Histoire du Consulat et de l'Empire, (Vol. 15 / 20): faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS LE TOME QUINZIÈME.
LIVRE QUARANTE-SIXIÈME.
WASHINGTON ET SALAMANQUE.
Événements qui se passaient en Europe pendant l'expédition de Russie. — Situation difficile de l'Angleterre; détresse croissante du commerce et des classes ouvrières; désir général de la paix. — Assassinat de M. Perceval, principal membre du cabinet britannique. — Sans la guerre de Russie, cette mort, quoique purement accidentelle, aurait pu devenir l'occasion d'un changement politique. — À tous les maux qui résultent pour l'Angleterre du blocus continental s'ajoute le danger d'une guerre imminente avec l'Union américaine. — Où en étaient restées les questions de droit maritime entre l'Europe et l'Amérique. — Renonciation de la part des Américains au système de non-intercourse, en faveur des puissances qui leur restitueront les légitimes droits de la neutralité. — Saisissant cette occasion, Napoléon promet de révoquer les décrets de Berlin et de Milan, si l'Amérique obtient le rappel des ordres du conseil, ou si à défaut elle fait respecter son pavillon. — L'Amérique accepte cette proposition avec empressement. — Négociation qui dure plus d'une année pour obtenir de l'Angleterre la révocation des ordres du conseil. — Entêtement de l'Angleterre dans son système, et refus des propositions américaines, fondé sur ce que la révocation des décrets de Berlin et de Milan n'est pas sincère. — Puériles contestations de la diplomatie britannique sur ce sujet. — Napoléon ne se bornant plus à une simple promesse de révocation, rend le décret du 28 avril 1811, par lequel les décrets de Berlin et de Milan sont, par rapport à l'Amérique, révoqués purement et simplement. — L'Angleterre contestant encore un fait devenu évident, les Américains sont disposés à lui déclarer la guerre. — Dernières hésitations de leur part dues aux procédés malentendus de Napoléon, et aux dispositions des divers partis en Amérique. — État de ces partis. — Fédéralistes et républicains. — Le président Maddisson. — La guerre résolue d'abord pour 1811 est remise à 1812. — Les violences redoublées de l'Angleterre, et surtout la presse exercée sur les matelots américains, décident enfin le gouvernement de l'Union. — Le président Maddisson propose une suite de mesures militaires. — Vive agitation dans le congrès, et déclaration de guerre à l'Angleterre. — Importance de cet événement, et conséquences qu'il aurait pu avoir sans le désastre de Russie et sans les événements d'Espagne. — État de la guerre dans la Péninsule. — Dégoût croissant de Napoléon pour cette guerre. — Situation dans laquelle il avait laissé les choses en partant pour la Russie, et résolution qu'il avait prise de déférer le commandement en chef au roi Joseph. — Comment ce commandement avait été accepté dans les diverses armées qui occupaient la Péninsule. — État des armées du Nord, de Portugal, du Centre, d'Andalousie et d'Aragon. — Résistance à l'autorité de Joseph dans tous les états-majors, excepté dans celui de l'armée de Portugal, qui avait besoin de lui. — Projets de lord Wellington, évidemment dirigés contre l'armée de Portugal. — Joseph, éclairé par le maréchal Jourdan, son major général, discerne parfaitement le danger dont on est menacé, et le signale aux deux armées du Nord et d'Andalousie, qui sont seules en mesure de secourir efficacement l'armée de Portugal. — Refus des généraux Dorsenne et Caffarelli, qui sont successivement appelés à commander l'armée du Nord. — Refus du maréchal Soult, commandant en Andalousie, et ses longues contestations avec Joseph. — Situation grave et difficile de l'armée de Portugal, placée sous l'autorité du maréchal Marmont. — Opérations préliminaires de lord Wellington au printemps de 1812. — Voulant empêcher les armées d'Andalousie et de Portugal de se porter secours l'une à l'autre, il exécute une surprise contre les ouvrages du pont d'Almaraz sur le Tage. — Enlèvement et destruction de ces ouvrages par le général Hill les 18 et 19 mai. — Après ce coup hardi, lord Wellington passe l'Aguéda dans les premiers jours de juin. — Sa marche vers Salamanque. — Retraite du maréchal Marmont sur la Tormès. — Attaque et prise des forts de Salamanque. — Retraite du maréchal Marmont derrière le Douro. — Situation et force des deux armées en présence. — Le maréchal Marmont, après avoir appelé à lui la division des Asturies, et réuni environ quarante mille hommes, n'attendant plus de secours ni de l'armée du Nord, ni de celle d'Andalousie, ni même de celle du Centre, se décide à repasser le Douro, afin de forcer les Anglais à rétrograder. — Il espère les éloigner par ses manœuvres, sans être exposé à leur livrer bataille. — Passage du Douro, marche heureuse sur la Tormès, et retraite des Anglais sous Salamanque, à la position des Arapiles. — Le maréchal Marmont essaye de manœuvrer encore autour de la position des Arapiles, afin d'obliger lord Wellington à rentrer en Portugal. — Au milieu de ces mouvements hasardés, les deux armées s'abordent, et en viennent aux mains. — Bataille de Salamanque, livrée et perdue le 22 juillet. — Le maréchal Marmont, gravement blessé, est remplacé par le général Clausel. — Funestes conséquences de cette bataille. — Pendant qu'on la livrait, le roi Joseph, qui n'avait pu décider les diverses armées à secourir celle de Portugal, avait pris le parti de la secourir lui-même, mais sans l'en avertir à temps. — Inutile marche de Joseph sur Salamanque à la tête d'une force de treize à quatorze mille hommes. — Il passe quelques jours au delà du Guadarrama, afin de ralentir les progrès de lord Wellington, et de dégager l'armée de Portugal vivement poursuivie. — Grâce à sa présence et à la vigueur du général Clausel, on sauve les débris de l'armée de Portugal qu'on recueille aux environs de Valladolid. — État moral et matériel de cette armée, toujours malheureuse malgré sa vaillance. — Profond chagrin de Joseph menacé d'avoir bientôt les Anglais dans sa capitale. — N'ayant plus d'autre ressource, il ordonne, d'après le conseil du maréchal Jourdan, l'évacuation de l'Andalousie. — Ses ordres impératifs au maréchal Soult. — Après avoir poursuivi quelques jours l'armée de Portugal, lord Wellington, ne résistant pas au désir de faire à Madrid une entrée triomphale, abandonne la poursuite de cette armée, et pénètre dans Madrid le 12 août. — Joseph, obligé d'évacuer sa capitale, se retire vers la Manche, et, désespérant d'être rejoint à temps par l'armée d'Andalousie, se réfugie à Valence. — Horribles souffrances de l'armée du Centre et des familles fugitives qu'elle traîne à sa suite. — Elle trouve heureusement bon accueil et abondance de toutes choses auprès du maréchal Suchet. — Le maréchal Soult, averti par Joseph de sa retraite sur Valence, se décide enfin à évacuer l'Andalousie, et prend la route de Murcie pour se rendre à Valence. — Dépêches qu'il adresse à Napoléon afin d'expliquer sa conduite. — Hasard qui fait tomber ces dépêches dans les mains de Joseph. — Irritation de Joseph. — Son entrevue avec le maréchal Soult à Fuente de Higuera le 3 octobre. — Conférence avec les trois maréchaux Jourdan, Soult et Suchet sur le plan de campagne à suivre pour reconquérir Madrid, et rejeter les Anglais en Portugal. — Avis des trois maréchaux. — Sagesse du plan proposé par le maréchal Jourdan, et adoption de ce plan. — Les deux armées d'Andalousie et du Centre réunies marchent sur Madrid vers la fin d'octobre. — Temps perdu par lord Wellington à Madrid; sa tardive apparition devant Burgos. — Belle résistance de la garnison de Burgos. — L'armée de Portugal renforcée oblige lord Wellington à lever le siége de Burgos. — Alarmé de la concentration de forces dont il est menacé, lord Wellington se retire de nouveau sous les murs de Salamanque, et y prend position. — Pendant ce temps Joseph, arrivé sur le Tage avec les armées du Centre et d'Andalousie réunies, chasse devant lui le général Hill, l'expulse de Madrid, rentre dans cette capitale le 2 novembre, et en part immédiatement pour se mettre à la poursuite des Anglais. — Son arrivée le 6 novembre au delà du Guadarrama. — L'armée de Portugal, qui s'était arrêtée sur les bords du Douro, se joint à lui. — Réunion de plus de quatre-vingt mille Français, les meilleurs soldats de l'Europe, devant lord Wellington à Salamanque. — Heureuse occasion de venger nos malheurs. — Plan d'attaque, proposé par le maréchal Jourdan, approuvé par tous les généraux et refusé par le maréchal Soult. — Joseph, craignant qu'un plan désapprouvé par le général de la principale armée ne soit mal exécuté, renonce au plan du maréchal Jourdan, et laisse au maréchal Soult le choix et la responsabilité de la conduite à tenir. — Le maréchal Soult passe la Tormès à un autre point que celui qu'indiquait le maréchal Jourdan, et voit s'échapper l'armée anglaise. — Lord Wellington n'ayant que quarante mille Anglais et tout au plus vingt mille Portugais et Espagnols, enveloppé par plus de quatre-vingt mille Français, réussit à se retirer sain et sauf en Portugal. — Juste mécontentement des trois armées françaises contre leurs chefs, et leur entrée en cantonnements. — Retour de Joseph à Madrid. — Fâcheuses conséquences de cette campagne, qui, s'ajoutant au désastre de Moscou, aggravent la situation de la France. — Joie en Europe, surtout en Allemagne, et soulèvement inouï des esprits à l'aspect des malheurs imprévus de Napoléon. 1 à 150
LIVRE QUARANTE-SEPTIÈME.
LES COHORTES.
Rapide voyage de Napoléon. — Il ne se fait connaître qu'à Varsovie et à Dresde, et seulement des ministres de France. — Arrivée subite à Paris le 18 décembre à minuit. — Réception le 19 des ministres et des grands dignitaires de l'Empire. — Napoléon prend l'attitude d'un souverain offensé, qui a des reproches à faire au lieu d'en mériter, et affecte d'attacher une grande importance à la conspiration du général Malet. — Réception solennelle du Sénat et du Conseil d'État. — Violente invective contre l'idéologie. — Afin d'attirer l'attention publique sur l'affaire Malet, et de la détourner des événements de Russie, on défère au Conseil d'État M. Frochot, préfet de la Seine, accusé d'avoir manqué de présence d'esprit le jour de la conspiration. — Ce magistrat est condamné, et privé de ses fonctions. — Napoléon, frappé du danger que courrait sa dynastie, s'il venait à être tué, songe à instituer d'avance la régence de Marie-Louise. — L'archichancelier Cambacérès chargé de préparer un sénatus-consulte sur cet objet. — Soins plus importants qui absorbent Napoléon. — Activité et génie administratif qu'il déploie pour réorganiser ses forces militaires. — Ses projets pour la levée de nouvelles troupes et pour la réorganisation des corps presque entièrement détruits en Russie. — Il reçoit des bords de la Vistule des nouvelles qui le détrompent sur la situation de la grande armée, et qui lui prouvent que le mal depuis son départ a dépassé toutes les prévisions. — Joie des Prussiens lorsqu'ils acquièrent la connaissance entière de nos désastres. — À leur joie succède une violence de passion inouïe contre nous. — Arrivée de l'empereur Alexandre à Wilna, et son projet de se présenter comme le libérateur de l'Allemagne. — Actives menées des réfugiés allemands réunis autour de sa personne. — Efforts tentés auprès du général d'York, commandant le corps prussien auxiliaire. — Ce corps en retraite de Riga sur Tilsit abandonne le maréchal Macdonald, et se livre aux Russes. — Dangers du maréchal Macdonald resté avec quelques mille Polonais au milieu des armées ennemies. — Il parvient à se retirer sain et sauf sur Tilsit et Lobiau. — Le quartier général français évacue Kœnigsberg, et se replie du Niémen sur la Vistule. — Macdonald et Ney, l'un avec la division polonaise Grandjean, l'autre avec la division Heudelet, couvrent comme ils peuvent cette évacuation précipitée. — Officiers, généraux et cadres vides courant sur Dantzig et Thorn. — Il ne reste au quartier général que neuf à dix mille hommes de toutes nations et de toutes armes, pour résister à la poursuite des Russes. — Murat démoralisé se retire à Posen, et finit par quitter l'armée en laissant le commandement au prince Eugène. — Effet que produit dans toute l'Allemagne la défection du général d'York. — Mouvement extraordinaire d'opinion secondé par les sociétés secrètes, et vœu unanime de se réunir à la Russie contre la France. — Immense popularité de l'empereur Alexandre. — Premières impressions du roi de Prusse, et son empressement à désavouer le général d'York. — Son embarras entre les engagements contractés envers la France, et la contrainte qu'exerce sur lui l'opinion publique de l'Allemagne. — Il se retire en Silésie, et prend une sorte de position intermédiaire, d'où il propose certaines conditions à Napoléon. — Contre-coup produit à Vienne par le mouvement général des esprits. — Situation de l'empereur François qui a marié sa fille à Napoléon, et de M. de Metternich qui a conseillé ce mariage. — Leur crainte de s'être trompés en adoptant trop tard la politique d'alliance avec la France. — Désir de modifier cette politique, et de s'entremettre entre la France et la Russie, afin d'amener la paix, et de profiter des circonstances pour rétablir l'indépendance de l'Allemagne. — Sages conseils de l'empereur François et de M. de Metternich à Napoléon, et offre de la médiation autrichienne. — Comment Napoléon reçoit ces nouvelles arrivant coup sur coup à Paris. — Il donne un nouveau développement à ses plans pour la reconstitution des forces de la France. — Emploi des cohortes. — Levée de cinq cent mille hommes. — Napoléon convoque un conseil d'affaires étrangères pour lui soumettre ces mesures, et le consulter sur l'attitude à prendre à l'égard de l'Europe. — Sans repousser la paix, Napoléon veut en parler, en laisser parler, mais ne la conclure qu'après des victoires qui lui rendent la situation qu'il a perdue. — Diversité des opinions qui se produisent autour de lui. — La majorité se prononce pour de grands armements, et en même temps pour de promptes négociations par l'entremise de l'Autriche. — Napoléon, à qui il convient de négocier pendant qu'il se prépare à combattre, accepte la médiation de l'Autriche, mais en indiquant des bases de pacification qui ne sont pas de nature à lui concilier cette puissance. — Réponse peu encourageante adressée à la Prusse. — Immense activité administrative déployée pendant ces négociations. — État de l'opinion publique en France. — On déplore les fautes de Napoléon, mais on est d'avis de faire un grand et dernier effort pour repousser l'ennemi, et de conclure ensuite la paix. — Aux levées ordonnées se joignent des dons volontaires. — Emploi que fait Napoléon des 500 mille hommes mis à sa disposition. — Réorganisation des corps de l'ancienne armée sous les maréchaux Davout et Victor. — Création, au moyen des cohortes et des régiments provisoires, de quatre corps nouveaux, un sur l'Elbe, sous le général Lauriston, deux sur le Rhin, sous les maréchaux Ney et Marmont, un en Italie, sous le général Bertrand. — Réorganisation de l'artillerie et de la cavalerie. — Moyens financiers imaginés pour suffire à ces vastes armements. — Napoléon, tandis qu'il s'occupe de ces préparatifs, veut faire quelque chose pour ramener les esprits, et songe à terminer ses démêlés avec le Pape. — Translation du Pape de Savone à Fontainebleau. — Napoléon y envoie les cardinaux de Bayane et Maury, l'archevêque de Tours et l'évêque de Nantes, pour préparer Pie VII à une transaction. — Le Pape déjà d'accord avec Napoléon sur l'institution canonique, est disposé à accepter un établissement à Avignon, pourvu qu'on ne le force pas à résider à Paris. — Lorsqu'on est près de s'entendre, Napoléon se transporte à Fontainebleau, et par l'ascendant de sa présence et de ses entretiens décide le Pape à signer le Concordat de Fontainebleau, qui consacre l'abandon de la puissance temporelle du Saint-Siége. — Fêtes à Fontainebleau. — Grâces prodiguées au clergé. — Rappel des cardinaux exilés. — Les cardinaux revenus auprès du Pape lui inspirent le regret de ce qu'il a fait, et le disposent à ne pas exécuter le Concordat de Fontainebleau. — Napoléon feint de ne pas s'en apercevoir. — Content de ce qu'il a obtenu, il convoque le Corps législatif, et lui annonce ses résolutions. — Marche des événements en Allemagne. — Enthousiasme croissant des Allemands. — Le roi de Prusse, dominé par ses sujets, se montre fort irrité des refus de Napoléon, et s'éloigne de plus en plus de notre alliance. — Les Russes, quoique partagés sur la convenance militaire d'une nouvelle marche en avant, s'y décident par le désir d'entraîner le roi de Prusse. — Ils s'avancent sur l'Oder, et obligent le prince Eugène à évacuer successivement Posen et Berlin. — Nouveau mouvement rétrograde des armées françaises, et leur établissement définitif sur la ligne de l'Elbe. — Le roi de Prusse séparé des Français, et entouré des Russes, se livre à ceux-ci, et rompt son alliance avec la France. — Traité de Kalisch. — Arrivée d'Alexandre à Breslau, et son entrevue avec Frédéric-Guillaume. — Effet produit en Allemagne par la défection de la Prusse. — Insurrection de Hambourg. — Demi-défection de la cour de Saxe, et retraite de cette cour à Ratisbonne. — Influence de ces nouvelles à Vienne. — Le peuple autrichien fort ému commence lui-même à demander la guerre contre la France. — La cour d'Autriche, ferme dans sa résolution de rétablir sa situation et celle de l'Allemagne sans s'exposer à la guerre, s'efforce de résister à l'entraînement des esprits, et d'amener la France à une transaction. — Conseils de M. de Metternich. — Napoléon, peu troublé par ces événements, profite de l'occasion pour demander de nouvelles levées. — Sa manière de répondre aux vues de l'Autriche. — Ne tenant aucun compte des désirs de cette puissance, il lui propose de détruire la Prusse, et d'en prendre les dépouilles. — Choix de M. de Narbonne pour remplacer à Vienne M. Otto, et y faire goûter la politique de Napoléon. — Napoléon avant de quitter Paris se décide à confier la régence à Marie-Louise, et à lui déléguer le gouvernement intérieur de la France. — Ses entretiens avec l'archichancelier Cambacérès sur ce sujet, et ses pensées sur sa famille et l'avenir de son fils. — Cérémonie solennelle dans laquelle il investit Marie-Louise du titre de régente. — Avant de partir il a le temps de voir le prince de Schwarzenberg, dont il écoute à peine les communications. — Confiance dont il est plein. — Chagrin de l'Impératrice. — Départ pour l'armée. 151 à 391
LIVRE QUARANTE-HUITIÈME.
LUTZEN ET BAUTZEN.
Suite de la mission du prince de Schwarzenberg. — Ce prince quitte Paris après avoir essayé de dire à l'Impératrice et à M. de Bassano ce qu'il n'a osé dire à Napoléon. — Ce qui s'est passé à Vienne depuis la défection de la Prusse. — La cour d'Autriche persévère plus que jamais dans son projet de médiation armée, et veut imposer aux puissances belligérantes une paix toute favorable à l'Allemagne. — Efforts de cette cour pour ménager des adhérents à sa politique. — Ce qu'elle a fait auprès du roi de Saxe, retiré à Ratisbonne, pour en obtenir la disposition des troupes saxonnes et des places fortes de l'Elbe, et la renonciation au grand-duché de Varsovie. — L'Autriche ayant obtenu du roi Frédéric-Auguste la faculté de disposer de ses forces militaires, en profite pour se débarrasser de la présence du corps polonais à Cracovie. — Ne voulant pas rentrer en lutte avec les Russes, elle conclut un arrangement secret avec eux, par lequel elle doit retirer sans combattre le corps auxiliaire, et ramener le prince Poniatowski dans les États autrichiens. — Négociations de l'Autriche avec la Bavière. — M. de Narbonne arrive à Vienne sur ces entrefaites. — Accueil empressé qu'il reçoit de l'empereur et de M. de Metternich. — M. de Metternich cherche à lui persuader qu'il faut faire la paix, et lui laisse entendre qu'on ne pourra obtenir qu'à ce prix l'appui sérieux de l'Autriche. — Il lui insinue de nouveau quelles pourront être les conditions de cette paix. — M. de Narbonne ayant reçu de Paris ses dernières instructions, transmet à la cour de Vienne les importantes communications dont il est chargé. — D'après ces communications, l'Autriche doit sommer la Russie, la Prusse et l'Angleterre de poser les armes, leur offrir ensuite la paix aux conditions indiquées par Napoléon, et si elles s'y refusent, entrer avec cent mille hommes en Silésie, afin d'en opérer la conquête pour elle-même. — Manière dont M. de Metternich écoute ces propositions. — Il paraît les accepter, déclare que l'Autriche prendra le rôle actif qu'on lui conseille, offrira la paix aux nations belligérantes, mais à des conditions qu'elle se réserve de fixer, et pèsera de tout son poids sur la puissance qui refuserait d'y souscrire. — M. de Narbonne, s'apercevant bientôt d'un sous-entendu, veut s'expliquer avec M. de Metternich, et lui demande si, dans le cas où la France n'accepterait pas les conditions autrichiennes, l'Autriche tournerait ses armes contre elle. — M. de Metternich cherche d'abord à éluder cette question, puis répond nettement qu'on agira contre quiconque se refuserait à une paix équitable, en ayant du reste toute partialité pour la France. — Évidence de la faute qu'on a commise, en poussant soi-même l'Autriche à devenir médiatrice, d'alliée qu'elle était. — Tout à coup on apprend que le corps d'armée du prince de Schwarzenberg rentre en Bohême, au lieu de se préparer à reprendre les hostilités, que le corps polonais doit traverser sans armes le territoire autrichien, que le roi de Saxe se retire de Ratisbonne à Prague pour se jeter définitivement dans les bras de l'Autriche. — Nouvelles réclamations de M. de Narbonne. — Il insiste pour que le corps autrichien, conformément au traité d'alliance, reste aux ordres de la France, et demande formellement si ce traité existe encore. — M. de Metternich refuse de répondre à cette question. — M. de Narbonne attend, pour insister davantage, de nouveaux ordres de sa cour. — Surprise et irritation de Napoléon, arrivé à Mayence, en apprenant la retraite du corps autrichien, et surtout le projet de désarmer le corps polonais. — Il ordonne au prince Poniatowski de ne déposer les armes à aucun prix, et enjoint à M. de Narbonne, sans toutefois provoquer un éclat, de faire expliquer la cour d'Autriche, et de tâcher de pénétrer le secret de la conduite du roi de Saxe. — Napoléon, au surplus, se promet de mettre bientôt un terme à ces complications par sa prochaine entrée en campagne. — Ses dispositions militaires à Mayence. — Bien qu'il ait préparé les éléments d'une armée active de 300 mille hommes, et d'une réserve de près de 200 mille, Napoléon n'en peut réunir que 190 ou 200 mille au début des hostilités. — Son plan de campagne. — Situation des coalisés. — Forces dont ils disposent pour les premières opérations. — L'Autriche ne voulant pas se joindre à eux avant d'avoir épuisé tous les moyens de négociation, ils sont réduits à 100 ou 110 mille hommes pour un jour de bataille. — Composition de leur état-major. — Mort du prince Kutusof, le 28 avril, à Bunzlau. — Marche des coalisés sur l'Elster, et de Napoléon sur la Saale. — Habiles combinaisons de Napoléon pour se joindre au prince Eugène. — Arrivée de Ney à Naumbourg, du prince Eugène à Mersebourg. — Beau combat de Ney à Weissenfels le 29 avril, et jonction des deux armées françaises. — Vaillante conduite de nos jeunes conscrits devant les masses de la cavalerie russe et prussienne. — Arrivée de Napoléon à Weissenfels, et marche sur Lutzen le 1er mai. — Mort de Bessières, duc d'Istrie. — Projets de Napoléon en présence de l'ennemi. — Il médite de marcher sur Leipzig, d'y passer l'Elster, et de se rabattre ensuite dans le flanc des coalisés. — Position assignée au maréchal Ney, près du village de Kaja, pour couvrir l'armée pendant le mouvement sur Leipzig. — Tandis que Napoléon veut tourner les coalisés, ceux-ci songent à exécuter contre lui la même manœuvre, et se préparent à l'attaquer à Kaja. — Plan de bataille proposé par le général Diebitch, et adopté par les souverains alliés. — Le corps de Ney subitement attaqué. — Merveilleuse promptitude de Napoléon à changer ses dispositions, et à se rabattre sur Lutzen. — Mémorable bataille de Lutzen. — Importance et conséquences de cette bataille. — Napoléon poursuit les coalisés vers Dresde, et dirige Ney sur Berlin. — Marche vers l'Elbe. — Entrée à Dresde. — Passage de l'Elbe. — Maître de la capitale de la Saxe, Napoléon somme le roi Frédéric-Auguste d'y revenir sous peine de déchéance. — Ce qui s'était passé à Vienne pendant que Napoléon livrait la bataille de Lutzen. — M. de Narbonne recevant l'ordre de faire expliquer l'Autriche relativement au corps auxiliaire et au corps polonais, insiste auprès de M. de Metternich, et lui remet une note catégorique. — Prières de M. de Metternich pour détourner M. de Narbonne de cette démarche. — M. de Narbonne ayant persisté, le cabinet de Vienne répond que le traité d'alliance du 14 mars 1812 n'est plus applicable aux circonstances actuelles. — On reçoit à Vienne les nouvelles du théâtre de la guerre. — Bien que les coalisés se vantent d'être vainqueurs, les résultats démontrent bientôt qu'ils sont vaincus. — Satisfaction apparente de M. de Metternich. — Empressement du cabinet de Vienne à se saisir maintenant de son rôle de médiateur, et envoi de M. de Bubna à Dresde pour communiquer les conditions qu'on croirait pouvoir faire accepter aux puissances belligérantes, ou pour lesquelles du moins on serait prêt à s'unir à la France. — Napoléon, en apprenant ce qu'a fait M. de Narbonne, regrette qu'on ait poussé l'Autriche aussi vivement, mais la connaissance précise des conditions de cette puissance l'irrite au dernier point. — Il prend la résolution de s'aboucher directement avec la Russie et l'Angleterre, d'annuler ainsi le rôle de l'Autriche après avoir voulu le rendre trop considérable, et de faire contre elle des préparatifs militaires qui la réduisent à subir la loi, au lieu de l'imposer. — En attendant, ordre à M. de Narbonne de cesser toute insistance, et de s'enfermer dans la plus extrême réserve. — Napoléon envoie le prince Eugène à Milan pour y organiser l'armée d'Italie, et prépare de nouveaux armements dans la supposition d'une guerre avec l'Europe entière. — Réception du roi de Saxe à Dresde. — Napoléon se dispose à partir de Dresde, afin de pousser les coalisés de l'Elbe à l'Oder, en leur livrant une seconde bataille. — Leur plan de s'arrêter à Bautzen, et d'y combattre à outrance étant bien connu, Napoléon, au lieu d'envoyer le maréchal Ney sur Berlin, le dirige sur Bautzen. — Arrivée de M. de Bubna à Dresde au moment ou Napoléon allait en partir. — Habileté de M. de Bubna à supporter la première irritation de Napoléon, et à l'adoucir. — Explication qu'il donne des conditions de l'Autriche. — Modifications avec lesquelles Napoléon les accepterait peut-être. — Napoléon feint de se laisser adoucir, pour gagner du temps et pouvoir achever ses nouveaux armements. — Il consent à un congrès où seront appelés même les Espagnols, et à un armistice dont il se propose de profiter pour s'aboucher directement avec la Russie. — Départ de M. de Bubna avec la réponse de Napoléon pour son beau-père. — À peine M. de Bubna est-il parti que Napoléon, conformément à ce qui a été convenu, envoie M. de Caulaincourt au quartier général russe, sous le prétexte de négocier un armistice. — Départ de Napoléon pour Bautzen. — Distribution de ses corps d'armée, et marche du maréchal Ney, avec soixante mille hommes, sur les derrières de Bautzen. — Description de la position de Bautzen, propre à livrer deux batailles. — Bataille du 20 mai. — Seconde bataille du 21, dans laquelle les formidables positions des Prussiens et des Russes sont emportées après avoir été vaillamment défendues. — Le lendemain 22, Napoléon pousse, l'épée dans les reins, les coalisés sur l'Oder. — Combat de Reichenbach et mort de Duroc. — Arrivée sur les bords de l'Oder et occupation de Breslau. — Détresse des souverains coalisés, et nécessité pour eux de conclure un armistice. — Après avoir refusé de recevoir M. de Caulaincourt de peur d'inspirer des défiances à l'Autriche, ils envoient des commissaires aux avant-postes afin de négocier un armistice. — Ces commissaires s'abouchent avec M. de Caulaincourt. — Leurs prétentions. — Refus péremptoire de Napoléon. — Pendant les derniers événements militaires, M. de Bubna se rend à Vienne. — Il y fait naître une sorte de joie par l'espérance de vaincre la résistance de Napoléon aux conditions de paix proposées, moyennant certaines modifications auxquelles on consent, et il revient au quartier général français. — Napoléon, se sentant serré de près par l'Autriche, allègue ses occupations militaires pour ne pas recevoir immédiatement M. de Bubna, et le renvoie à M. de Bassano. — S'apercevant toutefois qu'il sera obligé de se prononcer sous quelques jours, et qu'il aura, s'il refuse leurs conditions, les Autrichiens sur les bras, il consent à un armistice qui sauve les coalisés de leur perte totale, et signe cet armistice funeste, non dans la pensée de négocier, mais dans celle de gagner deux mois pour achever ses armements. — Conditions de cet armistice, et fin de la première campagne de Saxe, dite campagne du printemps. 392 à 603
FIN DE LA TABLE DU QUINZIÈME VOLUME.