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Le féminisme français I: L'émancipation individuelle et sociale de la femme

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CHAPITRE VIII

L'invasion des carrières libérales


SOMMAIRE

I.--La femme soldat.--Concurrence peu redoutable pour les hommes.--Manifestations pacifiques.--Association des femmes françaises pour la paix universelle.--Un bon conseil.

II--La femme médecin.--Son utilité en France et aux colonies.

III.--La femme avocat.--Revendications logiques.--Opposition des tribunaux.--Attitude du barreau.

IV.--Objections plaisantes opposées a la femme avocat.--Leur réfutation.

V.--La femme magistrat.--Innovation périlleuse.--La femme a-t-elle l'esprit de justice?


On n'ignore pas que le féminisme réclame l'admission des femmes à toutes les carrières libérales présentement occupées par les hommes. Le texte suivant en fait foi: «Le Congrès international des Droits de la Femme, réuni à Paris, en 1900, émet le voeu que toutes les fonctions publiques, administratives et municipales, et que toutes les professions libérales ou autres, ainsi que toutes les écoles gouvernementales, spéciales ou non, soient ouvertes à tous sans distinction de sexe 185

Note 185: (retour) Voir la Fronde du 12 septembre 1900.

I

On ne saurait formuler une revendication plus large, puisque la carrière militaire elle-même n'en est pas exceptée. Le métier des armes serait susceptible, à la vérité, de satisfaire l'activité des plus ambitieuses et des plus ardentes. Mais on verra peut-être quelque inconvénient à ouvrir aux dames l'accès des régiments. Non pas que la galanterie proverbiale du soldat français puisse leur infliger d'irrespectueuses brimades; non pas même que les femmes soient incapables de courage militaire. Au Dahomey, les amazones du roi Behanzin ont fait preuve, il n'y a pas si longtemps, de quelque vertu guerrière. Plus près de nous, les pétroleuses parisiennes ont jeté sur la Commune de 1871 un éclat particulièrement flamboyant. Voilà des faits qui rehaussent infiniment les mérites du sexe faible. Et pour parler sans ironie, oublierons-nous ces vivandières héroïques, qui épousaient la gloire du régiment et l'honneur du drapeau, préparant nos soldats au coup de feu en leur versant généreusement un coup de vin? Et nous n'avons rien dit des prouesses de Jeanne Hachette et de ses compagnes, ni de l'extraordinaire chevauchée de Jeanne la Pucelle, qui restera le plus merveilleux prodige de notre histoire nationale.

Mais nulle femme ne m'en voudra de prétendre que les Jeanne d'Arc sont rares. Et encore bien que plus d'une Française se soit vaillamment conduite pendant la dernière guerre, il est à conjecturer que la généralité des femmes nous disputera mollement le maniement du fusil et les corvées de la caserne. Nous exerçons là un monopole que leur sensibilité nous laissera vraisemblablement. A moins qu'elles ne se fassent cantinières! Par malheur, la situation est trop subalterne, et le costume ne porte plus assez de galons. Ce serait donc pousser trop loin la malignité que de fermer aux femmes l'entrée de certaines fonctions, sous prétexte qu'elles n'ont pas rempli leur «devoir militaire». On sait que cette condition préalable est exigée des candidats du sexe masculin par quelques administrations; mais ce qu'on sait moins, c'est qu'une femme a été écartée récemment d'un concours, sous prétexte qu'elle n'avait pas satisfait à la loi du recrutement 186. Il y a des hommes cependant qui, sans avoir jamais porté le fusil, font de parfaits expéditionnaires. N'imposons pas aux femmes des conditions vexatoires et ridicules.

Note 186: (retour) Voir la Fronde du mercredi 12 septembre 1900.

Il se pourrait toutefois que l'exaltation de certaines féministes hardies et batailleuses, rompues à tous les sports et habituées à toutes les audaces, se fût élevée, au moins en espérance, jusqu'aux exercices violents et aux rudes épreuves de la vie militaire. L'épanouissement du «troisième sexe» devrait logiquement nous donner la vierge soldat. Mais on nous assure que la femme future se vouera, corps et âme, au relèvement et à la pacification de notre pauvre société. En quoi, sûrement, elle ne pourra se piquer de faire oeuvre de nouveauté; car nos petites soeurs des ordres enseignants et charitables, nos vierges apôtres,--qui furent souvent des vierges martyres,--l'ont devancée depuis des siècles au milieu des populations les plus hostiles et les plus sauvages, affrontant les privations et les dangers, recevant les injures et les coups, pour l'amour de Dieu et le salut de l'humanité ignorante et déchue.

Au fond, religieuse ou laïque, la femme est née pour les oeuvres de paix, et non pour les oeuvres de guerre. On l'a remarqué cent fois: l'idée de la nécessité de la guerre en soi n'est pas une idée féminine. L'aversion des femmes pour les collisions de la force s'explique par un doux instinct de nature et, plus particulièrement, par l'instinct sacré de la maternité. Bien qu'elles soient exonérées de l'impôt du sang, il suffit qu'il soit payé par leurs maris et surtout par leurs fils pour qu'elles détestent la guerre. Comment s'étonner qu'elles défendent le fruit de leurs entrailles contre les fureurs de la haine? Ce n'est que par une victoire douloureuse de la volonté sur le coeur, par le sacrifice héroïque de la sensibilité au devoir patriotique, qu'une mère se résigne, et avec quel déchirement! aux violences et aux deuils des conflits sanglants. Hormis cette sublime et passagère élévation d'âme, les femmes se plaisent à caresser le rêve de la paix éternelle et de l'universelle fraternité.

Ces idées se font jour, avec éclat, dans toutes les réunions féministes. On lit dans une lettre-circulaire adressée, en 1900, aux Congrès féministes de Paris par le Bureau permanent de la Paix qui siège à Berne: «Quand les femmes feront résolument la guerre à la guerre, la cause de la paix dans le monde sera gagnée.» Et les Françaises s'enrôlent en masse dans cette croisade généreuse. Elles se flattent, suivant leur langage, de «transformer les armées guerrières destructives en armées pacifiques productives.» Mme Pognon, notamment, nous a promis solennellement que la «femme supprimerait le règne de la force et inaugurerait le règne du droit.» Comment cela? «En réduisant au minimum l'énorme budget de la guerre et en substituant les oeuvres de vie aux oeuvres de mort 187

Note 187: (retour) La Fronde du 6 septembre 1900.

A cette fin, la Gauche féministe a émis le voeu «que, dans l'enseignement de l'histoire, les éducateurs mettent en lumière la barbarie et l'injustice des guerres et qu'ils développent chez leurs élèves l'admiration des savants, bienfaiteurs de l'humanité, de préférence à l'admiration des grands conquérants, violateurs de la Justice et du Droit.» Et en plus de cette déclaration, qui part d'un excellent naturel, le même congrès a engagé «tous les gouvernements à mettre en pratique les principes adoptés par la conférence de la Haye.» Après cette double manifestation, les États auraient mauvaise grâce à ajourner le désarmement universel. Sinon, les femmes s'en mêleront! «Nous ne voulons pas, s'est écriée l'une d'elles, que l'on fasse de nos fils de la chair à canon; soeurs et frères en l'humanité, travaillons à faire tomber les frontières, pour la défense desquelles on nous demande la vie de nos enfants 188

On m'en voudrait de ne pas joindre ici, comme un modèle du genre, cette véhémente apostrophe de Mme Séverine: «Nous sommes des créatures d'union. Nous ne voulons pas avoir des enfants, les porter neuf mois (car nous sommes les berceaux vivants de l'humanité), les nourrir de notre lait, en faire des hommes, afin qu'on nous les prenne pour les envoyer sur les champs de bataille, mutilés, saignants, et criant encore notre nom, dans leur dernier râle et leur dernier soupir.» Et avec cette boursouflure audacieuse qui lui est propre, l'oratrice a soulevé les acclamations de l'auditoire en recommandant aux femmes d'organiser contre la guerre «la grève des ventres». Voilà les hommes dûment avertis! Et pendant ce temps-là, il se faisait, dans l'enceinte de l'Exposition, au palais des États-Unis, une propagande si ardente en faveur du désarmement, qu'au dire de Mme Vincent, les Françaises, qui se permirent d'élever quelques timides objections contre les idées émises, furent traitées de «femmes à soldats 189».

Note 188: (retour) La Fronde du 8 et du 12 septembre 1900.
Note 189: (retour) La Fronde du 12 et du 13 septembre 1900.

Toutes ces citations feront craindre peut-être aux esprits calmes que la question de la paix, si douce au coeur des femmes, ne les entraîne à des outrances fâcheuses. Ce n'est point de «la grève des ventres» qu'il s'agit,--une telle menace n'étant pas d'une réalisation imminente,--mais des intérêts supérieurs de la patrie, qui me font un devoir de soumettre à l'«Association des femmes françaises pour la paix universelle» quelques idées très simples et très graves.

L'intellectualisme humanitaire est en train d'affaiblir le sentiment national. Ce n'est un mystère pour personne, que les idées internationalistes font sourdement leur chemin dans les esprits. Si nous n'y prenons garde, le cosmopolitisme nous ruinera. Et pourtant, à l'heure actuelle, l'humanité n'est qu'une fiction ou, si l'on préfère, une idée. Où est l'humanité? En Russie? En Amérique? Là, je vois bien des hommes, mais ils sont Russes ou Américains avant tout. En Italie? En Allemagne? Là, je vois bien des hommes, mais on m'avouera qu'ils ne songent guère à désarmer leur nationalité au profit de la fraternité humaine. En Angleterre? Mais nos voisins d'outre-Manche ne rêvent qu'à enserrer le monde entier dans les replis sans cesse étendus et multipliés de l'impérialisme britannique. Ils n'ont de considération que pour l'humanité anglo-saxonne; ils sont aussi peu internationalistes que possible; ils sont «inter-anglais», comme disait John Lemoine, qui les connaissait bien.

N'oublions pas qu'en ce moment toutes les puissances qui nous environnent sont tendues vers la guerre, et que les gouvernements ne négocient entre eux, pour ainsi dire, que le revolver à la main. Non; l'heure n'est pas venue pour la France de se fondre et de se dissoudre dans une humanité vague et indécise, sans frontières, sans rivalités, sans patries. Si la France cessait d'être la France, nous ne serions point devenus pour cela citoyens du monde, mais seulement sujets anglais, allemands ou italiens. Un peuple qui n'a point la possession de soi-même, la conscience et l'amour de soi-même, est indigne de vivre et incapable de durer. C'est pourquoi tout ce qui contribue à affaiblir en nous le sentiment patriotique,--à la veille de la grande lutte des races qui, vraisemblablement, remplira le vingtième siècle,--fait le jeu des nationalités grandissantes qui nous enveloppent et nous jalousent.

Défions-nous donc de notre coeur. Gardons-nous de désarmer imprudemment nos bras, d'énerver notre vaillance par un amour de l'humanité que nos rivaux ne paieraient point de retour. N'attaquons jamais: l'agression est impie. Mais ne laissons pas tomber de nos mains l'épée dont nous pouvons avoir besoin demain pour défendre nos droits. Il y a quelque chose de plus affligeant que la guerre, c'est la paix servile, la paix des décadents et des lâches. Soyons justes, mais soyons forts. N'est-ce pas servir encore les intérêts de la paix que de pouvoir, au besoin, l'imposer à ceux qui voudraient la troubler? Ne déposons nos armes, n'abaissons nos frontières, qu'à la condition d'une équitable et loyale réciprocité. Sous cette réserve (les femmes de France, si capables d'héroïsme, la font sûrement en leur coeur), il est bon, il est saint de rappeler aux puissances de la terre les paroles divines: «Bienheureux les pacifiques! Que la paix soit avec vous! Que la paix soit entre nous!» Et les femmes auront bien mérité de l'humanité si, par bonheur, à force de prêcher l'union entre les hommes et la fraternité entre les peuples, elles parviennent à atténuer l'horreur ou même à diminuer la fréquence des conflits qui ensanglantent le monde.

II

«Donner des leçons, se sont dit quelques institutrices ambitieuses, c'est nous condamner pour la vie à une sorte de domesticité supérieure.» Et les plus hardies se sont misés à frapper à la porte des Facultés de médecine et de droit, qui se sont ouvertes sans trop de résistance.

Quant à l'exercice de la médecine, je ne vois point qu'il soit avantageux pour personne d'en écarter les femmes. C'est la conclusion à laquelle on arrive logiquement, soit qu'on envisage leur capacité individuelle, soit qu'on interroge l'intérêt général.

Et d'abord, les femmes sont naturellement indiquées pour être herboristes, pharmaciennes ou droguistes. Plusieurs exercent déjà cette fonction à Paris et dans les grandes villes; et il est vraisemblable que leur nombre s'accroîtra rapidement. Point d'occupation plus sédentaire et qui exige plus d'ordre, plus de précision, plus de mémoire, plus de propreté,--toutes qualités vraiment féminines. Et qui plus est, la vie intérieure et les besognes domestiques n'en sont point gravement troublées ni interrompues. Trouverez-vous même si ridicule qu'une femme s'occupe d'hygiène ou de quelque spécialité médicale? qu'elle donne des soins à l'enfance ou des consultations sur les maladies de son sexe? La vocation de médecin ne me choque point chez la femme. Quoi de plus naturel qu'une femme traite, soigne et guérisse les femmes? Est-ce qu'une mère n'est pas le premier médecin de ses enfants? Quoi de plus simple que de transformer une sage-femme en doctoresse, lorsqu'elle fournit ses preuves de savoir, en passant ses examens et en conquérant tous ses grades? Laissez-lui faire ses études médicales: la clientèle peu fortunée des villes et surtout des campagnes y trouvera son compte. Bannissez des Facultés de médecine le matérialisme insolent et les libertés excessives qui effraient beaucoup de jeunes filles, et vous servirez utilement la cause de la femme et celle de l'humanité.

Quelle raison valable invoquerait-on en faveur de la prohibition? Aucune. Habituées aux travaux manuels les plus délicats, on peut croire que les femmes médecins ne seront pas moins habiles de leurs doigts que la plupart de nos docteurs. Voyez-les soigner un malade: elles font preuve presque toujours d'un sang-froid avisé, d'une dextérité ingénieuse, d'une adresse technique qui, la science aidant, en feront peut-être des praticiennes émérites. Beaucoup ne s'élèveront pas sans doute au-dessus d'une honnête médiocrité; mais tous nos médecins sont-ils des aigles? Pour ce qui est de fournir de bonnes chirurgiennes, il n'y faut guère songer, paraît-il,--un grand nombre d'opérations exigeant une application prolongée, une tension de l'esprit et des nerfs, et même une dépense de force musculaire au-dessus des moyens physiques de la femme. Nous trouvons là cette limite naturelle qui marque la frontière des privilèges virils. L'immixtion des femmes dans les fonctions masculines devra toujours s'arrêter devant les exigences organiques de leur propre constitution.

En fait, on compte à Paris une vingtaine de femmes médecins, tant françaises qu'étrangères. Et les statistiques donnent, pour toute la France, 13 000 sages-femmes et 450 femmes médecins. A l'heure actuelle, il n'est plus guère de pays où la doctoresse en médecine soit inconnue. Son utilité n'est pas contestable, surtout en province et dans nos colonies.

Autour de nous, le nombre n'est pas rare des femmes françaises,--religieuses ou laïques--qui, sous l'impression de scrupules exagérés, mais infiniment respectables, se résignent à la souffrance et préfèrent souvent perdre la santé et la vie plutôt que de recourir aux soins d'un homme, si âgé ou si discret qu'on le suppose. En plus de cette petite clientèle réservée pour laquelle les femmes médecins semblent destinées, nous serions peut-être, en cas de guerre, fort heureux de les trouver, ainsi que le prouve une expérience relativement récente. Dans la dernière campagne Russo-Turque, les médecins manquant, le gouvernement impérial fit appel aux étudiantes de quatrième et de cinquième année qui répondirent en masse. Ni le feu de l'ennemi, ni les ravages du typhus, ni l'horreur des opérations et des pansements n'ébranlèrent leur vaillance. Elles furent la consolation des blessés et excitèrent l'admiration des médecins. Si jamais la paix boiteuse dans laquelle nous vivons venait à être rompue, il est plus d'une «femme de France», dont nos chirurgiens militaires seraient à même d'apprécier, outre le zèle et le dévouement, les aptitudes médicales et les connaissances thérapeutiques.

Pour ce qui est enfin de nos possessions d'Orient, où les femmes séquestrées dans les harems n'ont point le droit d'y appeler le médecin en cas de maladie, il serait aussi moral que politique de les arracher aux praticiennes ignorantes qui les soignent ou même qui les tuent, en leur substituant des doctoresses de bonne volonté,--l'expérience ayant établi partout que celles-ci sont accueillies par les femmes arabes comme des envoyées du ciel.

Ne nous moquons point des femmes médecins. Certes, il faut se garder de leur promettre un brillant avenir. Sauf les cas restreints que nous venons d'indiquer, on ne voit pas l'avantage que les femmes pourraient avoir à grossir le personnel d'une profession où l'offre est déjà supérieure à la demande. Celles qui ont conquis leurs diplômes n'ont pas tardé à s'apercevoir qu'elles n'en trouveraient guère l'emploi dans la mère-patrie. Il faudra donc l'utiliser au loin. En Angleterre, un mouvement d'émigration des femmes médecins s'est dessiné, au cours des dernières années, vers les contrées mahométanes. L'idée était bonne; et chez nous, Mme Chellier l'a mise à profit. Triomphant de la défiance des Arabes, admise à pénétrer sous les tentes des indigènes, prodiguant ses soins aux femmes, aux enfants, parfois même aux hommes, elle a parcouru pendant des mois la Kabylie et la région de l'Aurès, gagné à la France mille sympathies et conquis pour elle-même une popularité durable. Il s'ensuit que les pays de religion islamique offrent à nos futures doctoresses un débouché immense,--je n'ose dire un débouché toujours lucratif. Ce rôle d'agents de l'influence française aurait du moins le mérite de réconcilier tous les patriotes avec le féminisme, puisqu'il serait démontré, grâce à lui, que loin de poursuivre des fins purement égoïstes, il est capable de servir utilement les intérêts généraux du pays. Dans une solennité officielle, M. le ministre Lebon a pu affirmer qu'il serait profitable à la France de confier aux femmes médecins des missions sanitaires aux colonies.

III

Depuis le 1er décembre 1900, les Françaises peuvent exercer la profession d'avocat. Avant cette date, il ne leur était pas permis de se faire inscrire au tableau de l'Ordre des avocats. Au premier abord, on ne voit pas pourquoi il leur avait été interdit de plaider, alors qu'on les autorisait à guérir.

Dans l'antiquité, le sexe faible fut admis parfois à pérorer devant la justice. L'histoire a conservé le souvenir d'une Romaine, Afrania, femme d'un sénateur, qui avait été autorisée à plaider pour autrui. Mais de cette première avocate, Valère Maxime nous donne une idée plutôt fâcheuse. Les contemporains comparaient ses clameurs à des aboiements; et telles furent ses violences et sa cupidité que «son nom devint le plus grand outrage dont on pût cingler un visage de femme.» Après avoir indiqué qu'Afrania mourut en l'an 48 avant Jésus-Christ, son sévère biographe ajoute: «Lorsqu'il s'agit d'un pareil monstre, l'histoire doit plutôt enregistrer la mémoire de sa destruction que la date de sa naissance.»

Cela soit dit sans offenser Mlle Chauvin qui, pour avoir sollicité, de nos jours, l'honneur de prêter le serment d'avocat et de paraître à la barre d'un tribunal, a mérité le bonheur de voir son nom passer à la plus lointaine postérité. En revendiquant le droit de plaider pour autrui, elle n'a point obéi, soyez-en sûrs, à de mesquins sentiments de vanité ou d'intérêt personnel. Son but était plus noble et plus désintéressé: poser un principe, établir un usage, conquérir une liberté pour son sexe, affirmer le droit des femmes. En personne clairvoyante, elle n'a pas eu de peine à reconnaître les imperfections de notre organisation sociale, et qu'aux misères, qui affligent notre vieux monde, il n'est qu'un remède que son sexe brûle de nous administrer avec sagesse et autorité. On l'a déjà deviné: il n'y a pas en France assez d'avocats. Nos deux Chambres en font une si effrayante consommation! Trop peu de gens pérorent à la face des juges; le prétoire est silencieux et désert. Il est grand temps que les femmes comblent les vides de la corporation.

Que si l'on ne goûte point cette explication, on reconnaîtra, du moins, que la revendication de Mlle Chauvin était des plus raisonnables et des plus logiques. Lorsqu'elle conquit son grade de docteur en droit, il était facile de prévoir que son ambition ne serait pas satisfaite par la possession d'un titre nu, d'un parchemin décoratif, et que, sachant vaincre, elle chercherait à profiter de la victoire. Comment! les femmes sont admises, dans nos Facultés de droit, à suivre les cours et à passer les examens; et, leurs études terminées, on leur défendrait d'en tirer parti! Voici une jeune fille qui a obtenu le titre de docteur: comme ses camarades de l'autre sexe, elle veut l'utiliser, le monnayer, se faire une clientèle, se créer une position, bref, tirer de son grade toute la valeur commerciale qu'il comporte pour la faire vivre; et la magistrature refuserait de l'admettre au serment, et le barreau ne consentirait point à ce qu'on l'inscrive au tableau! C'est une duperie, une contradiction, une impossibilité. Doctoresses en médecine, il a bien fallu leur permettre d'exercer la profession médicale. Licenciées en droit, il était inévitable qu'on les admît à exercer la profession d'avocat. Leur conférer des diplômes sans les autoriser à en bénéficier, c'était, ni plus ni moins, une offense à la logique et un déni de justice.

Si pressantes que fussent ces considérations, les Cours d'appel de Turin, de Bruxelles et de Paris s'accordèrent pour fermer aux femmes l'accès du barreau 190. Le 1er décembre 1897, sur les conclusions de M. le Procureur général, Mlle Chauvin fut «déboutée» de ses prétentions. Les motifs de l'arrêt sont tirés, en substance, de l'ancien droit et des traditions du barreau. Lorsque le législateur a rétabli l'Ordre des avocats sous le premier Empire, il a voulu, dit-on, revenir aux coutumes et aux règles qui étaient en vigueur avant la Révolution; or, dans l'organisation parlementaire d'autrefois, cette profession avait toujours été considérée comme un «office viril»; donc, aujourd'hui encore, la femme ne saurait y prétendre.

Note 190: (retour) Voyez la Femme devant le Parlement, de M. Lucien Leduc. Paris, Giard, 1898, pp. 302 et suiv.

Ce syllogisme est d'une rigueur contestable. Bien que nos tribunaux aient pour mission d'appliquer la loi et non de la corriger, et qu'ils ne soient point recevables, conséquemment, à rechercher (l'arrêt en fait la remarque) si le progrès des moeurs rend désirable que la femme soit admise à l'exercice de la profession d'avocat, il est difficile de croire que le Corps législatif de 1812 ait eu l'intention de repousser le serment des femmes licenciées. A la vérité, une pareille prohibition n'est point entrée dans son esprit, pour cette bonne raison que l'hypothèse de la femme avocat paraissait alors invraisemblable. Reste le texte de loi qui, en termes généraux, admet au serment «les licenciés en droit;» et, à moins de prétendre que l'emploi du genre masculin est toujours restrictif du genre féminin,--ce qui n'est point acceptable,--il eût été plus logique d'ouvrir aux femmes, par arrêt de justice, la porte du barreau, comme leur est ouverte celle des Facultés de droit qui la commande et y conduit. Pourquoi les exclurait-on d'une profession intellectuelle qui n'exige qu'une dépense ordinaire de force physique, alors qu'il ne vient à l'idée de personne de leur interdire les occupations manuelles pourtant plus fatigantes et plus dures? D'autant plus que la capacité est de règle générale, que les incapacités ne se présument pas plus que les déchéances et les pénalités, que l'interprète ne doit pas distinguer là où le législateur ne distingue point, et qu'enfin, dans le silence des textes, la mission de la jurisprudence est de suivre l'évolution des moeurs et de seconder la marche des idées.

Au surplus, la question n'a pas été enterrée par cette sentence, restrictive. Mlle Chauvin n'est point la seule femme qui ait fait ses études juridiques. Il y a, sur les bancs de nos Écoles de droit, d'autres étudiantes qui brûlent du même feu sacré. C'est pourquoi, à défaut des magistrats qui se sont obstinés à faire la sourde oreille, notre Parlement s'est empressé de leur octroyer, par une loi spéciale, en date du 1er décembre 1900, la faculté de plaider devant les tribunaux français.

A cela, point d'inconvénients graves. Dernièrement un bâtonnier de Paris déclarait au Palais: «Nous autres gens de robe, nous sommes tous féministes.» C'est beaucoup dire; mais, après tout, il n'est aucune bonne raison d'écarter les femmes de la barre. Redouterait-on, par hasard, leur concurrence? Trouverait-on libéral de les évincer du barreau, comme d'autres ont voulu les expulser de certaines écoles ou de certains ateliers? Robes contre robes! Nous ne prêterons point à Messieurs les avocats d'aussi misérables calculs: un tel ostracisme serait cruel autant que ridicule. Il n'est pas à craindre, d'ailleurs, que les femmes leur disputent sérieusement la clientèle des plaideurs. Le barreau est trop encombré pour qu'elles s'y précipitent en foule au préjudice des situations acquises.

Laissons donc les femmes plaider, puisqu'elles le veulent. Outre qu'à faire ce qu'elles désirent on a généralement la paix, le meilleur moyen de désarmer un caprice est encore de le satisfaire; et comme la plupart ne tenaient à être avocates que parce que cette fonction leur était défendue, il est vraisemblable que, depuis qu'elle leur est permise, beaucoup en perdront l'envie. Rechercheront seules les luttes et les contentions de la chicane celles qui, douées de facultés et de goûts heureusement assez rares, se feront un jeu de sacrifier la retenue de leur sexe à l'exhibition publique de leur personnalité.

Ne craignons donc point que la loi, qui a ouvert toutes grandes devant ces dames les portes du Palais, précipite vers le barreau une multitude impétueuse de femmes loquaces et grandiloquentes. En tout cas, lors même que le nombre des «avocates» ne serait pas très considérable, les plaideurs, du moins, auront le droit de choisir, à leur guise, sans distinction de sexe, celui ou celle qu'ils trouveront digne de défendre leurs intérêts.

IV

Reste à savoir si la justice gagnera quelque chose à cette intervention des femmes. La question est complexe et vaut la peine d'être examinée.

Et d'abord, pourquoi le barreau eût-il été inaccessible aux femmes? Ce n'est pas une situation bien difficile à conquérir. Nous savons, hélas! par une expérience déjà longue, que le grade de licencié en droit et le titre d'avocat, qui en est le couronnement le plus fréquent, sont à la portée de toutes les intelligences. Il n'est pas à craindre, d'autre part, que les femmes soient jamais embarrassées de parler: elles ont le don des langues, l'esprit de contradiction; elles sont raisonneuses, opiniâtres, souples, rusées, habiles et promptes à la riposte; elles savent d'instinct aiguiser le trait. Dira-t-on qu'elles jouissent précisément d'une élocution si facile, si abondante, qu'on peut appréhender qu'elles n'usent avec excès des droits sacrés de la défense? Certes, l'expérience atteste que les femmes silencieuses ou discrètes sont rares. Et c'est une réflexion de Montaigne que «la doctrine qui ne peut leur arriver ne l'âme, leur demeure en la langue.» Déjà, avec nos avocats, les audiences sont interminables; avec ces dames, ne sera-t-il pas plus difficile de mettre un frein aux épanchements de leur verbe? Dès qu'on aura donné la parole aux femmes, comment fera-t-on pour la leur retirer? Je réponds qu'il appartiendra aux juges de s'armer de courage et de sévérité.

On a vu un autre inconvénient grave,--maintenant que les prévenus peuvent se faire assister de leur avocat,--à donner accès à une doctoresse, fût-elle un peu mûre, dans le cabinet du juge d'instruction; car, à partir de ce moment, les secrets de la procédure seraient trop mal gardés. Mais les âmes sensibles ont répondu que les rudesses du magistrat inquisiteur et les désagréments de l'interrogatoire seront adoucis et égayés par les grâces d'un charmant tête-à-tête.

On a fait remarquer, dans le même ordre d'idées, que, par le contact du beau sexe, les conversations de couloir se transformeraient naturellement en flirts galants; que la salle des Pas perdus, qui retentit souvent des propos les plus libres, deviendrait une sorte de grand salon où fleuriraient toutes les civilités; que le langage du prétoire prendrait, de la sorte, plus de discrétion et de retenue; bref, que la vie et les moeurs du Palais en seraient comme renouvelées, tempérées, affinées. Est-ce donc à dédaigner? On ajoute qu'aux plaidoiries de ces dames les magistrats seront tout yeux et tout oreilles: on a beau être juge, on n'en est pas moins homme. Quant à penser que les magistrats seraient capables de faire une infidélité à la justice, par condescendance pour les grâces oratoires et les charmes persuasifs de la femme avocat, c'est une inconvenance à laquelle personne ne voudra s'arrêter une minute.

Il y a bien encore la question du costume, mais quelle folie de vouloir interdire aux femmes le port de la robe! Par une coutume, où il n'est point défendu de voir un symbole plein de sens, nos avocats portent, de tradition immémoriale, la robe et le rabat,--nous pourrions dire, si nous n'avions peur de choquer de très dignes susceptibilités, le jupon et la bavette. Pas besoin pour les femmes, qui voudront fréquenter le prétoire, de modifier beaucoup leur costume. Puisque les avocats s'habillent en femmes, les femmes peuvent bien s'habiller en avocats. Les juges eux-mêmes portent la toge. Est-ce que Rochefort ne les appelle pas chaque jour des «enjuponnés?» Sans compter que la toque ne ferait pas si mal sur une jolie tête; et vous pensez bien que ces demoiselles ne manqueront pas d'y ajouter bien vite des fleurs, des rubans ou quelque orgueilleux plumet.

On dit encore qu'il faudra modifier, à leur égard, les traditionnelles formules. Pas moyen de saluer une doctoresse par ces mots: «Mon cher confrère! Mon cher maître!» Et d'autre part, il serait inconvenant de féminiser cette dernière appellation. L'appellera-t-on «avocate»? Les puristes s'y refusent. A quoi de saintes âmes ont répondu que les catholiques, dans leurs prières, donnaient ce nom à la Vierge: Advocata nostra! ce qui signifie précisément qu'elle plaide notre cause auprès du Grand Juge. Pourquoi ce qui se dit en latin ne se dirait-il pas en français? C'est une simple habitude à prendre.

Vraiment, j'ai honte de traiter si légèrement une si grave question; mais le Français, né malin, est devenu si spirituel, qu'il nous ferait un crime de ne point flatter un peu sa manie. Très sérieusement, cette fois, j'ai l'idée que les femmes pourraient bien faire de terribles avocats. Lorsqu'elles se jugent en possession de la vérité,--et il leur est habituel de se croire infaillibles,--leur coutume est de s'y cramponner avec une obstination démonstrative. Joignez que la première qualité d'un avocat, c'est la souplesse. Pour défendre une bonne cause, et surtout pour gagner un mauvais procès, il lui faut un esprit fin, subtil, fécond en ruses de procédure, tout un ensemble de qualités professionnelles que les hommes auraient tort de revendiquer pour eux seuls.

Il est vrai que lorsqu'une femme traite ses propres affaires, tout ce qui va contre son gré ou son caprice est réputé non avenu. Une loi qui la gêne est une loi absurde. La vue exclusive de ce qu'elle croit son intérêt ou son droit, l'aveugle et l'hypnotise. C'est son malheur de ne point savoir douter, quand ce qu'elle aime ou ce qu'elle désire est en cause. Elle devient alors une créature de parti pris et de passion, et elle perd, du coup, le sens des affaires et la conscience de la justice. J'enregistre en passant cette attestation d'un maître du barreau: «Il n'est point d'avocat qui n'ait été, à ses débuts, stupéfait de l'intelligence têtue que certaines femmes, d'ailleurs très fines et très avisées, mettent à lutter contre le droit et l'évidence, dès qu'il s'agit de leurs propres intérêts 191

Note 191: (retour) André Hallays, Les Femmes au barreau. Journal des Débats du 19 septembre 1897.

Seulement le même écrivain se hâte d'ajouter qu'en ce qui concerne les affaires des autres, ces mêmes femmes retrouvent immédiatement leur sang-froid et leur lucidité. Point de doute que certaines «avocates» ne se montrent très capables de classer un dossier et d'exposer une affaire, et que, l'expérience aidant, elles ne fassent preuve d'un coup d'oeil, d'une prudence, d'une imagination, d'une fertilité de moyens à déconcerter un vieux procureur. Mais, encore une fois, elles seront peu nombreuses,--l'activité des diplômées devant se porter, semble-t-il, avec plus de raison et plus de profit, vers les carrières sédentaires et tranquilles de la bureaucratie.

V

L'arrêt de la Cour de Paris, qui a refusé d'admettre Mlle Chauvin à prêter le serment d'avocat, signale les étroites relations de la magistrature et du barreau. En effet, les avocats sont appelés, le cas échéant, à suppléer les juges. Or, il est incontestable que la femme ne saurait, dans l'état actuel de notre législation, siéger comme magistrat. Et l'arrêt précité en tirait argument pour interdire à la femme la profession d'avocat.

Au point de vue rationnel qui est le nôtre, il n'y a peut-être point une si indissoluble affinité entre la fonction d'avocat et la magistrature du juge. Et tout en ouvrant la première à la femme, nous serions disposé à lui fermer la seconde. A ce qu'elle plaide, il y a peu de danger; mais à lui permettre de juger, nous voyons des inconvénients graves. Le Parlement a partagé cet avis et consacré cette distinction.

Franchement, il nous répugnerait infiniment de comparaître devant un aéropage féminin, parce que (soyons franc) nous n'avons pas la moindre confiance dans l'esprit de justice des femmes. Elles sont trop impressionnables, trop sensibles, trop irascibles. Mais oui! leur colère est plus exaltée que la nôtre. Nulla est ira super iram mulieris, lit-on dans l'Ecclésiaste. C'est encore un fait d'expérience, que les femmes oublient et pardonnent moins facilement que les hommes. Elles ont un esprit de rancune, un goût de vengeance, plus vivace, plus ardent, plus obstiné. Presque toutes les dénonciations anonymes, que reçoit la police, sont l'oeuvre de femmes vindicatives.

Et quel sentiment leur est plus naturel que la jalousie? C'est ce qui les rend si facilement médisantes. Avez-vous remarqué qu'entre elles, elles se traitent beaucoup plus en rivales qu'en amies? Leurs impressions sont si mobiles que certaines inclinent même à affirmer, comme des réalités indubitables, les bruits qu'elles recueillent ou qu'elles inventent. Pour faire de bons juges, elles devraient donc renoncer à leurs plus jolis défauts, et aussi à leurs qualités les plus séduisantes qui, chez elles, ne manquent point de tendre constamment des pièges au sentiment de la justice.

Il n'est pas jusqu'à leur bonté, en effet, qui ne nous fasse douter de leur impartialité. En toute matière, les questions de personnes priment, à leurs yeux, les questions de principes. Elles tirent la solution de leur coeur. Le jugement logique et la raison démonstrative ont moins de prise sur leur esprit qu'une émotion quelconque. Elles auraient mille peines à s'empêcher d'absoudre par pure sympathie ou à s'abstenir de condamner par simple animosité personnelle. «La plupart des femmes n'ont guère de principes, dit La Bruyère; elles se conduisent par le coeur.» Bien vraie encore cette pensée de Thomas: «Les femmes font rarement comme la loi qui prononce sans aimer ni haïr. Leur justice, à elles, soulève toujours un coin du bandeau pour voir ceux qu'elles ont à condamner ou à absoudre.» C'est bien cela: leurs sentences procèdent du coeur plus que de la froide et impartiale raison.

Sans doute, il faut convenir que notre magistrature masculine n'est pas incapable de passion; l'intérêt ou l'antipathie peut l'entraîner à un déni de justice. La faveur politique a trop de part dans son recrutement, pour qu'elle assure toujours aux justiciables de France une impeccable et sereine impartialité. Et puis, le plus honnête magistrat du monde n'est point parfait. Encore est-il douteux que la femme puisse faire un aussi bon juge que l'homme, par cette raison que, même en fermant les yeux sur les autres imperfections de son sexe, elle a le grave défaut de garder difficilement cet équilibre, cette pondération, cette stabilité entre les impressions contraires, qui est la grande préoccupation de l'homme juste. Le sentiment, que nous savons prépondérant chez le sexe faible, empêche le jugement d'être attentif et froid, suffisamment sûr, scrupuleusement équitable. Les natures sensibles restent difficilement dans la vérité. Leur raison est à la merci des émotions violentes.

Et ce n'est pas faire injure aux femmes que de se défier de leurs jugements sur les personnes et les choses qu'elles aiment ou qu'elles détestent. Les plus distinguées conviennent, en cela, de leurs faiblesses. Témoin cet aveu de Mme de Rémusat: «Douées d'une intelligence vive, nous entendons sur-le-champ, devinons mieux et voyons souvent aussi bien que les hommes. Mais trop facilement émues pour demeurer impartiales, trop mobiles pour nous appesantir, apercevoir nous va mieux qu'observer.» Mauvaise disposition pour bien juger!

Au vrai, la conscience féminine a des soubresauts et des oscillations, qui la jettent à droite ou à gauche en des excès de faiblesse ou de sévérité. Tranchons le mot: la femme est une personne antijuridique, qui ramène (j'y insiste) toute question de justice, soit à la sympathie qui absout par tendresse ou par commisération, soit à l'antipathie qui condamne par aversion ou par dépit. Autrement dit, plus compatissantes et plus charitables que nous, les femmes, en revanche, sont moins équitables. L'injustice est leur péché capital. Bien peu y échappent. Passionnées naturellement, partiales inconsciemment, elles s'émeuvent trop profondément, trop brusquement pour bien juger. L'amour et la haine ont trop d'empire sur leurs âmes. Chez elles, surtout, la tendre commisération l'emporte sur la stricte équité. Après s'être apitoyées sur la victime, elles s'apitoieront sur le condamné. Après avoir crié vengeance, elles demanderont grâce. Abandonnez les criminels à la justice mobile des femmes, et elles les condamneront tous dans le premier mouvement, quitte à les remettre en liberté dans le second.

Mettons que j'exagère. Faisons même aux femmes, si vous voulez, une place dans les juridictions professionnelles, tels que les Conseils de prud'hommes et les Tribunaux de commerce. Il reste que leur admission à la magistrature civile--et surtout au jury criminel, dont les décisions déconcertent déjà la justice et le bon sens,--serait un remède pire que le mal. Cela est si vrai que certains États occidentaux de l'Union américaine les ont exclues du jury, après les y avoir admises à titre d'essai, parce qu'elles jugeaient avec la passion et le sentiment, sans tenir compte des preuves.

En somme, des deux attributs de la justice,--la balance et le glaive,--la femme magistrat n'emploierait que le second. Elle frapperait sans doute de son mieux, à droite et à gauche, avec une sainte colère, mais sans peser préalablement le pour et le contre dans la paix et la sérénité de sa conscience. Conservons donc à nos juges masculins le monopole de la justice; mais, de grâce! choisissons-les bien. A parler franchement, les femmes auraient tort de prétendre à toutes les fonctions viriles à la fois. Un peu de patience, s'il vous plaît! On verra plus tard. L'avenir de la femme dépend des fruits que produira l'émancipation graduelle de son sexe.



CHAPITRE IX

Le féminisme colonial


SOMMAIRE

I.--Encombrement de tous les emplois dans la mère-patrie.--Émigration des femmes aux colonies.

II.--La française est trop sédentaire.--Pas de colonisation sans femmes.--Les appels de l'«union coloniale».

III.--Conclusion.--Est-il à craindre que l'émancipation économique dénature et enlaidisse la française du XXe siècle?--Résistances masculines.--Avis aux femmes.


Et maintenant une réflexion générale s'impose. Ouvrons aux femmes tous les emplois industriels, toutes les carrières libérales: en seront-elles beaucoup plus avancées? pourront-elles se frayer un chemin à travers la foule qui les encombre? Retenons qu'à chaque porte les hommes se bousculent et s'écrasent. Est-il donc croyable que le sexe faible parvienne à enlever au sexe fort des occupations rémunératrices, pour chacune desquelles les candidats affluent et surabondent. En France, les places manquent aux hommes: comment voulez-vous qu'elles suffisent aux femmes? Dès lors, puisque les fonctions intérieures sont occupées, surpeuplées, saturées, il n'est, pour vivre, que d'aller chercher au dehors des occasions de travail qui font défaut dans la mère-patrie.

I

Point besoin, pour cela, d'émigrer à l'étranger. Nos colonies nouvelles, où tout est à créer, offrent aux femmes intelligentes et courageuses des débouchés et des ressources qu'elles chercheraient vainement dans la métropole, où l'encombrement des professions condamne les mieux armées pour la lutte à la souffrance ou à la médiocrité. Que ne sont-elles plus nombreuses les femmes de nos petits fonctionnaires qui, n'écoutant que leur bravoure et leur dévouement, s'en vont sur les terres neuves servir la patrie aux côtés de leurs maris? Combien de jeunes filles méritantes, adroites, économes, qui traînent une vie étroite et gênée parmi les durs travaux d'un ménage besogneux, dans les mansardes des grandes villes ou dans quelque bicoque lézardée de nos provinces endormies,--et qui pourraient trouver au-delà des mers, avec une existence plus libre et plus large, un emploi, une situation, souvent même une famille?

Car dans toute entreprise de colonisation, le mariage doit être l'événement final désiré, la conclusion entrevue et préparée. A quoi bon émigrer pour se créer au loin un foyer qui risque de rester désert? A peine connues, les nouvelles arrivantes seraient accueillies avec faveur et, pour peu qu'elles fussent avenantes et de bonnes façons, traitées par les colons en épouses possibles. Les femmes font prime en de certaines colonies. Je sais bien que les gens qui s'effraient de toute nouveauté, n'ont pas assez de plaisanteries pour ces «théories» de jeunes filles, pour ces convois précieux de chères créatures d'une garde si difficile, que nous convions à la conquête du monde sauvage. Mais nous sommes loin de l'ancien régime, qui confiait aux Manon Lescaut le soin de peupler et de réjouir ses colonies.

En réalité, il existe, dans nos possessions d'outre-mer, des situations, des professions même essentiellement féminines, qui, au regret des colons, n'ont pas encore de représentants. M. Chailley-Bert, qui s'est fait une spécialité des questions coloniales, nous apprenait récemment qu'en Indo-Chine, des villes, comme Hanoï, Haïphong, Nam-Dinh, ont besoin de couturières et de modistes; que les fonctionnaires mariés, résidents de toutes classes, généraux et officiers supérieurs, directeurs des travaux publics et des affaires indigènes, sollicitent parfois des institutrices pour l'éducation de leurs enfants; que les commerçants et les agriculteurs souhaiteraient souvent de confier à une comptable entendue la direction de leur intérieur ou les menues besognes de leur domaine; bref, que, dans la société de là-bas, il y a des cases vides qui pourraient être occupées avec profit par les femmes.

II

Mais il faudrait avoir le courage d'émigrer. Et par malheur, la Française est beaucoup moins voyageuse, beaucoup moins déracinable que l'Anglaise ou l'Américaine, qui part gaiement, bras dessus bras dessous, avec son homme, pour chercher la fortune et fonder une famille aux quatre points cardinaux.

On a beau lui dire, avec M. Jules Lemaître, qu'elle trouverait au-delà des mers un «emploi de son énergie» plus «intéressant» et plus «profitable» que de tirer le diable par la queue dans une étroite chambre de Paris, et qu'en suivant là-bas son cousin ou son ami d'enfance, elle deviendrait «la reine d'une concession» fondée dans la brousse et conquise sur la barbarie par son brave petit mari; on a beau lui dire, avec Mme Arvède Barine, qu'une fille bien née, qui a bon pied, bon oeil, la tête fière et le coeur chaud, devrait «faire faire la lessive sous une autre latitude à des femmes noires, jaunes ou brunes,» plutôt que de «la couler elle-même toute sa vie en vue du clocher natal;» on a beau lui rappeler ses ancêtres, les braves femmes de Normandie ou de Bretagne, qui ont contribué à fonder et à peupler le Canada: c'est en vain. Elle ne se sent qu'une très médiocre inclination pour les aventures et les hardiesses de la vie coloniale. Combien de Parisiennes étouffent, pâlissent, végètent, souffrent, languissent au cinquième étage de la capitale? Allez donc les arracher au boulevard! Rien que la banlieue leur paraît un lieu d'exil.

Et la provinciale n'est pas plus facile à transplanter. C'est une sorte d'esclave volontaire attachée à la glèbe. Au bout de quelques semaines de déplacement, lorsqu'elle se risque à voyager, elle a comme la nostalgie de son clocher. Briser les mille liens de la famille, des relations, des habitudes, qui l'enchaînent au sol, est un sacrifice qu'elle n'accomplit jamais de son plein gré. Dire adieu à la terre et au ciel de la douce France, est une rupture à laquelle elle ne se résout point sans douleur et sans regret.

Et pourtant, comment le Français peut-il devenir aventureux et se faire colon, si la Française refuse de le suivre ou l'empêche de partir? C'est bien la peine d'exciter le coq gaulois à s'envoler par-delà les mers, si les poules mouillées, qui l'entourent, se cramponnent obstinément à leur perchoir! S'enfermer entre les frontières de la France, sous prétexte qu'il fait trop de chaleur au sud, trop de neige au nord, trop de vent à l'est, trop de pluie à l'ouest, c'est, pour parler comme Mme Arvède Barine, «agir et raisonner en empaillée.»

Si le féminisme est vraiment une doctrine de fierté, de courage et d'indépendance, ennemie du préjugé, de la routine, de l'immobilité, s'il aime à copier les libres allures de l'Anglaise et de l'Américaine, il doit s'appliquer sans retard à convertir la Française d'aujourd'hui, si timide et si casanière, en forte et brave créature résolue à secouer ses habitudes sédentaires, à lâcher les jupes de sa maman, à conquérir la pleine liberté de ses mouvements. Il y va de son intérêt, de la fortune de son mari, de l'avenir de ses enfants et, par surcroît, de la grandeur et de la vitalité du pays. En France, je le répète, les places manquent aux hommes et aux femmes, tandis que nos colonies leur offrent des terres vacantes, des emplois inoccupés: qu'ils aillent donc les prendre! Symptôme rassurant: on nous affirme que les femmes françaises, en quête d'une position, ne sont pas restées sourdes aux appels de l'Union coloniale, instituée précisément pour diriger un courant d'émigration des deux sexes vers nos possessions d'outre-mer. Des institutrices, des couturières, des modistes, des sages-femmes et même des demoiselles sans profession, poussées par le bon motif, se mettent avec empressement à la disposition du comité. Il s'est même constitué une «Société française d'émigration des femmes,» dont Mme Pégard est la secrétaire générale.

Voilà du féminisme utilitaire et patriotique! Pour conclure, la femme libre, l'Ève nouvelle, l'indépendance et l'égalité intégrales des sexes ne sont que des «turlutaines» inquiétantes ou risibles. Mais on a pu voir qu'à côté de ce féminisme extravagant, qui est une pose et parfois même une carrière, et dont les élucubrations seraient plutôt joyeuses, si elles n'achevaient d'affoler quelques cervelles déjà portées aux hallucinations les plus chimériques et aux rêveries les plus fâcheuses,--il en est un autre sérieux, pratique, sensé, qui s'efforce de faire à la femme contemporaine une situation digne des temps nouveaux.

III

Et maintenant, que les philosophes, les poètes et, plus généralement, tous les esprits délicats sur lesquels la femme a conservé la souveraineté de l'amour et de la beauté, s'affligent de l'«industrialisme» qui l'envahit et la vulgarise; qu'ils s'effraient de la diminution du sens esthétique, de la préoccupation excessive des soucis d'argent, des brutalités croissantes du combat pour la vie, qui étouffent et abolissent la douceur, la finesse, la tendresse, tous les dons, toutes les grâces du sexe féminin; qu'ils dénoncent le féminisme comme un malheur public; qu'ils y voient une déviation des aptitudes rationnelles de la femme, une perversion de son rôle traditionnel, une dégénérescence où s'émoussent peu à peu toutes les amorces dont la nature l'a douée pour la survivance et le salut de l'espèce,--rien n'y fera. Il faut vivre.

Et, suivant toute vraisemblance, cette loi de dure nécessité pèsera douloureusement sur le XXe siècle qui commence. Mais ayons foi dans l'éternel féminin. A ceux qui pensent avec tristesse et découragement que, dans ce nouvel état de choses, la femme perdra la plupart des qualités dont son charme est fait, et qu'à force de poursuivre les mêmes vues, les mêmes ambitions et les mêmes carrières que l'homme, à force de se rapprocher de lui par ses allures, ses dehors et son langage, elle ne peut manquer de se dénaturer et de s'enlaidir; à tous ceux, en un mot, qui tremblent de la voir se viriliser grossièrement, nous avons une remarque rassurante à faire: la femme est possédée du démon de la coquetterie. Ainsi le veut la nature. Et c'est heureux; car pour plaire aux hommes, il n'est pas possible que jamais la femme cesse tout à fait d'être femme.

Convient-il donc, pour finir, de crier aux hommes en possession de tous les emplois lucratifs: «Place aux femmes»? Ce serait peine perdue. Notre sexe n'abandonnera point sans combat les postes qu'il détient de temps immémorial. Il y aura lutte: les femmes peuvent y compter. D'autre part, la nature les prédestinant, avant tout, au rôle d'épouse et de mère, ce n'est point trop dire que la plupart d'entre elles ne sont pas faites pour les carrières actives et les professions contentieuses.

Il ne sera donc profitable qu'à une minorité de mener une existence dissipée en occupations extérieures. Combien peu réussiront, notamment, dans les fonctions libérales dont tant d'hommes font le siège, eux aussi, sans succès et sans profit! La médecine et surtout le barreau réservent aux futures doctoresses plus de déboires que d'affaires et de clients. Si même, par malheur, le sexe féminin arrivait à prendre pied solidement dans les positions que nous occupons en maîtres, nous estimons qu'il n'aurait guère à s'en féliciter. Ne verrait-on pas alors se multiplier le nombre des maris parasites vivant du travail de leurs femmes? Trop nombreux sont déjà ces hommes méprisables entre tous, depuis le gentilhomme ruiné qui redore son blason avec la dot d'une roturière, jusqu'à l'ignoble Coupeau qui mange, en bombances malpropres, le gain de Gervaise la blanchisseuse. L'histoire atteste que là où les femmes font la besogne des hommes, ceux-ci traînent dans l'oisiveté et la dépravation une existence inutile et despotique.

Que si, enfin, ces prévisions à longue échéance paraissaient excessives ou aventureuses, on nous concédera, au moins, que tout progrès réalisé par la femme dans la voie de l'égalité économique et sociale, avivera la lutte pour la vie entre les deux moitiés de l'humanité. Chaque droit qu'elle aura conquis nous déchargera d'une partie de nos devoirs envers elle. Tolstoï l'a dit avec esprit: «C'est parce qu'on leur refuse des droits égaux à ceux des hommes, que les femmes, comme des reines puissantes, tiennent dans l'esclavage... les neuf dixièmes de l'humanité.» Mais dès que l'égalité sera rétablie et la bataille imprudemment commencée, j'ai l'idée que la brutalité masculine aura beau jeu. Qui sait si, habitué à voir dans la femme, non plus un être faible à protéger, mais une concurrente à redouter et une rivale à combattre, l'homme ne lui fera pas payer en rudesse ce qu'elle aura gagné en indépendance? C'est pourquoi nous la supplions de ne point se précipiter à l'assaut des carrières viriles par bravade ou par vanité, et de ne marcher sur les brisées des hommes qu'autant que la nécessité l'y contraindra. Hors d'une situation à conquérir pour soutenir le poids de la vie, ses ambitions inconsidérées lui vaudraient peut-être de dures représailles. Où l'âpre concurrence commence, la douce urbanité finit.




                          TABLE DES MATIÈRES

                                                                  PAGES

AVERTISSEMENT AU LECTEUR

LIVRE I
TENDANCES ET ASPIRATIONS FÉMINISTES

CHAPITRE I
L'esprit féministe

I.--Ce que la féminisme pense de l'assujettissement et de
l'imperfection de la femme moderne.--A qui la faute?--Symptômes
d'émancipation.                                                     1

II.--Genèse de l'esprit féministe en France.--Son but.--Rêves
d'indépendance.                                                     4

III.--Les doléances du féminisme et «les droits de la femme». Notre
plan et notre division.                                             6

CHAPITRE II
Tendances d'émancipation de la femme ouvrière

I.--D'où vient le féminisme?--Son origine américaine.--Ses
tendances diverses.                                                10

II.--Affaiblissement de la moralité du peuple.--L'ouvrier ivrogne
et débauché.--Pauvre épouse, pauvre mère!                          12

III.--Difficultés croissantes de la vie.--La main-d'oeuvre et
l'épargne de l'ouvrière.                                           15

CHAPITRE III
Tendances d'émancipation de la femme bourgeoise

I.--Portraits, d'aïeules.--Nos grand'mères et nos filles.--La
Parisienne et la Provinciale.                                      17

II.--Les émancipées sans le savoir.--La faillite du mari.          20

III.--Les jeunes filles de la petite et de la haute
bourgeoisie.--Soucis d'avenir des premières, goûts d'indépendance
des secondes; hardiesse et précocité des unes et des autres.       22

IV.--Les fautes de l'homme.--La femme lui prend ses idées
d'indépendance.                                                    24

CHAPITRE IV
Tendances d'émancipation de la femme mondaine

I.--Les outrances du théâtre et du roman.--Le monde où l'on
s'amuse.--Le féminisme exotique et jouisseur.                      27

II.--La femme oisive et dissipée.--Ce qu'est la mère, ce que sera
la fille.                                                          29

III.--Demi-vierge et demi-monstre.--Où est l'éducation familiale
d'autrefois?                                                       31

CHAPITRE V
Tendances d'émancipation de la «femme nouvelle»

I.--Les professionnelles du féminisme sont de franches
révoltées.--Le prolétariat intellectuel des femmes.                33

II.--Nouveautés inquiétantes de langage et de conduite.--La femme
«libre».--État d'âme anarchique.                                   35

CHAPITRE VI
Modes et nouveautés féministes

I.--Le féminisme opportuniste.--Son programme.--Sports virils.--Ce
qu'on attend de la bicyclette.                                     39

II.--La question de la culotte et du corset.--Pourquoi le costume
féminin se masculinise.--Exagérations fâcheuses.                   42

III.--La femme a tort de copier l'homme.--Qu'est-ce qu'une belle
femme?                                                             47


LIVRE II
GROUPEMENTS ET MANIFESTATIONS FÉMINISTES

CHAPITRE I
Le féminisme révolutionnaire

I.--Les groupements féministes d'aujourd'hui.--Prétentions
collectivistes.--Point d'émancipation féministe sans révolution
sociale.                                                           51

II.--Schisme entre les prolétaires et les bourgeoises.--Les
intérêts de l'ouvrier et les intérêts de l'ouvrière.               55

CHAPITRE II
Le féminisme chrétien

I.--La Bible des hommes et la Bible des femmes.--L'esprit
catholique et l'esprit protestant.                                 59

II.--Rudesse des Pères de l'Église envers l'Ève pécheresse.--Le
Christ fut compatissant aux femmes.--Sa religion les réhabilite
et les ennoblit.                                                   62

III.--Le féminisme intransigeant est un renouveau de l'esprit
païen.--L'égalité humaine et la hiérarchie conjugale.              66

IV.--Double courant des idées chrétiennes.--Tendances catholiques
et protestantes favorables à la femme.--Féminisme qu'il faut
combattre, féminisme qu'il faut encourager.--Organes du féminisme
chrétien.                                                          70

CHAPITRE III
Le féminisme indépendant

I.--Point de compromission avec le socialisme ou le
christianisme.--Les hommes féministes.--Leurs fictions
poétiques.--La femme des anciens temps.                            75

II.--Le matriarcat.--Ce qu'en pensent les féministes; ce qu'en
disent les sociologues.                                            78

III.--La femme libre d'autrefois et la dame servile
d'aujourd'hui.--Opinions de quelques notables écrivains.--Leurs
exagérations littéraires.                                          81

IV.--Les droits de l'homme et les droits de la femme.--Ce que la
femme peut reprocher à l'homme.                                    83

CHAPITRE IV
Nuances et variétés du féminisme «autonome»

I.--Les modérées et les habiles.--La droite libérale.              88

II.--Les intellectuelles et les propagandistes.--Le centre
féministe.                                                         90

III.--Les radicales et les libres-penseuses.--Le parti
avancé.--L'extrême-gauche intransigeante.--Effectif total des
différents groupes.                                                92

CHAPITRE V
Manifestations et revendications féministes

I.--Tentatives d'association nationale et internationale.--Causes
diverses de force et de faiblesse.--Les trois congrès de 1900.     97

II.--La Droite féministe.--Congrès catholique.--Premier début du
féminisme religieux.                                              100

III.--Le Centre féministe.--Congrès protestant.--Moins de bruit
que de besogne.                                                   103

IV.--La Gauche féministe.--Congrès radical-socialiste.--Tendances
audacieuses.                                                      105

V.--Que penser de ces divisions?--En quoi le féminisme peut être
dangereux et malfaisant.--Complexité du problème féministe.--Notre
devise.                                                           109


LIVRE III
ÉMANCIPATION INTELLECTUELLE DE LA FEMME

CHAPITRE I
Les ambitions féminines

I--La femme nouvelle veut être aussi instruite que
l'homme.--L'égalité des intelligences doit conduire à l'égalité
des droits.                                                       115

II.--Coup d'oeil rétrospectif.--Ce que les XVIIe et XVIIIe
siècles ont pensé de la femme.--Le passé lui fut dur.--Réaction
du présent.                                                       119

III.--Ce que sera la femme de l'avenir.--Nos principes
directeurs.--La division du travail et la différenciation des
sexes.--L'égalité morale dans la diversité
fonctionnelle.--Subordination de l'individu au bien général de
la famille et de l'espèce.                                        122

CHAPITRE II
A propos de la capacité cérébrale de la femme

I.--Les variations de l'anthropologie.--Le cerveau de la femme
vaut-il celui de l'homme?--Crâniométrie amusante.                 130

II.--Les savants se réservent.--Une forte tête ne se connaît bien
qu'à ses oeuvres.                                                 133

CHAPITRE III
S'il est vrai que les hommes aient fait preuve de supériorité
intellectuelle

I.--L'intelligence moyenne des deux sexes s'égale et se
vaut.--L'instruction peut elle accroître les aptitudes et les
capacités de la femme?--Est-il exact de dire que les âmes n'ont
point de sexe?                                                    137

II.--De la primauté historique de l'homme.--Le génie est
masculin.--L'esprit créateur manque aux femmes.--Où sont leurs
chefs-d'oeuvre.                                                   142

III.--Le génie et la beauté.--A chacun le sien.--Les deux moitiés
de l'humanité.                                                    147

CHAPITRE IV
Psychologie du sexe féminin

I.--Du tempérament féminin.--Impressionnabilité nerveuse et
sensibilité affective.--La perception extérieure est-elle moins
vive chez la femme que chez l'homme?--Sentiment, tendresse,
amour.                                                            152

II.--Vertus et faiblesses du sexe féminin.--Les femmes sont
extrêmes en tout.--Pitié, dévouement, religion.--La femme
criminelle.--Coquetterie et vanité.                               156

III.--Petits sentiments et grandes passions.--La volonté de la
femme est-elle plus impulsive que la nôtre?--Indécision ou
obstination.--Le fort et le faible du sexe féminin.               162

CHAPITRE V.
L'intellectualité féminine

I.--Caractères prédominants de l'intelligence féminine: intuition,
imagination, assimilation, imitation.                             165

II.--Ce qui manque le plus aux femmes: un raisonnement ferme,
les idées générales, le don d'abstraire et de synthétiser.        170

III.--D'un sexe à l'autre, il y a moins inégalité que diversité
mentale.--Par où l'intelligence féminine est reine: les grâces
de l'esprit et le sens du réel.                                   176

CHAPITRE VI
Ce qu'il faut penser des oeuvres intellectuelles de la femme

I.--Les arts de la femme: musique, peinture, sculpture,
décoration.--L'imitation l'emporte sur l'invention.               181

II.--Les sciences naturelles et les sciences exactes.--Heureuses
dispositions de la femme pour les unes et pour les
autres.--L'esprit féminin semble plus réfractaire aux sciences
morales.                                                          183

III.--Et la littérature?--Supériorité de la femme dans la
causerie et l'épître.--Le style féminin.--A quoi tient
l'infériorité des femmes poètes?                                  186

IV.--Hostilité croissante des femmes de lettres contre
l'homme.--Action souveraine du public féminin sur la production
artistique et littéraire.                                         191

V.--Il n'y a pas, d'homme à femme, identité ni même égalité de
puissance mentale, mais seulement équivalence sociale.--Pourquoi
leurs diversités intellectuelles sont harmoniques.                195


LIVRE IV
ÉMANCIPATION PÉDAGOGIQUE DE LA FEMME


CHAPITRE I
S'il convient de mieux instruire les filles

I.--Le pour et le contre.--Double conception du rôle de la femme. 201

II.--Utilité d'une meilleure instruction de la femme pour
elle-même, pour le mari et pour les enfants.                      204

III.--Qu'est-ce qu'une jeune fille instruite?--Quelques opinions
de femmes.--L'éducation féminine est trop souvent frivole et
superficielle.                                                    207

IV.--Il faut inculquer à la jeune fille des goûts plus sérieux
et la mieux préparer aux devoirs de la vie et du mariage.--Avis
d'éducateurs célèbres.                                            211

CHAPITRE II
Comment nous comprenons l'éducation moderne des jeunes filles

I.--L'éducation des filles doit être conforme aux destinées de la
femme.--Pourquoi?--Nos raisons.--Éduquer, c'est former une
personne humaine.                                                 214

II.--Culture «rationnelle».--A propos de l'enseignement
secondaire des filles.--Voeu en faveur de l'instruction
professionnelle.--Écueils à éviter: l'inflation des études et
le surmenage des élèves.                                          217

III.--Culture «morale».--Après la formation de la raison, la
formation de la conscience et de la volonté.--Menus propos de
pédagogie féminine.--Idées nouvelles sur l'éducation des
filles.--La «dogmatique de l'amour».--Nos scrupules.              225

IV.--Culture «sociale».--Esprit nouveau de l'éducation moderne des
filles.--Où est le devoir des heureuses de ce monde?--Vieilles
objections: ce qu'on peut y répondre.                             233

V.--Culture «religieuse».--L'âme des femmes et le besoin de
croire.--Le domaine de la foi et le domaine de la science.--Si
l'instruction est un danger pour la religion et la moralité des
femmes.--A quelles conditions le savoir sera profitable à la
piété et à la vertu des filles.                                   244

CHAPITRE III
De l'instruction intégrale

I.--Le programme du féminisme radical.--Variantes
habiles.--Instruction ou éducation?                               251

II.--Idées collectivistes.--Idées anarchistes.--Appel à la
sociale et à la mécanique.                                        255

III.--L'instruction peut-elle s'étendre à toute la jeunesse et
à toute la science?--Raisons d'en douter.--Ce qu'il y a de bon
dans l'idéal de l'instruction pour tous.                          259

IV.--L'instruction intégrale des femmes doit-elle être laïque?
gratuite? obligatoire?--Défense des femmes chrétiennes!           263

V.--Illusions et dangers de l'instruction à «base
encyclopédique»--L'instruction intégrale a-t-elle quelque vertu
éducatrice?--La foi en la science.--La religion de la beauté.     267

VI.--Notre formule: l'instruction complète pour les plus capables
et les plus dignes.--Point de baccalauréat pour les
filles.--Conclusion.                                              271

CHAPITRE IV
La coéducation des sexes

I.--La coéducation intégrale préconisée par la Gauche
féministe.--Coéducation familiale.--Coéducation primaire.         274

II.--Coéducation secondaire.--Le «collège mixte» des
États-Unis.--Ce que vaut le mot, ce que vaut la chose.            276

III.--Côté moral--Témoignages contradictoires.--Ce qui est
possible en Amérique est-il désirable en France?--Inconvénients
probables.--L'âge ingrat.--Contacts périlleux.--Pour et contre la
séparation des sexes.                                             279

IV.--Côté mental.--Développement inégal de la fille et du
garçon.--Psychologie du jeune âge.--La crise de puberté.          287

V.--Les programmes respectifs de l'enseignement masculin et de
l'enseignement féminin.--Convient-il de les unifier?--La
coéducation intégrale est un symbole féministe.--Déclarations
significatives.                                                   291

VI.--Coéducation supérieure et professionnelle.--Est-elle une
nécessité?--Accession des jeunes filles aux cours des
Universités.--Ce qu'il faut en penser.                            296

CHAPITRE V
Les conflits de l'esprit et du coeur

I.--Dangers d'une instruction inconsidérée.--La faculté de
comprendre et la faculté d'aimer.--L'intellectualisme féminin et
le mariage.                                                       303

II.--La femme savante et les soins du ménage et du foyer.--Adieu
la bonne et simple ménagère! 307

III.--Moins de mariages et plus de vieilles filles.--Le divorce
des sexes.--Clubs de femmes.--Point de séparatisme!--Ce que
l'individualisme des sexes ferait perdre à l'homme et à la femme. 309

IV.--L'émancipation intellectuelle et la maternité.--Instruction
et dépopulation.                                                  314

CHAPITRE VI
Les infortunes de la femme savante

I.--L'instruction et ses débouchés insuffisants.--Mécomptes et
déceptions.                                                       318

II.--Surmenage cérébral et débilité physique.--Inégalité des
forces de l'homme et de la femme.                                 321

III.--L'instruction ne donne pas le bonheur.--Les épines de la
science.--Lamentables confidences.--Le savoir et la vertu.        324

CHAPITRE VII
Instruisez-vous, mais restez femmes

I.--Tant vaut la femme, tant vaut l'homme.--Supériorité morale
du sexe féminin sur le sexe masculin.--Beauté et bonté.           330

II.--Ce qu'a produit la vieille éducation française.--L'antagonisme
des sexes est antisocial et antihumain.                           334

III.--Le vrai et utile féminisme.--Régénération sans révolution.  337


LIVRE V
ÉMANCIPATION, ÉCONOMIQUE DE LA FEMME


CHAPITRE I
La question du pain quotidien

I.--Aspects économiques de la question féministe.--Aggravation
de la loi du travail pour la femme du peuple ou de la petite
bourgeoisie.                                                      342

II.--Point d'accroissement d'instruction sans accroissement
d'ambition.--Il faut des places aux diplômées.                    344

III.--Débouchés ouverts à l'activité des femmes.--Le
mariage.--Le couvent.--La femme pasteur.                          346

IV.--Plaidoyer pour les vieilles filles.--Leur condition
pénible et effacée.--La dévotion leur suffit-elle?                350

CHAPITRE II
Du rôle social de la femme

I.--Charité religieuse et charité laïque.--Le féminisme
philanthropique.                                                  355

II.--Fonctions d'assistance qui reviennent de droit au sexe
féminin.--Le relèvement de la femme par la femme.                 359

III.--La question des domestiques.--Doléances des
maîtres.--Doléances des servantes.                                361

IV.--L'ouvrière des villes et la mutualité.--Misère à
soulager.--Moralité à sauvegarder.--Aide-toi, la charité
t'aidera!                                                         365

V.--Appel aux riches.--L'assistance publique et l'assistance
privée.--Les devoirs de l'heure présente: le devoir social et
le devoir patriotique.                                            369

CHAPITRE III
Doctrines révolutionnaires

I.--Aspirations socialistes et anarchistes.--La famille menacée
par les unes et par les autres.--Identité de but, diversité de
moyens.                                                           375

II.--Doctrine collectiviste.--L'indépendance de la femme
future.--Notre ennemi, c'est notre maître.                        378

III.--L'ouvrière se convertira-t-elle au socialisme?--Raisons
de douter.--Inconséquences du prolétariat masculin.               380

IV.--Doctrine anarchiste.--La liberté par la diffusion des
lumières.--Le «réactionnaire» Voltaire.                           383

V.--Encore l'instruction «intégrale».--L'avenir vaudra-t-il le
passé?--La femme sera-t-elle plus honnête et plus heureuse?       385

CHAPITRE IV
L'économie chrétienne

I.--Le socialisme chrétien.--Dissentiments irréductibles entre
la Révolution et l'Église.                                        388

II.--L'homme à la fabrique et la femme au foyer.--La famille
ouvrière dissociée par la grande industrie.--Interdiction pour
la femme de travailler à l'usine.                                 390

III.--Exception en faveur du travail domestique.--Cette
exception est elle justifiée?--Pourquoi les prohibitions
catholiques sont malheureusement impraticables.                   392

CHAPITRE V
Ce que les hommes pensent du travail des femmes dans l'industrie

I.--Notre idéal pour l'avenir.--Nos concessions pour le
présent.--Point de théories absolues.--Il faut vivre avant tout.  398

II.--Restrictions apportées au travail féminin dans l'intérêt de
l'hygiène et de la race.--Théorie de la femme malade: ce qu'elle
contient de vrai.                                                 401

III.--Aperçu des réglementations de la foi française relatives au
travail des femmes dans l'industrie.--Leurs difficultés
d'application.--Leur nécessité, leur légitimité.                  404

CHAPITRE VI
Ce que les femmes pensent de la condition de l'ouvrière

I.--Infériorité regrettable de certains salaires féminins.--Ses
causes.--Le travail des orphelinats et des prisons.--Griefs à
écarter ou à retenir.--Solutions proposées.                       408

II.--Inégalité des salaires de l'ouvrière et de
l'ouvrier.--Doléances légitimes.--A travail égal, égal salaire
pour l'homme et pour la femme.                                    415

III.--Protection de la mère et de l'enfant nouveau-né.--OEuvres
privées.--Intervention de l'État.--Une proposition excessive:
hospitalisation forcée de la femme enceinte.                      418

IV.--Protestation de tous les groupes féministes contre la loi
de 1892.--La réglementation légale fait-elle à l'ouvrière plus
de mal que de bien?                                               424

V.--Pourquoi le féminisme ne veut plus de lois de
protection.--Un même régime légal est-il possible pour les deux
sexes?                                                            430

CHAPITRE VII
La concurrence féminine

I.--La femme ouvrière ou employée.--Protection de la
main-d'oeuvre féminine.--Accord des prescriptions françaises avec
les déclarations papales.                                         436

II.--La femme professeur.--Répétitions au rabais.--Condition
précaire et détresse cachée.                                      438

III.--La femme bureaucrate.--Emplois et fonctions qui conviennent
éminemment au sexe féminin.                                       440

IV.--La femme artiste.--La carrière théâtrale.--Les beaux-arts
et les arts décoratifs.                                           442

CHAPITRE VIII
L'invasion des carrières libérales

I.--La femme soldat.--Concurrence peu redoutable pour les
hommes.--Manifestations pacifiques.--Association des femmes
françaises pour la paix universelle.--Un bon conseil.             446

II.--La femme médecin.--Son utilité en France et dans les
colonies.                                                         452

III.--La femme avocat.--Revendications logiques.--Opposition des
tribunaux.--Attitude du barreau.                                  455

IV.--Objections plaisantes opposées à la femme avocat.--Leur
réfutation.                                                       460

V.--La femme magistrat.--Innovation périlleuse.--La femme a-t-elle
l'esprit de justice?                                              463

CHAPITRE IX
Le féminisme colonial

I.--Encombrement de tous les emplois dans la
mère-patrie.--Émigration des femmes aux colonies.                 469

II.--La Française est trop sédentaire.--Pas de colonisation sans
femmes.--Les appels de l'«Union coloniale».                       470

III.--Conclusion.--Est-il à craindre que l'émancipation économique
dénature et enlaidisse la Française du XXe siècle?--Résistances
masculines.--Avis aux femmes.                                     473

IMPRIMERIE FR. SIMON, RENNES.


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