La naissance et l'évanouissement de la matière
II
Avant d’exposer les idées actuelles relatives à la constitution de la matière, rappelons brièvement celles dont la science a vécu jusqu’ici.
Suivant des conceptions, hier encore classiques, la matière serait composée d’éléments indivisibles, nommés atomes. Comme ils semblent persister à travers toutes les transformations des corps, on admettait pour cette raison qu’ils sont indestructibles.
Cette notion fondamentale a plus de 2.000 ans d’existence. Le grand poète romain Lucrèce l’a exposée dans les termes suivants, que les livres modernes ne font guère que reproduire.
« Les corps ne sont pas anéantis en disparaissant à nos yeux : la nature forme de nouveaux êtres avec leurs débris, et ce n’est que par la mort des uns qu’elle accorde la vie aux autres. Les éléments sont inaltérables et indestructibles… Les principes de la matière, les éléments du grand tout sont solides et éternels, — nulle action étrangère ne peut les altérer. L’atome est le plus petit corps de la nature… Il représente le dernier terme de la division. Il existe donc dans la nature des corpuscules d’essence immuable… leurs différentes combinaisons forment tous les corps. »
Telles étaient les idées de Lucrèce et de tous les savants depuis vingt siècles. Appuyée sur des recherches expérimentales dont nous parlerons bientôt, la science moderne est arrivée à une conception de la matière bien différente.
Elle admet maintenant que les atomes sont formés de tourbillons d’éther tournant autour d’une ou plusieurs masses centrales avec une vitesse de l’ordre de celle de la lumière. L’atome est comparé à un soleil entouré de son cortège de planètes.
Mais comment se fait-il que ces tourbillons d’éther immatériel puissent se transformer en matière aussi rigide qu’un rocher ou un bloc d’acier ? Certaines analogies appuyées sur l’expérience permettent de le comprendre.
Il est probable que la matière doit uniquement sa rigidité à la rapidité de rotation de ses éléments et que, si leurs mouvements s’arrêtaient, elle s’évanouirait instantanément dans l’éther, sans rien laisser derrière elle. Des tourbillons gazeux, animés d’une vitesse de rotation de l’ordre de celle des rayons cathodiques, deviendraient vraisemblablement aussi durs que l’acier. Cette expérience n’est pas réalisable, mais nous pouvons pressentir ses résultats en constatant la rigidité considérable acquise par un fluide animé d’une grande vitesse.
Des expériences faites dans les usines hydroélectriques ont montré qu’une colonne liquide de 2 centimètres seulement de diamètre, tombant à travers un tube d’une hauteur de 500 mètres, ne peut être entamée par un coup de sabre lancé avec violence. L’arme est arrêtée, à la surface du liquide, comme elle le serait par un mur. Si la vitesse de la colonne liquide était suffisante, un boulet de canon ne la traverserait pas. Une lame d’eau de quelques centimètres d’épaisseur, animée d’une vitesse assez grande, resterait aussi impénétrable aux obus que le mur d’acier d’un cuirassé.
Donnons au jet d’eau précédent la forme d’un tourbillon, et nous aurons l’image des particules de la matière et l’explication probable de sa rigidité.
Nous pouvons ainsi comprendre comment l’éther immatériel, transformé en petits tourbillons animés d’une vitesse suffisante, devient très matériel. On conçoit aussi que, si ces mouvements tourbillonnaires étaient arrêtés, la matière s’évanouirait instantanément en retournant à l’éther.
La matière qui semble nous donner l’image de la stabilité et du repos n’existe donc que grâce à la rapidité des mouvements de rotation de ses particules. La matière, c’est de la vitesse, et comme une substance animée de vitesse est aussi de l’énergie, il faut considérer la matière comme une forme particulière de l’énergie.
La vitesse étant une des conditions fondamentales de l’existence de la matière, on peut dire que cette dernière est née le jour où les tourbillons d’éther ont acquis, par suite de leur condensation croissante, une rapidité suffisante pour posséder de la rigidité. Elle vieillit lorsque la vitesse de ses éléments se ralentit. Elle cessera d’exister dès que ses particules perdront leurs mouvements.
Nous sommes amenés ainsi à cette première notion essentielle : Des particules d’une substance quelconque, si ténues qu’on les suppose, prennent, par le seul fait de leur vitesse de rotation, une rigidité si grande qu’elles se transforment en matière.
C’est dans ces univers atomiques, dont la nature fut méconnue pendant si longtemps, qu’il faut chercher maintenant l’explication de la plupart des mystères qui nous entourent. L’atome, qui n’est pas éternel, comme l’assuraient d’antiques croyances, est bien autrement puissant que s’il était indestructible et, par conséquent, incapable de changement. Ce n’est plus quelque chose d’inerte, jouet aveugle de toutes les forces de l’univers. Ces forces sont au contraire créées par lui. Il est l’âme même des choses. Il détient les énergies qui sont le ressort du monde et des êtres qui l’animent. Chacun d’eux est un petit univers d’une structure extraordinairement compliquée, siège de forces jadis ignorées et dont la grandeur dépasse immensément toutes celles connues jusqu’ici.