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Les mains propres : $b Essai d'éducation sans dogme

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CHAPITRE IV
DE L’INSTRUCTION : QUELQUES LACUNES

Les langages secrets. — La constitution. — Soi-même. — « Self-defence ». — Planter un clou. — Les « applications ».

Les langages secrets.

On jargonne autour de nous des langues qui sont aussi différentes du français, aussi mystérieuses que les langues étrangères, mortes et vivantes. Or, le programme des études fait une place importante au latin, voire au grec, qui sont des fleurs de luxe et de haute culture. Il consacre un temps moindre à l’anglais et à l’allemand, qui ne sont qu’utiles. Et il dédaigne absolument ces langages à la fois usuels et secrets dont on aura toujours besoin dans la vie actuelle.

Quels sont donc ces idiomes hermétiques, qu’on n’apprend pas et qu’il faut comprendre ? Mais tout d’abord celui qu’on parle au pays de Finance. Nous en ignorons, au moment d’entrer dans la lutte, les plus élémentaires rudiments. Qui donc nous apprit la simple différence entre une action et une obligation ? Entre le dividende et l’intérêt ? Qui nous initia au mystère de l’hypothèque, du marché à terme et au comptant, du change et de l’escompte, du report et de la couverture ? Qui nous révéla l’énigme alléchante de l’action de jouissance et celle, angoissante, du chèque barré ? Et tant de mots détournés de leur sens originel, le parquet, la coulisse, la liquidation…

Les cours de comptabilité jettent bien là-dessus quelque lumière. Mais ils ne figurent qu’au programme d’une instruction déjà spécialisée. Tout le monde ne les suit pas. Et tout le monde aura besoin de connaître ces notions. Tout le monde se heurtera, tôt ou tard, à ces mots impénétrables. Dans ce pays où le sens de l’épargne est si vif, où chacun s’efforce, aux dépens de son bien-être présent, d’amasser pour l’avenir une petite liasse de titres, n’est-il pas surprenant qu’on n’enseigne pas le moyen de s’en servir ?

L’argent circule dans le corps social comme le sang dans un organisme. Les phénomènes financiers mènent le monde actuel. Ils font la paix et la guerre. Il y a là, au point de vue des rapports internationaux, une géographie qui en vaut bien une autre. Or, par une hypocrisie pareille à l’hypocrisie sexuelle, on garde, sur ces questions qu’on sait pourtant vitales, un silence absolu.

On rétorquera que, là-dessus, chacun fait son apprentissage, le moment venu, tant bien que mal, sous la pression du besoin. Fâcheuse méthode. D’abord, c’est risquer d’être pris de court dans une circonstance imprévue. Et puis, ce ne serait pas la peine de consacrer à l’instruction dix des plus charmantes années de la vie, si l’on n’acquérait pas à ce prix l’A B C des connaissances utiles, si l’on devait tout apprendre plus tard, dans l’urgence et sous le joug de la nécessité.

Pourquoi ne pas inculquer ces simples notions à l’âge où l’on admet que la mémoire est spécialement sensible, tendre et fidèle ?

Encore une fois, il ne s’agit pas de faire de nos adolescents autant de petits financiers. Il n’est question que d’un enseignement très élémentaire, qui n’exigerait guère de temps dans l’énorme total des heures de classe. Et si cet enseignement ne figure à aucun degré du programme des études générales, c’est sans doute que ce plan a été conçu dans un esprit déjà ancien, à une époque où la nécessité de ces connaissances ne se fût justifiée ni par la prodigieuse extension des affaires, ni par la non moins stupéfiante diffusion des fortunes.

Il existe encore un autre langage aussi nécessaire et aussi fermé. C’est celui que parlent les notaires et les avoués. C’est la langue du Palais.

Là, encore, nul ne peut dire qu’il ne se heurtera pas quelque jour à un jargon incompréhensible et dont il aurait pourtant besoin de pénétrer le sens. Pour conclure en connaissance de cause un acte d’association, industrielle ou conjugale, il nous faudrait des clartés qu’on ne nous a pas données.

Quels fiancés ont saisi un mot à la lecture de leur contrat de mariage ? O subtilités de la communauté réduite aux acquêts, lourdes entraves du régime dotal, rigueurs du remploi, vous restez lettre close pour les tendres amoureux. Et quand ils vous découvrent, il est trop tard. Que de drames seraient évités, en trois leçons !

Et combien d’industriels, de commerçants, ont dû maudire leur ignorance lorsqu’ils se sont sentis prisonniers de leur acte de société, faute d’avoir pu éventer les pièges tendus à chaque ligne ?

Actuellement, pour se marier, pour s’établir, pour mourir même — car on ne sait pas rédiger son testament — il faut avoir fait son droit.

Mais, dira-t-on, il y a le notaire. Je sais bien. D’abord, il ne peut pas s’intéresser à chacun de nous aussi étroitement que nous-même. Puis, on ne peut pas se faire accompagner toute sa vie par un notaire. On signe des actes hors de sa présence. Et, en tout cas, ce n’est point une ambition démesurée, ni une précaution superflue, que de vouloir comprendre un peu le langage qu’il nous parle…

Voilà bien l’effet — et peut-être aussi la cause — de notre ignorance : elle justifie le notaire. Elle le rend indispensable, même en des circonstances où l’on conçoit qu’on pourrait se passer de lui. Que d’actes pourraient être signés sans gros frais, non dans une étude, mais dans un bureau qu’on ouvrirait dans les mairies, si nous avions quelques connaissances en droit usuel !

En parlant un langage obscur et qu’on nous laisse ignorer, le tabellion obéit peut-être à une sorte d’instinct de conservation. Tous les hommes de robe — les médecins qui professent s’en affublent encore en cérémonie — ont besoin, pour garder leur pouvoir, de s’envelopper de mystère, comme ils s’entourent les deux jambes dans un unique fourreau. Notre ignorance fait piédestal à leur science.

Enseignons donc à nos enfants les quelques éléments essentiels de ces deux langages, celui de la Bourse et celui du Palais, comme on apprend d’avance les mots principaux d’une langue vivante, afin de ne pas être tout à fait désemparé sur la terre étrangère.

La Constitution.

On ne sait guère comment marche la machine à gouverner. Qui s’avise de la distinction entre le législatif et l’exécutif, du rôle du Président, de ses ministres et du parlement, du jeu de la vie administrative ?

En France, on méprise volontiers la politique. Certes, on peut étayer cette attitude de forts arguments. Quand, jetant les yeux sur le fourmillement parlementaire, on aperçoit les servitudes et les appétits, la terreur des responsabilités, les intrigues et les compromissions, les rivalités et les palinodies, je conçois qu’on en détourne le regard.

Mais ce n’est là qu’une vue partielle, donc injuste. Du logis qu’on visite, on n’explore pas uniquement l’office. Les politiciens, n’étant que des hommes, en ont les passions et les défaillances. Nous les apercevons d’autant mieux qu’ils sont en vedette et que leur vie nous appartient. Mais ils ne commettent pas que des turpitudes. Cette agitation cache des efforts, produit du travail, engendre des lois… Les séances du Parlement donnent une idée inexacte des parlementaires. Elles laissent ignorer le labeur réel des Commissions.

La politique est une fonction nécessaire du corps social. Et tous les organismes ont leurs basses servitudes.

Quiconque étudie l’épopée napoléonienne ou l’œuvre de la première Révolution, ne s’arrête pas à la trivialité des héros. Il juge d’ensemble. Efforçons-nous d’apporter cette harmonieuse impartialité dans notre appréciation du présent. Un étrange instinct nous pousse à croire que le temps où nous vivons est inférieur à toutes les époques passées. Qui sait ? L’histoire de ce régime naissant, de sa résistance aux assauts, de la défense obstinée de son idéal à travers les crises suprêmes, inspirera peut-être à nos descendants une curiosité recueillie.

Pour ma part, je déplore ce divorce entre la politique et le pays. Je crois qu’il est né de malentendus, servi par les légendes que laisse flotter dans l’air l’éclatement des scandales, qu’il fut surtout nourri de faciles couplets de revue, excité par d’âpres journaux de parti, entretenu par le snobisme. Je crois qu’il y aurait grand bénéfice à ce qu’on suivît passionnément le spectacle de la vie publique.

Il y a là un cercle vicieux. Se désintéresser de la politique, la tenir en mésestime, c’est autoriser les défaillances, permettre l’affaissement des consciences. Garder le contact avec les élus, ce serait stimuler leur zèle, exercer sur eux le meilleur contrôle. Les gens qui se savent regardés conservent toujours une grande dignité d’attitude.

Souvent, on voit des hommes se plaindre que le Parlement n’agisse pas selon le programme des candidats. Mais se donnent-ils la peine de rappeler à leur député ses promesses ? Lui font-ils connaître leurs vues, leurs désirs ? Lui donnent-ils un mandat précis, renouvelé, vivant, se modelant sur les circonstances, sur la vie ? Non. Précisément parce qu’ils le dédaignent, parce qu’ils l’ignorent, après l’avoir nommé. Ils ne se rappellent à lui que pour le charger de démarches et de commissions. Ils lui donnent leurs voix, mais ensuite ils ne le chargent pas d’exprimer leur pensée…

Je déplore encore ce détachement dédaigneux pour une autre cause : tous, plus ou moins, nous dépendons de la politique… En effet, il faut bien se rendre compte qu’une douzaine de ministères se partagent toute l’activité du pays. Chacun d’eux jette sur la France — et c’est une géographie qu’on n’apprend guère — un réseau administratif, une trame plus ou moins serrée. La Justice la partage en Cours d’appel, l’instruction Publique en Universités, la Guerre en Corps d’armée, etc. Les Chambres de Commerce, les Trésoreries générales, les régions minières et agricoles constituent des divisions analogues. Et nous sommes toujours pris dans les mailles d’un de ces filets lancés sur le territoire national.

Quelque métier qu’on exerce, on est tributaire d’un de ces départements. L’artiste dépend des Beaux-Arts, le cultivateur de l’Agriculture, l’ouvrier du Travail, le négociant du Commerce. Celui qui convoite une juste faveur — le plus souvent de couleur rouge ou violette — ou celui qui réclame même l’exercice d’un droit, se voit contraint de s’adresser au ministère dont il est justiciable. Malgré lui, il fait de la politique.

Le simple fait d’être citoyen français, de payer l’impôt, d’obéir à la police, de servir, de voter, nous contraint de reconnaître plusieurs de ces pouvoirs dont, soit dit en passant, nous subissons le prestige, tout en les méprisant. Leurs décisions, leurs décrets nous touchent. Le moindre changement dans la loi fiscale ou militaire réagit sur notre vie ou sur celle des nôtres. Entre nous et le régime accepté, s’est fatalement établie une solidarité nécessaire.

Alors, puisque nous sommes contraints d’obéir aux lois, puisque nous ne pouvons pas les ignorer, pourquoi feindre à leur égard un détachement puéril ? Puisque nous en subissons les effets, pourquoi se désintéresser de leurs causes ? Pourquoi ne pas en suivre la genèse, tout le travail d’élaboration ?

Là, encore, l’enseignement officiel est le grand coupable. Sur ce terrain, cependant, il aurait dû marcher de l’avant, donner le goût du régime. Mais non. Il donne l’exemple de l’indifférence. Au lieu d’en démonter les rouages, d’en montrer les grands mouvements, il laisse pour ainsi dire ignorer tout le machinisme de la Constitution.

Il ne s’agissait pourtant pas pour lui de prendre parti. Au contraire, il eût favorisé l’esprit critique. Comment, par exemple, discuter l’existence de ces grands corps comme le Conseil d’État, la Cour des Comptes, dont nous ignorons le rôle ? Comment condamner celle des sous-préfets, du moment qu’on nous en a caché soigneusement les services ?

Si l’adolescent connaissait le fonctionnement de la machine politique, il ne s’en désintéresserait peut-être pas dans la vie. Convaincu qu’il participe à son mouvement et qu’il en subit les effets, il continuerait d’en suivre le travail. Au surplus, le spectacle n’est pas si morose que semblent croire ceux qui en détournent les yeux. Toujours instructif, souvent savoureux, il est parfois brillant et pathétique. Il y a de la beauté dans la passion.

Sourds aux plaisanteries et aux préjugés, étudions donc un peu cette planche d’anatomie politique qui s’appelle la Constitution. En un temps où volontiers on cocardise, ce n’est pas la moins intelligente façon d’aimer son pays que de savoir comment il vit.

Soi-même.

Tout le monde sait la place de la Serbie. Peu de gens savent la place de leur glande thyroïde. Cette ignorance de soi-même, du site, du rôle et du jeu des principaux organes humains, apparaît prodigieuse, inconcevable, quand on l’oppose au prix et à l’importance que chacun attache à sa vie, à sa santé et aussi à la santé et à la vie de ceux qui lui sont chers.

Je m’en étonnai un jour devant un homme qui a donné des marques éclatantes d’intelligence générale. Il répondit avec un geste de pudique dégoût :

— Cela ne m’intéresse pas.

Notez que ce même homme sait parfaitement qu’une migraine le fauche, qu’il est à la merci de ce corps méprisé. Et il pousse à l’extrême le souci de ne pas vieillir avant l’âge. Il fait analyser ses… résidus à courts intervalles. Il veille au grain de sable. Conçoit-on pareilles contradictions dans un maître cerveau ? On devrait pouvoir parler de son corps comme on parle de son cœur.

Il serait curieux de rechercher dans le passé les origines de cet étrange mépris pour notre « guenille ». Mais il importe surtout de le constater dans le présent. Le programme des études secondaires comporte bien quelques leçons de sciences naturelles. Mais elles s’étendent volontiers sur les généralités et passent rapidement sur le chapitre de l’Homme. La preuve que cet enseignement est trop sommaire ? Mais c’est que nul ne s’en souvient… Je le répète, il suffit de s’interroger pour reconnaître qu’on ne sait rien de soi, rien de ce qui se passe en soi.

Quant aux effets de cette ignorance, ils se manifestent même à l’état de santé. Cette santé, nous ne savons pas la défendre. Nous ne savons pas prendre pour elle ces simples, ces instinctives mesures de précaution qui nous font conserver, brillante, entre nos mains en coquille, la lueur d’une allumette. Nous ne savons pas nous mettre en garde contre les risques, contre les suites d’une imprudence, des excès, du surmenage. Rien ne nous avertit des sourdes alertes du mal, dans sa période d’incubation, alors qu’il serait temps de l’enrayer et qu’on ne songe point encore à appeler le médecin. Où donc aurions-nous appris tout cela ?

Nous ne savons pas nous nourrir. La notion des aliments vraiment nutritifs, de ceux qui ne le sont pas, est totalement ignorée de la ménagère qui dresse le menu. Cependant, le principe est simple, la liste est courte. Il y aurait grand intérêt à ce qu’ils fussent répandus, aussi bien pour notre économie vitale que pour l’économie de notre budget.

Nous ne savons même pas dormir ! En ce sens que nous ne savons pas favoriser par des moyens naturels notre sommeil, où pourtant se régénère notre vie. On ne nous enseigne pas le régime qui lui soit le plus propice. Et nous ne savons rien de l’influence de ces courants magnétiques qui, dirigeant l’aiguille de la boussole du nord au sud, agissent sans doute sur notre organisme au repos, peut-être sur notre organisme en action, et devraient tout au moins décider de l’orientation de notre lit.

Et cette précieuse intégrité de nous-même, nous ne savons guère plus l’entretenir et la développer que la protéger. La plupart des gens ignorent leurs ressources physiques, le parti merveilleux qu’ils pourraient tirer d’eux-mêmes, les résultats stupéfiants, extra-rapides de simples exercices gymnastiques…

Il suffit pourtant, le matin, de quelques mouvements réguliers, pour amplifier le jeu de la respiration — nous ne savons pas respirer, nous n’utilisons pas pleinement nos poumons — pour renforcer les muscles en retard, pour retoucher la statue.

Avec une échelle, une simple échelle, on accoutume un enfant au vertige. En l’escaladant à l’endroit, à l’envers, en s’y suspendant, il se développe harmonieusement.

Il faudrait encore choisir parmi les sports, les adapter aux complexions, en éviter les excès. Si le canotage est excellent pour tous, parce qu’il exige l’exercice complet des muscles en même temps qu’il aiguise la présence d’esprit, la bicyclette est néfaste à quelques-uns. Mais là encore, nous allons à tâtons.

Cette ignorance de la machine humaine est encore plus fâcheuse quand nous nous trouvons en présence d’un accident ou des premiers symptômes d’une maladie déclarée. Notre bon vouloir est désarmé. Il peut même être néfaste. Car nous risquons, par exemple, de placer un asphyxié dans une mauvaise position ou de prendre au sujet d’un malade des décisions contre-indiquées. Et qu’on ne prétende pas, dans ces deux cas, qu’on a toujours un médecin sous la main. Il peut être éloigné, occupé, absent. Bref, il y a toujours une période d’attente, où notre ignorance peut être mortelle, faute de quelques connaissances médicales.

Elle est fatale encore quand elle nous masque toute la vie sexuelle, qui joue un rôle si important dans l’économie humaine. Je l’ai dit : de courageuses initiatives ont soulevé un coin du voile, protesté contre le mystère honteux qui aggravait les maux vénériens. Mais l’histoire de la génération ne se borne pas au chapitre de la maladie, heureusement. Et c’est l’ensemble de cette histoire que l’on tient secret.

J’ai entendu le propriétaire d’une roseraie fameuse s’assurer, l’œil inquiet, avant d’expliquer le mariage des roses : « Il n’y a pas de jeunes filles ? » De pareilles pudibonderies ne sont-elles pas indécentes ?

Mais c’est justement grâce à l’exemple des fleurs, des bêtes domestiques, qu’on parvient à jeter, sur ces grandes lois vitales, quelques clartés dans l’âme enfantine, sans la choquer ni la décevoir. Et cela sans solennité, je le répète une fois de plus, tout simplement, tout naturellement, au hasard des occasions et des causeries. Point n’est besoin d’aller vite. La prudence n’est pas de la pruderie. Et alors l’initiation perdra ce vilain attrait de fruit défendu qui lui donne actuellement son caractère de louche obscénité.

Alors seront évitées bien des blessures morales, chez la femme qu’une révélation trop brutale a froissée à jamais.

Et ce ne seront pas seulement des blessures morales qui seront évitées, mais aussi les blessures physiques. Ce mépris, cette honte qu’on s’inspire à soi-même, retiennent des malheureux des deux sexes d’avouer même au médecin leur intime misère, quelle qu’en soit l’origine. Ayant mis un bandeau sur les yeux, on a mis du même coup un bâillon sur les lèvres. Et il y en a qui se laissent mourir plutôt que de parler, s’immolant ainsi volontairement aux exigences farouches de la pudeur convenue.

Enfin, même silence sur les choses de la maternité. N’est-il pas prodigieux qu’on améliore toutes les autres espèces animales, qu’on étudie pour elles les lois de la reproduction et de la sélection, et qu’on abandonne encore au pur hasard la procréation humaine ? Combien d’époux, faute d’en connaître les prémisses — où donc en auraient-ils connu ? — arrivent au jour de la délivrance sans savoir si elle s’annonce et se présente normalement, si elle est précédée de ses signes nécessaires, et alors, ce sont des catastrophes, — aisément évitables — où le petit enfant perd souvent la vie.

Tels sont, à grands traits, les ravages de l’ignorance de soi-même. Tels sont les fruits du dédain et de la honte que nous inspire notre corps. Je ne sais pas de préjugé qui fasse plus de victimes ni qui mérite d’être plus obstinément dénoncé.

Self-defence.

Un jour, un bon bourgeois passait aux environs de la gare Saint-Lazare, quand il sentit une main s’abattre durement sur son épaule. Tournant la tête, il vit un homme sombre et furieux qui lui ordonna de le suivre.

— Où donc ?

— Au poste.

On n’est jamais tout à fait innocent. Arrêté sans cause connue, on a vite fait soi-même d’en découvrir une dans son passé. Bref, sans plus regimber, notre promeneur se laissa conduire au commissariat voisin. Et là, il s’aperçut qu’il avait été arrêté par un fou…

Oui, c’était un vrai fou, qui, sans doute atteint de la manie des grandeurs, se croyait policier. L’anecdote est authentique. A notre époque, un fou peut arrêter un passant et le conduire au commissariat. Comment pareille aventure est-elle possible ? L’explication est fort simple : le passant ignore ses droits. Il ne sait pas les garanties qu’il doit exiger de l’homme qui veut l’arrêter. Démuni d’armes légales, il ne peut pas se défendre.

Que chacun s’interroge sincèrement et se place dans un cas semblable. Certes, selon sa nature, il se cabrera plus ou moins haut. Mais, en vérité, il ne saura pas au juste les catégories d’individus qui ont le droit d’arrêter les autres. Il ignorera les moyens de vérifier leur identité. Il ne saura pas dans quelles conditions d’heure et de lieu, ni sur la présentation de quels mandats cette arrestation est légale.

Pour les perquisitions, même histoire. Nous ne sommes pas mieux armés pour la défense de notre foyer que pour celle de notre personne. Là, encore, les faits-divers nous apportent leurs témoignages. Que de fois la femme, restée seule au logis, laisse fouiller les meubles et crocheter les tiroirs — quand elle n’en livre pas elle-même les clefs — par de faux policiers, qu’elle a crus sur leur arrogance et leur mauvaise mine ! Elle ne savait pas. Elle ignorait sur quel « Sésame » nous devons ouvrir notre porte à la loi.

Et nous ne savons pas plus dans quelles conditions nous devons l’ouvrir à la réquisition militaire en temps de manœuvre, à l’inquisition fiscale en matière de fraudes. Quand un « rat de cave », flairant un petit délit, se présente chez un viticulteur soupçonné ou dénoncé, il se nomme à peine. Il entre, il est chez lui. Seul, son sans-gêne est garant de son autorité. Le propriétaire se tait et se tient coi. Et pour cause. Sait-il seulement les références qu’il peut exiger de l’inquisiteur ?

Ce sont là, dira-t-on, des cas exceptionnels. Soit. Mais tout le monde paie l’impôt, et tout le monde passe à l’octroi. Or, sommes-nous mieux armés pour exiger le respect de nos biens que pour défendre celui de notre personne et de notre logis ?

Chacun paie aveuglément ses contributions. Qui donc en pourrait vérifier l’exactitude ? Nul ne sait, nul ne se soucie de savoir sur quelles bases elles sont calculées.

Quand la main du gabelou s’abat sur nos bagages, sur notre auto, connaissons-nous exactement nos droits ? Pouvons-nous simplement donner au sbire la clef de notre malle et le laisser à sa basse besogne, ou peut-il nous contraindre à déboucler et à reboucler ? Quand nous lui affirmons que nous n’avons rien à déclarer, peut-il nonobstant exiger la fouille ?

Ainsi, qu’il s’agisse de nous ou de notre propriété, nous ne savons pas nous défendre. Nous avons négligé les armes que nous tendait la loi. Mais elles existent, ces armes, elles reposent à l’ombre de l’épaisse forêt du Code. Il nous serait relativement aisé de les ramasser.

A-t-on déjà tenté en ce sens quelque effort officiel ? J’ai consulté le programme actuel des lycées de France. J’ai vu que, dans une classe de troisième, on consacrait une heure par semaine à l’étude du droit usuel. Et encore on ne fait du droit usuel que dans la division B où l’on n’apprend pas le latin. Si bien que le latiniste est condamné à ignorer toute notion de droit. Mais tranquillisez-vous : ces notions de droit usuel ne descendent pas jusqu’à ces applications pratiques dont on aurait besoin dans la vie. En fait, latinistes et modernes restent également ignorants, également désarmés dans l’art de se défendre contre les abus de l’autorité.

Planter un clou.

Un dimanche matin, Monsieur, pris d’un beau zèle, décide de se passer des services toujours onéreux du tapissier et d’accrocher lui-même quelques tableaux. Il se munit de clous, s’arme d’un marteau, prend d’assaut l’escabelle. Il frappe. L’opération semble aisée. Or, elle est rarement couronnée de succès. Le marteau ne veut rien savoir pour tomber sur le clou. Il marque le mur d’une empreinte ineffaçable ou il meurtrit les doigts de Monsieur. Cependant, parmi tant de coups, certains parviennent à destination. A force de persévérance, la pointe s’enfonce. Mais la malice des choses n’a pas dit son dernier mot. Tantôt le clou s’enfonce trop bien dans un joint de plâtre et Monsieur le cueille comme un fruit mûr. Tantôt le clou rencontre de la brique et, sous les coups qui l’atteignent, il se tord.

Comme il a raison de se tordre ! N’est-ce pas comique, qu’un homme cultivé ne soit pas capable de planter un clou ? Mais qui donc le lui aurait appris ? C’est l’éternelle question. Dans la bourgeoisie qui destine son fils aux carrières libérales, le collège prend l’enfant dès sa première culotte, ne le lâche que pour le confier aux écoles spéciales. Elles le passent à la caserne, qui le jette enfin dans la vie. Il y tombe tout à fait gauche, tout à fait inadapté, puisqu’on s’est bien gardé, au cours de ces stages successifs, de lui donner cette dextérité pratique dont l’art de planter un clou n’était qu’un modeste symbole.

D’ailleurs, c’est dès le berceau qu’on a négligé d’apprendre à l’enfant l’usage de ses mains. En réalité, nous n’avons qu’une main. Nous nous privons du bénéfice d’en avoir deux. Nous n’avons pas de main gauche. Nous agissons comme si nous n’en avions pas. Nous nous imposons d’étonnantes gymnastiques pour laisser à la main gauche son rôle de reine fainéante. L’art de jongler à table avec sa fourchette et son couteau est aussi curieux à observer que difficile à exercer. Seule, la main droite règne. La mère dit à son enfant sans réfléchir : « Ta main droite ! » A la campagne, on dit : « Ta belle main ! » Pourquoi n’utilisons-nous pas les deux ? Pourquoi n’entraîne-t-on pas l’enfant à les employer tour à tour à la même besogne afin d’acquérir, par une habitude égale, une égale habileté ?

Il y a bien d’autres traits de cette inaptitude à se servir de ses mains et des outils qui les prolongent. On n’est pas adroit, chez les privilégiés de la vie. Le serait-on, qu’on l’ignorerait. Comment s’en serait-on aperçu ? Cette gaucherie nous rend pour ainsi dire étrangers à notre propre logis et tributaires, au moindre accroc, de tous les corps de métier. Pour poser une sonnerie, pour changer une lampe électrique, pour remplacer un plomb qui saute, pour remonter l’horloge, bien vite il faut faire venir un spécialiste. Le plus modeste emballage décourage les meilleures volontés. Scier une planche, c’est encore plus difficile que de planter un clou.

Loin de donner aux enfants le goût de l’habileté manuelle, il semble qu’on les en ait dégoûtés. Tirer parti de ses mains, c’est une sorte de déchéance. C’est effrayant ce que la serrurerie de Louis XVI lui a fait du tort devant l’histoire. Quand on a dit d’un particulier qu’il bâtit des petits ouvrages en bois découpé ou qu’il tourne des ronds de serviette, on l’a marqué d’un signe indélébile de médiocrité. Cela vaut pourtant mieux que de cartonner.

Et ce mépris du travail manuel ne rend pas seulement l’homme inapte aux besognes familières. Il le prive de l’agréable en même temps que de l’utile. Il lui défend les petits plaisirs inépuisables du « bricolage », la joie de mettre son empreinte sur les objets qui l’entourent. Il lui interdit la pratique de ces arts charmants qui lui permettraient de décorer, d’embellir à peu de frais son logis et par conséquent de s’y attacher.

Cette inaptitude, ce défaut de préparation à la vie pratique, il en souffre dans toutes sortes de directions. Sait-il, par exemple, le prix des choses ? J’entends le prix approximatif des choses qui ont un cours. Savons-nous le prix moyen d’un kilo de beurre, d’un kilo de bœuf, d’un kilo de fer ? Pourrions-nous établir le prix, même vaguement approché, du mètre courant d’une maçonnerie déterminée ? Cela pourrait cependant servir pour dresser un devis, préparer un budget, ou tout simplement pour n’être pas dupe devant une facture. Il y aurait là une vingtaine de chiffres à savoir. Ce ne serait pas plus inutile qu’une vingtaine de dates de bataille.

On n’apprend pas à « se servir de la vie ». J’entends par là que les enfants, dont la cervelle est bourrée, en vue des examens, de notions dont ils n’auront jamais besoin, ne sont pas initiés à toutes sortes de petites connaissances utiles qui rendraient la vie d’un usage plus commode.

Ainsi, pour préciser par un exemple, entraîne-t-on un adolescent à se servir de la poste ? A l’envoi des mandats, des différents mandats ? A quel moment lui apprend-on les diverses manières d’expédier un paquet, par colis postal, messageries, etc. ?

Mais, dira-t-on, il l’apprendra bien à l’user. D’abord, mieux vaut le lui enseigner au moment où, au dire même des pédagogues, il a la mémoire facile. Puis, dans la vie, plus tard, on n’a pas le temps.

On n’apprend pas à écrire une lettre, un télégramme, à les composer d’avance dans sa tête, à être clair, précis, à faire tenir en peu de mots l’essentiel, à mettre chaque chose à sa place. Les lettres ? Nous ne savons même pas les lire. Faites l’expérience. Ou nous sautons des mots, ou nous faussons leur sens.

On n’apprend pas à parler au téléphone, à y dire d’abord l’important, sans bavardage préliminaire, pour le cas où la communication viendrait à être coupée. Et toujours à être exact, limpide, à y verser une parole dépouillée.

Ce sont de petits arts nécessaires.

En somme, qu’il s’agisse de manier le bois, de manier le fer, de manier la plume, ou de manier l’argent, tout exige un apprentissage. Ni l’instruction, ni l’éducation ne nous le donnent.

Les « Applications ».

L’enseignement officiel se flatte de donner une culture générale. Mais c’est une culture sans fruit. Avec elle, on ne récolte pas. On pioche dans le sol aride, on l’abandonne dès qu’il devient fécond. Aussitôt que la leçon menace de devenir intéressante, de s’appliquer à la vie, au point précis où apparaîtrait son utilité, elle s’arrête.

Cet enseignement a ses raisons de planer sur les hauteurs, de dédaigner la terre. Il entend découvrir à l’esprit des vues plus étendues, l’élargir et l’assouplir. Certes, une telle gymnastique doit permettre de descendre ensuite aisément aux vulgaires contingences. Mais le détour est singulier. On rirait d’un quidam qui monterait en ballon pour apprendre à marcher.

Qu’arrive-t-il, en effet ? L’écolier devient étudiant, soldat, il entre enfin dans la vie normale. Or, il n’a jamais eu le temps de prolonger son instruction, de la compléter au point de vue pratique. Sa mémoire a vomi les matières indigestes dont on l’avait chargée. De tout ce qu’il apprit, rien ne lui reste.

En faut-il des exemples ? On apprend beaucoup de physique, au lycée. Évidemment, puisqu’on en demande aux examens. On s’étend avec complaisance sur les lois, les théories, sèchement illustrées d’expériences classiques. Mais voici notre bachelier dans la vie. N’eût-il, par un miracle unique, rien oublié de sa science, il restera comme un simple sot, incapable d’une explication, d’une clarté, devant tant de phénomènes familiers qui sont cependant de la physique.

Sait-il pourquoi la cheminée tire mal, pourquoi la lampe file ? Non. Il ignore même qu’il faut percer un tonneau de deux trous pour que le liquide s’en écoule. Il ignore le fonctionnement de son radiateur, de son ascenseur, de son chauffe-bain, qui contiennent pourtant des menaces de danger. Bien qu’il ait la cervelle farcie des lois d’Ampère et de Faraday, il ne sait rien de l’appareillage électrique, sonnerie, lumière et téléphone. Bref, il ignore tout de la physique du logis.

S’il descend dans la rue, il n’y brille pas davantage. Je le mets au défi d’expliquer comment fonctionnent le métro, le tramway, l’horloge électrique. Et je ne suis pas bien sûr que le capot d’une limousine ne recèle pas pour lui du mystère. Pourquoi ? Parce que la science officielle, dans je ne sais quel antique esprit de renoncement, de mépris pour la vie vraie, s’est résolument arrêtée devant les applications. Et il en est ainsi pour chaque branche de l’enseignement. On la coupe au moment où l’on va cueillir, à son extrémité, la fleur ou le fruit.

S’agit-il de géographie ? On s’est bourré la mémoire de nomenclatures de fleuves, de montagnes. On a appris les noms des comtés, duchés, principautés, de tous ces petits lambeaux de sol que s’arrache l’ambition humaine. Bref, on est très « calé » en géographie. Seulement, on n’a pas appris à lire la carte… J’entends la lire pratiquement, savoir se débrouiller, s’orienter, venir en aide au pilote, au chauffeur assis à ses côtés.

En histoire, on possède à fond les civilisations abolies, les âges disparus. Mais on connaît fort mal son propre siècle. On sait mieux le successeur de Louis XIV que celui de Sadi-Carnot. Je veux dire par là qu’on ne le connaît pas d’une manière intime, familière, qui permette de juger les événements actuels et de les relier à ceux de la veille.

Notons en passant que dans l’éducation familiale, on tombe dans le même travers. On va à ce qui est loin dans l’espace et le temps. Et on ignore ce qui est proche. On ignore sa famille au-dessus de ses grands-parents. On apprend la filiation des rois et on ne sait pas la sienne. On ne sait pas le nom de son bisaïeul et encore moins son métier, son œuvre sur la terre. On ignore l’histoire et le plan de la ville qu’on habite. Et on apprend des dates de batailles et les affluents du Danube…

On pioche l’histoire littéraire en vue des examens, mais on n’apprend pas les noms de ces héros de Balzac, de Daudet, de Zola, d’Anatole France, qui sont devenus, par la puissance du génie, des entités vivantes. On apprend à peu près les noms des artistes de la Renaissance, mais on ignore les noms de ces peintres récents qui fondèrent des écoles et dont les toiles deviennent cependant classiques. On n’est point apte à saisir toutes les allusions que roule l’entretien, lorsqu’elles s’inspirent d’œuvres contemporaines. Car c’est la dernière fleur de l’histoire et l’enseignement ne la connaît pas.

En dessin, même chanson. Pour les concours, on apprend à reproduire tant bien que mal les traits d’un morne Romain de plâtre, à grand renfort d’effets d’estompe. Mais veut-on montrer à un menuisier, à un maçon, le petit projet qu’on rêve de réaliser ? Impossible. On ne sait pas se servir de ses doigts. On ne peut pas les contraindre à exprimer par des traits sa pensée. Ils se dérobent. Ils refusent. Ils trahissent. C’est toujours le résultat de l’enseignement. Appliquer des notions de dessin à la pratique ? Fi donc !

On devrait enseigner aux enfants un peu de modelage, leur mettre aux mains la boulette de glaise ou de plastiline. Rien n’accoutume mieux à pénétrer le secret des formes, des reliefs et des contours. Mais on ne demande pas de modelage aux examens !

Tous ces reproches doivent se retourner contre ceux qui élaborent les programmes scolaires. Pourquoi en écartent-ils ces applications qui en apparaissent le couronnement logique ? Pourquoi cette cassure entre l’enseignement et la vie ? Il suffirait de jeter du lest par ailleurs, d’éliminer de vaines connaissances dont notre mémoire fait justice.

Pour en finir avec ces lacunes des programmes officiels, notons encore qu’on n’apprend pas l’ethnographie. Elle nous enseigne pourtant ce merveilleux échange d’effluves entre le ciel et la terre, qui crée les races, les faunes, les flores. Elle devrait être la préface souriante de la géographie.

On ne donne point aux enfants, parmi les connaissances à la base, quelques notions d’architecture. Elles leur permettraient cependant de comprendre et de goûter ces sages leçons d’équilibre et d’harmonie qui sont inscrites dans les lignes d’un beau monument. Elles leur permettraient aussi de discerner le style d’un édifice ancien, de donner un âge à ces témoins émouvants du passé, qui nous entourent et que pourtant nous ne savons pas voir.

Enfin, on n’apprend guère d’astronomie, dans les notions générales. Et cependant ce devrait être une connaissance à la base.

Elle est, de toutes les sciences, la plus étroitement mêlée à notre existence. C’est elle qui règle le pendule et le calendrier. C’est elle qui fait le jour et la nuit, la pluie et le beau temps, elle qui entraîne autour de la terre la ronde des saisons. Les spectacles astronomiques nous entourent : le rayon de soleil qui nous verse la vie, le clair de lune qui nous verse la paix, les constellations qui sont la parure de la nuit, tous les phénomènes qui frappent l’imagination, éclipses, étoiles filantes, comètes.

Et cependant les notions acquises sur l’univers sont peu répandues. Elles ne sont pas descendues dans les couches profondes. Elles ne nous sont pas familières.

Il y a sans doute dans cette ignorance l’effet d’un instinct religieux. L’astronomie ne représente pas le ciel tel que le catholicisme l’avait organisé.

De plus, l’astronomie ouvre à l’esprit des vues dangereuses pour l’ordre établi. Elle nous ramène à notre taille, qui est petite. Elle nous montre combien sont mesquines nos luttes, combien sont brefs les empires, devant l’infini de l’espace et du temps. Et c’est là le péril. Car, prêtres et chefs d’État, pour garder leur pouvoir et mener les foules, ont besoin d’entretenir un fanatisme, haine des peuples et crainte de Dieu, que dissiperait, si nous réfléchissions, le clair regard d’une étoile.

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