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Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 15 / 20): faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française

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1: Le maréchal Jourdan, toujours juste, toujours vrai dans ses Mémoires, imprimés en entier, sauf quelques légers retranchements, dans les Mémoires du roi Joseph, n'a point expliqué cette singulière omission, qui fut ici un vrai malheur, car elle fut cause que le maréchal Marmont, ne comptant pas sur l'arrivée de l'armée du Centre, ne l'attendit point. Du reste c'est sur la lenteur des résolutions que le maréchal Jourdan, complet dans toutes ses autres explications, a de la peine à se justifier, parce que presque toujours en faisant agir Joseph sagement, il le faisait agir trop lentement. Il eût fallu en effet bien plus d'ardeur et de jeunesse que n'en avait l'illustre maréchal, pour donner à Joseph une vivacité d'impulsion que ce prince n'avait pas, et dont il aurait eu grand besoin. C'est le jugement que porta Napoléon sur toute cette affaire, quand il fut apaisé à l'égard de la bataille de Salamanque, et qu'il devint plus juste envers son frère et envers le major général. Il approuva leurs déterminations, mais les jugea tardives. Dans le premier moment d'irritation il se montra beaucoup plus sévère parce qu'il ignorait les faits, qu'il ne sut jamais complétement; un peu mieux instruit plus tard et un peu calmé, il s'en tint au reproche de lenteur, mais il y persista.

2: Le maréchal Soult à Almanza, même après avoir pris à la faible armée du Centre les 2 mille hommes qu'il réclamait depuis longtemps, ne s'attribuait que 33 mille hommes d'infanterie, et 6 mille de cavalerie, ce qui aurait fait en tout 39 mille, et 37 avant l'adjonction des 2 mille pris à Joseph. Le maréchal Jourdan, pour ne pas contester sur les chiffres, ayant à contester déjà sur le plan, attribuait dans son mémoire 39 à 40 mille hommes au maréchal Soult, et partait de cette base pour raisonner sur les opérations à exécuter. Mais en étudiant les documents, on reconnaît bientôt que ce chiffre n'était pas exact, et ne pouvait pas l'être. La force du maréchal Soult en avril 1812 était de 56 à 57 mille hommes, les non combattants déduits, et je ne parle pas d'après les assertions du ministre de la guerre, qui donne toujours des chiffres supérieurs à ceux fournis par les généraux, parce que la tendance de celui qui paye est de grossir les nombres, et la tendance de celui qui les emploie de les diminuer; je parle d'après le chiffre fourni par le chef d'état-major de l'armée d'Andalousie, au 1er avril 1812, après la perte de Badajoz et de sa garnison. Or il n'y avait eu aucune action sérieuse du mois d'avril au mois d'août 1812 en Andalousie, et ce serait trop accuser l'administration du maréchal Soult que d'admettre qu'à ne rien faire il eût perdu 21 mille hommes, puisque des 58 il n'en serait resté que 37. Évidemment le chiffre de 37 mille hommes à Almanza ne peut pas être le chiffre véritable. Le maréchal avait dû faire des pertes en route, cela n'est pas douteux; mais quand il aurait perdu 5 ou 6 mille hommes si l'on veut, ce qui révélerait un étrange désordre dans la marche, il serait resté encore à expliquer la perte de 15 mille. Qu'en évacuant on laissât des malades, des blessés dans les hôpitaux, il n'est que trop probable que le nombre des hommes restés ainsi en arrière dut être grand, mais il portait sur les non combattants, déjà défalqués du calcul dont il s'agit ici. Le maréchal Soult comptait donc plus de 37 mille hommes à Almanza. Voilà ce que le simple bon sens indique. Mais en lisant certaines pièces qui ne se trouvent pas dans les Mémoires du roi Joseph, on découvre bientôt la vérité. Le maréchal Suchet, dans le mémoire présenté à Joseph, en même temps que ceux des maréchaux Jourdan et Soult, discute la force de chacun des corps d'après les états fournis; et le maréchal Suchet, à qui on demandait des vivres, devait connaître cette force mieux que le maréchal Jourdan, qui acceptait sur parole les chiffres allégués dans la discussion. Or, on voit dans ce mémoire qu'avec les 2 mille hommes pris à l'armée du Centre, le maréchal Soult avait 45 mille hommes disponibles à Almanza, ce qui le ramène à 43 mille hommes, chiffre le plus vraisemblable, et encore pour comprendre ce chiffre, qui laisse sur les états d'avril un manquant de 14 mille hommes à expliquer, il faut savoir que dans l'armée d'Andalousie il y avait une infinité de soldats du génie et de la grosse artillerie employés au siége de Cadix, qui ne pouvaient pas servir en ligne, et qu'on laissa à Valence avec les malades et les blessés; il faut savoir aussi qu'il y avait des vétérans peu propres à une longue marche. Mais même avec cette défalcation il est difficile de trouver les 14 mille manquants, et il faut supposer que pendant l'évacuation et sous l'influence des chaleurs, même sans être poursuivi, on perdit beaucoup de monde. Le chiffre de 45 à 46 mille hommes est donc le moindre qu'on puisse attribuer à l'armée d'Andalousie. Nous ajouterons que les forces qu'on eut quelque temps après à Madrid, et à la seconde rencontre devant Salamanque, rendent l'exactitude de ce chiffre tout à fait vraisemblable. C'est pourquoi nous l'avons admis, mais après beaucoup de comparaisons, comme tous ceux que nous adoptons dans nos récits.

3: Celui que nous avons connu depuis comme ambassadeur à Paris après la mort de Ferdinand VII, et pendant la régence de la reine Christine.

4: Voici la preuve de ce fait, qui serait difficile à croire sans le document que nous citons.

«Au vice-roi.

»Je reçois votre lettre du 16. Je vous ai déjà fait connaître que je vois avec plaisir le commandement de l'armée entre vos mains. Je trouve la conduite du roi (de Naples) extravagante, et telle qu'il ne s'en faut de rien que je ne le fasse arrêter pour l'exemple, etc....

»Fontainebleau, 23 janvier 1813.»

5: Je ne trace point des tableaux de fantaisie, je ne rapporte que ce que j'ai lu dans les bulletins de la police impériale adressés à Napoléon.

6: J'emprunte ces détails à des rapports militaires mis sous les yeux de Napoléon.

7: Je rapporte le témoignage des autorités françaises en Italie.

8: Ce nombre de 36 régiments d'infanterie paraîtra peut-être bien peu considérable, comparé au total de la grande armée, qui était, avons-nous dit, de 612 mille hommes sans les Autrichiens. Mais il s'expliquera facilement si on songe qu'il s'agit ici seulement de la portion de la grande armée qui pénétra dans l'intérieur de la Russie, que le nombre des bataillons de guerre était de cinq par régiment, ce qui faisait 180 bataillons, c'est-à-dire 180 mille hommes d'infanterie au départ, qu'il restait en dehors de ces 36 régiments la garde impériale, les alliés de toute nature, Polonais, Italiens, Saxons, Bavarois, Westphaliens, Wurtembergeois, Prussiens, etc.

9: C'est avec les comptes de Napoléon sous les yeux que nous donnons ces détails.

10: Napoléon à Sainte-Hélène a déploré le choix de M. de Narbonne, et en rendant justice aux rares talents, au zèle de cet ambassadeur, a dit que par ses qualités mêmes il avait été funeste, en poussant trop tôt l'Autriche à jeter le masque. Il est bien vrai que M. de Narbonne fut peut-être trop clairvoyant et trop entreprenant à Vienne; mais on va voir qu'il était bien moins coupable que ses instructions, et que la faute très-réelle, que Napoléon, débarrassé à Sainte-Hélène de tous ses préjugés, apercevait trop tard, était celle du gouvernement français et non pas celle de M. de Narbonne lui-même. La suite de ce récit va bientôt éclaircir ce point d'histoire si curieux et si triste.

11: La correspondance du prince Eugène, du duc de Valmy, du général Lauriston, du maréchal Marmont, et celle des ministres français à l'étranger, constatent le fait d'une manière certaine.

12: Il existe sur ce sujet, et dictées par Napoléon, les lettres les plus curieuses et les plus détaillées. Il veut qu'on enseigne deux choses et toujours les mêmes aux conscrits: la formation en carré, et puis le déploiement en ligne de bataille, ou le reploiement en colonnes d'attaque sous la protection du feu de la division du centre. Ces manœuvres devaient s'exécuter en route, de manière à utiliser le temps des marches.

13: Ce secret est resté un mystère; mais la lecture attentive des papiers de Napoléon, de ses correspondances, de ses notes, de ses ordres administratifs et militaires, ne nous a laissé aucun doute à cet égard, et c'est pour cela que nous n'hésitons pas à présenter comme une certitude historique le fait que nous venons de rapporter.

14: Voici une lettre intéressante au duc de Rovigo, qui révèle ce genre de sollicitude.

«Au ministre de la police.

»Erfurt, le 26 avril 1813.

»Mon intention n'est pas que vous remettiez directement à l'Impératrice vos mémoires sur les affaires de police. Ce ne peut avoir aucun avantage, et j'y vois des inconvénients. L'Impératrice est trop jeune pour lui gâter l'esprit ou l'inquiéter par des détails de police. Vous ne devez donc adresser qu'à l'archichancelier la copie des rapports que vous me remettrez. L'archichancelier ne lui remettra que ce qu'il est bon qu'elle sache, et en traitant ces sortes d'affaires le plus légèrement possible.»

15: Ici encore, je ne m'en fie pas à des conjectures. Je raconte les faits d'après des pièces authentiques, d'après des lettres de Napoléon au prince Eugène, lettres où tous ces faits sont rappelés ou consignés, et toujours motivés longuement.

16: Le grand Frédéric y avait livré la bataille dite de Hochkirch.

17: Sur les lieux mêmes que j'ai visités récemment encore, ce ruisseau ne porte aucun nom que celui qu'on donne à la plupart des ruisseaux dans tous les pays, ruisseau du moulin; mais, sur un plan allemand fort détaillé et fort bien fait, dont il existe un exemplaire au dépôt de la guerre, il porte le nom de Bloesaer-Wasser, que j'emploie ici pour le désigner plus facilement dans le cours de mon récit.

18: Entre autres le major saxon Odeleben, qui, attaché à Napoléon comme officier d'état-major, a rendu compte des circonstances les plus minutieuses de la campagne de Saxe.

19: Nous possédons aux archives toute la correspondance de Napoléon avec M. de Caulaincourt pendant la négociation de cet armistice, et c'est d'après cette correspondance elle-même que j'écris ce récit.

20: Nous n'en sommes point réduits aux conjectures relativement aux motifs de ce fameux armistice si justement blâmé comme une grande faute politique et militaire, puisqu'il donna le temps de se sauver aux coalisés réduits aux abois. Jusqu'ici on avait prêté à Napoléon les motifs les plus ridicules, et qui n'étaient conformes ni à son caractère ni à son génie. Mais, heureusement pour l'histoire, il écrivit au prince Eugène, à M. de Bassano, au ministre de la guerre, les raisons qui le décidèrent, et on y voit que, forcé de s'expliquer avec l'Autriche sous quelques jours, et exposé dès lors à avoir cette puissance immédiatement sur les bras, il signa l'armistice pour gagner deux mois, temps nécessaire à la seconde série de ses armements. Dans ce cas, on peut dire que la faute de l'armistice ne fut autre que celle même de ne vouloir pas consentir aux conditions de l'Autriche.

Notes

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Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe de l'auteur a été conservée.

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