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La naissance et l'évanouissement de la matière

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VIII

L’étude que nous venons de faire nous a montré que la matière n’était pas éternelle et se dissociait pour retourner à cet éther mystérieux, premier substratum des choses. Ces constatations conduisent à se demander comment la matière a pu naître et comment elle peut mourir ?

L’origine des choses et leur fin font partie des grands mystères de l’univers qui firent dépenser aux religions, aux philosophies et à la science le plus de méditations et d’efforts. L’esprit humain ne s’est jamais résigné à ignorer, il invente des chimères quand on lui refuse des explications, et ces chimères deviennent bientôt ses maîtres.

La science n’a pas encore allumé les flambeaux capables d’illuminer les ténèbres qui enveloppent notre passé et voilent l’avenir. Elle peut cependant projeter quelques lueurs dans cette nuit profonde.

D’après les idées que nous vous avons exposées sur la structure de la matière, les corps sont constitués par une réunion d’atomes composés chacun d’un agrégat de particules en rotation, probablement formées de tourbillons d’éther. Par suite de leur vitesse, ces particules possèdent une énergie cinétique énorme. Suivant la façon dont leurs équilibres sont troublés, elles engendrent des forces diverses, telles que la lumière, la chaleur et l’électricité.

Mais comment ces atomes sont-ils nés et comment se transforment-ils ? L’analyse spectrale permet, on le sait, de suivre la genèse des éléments dont se composent les divers univers. La variation des spectres stellaires dans le rouge et l’ultra-violet indique la température des étoiles, par conséquent leur âge relatif, et les raies spectrales font connaître leur composition. On a déterminé ainsi les corps apparaissant dans les astres avec les variations de température correspondant à des phases diverses d’évolution. Dans les étoiles les moins anciennes, c’est-à-dire les plus chaudes, n’existent guère que des gaz peu nombreux, l’hydrogène principalement ; puis, à mesure que ces astres se refroidissent, apparaissent successivement les corps simples que nous connaissons en commençant par ceux dont le poids atomique est le moins élevé.

Depuis que l’astronomie sait fixer par la photographie l’image des étoiles, elle en a découvert un nombre beaucoup plus grand qu’on le croyait. Elle évalue aujourd’hui à plus de 400 millions, sans parler naturellement de ceux invisibles et par conséquent inconnus, le nombre d’astres : étoiles, planètes, nébuleuses, existant au firmament. L’analyse spectrale les montre à des âges très divers d’évolution. Leur passé doit être d’une effrayante longueur, puisque les géologues évaluent à plusieurs centaines de millions d’années l’existence de notre planète.

Pendant ces entassements de siècles ignorés par l’histoire, les millions d’astres dont l’espace est peuplé ont commencé ou terminé des cycles d’évolution analogues à celui parcouru par notre globe d’aujourd’hui. Des mondes peuplés comme le nôtre, couverts de cités florissantes remplies des merveilles de la science et des arts, ont dû sortir de la nuit éternelle et y rentrer sans rien laisser derrière eux. Les pâles nébuleuses aux formes incertaines représentent peut-être les derniers vestige de mondes qui vont s’évanouir dans le néant ou devenir les noyaux d’un nouvel univers.

Les transformations révélées par l’observation des astres indiquent donc la marche générale de l’évolution des mondes. Elle est toujours enfermée dans ce cycle fatal des choses : naître, grandir, décliner et mourir.


Les faits résumés dans cette conférence montrent que la matière n’est pas éternelle, qu’elle constitue un réservoir énorme de forces, et disparaît en se transformant en d’autres formes d’énergie avant de retourner à ce qui, pour nous, est le néant.

Les éléments d’un corps qui brûle ou qu’on essaie d’anéantir par un moyen quelconque se transforment, mais ils ne se perdent pas, puisque la balance permet de constater que leur poids n’a pas changé. Les éléments des atomes qui se dissocient sont, au contraire, irrévocablement détruits. Ils ont perdu toutes les qualités de la matière, y compris la plus fondamentale de toutes, la pesanteur. La balance ne les retrouve plus.

Comment les tourbillons d’éther et les énergies engendrées par eux perdent-ils leur individualité pour s’évanouir dans l’éther ? La question se ramène à celle-ci : Comment un tourbillon formé au sein d’un fluide peut-il disparaître dans ce fluide en y produisant des vibrations ?

Sous cet aspect, la solution du problème est assez simple. On voit facilement, en effet, comment un tourbillon engendré aux dépens d’un liquide peut, lorsque son équilibre est troublé, s’évanouir, malgré sa rigidité théorique, en rayonnant son énergie sous forme de vibrations du milieu où il est plongé. C’est de cette façon, par exemple, qu’une trombe marine, formée d’un tourbillon liquide, perd son existence et disparaît dans l’océan.

De la même manière, sans doute, les tourbillons d’éther constituant les éléments des atomes peuvent se transformer en vibrations d’éther. Celles-ci représentent le terme ultime de la dématérialisation de la matière et de sa transformation en énergie avant son anéantissement final.

Ainsi donc, lorsque les atomes ont rayonné toute leur énergie sous forme de vibrations lumineuses, calorifiques ou autres, ils retournent, par le fait même du rayonnement consécutif à leur dissociation, à l’éther primitif d’où ils dérivent. La matière et l’énergie sont alors rentrées dans le néant des choses, comme la vague dans l’océan.

Il ne semble pas très compréhensible, au premier abord, que les mondes qui paraissent de plus en plus stables à mesure qu’ils se refroidissent puissent devenir instables au point de se dissocier entièrement. Pour faire comprendre ce phénomène, nous allons en donner d’abord l’explication théorique, puis rechercher si des observations astronomiques ne permettent pas d’être témoins d’une telle dissociation.

On sait que la stabilité d’un corps en mouvement, comme une toupie ou une bicyclette, cesse d’être possible quand sa vitesse de rotation descend au-dessous d’une certaine limite. Aussitôt cette limite atteinte, il perd sa stabilité et tombe sur le sol. J.-J. Thomson interprète même de cette façon la radio-activité et fait remarquer que, lorsque la vitesse de rotation des éléments composant les atomes descend au-dessous d’une certaine limite, ils deviennent instables et tendent à perdre leur équilibre. Il en résulterait un commencement de dissociation, avec diminution de leur énergie cinétique suffisant pour lancer dans l’espace les produits de la désagrégation intra-atomique.

Il ne faut pas oublier que l’atome, réservoir énorme d’énergie, est par ce fait même comparable aux corps explosifs. Ces derniers restent inertes tant que leurs équilibres intérieurs ne sont pas troublés. Dès qu’une cause quelconque les modifie, ils font explosion et brisent tous ce qui les entoure, après s’être brisés eux-mêmes.

Donc, les atomes qui vieillissent par suite de la diminution d’une partie de leur énergie intra-atomique perdent graduellement leur stabilité. Un moment arrive alors où cette stabilité est si faible que la matière disparaît par une sorte d’explosion plus ou moins rapide. Les corps de la famille du radium offrent une image de ce phénomène, image d’ailleurs très affaiblie parce que les atomes de ces corps sont seulement arrivés à une période d’instabilité où la dissociation est assez lente. Elle en précède probablement une autre, plus rapide, capable de produire leur explosion finale. Des corps tels que l’uranium et le radium représentent sans doute un état de vieillesse auquel tous les corps arriveront un jour et qu’ils commencent déjà à manifester dans notre univers, puisque toute matière est légèrement radio-active. Il suffirait que la dissociation fût assez générale et assez rapide pour produire l’explosion du monde où elle se manifesterait.

Les considérations théoriques qui précèdent trouvent un solide appui dans les apparitions et disparitions brusques d’étoiles. Les explosions de mondes qui paraissent les produire nous révèlent peut-être comment périssent les univers quand ils viennent à vieillir.

Les observations astronomiques prouvant la fréquence relative de ces destructions, on peut se demander si la fin des univers par explosion brusque, après une longue phase de vieillesse, ne serait pas leur terminaison la plus générale.

Ces brusques anéantissements se manifestent par l’apparition subite dans le ciel d’un astre incandescent qui pâlit et s’évanouit parfois en quelques jours, ne laissant souvent rien derrière lui, ou seulement une faible nébuleuse.

Lorsque se montre le nouvel astre, son spectre, d’abord analogue à celui du soleil, prouve qu’il contient des métaux semblables à ceux de notre système solaire. Puis, en peu de temps, ce spectre se transforme et devient finalement celui des nébuleuses planétaires, c’est-à-dire ne contient que des raies d’éléments simples et peu nombreux, dont quelques-uns inconnus. Il est donc évident que les atomes de l’étoile temporaire se sont rapidement et profondément transformés.

Cette évolution descendante est l’inverse de celle signalée dans l’évolution ascendante des étoiles. Celles-ci contiennent, lorsqu’elles sont très chaudes, des éléments simples devenant de plus en plus compliqués et nombreux à mesure qu’elles se refroidissent.

Ces étoiles transitoires, résultant sans doute de l’explosion brusque d’un monde accompagné de la désintégration des atomes, ne sont pas rares. Il ne se passe guère d’années sans qu’on en observe directement ou par l’étude des clichés photographiques. Une des plus remarquables fut celle observée récemment dans la constellation de Persée. En quelques jours elle atteignit un éclat qui la rendit la plus brillante étoile du ciel ; mais 24 heures après elle commença à pâlir, son spectre se transforma lentement, devint, comme il a été dit plus haut, celui des nébuleuses planétaires, preuve évidente, je le répète, d’une dissociation atomique. Au moment même où s’opérait cette transformation, des photographies à longue pose montrèrent autour de l’astre des masses nébuleuses, produits sans doute de la dissociation atomique et qui s’éloignaient de l’étoile avec une vitesse de l’ordre de celle de la lumière, c’est-à-dire analogue à celle des particules qu’émettent les corps radio-actifs en se dissociant. Les astronomes assistèrent donc à la destruction rapide d’un monde.


L’exposé qui précède peut se résumer en quelques lignes.

On imagine le monde formé d’abord d’atomes diffus d’éther, qui, sous l’action de causes diverses, notamment de leur rotation, ont emmagasiné de l’énergie. Cette énergie, dont une des formes est la matière, se dissocie et apparaît sous des états divers : électricité, chaleur, etc., de façon à ramener la matière à l’éther. Rien ne se crée veut dire que nous ne pouvons pas créer de la matière. Tout se perd signifie que la matière disparaît complètement comme matière en retournant à l’éther. Le cycle est donc complet, il y a deux phases dans l’histoire du monde : 1o condensation de l’énergie sous forme de matière ; 2o dépense de cette énergie.

Cette destruction finale est peut-être suivie, dans la suite des âges, d’un nouveau cycle de naissance et d’évolution, sans qu’il soit possible d’assigner un terme à ces destructions et à ces recommencements probablement éternels.

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