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Le chemin de velours; Nouvelles dissociations d'idées

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LE PARACLET DES POÈTES

Il y a encore des hérésies et, sur le trouble océan des indifférences spirituelles, quelques nacelles où des sectaires, plutôt doux, fébriles tout au plus, se laissent bercer par le flot en rêvant de rénovations religieuses.

L’une de ces sectes attend le Paraclet, c’est-à-dire le Messie des derniers jours, l’homme divin en qui s’incarnera l’Esprit Saint, comme en Jésus de Nazareth s’incarna le Fils : ces temps advenus, une joie s’épandra au-dessus du monde et descendra dans tous les cœurs ; ce sera le règne tant espéré de la Justice et de la Bonté, de l’Amour et de l’Intelligence, — de l’Esprit, en un mot, lequel est tout cela et bien plus encore puisqu’il est la Spiritualité la plus parfaite.

Une telle hérésie n’est pas neuve : elle commença de se manifester peu de temps après l’Ascension du Christ et fut propagée par des hommes simples, étonnés de ce qu’après la purification du monde par le Fils le monde, cependant, ne fût guère devenu plus habitable.

Les siècles s’en allèrent, et il y avait toujours des Paraclétistes occupés à regarder si un signe n’allait pas paraître au ciel, annonçant la naissance du Roi juste ; ils en virent parfois, des signes, mais faux, ce qui ne les décourageait pas. Ils ne cessèrent de crier, ces crédules charmants, et ils crient encore :

« Il va venir ! il vient ! le règne va s’inaugurer ! Les temps sont proches ! » Les événements qui n’arrivent jamais ont toujours été prédits avec les mêmes formules.

Les clameurs des Paraclétistes, je les ai entendues, — mais il ne s’agissait ni de religion, ni de rénovation spirituelle : il s’agissait de littérature.

Il y a, parmi les écrivains, un groupe de naïfs entêtés, lesquels, fermant obstinément leurs yeux au présent, regardent, eux aussi, dans l’avenir, guettant la survenance du Génie.

Le Génie, pour eux, est l’homme qui viendra sûrement, prochainement, afin d’exprimer très haut les idées — bien que contradictoires — du groupe, et de revêtir d’une forme imposante les imprécises imaginations de ces orphelins. Ce Génie, en effet, sera comme leur père, leur tuteur, leur guide, leur accoucheur, leur Socrate, et il les soutiendra de sa force et de son amour dans les labeurs de l’enfantement, qu’ils redoutent — mais qu’ils ne connaîtront jamais.

Quant au Paraclet, quant au Génie, il viendra peut-être — et ceux qui l’auront appelé le plus souvent seront les premiers à le nier et à railler sa providentielle mission.

Il viendra, ce Génie, car il est déjà venu, et beaucoup de ceux qui l’attendent encore l’ont connu et l’ont méconnu ; à sa mort quelques-uns se convertirent ; d’autres s’endurcirent dans leur crime d’espérer en vain.

O Paraclétistes, regardez donc autour de vous, parmi vous : il est peut-être là ; il est toujours là. Il y en a toujours un, il y en a souvent plusieurs, l’Esprit est multiforme.

Prenez garde de l’avoir laissé passer inconnu, pauvre et blessé ; prenez garde de l’avoir flagellé ; prenez garde de le crucifier ; prenez garde de n’être que des Gentils et des Philistins.

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