fera le mémoire.

Après avoir pris ces connaissances généralles, il descendra au particulier. Pour cet effect, il commencera par la visite du magasin général, laquelle il fera avec le garde magasin et le controlleur; verra l'inventaire général et en fera s'il est possible un recollement; c'est-à-dire qu'il se fera représenter toutes les marchandises et munitions qui y sont contenues pour voir sy elles sont en la quantité et de la qualité nécessaires, sur quoi il se fera toujours informer. Il pourra mesme juger si le garde-magasin et le controlleur font bien leur debvoir, en voyant si le magasin est propre et bien rangé, et si tout est en bon ordre, et s'il se tient un livre d'entrées et issues, qui est absolument nécessaire pour le bon ordre.

Après avoir veu et examiné le magasin général, il visitera le magasin particulier des vaisseaux, dont il se fera représenter l'inventaire, les examinera et en fera le recollement comme ci-dessus; et par ce moyen pourra bien connoistre la quantité et qualité des marchandises nécessaires dans le magasin général pour l'armement d'un aussi grand nombre de vaisseaux que celui que le Roy a en mer, et pareillement tout ce qui est nécessaire pour mettre en mer un seul vaisseau.

Ensuitte il visitera tous les atteliers des cordages, de l'estuve, des voiles, des charpenteries, des tonnelleries, des calfateries, la fonderie, le magasin à poudre, et généralement tous les ouvrages qui servent aux constructions, agrès et apparaux des vaisseaux; examinera de quelle sorte se font tous ces ouvrages, et les différences des bonnes ou mauvaises manufactures, et ce qui est à observer sur chacune pour les rendre bonnes et en état de bien servir.

Dans le magasin général sont compris toute l'artillerie, tant de fonte que de fer, les armes, mousquets, piques et autres de toutes sortes, ensemble toutes les munitions de guerre.

Il examinera ensuite les fonctions de tous les officiers du port, verra leurs instructions et fera de sa main un mémoire de tout ce que chacun officier doibt faire pour se bien acquitter de son debvoir, et prendra le soin de les voir et les faire agir chacun selon sa fonction, pendant tout le temps qu'il séjournera audit lieu de Rochefort.

Il s'appliquera ensuite à voir et examiner la construction entière d'un vaisseau, en verra toutes les pièces depuis la quille jusqu'au dernier baston de pavillon, en écrira lui-même les noms, et fera faire un petit modèle de vaisseau qu'il m'enverra avec les noms de toutes les pièces escrits de sa main.

Après avoir veu, examiné la construction entière d'un vaisseau, et avoir seu les noms de toutes ses parties, il examinera encore l'esconomie entière de tous les dedans, et l'usage de toutes les pièces qui y sont pratiquées.

Il verra placer toutes les denrées, marchandises, armes, artillerie, agrès et apparaux nécessaires pour mettre un vaisseau en mer, en fera lui-même le détail, l'escrira de sa main et prendra le soin d'en faire charger et le mettre en cet état, et pour cet effet, s'il arrive assez à temps, il pourra prendre un des vaisseaux que M. le vice-admiral doit commander; sinon il prendra le Breton qui doit estre préparé pour le voyage des Grandes-Indes.

Et en même temps qu'il s'appliquera à connoistre les noms de toutes les parties qui servent à la construction d'un vaisseau, et de toutes celles qui sont nécessaires pour le mettre en mer, il se fera informer de l'usage de chacune pièce, et de toute la manœuvre d'un vaisseau, et de tout ce qui sert au commandement et à la dite manœuvre. Pour cet effect, il pourra la faire faire devant lui, soit dans le port, soit en montant sur les vaisseaux et allant deux ou trois lieues en mer pour voir le tout; et en un mot fera en sorte par son application qu'il puisse sçavoir le mestier de tous les officiers de marine, tant en mer qu'en terre, pendant le séjour qu'il fera au dit lieu de Rochefort; en sorte que non-seulement il puisse en bien parler, mais même qu'il puisse s'en souvenir pendant toute sa vie, et apprendre à donner bien ses ordres à tous les officiers qui auront à agir.

Pour parvenir à cette fin, il ne faut pas se contenter de voir et examiner une seule fois ce que je viens de dire, mais il faut le répéter et faire souvent la même chose, parce qu'il n'y a que cette répétition fréquente, mesme avec une grande application, qui puisse imprimer les espèces dans l'esprit et dans la mémoire, ensorte qu'elle se les représente fidellement toutes les fois que l'on en a besoin.

Il doit encore s'informer et savoir parfaitement toutes les fonctions des officiers d'un vaisseau, lorsqu'il est en mer, sçavoir du capitaine, du lieutenant, de l'enseigne, du maistre, du contre-maistre, pilote, maistre-charpentier, maistre-voilier, maistre-calfat et maistre-canonnier, et combien d'hommes chacun d'eux commande et quelles sont leurs fonctions; et généralletnent de tout ce qui s'observe pour la conduite d'un vaisseau, soit dans un voyage, soit dans un combat.

Il lira avec soin tous les règlements et les ordonnances qui ont été faites et données dans la marine depuis que j'y travaille, ensemble mes lettres et les réponses; afin qu'il tire par tous ces moyens la connaissance parfaite et profonde qu'il est nécessaire d'avoir pour se bien acquitter de sa charge; et pour le faire avec la satisfaction du Roy et le bien et l'advantage du royaume.

Il sera en même temps nécessaire qu'il apprenne l'hydrographie et le piloltage, affin qu'il sçache les moyens de dresser la route d'un vaisseau, et qu'il estudie aussi la carte marine.

Après avoir dit tout ce que je crois nécessaire qu'il fasse pour son instruction, je finirai par deux points. Le premier est que toutes les peines que je me donne sont inutiles, si la volonté de mon fils n'est eschauffée et qu'elle ne se porte d'elle-même à prendre plaisir à faire son debvoir; c'est ce qui le rendra lui-même capable de faire ses instructions, parce que c'est la volonté qui donne le plaisir à tout ce que l'on doibt faire et c'est le plaisir qui donne l'application. Il sait que c'est ce que je cherche depuis si longtemps. J'espère qu'à la fin je le trouveray et qu'il me le donnera, ou, pour mieux dire, qu'il se le donnera à lui-mesme, pour se donner du plaisir et de la satisfaction toute sa vie, et me payer avec usure de toute l'amitié que j'ai pour lui et dont je lui donne tant de marques.

L'autre point est qu'il s'applique sur toutes choses à se faire aimer dans tous les lieux où il se trouvera et par toutes les personnes avec lesquelles il agira, soit supérieures, égales ou inférieures; qu'il agisse avec beaucoup de civilité et de douceur avec tout le monde, et qu'il fasse en sorte que ce voyage lui concilie l'estime et l'amitié de tout ce qu'il y a de gens de mer; en sorte que pendant toute sa vie ils se souviennent avec plaisir du voyage qu'il aura fait et exécutent avec amour et respect les ordres qu'il leur donnera dans toutes les fonctions de sa charge.

Je désire que toutes les semaines il m'envoye, escrit de sa main, le mémoire de toutes les connoissances qu'il aura prises sur chacun des points contenus en cette instruction.


PIÈCE Nº XI.—INÉDITE.

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INSTRUCTION

pour m. le marquis de seignelay s'en allant en italie[634].

Les deux points principaux sur lesquels ce voyage doibt estre conduit sont la diligence et l'application.

La diligence, pour se mettre promptement en estat de venir servir auprès du Roy dans les fonctions de ma charge; l'application, pour tirer du proffit de ce voyage et s'en servir advantageusement pour, par la connoissance des différentes cours des princes et Estats qui dominent dans une partie du monde aussy considérable qu'est l'Italie, ensemble des différents gouvernemens, coustumes et usages qui s'y rencontrent; se former le jugement et se rendre d'autant plus capable de servir le Roy dans toutes les occasions importantes qui se peuvent rencontrer dans tout le cours de sa vie.

Pour cet effect, Il faut qu'il dispose toutes choses pour partir de Toulon aussitost que les deux personnes que je lui envoyé l'auront joinct avec ses habits et tout ce qu'on luy envoye.

Il verra s'il estimera à propos de voir les places de Provence qui sont sur la coste et la place de Monaco; mais Il se rendra à Gênes avec diligence, en laquelle ville Il commencera à prendre toutes les connoissances qu'il doibt prendre en chacun des Estats et des villes où il passera.

Il verra premièrement la ville, sa situation, sa force, le nombre de ses peuples, la grandeur de l'Estat, le nombre et les noms des villes et bourgades qui le composent.

La quantité des peuples dont le tout est composé.

La forme du gouvernement de l'Estat et comme il est aristocratique.

Il s'informera des noms et de la quantité des familles nobles qui ont ou peuvent avoir part au gouvernement de la république.

Distinguera l'ancienne d'avec la nouvelle noblesse.

De toutes les dignitez de la République.

Leurs différentes fonctions.

Leurs conseils, tant généraux que particuliers.

Celuy qui représente l'Estat, dans lequel le pouvoir souverain réside et qui resoud la paix ou la guerre, qui peut faire des loix, etc., etc.

Les nombre, et noms de tous ceux qui ont droict d'y entrer.

Par qui et de quelle façon les propositions en sont faites, les suffrages recueillis et les résolutions prises et prononcées.

Les Conseils particuliers pour la milice, pour l'admirauté, pour la justice, tant pour la ville que pour le reste de l'Estat.

Les loix et les coutumes sous lesquelles ils vivent.

En quoy consistent les milices destinées pour la garde de leurs places.

Idem des forces maritimes.

Visiter tous les ouvrages publics maritimes et terrasses ensemble les palais, maisons publiques et généralement tout ce qui peut estre remarquable en ladite ville et dans tout son Estat.

Comme toutes ces connoissances peuvent être prises en deux ou trois jours de temps au plus, il ne faut pas y rester davantage, et ensuite passer ou à Livourne par mer ou à Parme par les montagnes, suivant qu'il estimera plus à propos pour la diligence de son voyage.

Il s'informera aussy des Estats qui confinent tous ceux qu'il verra, et sçaura s'il y aura entre eux quelque contestation ou différend, soit pour les limites, soit pour autres causes, et s'instruira des raisons de part et d'autre, comme par exemple du différend qui a esté depuis peu entre M. le duc de Savoye et la république de Gênes, qui a esté accommodé par l'entremise du Roy par l'abbé Servient.

Il faut de plus qu'il s'informe de la puissance des Papes en chacun Estat, et comment s'accordent la puissance régulière avec l'ecclésiastique, et en quoy elles ont ou peuvent avoir des contestations.

Il s'informera de plus de tous les différents Estats qui sont en Italie, en fera un dénombrement exact, les distinguera par leurs dignitez, et sçaura par quelles maisons ils sont possédez et quelles alliances elles ont entre elles.

S'instruira quels Estats sont entièrement indépendans, et quels sont tenus en fief ou du Pape ou de l'Empire, et à quelles servitudes ceux-cy sont sujets.

Il sçaura aussy la grandeur et la puissance de chacun Estat et quelles en sont les coustumes.

Dans tout ce voyage, il observera surtout de se rendre civil, honneste et courtois à l'esgard de tout le monde, en faisant toutefois distinction des personnes; surtout il ne se mettra aucune prétention de traitement dans l'esprit et se défendra toujours d'en recevoir, et qu'il sçache certainement dans toute sa vie que tant plus il en refusera, tant plus on luy en voudra rendre. Il faut aussy qu'il prenne garde que sa conduite soit sage et modérée, n'y ayant rien qui puisse luy concilier tant l'estime de tous les Italiens que ce point, qui doibt estre le principal soin qu'il doibt prendre. Il s'appliquera particulièrement à bien examiner les forces maritimes de tous les Estats où il passera, et tout ce qui s'observe pour les maintenir; ensemble tous les ouvrages qui se font contre la mer, cela estant de la fonction qu'il doibt faire pendant toute sa vie.

Après avoir vu l'Estat de Gênes, Il passera dans celuy de Florence, dans lequel se trouve Livourne et Pise, et s'instruira de cet Estat suivant qu'il est dit de celui de Gênes, en observant la différence qu'en celuy-cy il y a un prince souverain.

Si la république de Gênes donne ordre à quelqu'un de ses gentilshommes de le loger et de le desfrayer, Il ne le refusera pas, mais Il ne doibt pas faire aucune visite publique, et Il doit faire des présens, honnestes sans superfluité, partout, où Il recevra quelques traitemens extraordinaires.

Si les princes souverains l'enyoyent prendre dans leurs carrosses pour le loger dans leurs palais, Il s'y laissera conduire et en témoignera toujours sa reconnoissance.

A l'esgard des traictemens, Il n'en demandera aucuns, mais Il recevra ceux qui lui seront offerts par les princes où il passera.

Mr de Lionne croit que Mr le Grand Duc ou ne se couvrira point, ou il le fera couvrir, et mesme qu'il prendra ce dernier party, en ce cas après quelques refus honnestes, Il fera ce qu'il ordonnera, et en cas qu'il voulut le faire asseoir, Il fera la mesme chose.

Ensuite, dans cet ordre Il fera ce que les autres princes luy ordonnennt.

Et, à l'esgard des ministres du roy, il faut bien qu'il prenne garde de ne point prendre la main chez les ambassadeurs, c'est-à-dire qu'il faut donner toujours la droite aux ambassadeurs chez eux, quelques instances pressantes qu'ils luy fassent du contraire, d'autant que le Roy leur a deffendu de donner la droite à aucun de ses subjets, et qu'ainsy ce seroit offenser le Roy, s'il en usoit autrement.

A l'esgard de l'abbé de Bourlemont à Rome, mon fils doibt luy donner la main en lieu tiers, et Il doibt bien prendre garde d'exécuter ces deux poincts sans s'en relascher pour quelque cause et soubz quelque prétexte que ce soit.

Prendra à M. le Grand Duc la lettre du Roy et à Mme la Grande Duchesse celle de la main de Sa Majesté.

Pour le séjour qu'il fera, il suffira de deux jours à Gênes, deux jours à Florence, huict jours à Rome, trois ou quatre jours à Naples et ez environs; au retour à Rome huict autres jours, et il faut faire en sorte que ce dernier séjour se trouve dans la semaine sainte, en partir le lundy de Pasques pour Lorette, et de là voir les principales villes de la Romagne, Ravenne, Faence, Rimini et autres; une demye journée dans chacune de ces villes suffira; à Venise deux ou trois jours; dans les autres villes de l'Estat de Venise une demye journée à chacune, à Milan une ou deux journées, à Mantoue et Turin une ou deux journées.

Il trouvera inclus deux lettres de la main de la Reyne au vicc-roy de Naples et au gouverneur de Milan, qui le recevront asseurément suivant le respect particulier que tous les grands d'Espagne ont pour Sa Majesté. Il sera nécessaire qu'il proportionne ses présens suivant la réception qu'ilz luy feront.

Si Mr le cardinal Antoine luy offre et le presse de le loger dans son palais et se servir de ses carrosses et de sa livrée, Il pourra le faire, mais sans cela, comme Il doibt estre incognito, et que son séjour ne doibt estre que de huict jours chaque fois, Il s'accommodera de ceux de Mr de Bourlemont. A Rome, il doibt visiter le pape, le cardinal Nepveu, les parens de Sa Sainteté et les cardinaux de la faction de la France qui s'y trouveront.

Il visitera pareillement l'Académie du Roy qui est à Rome, et le cavalier Bernin, verra la statue qu'il fait, et s'appliquera particulièrement pendant tout le cours de son voyage à apprendre l'architecture et à prendre le goust de la sculpture et peinture pour se rendre s'il est possible un jour capable de faire ma charge de surintendant des bastimens qui luy donnera divers advantages auprès du Roy.

S'il y prend un véritable goust et qu'il veuille avoir quelque peintre pour dessigner ce qu'il trouvera de beau dans son voyage, j'escris au Sr Errard de luy en donner un qui l'accompagnera jusques à Turin, et puis s'en retournera à Rome.

S'il veut s'appliquer à former son goust sur l'architecture, la sculpture et la peinture, il faut qu'il observe d'en faire discourir devant luy, interroge souvent, se fasse expliquer les raisons pour lesquelles ce qui est beau et excellent est trouvé et estimé tel; qu'il parle peu et fasse beaucoup parler.

C'est tout ce que je crois nécessaire de luy dire pour ce voyage. Je finirai priant Dieu qu'il l'assiste de ses saintes gardes et bénédictions, et qu'il retourne en aussy bonne santé et aussy honneste homme que je le souhaite.

Je luy recommande surtout de se souvenir toujours de son debvoir envers Dieu et de faire ses dévotions à Lorette[635].

    A Paris, le 31 janvier 1671.


PIÈCE Nº XII.

INSTRUCTION POUR MON FILS

pour bien faire la première commission de ma charge[636].

Comme il n'y a que le plaisir que les hommes prennent à ce qu'ils font ou à ce qu'ils doibvent faire qui leur donne de l'application, et qu'il n'y a que l'application qui fasse acquérir du mérite, d'où vient l'estime et la réputation qui est la seule chose nécessaire à un homme qui a de l'honneur, il est nécessaire que mon fils cherche en luy-mesme et au dehors tout ce qui peut luy donner du plaisir dans les fonctions de ma charge.

Pour cet effect, il doibt bien penser et faire souvent réflection sur ce que sa naissance l'auroit fait estre sy Dieu n'avoit pas bény mon travail et sy ce travail n'avoit pas esté extrême. Il est donc nécessaire, pour se préparer une vie pleine de satisfaction, qu'il ayt toujours dans l'esprit et devant les yeux ces deux obligations sy essentielles et sy considérables, l'une envers Dieu et l'autre envers moy, affin qu'y satisfaisant par les marques d'une véritable reconnoissance, il puisse se préparer une satisfaction solide et essentielle pour toute sa vie, et ces deux debvoirs peuvent servir de fondement et de base de tout le plaisir qu'il se peut donner par son travail et par son application.

Pour augmenter encore ce mesme plaisir, il doibt bien considérer qu'il sert le plus grand roy du monde et qu'il est destiné à le servir dans une charge la plus belle de toutes celles qu'un homme de ma condition puisse avoir et qui l'approche le plus près de sa personne; et ainsy il est certain que, s'il a du mérite et de l'application, il peut avoir le plus bel establissement qu'il puisse désirer, et, par conséquent, je l'ay mis en estat de n'avoir plus rien à souhaiter pendant toute sa vie.

Mais encore que je sois persuadé qu'il ne soit pas nécessaire d'autre raison pour le porter à bien faire, il est pourtant bon qu'il considère bien particulièrement cette prodigieuse application que le Roy donne à ses affaires, n'y ayant point de jour qu'il ne soit enfermé cinq à six heures pour y travailler; qu'il considère bien la prodigieuse prospérité que ce travail luy attire, la vénération et le respect que tous les estrangers ont pour luy, et qu'il connoisse par comparaison que, s'il veut se donner de l'estime et de la réputation dans sa condition, il faut qu'il imite et suive ce grand exemple qu'il a toujours devant luy.

Il peut et doibt encore tirer une conséquence bien certaine, qui est qu'il est impossible de s'advancer dans les bonnes grâces d'un prince laborieux et appliqué, sy l'on n'est soy-mesme et laborieux et appliqué, et que comme le but et la fin qu'il doibt se proposer et poursuivre est de se mettre en estat d'obtenir de la bonté du roy de tenir ma charge, il est impossible qu'il puisse y parvenir qu'en faisant connoistre à Sa Majesté qu'il est capable de la faire, par son application et par son assiduité, qui seront les seules mesures ou du retardement ou de la proximité de cette grâce.

Sur toutes ces raisons je ne sçaurois presque doubter qu'il ne prenne une bonne et forte résolution de s'appliquer tout de bon et faite connoistre par ce moyen au roy qu'il sera bientost capable de le bien servir.

Pour luy bien faire connoistre ce qu'il doibt faire pour cela, il doibt sçavoir par cœur en quoy consiste le département de ma charge,

Sçavoir:

La maison du Roy et tout ce qui en dépend;

Paris, l'Isle de France et tout le gouvernement d'Orléans;

Les affaires générales du clergé;

La marine, partout où elle s'estend;

Les galères;

Le commerce, tant au dedans qu'au dehors du royaume;

Les consulats;

Les Compagnies des Indes orientales et occidentales, et les pays de leurs concessions;

Le restablissement des haras dans tout le royaume.

Pour bien s'acquitter de toutes ces fonctions, il faut s'appliquer à des choses généralles et à des particulières.

Les généralles sont:

Qu'il faut sçavoir à fond tout ce qui concerne les estats des maisons royales lesquelles il faut lire souvent.

Sçavoir le nombre et la qualité de tous les officiers qui prestent serment entre les mains du Roy.

De tous les officiers quy prestent serment entre les mains des grands officiers comme: grand maistre, grand écuyer, grand chambellan, gentilhomme de la chambre, grand maistre de la garde robe, capitaines des gardes du corps, grand mareschal des logis, capitaine des Cent-Suisses, capitaine de la porte et grand prévost.

De tous les officiers qui dépendent de ces grandes charges, c'est-à-dire, dont les provisions sont expédiées sur les certificats qu'ils donnent.

Connoistre et sçavoir la différence qu'il y a entre un officier qui reçoit le serment des divers officiers qui sont soubz sa charge et qui toutes fois ne donnent point de certificats, les charges dépendants du Roy et point de luy, et ceux qui donnent des certificats, auxquels les charges appartiennent quand elles vacquent.

Au grand maistre de la maison appartiennent les charges des sept officiers et leurs provisions sont expédiées sur ses certificats.

Les officiers de la bouche et du gobelet appartiennent au Roy et aucun, n'a droit de donner des certificats.

Il faut apprendre toutes ces différences dans la pratique, en faire des observations et les mettre dans les registres de ma charge pour y avoir recours en toute occasion.

Il faut lire avec soin tous les règlements faits par le Roy et par ses prédécesseurs sur les fonctions de toutes les grandes charges, afin d'en paroistre sçavant et informé dans toutes les rencontres.

Il est bon aussy et bien nécessaire de s'informer pareillement, et avec prudence et retenue, de toutes les fonctions particulières des officiers de la maison, d'autant qu'il y en a une infinité qui ne sont point contenues dans les règlements, comme aussy des différends que les officiers ont quelques fois entre eux, qui sont ordinairement terminés par ordre verbal du Roy; faire des mémoires de tout dans mes registres pour y avoir recours et comme il n'y a eu jusquici personne qui ayt fait de ces observations, ou qui les ayt rédigée par escrit, il est certain qu'en le faisant il se présentera un million d'occasions dans les cours de la vie de mon fils dans lesquelles ces observations, qui sont du fait de sa charge, lui donneront de l'estime et de la réputation.

Sur ce même sujet, s'il veut quelque fois rendre visite à M. le mareschal de Villeroy qui est informé de toutes ces choses mieux que personne ne l'a jamais esté, il en tirera assurément beaucoup de connoissances dont, en ce cas, il faudroit faire des mémoires, à mesure qu'il apprendroit quelque chose pour les mettre dans mes registres, ainsi qu'il est dit cy-dessus.

Après avoir parlé de tout ce qui concerne la maison du Roy, il faut voir ce qui est à faire dans ma charge pour la ville de Paris et dans le Soissonnois, et l'Orléanois qui sont les seules provinces de mon département.

Paris estant la capitale du royaume et le séjour des roys, il est certain qu'elle donne le mouvement à tout le reste du royaume; que toutes les affaires du dedans commencent par elle, c'est-à-dire que tous les édits, déclarations et autres grandes affaires commencent toujours par les Compagnies de Paris et sont ensuite envoyées dans toutes les autres du royaume, et que les mesmes grandes affaires finissent aussy par la mesme ville, d'autant que, dès lors que les volontés du Roy y sont exécutées, il est certain qu'elles le sont partout, et que toutes les difficultés qui se rencontrent dans leur exécution naissent toujours dans les Compagnies de Paris; c'est ce qui doibt obliger mon fils à bien sçavoir l'ordre général de cette grande ville, n'y ayant presque aucun jour de Conseil où il ne soit nécessaire d'en parler et de faire paroistre si l'on sçait quelque chose ou non.

Pour cet effect, il est nécessaire que mon fils repasse quelquefois sur l'étude du droit et des ordonnances qu'il a faites, et particulièrement ces dernières. Il faut que toute sa vie il les étudie en toute rencontre et qu'il paroisse en toute occasion qu'il les sçache parfaitement; qu'il revoye et relise avec soin tous les traités particuliers qui ont esté faits pour lui par les plus habiles avocats du Parlement, qu'il les assemble tous, qu'il les fasse relier ensemble et qu'il considère ces ouvrages, comme ils sont très-excellents, et dans lesquels il peut assurément puiser beaucoup de belles connoissances qui peuvent contribuer à luy donner de l'estime et de la réputation; pour cet effect il est nécessaire qu'il s'applique à les relire avec plus d'attention qu'il n'a pas encore fait et qu'il y ayt recours en toutes occasions.

Il faut de plus qu'il sçache parfaitement tout ce qui concerne l'administration de la justice dans cette grande ville, les différents degrés de juridiction, les différents officiers pour leur exercice, la compétence d'iceux et mesme quelque chose de la jurisprudence. Pour commencer par l'administration de la justice, il doit sçavoir:

Qu'il y a beaucoup de sièges particuliers qui ont droit de justice foncière dans Paris, comme l'Archevêché, le Chapitre, Sainte-Geneviève, Saint-Victor, Saint-Marcel, Saint-Martin, le Temple, Saint-Germain, Saint-Magloire et autres dont il est assez nécessaire de savoir les noms, la situation et l'étendue de leur juridiction.

La justice royale consiste au bailliage et siège présidial du Châtelet et bailliage du Palais.

Il faut aussy sçavoir l'estendue de leur jurisdiction; si ces justices particulières foncières y ressortissent ou non, et si la Royalle a quelque prétention ou non dans leur estendue, si l'appel des justices royalles va au Parlement de Paris.

Il faut sçavoir de quelles affaires le dit Parlement connoist en première instance, et des quels il connoist par appel; et ensuite successivement il sera nécessaire de savoir tout ce qui concerne la discipline intérieure de cette Compagnie, les prétentions qu'elle a eu sur l'autorité royalle, toutes les fautes qu'elle a commises sur ce point, les troubles qu'elle a causé dans l'Estat, et les remèdes que les rois y ont apporté. Quoyque ce soit une matière vaste et estendue, j'ai estimé nécessaire d'en mettre ce mot dans cette instruction, pour toujours faire connoistre à mon fils les matières qu'il doibt savoir pour être instruit à fond de tout ce qui peut tomber dans les fonctions de ma charge.

Outre ces différents sièges de justice et degrés de juridiction, il est encore nécessaire qu'il sçache;

Les fonctions de la Chambre des comptes, du Grand Conseil et de la Cour des aides, des trésoriers de France, des différents Conseils du Roi, et avec le temps, toutes les difficultés qui arrivent entre ces Compagnies, qui doivent être toujours réglées par le Conseil du Roy.

Qu'il sçache de mesme le nombre des officiers de la compagnie du chevalier du guet et leurs fonctions;

Du lieutenant criminel de robe courte;

Du prévost de l'isle;

Des augmentations qui ont esté faites dans la première et dernière de ces compagnies pour la garde et la sûreté de Paris, et qu'il prenne la conduite de cette garde.

Qu'il sçache tout ce qui se fait pour la police de Paris, pour tenir la main, pendant toute sa vie à ce qu'elle se maintienne et s'augmente.

Il faut faire une liste de toutes les villes de mon département et de toutes les charges dont les provisions doivent estre signées par moi.

Il faut tenir une correspondance réglée et ordinaire avec tous les officiers de la ville de Paris et autres villes de mon département, et de toutes les compagnies, sur tout ce qui doibt venir à la connaissance du Roy, de tout ce qui se passe dans les dites villes.

Examiner s'il ne sérait pas à propos de leur écrire à tous afin qu'ils commençassent à tenir cette correspondance.

A l'esgard des affaires du clergé.

Il est nécessaire d'estre fort instruit de ces grandes questions généralles qui arrivent si souvent dans le cours de la vie, de la différence des jurisdictions laïque et ecclésiastique; qu'il lise avec soin les traités qui en ont été faits pour luy, et mesme il seroit bien nécessaire qu'il lust dans la suite des temps, et le plus tost qu'il seroit possible, les traités de feu M. Marca, et des autres qui ont traité de ces matières, et même qu'il lust quelquefois quelques livres de l'histoire ecclésiastique, d'autant que de toutes ces sources il puisera une infinité de belles connoissances qui le feront paroistre habile en toutes occasions.

Outre ces connoissances généralles, il est nécessaire qu'il sçache l'origine et les causes des assemblées du clergé, comment elles sont composées, de quelles matières elles ont droit de traiter;

Quelle différence il y a entre les grandes et les petites assemblées;

Du nombre des prélats dont chacunes sont composées;

De leurs agens et du tour des provinces qui les doibvent nommer;

De quelle sorte les agens sont élus dans les assemblées des diocèses;

De l'origine des rentes de l'Hôtel-de-Ville; des prétentions que les prévôts des marchands et eschevins de Paris ont contre le clergé sur cette matière et des défenses du clergé; ensemble des contrats qui se sont passés dans toutes les grandes assemblées pour raison des dites rentes;

Du contrat général qui est passé dans toutes les assemblées généralles et particulières entre les commissaires du Roi et le clergé, des principales conditions d'iceux, et des principales demandes que le clergé fait dans toutes les assemblées, et des raisons des commissaires, soit pour leur accorder, soit pour leur refuser.

Pour la marine.

Cette matière estant d'une très-vaste et très-grande estendue et nouvellement attachée à mon département, et qui donne plus de rapport au Roy qu'aucune autre, il faut aussi plus d'application et de connoissance pour s'en bien acquitter; et commencer, comme dans les autres matières, par les choses généralles avant que de descendre aux particulières.

Si j'ay parlé de la lecture des ordonnances dans les autres matières, il n'y en a point où il soit sy nécessaire de les lire soigneusement que dans celle-cy. Pour cela, il faut scavoir:

Que de la charge d'admiral de France qui est une portion de la royauté, il émane deux droits, l'un de la justice et l'autre de la guerre. La justice de l'admiral s'estend sur tout ce qui se passe en mer entre les sujets du Roy dans toute l'estendue des costes maritimes, et partout où le flot de mars s'estend, et sur toutes les causes maritimes. Cette justice se rend par les officiers des sièges de l'Admirauté, qui sont establis sur toutes les costes du royaume, de distance en distance; l'appel de ces justices va aux Chambres de l'Admirauté, establies dans tous les Parlemens, et l'appel de ces chambres va au Parlement; en sorte que ce sont les trois degrés de jurisdiction. Examiner ces trois degrés.

Il faut avoir la liste de tous les sièges de l'Admirauté, et de toutes les Chambres près les Parlemens, et du nombre des officiers dont ils sont composés.

A l'égard de la jurisprudence pour les causes maritimes, nos rois n'ont guère fait d'ordonnances sur cette matière; il est nécessaire avec soin néanmoins de lire tout ce qui a été fait, mais il faut sçavoir en même temps que les juges en ces matières se règlent sur le droit escrit, sur les jugemens d'Olléron, et sur les ordonnances qui sont appelées de Wisby et celles de la Hanse teutonique.

Comme toutes ces pièces sont estrangères, le Roy a résolu de faire un corps d'ordonnances en son nom, pour régler toute la jurisprudence de la marine; pour cet effect, il a envoyé dans tous les ports du royaume M. d'Herbigny, maistre des Requestes, pour examiner tout ce qui concerne cette justice, la réformer, et composer ensuite, sur toutes les connoissances qu'il prendra un corps d'ordonnances, et pour y parvenir avec d'autant plus de précaution, Sa Majesté a establi des commissaires à Paris, dont le chef est M. de Morangis, pour recevoir et délibérer sur tous les mémoires qui seront envoyés par le dit sieur d'Herbigny, et commencer à composer le dit corps d'ordonnances; il seroit nécessaire pour bien faire les fonctions de ma charge, de recevoir les lettres et mémoires du sieur d'Herbigny, en faire les extraits et assister à toutes les assemblées qui se tiendront, chez M. de Morangis, et tenir la main à ce que le corps d'ordonnances sur cette matière fust expédié le plus promptement qu'il seroit possible.

A l'égard de la guerre qui est despendante de la charge d'admiral de France, elle consiste en deux choses principales: l'une en tout ce qui est à faire pour mettre les vaisseaux en mer, l'autre en tout ce qui se fait lorsqu'ils y sont.

La première se fait par les intendants et commissaires-généraux de marine, officiers des ports, commissaires particuliers, conservateurs-généraux et garde-magasins, et la seconde par les vice-admiraux, lieutenants-généraux, chefs d'escadre, capitaines de marine et autres officiers particuliers.

La première doit estre particulièrement le soin du secrétaire d'Estat ayant la marine en son département. Pour cet effect:

Il doibt sçavoir les noms des 120 vaisseaux de guerre que le Roy veut avoir toujours dans sa marine, avec 50 frégates, 20 bruslots et 20 bastiments de charge;

Sçavoir exactement, et toujours par cœur, les lieux et arsenaux de marine où ils sont distribués;

Lorsqu'ils seront en mer, avoir toujours dans sa pochette le nombre des escadres, les lieux où elles sont et les officiers qui les commandent;

Connoistre les officiers de marine, tant des arsenaux que de guerre, et examiner continuellement leur mérite et les actions qu'ils sont capables d'exécuter.

Avoir toujours présents dans l'esprit les inventaires de tous les magasins, prendre soin que les magasins particuliers soient toujours remplis de toutes les marchandises nécessaires pour l'armement de tous les vaisseaux et les rechanges, et que dans le magasin général il y ayt toujours les mesmes quantités de marchandises et de munitions pour les armer et équiper une seconde fois.

Examiner avec soin et application particulière toutes les consommations, et faire en sorte de bien connoistre tous les abus qui s'y peuvent commettre, pour trouver et mettre en pratique les moyens de les retrancher;

Observer qu'il y ayt toujours une quantité de bois suffisante dans chacun des arsenaux, non-seulement pour les radoubs de tous les vaisseaux, mais mesme pour en construire toujours huit ou dix neufs, pour s'en pouvoir servir selon les occasions;

Observer surtout, et tenir maxime de laquelle on ne se desparte jamais, de prendre dans le royaume toutes les marchandises nécessaires pour la marine, cultiver avec soin les establissements des manufactures qui en ont esté faites, et s'appliquer à les perfectionner, en sorte qu'elles deviennent meilleures que dans tous les pays estrangers;

Ces manufactures principales sont le goldron, establi dans le Médoc, Provence et Dauphiné.

Tous les fers de toutes mesures et qualités pour la marine, establis en Nivernois, Périgord et Bretagne; les gros ancres establis à Rochefort, Toulon, Dauphiné, Brest et Nivernois.

Les mousquets et autres armes en Nivernois et Forestz.

Les canons de fer en Nivernois, Bourgogne et Périgord.

La fonte des canons de cuivre à Toulon, Rochefort et Lion.

Les toiles à voilles, en Bretagne et Dauphiné.

Le fer blanc et noir, en Nivernois.

Tous les ustensiles de pilote et autres, à La Rochelle, Dieppe et autres lieux.

Acheter tous les chanvres dans le royaume, au lieu qu'on les faisoit venir ci-devant de Riga, et prendre soin qu'il en soit semé dans tout le royaume, ce qui arrivera infailliblement, si l'on continue à n'en point acheter dans les pays estrangers.

Cultiver avec soin la Compagnie des Pyrénées, et la mettre en estat, s'il est possible, de fournir tout ce à quoy elle s'est obligée, ce qui sera d'un grand advantage pour le royaume, vu que l'argent pour cette nature de marchandises ne se portera point dans les pays estrangers.

Cultiver avec le mesme soin la recherche des masts dans le royaume, estant important de se passer pour cela des pays estrangers. Pour cet effet, il faut en faire toujours chercher, et prendre soin que ceux qui en cherchent en Auvergne, Dauphiné, Provence et les Pyrénées, soient protégés, et qu'ils reçoivent toutes les assistances qui leur seront nécessaires pour l'exécution de leurs marchés.

Examiner avec le mesme soin et application toutes les autres marchandises et manufactures qui ne sont point encore establies dans le royaume, en cas qu'il y en ait, et chercher tous les moyens possibles pour les y establir.

N'y ayant rien dans toute la marine de plus important que la conservation des vaisseaux, il n'y a rien aussy à quoy l'on doibve donner plus d'application. Pour cet effect, il faut donner des ordres précis et tenir la main à ce qu'ils soient tenus extraordinairement propres, tant dedans que dehors, depuis la quille jusques au baston de pavillon.

Observer avec soin la différence qu'il y a entre les vaisseaux du Roy et ceux de Hollande sur ce point de la propreté des vaisseaux; s'informer de tout ce qui se passe en Hollande, et de tout ce qui se fait pour les maintenir en cet estat, et faire observer les mesmes choses en France, et quelque chose de plus s'il est possible.

Il faut considérer cette propreté comme l'âme de la marine, sans laquelle il est impossible qu'elle puisse subsister; et il faut s'y appliquer comme à ce qui est plus important et plus nécessaire pour esgaller et mesmes surpasser les estrangers.

De cette propreté despend encore l'arrangement parfait dans tous les magasins et arsenaux de marine, sur quoy il faut voir en destail chaque chose pour les pouvoir réduire au degré de perfection qu'il est nécessaire.

Il faut de plus examiner avec le plus grand soin le véritable prix de toutes les marchandises et manufactures, et chercher tous les moyens possibles pour les réduire au meilleur prix qu'il pourra; pour cet effect, il faut estre informé de ce que chaque nature de marchandises couste en Hollande et en Angleterre, comme:

Les chanvres, le fer, les toilles royalles, les ancres, etc.

Il faut de plus s'informer particulièrement de l'économie qu'ils observent en toutes choses, les travaux qu'ils font faire à journées, et ceux qu'ils font faire a prix faits; la discipline et police qu'ils observent dans leurs arsenaux, et enfin tout ce qui peut contribuer au bon ménage et économie des deniers du roy, et tenir pour une maxime certaine sur ce sujet que celuy qui fait la guerre à meilleur marché est certainement supérieur à l'autre.

A l'esgard des marchandises qui seront fournies dans les magasins, il faut qu'il soit toujours en garde et qu'il prenne si bien ses mesures que les officiers des ports n'en tirent aucun advantage indirect; et, par les visites fréquentes qu'il fera dans les ports, il faut qu'il y establisse une telle fidélité qu'il soit asseuré que le Roy y sera toujours bien servi.

Entre tous les moyens que son application et ses fréquents voyages, pourront luy suggérer, celuy de faire faire le marché de toutes les marchandises publiquement et en trois remises consécutives, la première au bout de huit jours, et les autres de quatre en quatre jours, en présence de tous les officiers, et après avoir mis deux ou trois mois auparavant des affiches publiques dans toutes les villes de commerce pour inviter tous les marchands à s'y trouver.

Il y auroit un autre moyen à pratiquer pour faire fournir toutes les marchandises de marine, comme chanvre, goldron, fer de toutes sortes, toiles à voiles, bois, masts, etc., etc.; ce seroit, tous les ans, après avoir examiné la juste valeur de toutes les marchandises, de fixer un prix de chacune, en sorte que les marchands y trouvassent quelque bénéfice, et faire sçavoir en suitte, par des affiches publiques dans toutes les villes du royaume, que ces marchandises seroient payées, au prix fixé, en les fournissant de bonne qualité, dans les arsenaux.

Il est de plus nécessaire de sçavoir toutes les fonctions des officiers qui servent dans les ports et arsenaux, leur faire des instructions bien claires sur tout ce qu'ils ont a faire, les redresser toutes les fois qu'ils manquent, faire des règlements sur tout ce qui se doibt faire dans lesdits arsenaux, et travailler incessamment à les bien policer.

A l'esgard de la guerre de mer, encore que ce soit plustost le fait des vice-admiraux et autres officiers qui commandent les vaisseaux du Roy, il est toutes fois bien nécessaire que le secrestaire d'Estat en soit bien informé, pour se rendre capable de faire tous les règlements et ordonnances nécessaires pour le bien du service du Roy, et pour éviter tous les inconvénients qui peuvent arriver.

Pour cet effect, il faut qu'il sçache bien toutes les manœuvres des vaisseaux lorsqu'ils sont en mer, les fonctions de tous les officiers qui sont préposez pour les commander, tous les ordres qui sont donnez par les officiers généraux et par les officiers particuliers de chaque vaisseau, ce qui s'observe pour la garde d'un vaisseau, et généralement toutes les fonctions de tous les officiers, matelots et soldais qui sont sur un vaisseau, dans les rades, en pleine mer, entrant dans une rivière ou dans un port, en paix, en guerre, et en tous lieux et occasions où un vaisseau de guerre se peut rencontrer.

Sur toutes ces choses il faut faire toute sorte de diligences pour estre informé de ce qui se pratique par les officiers généraux et particuliers de marine, en Hollande et en Angleterre, et conférer continuellement avec nos meilleurs officiers de marine pour s'instruire toujours de plus en plus.

Toutes les fois qu'il conviendra changer les commissaires de marine qui servent dans les ports, il faudra observer d'y mettre des gens fidèles et asseurés, d'autant que le secrestaire d'Estat doibt voir par leurs yeux tout ce qui se passe dans les ports, outre le rapport continuel qu'il doibt avoir avec les intendants.

Il doibt estre de mesme des garde-magasins et commissaires-généraux.

Il faut s'informer soigneusement de tout ce qui se passe entre toutes les nations pour le fait des saluts, voir les règlements qui ont esté faits par Sa Majesté sur ce sujet; en connoistre toutes les difficultés et toutes les différences avec les estrangers, pour y donner tous les ordres et toutes les explications nécessaires pour éviter tous les inconvéniens et soutenir la dignité du Roy.

Il faut travailler à establir dans tous les ports des écoles d'hydrographie ou de pilotage et de canonniers. Cette dernière école particulièrement est d'une telle conséquence que, sy le Roy estoit chargé d'une guerre dans laquelle, il eust besoin de mettre en mer la moitié ou les deux tiers de ses vaisseaux, il manqueroit assurément de canonniers. C'est pourquoy il faut s'appliquer à en multiplier le nombre par le moyen de ces écoles.

Tenir la main pour faire faire les revues de tous les équipages des vaisseaux, lorsqu'ils sont mis en mer, et dans tous les lieux où ils se rencontrent; establir pour cet effet un commissaire de marine sur toutes les escadres, avec ordre exprès de faire ces revues dans tous les calmes, et en envoyer les extraits pour en informer le Roy.

Examiner tout ce qui s'est fait pour l'établissement d'un munitionnaire dans la marine, en examiner le traité; voir qu'il satisfasse ponctuellement aux conditions y contenues; qu'il soit protégé, et tous ses commis, tant dans les ports que sur les vaisseaux, et faire punir en quelque sorte avec sévérité les capitaines qui maltraisteront ou laisseront maltraister les commis dudit munitionnaire qui seroient sur leur bord.

Examiner la différence de cette fourniture à celle qui se faisait autrefois par les capitaines des vaisseaux et les advantages que les équipages y trouvent, pour, sur cette connoissance, travailler incessamment à maintenir et perfectionner cet establissement.

Examiner pareillement toutes les déclarations et ordonnances qui ont esté données, et générallement tout ce qui s'est fait pour l'enrollement général des matelots en Bretagne, Provence, Poitou, pays d'Aunis, Saintonge et Guyenne, en bien connoistre les advantages, maintenir et perfectionner cet establissement et le continuer dans les autres provinces du royaume où il n'a point esté fait, sçavoir: en Languedoc, Normandie, Picardie et pays reconquis.

Les intendants, commissaires-généraux et particuliers estant les principaux officiers qui doibvent faire agir cette grande machine, il faut avoir continuellement l'œil sur leur conduite, les redresser, quand ils manquent, leur donner des ordres bien clairs, et les leur faire bien exécuter, en un mot il faut travailler par tous les moyens possibles à remplir cette place de gens habilles, sages et d'une fidélité esprouvée.

Il faut pareillement bien connoistre tout ce qui concerne la compagnie des gardes de la marine, tenir la main à ce qu'elle soit toujours complette et garnie de bons hommes, que les revues en soient envoyées tous les mois, et n'ordonner le payement qu'après avoir rendu compte au Roy des revues.

Voir les ordres qui ont esté donnés par le Roy pour la levée des soldats, pour les équipages des vaisseaux; tenir la main à ce qu'ils soient bien exécutés et que ces soldats soient bons, bien habillés et bien armés.

Tenir la main à ce que la revue des officiers de marine qui servent dans les ports soit faite continuellement, en rendre compte au Roy et envoyer les fonds pour leur payement.

Prendre soin d'establir des fonctions aux dits officiers pendant le temps qu'ils demeurent dans les ports, soit aux radoubs, carènes, soit pour la garde des vaisseaux, et conférer pour en faire un règlement avec les vice-admiraux et les intendants et commissaires-généraux de la marine, pour leur donner de l'occupation et éviter les maux que l'oysiveté tire après soy.

Tenir soigneusement et seurement la main à ce que les édits concernant les duels soient exécutés dans toutes les dépendances de la marine, n'y ayant rien en quoy l'on puisse rien faire qui soit plus agréable au Roy.

Examiner ce qui est à faire pour establir la justice marine dans les ports.

Pour ce qui concerne les gallères:

Il faut lire toutes les ordonnances qui ont esté faites concernant les galères, en bien examiner la différence; et, pour le surplus, ce qui est dit sur le sujet des vaisseaux servira pour ce corps.

Pour les Compagnies des Indes orientalles et occidentalles, le commerce du royaume et le restablissement des haras, dans la suite du temps, mon fils s'instruira de toutes ces choses et se rendra capable de les conduire.

Avant que d'entamer les choses particulières que mon fils doibt faire, c'est-à-dire ce qui peut regarder sa conduitte journalière, je luy diray que je sçais bien et ne m'attends pas qu'il puisse entamer toutes ces matières générales et en faire des études particulières de chacune pour consommer tout son temps et l'appliquer à un travail continuel. Mon intention seroit seulement pour le rendre habile, qu'il lust une fois le mois cette instruction, et qu'il travaillast à s'instruire pendant ce mois de quelques points y contenus, qu'il m'en parlast quelquefois et que je luy expliquasse tout ce qui peut servir à son instruction sur chacun de ces points.

Pour ce qui regarde sa conduite journalière.

Il est nécessaire qu'il fasse estat de tenir le cabinet, soit le matin, soit le soir, cinq à six heures par jour, et, outre cela, donner un jour entier par semaine à expédier toutes les lettres et donner tous les ordres.

Pour tout ce qui concerne ma charge, il faut premièrement qu'il pense à bien régler sa conduite particulière.

Qu'il tienne pour maxime certaine et indubitable, et qui ne doibt jamais recevoir ni atteinte ni changement, pour quelque cause et soubz quelque prétexte que ce soit ou puisse estre, de ne jamais rien expédier qui n'ayt esté ordonné par le Roy; c'est-à-dire qu'il faut faire des mémoires de tout ce qui sera demandé, les mettre sur ma table et attendre que j'aye pris les ordres de Sa Majesté, et que j'en aye donné la résolution par escrit; et lorsque, par son assiduité et par son tiavail, il pourra luy-mesme prendre les ordres du Roy, il doibt observer religieusement pendant toute sa vie cette maxime de ne jamais rien expédier qu'il n'en ayt pris l'ordre de Sa Majesté.

Comme le souverain but qu'il doibt avoir est de se rendre agréable au Roy, il doibt travailler avec grande application pendant toute sa vie à bien connoistre ce qui peut estre agréable à Sa Majesté, s'en faire une étude particulière, et, comme l'assiduité auprès de sa personne peut assurément beaucoup contribuer à ce dessein, il faut se captiver et faire en sorte de ne le jamais quitter, s'il est possible.

Pour tout le reste de la cour, il faut estre toujours civil, honneste, et se rendre agréable à tout le monde, autant qu'il sera possible; mais il faut en mesme temps se tenir toujours extrêmement sur ses gardes pour ne point tomber dans aucun des inconvénients de jeu extraordinaire, d'amourettes et d'autres fautes qui flétrissent un homme pour toute sa vie.

Il faut aymer surtout à faire plaisir quand l'occasion se trouve, sans préjudicier au service que l'on doibt au Roy et à l'exécution de ses ordres, et le principal de ce point consiste à faire agréablement et promptement tout ce que le Roy ordonne pour les particuliers. Pour cet effect, il faut se faire à soy-mesme une loy inviolable de travailler tous les soirs à expédier tous les ordres qui auront esté donnés pendant le jour, et à faire un extrait de tous les mémoires qui auront esté donnés, et le lendemain matin m'apporter de bonne heure, toutes les expéditions résolues, et les mémoires de ce qui est à résoudre, pour en parler au Roy et ensuite expédier.

Il ne faut non plus manquer à faire enregistrer toutes les ordonnances et expéditions et n'en délivrer jamais aucune que mon fils n'en ayt vu et cotté l'enregistrement.

Toutes les expéditions qu'il fera doibvent être examinées, et voir sur quelles ordonnances elles sont fondées, où elles ont rapport; ce qui luy donnera une grande et parfaite connoissance de tout ce qui se passera jamais par ses mains.

Pour se rendre capable et bien faire toutes sortes d'expéditions, il faut qu'il lise avec soin toutes celles que j'ai fait recueillir dans mes registres, et en fasse même des tables en différentes manières; et, en cas qu'il trouve ce travail trop long, il pourra s'en faire soulager, donner ordre de les faire; mais il faut qu'il dirige ce travail, qu'il le voye et le corrige.

Comme la marine est asseurément la plus belle et la plus importante partie de mon département, il faut aussy donner plus de soins, plus de temps et plus d'application pour la bien conduire. Pour cet effect, il faut que mon fils lise luy-mesme avec soin et application tous les ordres qui ont été expédiés pour la marine depuis trois ou quatre ans, qu'il en fasse luy-mesme des tables contenant la substance des ordonnances, afin qu'ils luy servent de principe et de fondement sur tous ceux qui seront à donner à l'avenir.

Il est nécessaire qu'il se fasse un travail réglé et ordinaire de la lecture de ces ordres et lettres enregistrées et des dites tables, d'une et deux heures par jour, y ayant apparence qu'en un mois ou six semaines de temps il en pourra venir à bout.

Outre cette lecture, il faut faire estat toutes les semaines de tenir une correspondance de lettres réglée avec tous les officiers de marine, sçavoir:

A Toulon, avec le sieur Matharel;

Le commissaire et quelquefois les officiers du port;

Avec le sieur Brodard, commissaire-général départy pour l'enrollement général des matelots;

A Arles, avec le commissaire Julien pour la voicture et réception des bois;

En Bourgogne, avec le sieur Dugay, premier président de la Chambre des comptes, pour l'achapt, le débit et la voicture des bois;

En Dauphiné et Lyonnois, avec le sieur de la Tour Dalliès, pour toutes les manufactures dont il prend soin, savoir:

Bois, fer, masts, toilles à voilles, mousquets et autres armes, en Forest, Dauphiné et Nivernois;

Gros ancres, en Dauphiné, Bourgogne et Nivernois;

Canons de fer, etc.;

Crics;

Masts;

En Bourgogne, avec le sieur Besch, Suédois, entrepreneur de canons de fer;

En Nivernois, avec le sieur Legoux, commis du sieur Dalliès;

A Rochefort, avec M. de Terron;

A La Rochelle, avec les directeurs de la Compagnie du Nord;

A Nantes, avec Valleton, qui reçoit toutes les marchandises pour la marine, et les fait charger pour les porter à Rochefort et à Brest;

A Brest, avec le sieur De Seuil;

En Bretagne, avec le sieur Sachi Séjourné, commissaire de marine, député pour l'enrollement des matelots dans l'esveché de Nantes, et avec le sieur de Narp, commissaire de marine, départy à Saint-Malo pour le même enrollement;

Au Havre, avec le sieur Huber;

A Dunkerque, avec le sieur Gravier;

A Lisbonne, avec le commissaire de marine qui y est, nommé Desgranges;

Avec les ambassadeurs du Roy, en Espagne, Portugal, Angleterre, Hollande, Danemarck et Suède, sur toutes les mesmes affaires de la marine.

Le Roy m'ayant donné tous les vendredis après le midi pour luy rendre compte des affaires de la marine, et Sa Majesté ayant déjà eu la bonté d'agréer que mon fils y fust présent, il faut observer avec soin cet ordre.

Aussitost que j'auray vu toutes les despesches à mesure qu'elles arriveront, je les enverray à mon fils pour les voir, en faire promptement et exactement l'extrait, lequel sera mis de sa main sur le dos de la lottre et remis en mesme temps sur ma table; je mettray un mot de ma main sur chaque article de l'extrait, contenant la réponse qu'il faudra faire; aussitost il faudra que mon fils fasse les responses de sa main, que je les voye ensuite et les corrige, et quand le tout sera disposé, le vendredi, nous porterons au Roy toutes ces lettres; nous luy en lirons les extraits et en mesme temps les responses; si Sa Majesté y ordonne quelque changement, il sera fait; sinon, les responses seront mises au net, signées et envoyées, et ainsy, en observant cet ordre régulier avec exactitude, sans s'en despartir jamais, il est certain que mon fils se mettra en estat d'acquérir de l'estime dans l'esprit du Roy.

A l'esgard des gallères, il faut faire la mesme chose.

Pour finir, il faut que mon fils se mette fortement dans l'esprit qu'il doibt faire en sorte que le Roy retire des avantages proportionnez à la dépense qu'il fait pour la marine. Pour cela, il faut avoir toute l'application nécessaire pour faire sortir toutes les escadres des ports au jour précis que Sa Majesté aura donné; que les escadres demeurent en mer jusqu'au dernier jour de leurs vivres ou le plus près qu'il se pourra; donner par toutes sortes de moyens de l'émulation aux officiers pour faire quelque chose d'extraordinaire, les exciter par l'exemple des Anglois et des Hollandois, et généralement mettre en pratique tous les moyens imaginables pour donner de la réputation aux armes maritimes du Roy et de la satisfaction à Sa Majesté.

Je demande sur toutes choses à mon fils qu'il prenne plaisir et se donne de l'application, qu'il ayt de l'exactitude et de la ponctualité dans tout ce qu'il voudra et aura résolu de faire, et, comme il se peut faire que la longueur de ce mémoire l'estonnera, je ne prétends pas le contraindre ni le genner en aucune façon; qu'il voye dans tout ce mémoire ce qu'il croira et voudra faire. Comme il se peut facilement diviser en autant de parcelles qu'il voudra, il peut examiner et choisir; par exemple, dans toute la marine, il peut se réserver un port ou un arsenal, comme Toulon et Rochefort, et ainsi du reste; pourvu qu'il soit exact et ponctuel sur ce qu'il aura résolu de faire, il suffit, et je me chargeray facilement du surplus.

disposition de ma charge de secrestaire d'Estat[637].

Mon fils doibt faire ma première commission, c'est-à-dire se charger de tout le travail, minuter toutes les despêches et expéditions du Roy et de moy, faire les extraits de toutes les lettres que je reçois, et y respondre; en un mot, faire tout ce qui despend de ma charge, que je luy renverray avec soin.

Sous luy, il peut faire travailler M. Isarn à l'aider dans toutes les expéditions de ma charge, hors la marine, et prendre soin de l'expédition de tout ce qui concerne la commission de M. d'Herbigny. Lire soigneusement toutes les ordonnances, traités de marine et autres ordonnances, pour aider mon fils à les trouver toutes les fois qu'il en aura besoin.

Le sieur de Breteuil peut estre chargé de dresser et écrire toutes les ordonnances.

Un autre, de les transcrire dans un registre, sur quoy il faut que mon fils prenne un grand soin de vérifier tous ces enregistremens, les coller de sa main en marge, et en teste des ordonnances, et vérifier souvent qu'il n'en manque aucune dans son registre.

Il faut estre surtout exact et diligent pour l'expédition de toutes les affaires, et ne se coucher jamais que toutes celles qui doibvent estre expédiées ne le soient.

Belucheau fera la mesme chose qu'il fait soubz moy. Il transcrit toutes mes minutes et toutes despêches de marine, et quelquefois quand je suis pressé, je lui permets de faire quelques-unes des plus petites despesches; mon fils n'en doibt pas user ainsy, parce qu'il faut qu'il minute tout.

Il peut faire toutes les tables des vaisseaux, des escadres, des officiers, les estats de tous les armemens, c'est-à-dire quand tout aura esté minuté par mon fils.

Il peut prendre soin de tous les enregistremens, mais il faut que mon fils les cotte tous de sa main[638].

Il a tous les inventaires des magasins, les mémoires de tous les prix des marchandises par tout, les traités de toutes les marchandises, ceux des Compagnies du Nord et des Pyrénées; en un mot, tous mes papiers de marine dont il me rend assez bon compte.


PIÈCE Nº XIII.

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LETTRES INÉDITES DE COLBERT,

sur la marine, le commerce et les manufactures[639].

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A M. DE SOUZY,

Intendant à Lille.

Saint-Germain, 24 janvier 1670.

«Monsieur, j'ai reçeu la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 15 de ce mois, sur le sujet des plaintes que les marchands de l'Isle font de la diminution de leur commerce, sur lesquelles vous travaillez à un mémoire que vous promettez de m'envoyer. Je vous diray sur ce poinct que cette matière est très-difficile à pénétrer, d'autant que tous les esclaircissements que vous prendrez par les marchands seront meslez de leurs petits intérestz particuliers qui ne tendent point, ny au bien général du commerce, ny à celui de l'Estat, et néantmoins quand indépendamment de leurs mémoires et de leurs plaintes l'on sçait chercher et démesler la vérité, il est quelquefois assez facile de la trouver, et pour cela, sans vous arrester à tout ce que lesdits marchands vous diront, il est nécessaire que vous recherchiez de vous-mesme et à leur insceu s'il y a quelques droits à payer sur toutes les marchandises, ou si l'on met quelque marque aux ballots qui entrent et sortent de cette ville-là; il se pourrait faire aussy qu'il y auroit quelques emballeurs publics qui prendroient quelques droits pour les emballages, et par ces moyens généraux, vous pourrez avoir une connaissance certaine du nombre des ballots d'entrée ou d'issue, ou qui ont payé les droicts ou qui ont été marquez, ou qui ont esté emballez pendant les 3, 4, 5 ou 6 derniers mois, et en comparant cette quantité avec celle des années passées, vous pourriez juger seurement s'il y a de la diminution dans le commerce, ou non, estant les seuls et véritables moyens de la connoistre. Je sçay bien qu'il faut une grande application en destail pour ces sortes de recherches, mais les advantages qu'on en retire sont aussy fort considérables, et pour vous faire connoistre dans un plus grand exemple la conduite que j'y tiens, je vous diray que lorsque je m'informe de tous les marchands du Royaume de l'estat du commerce, ils soutiennent tous qu'il est entièrement ruiné, mais quand je viens à considérer que le Roy a diminué d'un tiers les entrées et sorties du royaume, qu'il a augmenté les fermes de ces droits d'un tiers et plus, et que les fermiers, non-seulement ne demandent aucune diminution, mais mesme demeurent d'accord qu'ils gagnent, j'en tire une preuve démonstrative et qui ne peut estre contredite que le commerce augmente considérablement en France nonobstant tout ce que les marchands peuvent dire de contraire, et vous voyez bien que si sans prévention vous examiniez cette matière suivant ces principes, il est impossible que vous vous trompiez....

Vous ne debvez nullement vous mettre en peine des plaintes que les députés de l'isle pourroient faire contre vous, car outre qu'ici l'on n'adjoute pas foy si facilement aux choses qui pourroient estre advancées, il ne se passera rien dont vous ne soyez informé.»

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AU MAIRE ET AUX ESCHEVINS D'ORLÉANS.

21 février 1670.

«J'ay vu, par le placet qui m'a esté présenté de vostre part, la peine où vous estes de satisfaire aux ordres que vous avez receus de la part du Roy pour l'exécution des statuts et règlements qui vous ont esté adressez sur le fait des manufactures, n'y ayant point de jurande à Orléans pour la drapperie et teintures, chacun ayant travaillé jusques à présent sans maîtrise. Mais comme il a esté pourvu à ce défaut par le 35e article du règlement de ladite drapperie, et le 3e de celui des teintures; vous pouvez sans aucune difficulté vous y conformer et faire exécuter ponctuellement les premiers articles du règlement des teintures, et le 24e de celuy de la drapperie lesquels ont suppléé à tous les inconvénients qui se pourroient rencontrer; à quoy je ne fais pas de doubte que vous ne satisfassiez soigneusement.»

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A M. BARILLON,

Intendant à Amiens.

Paris, 7 mars 1670.

«J'ai vu et examiné soigneusement le procès-verbal que les maires et eschevins de la ville d'Amiens m'ont envoyé, sur le sujet de la longueur et largeur des étoffes qui se fabriquent en cette ville, ensemble votre advis qui y estoit attaché, sur quoy je vous diray que le seul moyen de rendre les manufactures parfaites et d'establir un bon ordre dans le commerce consistant à les rendre toutes uniformes, il est nécessaire de faire exécuter ponctuellement le règlement général de l'année 1669, d'autant plus qu'il est facile d'y obéir, et que dans la suite les ouvriers y trouveront leur advantages. Pour cet effet, j'estime donc qu'ils doibvent travailler dans le courant de ce mois à la réformation de leurs mestiers, afin qu'ils mettent le nombre de fils et de portée convenables à la largeur, force et bonté des estoffes, et que les marchandises qui seront marquées pendant le présent mois seulement d'une marque particulière, laquelle sera rompue en votre présence, lorsqu'il sera expiré auront leur débit. C'est à quoy je vous prie de tenir la main, en sorte que toutes les manufactures du royaume puissent estre d'une longueur et largeur égales, et que le public en puisse retirer le fruict que le Roy s'en est promis.»

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AUX MAIRES ET ESCHEVINS

des principales villes maritimes et du dedans du royaume.

18 mars 1670.

«L'amour que le Roi a pour ses sujets obligeant Sa Majesté de penser continuellement aux moyens d'augmenter leur commerce, et de leur faire gouster les fruicts de son application, elle a esté bien aise de leur en donner une nouvelle marque par la déclaration que vous trouverez ci-jointe, par laquelle vous verrez qu'outre l'établissement du transit, et de l'entrepôt qui a esté accordé pour la facilité du commerce, Sa dite Majesté permet à tous négociants, tant François qu'étrangers de se servir de tous les ports du royaume comme d'une estape[640] générale, pour y tenir toute sorte de marchandises, afin de les vendre ou transporter, ainsi qu'ils l'estimeront à propos, en faisant mesme rendre les droits d'entrée qui auront esté payez, et comme les marchands de votre ville comprendront facilement les advantages qu'ils peuvent retirer de cette déclaration; je crois qu'il suffit que vous la rendiez publique, afin qu'ils soient conviez par leur propre intérest de profiter des bontés et des soins de Sa Majesté.»

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A M. DE POMPONNE,

Ambassadeur en Hollande.

21 mars 1670.

«...Sur l'advis que vous me donnez de la destruction presque entière ces manufactures de Leyde, si vous pouviez faire entendre secrètement à quelques-uns des chefs de ces manufactures que s'ils vouloient s'habituer en France, on leur y feroit trouver toutes sortes de commoditez, cela pourroit être fort avantageux au royaume, mais on ne pourrait pas se servir de l'Isle et des autres villes conquises pour cet effect, d'autant que ceux de Leyde étant tous calvinistes, et cette religion n'estant pas permise dans lesdites villes, il seroit bien difficile de les y attirer, de sorte que s'ils vouloient choisir l'une des villes du Royaume pour y porter leurs manufactures, le Roy leur accorderoit de si grands advantages qu'ils auroieat lieu de s'y bien establir et de se louer des bontés de Sa Majesté.»

——

A M. DE POMPONNE.

4 juillet 1679.

«J'ay reçeu les deux lettres que vous avez pris la peine de m'escrire le 19 et 26 du mois passé. Je vous avoue que j'ai esté surpris de voir la prodigieuse quantité de marchandises que la Compagnie des Indes orientales de Hollande a fait venir cette année. Je ne fais aucun doute que ce ne soit un des premiers effects de la jalousie qu'ils ont de l'establissement de nostre Compagnie, voulant hazarder de donner toutes les marchandises à un très-bas prix pour la ruiner, mais pour vostre consolation, je vous puis assurer que la puissante protection du Roy, et les grandes assistances que Sa Majesté veut bien donner à ladite Compagnie françoise nous met hors d'estat de rien craindre, et vous verrez que dans la suite nous leur ferons au moins autant de mal qu'ils nous en pourront faire; Il faut laisser agir leur malignité et prendre nos précautions pour nous en garentir. Je vous prie de continuer à me faire sçavoir tout se qui se passera sur cette matière, et sur toutes les autres qui concernent le commerce.

A l'égard du particulier qui prétend avoir le secret de désalter l'eau de la mer, je vous diray que tant de gens m'ont desjà fait cette proposition et que j'en ai fait faire ici tant d'espreuves qui réussissent bien en petit, mais qui ne peuvent jamais produire d'advantage dans un long voyage, que je suis résolu de n'en faire plus d'expérience que sur les vaisseaux mesme, et si celuy qui vous à fait cette proposition veut aler à Rochefort, et faire cette expérience sur les premiers vaisseaux du Roy qui seront mis en mer, en cas qu'il ayt véritablement ce secret et qu'il puisse estre util, il doibt estre asseuré qu'il en recevra une bonne récompense.»

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AU Sr DE LARSON,

Capitaine de vaisseau.

11 juillet 1670.

«J'ay reccu les lettres et les mémoires que vous m'avez envoyé sur tout ce qui s'est passé dans vos voyages du Levant, et sur le commerce, sur quoy je vous diray en peu de mots qu'un capitaine de marine qui a l'honneur de commander un vaisseau du Roy pour l'escorte des vaisseaux marchands ne doibt penser à autre chose sinon qu'à se bien acquitter de cet ordre, sans raisonner sur un mestier de marchandises et de commerce qu'il ne doibt pas faire, et qui n'est point de son fait, en sorte que vous pouvez vous dispenser à l'advenir de m'envoyer aucun mémoire sur cette matière, et vous contenter de bien faire votre debvoir, sur quoy je dois vous dire que le principal fruict que le Roy prétend de la dépense que Sa Majesté fait pour l'armement du vaisseau que vous commandez est de satisfaire les marchands et les convier par la à augmenter leur commerce; au lieu de cela, elle trouve que les marchands se plaignent fort de vous et particulièrement le consul de Smirne, duquel vous n'aviez aucun droit d'examiner la conduite, et beaucoup moins d'entendre ses ennemis et leur donner beaucoup de protection, vous n'avez pas deub non plus visiter avec l'autorité que vous avez fait le vaisseau François de la Cientat, commandé par le capitaine Antoine Carbonnel, ny retirer de son bord les mariniers français comme s'ils estoient estrangers, et toute votre conduite est tellement contraire aux intentions de Sa Majesté qu'elle a esté eu résolution de vous faire arrester, mais sur l'assurance que je luy ai donné que vous la changeriez, elle a bien voilu surseoir de le faire; c'est à vous à prendre garde que l'assurance que j'ai donné ne soit point mal fondée, en changeant vostre conduite à l'avenir, en la rendant plus agréable aux marchands et par conséquent plus agréable à Sa Majesté.»

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AUX MAYEUR ET ESCHEVINS D'ABBEVILLE.

15 décembre 1670.

«Je vous ai écrit tant de fois que le Roy n'a rien plus à cœur que de voir augmenter et perfectionner les nouvelles manufactures et que vous ne pouvez rien faire de plus agréable que donner vos soins pour le succès d'un si louable dessein, que j'estime superflu de vous escrire davantage à ce sujet. Néanmoins, je suis bien aise de vous dire encore que vous devez vous appliquer plus que jamais aux moyens qui peuvent fortifier les fabriques de votre ville, particulièrement celles des draps façon d'Espagne et de Hollande et mettre en pratique toute sorte de bons traitements pour engager le sieur Van Robais, entrepreneur, à porter les ouvrages d'icelle en une entière perfection, mesme luy donner et à ses ouvriers toutes les assistances qui dépendront de vous dans les rencontres. C'est à quoy je vous convie très-particulièrement et je suis, messieurs, votre très-affectionné à vous servir.»

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A M. COLBERT DU TERRON,

Intendant de marine à Rochefort.

Paris, 22 avril 1672.

«Je vous avoue que je suis un peu surpris des mesures qui ont été si mal prises pour former les équipages des vaisseaux du Roy dans une occasion aussi importante que celle-cy, et même du peu d'expédients que vous m'ouvrez pour y remédier à l'avenir. Je ne puis m'empêcher de vous dire que je ne vois point par vos lettres que cela vous touche au point que vous devriez l'être; toute la gloire du Roy, le bien de l'État et un million de choses grandes et considérables dépendant de cet armement, il y a huit mois entiers que je vous escris toutes les semaines trois fois; que je vous ouvre de ma part tous les expédients qui me peuvent tomber dans l'esprit pour éviter ce mal, et cependant je trouve que quand nous sommes à la conclusion, il nous manque encore de sept à huit cents hommes, et vous savez qu'en des matières de cette conséquence, il n'y a point d'excuse envers le maître, particulièrement quand on ne l'a pas averti par avance de ce défaut et que l'on n'a pas eu recours à son autorité pour l'empêcher, et je ne puis vous dire sur ce sujet que ce que je vous ai répété tant de fois, qui est que j'attendrai ce que vous aurez à me proposer pour empêcher que cela n'arrive plus.»

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A M. LE DUC DE SAINT-AIGNAN[641].

21 juin 1675.

«J'ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire le 17 de ce mois sur le sujet des équipages des 7 bâtiments qui doivent partir du Hâvre pour aller joindre l'armée navale, et quoique je voye bien le nombre d'hommes qui ont été tirés du gouvernement du Hâvre, et les raisons qu'il y auroit de descharger l'estendue de votre gouvernement de fournir ces équipages, et de rejeter cette charge sur ceux de Dieppe et d'Honfleur qui n'ont fait jusqu'à présent aucun devoir pour cela, je crois qu'il suffit de vous dire en quatre mots l'état des armées navales du Roy pour être persuadé que vous ne vous arrêterez point à toutes ces raisons, et que vous ferez l'impossible pour faire partir ces vaisseaux. Je vous prie donc, Monsieur, de considérer que tous les officiers de l'armée navale ont fait des merveilles dans les deux combats qui se sont donnés et que ces deux combats ont consommé tous les boulets et toutes les poudres qui étaient sur les vaisseaux du Roy, en sorte que l'armée qui est à présent retirée dans la Tamise avec celle d'Angleterre, ne se peut plus remettre en mer si elle ne reçoit promptement les 134 milliers de poudre et tous les boulets qui sont au Hâvre, et que si l'armée ne les reçoit avec une diligence incroyable, nous courons risque que la flotte hollandaise, commandée par Ruyter, qui est assurément le plus grand capitaine qui ait été en mer, profite du vent et des marées pour venir combattre l'armée navale, ou pour fermer la Tamise, en un mot, pour prendre tous les avantages qui peuvent donner un très-grand mouvement à toutes les affaires du Roy, n'y ayant rien qui puisse être si contraire au service de Sa Majesté, ni tant éloigner la paix et tous les avantages que le Roy peut retirer, qu'un favorable événement pour les Hollandois sur mer qui leur remellroit le cœur et rétabliroit leur commerce, et par conséquent leur donneroit de l'argent, et je ne puis assez vous exprimer l'importance de ce moment dans la conjoncture présente, et je crois qu'il n'en falloit pas tant dire pour échauffer votre zèle et vous faire faire l'impossible. Sur ce que vous dites que les gouverneurs de Dieppe et d'Honfleur ne font rien, je vous dirai seulement qu'il y a de certains momens dans lesquels il n'est pas permis de raisonner sur la faute d'autruy et que ces gouvernemens n'ont pas M. le duc de Saint-Aignan pour gouverneur, qui joint avec sa dignité et la principale charge de la maison et de la personne de Sa Majesté, un zèle très-passionné pour son service et pour sa gloire; il y va de tout dans cette conjoncture et je crois que c'est assez vous dire pour être persuadé qu'à l'instant que vous recevrez cette lettre que je vous envoya par un courrier exprès, vous ferez fermer toutes les portes du Hâvre et irez et envoyerez de maison en maison prendre tous les hommes qui ont monté en mer, et que vous ferez ensuite la même chose dans tous les bourgs et villages de la côte et ferez partir ces vaisseaux 24 heures après, et pour vous donner des moyens de bien faire connoistre à toute l'estendue de votre gouvernement de quelle importance et de quelle conséquence il est de mettre lesdits bâtiments en mer, j'envoye une ordonnance au Sr Brodart pour être publiée dans le siège de l'amirauté, portant que, faute par les habitants du gouvernement du Hâvre d'avoir fourni les équipages de ces vaisseaux, non-seulement les ports seront fermés, mais mesme que tous les capitaines des vaisseaux du Roy ont ordre de prendre en mer tous les vaisseaux appartenant aux habitants de ladite ville et de toute la côte; et quoique je ne doute point que cette ordonnance ne devienne inutile, je vous dirai néanmoins que si ces bâtiments ne pouvaient être mis en mer dans une conjoncture aussi importante et aussi pressée que celle-cy, et dans laquelle il est question du tout, je ne fais nul doute que Sa Majesté ne prist quelque résolution aussi désavantageuse pour les habitants du Hâvre que tout ce qui a été fait jusqu'à présent en cette ville leur a apporté d'avantages.....»

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A M. TUBEUF,

à Tours[642].

Le Sr Brillon, marchand de Paris, estant prez de tomber et le Roy voulant toujours donner secours aux marchands en qui il paroist de la bonne foy, j'ai fait assembler ses créanciers de Paris par ordre de Sa Majesté qui ont en conséquence passé un contract duquel je vous envoye copie, mais comme ses créanciers ne montent qu'à 148m et qu'il doit 580m dans la ville de Tours, Sa Majesté n'a pas voulu jusques à présent homologuer son contract pour estre exécuté à l'esgard de tous les autres créanciers parce que pour donner ce secours aux marchands, elle a toujours observé qu'il se trouve deux choses, c'est-à-dire de la bonne foy et que les trois quarts des créanciers consentent aux arrests de surséance, mais Sa Majesté m'a ordonné en même temps de vous escrire qu'elle veut que vous fassiez assembler tous ceux qui composent en la ville de Tours les 580m liv. qu'il y doibt à la diligence de celui qui vous portera cette lettre et que vous leur fassiez connoistre que tous ses livres ayant esté examinez par ordre du Roy et trouvés en bonne forme et que le deffaut de payement de ses debtes ne provenant que des désordres d'Angre, il seroit de l'intérest de tous les créanciers de consentir à l'homologation du contract, parce que si les procédures de justice commencent à se mettre dans toutes leurs affaires, ils causeront bien la ruine du Sr Brillon, mais aussy leurs debtes courreront beaucoup plus de risques.

En cas que vous ne soyez point à Tours et que vous ne puissiez exécuter vous-même cette affaire, je vous prie d'en addresser vos ordres à un officier qui soit bien intentionné pour la faire réussir.

Je suis, Monsieur,

Votre très-humble et
très-affectionné serviteur,
 
Colbert.

A Saint-Germain, le 4 janvier 1679.


PIÈCE Nº XIV.

INVENTAIRE

fait après le decedz de monseigneur colbert[643].

estimation de divers objets.

  • 11 chevaux de carrosses, 2,000 livres.
  • 2 chevaux de selle, 300 liv.
  • 4 chevaux de fourgon, 400 liv.
  • 3 carrosses, 1,350 liv. les trois.
  • 1 tenture de tapisserie des Gobelins, rehaussée d'or, 24,000 liv.
  • 1 tenture, 7,000 liv.
  • 1 tenture, 1,500 liv.
  • 20 autres tentures, depuis 100 jusqu'à 200 liv.
  • 2 tapis de Turquie, à fonds d'or, 100 liv. chaque, etc., etc.
  • Chambre des laquais, 6 couchettes de bois de hestre, etc., etc.
  • 4 bois de lits dans la chambre des malades.
  • 13 autres lits pour valets de chambre, escuyers, rôtisseurs, porteurs de chaises, etc.
  • 2 Paul Veronèse, 600 liv. chaque; 1 l'Albane, 600 liv.; 1 Carrache, 3,000 liv.; 2 Le Brun, 2,400 liv., 1 Raphael, 3,000 liv., etc.
  • Le portrait du Roy, par Nanteuil, 110 liv.; de la Reyne, par Beaubrun, 10 liv.
  • 2 petits portraits du Roy, par Mignard; ensemble, avec cadre doré, 80 liv.
  • (L'estimation de tous les tableaux fut faite par Le Brun.)
  • Bronzes, pendules, bureaux, etc.
  • 2 clavecins, façon de Flandre, 200 liv, chaque.
  • 1 grand miroir de Venise, de 46 pouces de haut sur 26 de large, avec une bordure d'argent pesant 252 marcs 2 onces, à raison de 31 liv. le marc.—La bordure, 7,819 liv, 10 sols; la glace, 200 liv.; total: 8,019 liv. 10 sols.
  • Vases, flambeaux, services, etc. 9,800 liv.
  • Orangers, mirthes, lauriers-roses, jasmins, 2,825 liv.
  • Perles, pierreries, croix.....
  • Inventaire des pièces, titres, papiers, etc., etc.
  • Extraits de mariage, portant que Colbert a donné à ses filles, en les mariant, 400,000 liv., etc., etc.

PIÈCE Nº XV.

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INDICATION

DES MANUSCRITS ET OUVRAGES IMPRIMÉS

qui ont été consultés

POUR L'ÉTUDE SUR FOUQUET ET L'HISTOIRE DE COLBERT[644].

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MANUSCRITS.

Procès-verbal de la levée du sellé apposé par MM. Payet et Dalbertas, conseillers du Roy en ses Conseils sur un coffre trouvé dans la maison de Vaux, avec inventaire et description faicte des papiers trouvez en icelui par MM. Poncet et Delafosse, commissaires à ce depputez.—Biblioth. roy. R. B. nº 3, 184 (voir, p. 50, note 1).

Journal de M. d'Ormesson sur le procès de Fouquet et les opérations de la Chambre de justice; 1 vol. in-folio.—Biblioth. roy. Supplément français, nº 216.

Discours sommaire de ce qui s'est passé, et a été inventorié à Saint-Mandé.—Biblioth. roy. Suppl. franç., nº 1,096.

Recueil de pièces curieuses concernant Fouquet.—Biblioth. roy., Mss. Suppl. franç., nº 4, (Il y a dans ce recueil un portrait de Fouquet, gravé en 1660.)

Inventaire et estimation de la bibliothèque de Saint-Mandé.—Biblioth. roy. Suppl. franç., nº 2,611.

Procès Fouquet; Collection de pièces, ordres, inventaires, réquisitoires, rapports, significations relatifs à cette affaire, 8 vol. in-folio.—Biblioth. roy. Suppl. franç., nº 56.

Registres de la Chambre de justice, avec les armes de Colbert. Procès Fouquet, 3 vol. in-folio. C'est le procès-verbal officiel du procès.—Biblioth. roy., nos 235, 236 et 237.

Correspondance de Louvois et de Le Tellier avec le capitaine Saint-Mars, commandant de Pignerol, relative à Fouquet.—Archives du royaume; section d'Histoire, carton K, 129.

Traduction du 118e psaume de David, par Fouquet; copié et annoté de sa main.—Biblioth. roy. Mélanges du cabinet du Saint-Esprit (voir p. 446, note 1).

Colbert et Seignelay.—1669 à 1677.—Collection de 403 pièces originales sur la marine, émanées de Colbert et du Mis de Seignelay, de 1669 a 1677.—6 vol. in-folio.

TABLE DES COTES[645].

1re.—11 pièces.—Règlements et projets de règlements sur la marine, ordres et instructions, établissements de marine, de 1669, 1670 et 1671.

2e.—13 p.—Règlements et projets sur les pavillons et autres marques de commandement et sur les saluts; 1669.

3e.—27 p.—Créations de charges et formations de corps pour la marine; nominations; personnel; 1699, 1670 et 1671.

4e.—74 p.—Pièces relatives au secours porté à Candie; 1669.

5e.—26 p.—Ordres divers et correspondance pour la marine du Levant. Matériel. Flottes qui partent et naviguent dans la Méditerranée; achats de vaisseaux; 1669.

6e.—10 p.—Correspondance et ordres divers pour la marine du Levant; 1670, 1671.

7e.—71 p.—Correspondance et ordres divers pour la marine de Ponant. Matériel, flottes qui partent et naviguent sur l'Océan; 1669.

8e et 9{e}.—26 p.—Correspondance et ordres divers pour la marine de Ponant; 1670 et 1671.

10{e}.—4 p.—Lettres diverses.

11{e}, 12{e} et 13{e}.—23 p.—Expéditions contre les corsaires; 1669, 1670 et 1671. Lettres et ordres divers.

14{e}.—30 p.—Indes orientales et occidentales. Lettres, instructions et ordres divers; 1669 et 1670.

15{e}.—12 p.—Correspondance relative à M. de Seignelay, consistant en lettres, instructions et mémoires écrits à son sujet, à lui adressés par son père ou émanés de lui; 1670.

16e à 22e.—76 p.—Lettres, ordres, rapports et mémoires divers de Colbert et du marquis de Seignelay, sur des objets relatifs à la marine, de 1671 à 1677.

Lettres de Colbert à Mazarin, avec les réponses du Cardinal en marge.—Biblioth. roy. Baluze, Arm. VI (voir p. 83, note 2)[646].

Lettres originales adressées à Colbert de 1660 à 1677. (Collection verte.) Cette collection comprend de 2 à 4 volumes par année.—Biblioth. roy. (voir l'avertissement, p. iii).

Mémoires sur les affaires des finances de France, pour servir à l'histoire, par Colbert. Biblioth. roy. Mss. Collection de Genée de Brochot, 3e carton (voir p. 427, note 1).

Registre des despesches concernant le commerce (lettres de Colbert sur le commerce) pendant les années 1669, 1670, 1671 et 1672.—Biblioth. roy. et Arch. de la marine (voir l'avertissement, p. iv.)

Expéditions concernant le commerce de 1669 à 1683.—Arch. de la mar. (voir l'avertissement, p. iv).

Extraits des despesches et ordres du Roy concernant la marine sous le ministère de M. Colbert, depuis l'année 1667 jusques et y compris l'année 1683;—1 vol. grand in-folio de 700 pages.—Arch. de la mar. (voir l'avertissement, p. vi).

Journal des bienfaits du Roy.—Biblioth. roy. Mss. Suppl, franç. nº 579 (voir p. 74, note 2).

Registre de l'hôtel de ville de Paris; année 1661.—Archives du royaume (voir p. 108, note 1).

Estat par abrégé des receptes, dépenses et maniement des finances pendant que MM. Colbert, Le Peltier et Pontchartrain ont esté controlleurs généraux des finances.—Arch. du roy. (voir p. 126, note 1).

Ordonnances de comptant. États originaux ordonnancés par Louis XIV, avec des reçus de Colbert, Racine, Boileau, etc., etc.—Arch. du roy., carton K, 119.

Registres du secrétariat, année 1670.—In-folio.—Arch. du roy. E. 3336.

Mémoires sur le commerce et les finances de la France, des Colonies, de l'Angleterre et de l'Espagne. 1 vol. in-folio.—Biblioth. roy. Suppl. franç. nº 1792 (voir p. 136, note 2).

Abrégé des registres secrets de la cour de Bretagne, de 1659 à 1679.—Biblioth. roy. Mss. Suppl. franç. nº 1597.

Inventaire fait après le décedz de monseigneur Colbert.—Biblioth. roy.; Suite de Mortemart, 34.

Taxes des gens d'affaire vivants ou de la succession des morts faite par Sa Majesté en la Chambre de justice es années 1662 et 1663.—Biblioth. roy. Imprimés (voir p. 97, note 1, et p. 105).

Principes de M. Colbert sur la marine.—Biblioth. roy. Mss. (voir p. 388, note 1).

Le Cid enragé, parodie des stances du Cid, contre Colbert (voir p. 97, note 1, et aux Pièces justificatives, pièce nº II bis).

Recueil de chansons, vaudevilles, sonnets, épigrammes, épitaphes, et, autres vers satiriques et historiques, avec des remarques curieuses, depuis 1389 jusqu'en 1747, 35 vol. in-4º.—Biblioth. roy. Mss. (voir p. 411, note 1).

OUVRAGES IMPRIMÉS.

A

AMELOT DE LA HOUSSAYE.—Mémoires historiques; 2 vol. in-12.

ANDRÉOSSY.—Histoire du canal de Languedoc; 1 vol. in-8º (voir p. 204, note 1).

ARNOULD.—De la balance du commerce et des relations commerciales de la France dans toutes les parties du globe, particulièrement à la fin du règne de Louis XIV et au moment de la révolution; 3 vol. dont 1 de tableaux, Paris, 1791.

AUDIFFRET (Marquis d')—Système financier de la France; 2 vol. in-8º (T. II, Notice historique sur la vie de Colbert).

B

BAILLY.—Histoire financière de la France depuis l'origine de la monarchie jusqu'en 1786; 2 vol. in-8º.

BASVILLE (LAMOIGNON de).—Mémoires pour servir à l'histoire du Languedoc; 1 vol. in-18 (voir p. 205, note 1).

BAUSSANT.—Code maritime ou lois de la marine marchande, 2 vol. in-8º

BÉCANE (voir Valin).

BERTEAUT.—Marseille et les intérêts nationaux qui se rattachent à son port; Ier vol. 1.

BLANQUI.—Histoire de l'économie politique en Europe depuis les anciens jusqu'à nos jours; 2 vol. in-8º.

BOILEAU.—Œuvres; avec les notes de Brossette, etc., 2. vol. in-8º.

BOISGUILLEBERT.—Détail et factum de la France (voir Collection des principaux économistes).

BOULAINVILLIERS.—État de la France; 3 vol. in-fol. (voir p. 229, note 1).

BOURGOIN.—La Chasse aux larrons; Paris, 1616 (voir p. 97, note 1).

BRIENNE (Loménie de).—Mémoires inédits, publiés par M. Fs Barrière; 2 vol. in-8º.

BRUNET.—Tableau du ministère de Colbert; 1 vol. in-8º (voir p. 92, note 1).

C

Catéchisme (Le) des partisans, composé par M. Colbert, ministre de France, avec des vers sur la mort du mesme ministre (voir p. 410, note[647]).

Chambre de justice de 1661; 3 vol. in-4º (voir p. 97, note 1).

CHAMPOLLION-FIGEAC.—Documents inédits sur l'histoire de France; 3 vol. in-4º.

CHAPTAL (comte). De l'Industrie française; 2 vol. in-8º.

CHARPENTIER.—Discours d'un fidèle sujet pour l'établissement de la nouvelle Compagnie des Indes orientales (voir p. 174, note 1).

CHARPENTIER.—Bastille dévoilée (La); 1 vol. in-8º (voir p. 53, note 2).

CHASSERIAU (De).—Précis historique de la marine française; son organisation et ses lois; 2 vol. grand in-8º.

CHOISY (Abbé de).—Mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV; 1 vol. in-8º (t. LIII de la collection Petitot).

CIMBER et DANJOU.—Archives curieuses de l'histoire de France; Ire et IIe série, 27 vol. in-8º.

Collection des principaux économistes; contenant les œuvres de Vauban, Boisguillebert, Law, Turgot, etc. Guillaumin, éditeur.

COQUELIN (C.).—Question des céréales (voir p. 279, note 3, et la Revue des Deux-Mondes du 1er décembre 1845).

COSTAZ.—Histoire de l'administration en France; 2 vol. in-8º (voir p. 270, note 2).

CUSSY (de) (voir d'Hauterive).

D

DANJOU,—(voir; Cimber).

DECRUSY.—(voir; Isambert).

DELORT (J.).—Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes, précédée de celle de Foucquet, Pellisson et Lauzun; 2 vol. in-8º (voir p. 66, note 1). Le Masque de fer, par le même; 1 vol. in-8º. Mes voyages aux environs de Paris, par le même; 2 vol. in-8º (voir p. 190, note 1).

DENISART.—Collection de décisions nouvelles relatives à la jurisprudence; 2 vol. in-8º.

DEPPING (G. B.).—Histoire du commerce entre le Levant et l'Europe, depuis les croisades jusqu'à la fondation des colonies d'Amérique; 2 vol. in-8º.

Dictionnaire de la noblesse, contenant la généalogie, l'histoire et la chronologie des familles nobles de France, etc.; 14 vol. in-4º, dont 2 de supplément.

Dictionnaire des finances—(Encyclopédie méthodique). 3 vol. in-4º.

Dictionnaire du commerce et des marchandises; Guillaumin, éditeur.

Dictionnaire portatif du commerce, contenant l'origine historique de toutes les communautés d'arts et métiers, l'abrégé de leurs statuts, etc.; 1 vol. in-12, sans nom d'auteur.

Discours chrétien sur l'établissement du bureau des pauvres de Beauvais (voir p. 116, note 1).

DUBOST (voir Dictionnaire du commerce et des marchandises, publié par Guillaumin).—Article Postes.

DUFRESNE DE FRANCHEVILLE.—Histoire du tarif de 1664; 2 vol. in-4º. Histoire de la Compagnie des Indes; par le même; 1 vol. in-4º (voir p. 167, note 1).

DU MONT.—Corps universel diplomatique du droit des gens, contenant un recueil des traitez d'alliance, de paix, de trêve, de neutralité, de commerce, etc., depuis Charlemagne jusqu'en 1731; 8 vol. in-folio.

DUPONT et MARRAST.—Fastes de la Révolution française; 1 vol. in-8º (voir p. 198, note 1). DUPRÉ DE SAINT-MAUR.—Essai sur les monnaies; 1 vol. in-4º.

E

ECKARD.—États au vrai de toutes les sommes employées par Louis XIV à Versailles, Marly et dépendances; au Louvre, Tuileries, canal de Languedoc, secours aux manufactures, pensions aux gens de lettres, depuis 1661 jusqu'en 1710; 1 vol. in-8º, Versailles (voir p. 194, note 3).

Entretiens de M. Colbert, ministre secrétaire d'Estat, avec Bouin, fameux partisan, sur plusieurs affaires curieuses, entr'autres sur le partage de la succession d'Espagne (voir p. 440, note 1).

ÉPHÉMESNIL, (D').—Lettre à M*** sur l'imputation faite à M. Colbert d'avoir interdit le commerce des grains; Paris, 1763 (voir p. 274, note 1).

ESTRADES (Comte d').—Lettres, Mémoires et négociations, depuis 1663 jusqu'en 1668; 5 vol. in-12.

F

FÉLIBIEN (Dom Michel).—Histoire de Paris; 5 vol, in-fol.

FORBONNAIS (Véron de).—Recherches et considérations sur les finances de France; 2 vol. in-4º.

Principes et observations économiques; par le même. 2 vol. in-18.

FOUQUET.—Défenses de M. Fouquet sur tous les points de son procès; 15 vol. in-18, édition à la sphère, 1665.

FROIDOUR (De).—Lettre à M. Barillon, contenant la relation des travaux qui se font en Languedoc, pour la communication des deux mers; Toulouse, 1672 (voir p. 208, note 1).

G

Gazette de France, année 1667 (voir p. 193, note 1).

GOURVILLE.—Mémoires (t. LII de la Collection Petitot).

GOZLAN (Léon).—Les Châteaux historiques; 2 vol. in-8º[648].

GRIMBLOT (P.).—Cromwell et Mazarin (voir p. 314 de l'ouvrage et la Revue nouvelle, numéro du 15 novembre 1845).

GROSLEY, de Troyes.—Œuvres inédites; 2 vol. in-8º (voir aux pièces justificatives, pièce nº V).

H

HAUTERIVE (D') et de CUSSY.—Recueil des traités de commerce et de navigation de la France avec les puissances étrangères, depuis la paix de Westphalie; 8 vol. in-8º.

HÉNAULT.—Poète contemporain de Colbert (voir p. 49, note 1).

HÉNAULT (Le président).—Abrégé chronologique de l'histoire de France; 1 vol. in-4º.

I

ISAMBERT, DECRUSY et TAILLANDIER.—Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789; 29 vol. in-8º.

J

JACOB (le Bibliophile).—Le Masque de fer; 1 vol. in-8º.

Journal des Économistes (voir p. 227, note 1, et p. 248, note 3).

JURIEU.—Soupirs de la France esclave qui aspire après sa liberté; (voir p. 161, note 1).

L

LAFFEMAS.—Recueil présenté au Roy, de ce qui s'est passé en l'assemblée du commerce au Palais, à Paris; faict par Laffemas, controlleur général du dit commerce; Paris, 1604 (voir p. 283, note 1).

LA FONTAINE.—Œuvres.

LAFONT DE SAINT-YONNE.—L'ombre du grand Colbert; 1 vol. in-12; Paris, 1752[649].

LAMOIGNON (Arrêtés du président de).—(voir p. 49, note 3.)

LEBLANC.—Traité des Monnaies.

LELONG (LE PÈRE).—Bibliothèque historique de la France; 5 vol. in-folio.

LEQUIEN DE LA NEUVILLE.—Origine des Postes chez les anciens et les modernes; 1 vol. in-18 (voir p. 343, note 1).

LESSEPS (DE).—Note sur les Consulats (voir p. 248, note 33.

LETEINOIS.—Apologie du système de Colbert, ou Observations juridico-politiques sur les jurandes et maîtrises d'arts et métiers; 1 vol. in-18 (voir p. 216, note 1)[650].

LEVASSOR.—(Voir Jurieu).

Louis XIV.—Œuvres; 5 vol. in-8º.

M

MAINTENON (Lettres de Mme de); 9 vol. in-12.

MARRAST.—(Voir; Dupont.)

MAZARIN.—Lettres du cardinal Mazarin à la reine, à la princesse Palatine, etc., etc., écrites pendant sa retraite hors de France, en 1651 et 1652; publiées par M. Ravenel; 1 vol in-8º.

Messance.—Recherches sur la population de la France; 1 vol. in-4º (voir p. 276, note 1).

Mézerai.—Abrégé chronologique de l'histoire de France; 4 vol, in-4º.

Mignet.—Documents inédits sur l'histoire de France; négociations relatives à la succession d'Espagne.

Migt ou Migh.—La Richesse de la Hollande; 2 vol, in-8º (voir p. 133, note 2).

Mirabeau.—Neuvième lettre à mes commettants (voir p. 194, note 1).

Molière.—Œuvres (Prologue des Fâcheux).

Moniteur Universel du 4 janvier 1846 (voir p. 379, note 1).

Montesquieu.—Esprit des lois, avec des notes de Voltaire, Mably, Laharpe, etc., etc.

Montyon (De).—Vies des surintendants des finances et des contrôleurs généraux; 3 vol. in 12; Paris, 1790.

Particularités sur les ministres des finances célèbres; par le même. 1 vol. in-8º; Paris, 1812 (voir p. 190, note 1)[651].

Moreau de Beaumont.—Mémoires concernant les impositions et droits; 4 vol. in-4º (voir p. 165, note 1).

Moreau de Jonnès.—Statistique de la France.

Motteville (Mme de).—Mémoires (t. XXXIX. de la collection Petitot).

N

Necker.—Observations sur l'avant-propos du livre rouge; brochure de 31 pages.

Nouveau Cynée (Le) ou discours des occasions et moyens d'establir une paix générale et la liberté du commerce par tout le monde—. Em.Cr.P.; 1 vol. in-18; Paris, 1623 (voir p. 326, note 1).

O

Ordonnances des rois de France de la 3e race; 20 vol. in-folio, publiés par divers auteurs.

Ossat. (Cardinal d').—Lettres; 2 vol. in-4º.

P

Pardessus.—Collection des lois maritimes antérieures, au XVIIIe siècle; 4 vol. in-8º.

Paris (Paulin)—Catalogue raisonné des manuscrits françois de la bibliothèque du Roi.

Patin (Guy).—Lettres choisies depuis 1645 jusqu'en 1672; 3 vol. in-12.

Peigmot (Gabriel).—Documents authentiques et détails curieux sur la dépenses de Louis XIV; 1 vol. in-8º (voir p. 186, note 1).

Pelissery.—Éloge politique de Colbert; 1 vol. in-8º; Paris, 1775.

Pellisson.—Œuvres choisies, avec une notice par Desessarts; 2 vol. in-18.

Perrault (CHARLES).—Mémoires; 1 vol. in-18.

Peuchet,—Collection des ordonnances et règlements de police; 8 vol. in-8º.

Poussin (Guillaume-Tell).—De la puissance américaine; 2 vol. in-8º.

R

Raynal.—Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes; 4 vol. in-8º.

Recueil de pièces sur l'hôpital général de Paris; 1 vol. in-4º (voir p. 113, note 2).

Recueil des règlements généraux et particuliers concernant les manufactures et fabriques du royaume; 4 vol. in-4º (voir p. 222, note 1).

Renouard.—Des anciens règlements et privilèges (voir p. 227, note 1).

Riquet de bonrepos.—Histoire du canal de Languedoc, par les descendants de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos; 1 vol. in-8º (voir p. 204, note 1).

Roux (Vilal).—Rapport sur les jurandes et maîtrises (voir p. 217, note 1).

Roy.—Rapport à la Chambre des pairs sur le Code forestier; 1827.

S

Saint-Simon (Marquis de).—Mémoires; 21 vol. in-8º.

Salisbury.—Paradisus londinensis; t. II.

Sandras de Courtilz.—Vie de Jean-Baptiste Colbert, ministre d'État sous Louis XIV, roy de France; 1 vol. in-18, Cologne (voir p. 78, note 2).

Testament politique de J.-B. Colbert, où l'on voit tout ce qui s'est passé sous le règne de Louis-le-Grand jusqu'en 1683; par le même; La Haye, 1694 (voir p. 78, note 2).

Sautreau de marsy.—Nouveau siècle de Louis XIV; recueil d'anecdotes; 4 vol. in-8º (voir p. 410, note 1).

Serviez (Alfred de).—Histoire de Colbert; 1 vol. in-18.

Sévigné (Madame de).—Lettres de madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis; 10 vol. in-8º.

Sue (Eugène).—Histoire de la marine française au XVIIe siècle; 1re édition, 5 vol. grand in-8º.

Sully.—Mémoires ou Œconomies royales d'Estat, domestiques, politiques et militaires de Henri-le-Grand, par Maximilian de Béthune duc de Sully; 3 vol. in-folio, Paris, 1652.

T

Taillandier.—(Voir; Isambert.)

Thiers.—Histoire du Consulat et de l'Empire, t. 1er.

Thomas.—Œuvres; Éloge de Sully.

Thomas (Alexandre).—Une Province sous Louis XIV; Situation politique et administrative de la Bourgogne de 1661 à 1715, d'après les manuscrits et les documents inédits du temps; 1 vol. in-8º (voir p. 154, note 2).

U

Ustariz.—Théorie et pratique du commerce, traduction de l'espagnol, par Forbonnais; 1 vol. in-4º.

V

Valin.—Commentaire sur l'ordonnance du mois d'août 1681, par Valin, nouvelle édition avec notes par Bécane; 2 vol. in-8º.

Vauban.—La Dime royale (voir Collection des principaux économistes).

Villeneuve-BARGEMONT (vicomte Alban de).—Histoire de l'économie politique, ou Etudes historiques, philosophiques et religieuses sur l'économie politique des peuples anciens et modernes; 2 vol. in-8º.

Villette (marquis de).—Mémoires, 1 vol. in-8º; publiés par la Société de l'histoire de France.

Volney.—Leçons d'histoire prononcées à l'école normale en l'an III (voir p. 194, note 2).

W

Walckenaer (baron de).—Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine; 1 vol. in-8º.

Mémoires touchant la vie et les écrits de madame de Sévigné; par le même; in-18: Trois volumes ont paru.

Witt (Jean de).—Lettres et négociations entre Jean de Witt, conseiller pensionnaire et garde des sceaux des provinces de Hollande et de West-Frise, et messieurs les plénipotentiaires des Provinces-Unies des Pays-Bas, aux cours de France, d'Angleterre, de Suède, de Danemark, de Pologne, etc., depuis l'année 1652 jusqu'en l'an 1669. Amsterdam, 1725; 4 vol. in-12.

Wolowski (L.).—De l'organisation industrielle de la France avant le ministère de Colbert (voir p. 216, note, 1 et la Revue de Législation et de Jurisprudence; mars 1843.)

fin des pièces justificatives.

ERRATUM.

——

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