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Les mystifications de Caillot-Duval: Choix de ses lettres les plus amusantes avec les réponses de ses victimes

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V
A M. de la Roche [25], gouverneur de la ménagerie, à Versailles.

Nancy, le 14 novembre 1785.

Les nouvelles expériences, monsieur, qu'on a projetées sur la génération artificielle, ne pouvoient être confiées en de meilleures mains. Peu de personnes doivent se flatter d'être aussi intelligentes et aussi versées que vous dans la connoissance des animaux. C'est à ce titre que notre auguste monarque s'est reposé sur vous du soin de leur éducation, nutrition et conservation. Je viens, d'après les principes de l'abbé italien [26] qui nous a démontré si clairement la possibilité de procréer des êtres par une injection de semence conservée, de faire moi-même l'expérience sur une chienne noire et blanche, âgée de trois ans; je ne crois pas inutile d'observer qu'elle est pleine d'intelligence, et d'une constitution très-libidineuse. Je vous ferois bien ici deux observations, mais je passe rapidement à une troisième que je crois plus intéressante. Je vous prie de vouloir bien me mander les procédés dont vous vous êtes servi, vu que les miens ont été insuffisants. Quoique je n'aye pas l'honneur de vous être connu, un de mes amis m'a assuré que je pouvois m'adresser à vous en toute confiance: j'espère que vous ne désapprouverez pas ma démarche, qui ne tend qu'au progrès de la science. J'ai toujours fait mon étude de l'histoire naturelle: la partie de la génération est celle que j'ai le plus approfondie; j'ai même composé sur ce sujet un petit ouvrage que j'ai envoyé à une académie dont je suis membre, et je n'attends que sa réponse pour le rendre public: je vous en ferai passer un exemplaire si vous voulez bien me le permettre.—J'ose croire que vous voudrez bien me dire où en sont vos opérations et si vous espérez réussir. Avouez, monsieur, que cela seroit bien commode pour faire des enfants par lettre. Permettez-moi cette petite saillie de gaieté et pardonnez-moi les petites incorrections de style que vous pourrez trouver dans cette lettre: je ne suis pas encore bien familier avec la langue française que je ne parle que depuis un an.—J'ai l'honneur d'être, etc.—CAILLOT-DUVAL.


Réponse

Paris, le 24 novembre 1785.

Votre chère lettre du 14, monsieur, m'a été envoyée de Versailles; j'étois venu ici pour lever une demi aune de toile chez ma marchande, au Palais Royal, no 40 [27]. Je ne connois que par ouï-dire les expériences dont vous me parlez: je les trouve très curieuses; mais je vous avoue que j'ai peine à me persuader qu'elles soient réelles. J'ai approfondi autant que personne tout ce qui a quelque rapport à la génération; et dans ce genre-là j'ai toujours été fort peu curieux de l'artificiel: ainsi n'en parlons plus.

Je suis en effet plus à portée que personne de faire des expériences sur les animaux, ayant à ma disposition tous ceux qui composent la ménagerie de notre auguste souverain. Vous me faites naître l'idée de m'en occuper. Dès que je serai de retour dans mon gouvernement, je mettrai la main à l'œuvre et ce sera avec le plus grand plaisir que je vous communiquerai mes découvertes: ainsi n'en parlons plus et croyez-moi, monsieur, votre dévoué serviteur.—LA ROCHE, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.


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