La naissance et l'évanouissement de la matière
VI
Nous venons de vous parler des propriétés de la matière, mais nous vous avons dit encore peu de chose des forces dont elle est le siège. En quoi consistent ces forces ? Quel est le mécanisme de leur production ?
Toutes les forces de la nature sont engendrées par des perturbations d’équilibre de l’éther ou de la matière et disparaissent quand les équilibres troublés sont rétablis. La lumière, par exemple, qui prend naissance avec les vibrations de l’éther, cesse avec elles.
Deux corps en relation, chargés de chaleur, d’électricité, de mouvement, etc., ne peuvent, quelle que soit la différence de grandeur de ces corps, agir l’un sur l’autre et produire de l’énergie que quand les éléments dont ils sont chargés ne sont pas en équilibre.
Cette rupture d’équilibre provoque une sorte d’écoulement d’énergie. Il se fait du point où la tension est la plus haute vers celui où elle est la plus basse, et continue jusqu’à ce que l’équilibre soit rétabli, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il y ait égalité de niveau entre les corps en relation.
Suivant les milieux où se manifestent les perturbations d’équilibre, et suivant leur forme, ils prennent les noms de chaleur, électricité, lumière, etc.
Une force est donc toujours le résultat d’une dénivellation. Deux corps chauds à la même température représentent deux réservoirs au même niveau, ou deux poids égaux sur les plateaux d’une balance, et il n’en résulte aucune manifestation d’énergie. Si, au contraire, la température de l’un des corps est moins élevée que celle de l’autre, il y aura perturbation d’équilibre et production d’énergie jusqu’à ce que les deux corps soient au même niveau calorifique.
Ainsi donc, sans une dénivellation d’éther ou de matière, il n’y a aucune manifestation possible d’énergie. Si le soleil possède dans toute sa masse une température uniforme de 6.000 degrés et qu’il puisse y exister des êtres capables de supporter cette chaleur, elle ne représenterait pour eux aucune énergie. N’ayant pas de corps froids à leur disposition, ils ne pourraient obtenir aucune chute de chaleur, condition indispensable de la production d’énergie thermique.
Admettons maintenant qu’au lieu de se trouver à une température uniforme de 6.000 degrés, ces êtres imaginaires vivent dans un monde de glace à la température uniforme de zéro, mais possèdent dans des puits profonds une provision illimitée d’air liquide. Contrairement à ceux plongés dans un milieu à 6.000 degrés, ils trouveraient dans les blocs de glace une source considérable d’énergie. En plongeant, en effet, ces derniers dans l’air liquide à −180°, ils obtiendraient une dénivellation de température considérable. Au contact de la glace qui est pour l’air liquide un corps très chaud, ce dernier entrerait aussitôt en ébullition, et sa vapeur pourrait être employée à faire fonctionner des moteurs. Les habitants de ce monde remplaceraient donc le charbon de nos machines à vapeur par des blocs de glace qu’ils considéreraient, ainsi que nous le faisons pour la houille, comme des réservoirs d’énergie.
Avec cette glace et cet air liquide, il leur serait très facile de produire les températures les plus élevées. La tension de la vapeur obtenue pourrait faire fonctionner des dynamos avec lesquelles on obtient des courants électriques capables de fondre et volatiliser tous les métaux.
On voit, en définitive, que toutes les formes d’énergie sont des effets transitoires résultant de rupture d’équilibre entre plusieurs grandeurs : poids, chaleur, électricité, vitesse. C’est donc bien à tort qu’on parle de l’énergie comme d’une sorte d’entité ayant une existence réelle analogue à celle de la matière.