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Les grandes chroniques de France (6/6): selon que elles sont conservées en l'Eglise de Saint-Denis en France

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XC.

De la venue du régent à Paris, et de la mort Charles Toussac et de Joseran de Mascon.

Le jeudi, secont jour d'aoust au soir, ala le duc de Normendie, régent le royaume, à Paris où il fu receu à très grant joie du peuple de ladite ville. Et celui jour, avant que ledit régent entrast à Paris, furent lesdis Charles Toussac[134] et ledit Joseran trainés du Chastellet jusques en Grève, et là furent décapités. Et longuement après demourèrent en la place sur les quarreaux, et après en la rivière furent gietés.

[134] Charles Toussac. La veuve de ce méchant échevin ne conserva pas longue rancune au parti qui avoit mis à mort son mari. Cinq mois après, elle se remaria à Pierre de Dormans, échanson du régent et neveu du célèbre chancelier Jean de Dormans. En considération de ce futur mariage, le dauphin consentit à rendre à Marguerite tous les biens confisqués sur son premier mari Toussac, comme on le voit par une déclaration datée du 7 janvier 1358-59 transcrite dans le Recueil Msc. du Trésor des Chartes, tome 26.

Quant au récit de la mort du prévôt des marchans, on a souvent essayé d'en changer le caractère et d'en modifier les circonstances. Dans ce but, on s'est appuyé de l'autorité des Chroniques de Saint-Denis. Un illustre membre de l'Académie des Belles-Lettres, feu M. Dacier, a surtout voulu prouver que Maillart n'avoit joué, dans la journée du 31 juillet, qu'un rôle secondaire, et que tout l'honneur devoit en revenir à Pepin des Essarts. (Voyez les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, volume 43, page 563 et suivantes. Voyez aussi les notes des pages 383 et 384, dans la deuxième édition du Froissart donnée par M. Buchon.)

Ce n'est point ici le lieu de rejeter l'opinion de M. Dacier au rang des paradoxes dont se fait trop souvent un jeu l'imagination des érudits : l'un de mes amis, M. Léon de La Cabane, s'est chargé de ce soin dans une dissertation qui sera publiée peut-être avant ce volume. Mais je ne puis m'empêcher de remarquer : 1o que le continuateur de Nangis, dont on a invoqué le silence, atteste que le coup mortel fut porté à Marcel par l'un des gardiens des portes : « Adfuit unus ex dictis custodientibus, qui elevans cum magno impetu gladium vel hastam percussit validè præpositum mercatorum et eum crudeliter interfecit. » Or, Pepin des Essarts n'étoit pas un gardien des portes, mais bien Jean Maillart. — 2o Que sur deux leçons de Froissart, l'une accordant l'honneur de la journée à Maillart, l'autre le transportant sur la tête de Pepin des Essarts, cette dernière est le moins fréquemment reproduite dans les manuscrits, et peut seule être le fait d'une infidélité réfléchie. — 3o Qu'une autre chronique inédite et jusqu'à présent non consultée, raconte le fait de manière à justifier le récit du continuateur de Nangis et celui du texte de Froissart le plus généralement transcrit dans les manuscrits anciens. On me pardonnera, sans doute, de rapporter ce nouveau témoignage qui bat complètement en ruine le sentiment de M. Dacier, de M. Michelet et de plusieurs autres. Après avoir raconté l'accord fait secrètement par Marcel avec le roi de Navarre, le chroniqueur ajoute :

« Le prévost des marchans et ses aliés avoient fait leur atrait et ne voulurent que on veillast en celle nuit aux portes né aux murs. Mais à Paris avoit un bourgois nommé Jehan Maillart qui estoit garde, par le gré du commun, d'un quartier de la ville qui estoit ordenée par quatre cappitaines. Cil Jehan ne voult mie que cil qui estoient ordenés en son quartier pour veillier, laissassent leur garde. Dont Phelippe Giffars et autres qui estoient aliés à la trahison le blasmèrent et voulurent avoir les clefs de la porte, et retraire ses gens et leur garde laissier. Lors ce Jehan Maillart s'apperceut bien de trahison et manda Pepin des Essars et pluseurs autres bourgois et les fist armer et pluseurs autres, et fist drécier une bannière de France, et crioit cil et sa gent : Montjoie au riche roy et au duc son fils le régent! Si assembla avecques eulx grant foison du peuple de Paris en armes et alèrent véir aux portes et les forteresces. Et avint que vers la porte Saint-Anthoine il trouvèrent ledit prévost des marchans et autres de ses aliés qui par couverture crioient : Montjoie au riche roy et au duc son fils le régent! si comme les autres. Adonc Jehan Maillart requist au prévost des marchans et pardevant le peuple que il montrast les lettres que le régent leur avoit envoiées ; mais il ne les monstroit mie volentiers, pource que le mandement luy estoit contraire, et se cuidoit excuser par paroles. Mais ly pluseurs conceurent la trahison. Et là fu assailli du commun et fu occis… »

Pepin des Essarts fut-il invité par Maillart à prendre les armes, ou les prit-il avant de rien savoir des dispositions de Maillart? Voilà toute la question. Quant à celui qui délivra la France de la tyrannie de Marcel, la comparaison de tous les témoignages contemporains doit nous le faire reconnoître dans Jehan Maillart plutôt que dans Pepin des Essarts. Les Chroniques de Saint-Denis, qui allèguent pour ou contre ce dernier une sorte d'alibi, le font, à mon avis, non pour frustrer Maillart de la gloire qui devoit lui revenir, car elles lui laissent d'ailleurs le premier et le principal honneur de la journée, mais sans doute pour répondre au vœu et aux dénégations que Maillart exprimoit lui-même. Compère de Marcel comme Froissart nous l'a appris, et long-temps son ami, Maillart se reprochoit sans doute d'avoir commis, en débarrassant la France d'un scélérat, ce que l'opinion religieuse de son siècle regardoit comme un véritable parricide. Il peut donc avoir usé lui-même de la haute influence qu'il conserva toujours sur le régent-roi et sur ses concitoyens, pour obscurcir l'éclat d'une action qui l'exposoit à de rudes récriminations jusque dans le sein de sa famille. Ainsi l'allégation de nos chroniques, qui plusieurs fois citeront encore honorablement Jean Maillart, ne peut affaiblir la conviction qui résulte du triple récit du continuateur de Nangis, partisan des opinions populaires, de notre chroniqueur anonyme, narrateur impartial, et de Froissart lui même, ce courtisan des chevaliers, dans la première de ses deux rédactions suivie par Jean de Wavrin dans son Histoire d'Angleterre, et par Jean Lefevre, dans ses Grandes Histoires du Haynaut.

XCI.

Coment le régent fu deffié de par le roy de Navarre.

Le vendredi tiers jour du mois d'aoust, fu le régent deffié de par le roy de Navarre. Et celui jour fu pris Pierre Gille. Et aussi fu maistre Thomas de Ladit, chancelier dudit roy de Navarre, qui estoit en habit de moine.

XCII.

De la mort de pluseurs traitres du roy et du régent ; et des parolles que ledit régent dist à ceux de Paris.

Le samedi ensuivant, quart jour dudit moys d'aoust, ledit Pierre Gille et un chevalier qui estoit chastelain du Louvre, et estoit né d'Orléans de assez petit lieu, de gens de mestier[135], et estoit appelé monseigneur Gille Caillart, furent trainés du Chastellet jusques ès halles, et là orent les testes coppées. Mais ledit chevalier eust avant la langue coppée, pour pluseurs mauvaises paroles qu'il avoit dictes du roy de France et du régent son fils. Et après, les corps furent giettés à la rivière. Et après, la semaine ensuivant, furent descapités ensemble, en un jour, Jehan Prévost et Pierre Leblont ; et en un autre jour deux avocas, l'un de parlement appelé maistre Pierre de Puiseux, et l'autre de Chastellet appelé maistre Jehan Godart. Et furent tous giettés en la rivière ; et un appelé Bonvoisin fu mis en oubliette[136].

[135] Ce passage, comme une foule d'autres, prouve bien qu'on n'exigeoit pas des preuves de noblesse de tous ceux qu'on élevoit au rang de chevalier.

[136] En oubliette. En prison perpétuelle.

Celui jour de samedi, quatriesme jour dudit mois d'aoust, parla ledit régent audit peuple de Paris, en la maison de la ville ; et leur dist la grant traïson qui avoit esté traictiée par les dessus dis mors et de l'evesque de Laon et de pluseurs autres qui encore vivoient ; c'est assavoir de faire ledit roy de Navarre roy de France, et de mettre les Anglois et Navarrois en Paris, celui jour que le prévost des marchans fu tué. Et devoient mettre à mort tous ceux qui se tenoient de la partie du roy et son fils, et jà avoient esté pluseurs maisons de Paris signées à divers seings[137] ; dont moult de gens estoient forment esbahis en ladite ville.

[137] A divers seings. Le continuateur de Nangis, si favorable aux Parisiens, dit la même chose : « Ipse rex Navarræ cum suis omnibus urbem Parisiensem citius subintraret et homines sibi contrarios tales et tales quorum ostia signata reperiret, trucidaret. » (Spicileg., t. III, fo 120.)

XCIII.

Coment les Anglois tindrent partie de la ville de Meleun.

Celui samedi, pluseurs Anglois et Navarrois alèrent à Meleun : et les reçut la royne Blanche qui estoit au chastel dedens ledit chastel. Si occupèrent l'isle de Meleun et toute la partie qui est devers Biere[138]. Et l'autre partie qui est devers la Brie se tint contre eulx, tant que le régent y envoia des gens d'armes et des brigans ; et ainsi fu celle partie françoise : et le chastel et tout le demourant furent Anglois et Navarrois qui estoient tout un ; et firent moult de maulx et de dommages au pays par devers le Gastinois ; et ardirent toutes les maisons de l'abbaye du Lis, environ la Nostre-Dame de mi-aoust.

[138] Biere. Le petit pays de Biere comprenoit la rive droite de la Seine, dans le territoire de Melun ; c'est-à-dire Fontainebleau et les environs. La Brie est de l'autre côté de la Seine.

XCIV.

Coment aucuns de Picardie furent desconfis des Anglois et Navarrois qui tenoient le chastel de Mauconseil[139].

[139] Mauconseil. Ce nom ne se retrouve plus sur les cartes. Le continuateur de Nangis nous apprend qu'il étoit situé près de Noyon. — La chronique inédite (no 530, Sup. fr.) nomme le capitaine des François et Flamands Pierre de Flavy, chevalier ; et celui des Navarrois Le Bascon de Mareil. — Froissart dit, à propos de la prise de Mauconseil, que « ces trois forteresses (Creil, La Harelle et Mauconseil) firent tant de destourbiers au royaume de France, que depuis en avant cent ans ne furent réparés né restaurés. » Il eût fallu imprimer qui au lieu de que, avec les manuscrits. Mais comment Froissart, mort vers 1400, peut-il parler de ce qui se voyoit un siècle après l'année 1358? Je soupçonne la une faute des nouvelles éditions.

Le jeudi vingt-troisiesme jour du moys d'aoust, pluseurs des communes de Tournay et de autres villes de Picardie qui estoient à siège devant un chastel de l'evesque de Noyon avec pluseurs nobles du pays, pource que les Anglois et Navarrois l'avoient pris et se tenoient dedens, furent desconfis par pluseurs de la partie des Anglois et Navarrois, desquels estoit capitaine monseigneur Jehan de Piquegny et monseigneur Robert son frère, lesquels se estoient rendus ennemis du roy de France, de son fils et de son royaume, avec ledit roy de Navarre. Et s'enfouirent lesdites communes ; et les gentilshommes furent pris, jusques au nombre de cent vingt ou environ. Et y fu pris ledit evesque de Noyon et fu mené à Creil, dont ledit monseigneur Robert s'appeloit capitain[140], depuis que ladite ville avoit esté prise des Anglois.

[140] S'appeloit capitain. Plus loin, nos chroniques nomment, comme Froissart, le capitaine de Creil messire Jehan de Foudrigai. (Voyez chapitre CXVI.)

XCV.

Coment Paris estoit lors avironnée de forteresces angloises.

En ce temps, en diverses contrées prisrent lesdis Anglois et Navarrois pluseurs forteresces environ Paris, c'est assavoir Rays, Poissy et pluseurs autres ; et chevauchoient souvent jusques à demi-lieue de Paris de celui costé. Et ceux de Creil chevauchoient souvent jusques à Gonesse et ès villes environ, et prenoient prisonniers et emmenoient chevaulx, et rençonnoient villes et aucunes ardoient ; et si ne y résistoit-l'en point, mais s'enfuioit chascun devant eux.

XCVI.

Coment le roy de Navarre ala à Meleun et ardi Chatres-soubs-Mont-Lehery.

La première sepmaine de septembre, environ heure de tierce, le roy de Navarre chevaucha bien à deux mil combattans, si comme l'en disoit ; et ala à Meleun rafraichir ses gens et veoir ses seurs, la royne Blanche et une autre appelée Jehanne, lesquelles estoient dedens le chastel. Et en son chemin ardi pluseurs villes comme Chatres-soubs-Mont-Lehery et autres.

XCVII.

De la mort maistre Thomas de Ladit, chancelier du roy de Navarre.

Le mercredi douziesme jour dudit mois de septembre, environ heure de tierce, maistre Thomas de Ladit, chancelier du roy de Navarre, qui avoit tousjours esté en prison depuis le quatriesme jour d'aoust qu'il avoit esté pris, si comme dessus est dit, fu rendu aux gens de l'evesque de Paris, par vertu de certaines bulles du pape. Et fu ledit chancelier mis sur un huis et levé sur les épaules de deux hommes qui le portoient, pour ce que il estoit ès fers, par les deux jambes ; et en telle manière parti du palais où il avoit esté en prison. Mais avant qu'il fu le giet d'une pierre, loin de la porte de la cour du palais, pluseurs compaignons de Paris luy coururent sus et le gietèrent contre terre et le tuèrent ; et tantost fu despoillié tout nu, et demoura longuement en tel estat sus les quarreaux, au milieu du ruissel de la pluie qui courroit au travers de son corps ; et environ vespres, il fu trainé jusques à la rivière et gieté dedens.

XCVIII.

De la mort d'aucuns traistres, et coment Anglois et Navarrois avoient lors toutes les rivières venans à Paris.

Le dimenche seiziesme jour du mois de septembre, monseigneur Jehan de Piquegny, accompaignié de grant foison de gens d'armes, ala à Amiens, et par la traïson d'aucuns de ceux de la ville entra ès forsbours et les ardi et pilla. Et fu ladite cité en aventure d'estre prise. Toutesvoies, par la volenté de Dieu et la résistance des bons de ladite ville et du conte de Saint-Pol qui hastivement vint au secours, ledit monseigneur Jehan et sa compaignie furent reboutés. Et depuis furent pris aucuns des bourgois de la ville qui avoient esté consentans de rendre ladite ville audit monseigneur Jehan de Piquegny pour le roy de Navarre, par ceux de ladite ville ; et en orent les testes coppées Jaques de Saint-Fucien[141] et quatre autres bourgois de celle ville. Et depuis firent lesdis Anglois et Navarrois pluseurs chevauchiées en diverses parties du royaume de France ; par espécial ceux qui tenoient Creil chevauchièrent en Mucien[142], à Dampmartin, à Gonesse et ès villes environ, et prisrent tout ce que il trouvèrent.

[141] Notre chronique inédite met le maire de la ville, Fremyn de Coquerel, au nombre de ceux qui furent punis de mort.

[142] Mucien. Dans la Brie.

Au mois d'octobre ensuivant, chevauchièrent tout le pays de Mucien et prisrent une petite forteresce à deux lieues de Meaulx appelée Oissery[143], et tantost l'enforcièrent et raençonnèrent le pays. Et pour avoir la rivière de Marne, il alèrent à la Ferté-soubs-Juerre, et prisrent une isle en laquelle il avoit une bonne tour, et tantost l'enforcièrent. Et ainsi eurent toutes les rivières qui venoient à Paris, c'est assavoir la rivière de Seine à Meleun, celle de Marne à la Ferté-soubs-Juerre, et au-dessous de Paris, Mante et Meulent et Poissi ; la rivière d'Oise, à Creil. Et ainsi estoit Paris asségié, et si estoit Rouen et Beauvais, par les forteresces que il tenoient environ, car il estoient seigneurs de tout le Beauvoisin. Si ne povoit-l'en mener vins à Arras, à Tournay, à Lille né ès autres villes de Picardie. Et ainsi estoient lesdites villes asségiées quant à ce.

[143] Oissery. Aujourd'hui bourg du département de Seine-et-Marne. On compte trois lieues de Meaux à Oissery.

XCIX.

Des forteresces que Robin Canole prist en Orlenois.

Audit mois d'octobre, Robin Canole, capitain de pluseurs forteresces angloises en Bretaigne et en Normendie, chevaucha en Orlenois et prist Chastel-Neuf sur Loyre[144], et tantost après Chastillon-sur-Louen ; et après chevaucha plus hault alant en Aucerrois et en la Puysaie, et prist une forteresce appelée Malicorne ; mais les gens du pays s'assemblèrent et alèrent devant ladite forteresce. Et un chevalier appelé messire Arnault de Cervolle, surnommé l'archeprestre, qui venoit au mandement dudit régent accompagnié de grant nombre de gens d'armes, se mist avec lesdites gens du pays devant ladite forteresce de Malicorne. Mais il s'en partirent honteusement sans prendre ladite forteresce.

[144] Chastel-Neuf-sur-Loyre. « Domum pulchram et solemnem, » dit le continuateur de Nangis. Aujourd'hui bourg du département du Loiret, à cinq lieues d'Orléans. — Chastillon-sur-Louen ou Loing, aujourd'hui petite ville du même département, à cinq lieues de Montargis. Son ancien château existe encore. — La Puisaie est un petit pays sur la frontière du Gâtinois et du Nivernois. — Malicorne, aujourd'hui petit village du département de l'Yonne, à sept lieues de Joigny.

C.

De la forteresce de Amblainviller.

Audit mois d'octobre l'an mil trois cens cinquante-huit dessus dit, aucuns se partirent des garnisons angloises qui estoient entour Paris, et laissièrent leur forteresces garnies, et alèrent prendre une forte maison à trois lieues de Paris, en un lieu appelé Amblainviller[145]. Et ceux de Paris envoièrent devant ladite maison des gens d'armes et des brigans[146] par pluseurs fois ; mais il n'y firent chose qui vaulsist, et en la fin ceux de Paris achetèrent la forteresce dessus dite aux Anglois et la firent abattre.

[145] Amblainviller. Peut-être Aubervillers, aujourd'hui village à une lieue de Saint-Denis.

[146] Brigans. On donnoit en général ce nom aux compagnies franches qui ne reconnoissoient le commandement d'aucun chevalier banneret.

CI.

Les noms de pluseurs bourgois de Paris que le régent fist emprisonner.

Le jeudi vint-cinquiesme jour du mois d'octobre, pluseurs des habitans de Paris desquels les noms s'ensuivent furent pris et emprisonnés ; c'est assavoir : Jehan Giffart le boisteux, Nicholas Poret[147], Jehan Moret, Girart Moret, Estienne de la Fontaine argentier du roy, Pierre Basselin, Jaques de Mante, Jehan de La Tour, Hélie Jourdain, Colin le Flament, Jaques le Flament maistre de la chambre des comptes, Hannequin le Flament, Jehan Gosselin, Jehan Restable, Arnault Roussel, Jaques du Castel, Jaques le Flament trésorier des guerres, Guillaume Lefèvre, Regnault de la Chambre, Pasquet le Flament et Alain de Saint-Benoit, lequel Alain fu l'endemain délivré.

[147] Poret. Variante : Le Petit. (Msc. 8302.) Sans doute le frère de Jehan Porret le jeune, tué avec Marcel.

CII.

De la requeste qui fu faite à monseigneur le régent sur la délivrance des dessus nommés.

Le lundi ensuivant vingt-nueviesme jour du moys d'octobre, pluseurs des mestiers de Paris, au pourchas de amis des dessus nommés prisonniers, alèrent en la maison de la ville et firent grant clamour de leur amis qui avoient esté pris, en disant que autel pourroit-on faire de tous les autres de Paris. Et faisoient sentir, par leur paroles, que ce avoit esté fait par vengeance de ce qui avoit esté fait au temps passé par ceux de Paris ; en disant que l'en les prendroit ainsi les uns après les autres ; et tout, pour esmouvoir le peuple. Et portoit la parolle un clerc de Paris appelé maistre Jehan Blondel, lequel requist au prévost des marchans qui lors estoit appelé Jehan Culdoe, et pluseurs autres qui là estoient, qu'il alassent par devers le régent qui estoit au Louvre, pour lui requérir que il féist tantost délivrer les dessus emprisonnés, ou que il déist les causes pour lesquelles il les avoit fait emprisonner. Et ainsi le firent contre la voulenté du prevost des marchans et firent audit régent lesdites requestes ; lequel respondi que il iroit l'endemain à la maison de la ville, et là feroit dire les causes pour lesquelles il les avoit fait emprisonner ; et quant il les auroient oïes, sé il vouloient que il les délivrast il les délivreroit. Et ainsi se despartirent.

CIII.

Coment les dessus nommés furent accusés et tesmoigniés traistres devant ledit régent ; mais, pource que il ne pot estre prouvé par pluseurs, il furent délivrés.

L'endemain jour de mardi, trentiesme jour du moys dessus dit, pluseurs des bons et loyaux subgiés dudit régent qui bien sceurent que leur dit seigneur devoit aler à ladite maison pour la cause dessus dite, et qui doubtèrent que les amis ou aliés desdis prisonniers ne alaissent en ladite maison fors que pour constraindre leur dit seigneur de faire aucune chose contre sa voulenté, s'armèrent et furent en ladite maison et en la place de Grève, si fors que il ne devoient doubter les autres. Et là vint ledit régent qui monta sur les degrés de la croix de Grève, et dist au peuple que il avoit esté informé que les dessusdis emprisonnés estoient traitres et aliés au roy de Navarre. Et là, un jeune homme de Paris appelé Jehan d'Amiens, et avoit espousé la fille de l'un des dessusdis emprisonnés appelé Jehan Restable, lequel Jehan d'Amiens avoit esté par devers le roy de Navarre pour pourchacier la délivrance d'un sien ami prisonnier dudit roy, dist que il savoit bien les choses dites par ledit régent estre vraies. Pour lesquelles choses ceux qui par avant avoient moult arrogamment demandé et requis la délivrance des dessusdis prisonniers, n'osèrent plus parler. Mais ledit maistre Jehan Blondel requist audit régent pardon de ce que il en avoit dit et fait, lequel régent le pardonna audit Jehan et aux autres qui en avoient parlé. Et s'en parti ledit régent. Si ordena certains commissaires pour savoir la vérité des choses qui luy avoient esté dites contre les dessus dis prisonniers. Mais les choses estoient si secrètes et si obscures que l'en ne trouva lors aucune chose encontre eux. Et pour ce en furent quatorze délivrés le jour de la saint Clément ensuivant, vint-troisiesme[148] jour de novembre. Et assez tost après tous les autres.

[148] Vint-troisiesme. Et non pas dix-huitiesme, comme les précédentes éditions. — Villaret a faussé l'histoire dans cet endroit, quand il a dit que « le régent voulant gagner les cœurs par sa douceur, après avoir fait instruire le procès des coupables, leur pardonna. » Il paroît que le régent n'eut à renvoyer que des innocens.

CIV.

Des cardinaux qui vindrent à Paris pour traictier de paix entre le régent de France et le roy de Navarre.

Le jeudi treiziesme jour de décembre, entrèrent à Paris les cardinaux de Pierregort et d'Urgel, pour traictier de paix entre le régent et le roy de Navarre. Et depuis alèrent à Meulent par devers ledit roy ; et depuis à Meleun par devers la royne Blanche sa suer, et partout ne firent riens. Et s'en alèrent à Avignon. Et en alant, ledit cardinal de Pierregort fu pillié et robé de grant avoir ; mais depuis luy fu tout rendu, si comme l'en disoit. — Item, le premier jour de janvier, pluseurs de la ville d'Amiens qui avoient traï ladite ville furent décapités[149].

[149] Cette dernière phrase ne se trouve que dans le manuscrit de Charles V.

CV.

Coment Laigny-sur-Marne fu pilliée et gastée.

ANNÉE 1359

Le mardi après l'apparicion[150], huitiesme jour du moys de janvier l'an mil trois cens cinquante-huit, les Anglois et Navarrois qui tenoient la Ferté-soubs-Juerre alèrent à Laigny-sus-Marne et pillièrent la ville et y prisrent des bonnes gens. Et depuis alèrent en la ville grant nombre de brigans qui estoient venus de Milan, qui gastèrent ladite ville par telle manière que tous les habitans s'en partirent ; et demoura toute gastée.

[150] L'Apparicion. L'Épiphanie.

CVI.

Coment les Anglois furent desconfis devant Troies.

Le samedi ensuivant, douziesme jour dudit moys, les Anglois et Navarrois qui tenoient une maison de l'évesque de Troies appellée Ais-en-Ote[151], alèrent devant Troies, et estoient environ quatre cens. Si issirent de Troies le conte de Vaudemont et ceux de ladite ville et desconfirent lesdis Anglois et en y ot environ six vint mors et autant de pris, et pour ceste cause, les autres qui eschappèrent ardirent ladite maison de Ais et s'en partirent. Et aussi furent autres qui tenoient une autre forteresce appellée Champlost[152], entre la rivière de Saine et d'Yonne, et alèrent tous à Regennes près d'Aucerre ; et par ce, le chemin qui avoit esté empeschié de Sens à Troies fu délivre.

[151] Ais-en-Ote. Aujourd'hui Aix-en-Othe ou Aixote, bourg du département de l'Aube, à huit lieues de Troyes.

[152] Champlost. Bourg du département de l'Yonne, à six lieues de Joigny. — Regennes est un hameau sur la route d'Auxerre à Joigny.

CVII.

Coment la cité d'Aucerre fu prise et mise à raençon des Anglois.

Le jour des Brandons ensuivant, dixiesme jour de mars avant le point du jour, pluseurs des garnisons angloisches qui s'estoient assemblés à Regennes, près d'Aucerre à deux lieues, partirent dudit lieu de Regennes et alèrent à Aucerre et y trouvèrent petite ou nulle garde. Si eschiellèrent ladite ville par devers la porte de Gligny ; et entrèrent lesdis Anglois dedens par dessus les murs, et pristrent la ville, la cité et le chastel avant soleil levant. Et jasoit ce que eust grant foison de gens habitans en ladite ville et en eust deux mille ou plus de bien armés, néantmoins y trouvèrent lesdis Anglois petite résistance[153]. Et à la prise de ladite ville, furent fais chevaliers deux Anglois : l'un appellé Robin Canole et l'autre Thomelin Fouque, lesquels estoient capitains de grant foison d'Anglois. Et si y estoient deux chevaliers anglois dont l'un estoit appellé messire Jehan d'Arton et l'autre messire Nichole Tamore. Au chastel de laquelle ville fu pris monseigneur Guillaume de Chalons fils du conte d'Aucerre, et sa femme et pluseurs autres. Et de ladite ville et cité eschappèrent pou d'hommes ou femmes qui ne fussent pris par lesdis Anglois. Toutesvoies en mistrent-il pou à mort, mais pristrent tous à raençon et pillièrent la ville par tele manière que il n'y ot riens mucié que il ne trouvassent, feust en terre, en murs ou autre part. Et toutesvoies disoit-l'en que il n'estoient pas plus de mil, que de maistres que de varlès. Et disoient pluseurs, tant de ladite ville comme des Anglois, que il y avoient bien trouvé de biens qui valoient cinq cens mil moutons d'or ; et les raençons des personnes singulières qui valoient trop grossement. Et quant lesdis Anglois se virent tous seigneurs de ladite ville, et l'eurent pillié, et mis à point leur prisonniers, environ huit jours après ladite ville prise il parlèrent à aucuns des plus notables habitans, et leur distrent que il en ardroient toute la ville, ou que il en ardroient la plus grant partie et enforceroient aucuns lieux qui y estoient, et les tendroient ; et ceux qui demourroient en ce qui ne seroit ars promestroient aux Anglois bonne obéissance, ou lesdis habitans raençonneroient[154] ladite ville. Si fu traictié par pluseurs journées entre lesdis Anglois et ceux de ladite ville. Et finablement furent à tel accort, c'est assavoir que lesdis Anglois auroient pour la raençon de ladite ville quarante mil moutons, et quarante mil perles du pris de dix mil moutons, et si emporteroient tous les biens que il avoient trouvés en ladite ville, sé il vouloient, exceptés les joiaux de l'églyse Saint-Germain, lesquels ils prendroient pour gaige seulement, jusques à tant que il fussent paiés de la raençon dessus dite. Mais ceux de ladite ville s'obligeroient à ceux de ladite églyse Saint-Germain de racheter desdis Anglois lesdis joiaux dedens la nativité saint Jehan-Baptiste après ensuivant, ou de paier perpétuellement auxdis religieux de Saint-Germain, chascun an trois mil florins de rente ; et si feroient lesdis Anglois abattre des murs de la ville tant comme il leur plairoit, et ardoir les portes. Lesquelles choses furent accordées par ceux qui traictoient pour ladite ville. Et pour ce allèrent aucuns d'iceux par devers le régent pour avoir son consentement sur ce. Et cependant lesdis Anglois firent abattre partie des murs et les créneaux, et emplir les fossés de ladite ville des pierres desdis murs, et ardoir les portes.

[153] La chronique inédite du msc. 530 dit : « En ce temps, Phelippe de Navarre et Robert Canolle prindrent la cité d'Aucerre, par aucuns des bourgois de la cité qui la leur rendirent par trahison. » (Fo 75, Ro.)

[154] Raençonneroient. Rachèteroient.

CVIII.

De la prise de messire James Pipes, anglois, et de pluseurs autres ses compaignons.

Le jeudi, quatorziesme jour de mars ensuivant, messire James Pipes[155], messire Othe de Hollande, anglois, et environ seize ou dix-huit personnes notables de leur compaignie, qui estoient partis d'Evreux de la compaignie du roy de Navarre et de monseigneur Phelippe son frère, furent pris par les compaignons de la garnison d'une forte maison qui est au seigneur de Garanchières[156] appellée Grant-Seuvre.

[155] James Pipes. Froissart fait agir et parler vaillamment James Pipes à trois mois de là au prétendu siège de Melun.

[156] Garenchières. Garencières est aujourd'hui un village du département de l'Eure, à deux lieues d'Evreux. Grant-Seuvres, aujourd'hui Grosœuvre, est un bourg du même département, à peu de distance de Garencières. — Notre chronique inédite touche à cet événement sans doute, quand elle dit que : « le sire d'Ivery, Phelippe Malvoisin et pluseurs autres bons chevaliers et escuiers du pays devers la rivière d'Eure, firent pluseurs belles besongnes, et en trois places ruèrent jus en pou de temps leur ennemis. » (Msc. 530, fo 71, ro.)

Incidence. Item, samedi, trentiesme jour du moys de mars, et fu le samedi devant Lætare Jerusalem, fu trouvée une grant quantité de monnoie noire de divers coings ; et en y avoit environ une baignouère pleine, sur un pilier de la petite Maison-Dieu de Sens, laquele l'en abatoit, pour ce que elle estoit trop près des murs de ladite cité de Sens. Et dedens deux ou trois jours après, monseigneur Jehan de Chalon, seigneur d'Arlay, lors lieutenant dudit régent ès parties de Champaigne et du bailliage de ladite ville de Sens, ala à Sens pour avoir ladite monnoie, et de fait la prist et l'en fist porter à Troie.

CIX.

Coment aucuns de ceux d'Aucerre furent destourbés en alant de Paris à Aucerre.

Tout le moys ensuivant, les Anglois qui avoient pris ladite ville d'Aucerre demourèrent en ycelle, en attendant ceux qui estoient alés pour ladite ville à Paris par devers le régent, pour ladite finance, lesquels ne retournèrent point que deux ou trois exceptés qui en retournant furent desrobés, entre Joigny et Aucerre, d'une grande finance que il aportoient, par Bourguignons ; desquels Bourguignons l'un estoit appellé messire Symon de Saint-Aubin, chevalier, et l'autre Huguenin de Binant, escuier, et pluseurs autres.

CX.

D'une assemblée que monseigneur le régent fist faire au palais des gens de Paris, pour oïr prononcier les demandes du roy d'Angleterre.

L'an de grace mil trois cens cinquante-neuf, fu prise la ville d'Aubigny-sur-Nierre[157], par escheler, comme avoit esté Aucerre dont dessus est faite mencion.

[157] Aubigny-sur-Nierre. Et non pas Dabigne-sur-Mettre, comme dans les précédentes éditions. C'est une ville de l'ancien Berry, aujourd'hui département du Cher. Elle est située sur la Nere, à neuf lieues de Sancerre.

Item, le jeudi secont jour de may ensuivant, fu arse la ville de Chastillon-sur-Loaing, par messire Robert Canole qui retournoit d'Aucerre à Chastel Nuef sur Loyre, et en raportoit sa part de la pille d'Aucerre. Quar le mardi précédent, derrenier jour d'avril, lesdis Anglois avoient laissié ladite ville d'Aucerre, et s'en estoient alés en leur forteresces, à tout leur pille ; et en avoient mené grant nombre de hommes, de femmes et de petits enfans de l'aage de dix ans ou environ, et avoient arses les portes et abatu grant foison des murs de la ville. Et néantmoins y aloient depuis lesdis Anglois souvent quérir des vivres qui y estoient demourés ; par espécial ceux de Regennes.

Item, le dimenche dix-neuviesme jour de may ensuivant, fu faite une convocation à Paris de gens d'églyse, de nobles et de bonnes villes, par lettres de monseigneur le régent, pour oïr un certain traictié de paix qui avoit esté pourparlé en Angleterre entre le roy de France et celuy d'Angleterre. Lequel traictié avoit esté aporté par devers ledit régent, par monseigneur Guillaume de Meleun, archevesque de Sens, par le conte de Tanquarville frère dudit archevesque, par le conte de Dampmartin, et par messire Arnoul d'Odeneham, mareschal de France, tous prisonniers des Anglois. A laquelle journée vint pou de gens, tant pour ce que l'en ne fist pas assez tost assavoir ladite convocacion, comme pour ce que les chemins estoient empeschiés des Anglois et Navarrois qui tenoient forteresces en toutes les parties par lesquelles l'en povoit aler à Paris ; et aussi pour cause des pilleurs qui tenoient forteresces françoises qui ne faisoient gaires mieux que les Anglois. Et en estoit tout le royaume semé, par telle manière que on ne povoit aler par le païs. Lesdis Anglois et Navarrois tenoient le chastel de Meleun, l'isle et toute la ville du costé devers Bière ; et la partie devers Brie estoit françoise. Item, il tenoient la Ferté-soubs-Juerre, Oysseri, Nogent-l'Artaut, et bien cinq ou six forteresces sur la rivière de Marne ; en Brie il tenoient Becoisel et la Houssoie[158]. En Mucien il tenoient Juilly, Creil et pluseurs autres sur la rivière d'Oyse : sur Saine en devalant, Poissy, Meullent, Mante, Rais ; et plus de cent autres en diverses parties, tant en Picardie comme ailleurs.

[158] La Houssoye ou La Houssaye. Aujourd'hui village du département de Seine-et-Marne, à cinq lieues de Coulommiers. — Je n'ai pas retrouvé Becoisel, que le msc. 9,652 écrit Le Trisel.

Laquelle journée du dix-neuviesme jour fu continuée de jour en jour en attendant plus de gens, jusques au samedi ensuivant, vint-cinquiesme jour dudit moys. Auquel samedi ledit régent fu au palais sur le perron de marbre en la court ; et là, en présence de tout le peuple, fist lire ledit traictié par maistre Guillaume des Dormans, advocat du roy en parlement, par lequel traictié apparoit que le roy d'Angleterre vouloit avoir la duchié de Normendie, la duchié de Guienne, la cité et le chastel de Saintes, toute la dyocèse et païs ; la cité d'Agen, la cité de Tarbe, la cité de Pierregort, la cité de Limoges, la cité de Caours et toutes les diocèses et païs, la conté de Bigorre, la conté de Poitiers, la conté d'Anjou et du Maine, la cité et chastel de Tours et toute la diocèse et païs de Touraine, la conté de Bouloigne, la conté de Guines, la conté de Pontieu, la ville de Monstrueil-sur-Mer et toute la chastellerie, la ville de Calais et toute la terre de Merq[159] en toute justice et seigneurie, ressort et souveraineté, sans ce que, des terres dessus dites le roy d'Angleterre fust en aucune manière subgiet au roy de France présent né à ses successeurs roys de France, mais seulement voisin. Et oultre vouloit avoir ledit roy d'Angleterre l'homage, ressort et souveraineté de la duchié de Bretaigne, perpétuellement, si comme les autres terres dessus dites.

[159] Merq. Ce nom de pays, peut-être le même que Marquenterre, en Ponthieu, a été oublié dans l'estimable Indication des Provinces et pays de la France, publiée dans l'Annuaire de l'Histoire de France, année 1837.

Et oultre vouloit avoir quatre millions d'escus de Phelippe, avec toutes les autres terres que il tenoit au royaume de France, par tel condicion que le roy de France devoit faire récompensacion de autres terres à tous ceux qui avoient aucunes choses sur lesdites terres, par aliénation faite par les roys de France ou par ceux qui ont eu cause[160] d'eux, depuis que lesdites terres et pays vindrent et furent aux roys de France.

[160] Qui ont eu cause. Qui prétendoient à des droits transmis par eux.

Et encore requéroit ledit Anglois avoir la possession des villes et chastiaux de Rouen, de Caen, de Vernon, du Pont-de-l'Arche, du Goulet[161], de Gisors, de Moliniaux, d'Arques, de Gaillart, de Vire, de Boulongne, de Monstrueil-sur-la-Mer, de la Rochelle ; cent mille livres d'Esterlins et dix seigneurs pour ostages dedens le premier jour d'aoust ensuivant. Et ce fait, il devoit mettre le roy de France en son royaume, en son povoir ; toutesvoies tousjours loyal prisonnier jusque à ce que toutes les choses dessusdites fussent acomplies. Lequel traictié fu moult déplaisant à tout le peuple de France. Et après ce qu'il orent eu délibéracion, il respondirent audit régent que ledit traictié n'estoit passable né faisable : et pour ce ordennèrent à faire bonne guerre aux Anglois.

[161] Le Goulet. Place forte dont il reste à peine des vestiges. — Moliniaux ou Moulineaux, aujourd'hui village à trois lieues de Caen. — Arques, petite ville de Normandie, près de Dieppe.

CXI.

Coment les officiers du roy furent rappellés par le régent, et de l'aide que l'en offri pour la guerre.

Le mardi vint-huitiesme jour du moys de may, ledit régent prononça par sa bouche que, à tort et sans cause raisonnable, il avoit privé de ses offices les vint-deux personnes qui avoient esté privées par l'ordonance des trois estas, l'an cinquante-sept ; et qu'il les avoit tousjours trouvés bons et loyaux ; mais l'evesque de Laon et les tirans traitres qui avoient empris le gouvernement le firent faire par contraincte, si comme il dit lors. Et les restitua en leur estas et renommées.

Item, le dimenche secont jour de juing ensuivant, fu accordé au régent que les nobles le serviroient un moys à leur despens, chascun selon son estat, sans compter aler né venir. Et avec ce paieroient les imposicions qui seroient ordenées par les bonnes villes. Les gens d'églyse offrirent à payer lesdites imposicions ; la ville de Paris et viscontés offrirent six cens glaives, trois cens archiers et mil brigans. Et fu ordené que tous ceux qui là estoient s'en retournaissent en leur villes, pour ce que il ne vouloient aucune chose ottroier sans parler à leur villes, et qu'il envoiassent leur responses dedens le lundi après la Trinité. Et depuis envoièrent pluseurs villes leur response : mais pour ce que le plat païs estoit tout gasté par les ennemis anglois et navarrois, et aussi par les garnisons des forteresces françoises, lesdites bonnes villes ne porent acomplir le nombre de douze mil glaives qui luy avoient esté accordés de la Langue d'oc.

CXII.

Coment un traictié fu fait entre le régent et le roy de Navarre.

Audit moys, le régent ala à Meleun : et là se tint et fist faire le moustier du Lis fort[162], et y establi une bastide contre ses ennemis qui tenoient le chastel et l'isle de Meleun et la partie de ladite ville devers Bière ; et l'avoient tenue depuis l'entrée du moys précédent. Et y estoit tousjours la royne Blanche et Jehanne, sa seur, seurs audit roy de Navarre. Et ledit régent et ses gens tenoient l'autre partie de ladite ville qui est devers Brie.

[162] Fort. C'est-à-dire il fortifia le monastère du Lys.

Et pendant ce que ledit régent estoit à Meleun, aucuns de ses gens traictièrent de paix avec aucuns des gens du roy de Navarre, à Rosny et à Veteil[163]. Et finablement furent à accort que ledit régent rendroit audit roy de Navarre toutes les forteresces que il tenoit de luy, et outre paieroit encore douze mille livrées de terre et six cens mil escus de Jehan, à paier chascun an cinquante mille jusques à douze ans. Et par ce ledit roy demourroit ami bienvueillant et alié du roy de France et dudit régent, et de nouvel feroit homage audit régent. Lequel traictié fu rapporté audit régent à Meleun. Et pour ce se parti le mercredi darrenier jour de juillet ensuivant, après disner, et s'en ala par yaue à Paris toute jour et la nuit ensuivant et arriva à Paris le jeudi bien matin, premier jour d'aoust. Et celuy jour fist assambler à heure de relevée, en la chambre des comptes, pluseurs de son conseil, le prévost des marchans de Paris et aucuns autres bourgois de ladite ville. Et là ledit régent fist narracion dudit traictié que il ne vouloit avoir passé sans avoir eu leur advis et délibéracion. Si fu ordené que il y auroit plus des gens de Paris. Et pour ce fu dit que l'en retourneroit le vendredi matin, secont jour dudit moys d'aoust ; et ainsi fu fait, et fu l'assemblée en la chambre de parlement. Et là ledit régent répéta ledit traictié, et fu dit que l'en retourneroit l'endemain, samedi tiers jour dudit moys, pour dire chascun ce que il ly en sambleroit.

[163] Rosny et Vétheuil sont dans les environs de Mantes, aujourd'hui département de Seine-et-Oise.

Auquel samedi retournèrent en ladite chambre de parlement, et là fu conseillié audit régent que il féist accort audit roy de Navarre, en luy baillant ce que dessus est dit. Si retourna à Mante et à Meulent le seigneur de Vignay qui ces choses traictoit pour ledit régent avec aucuns autres, par devers Friquet de Fricamp, le seigneur de Luce, et monseigneur Regnault de Braquemont qui ces choses traictoient pour le roy de Navarre. Lesquels vindrent à Paris parler audit régent, et leur ala à l'encontre Jehan Culdoe, lors prévost des marchans, acompaignié de Jehan Maillart et de aucuns autres de Paris jusques à Saint-Denis, afin, si comme l'en disoit, que on ne féist villenie à Paris aux dessusdis chevaliers du roy de Navarre. Et les conduist ledit prévost et sa compaignie jusques au Louvre, par devers ledit régent, lequel régent fist moult grant chière auxdis Friquet, seigneur de Luce et de Braquemont, jasoit ce que eussent esté des plus principaux conseilliers dudit roy et encore estoient ; et les fist mangier à sa table, et leur fist livrer chambre au Louvre. Et furent par pluseurs journées avec luy. Et après retourna ledit Braquemont par devers le roy qui estoit à Mante, si comme l'en disoit, et les deux autres demourèrent à Paris.

Item, le samedi dix-septiesme jour du moys d'aoust, ledit régent parti de Paris, et ala à St-Denis au disner, et au giste à Pontoise, là où le roy de Navarre devoit aler pour parler à luy et pour parfaire le traictié.

CXIII.

Des hostages qui furent envoiés à Meulent avant que le roy de Navarre osast venir à Pontoise par devers ledit régent.

Le lundi ensuivant, dix-neuviesme jour dudit moys d'aoust, après disner, ledit régent issi hors de Pontoise pour aler au devant du roy de Navarre, et mena ledit régent avec luy moult de gens d'armes, et chevaucha en alant vers Meulent environ une lieue.

Et lors vit ledit roy qui estoit issu dudit Meulent, et venoit devers ledit régent ; et avoit avec luy environ cent hommes d'armes ; et si en y avoit bien autant des gens ledit régent que il avoit envoiés contre ledit roy. Et si en avoit aucuns que ledit régent avoit envoiés pour convoier certains hostages lesquels monseigneur ledit régent avoit envoiés à Meulent, pour ce que ledit roy n'osoit né vouloit aler à Pontoise, sé il n'avoit hostages. Et furent hostages le duc de Bourbon, monseigneur Loys de Harecourt, le sire de Morency[164], le sire de Saint-Venant, monseigneur Guillaume Martel, le Baudrin de la Heuse et aucuns autres chevaliers, le prévost des marchans et deux bourgois de Paris. Mais ledit roy ramena avec luy ledit prévost et bourgois de Paris, quant il ala par devers ledit régent, et les autres demourèrent à Meulent.

[164] Morency. La maison de Montmorency est souvent ainsi désignée dans les anciens monumens.

Et quant ledit roy vit ledit régent sus les champs, il renvoia sa gent à Meulent, et ne retint avec luy que quarante chevaux ou environ. Si s'approchièrent l'un de l'autre, et avoient chascun le chapperon avalé[165], hors de la teste. Et quant il furent près l'un de l'autre, si se entresaluèrent, et retournèrent ensemble à Pontoise à l'anuitier. Et furent les torches alumées à l'entrée de la ville. Et mena ledit régent avec luy descendre ledit roy au chastel auquel le régent estoit hébergié ; et livra-l'en audit roy chambre dessous la chambre dudit régent, et ce soir souppèrent ensemble.

[165] Avalé. Descendu.

Et l'endemain, jour de mardi, fu le conseil des deux assemblé pour traictier de l'assiete des douze mille livrées de terre que ledit régent devoit baillier audit roy. Et réquéroit audit régent et son conseil ledit roy et son conseil que on luy baillast pour ladite terre, les viscontés de Faloise, de Baieux, d'Auge et de Vire. Et de ce ne furent pas à acort les gens du conseil dudit régent. Pour ce alèrent devers ledit régent, et luy distrent les requestes des gens dudit roy, et les offres qui leur avoient esté faites par les gens dudit régent. Et sembla audit régent que on le seurquéroit[166] de la partie dudit roy. Et pour ce envoia le conte d'Estampes par devers ledit roy et luy manda que sé il ne prenoit les offres qui luy avoient esté faites de par luy, lesquelles estoient bonnes et honnorables et raisonnables, que il n'auroit paix né acort avec luy, mais le feroit mettre seurement là où il l'avoit pris, et après féist chascun le mieux que il pourroit. Laquelle chose ledit roy ne voulut accorder ; et cuida-l'en que le traictié fust tout rompu.

[166] Surquéroit. Demandoit trop de choses exorbitantes. Surenchérissoit.

CXIV.

Du bel langage que le roy de Navarre dist au conseil de monseigneur le régent.

L'endemain, jour de mercredi vint-et-uniesme jour du moys d'aoust, ledit roy manda un pou avant heure de disner le conseil dudit régent pour aler parler à luy en sa chambre, et leur dist que il vouloit estre bon ami du roy et dudit régent et du royaume de France ; car il véoit bien, si comme il disoit, que le royaume de France estoit sur le point d'estre destruit ; et luy, qui estoit si prochain de par père et de par mère, ne le povoit né vouloit souffrir. Et pour ce, ne vouloit avoir terre né argent, fors seulement la terre que il avoit par devant ; ains le vouloit emploier à faire tout le bien que il pourroit pour le royaume. Et il pensoit que l'en luy déserviroit sé il faisoit bien. Et dist, en oultre, que il vouloit ces choses dire devant le peuple.

Et ces choses ainsi dites au conseil dudit régent, ledit conseil s'en retourna devers le régent, et luy dit ces choses dont ledit régent moult s'esjoy, et aussi communément ceux qui l'oïrent, car par avant l'en tenoit que tout le traictié estoit rompu. Et disoient pluseurs que Dieu avoit inspiré ledit roy, sé il disoit en bonne entencion ce que il disoit. Et lors fu ordenné que on feroit venir des gens de ladite ville de Pontoise en la sale du chastel, et le roy diroit les choses dessus dites. Et ainsi fu fait celuy jour. Et leur dit le roy de Navarre ce qui dessus est dit ; et, oultre, que il délivreroit toutes les forteresces qui avoient esté prises depuis que il avoit esté ennemi du roy de France et du régent, par ses gens ou par ses aliés. Et assez tost après s'en partirent les Anglois qui estoient à Poissy, de Chaumont-en-Vouquessin, à Jouy, à la Ville-au-Tertre[167], et à Latainville. Dont pluseurs disoient que le roy de Navarre feroit bien besongne, et que, par ladite paix, moult de bien vendroit au royaume. Et les autres disoient que le roy de Navarre faisoit tout ce que il faisoit par cautèle et par malice, pour décevoir ledit régent et le peuple, et que il ne feroit jà bien de sa vie.

[167] La Ville-au-Tertre. Aujourd'hui la Villetertre, près de Chaumont en Vexin. — Latainville, et non pas La Chanville, comme dit Villaret. C'est un village encore plus rapproché de Chaumont que la Villetertre.

CXV.

Coment monseigneur le régent parla bien en parlement pour le roy de Navarre, et de la response que fist maistre Jehan des Mares contre pluseurs traitres.

Le samedi, vint-quatriesme jour du moys d'aoust, ledit régent s'en retourna de Pontoise à Paris, et ledit roy s'en ala à Meulent. Et deurent estre à Paris ensemble, le dimenche premier jour de septembre ensuivant, pour ordener du fait de la guerre ; pour ce que l'en disoit que le navire du roy anglois estoit tout prest, et que celuy roy devoit passer brievement à grant ost pour venir en France. Et jasoit ce que ledit régent eust jà partout envoié lettres au royaume, contenant le traictié de la paix de luy et du roy de Navarre, par lesquelles il se pénoit, tant comme il povoit, de recommander ledit roy et de le mettre en la grace du peuple, toutesvoies ne le vouloit-il ou n'osa faire venir à Paris, jusques à ce que il eust parlé au peuple sur ce. Et pour ce fist une grande assemblée en la chambre de parlement, et là récita au peuple le traictié dudit roy, et leur dist de sa bouche qu'il ne vouloit point faire venir ledit roy de Navarre à Paris sé ce n'estoit de leur bon gré, et que il ne vouldroit point que l'en féist né déist audit roy né à ses gens aucunes choses qui leur déust déplaire.

Et lors, un advocat de parlement appellé maistre Jehan des Mares, pour et au nom du prévost des marchans et de ladite ville, respondi en substance que le peuple de Paris estoit joieux et lie de la bonne paix dessusdite, et leur plaisoit bien que il féist venir à Paris ledit roy toutesfois que il luy plairoit : mais les bonnes gens de Paris supplioient audit régent que il ne voulsist souffrir que aucuns traistres venissent à Paris que ledit maistre Jehan nomma lors. Et dist au régent que sé il venoient à Paris, que il tenoit fermement que le peuple ne les y pourroit souffrir. Et estoient ceux dont les noms s'ensuivent : maistre Robert le Coq évesque de Laon, maistre Michiel Casse chancelier de l'églyse de Noyon, Jehan de Sainte-Aude, Pierre de la Courtneuve, Vincent du Valrichier, Pierre des Barres, Gieffroi le Flament du porche St-Jaques et aucuns autres.

Lequel régent respondi que ce n'estoit point son entencion né sa volenté que lesdis traistres venissent à Paris ; et jasoit ce que ledit roy luy eust fait requeste pour les dessus nommés, afin que il leur pardonnast tout, toutesvoies ne luy avoit-il voulu accorder né pensoit à faire.

CXVI.

De l'outrageus subside que les gens du roy de Navarre prenoient sur toutes marchandises qui avaloient le pont de Meleun.

Le dimenche, premier jour de septembre l'an mil trois cens cinquante-neuf dessusdit, ledit régent ala à Saint-Denis à l'encontre du roy de Navarre qui y devoit estre et qui y fu ; et, le soir de celuy jour, vindrent à Paris au giste, et le mena ledit régent au Louvre avec luy descendre, et furent ensemble toute celle semaine, et le festoia et honnora ledit régent moult grandement ; et fist ledit régent pluseurs graces et dons à pluseurs des gens dudit roy qui avoient esté traitres du roy de France et du régent, son fils. Et avoient les gens dudit roy de Navarre grant asséis[168] et grant voix par devers ledit régent, dont pluseurs bonnes personnes qui bien et loyaument avoient servi ledit régent en avoient grant desplaisir. Et la semaine ensuivant se parti ledit roy de Paris, et s'en ala à Meleun pour mettre hors, si comme l'en disoit, pluseurs Navarrois qui encore y estoient, dont il ne fist rien. Et levoit-l'en de toutes marchandises qui passoient l'arche du pont de Meleun trop grant subside ; c'est assavoir : de chascun tonnel de vin, six escus d'or ; de chascun muy de grain, deux escus ; de vint-cinq molles de busches, un escu ; d'une couple de foing, huit escus ; d'un millier de costerès, un escu ; et des autres choses à la value ; et disoit-l'en que c'estoit pour paier les Navarrois qui avoient demouré au chastel et en la ville de Meleun, qui s'estoit tenue de la partie du roy de Navarre : dont moult de gens estoient merveilliez, car il convenoit[169] que ceux qui avoient esté ennemis des François et qui les avoient pilliés, robés et tués fussent paiés de leur gages, du temps qu'il avoient esté ennemis du chastel et de la chevance des François. Et quant le roy de Navarre ot esté à Meleun avec ses seurs, la royne Blanche et Jehanne, par quatre fois ou par cinq, il s'en parti et y laissa encore les Navarrois. Et si ne délivra pas Creil qui estoit tenu des Anglois, et toutesvoies avoit-il promis à la délivrer, mais que l'en luy baillast six mille royaux, desquels la ville de Paris fist finance. Mais il ne furent pas bailliés audit roy pour ce que on ne véoit pas que la délivrance de Creil fust bien preste ; car un Anglois en estoit capitain, lequel on appelloit monseigneur Jehan de Foudrigay, lequel ne le vouloit pas rendre sans plus grant finance que de six mille royaux.

[168] Grant asséis. Grande influence, haute position.

[169] Il convenoit. Il étoit décidé, consenti, accordé.

CXVII.

Coment monseigneur le régent ala à Rouen ; et d'une incidence.

Le huitiesme jour du mois de septembre, parti de Paris ledit régent pour aler à Rouen ; et ala à Saint-Denis où il demoura deux jours ; et après à Pontoise et à Vernon, et entra en la ville de Rouen, le dix-huitiesme jour dudit mois.

Incidence. En cest an, furent les moys de juillet, d'aoust et le commencement de septembre tant pluvieus que la plus grant partie des grains furent tous germés ès champs, pource que on ne les povoit mener à ville. Et disoit l'en que, tant pour celle cause comme pour les pilleries que ceux des garnisons françoises faisoient, il seroit moult grant chierté de blé. Et dès lors enchieri forment ; car le sextier de fourment valoit à Paris, à la Saint-Rémy, quatre livres parisis et plus, et une queue de vin vermeil de Bourgoigne valoit plus de cinquante livres parisis ; mais la monnoie estoit foible, car un escu valoit bien quarante-huit sous parisis, et assez tost après valut cinquante-deux sous parisis.

CXVIII.

De la revenue du régent à Paris et des nopces Jehan, conte de Harecourt ; et coment le captau de Buef prist la ville de Clermont.

Le lundi septiesme jour d'octobre ensuivant, retourna ledit régent de Rouen à Paris ; et entra le lundi devant soleil levant à Paris, accompagnié de seize hommes de cheval ou environ ; et avoit chevauchié toute la nuit, car le dimenche précédent il avoit souppé à Vernon bien tart et de là s'en vint toute nuit à Paris.

Item, le lundi quatorziesme jour d'octobre, Jehan, conte de Harrecourt, fils du conte de Harrecourt qui avoit eu la teste coppée à Rouen, si comme dessus est devisé, espousa Catherine, seur du duc de Bourbon et fille du duc qui avoit esté mort en la bataille de Poitiers, là où le roy Jehan avoit esté pris, et seur aussi de la duchesse de Normendie, de la royne d'Espaigne et de la contesse de Savoie. Et furent les nopces au Louvre près de Paris ; et y furent présens ledit régent et le roy de Navarre.

Item, le mardi douziesme jour de novembre ensuivant, fu la tour du pont Sainte-Maxence prise par certains Anglois que le capitain de la tour tenoit prisonniers dedens ladite tour.

Item, le lundi ensuivant dix-huitiesme jour dudit moys de novembre, l'an mil trois cent cinquante-neuf dessus dit, devant le point du jour, fu eschiellé le chastel de Clermont en Beauvoisin et la ville prise par un gascoin de la partie du roy anglois, appelé le cateau de Buef[170], lequel estoit venu de Mante par devers le roy de Navarre, son cousin et ami très espécial, sous sauf-conduit dudit régent, lequel sauf-conduit avoit esté donné audit cateau par ledit régent, à la requeste et prière dudit roy de Navarre. Et le sauf-conduit durant, il prist lesdis chastel et ville de Clermont.

[170] Le cateau de Buef. Captal de Buch. Jean de Grailly, captal de Busch ou de Buch, petit pays du Bordelois. Le château de Cap ou tête de Busch donnoit à celui qui le possédoit le titre de captal. On a écrit ce nom de Busch de bien des façons, mais les meilleures leçons des Chroniques de Saint-Denis le donnent, ici, comme nous l'avons préféré ; et deux vers de la chanson de geste de Bertrand Du Guesclin justifient cette orthographe :

Car je croi, sé Dieu plaist et je puis esploitier,
Que du catal de Buef mengerai un quartier,
Né je ne pense à nuit autre char mengier.

Du père de Jean de Grailly descendent en ligne directe féminine les rois de France de la maison de Bourbon.

CXIX.

Coment le roy d'Angleterre et ses fils, à tout leur effort, vindrent devant Rains ; et de la mort Martin Pisdoe, bourgois de Paris.

En celuy mois de novembre, le roy d'Angleterre, le prince de Galles son ainsné fils et autres de ses fils, le duc de Lenclastre et toute la puissance d'Angleterre, passèrent la mer et arrivèrent à Calais ; et chevauchièrent par l'Artois et par le Vermandois droit vers Rains, et misrent le siège devant ladite ville de Rains, d'une part et d'autre de la rivière de Veele. Et fu le roy d'Angleterre logié à Saint-Baale, à quatre lieues de Rains[171] ou environ. Le prince de Galles, son ainsné fils, estoit logié à Ville-Dommange, à deux lieues de Rains ; le conte de Richemont et celuy de Norentonne[172] à St-Thierri, à deux lieues de Rains ; le duc de Lenclastre à Brimont, assez près de Rains ; le mareschal d'Angleterre et monseigneur Jehan de Biauchamps estoient à Brétigny[173], à une lieue de Rains. Et chevauchoient les gens dessus nommés chascun jour tout environ Rains, par telle manière que à peine povoit aucun de pié ou de cheval entrer dedens la ville né issir.

[171] A quatre lieues de Rains. L'abbaye de Saint-Basle est à trois lieues de Reims au-dessus du bourg de Verzy. Ses ruines sont encore respectables à l'entrée de la forêt de Reims.

[172] Norentonne pour Northampton.

[173] Brétigny. Ou plutôt Betheny.

Item, le samedi darrenier jour de novembre, jour de la saint Andrieu, ledit régent publia, en la chambre de parlement, certaines ordenances que il avoit faites celle sepmaine en son conseil, sur la rescription des officiers royaux, lesquels il jura, en sa personne, la main mise sur le livre ; et aussi les fist jurer à ses officiers qui présens estoient.

Item, le lundi, pénultième jour du moys de décembre ensuivant, un bourgois de Paris appelé Martin Pisdoe fu décapité ès halles de Paris, sur un eschaffaut. Et après ot coppés les deux bras et les deux cuisses ; et fu la teste mise sur le pillori des halles ; et chascun desdis membres fu pendu hors des quatre portes principales de Paris, chascun membre à une potence de fust, qui pour celle cause fu faite. Et fu ledit bourgois ensi exécuté pource que il avoit traictié avec aucuns familiers et officiers du roy de Navarre, de traïr le roy de France, la ville de Paris et ledit régent. Et devoient entrer à Paris gens d'armes par diverses portes, et eux herbergier en divers lieux. Et aucuns d'eux devoient aler au Louvre, où devoit estre ledit régent, plus fors que ledit régent. Et là devoient tuer tous ceux que il voulsissent, et après courir toute la ville et prendre les places par la ville, afin que les gens de ladite ville ne se peussent assembler. Et fu ceste chose sceue et révélée par un autre bourgois appelé Denisot le Paumier, à qui ledit Martin avoit la chose descouverte, afin que il fust de l'aliance dessus dite.

CXX.

Coment le roy d'Angleterre se parti de devant Rains sans rien faire, et de la prise de pluseurs chevaliers françois estant en une bastide devant Tournelles.

ANNÉE 1360

Le dimanche onziesme jour de janvier, environ mienuit, le roy d'Angleterre et tout son ost après ce qu'il ot demouré devant Rains par quarante jours, se desloga et s'en parti sans ce que il eust donné assaut né donnast à ladite ville ; et s'en ala droit vers Chaalons. Et passa par devant sans arrester et sans y donner assaut. Et passèrent la rivière de Marne au-dessus de ladite ville, et chevauchièrent par la Champaigne et passèrent la rivière d'Aube et celle de Seine, à Mery et à Pons[174]. Et passa l'ost du duc de Lenclastre par devant Sens sans y donner assaut. Et le roy d'Angleterre et ses enfans s'en alèrent par devers Cerisiers et par devers Brinon l'Archevesque ; et alèrent par devant Aucerre vers Rougemont. Et demoura le roy une pièce en une ville que on appelle Guillon. Et là alèrent à luy ceux du duchié de Bourgoigne et firent pactis avec luy et luy donnèrent deux cent mille flourins afin que il ne féist dommage audit duchié. Et si luy accordèrent que il eust des vivres dudit duchié pour son argent[175]. Et ce fait, ledit roy se parti et s'en ala vers Nevers[176] et passa la rivière de Yonne à Collanges-sur-Yonne. Et envoyèrent ceux de la contée de Nevers par devers luy, et raençonnèrent toute la contée et la baronnie de Donzi-au-Pré. Et lors se mist à chemin à s'en venir par le Gastinois droit vers Paris, et vint le prince de Galles par devers Moret en Gastinois, droit à une forteresce qui lors estoit angloise, appelée les Tournelles[177], devant laquelle forteresce pluseurs de ceux de France avoient fait une bastide et se y estoient mis à siège. Et jasoit ce que il sceussent bien la venue dudit prince, il ne s'en partirent pas. Si se mist ledit prince devant ladite bastide et la fist assaillir ; et finablement dedens trois ou quatre jours après, lesdis François qui estoient dedens ladite bastide, pource que il n'avoient que boire né que mangier, se rendirent audit prince. Et là furent pris messire Haguenier seigneur de Bouville, le seigneur d'Aigreville, messire Jehan des Bares, messire Guillaume du Plessie et messire Jehan Braque, tous chevaliers, et pluseurs autres, jusques au nombre de quarante combattans ou environ.

[174] Mery et Pons sont bâties toutes deux sur la Seine, mais Pons est tout près du confluent de l'Aube. — Cerisiers est à quatre lieues au-dessus de Sens, à la droite de l'Yonne, et Brinon est entre Cerisiers et Auxerre. — L'Abbaye de Rougemont est près de Montbar. Le village de Guillon est plus rapproché d'Avallon.

[175] Ce traité, si peu honorable pour les conseillers du jeune duc de Bourgogne, est transcrit dans le nouveau Rymer, tome III, p. 473, sous la date du 10 mars 1360.

[176] Vers Nevers. C'est-à-dire qu'il fit mine de vouloir passer dans le Nevernois. — Coullange-sur-Yonne est au-dessous de Clamecy ; Donzy est au-dessus.

[177] Les Tournelles. Ce doit être Dormelles, près de Moret.

Item, le lundi devant Pasques flouries, l'an mil trois cent cinquante-neuf, vingt-troisiesme jour de mars, fu la monnoie publiée à Paris, à deux deniers pour le denier blanc, qui par avant valoit deux sous parisis ; et le royal d'or, que l'en mettoit par avant pour quatorze sous parisis, à trente-deux sous parisis. Et valoit lors le sextier de bon fourment quarante-huit livres parisis ou environ de ladite foible monnoie.

Item, le mardi avant Pasques les grans, darrenier jour de mars, le roy d'Angleterre se loga en l'ostel de Chantelou[178], entre Mont-Lehery et Chatres, et tous ses enfans et tout son ost ès villes d'environ, jusques près de Corbueil et jusques à Longjumel. Et fu prise journée de traictier de paix, par le moyen frère Symon de Langres, maistre de l'ordre des Jacobins, légat de par le pape en France pour celle cause, qui jà par pluseurs fois avoit esté par devers ledit roy d'Angleterre et aussi par devers ledit régent. Et assemblèrent lesdis traicteurs le vendredi bénoît, troisiesme jour du moys d'avril ensuivant, en la Maladerie de Longjumel ; et là furent pour ledit régent le seigneur de Fiennes, lors connestable de France ; messire Jehan le Maingre, dit Bouciquaut, lors mareschal de France ; le seigneur de Garancières ; le seigneur de Vignay, du pays de Vienne[179] ; messire Symon de Bucy et messire Guichart d'Angle, chevaliers, et aucuns clercs conseillers et secrétaires. Et pour ledit roy d'Angleterre furent le duc de Lanclastre, le conte de Norentonne, le conte de Warvhic ; messire Jehan de Chandos, tous anglois, messire Gautier de Mauny Hanuyer. Et tantost se départirent sans faire aucun traictié.

[178] Chantelou. On retrouve ce petit castel sur la carte de Cassini.

[179] Du pays de Vienne. Il est nommé Aymar de la Tour dans le traité de Bréquigny.

CXXI.

Coment le roy d'Angleterre vint près de Paris, luy et son ost, et fu-l'en assemblé pour traictier, mais l'en ne pout lors accorder.

L'an de grace mil trois cent soixante, le mardi après Pasques les grans, qui fu le septiesme jour d'avril, ledit roy d'Angleterre et tout son ost deslogièrent et s'approchièrent de Paris et se logièrent icelluy jour, c'est assavoir ledit roy à Chastellon près Mont-Rouge, et les autres à Jcy, à Vanves, à Vaugirart, à Gentilly, à Quaichant et ès autres villes environ. Et celuy jour s'en monstrèrent pluseurs en bataille devant Paris, mais pour ce ne issi aucun de ladite ville.

Item, le vendredi ensuivant, dixiesme jour dudit mois d'avril, retournèrent aucuns des dessus nommés pour ledit régent, pour traictier par l'amonestement de l'abbé de Clugny qui tantost estoit venu de par le pape, pour traictier entre les parties. Et assemblèrent les traicteurs en une maladerie appelée la Banlieue[180], qui est outre la tombe Ysore. Et y furent pour ledit Anglois les autres dessus nommés. Et tantost se partirent aussi sans aucun traictié faire, si comme il avoient fait par avant.

[180] La Banlieue. Peut-être Bagneux. La Tombe Ysore, située dans l'endroit même où l'on a pratiqué de notre temps l'entrée des catacombes, étoit autrefois un tumulus où les traditions poétiques vouloient qu'eût été enseveli le géant Isoré, tué devant Paris par le fameux Guillaume d'Orange. C'est dans ce combat singulier que le héros de tant de Chansons de geste avoit perdu la plus grande partie de son nez. Et voyez le sort des traditions poétiques! Plus tard, vers le quinzième siècle, on crut que le surnom de Guillaume au Court-nez étoit dû au cor ou cornet dont il se servoit en guise de cri de guerre. Les barons qui se prétendoient sortis de son illustre sang prirent donc pour blason un cor de chasse, que leurs descendans de la maison d'Orange gardent encore en mémoire de Guillaume d'Orange au Cornet.

CXXII.

Coment l'en rassembla à Brétigny pour traictier. Et sont après les noms de ceux qui furent commis tant d'une part comme d'autre.

Le dimenche jour de Quasimodo, douziesme jour dudit mois d'avril l'an dessus dit, le roy d'Angleterre et tout son ost se deslogièrent des villages d'entour Paris au matin et en vindrent pluseurs batailles assez près de Saint-Marcel, en faisant semblant que il attendissent que l'en issist de Paris pour les combattre : mais rien n'en fu fait, jasoit ce que en Paris eust grant foison de gens d'armes nobles et autres avec ceux de ladite ville. Mais les portes et les murs furent bien garnis de gens d'armes et de ceux de ladite ville de la partie d'oultre Petit pont ; et n'estoit pas la ville effréée. Et quant lesdis Anglois orent demouré sur les champs jusques environ heure de tierce, il s'en partirent et s'en alèrent après leur charios et leur autres batailles qui s'en aloient devant le chemin vers Chartres. Et boutèrent les feux, dès le samedi précédent, en grant foison des villes entour Paris de ce costé. Et alèrent jusques vers Bonneval et vers Chasteaudun[181]. Et firent assez sentir tant par l'abbé de Cligny, légat du pape en France pour traitier de paix, comme par autres, que il entendroient volentiers audit traictié de paix, sé ledit régent vouloit envoyer par devers eux. Et pour ce, par délibération du conseil, ledit régent envoya à Chartres pluseurs de son conseil, entre lesquels estoient messire Jehan de Dormans evesque de Beauvais et chancelier de Normendie[182], messire Jehan de Meleun conte de Tancarville, lequel estoit encore prisonnier de la bataille de Poitiers aux Anglois, là où le roy de France avoit esté pris ; messire Jehan le Maingre, dit Boucicaut, mareschal de France, le seigneur de Montmorency, le seigneur de Vinay, messire Jehan de Groslée, messire Symon de Bucy premier président de parlement, maistre Estienne de Paris chanoine, maistre Pierre de la Charité chantre de l'églyse Nostre-Dame de Paris, messire Jehan d'Augerau doien de Chartres, maistre Guillaume de Dormans et maistre Jehan des Mares advocat en parlement, Jehan Maillart bourgois de Paris et aucuns autres. Et partirent de Paris le lundi après la saint Marc, vingt-septiesme jour du mois d'avril.

[181] Bonneval et Chasteaudun. A douze lieues au-delà de Chartres.

[182] Normendie. C'est-à-dire du duc de Normendie. Avant le XVIe siècle on n'entendoit rien autre chose, par les mots trésorier de France ou maréchal de France, que les trésoriers ou les maréchaux du roi de France.

A celuy jour furent à Chartres et trespassèrent oultre, en alant vers ledit roy d'Angleterre. Et envoièrent par devers luy et son conseil, pour savoir où il assembleroient pour traictier. Auxquels de la partie de France fu fait assavoir que il retournassent vers Chartres et que ledit roy anglois traiteroit vers là. Et ainsi le firent les François et s'en retournèrent vers Chartres. Et le roy d'Angleterre s'en ala logier à une lieue près ou environ en un lieu appelé Sours[183]. Et prisrent place pour assembler à un lieu qui a nom Brétigny, à une lieue de Chartres ou environ.

[183] Sours. Aujourd'hui bourg considérable à deux lieues de Chartres. Brétigny, qu'on trouve encore sur la carte de Cassini, est un hameau qui paroît en dépendre. La plupart des manuscrits, même celui de Charles V, portent Dours. J'ai préféré le no 9652.

Item, le vendredi premier jour de mai, l'an dessus dit, assemblèrent audit lieu de Brétigny les dessus dis de la partie de France et les gens dudit roy anglois ; entre lesquels furent le duc de Lencastre, le conte de Norentonne, le conte de Varvich, le conte de Surfort, monseigneur Regnault de Cobehan, messire Barthélemy de Broueys, messire Gautier de Mauny, tous chevaliers, et pluseurs autres jusques au nombre de vingt-deux personnes. Et toute la sepmaine continuèrent le traictié, tant que par le plaisir de Dieu et de la glorieuse vierge Marie, le vendredi ensuivant huitiesme jour du mois de mai, il féirent accort de paix par la manière qui s'en suit.

CXXIII.

Cy est la teneur d'une des lettres monseigneur le régent, de l'adveu des traicteurs de paix de la partie du roy de France et de luy.

« Charles, ainsné fils du roy de France, régent le royaume, duc de Normendie, dauphin de Viennois, à tous ceux qui ces lettres verront salut. Nous vous faisons savoir que tous les débas et descors quelconques meus et demenés entre monseigneur le roy de France et nous, d'une part, et le roy d'Angleterre d'autre part, pour le bien de paix est accordé le huitiesme jour de mai, l'an mil trois cent soixante, à Brétigny, en la manière qui s'en suit :

» Premièrement, que le roy d'Angleterre, avecque ce que il tient en Guienne et en Gascoigne, aura pour luy », (et cætera, si comme ès articles ci-dessous est contenu.) »Toutes lesquelles choses si dessoubs escriptes et chascune d'icelles faites et accordées et ordonnées en la présence de révérent père en Dieu, nostre très chier et feal chancelier Jehan, par la grace de Dieu, esleu de Beauvais ; nos amés et féaux conseillers maistre Estienne de Paris chanoine, Pierre de la Charité chantre de l'églyse de Paris, Jehan d'Augerau doien de Chartres, messire Jehan le Maingre, dit Boucicaut, mareschal de France, Charles sire de Montmorency, Aymart de la Tour sire de Vinay, Jehan de Grolée, Regnault de Gouillons, Pierre d'Omont, Symon de Bucy, maistre Guillaume des Dormans, Jehan des Mares, Jehan Maillart bourgois de Paris, maistre Macé Guery, Nichole de Veres, nos clers, secretaires, commis et députés de par nous sur ce, avec les commis et députés de par le roy d'Angleterre, ci-dessous nommés, c'est assavoir : Messire Henry duc de Lenclastre, Guillaume conte de Norentonne, Thomas conte de Warvich, Rauf conte de Stafort, Williame conte de Saleberys, messire Gautier sire de Mauny, messire Regnault de Cobehan, messire Jehan de Beauchamp, messire Guy de Brienne[184], Franc de Hale, Jehan captau de Buef, Barthélemy de Brouéis[185], Guillaume de Granson, Jehan Chandos, Noel Loreng, Richard la Vache, Mile de Stapelancon[186], chevaliers, monseigneur Jehan de Winewic, chancelier dudit roy d'Angleterre ; maistre Henry de Assliton[187], maistre Guillaume de Ludgeburc, maistre Jehan Branquete, Adam Hiltenet Willame de Tupinon[188] ; l'an et le jour, au lieu dessus dit, à l'onneur de la benoite Trinité, Père, Fils et saint Esprit ; de la benoite glorieuse vierge Marie, et pour la révérence de nostre saint père le pape Innocent VI, lequel, quant il estoit cardinal en sa personne, et puis sa promotion, par révérens pères en Dieu les cardinaux de Boulogne et de Pierregort, nos cousins, et d'Urgel, qui furent de par luy envoiés en France et en Angleterre, qui en faire ceste paix ont adjousté et mis très grant et bonne diligence ; et de nos bien amés frère Andrieu de la Roche abbé de Clugny, et messire Hue de Genevre[189] seigneur d'Auton, messages derrenièrement envoiés par devers nous sur ce, de par nostre dit saint père, qui ont diligemment sur ce travaillié et traictié ; et receus les sermens desdis procureurs et autres dessus nommés en tesmoignant chascune d'icelles ès noms que dessus, nous acceptons, accordons, agréons, approuvons et confermons de nostre certaine science, et le voulons avoir en vigueur et fermeté, si et par telle manière que sé nous les eussions traictiés, parlés, accordés, jurés et promis en nostre propre personne. »

[184] De Brienne. Le nouveau Rymer écrit Brian. (T. III, p. 493.)

[185] Broueys. Rymer : Burgoshe et Burgash.

[186] Stapelancon. Rymer : Stapelton.

[187] Assliton. Rymer : Ashton. — Ludgeburc pour Lougteburg.

[188] Tupinon. Rymer : Tyrringham. — La fin de cet instrument, à compter de là jusqu'au chapitre suivant, n'a pas été connue des éditeurs de Rymer.

[189] Genevre. La bulle d'Innocent VI, en date du 4 mars précédent, le nomme « de Gebenna, dominum de Hauton » ; et non pas d'Autun, comme le P. Daniel. (T. V, p. 509.)

CXXIV.

Cy commence toute l'ordenance du traictié entre les deux roys de France et d'Angleterre.

« Edouart[190], fils au noble roy de France et d'Angleterre, prince de Galles, duc de Cornouaille et conte de Cestre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut. Nous vous faisons assavoir que de tous les débas et descors quelconques, meus et démenés entre nostre très chier et redoubté seigneur et père, roy de France et d'Angleterre, d'une part, et nos cousins le roy et son ainsné fils régent le royaume de France, et pour tous ce qu'affiert d'autre part, pour bien de paix est accordé, le huitiesme jour de may, l'an de grace mil trois cens soixante, à Brétigny delès Chartres, par la manière qui s'ensuit :

[190] Edouart fils, etc. Pourquoi le traité n'est-il pas fait au nom du roi lui-même qui se trouvoit présent? Sans doute parce qu'il ne croyoit pas de sa dignité de traiter avec le fils du roi, ou peut-être pour ne pas donner une force trop insolente au titre de roi de France et d'Angleterre, qu'il osoit bien encore y prendre.

» Le premier article. Premièrement, que le roy d'Angleterre, avec ce qu'il tient en Gascoigne et en Guyenne, aura pour luy et pour ses hoirs, perpétuellement à tous jours, toutes les choses qui s'ensuivent à tenir par la manière que le roy de France ou son fils ou aucuns de ses antécesseurs roys de France les tindrent, c'est assavoir ce que en souveraineté en souveraineté, ce que en demaine en demaine ; et pour le temps et manière cy-dessoubs desclairiés, la cité, le chastel et la conté de Poitiers et toute la terre et le païs de Poitou, ensamble le fief de Touars et la terre de Belleville ; la cité et chastel de Saintes et toute la terre et le pays de Saintonge, par deçà et par delà la Charente ; la cité et le chastel d'Agen et la terre et le païs d'Agenois ; le chastel et la cité et toute la conté de Pierregort et la terre et le païs de Piereguys ; la cité et le chastel de Limoges et la terre et le païs de Limousin ; la cité et le chastel de Caours et la terre et le païs de Caoursin ; la cité, le chastel et la terre de Tarbe ; la terre, le païs et la conté de Bigorre ; la conté, la terre et le païs de Gaure ; la cité et le païs d'Angoulesme ; la contée et la terre et tout le païs d'Angolemois ; la cité, le païs et le chastel de Rodès ; la contrée et le païs de Rouergue. Et sé il y a aucuns seigneurs, comme le conte de Fois, le conte d'Armignac, le conte de Lille, le conte de Pierregort, le visconte de Limoges ou autres qui tiennent aucunes rentes dedens les mettes[191] desdis lieux, il feront hommage audit roy d'Angleterre et tous autres services, et devoir deus à cause de leur terres et lieux, en la manière qu'il ont fait au temps passé.

[191] Mettes. Limites.

» Le secont article. Item, aura le roy d'Angleterre tout ce que le roy de France ou aucuns des roys d'Angleterre anciennement tindrent en la ville de Monstruel-sur-la-Mer et les appartenances.

» Le tiers article. Item, aura le roy d'Angleterre toute la conté de Pontieu entièrement, sauf et excepté que sé aucunes choses ont esté aliénées, par les roys d'Angleterre qui ont esté pour le temps, de ladite conté et appartenances et à autres personnes que roys de France, le roy de France ne sera pas tenu de les rendre au roy d'Angleterre. Et sé lesdites aliénations ont esté faites aux roys de France qui ont esté pour le temps, sans autre moyen[192], et le roy de France les tiengne à présent en sa main, il les laissera au roy d'Angleterre entérinement, excepté que sé les roys de France les ont eus par eschange pour autres terres, le roy d'Angleterre délivrera au roy de France ce que l'en en a eu par eschange, ou il luy laissera les choses ainsi aliénées. Mais sé les roys d'Angleterre qui ont esté pour le temps en avoient aliéné ou transporté aucunes choses en autres personnes que ès roys de France, et depuis soient venus ès mains au roy de France, ou aussi par partage[193], le roy de France ne sera pas tenu de les rendre. Aussi, sé les choses dessus dites doivent hommage, le roy de France les baillera à autres qui en feront hommage au roy d'Angleterre ; et sé il ne doivent hommage, le roy de France baillera un tenant qui luy en fera le devoir, dedens un an prochain après ce qu'il sera parti de Calais.

[192] Sans autre moyen. Sans intermédiaire.

[193] Partage. Le msc. de Charles V porte : Portage.

» Le quatriesme article. Item, le roy d'Angleterre aura la ville et le chastel de Calais, le chastel, la ville et seigneurie de Merq, les villes, chastiaux et seigneurie de Sangate, Couloigne, Hammes, Wales et Oye, avec les terres, bois, marois, rivières, rentes, seigneuries, avoisons[194] d'églyse, et toutes autres appartenances et lieux entregisans dedens les mettes et bonnes qui s'ensuivent ; c'est assavoir de Calais jusques au fil de la rivière, par devant Gravelines, et aussi par le fil de meisme la rivière tout entour l'engle. Et aussi par la rivière qui va par delà Poil ; et aussi par meisme la rivière qui chiet au grant lac de Guynes jusques au Fretin, et d'ilec par delà valée en tour la montaigne de       [195], en encloant meisme la montaigne ; et aussi jusques à la mer, avec Sangate et toutes ses appartenances.

[194] Avoisons. Et non pas maisons, comme portent la plupart des manuscrits et les imprimés. C'étoit le droit au titre d'avoué d'une église, attaché à certains fiefs.

[195] Le nom de la montagne n'a pas été rempli dans le manuscrit de Charles V. Le nouveau Rymer porte : Calbully.

» Le cinquiesme article. Item, le roy d'Angleterre aura le chastel, la ville et tout enterinement la conté de Guynes, avec toutes les terres, villes, chastiaux, forteresces, lieux, hommages, seigneuries, bois, forès, droitures d'icelles, aussi enterinement comme le conte de Guynes derrenier mort la tint au temps de sa mort. Et obéiront les églyses et les bonnes gens estans dedens les limitacions de ladite conté de Guynes, de Calais et de Merq et des autres lieux dessusdis au roy d'Angleterre, ainsi comme il obéissoient au roy de France et au conte de Guynes qui fu pour le temps. Toutes lesquelles choses de Merq et de Calais, contenues en ce présent article et en l'article prochain précédent, le roy d'Angleterre tenra en demaine, excepté les héritages des églyses, qui demourront auxdites églyses enterinement, quelque part qu'il soient assis ; et aussi excepté les héritages des autres gens du pays de Merq et de Calais, assis hors de la ville de Calais, jusques à la valeur de cent livres de terre par an de la monnoie courante au pays et au dessoubs. Lesquiex héritages leur demourront jusques à la valeur dessusdite et au-dessoubs. Mais les habitacions et héritages assis en ladite ville de Calais, avec leur appartenances demourront en demaine au roy d'Angleterre, pour en ordener à sa volenté ; et aussi demourront aux habitans en la conté, ville et terre de Guynes tous leur demaines entièrement ; et y revenront pleinement, sauf ce qui est dit des confrontations, mettes et bonnes, en l'article prochain précédent.

» Le sixiesme article. Item, est accordé que le roy d'Angleterre et ses hoirs auront et tendront toutes les isles et pays dessus nommés ensemble, avecques les autres villes, lesquelles le roy d'Angleterre tient à présent.

» Le septiesme article. Item, acordé que ledit roy de France et son ainsné fils le régent, pour eux et pour tous leur hoirs et successeurs, au plus tost que l'en pourra, sans fraude et sans mal engin, et au plus tart dedens la Saint-Michiel venant en un an, rendront, bailleront et délivreront audit roy d'Angleterre et à tous ses hoirs et successeurs, et transporteront en eux toutes les honneurs, hommages, obédiances, ligéances, vassaulx, fiés, services, recognoissances, droitures mer et mixtes[196], impère, et toutes manières de jurisdicions haultes et basses, ressors et sauvegardes, avoisons et patronages d'églyse, et toutes manières de seigneuries et souverainetés, et tout le droit qu'il avoient ou povoient avoir, appartenoient, appartiennent ou puent appartenir par quelconque cause ou tiltre ou couleur de droit, à eux, aux roys et à la couronne de France, pour cause de contés, cités, chastiaux, villes, terres, pays et isles et lieux avant nommés, et de toutes leur appartenances et appendances, quelque part que il soient, et chascune d'icelles sans y rien retenir à eux, à leurs hoirs né successeurs, aux roys né à la couronne de France. Et aussi manderont le roy et son ainsné fils, par leur lettres patentes à tous arcevesques, evesques et autres prélas de sainte églyse, et aussi aux contes, viscontes, barons, nobles, citoyens et autres quelconques de cités, terres, pays, isles et lieux avant nommés, qu'il obéissent au roy d'Angleterre et à ses hoirs, et à leur certain commandement, en la manière qu'il ont obéy aux roys et à la couronne de France ; et par meismes les lettres leur quitteront et absouldront, au mieux qu'il se pourra faire, de tous hommages, fois, seremens, obligacions, subjecions et promesses fais par aucuns d'eux aux roys et à la couronne de France en quelconques manières.

[196] Mer et mixtes. Pures et mélangées.

» Le huitiesme article[197]. Item, accordé est que ledit roy d'Angleterre aura les contés, cités, chastiaux, terres et isles et lieux avant nommés avecques toutes leur appartenances et appendances quelque part que il soient, à tenir à luy et à ses hoirs, héréditablement et perpétuelment, en demaine ce que les roys de France y tenoient en demaine, et aussi en fiés, service, souveraineté ou ressort, ce que les roys de France y avoient par telle manière ; sauf tant comme dit est par dessus, en l'article de Calais et Merq. Et sé des cités, chastiaux, contés, terres, pays, isles et lieux avant nommés, souverainetés, droit mer et mixte, impere, jurisdicions et prouffis quelconques que tenoient aucuns roys d'Angleterre illec, et en leur appartenances et appendances quelconques, aucunes aliénacions, donacions, obligacions, ou charges ont esté faites par aucuns des roys de France qui ont esté depuis quarante ans en çà, par quelque cause ou fortune que ce soit, toutes teles donations, aliénacions, obligacions et charges, sont et seront, dès ores, du tout rappellées, quassées et annullées, et toutes choses ainsi données, alliénées ou chargiées, seront réalment et de fait rendues et bailliées audit roy d'Angleterre et à ses députés, espécialement en meisme entiereté comme il furent au roy d'Angleterre depuis soixante-dix ans en çà, au plus tost que l'en pourra sans mal engin, et au plus tart dedens la saint Michiel prochaine venant en un an ; à tenir au roy d'Angleterre, à tous ses hoirs et successeurs, perpétuellement par la manière que dessus est dit, excepté ce que dit est, par dessus, en l'article de Pontieu qui demourra en sa force ; et sauf et excepté toutes les choses données et aliénées aux églyses, qui leur demourront paisiblement en tous les païs et lieux ci-dessus et dessoubs nommés ; si que les personnes desdites églyses prient diligemment pour lesdis roys comme pour leur fondeurs, sans quoi leur conscience seront chargiées.

[197] Les éditions précédentes et plusieurs manuscrits ont omis de publier ou transcrire les articles 8, 9, 10, 11 et 12.

Le neuviesme article. » Item, est accordé que le roy d'Angleterre, toutes les contés, cités, chastiaux et païs dessus nommés qui anciennement n'ont esté des roys d'Angleterre aura et tendra en l'estat et ainsi comme le roy de France ou son fils les tiennent à présent.

Le dixiesme article. » Item, accordé est que sé, dedens les mettes desdis païs qui furent anciennement des roys d'Angleterre, avoit aucunes choses qui autreffois n'eussent esté des roys d'Angleterre, dont le roy de France estoit en possession le jour de la bataille de Poitiers, qui fut le dix-neuviesme jour de septembre l'an mil trois cent cinquante-six, elles seront et demourront au roy d'Angleterre et à ses hoirs, par la manière que dessus est dit.

Le onziesme article. » Item, accordé est par le roy de France et son ainsné fils le régent, pour eux et pour leur hoirs et pour tous les roys de France et leur successeurs et à tousjours, que au plus tost qu'il se pourra faire sans mal engin, et au plus tart dedens la saint Michiel venant en un an, rendront et bailleront au roy d'Angleterre tous les honneurs, régalités, obédiences, homaiges, ligeances, vassaux, fiés, services, recognoissances, seremens, droitures, mer et mixte, impere, et toutes autres manières de juridicions haultes et basses, ressors, sauvegardes, seigneuries et souverainetés qui appartenoient, appartiennent ou povent en aucune manière appartenir aux roys et à la couronne de France, ou à aucune autre personne à cause du roy et de la coronne de France, en quelque temps, ès cités, contées, chastiaux, terres, païs, isles et lieux dessus nommés, ou en aucun d'iceux et en leur appartenances quelconques, ou ès personnes, vassaux, subgiés quelconques d'iceux, soient princes, dus, contes, vicontes, arcevesques, evesques et autres prélas d'églyse, barons, nobles et autres quelconques, sans rien à eux, leur hoirs et successeurs, ou à la coronne de France ou autres que soit, retenir ou réserver en iceux ; par quoy né leur hoirs ou autres roys de France, ou autre que ce soit, à cause du roy ou de la coronne de France, aucune chose y pourroit chalengier[198] ou demander au temps avenir sur le roy d'Angleterre ou successeurs, ou sur aucun des vassaux et subgiés avant dis, pour cause des païs et lieux avant nommés, ainsi que tous les avant nommés personnes et leur hoirs et successeurs perpétuelment seront hommes liges et subgiés du roy d'Angleterre et à tous ses hoirs et ses successeurs ; et que ledit roy d'Angleterre et ses hoirs et successeurs, toutes les personnes, contées, terres, païs, isles, chastiaux et lieux avant nommés, et toutes leur appartenances et appendences tendront, auront et à eux demourront plainement, franchement et perpétuelment en leur franchises, souverainetés et seigneuries et obéissances, ligeances et subjections, comme les roys de France avoient et tenoient en aucun temps passé ; et que le roy d'Angleterre, ses hoirs et successeurs auront et tendront perpétuelment tout le païs avant nommé, avec leur appartenances, appendances et les autres choses avant nommées en toutes franchises et libertés perpétuelles, comme seigneur souverain et liège et comme voisin au roy et au royaume de France ; sans y recognoistre souverain ou faire aucune obédiance, hommage, ressort, subjecion ; et sans faire en aucun temps avenir aucuns services ou recognoissances aux roys né à la couronne de France des cités, contées, chastiaux, terres, païs, isles, lieux et personnes avant nommés ou pour aucunes d'icelles.

[198] Chalengier. Réclamer.

Roubriche. Cet article douziesme qui s'en suit et le précédent article furent ostés du traictié qui fut corrigié depuis à Calais, quant les deux roys y furent ; et fu fait et accordé sur ces deux articles, ce qui est contenu en une lettre dont la copie est escripte en ce livre ci-après au feuillet ………… là où il est traictié des choses faites l'an mil trois cent soixante-huit, tantost après le quatriesme jour de juillet, après ce qui est escript des appellacions faites par le conte d'Armignac et pluseurs autres : et là sera trouvée transcrite ladite lettre qui se commence : Edouart, etc., signée en marge à tel signe ✠.

Le douziesme article. » Item, est accordé que le roy de France et son ainsné fils renonceront expressément auxdis ressors et souverainetés et à tout le droit qu'il ont et povent avoir en toutes les choses qui par ce présent traictié doivent appartenir au roy d'Angleterre ; et semblablement le roy d'Angleterre et son fils renonceront expressément à toutes les choses qui, par ce présent traictié, ne doivent être bailliées né demourer audit roy d'Angleterre, et à toutes les demandes qu'il faisoient au roy de France, et par espécial au nom et au droit de la couronne de France, à l'ommage, souveraineté et demaine du duchié de Normendie et du duchié de Touraine, des contées d'Anjou, du Maine, et à la souveraineté et hommage du duchié de Bretaigne, et à la souveraineté et hommage de la conté et païs de Flandres, et à toutes autres demandes que le roy d'Angleterre faisoit ou faire pourroit au roy de France pour quelconque cause que ce soit ; oultre ce et excepté qui par ce présent traictié doit demourer et estre baillié audit roy d'Angleterre et à ses hoirs ; et transporteront, cesseront et délaisseront, l'un roy à l'autre perpétuellement, tout le droit que chascun d'eux avoit en toutes les choses qui, par ce présent traictié, doivent demourer ou estre baillées à chacun d'eux, et du temps et lieu où et quant lesdites renonciacions se feront, parleront et ordeneront les deux roys à Calais ensemble.

Le treiziesme article. » Item, est accordé, afin que ce présent traictié puisse estre plus briefvement accompli, que le roy d'Angleterre fera amener le roy de France à Calais dedens trois sepmaines après la Nativité saint Jehan-Baptiste prochaine venant, cessant tout juste empeschement, aux despens du roy d'Angleterre, hors les frais de l'ostel du roy de France.

Le quatorziesme article. » Item, est accordé que le roy de France paiera au roy d'Angleterre trois millions d'escus d'or, dont les deux valent un noble de la monnoie d'Angleterre : et en seront paiés audit roy d'Angleterre ou à ses députés six cent mil escus à Calais, dedens quatre moys, à compter depuis que le roy de France sera venu à Calais ; et dedens l'an dès-lors prochain ensuivant, en seront paiés quatre cent mil escus, tels comme dessus est dit, en la cité de Londres en Angleterre ; et dès lors, chascun an prochain ensuivant, quatre cent mille escus tels comme devant, en ladite cité, jusques à tant que lesdis trois millions seront paiés.

Le quinziesme article. » Item, est accordé que par paiant lesdis six cent mille escus à Calais, et par baillant les ostages ci-dessous nommés et délivrés au roy d'Angleterre dedens les quatre moys, à compter depuis que le roy de France sera venu à Calais comme dit est, la ville et les forteresces de la Rochelle et les chastiaux, forteresces et villes de la conté de Guynes, avecques toutes les appartenances et dépendances, la personne dudit roy de France sera toute délivre de prison, et pourra partir franchement de Calais et venir en son païs sans aucun empeschement. Mais il ne se pourra armer né ses gens contre le roy d'Angleterre, jusques à tant qu'il ait accompli ce qu'il est tenu de faire par ce présent traictié. Et sont ostages, tant prisonniers pris à la bataille de Poitiers comme autres qui demourront pour le roy de France, ceux qui s'ensuivent, c'est assavoir : Monseigneur Loys, conte d'Anjou ; monseigneur Jehan, conte de Poitiers, fils du roy de France ; le duc d'Orléans, frère dudit roy. Et de quarante compris audit nombre, seize des prisonniers qui furent pris à Poitiers, en la compaignie du roy de France, et le duc de Bourbon, le conte de Blois ou son frère le conte d'Alençon, ou monseigneur Pierre d'Alençon son frère, le conte de Saint-Pol, le conte de Harecourt, le conte de Porcien, le conte de Valentinois, le conte de Braine, le conte de Vaudemont, le conte de Forès, le viconte de Biaumont, le sire de Coucy, le conte de Fiennes[199], le sire de Préaux, le sire de Saint-Venant, le sire de Garenchières, le dauphin d'Auvergne, le sire de Hangest, le sire de Montmorency, monseigneur Guillaume de Craon, messire Loys de Harecourt, monseigneur Jehan de Ligny.

[199] Le conte de Fiennes. Variantes : Le sire de Fieules. (Msc. 8395.) — Rymer : Fienles.

» Et les noms des prisonniers sont tels : Monseigneur Phelippe de France, le conte d'Eu, le conte de Longueville, le conte de Pontieu, le conte de Tancarville, le conte de Joigny, le conte de Sancerre, le conte de Dampmartin, le conte de Vantadour, le conte de Salebruche, le conte d'Aucerre, le conte de Vandosme, le sire de Craon, le sire de Derval, le mareschal d'Odeneham, le sire d'Aubigny.

Le seiziesme article. » Item, est ordené que les dessus dis seize prisons qui venront demourer en ostage pour le roy de France, comme dit est, seront parmi ce délivrés de leur prison sans paier aucune raençon, pour le temps passé, s'il n'ont esté à accort de certaine raençon par convenances faites par avant le tiers jour de may darrenier passé. Et sé aucun d'eux est hors d'Angleterre et ne se rend à Calais en ostage dedens le premier moys après lesdites quatre sepmaines de la saint Jehan, cessant juste empeschement, il ne sera pas quitte de sa prison, mais sera contraint par le roy de France à retourner en Angleterre comme prisonnier ou paier la paine par luy promise, et encorue, par deffaut de son retour.

Le dix-septiesme article. » Item, est accordé que, en lieu desdis ostages qui ne vendront à Calais ou qui mourront ou se despartiront sans congié hors du povoir du roy d'Angleterre, le roy de France sera tenu d'en baillier d'autres de semblable estat au plus près que il pourra estre fait dedens quatre moys prochains, après ce que le baillif d'Amiens ou le prévost de Saint-Omer en sera sur ce, par lettres du roy d'Angleterre certifiés ; et pourra le roy de France, à son partir de Calais, amener en sa compaignie dix des ostages tels comme les deux roys accorderont ; et suffira que des quarante dessusdis en demeure jusques au nombre de trente en ostage.

Le dix-huitiesme article. » Item, est accordé que le roy de France, trois mois après ce qu'il sera parti de Calais, rendra à Calais quatre personnes de Paris et deux personnes de chascune des villes dont les noms suivent ; c'est assavoir : St-Omer, Arras, Amiens, Beauvais, Lisle, Douay, Tournay, Rains, Chaalons, Troies, Chartres, Thoulouse, Lyons, Compiègne, Rouen, Caen, Tours, Bourges, les plus suffisans desdites villes pour l'accomplissement du présent traictié.

Le dix-neuviesme article. » Item, accordé est que le roy de France sera amené d'Angleterre à Calais et demourra à Calais par quatre moys après sa venue ; mais il ne paiera rien pour le premier moys pour cause de sa garde. Et pour chascun des autres moys ensuivant que il demourra à Calais, par deffaulte de luy ou de ses gens, il paiera pour ses gardes dix mille royaux, tels comme ils cuerent à présent en France avant son partir de Calais, et ainsi au feur du temps qu'il y demourra.

Le vintiesme article[200]. » Item, est accordé que au plus tost que faire se pourra dedens l'an prochain, après ce que le roy de France sera parti de Calais, monseigneur Jehan, conte de Montfort, aura la conté de Montfort, avec toutes ses appartenances, en faisant l'omaige lige au roy de France et devoir et service en tous cas tels comme bons et loyaux vassaux lige doit faire à son seigneur à cause de ladite contée : ainsi luy seront rendus ses autres héritages qui ne sont mie de la duchié de Bretaigne, en faisant homaige ou autres devoirs que appartiendra. Et s'il veult aucune chose demander en aucuns des héritages qui sont de ladicte duchié hors du pays de Bretaigne, bonne et briève raison luy sera faite par la court de France.

[200] Les deux articles suivans n'ont pas été imprimés dans les éditions précédentes.

Le vint-et-uniesme article. » Item, sur la question du demaine de la duchié de Bretaigne qui est entre ledit Jehan de Montfort d'une part et monseigneur Charles de Blois d'autre part, accordé est que les deux roys, appelés par devant eulx ou leur députés les parties principaus de Blois et de Montfort, par eulx et par leur députés, spécialement s'enformeront du droit des parties et s'efforceront de mettre les parties à accort sur tout ce qui est en débat entre eux, au plus tost qu'il pourront. Et au cas que lesdis roys par eulx et par leur députés ne les pourront accorder dedens un an prochain après ce que le roy de France sera arrivé à Calais, les amis d'une partie et d'autre s'enformeront diligemment du droit des parties et par la manière que dessus est. Et s'efforceront de mettre les parties à accort au mieulx que faire se pourra au plus tost qu'il pourront. Et s'il ne les pevent mettre à accort dedens demy an, aoust prochaine ensuivant, il rapporteront auxdis deux roys ou à leur députés tout ce qu'il en auront trouvé sur le droit desdites parties et sur quoy le débat demourra entre lesdites parties. Et les deux roys par eulx et par leur députés, espécialement au plus tost qu'il pourront, mettront lesdites parties à accort, ou diront leur final avis sur le droit d'une partie et d'autre. Et ce sera exécuté par les deux roys. Et au cas qu'il ne le pourront faire dedens demy an de lors prochain ensuivant aoust, les deux parties principales de Blois et de Montfort feront ce que mieux leur semblera, et les amis d'une part et d'autre aideront quelque part qu'il leur plaira, sans empeschement desdis roys pour la cause dessus dite. Et sé ainsi n'estoit que l'une partie ne voulsist comparoir souffisamment par devers les deux roys ou leur dis députés au temps qui luy sera establi, et aussi au cas que lesdis roys ou leur députés auroient ordené ou déclaré que lesdites parties fussent à accort ou qu'il auroient dit leur avis pour le droit d'une partie ; et aucuns desdites parties ne se vouldroient accorder à ce né obéir à ladite déclaration, adont lesdis roys seront encontre luy de tout leur povoir, et en ayde de l'autre qui se vouldroit accorder et obéir. Mais en nul cas les deux roys, par leur propres personnes né par autres, ne pourront faire né entreprendre guerre l'un à l'autre pour la cause dessus dite. Et tousjours demourra la souveraineté et l'hommaige de la duchié au roy de France.

Le vint-deuxiesme article. » Item, que toutes les terres, pays, villes, chasteaux et autres lieux bailliés auxdis roys seront en tels libertés et franchises comme elles sont à présent, et seront confermés par lesdis roys ou par leur successeurs, et par chascun d'eux toutes les fois qu'il en seront sur ce deuement requis, et sé contraires n'estoient à ce présent accort.

Le vint-troisiesme. » Item, que ledit roy de France rendra et fera rendre et restablir de fait à monseigneur Phelippe de Navarre et à tous adhérens, en appert, au plus tost que l'en pourra sans mal engin, et au plus tart dedens un an prochain après que le roy de France sera parti de Calais, toutes les villes, chasteaux, forteresses, seigneuries, drois, rentes, prouffis, juridicions et lieux quelconques que ledit monseigneur Phelippe, tant pour cause de ly comme pour cause de sa femme ou ses dis adhérens tindrent ou doivent tenir au royaume de France ; et ne leur fera jamais ledit roy reproche, damaige né empeschement pour aucune cause faite avant ses œvres, et leur pardonra toutes offenses et mesprisons du temps passé pour cause de la guerre, et sur ce auront ses lettres bonnes et souffisans. Et que ledit monseigneur Phelippe et ses devant dis adhérens retournent en son homaige et luy facent les devoirs et luy soient bons et loyaux vassaux.

Le vint-quatriesme[201]. » Item, est accordé que le roy d'Angleterre pourra donner, ceste fois tant seulement, à cui il luy plaira en héritage, toutes les terres et héritages qui furent de monseigneur Godefroy de Harecourt, à tenir du duc de Normendie ou autres seigneurs de qui elles doivent estre tenues par raison, parmy les hommaiges et services anciennement accoustumés.

[201] Cet article n'a pas été imprimé dans les éditions précédentes.

Le vint-cinquiesme. » Item, il est ordené que nul homme né pays qui ait esté en l'obéissance d'une partie, et venra par cest accort à l'obéissance de l'autre partie, ne soit empeschié pour chose faicte en temps passé.

Le vint-sixiesme. » Item, est accordé que les terres des bannis de l'une partie et de l'autre, et aussi des églyses de l'un royaume et de l'autre, et que tous ceux qui sont deshérités ou ostés de leur terres ou héritages, ou chargiés d'aucune pension, taille ou ordenance, ou autrement grevés en quelque manière que ce soit pour cause de ceste guerre, soient restitués entièrement en mesmes le droit et possession qu'il eurent devant la guerre commenciée ; et que toutes manières de forfaitures, trespas et mesprises faits par eulx ou aucun d'eulx en moien temps soient du tout pardonnés. Et que ces choses soient faites au plus tost que l'en pourra bonnement, et au plus tart dedens un an prochain, après que le roy sera parti de Calais. Excepté ce qui est dit en l'article de Calais et de Merq, et des autres lieux nommés audit article, excepté aussi le viconte de Fronssac et monseigneur Jehan de Galart, lesquels ne seront point compris en cest article ; mais demourront leur biens et héritaiges en l'état qu'il estoient par avant ce présent traictié.

Le vint-septiesme[202]. » Item, est accordé que le roy de France délivrera au roy d'Angleterre au plus tost qu'il pourra bonnement et devra, et au plus tart dedens la feste saint Michiel prouchaine venant en un an après son départir de Calais, toutes les cités, villes, pays et autres lieux dessus nommés, qui, par ce présent traictié doivent estre bailliés au roy d'Angleterre.

[202] Cet article est encore passé dans les précédentes éditions.

Le vint-huitiesme. » Item, est ordené qu'en baillant au roy d'Angleterre ou autres pour luy par espécial députés, les villes et forteresses et toute la conté de Pontieu, les villes et forteresses et toute la conté de Montfort, la conté et le chastel de Xaintes ; les chasteaux, villes et forteresses et tout ce que le roy tient en demaine au pays de Xantonge, deçà et delà la Charente, le chastel et la cité d'Angolesme, et les chasteaux, forteresses et villes que le roy de France tient en domaine au pays d'Angolesmois, avecques lettres et mandemens des délaissemens des fois et homaiges, le roy d'Angleterre, à ses propres coux et frais, délivrera toutes les forteresses prises et occupées par luy, par ses subgiés, adhérens et aliés, ès pays de France, de Tourraine, d'Anjou, du Maine, de Berry, d'Auvergne, de Bourgoigne et de Champaigne, de Picardie et de Normendie et de toutes les autres parties et lieux du royaume de France, excepté celles du duchié de Bretaigne et des terres et pays qui, par cest présent traictié, doivent appartenir et demourer au roy d'Angleterre.

Le vint-neuviesme. » Item, est accordé que le roy de France fera baillier et délivrer au roy d'Angleterre ou à ses hoirs ou députés, toutes les villes, chasteaux, forteresses et autres terres, pays et lieux avant nommés, avecques leur appartenances, aux propres coux et frais dudit roy de France ; et aussi que s'il avoit aucuns rebelles ou désobéissans de rendre, baillier ou restituer au roy d'Angleterre aucunes cités, villes, chasteaux, pays, lieux ou forteresses qui, par ce présent traictié, luy doivent appartenir, le roy de France sera tenu de les faire délivrer audit roy d'Angleterre à ses despens ; et semblablement le roy d'Angleterre fera délivrer à ses despens les forteresses qui, par ce présent traictié, doivent appartenir au roy de France. Et seront tenus lesdis roys et leur gens à eulx entre aidier quant à ce, sé requis en sont, aux gaiges de la partie qui le requerra, qui seront d'un flourin de Florence pour chevalier, et demy flourin pour escuier, et pour les autres au fuer. Et du seurplus des doubles gaiges, est accordé que sé lesdis gaiges sont trop petis en regard au marchié de vivres au pays, il en sera en l'ordenance de quatre chevaliers pour ce esleus, c'est assavoir deux d'une partie et deux d'autre.

Le trentiesme. » Item, est accordé que tous les arcevesques et evesques et autres prélas de sainte églyse, à cause de leur temporalité, seront subgiés de celuy des deux roys soubs qui il tendront leur temporalité. Et sé il ont temporalité soubs tous les deux roys, il seront subgiés de chacun des deux roys, pour la temporalité qu'il tendront soubs chascun d'iceuls.

Le trente-uniesme. » Item, est accordé que bonnes aliances, amitiés et confédérations seront faites entre les deux roys de France et d'Angleterre et leur royaumes, en gardant l'oneur et la conscience de l'un roy et de l'autre, nonobstant quelconques confédérations qu'il aient deçà et delà avec quelconques personnes, soient d'Escoce, de Flandre ou d'autre pays quelconques.

Le trente-deuxiesme. » Item, est accordé que le roy de France et son ainsné fils le régent, pour eulx et pour leur hoirs de France si avant qu'il pourra estre fait, se delairont et départiront du tout des aliances qu'il ont avecques les Escos, et promettront si avant que faire se pourra que jamais eulx né leur hoirs roys de France, qui pour le temps seront, ne donront né feront au roy né au royaume d'Escoce né aux subgiés d'iceluy présens et avenir, confort, ayde né faveur contre ledit roy d'Angleterre, né contre ses hoirs et successeurs, né contre ses subgiés en quelque manière ; et qu'il ne feront autres aliances avecques lesdis Escos en aucun temps avenir, né contre les roys et royaume d'Angleterre. Et semblablement, si avant que faire se pourra, le roy d'Angleterre et son ainsné fils se délairont et départiront du tout des aliances qu'ils ont avecques les Flamens ; et promettront que eulx né leur hoirs, né les roys d'Angleterre qui pour le temps seront, ne donront né feront aux Flamens présens ou avenir, ayde, confort né faveur contre le roy de France, ses hoirs et successeurs, né contre son royaume né contre ses subgiés en quelque manière, et qu'il ne feront autres aliances avec les Flamens en aucun temps avenir contre les roys et royaume de France.

Le trente-troisiesme[203]. » Item, est accordé que les collacions et provisions faites d'une part et d'autre des bénéfices vacans tant comme la guerre a duré, tiengnent et soient valables, et que les fruis, issues et revenues, recettes et levées de quelconques bénéfices et autres choses temporeles quelconques èsdis royaumes de France et d'Angleterre, par une partie et par l'autre durant lesdites guerres, soient quittes d'une partie et d'autre.

[203] Omis dans les précédentes éditions.

Le trente-quatriesme. » Item, que les roys soient tenus de faire confermer toutes les choses dessus dites par nostre Saint Père le Pape ; et seront baillées par seremens, sentences et censures de court de Rome et tous autres lieux, en la plus fort manière que faire se pourra ; et seront empetrée dispensacion, absolutions et lettres de la court de Rome, touchant l'accomplissement et la perfection de ce présent traictié, et seront bailliées aux parties au plus tart dedens trois moys après ce que le roy sera arrivé à Calais.

Le trente-cinquiesme. » Item, que tous les subgiés desdis roys qui voudront estudier ès études et universités des royaumes de France et d'Angleterre jouiront des privilèges et libertés desdites études et universités tout ainsi comme il povoient faire avant ces présentes guerres et comme il font à présent.

Le trente-sixiesme. » Item, afin que les choses dessus dites, traictiées et parlées soient plus fermes, estables et valables, seront faites et données les seurtés qui s'ensuivent ; c'est assavoir : lettres scellées des seaulx desdis roys et desdis ainsnés fils d'iceulx, les meilleurs qu'il pourront faire et ordener par les conseilliers desdis roys ; et jureront lesdis roys et leur enfans ainsnés et autres enfans, et aussi les autres des lignages desdis seigneurs et autres grans des royaumes, jusques au nombre de vint de chascune partie, qu'il tendront et aideront à tenir pour tant comme à chascun d'eulx touche lesdites choses traictiées et accordées, et acompliront sans jamais venir au contraire et sans fraude et sans mal engin, et sans faire nul empeschement. Et sé il y avoit aucun dudit royaume de France ou du royaume d'Angleterre qui fussent rebelles ou ne voulsissent accorder les choses dessus dites, lesdis roys feront tout leur povoir de corps et de biens et d'amis de mettre lesdis rebelles en vraie obéissance, selon la forme et teneur dudit traictié. Et avecques ce se soubmettront lesdis roys et leur hoirs et royaumes à la cohercion de Nostre Saint-Père le Pape, afin qu'il puisse contraindre par sentence, censures d'églyses et autres voies deues celuy qui sera rebelle, selon ce qu'il sera de raison. Et parmi les seurtés et fermetés dessus dites, renonceront lesdis roys et leur hoirs, par foy et par sermens, à toute guerre et à tout procès de fait. Et sé par désobéissance, rébellion ou puissance de aucuns subgiés du royaume de France ou autre juste cause, le roy de France ou ses hoirs ne povoient acomplir toutes les choses dessusdites, le roy d'Angleterre, ses hoirs ou aucuns pour eulx ne feront ou devront faire guerre contre ledit roy de France, ses hoirs né son royaume ; mais tous ensemble se efforceront de mettre lesdis rebelles à vraie obéissance et de acomplir les choses dessusdites. Et aussi sé aucuns du royaume et obéissans du roy d'Angleterre ne vouloient rendre les chasteaux, villes ou forteresses qu'il tiennent au royaume de France, et obéir au traictié ci-dessus dit, ou pour juste cause ne povoit accomplir ce qu'il doit faire par ce présent traictié, li roys[204] de France né ses hoirs ou aucun pour eulx ne feront point de guerre au roy d'Angleterre né à son royaume ; mais tous deux ensemble feront leur povoir de recouvrer les chasteaux, villes, forteresses dessus dites, que toute obéissance et acomplissement soit faite ès traitié dessusdit ; et seront aussi faites et données d'une part et d'autre, selon la nature du fait, toutes manières de fermetés et seurtés que l'en pourra et saura deviser tant par le pape, le collège de la court de Rome comme autrement, pour tenir et garder perpétuelment la paix et toutes les choses dessus accordées.

[204] Li roys. Dans cette pièce importante que nous donnons ici telle que l'offre le manuscrit de Charles V, on voit que les formes anciennes de la langue sont fréquemment conservées : Li roys pour le roy.

Le trente-septiesme[205]. » Item, est accordé que par ce présent traictié et accort, tous autres accors, traictiés ou prolocucions, s'aucuns en y a fais ou pourparlés au temps passé, sont nuls et de nulle valeur et du tout mis au néant et ne s'en pourront jamais aydier les parties né faire aucun reprouche l'un contre l'autre pour cause d'iceulx traictiés ou accors, sé aucuns en y avoit comme dit est.

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