← Retour

Les Pardaillan — Tome 02 : L'épopée d'amour

16px
100%



XLVIII

SUÉE SANGLANTE

Si notre récit est terminé en fait, nous devons donner satisfaction aux curiosités qui ont pu s'éveiller sur certains de nos personnages.

Nous devons dire surtout ce que devinrent Jeanne de Piennes, Loïse, le chevalier de Pardaillan et François de Montmorency lorsqu'ils eurent enfin gagné le vieux manoir où s'est déroulée la première scène de cette histoire.

Mais, avant de revenir au château de Montmorency, jetons un dernier coup d'oeil sur quelques autres acteurs du drame.

Maurevert alla jusqu'à Rome porter la nouvelle de la destruction des hérétiques. En traversant la France, il put se rendre compte que la tache de sang s'élargissait jusqu'à couvrir tout le royaume. Maurevert demeura un an à Rome.

Que fit-il pendant cette année? Sans doute, il prépara sa fortune; probablement il s'aboucha avec certains personnages.

Le jour où il se mit en selle pour reprendre la route de Paris, ce qui arriva le Ier septembre de l'an 1573, une sombre satisfaction brillait dans ses yeux, et il murmura, en se touchant la joue que le chevalier avait cinglée:

«Et maintenant, Pardaillan, à nous deux!...»

Huguette et son mari, maître Grégoire, avaient pu demeurer cachés dans une cave chez une de leurs parentes; lorsque le calme se rétablit, Huguette voulut retourner à son auberge. Mais le timide Grégoire lui fit observer que Paris était un séjour encore bien dangereux, que tous les jours il y avait des processions ou les cris de mort retentissaient encore; que lui, Landry Grégoire, était, Dieu merci! excellent catholique, mais, enfin, qu'à défaut d'hérétiques on pourrait bien le pendre ou le tailler un jour pour avoir favorisé la fuite de Pardaillan. Huguette se rendit à ses raisonnements. Ils allèrent donc à Provins, pays natal d'Huguette, et y demeurèrent environ trois ans, au bout desquels maître Grégoire commença à se persuader que peut-être on l'avait oublié, et qu'il pouvait rentrer à Paris. C'est ce qu'il fit, non d'ailleurs sans répugnances.

Le 18 juin 1575, l'auberge de la Devinière, ainsi baptisée jadis par Rabelais, fut rouverte, et aussi achalandée que par le passé.

Jacques Clément continua à être élevé chez les Barrés jusqu'à l'âge de treize ans, époque de sa vie à laquelle il passa au couvent des Cordeliers.

Ruggieri, pendant les horribles journées de carnage, demeura enfermé dans son laboratoire, en tête-à-tête avec le cadavre embaumé du malheureux comte de Marillac.

Ruggieri fit venir d'Italie un superbe bloc de marbre qui fut taillé en forme de pierre tombale très simple.

Sur la pierre, il fit graver un seul mot,—le nom de l'infortuné jeune homme:

DÉODAT

Dès lors Ruggieri vécut misérablement, se tuant à la recherche de l'insoluble problème, passant des nuits entières en observation sur sa tour, et des jours en rêveries sombres pendant lesquels, assis au fond d'un fauteuil, il contemplait, d'un oeil morne et vitreux, un point dans l'espace.

Il paraît que Catherine eut peur de lui à un moment donné, car elle le fit impliquer dans le procès en sorcellerie intenté à La Môle et au comte de Coconasso. Peut-être la vieille souveraine eut-elle alors encore plus peur des révélations que Ruggieri pouvait faire. Car, après lui avoir pour ainsi dire montré de prés l'échafaud, elle le sauva et le garda près d'elle, et, sans doute, il lui rendit encore plus d'un mystérieux service.

Après les massacres de la Saint-Barthélémy, le duc de Guise rejoignît son gouvernement de Champagne, et le duc de Damville, son gouvernement de Guyenne. Henri de Guise comprenait que Catherine de Médicis, chaudement félicitée par Rome et par l'Espagne, triomphait pour l'heure. Mais, sans doute, il ne renonçait pas à ses projets car, en s'éloignant de Paris, il montra le poing au Louvre et gronda entre ses dents serrées:

—Tout n'est pas fini!...

Quant à Damville, lorsqu'il sut que son frère et Jeanne de Piennes avaient pu gagner Montmorency, il tomba dans un état de prostration qui faillit lui coûter la vie... Mais sa robuste constitution, la rage et le désir de vengeance furent plus forts que la mort. Il quitta Paris en disant lui aussi:

—Je reviendrai! Tout n'est pas fini, mon frère!

Nous prierons maintenant le lecteur de se transporter au château de Vincennes, résidence et prison royales. C'est par une magnifique matinée d'été. Nous sommes au 30 mai de l'an 1574, c'est-à-dire exactement vingt et un mois et six jours après ce dimanche de la fête de Saint-Barthélémy où le roi Charles IX avait laissé massacrer ses hôtes.

Près de deux ans, donc, se sont écoulés depuis l'abominable forfait.

Entouré d'intrigants qui guettaient sa mort et l'escomptaient ouvertement, Charles vécut retiré, laissant le gouvernement à sa mère. Il voyait bien qu'autour de lui tous, sa mère, ses frères, ses courtisans, trouvaient qu'il avait trop vécu. Et pourtant, il n'avait que vingt-trois ans. Brantôme dit qu'au moment de se retirer au château de Vincennes Charles s'écria amèrement:

—Ah! c'est trop m'en vouloir! Au moins, s'ils eussent attendu ma mort!...

A Vincennes, sous les beaux ombrages du bois, il retrouva quelque tranquillité. Mais ses nuits étaient terribles. Dès qu'il s'endormait, il se voyait entouré de spectres auxquels il demandait grâce. Il ne parvenait à dormir un peu que lorsque sa nourrice, assise près de son lit, lui racontait de vieilles histoires de chevalerie, comme on fait aux enfants peureux pour les endormir.

Il faisait aussi de la musique, se mêlait aux choeurs qu'il organisait, faisait venir des musiciens avec lesquels il discutait fiévreusement pendant des heures. Mais souvent, au milieu d'un choeur, on le voyait s'arrêter tout à coup, pâlir et trembler de tous ses membres. Et alors, ceux qui pouvaient l'approcher de très près l'entendaient murmurer:

—Que de sang! que de meurtres! O mon Dieu, pardonne-les-moi et fais-moi miséricorde!...

Puis il se mettait à pleurer, et généralement se déclarait alors une crise qui le laissait abattu, mortellement triste... Plusieurs fois par semaine. Marie Touchet venait le voir secrètement.

Le 29 mai, Charles IX passa une journée effrayante, suivie d'une nuit de délire pendant laquelle, malgré les soins de sa nourrice, il se débattit contre d'affreuses visions. Il pleura, sanglota, supplia des spectres et ne retrouva un peu de repos qu'au matin du 30 mai.

C'est en ce matin-là que nous introduisons le lecteur dans la chambre du roi.

Charles se promenait lentement, courbé, voûté, les joues creuses, les yeux caves, brûlants de fièvre; ce jeune homme paraissait un vieillard brisé par l'âge...

—Charles, à chaque instant, allait à la fenêtre, soulevait le rideau et balbutiait:

—Oh! elle ne vient pas!... Nourrice, elle ne vient pas!...

—Sire, le cavalier est parti à sept heures, il est à peine huit heures et demie... elle va venir...

—Et Entraigues? L'as-tu mandé?... Est-il là?

—Il est là, sire... Vous n'avez qu'à ouvrir cette porte...

François de Balzac d'Entraigues était un jeune gentilhomme profondément dévoué à Charles qui, deux jours avant cette scène, l'avait nommé gouverneur d'Orléans.

Orléans! le pays natal de Marie Touchet!

Que rêvait donc Charles IX?... Nous allons le savoir.

A neuf heures la porte de la chambre s'ouvrit et Marie Touchet parut. Elle portait son enfant dans ses bras. Une joie intense brilla dans les yeux du roi. Marie déposa l'enfant dans les bras de la vieille nourrice de Charles et s'avança vers le roi. Elle avait bien maigri. Elle était bien pâlie. Mais elle était toujours belle de cette beauté douce et comme effacée qui était son grand charme.

En voyant les ravages que le mal avait faits sur la figure du roi depuis sa dernière visite, elle ne put retenir ses larmes. S'asseyant, elle prit son amant sur ses genoux comme elle faisait dans leur maison de la rue des Barrés, et elle l'étreignit sans pouvoir prononcer une parole.

Cette fois, ce fut Charles qui s'efforça de consoler Marie. Il semblait avoir repris une dernière lueur d'énergie.

—Marie, écoute-moi... je suis condamné, je vais mourir, demain, dans quelques jours, aujourd'hui peut-être...

—Charles, mon bon Charles, tu ne mourras pas! Ce sont les regrets qui te donnent ces tristes idées!... Ah! maudits soient ceux qui t'ont conseillé, et que ce sang versé retombe sur leur tête...

—Non, Marie! Je suis perdu, je le sais! Peut-être à ta prochaine visite ne me trouveras-tu pas. Ne pleure pas. Ecoute-moi. Je veux que tu sois heureuse encore et que tu vives... ne fût-ce que pour apprendre à cet enfant à ne pas exécrer ma mémoire...

—Charles! Tu me déchires le coeur!...

—Je sais, mon doux ange bien-aimé... il le faut pourtant. Je t'ai appelée ce matin pour te donner mes dernières instructions, mes ordres... Oui, s'il le faut, ce seront les ordres de ton roi!...

—Charles! mon amant! mon roi! ta volonté m'est sacrée!...

—Donc, pour la tranquillité de mes derniers jours, pour toi, ma chère Marie, et aussi pour ce pauvre innocent, tu vas me jurer de m'obéir par-delà ma mort...

Elle se prit à sangloter et, espérant le calmer, répondit:

—Je te le jure, mon bon sire.

—Très bien, dit le roi. Je te sais femme à tenir parole, même quand tu sauras ce que je vais te demander. Écoute, Marie. Quand je serai mort, si tu es seule, tu seras en butte à mes ennemis qui voudront te faire payer le seul bonheur que j'aie connu en ce monde...

—Qu'importe! s'écria la jeune femme, alarmée par ce qu'elle prévoyait. J'aime mieux souffrir, pourvu que je sois seule. Et puis, pourquoi songerait-on à persécuter une pauvre femme qui ne demande que d'élever son enfant!

—Ah! Marie, tu ne les connais pas. Peut-être te ferait-on grâce, à toi... Mais l'enfant!... On redoutera les prétentions de ce pauvre petit qui est de sang royal, on voudra l'écarter... et la meilleure manière d'écarter les gens, vois-tu, c'est de les tuer!...»

Marie Touchet eut un cri de terreur et demeura toute tremblante.

—On le tuera, Marie! si loin que tu ailles, si bien que tu te caches, on l'empoisonnera... on l'égorgera.

—Tais-toi! oh! tais-toi!...

—La seule manière de le sauver, c'est de placer près de toi et de lui un homme fidèle, brave et bon qui veillera sur vous deux parce qu'il en aura le droit, parce qu'il sera ton mari!... Parmi tant de traîtres qui m'entourent, il est un gentilhomme que j'aime et que tu estimes à sa valeur: c'est Entraigues... ce sera ton époux...

—Sire!... Charles!...

—C'est mon désir suprême, dit le roi.

—O mon cher bien-aimé! dit Marie d'une voix brisée.

—C'est ma volonté royale!...

—J'obéirai, dit Marie dans un souffle. Oui, pour l'enfant, pour ton fils... J'obéirai!...

Le roi fit un signe à la nourrice qui ouvrit une porte.

François d'Entraigues parut.

—Approche, mon ami, dit Charles IX. Je veux te demander si tu es disposé à tenir le serment que tu me fis hier.

—Je l'ai juré, sire, et je ne suis pas de ceux qui jurent par deux fois.

—Tu me promis d'épouser la femme que je te désignerais, d'adopter son enfant comme la chair de ta propre chair...

—Sire, dit Entraigues, dès ce moment j'ai compris que vous me demandiez de veiller sur la vie de votre fils en devenant aux yeux du monde, sinon en fait, l'époux de Mme Marie... est-ce bien cela, sire?

—Oui, mon ami...

—J'ai juré, sire, que je tiendrai parole: je donnerai mon nom à celle que vous avez aimée; je la couvrirai du blason de ma famille; la force de mon bras et les ressources de mon esprit je les emploierai à la protéger envers et contre tous ainsi que l'enfant royal qui m'est confié...

Marie Touchet avait couvert ses yeux de son mouchoir et pleurait.

Le gentilhomme se tourna vers elle et ajouta:

—Ne craignez rien, madame... jamais je ne me prévaudrai de mon titre d'époux, qui ne me donnera qu'un seul droit: celui de vous rendre la vie douce et de vous faire un rempart contre les desseins des méchants...

C'était un redoutable engagement que prenait là ce jeune homme—en toute sincérité.

Peut-être l'avenir allait-il échafauder sur ce serment des complications dramatiques...

Charles IX, dans un mouvement de joie profonde, saisit la main de Marie Touchet et la plaça dans celle d'Entraigues.

—Mes enfants, dit-il,—et ce mot, dans la bouche de ce mourant, n'était pas déplacé—mes enfants, soyez bénis tous deux!

Alors il prit dans ses bras son fils, pauvre petit être autour duquel déjà se tramaient peut-être dans l'ombre des projets de mort; il le serra sur sa maigre poitrine, l'embrassa, et le rendit enfin à Marie Touchet.

—Marie, dit-il alors, je sens que mes jours sont comptés; mon enfant, fais-moi la grâce de revenir ici tous les matins à partir d'aujourd'hui.

—Certes, mon bon Charles! Si je pouvais demeurer en ce château... te soigner, te veiller... ah! je te guérirais!

Le roi secoua la tête...

—Entraigues, dit-il, accompagne-la... Car voici l'heure où madame ma mère me vient voir.

Marie se jeta dans les bras du roi.

—A demain, dit Charles IX.

—A demain, répondit Marie Touchet.

Après un dernier baiser, un dernier regard à son amant, elle sortit, accompagnée d'Entraigues.

Comme Marie Touchet était montée dans sa voiture fermée, et comme Entraigues se mettait en selle, il vit venir au loin un groupe de cavaliers au galop.

La voiture de Marie Touchet s'ébranla.

Entraigues demeura un moment sur place pour voir quels étaient ces cavaliers si pressés qui accouraient dans un nuage de poussière. En tête de ce groupe, en avant de plus de cinquante pas, galopait un homme qu'Entraigues ne tarda pas à reconnaître.

Il pâlit et murmura:

—Le roi de Pologne ici2!... Ah! maintenant je vois bien que Charles va mourir, puisque les corbeaux accourent!

Note 2: (retour) Le duc d'Anjou. On sait qu'Henri d'Anjou, frère de Charles, était monté, peu après la Saint-Barthélémy, sur le trône de Pologne. On sait que, prévenu en toute hâte par Catherine de Médicis, de la fin prochaine de Charles IX, il quitta secrètement la cour de Pologne et arriva à Vincennes juste à temps pour voir mourir son frère, et recueillir sa couronne sous le nom de Henri III.

Alors, d'un temps de trot rapide, il rejoignit la voiture de Marie Touchet et rentra avec elle dans Paris.

Charles IX était demeuré avec sa nourrice.

—Comme il ferait bon vivre! murmura-t-il. Oh! vivre dans la paix des champs, n'être plus roi, n'être plus le misérable que je suis, ne plus deviner les poignards dans l'ombre, ne plus redouter le poison dans le pain que je mange. Oh! mon rêve de roi!... Vivre! oh! vivre encore!... Seigneur! un peu de paix, par pitié!...

Deux larmes coulèrent le long de ses joues amaigries.

—Madame la reine ne vient pas? demanda-t-il.

Non, Catherine de Médicis ne venait pas, ce matin-là! Sans doute, elle devait être fort occupée, depuis que le cavalier aperçu par Entraigues était entré au château.

—Couche-moi, nourrice, reprit Charles au bout d'un moment.

La vieille nourrice obéit. Bientôt, le roi fut installé dans son grand lit. Elle le borda maternellement. Il ferma les yeux.

—Il va mieux, songea la nourrice.

Lorsqu'il comprit qu'il était seul, Charles IX ouvrit les yeux.

—Seul! murmura-t-il. Tout seul! Autour de moi, le silence, l'abandon! plus de courtisans, plus de gardes! On sait que je vais mourir...

La solitude, en effet, était profonde autour du roi. C'était bien le silence de l'abandon. Seule, la vieille nourrice venait de temps à autre se pencher sur lui...

Pourtant, en prêtant l'oreille, il semblait à Charles qu'il entendait dans le château des bruits inaccoutumés, un mouvement de va-et-vient de gens empressés, une rumeur joyeuse, eût-on dit! cette rumeur d'une foule de courtisans qui s'empresse autour d'un roi...

Quelle était donc cette Majesté qu'on saluait ainsi, tandis que lui demeurait seul, tout seul en présence de la mort?...

Les heures s'écoulèrent.

La nourrice elle-même ne venait plus: peut-être l'avait-on écartée afin qu'elle ne pût renseigner le roi.

Vers le soir, Charles voulut se lever, il frappa sur un timbre. Il appela. Personne ne vint.

Alors il voulut se lever seul, sans aide.

Mais il retomba sur son lit, et constata avec épouvante que ses forces, depuis le matin, s'en étaient allées.

Il demeura faible, baigné d'une sueur froide, pris d'une angoisse terrible. Il voulut crier, et ses lèvres ne rendirent qu'un son rauque, à peine intelligible.

—Mon Dieu! mon Dieu! râla-t-il. Est-ce que je vais mourir?

Il se souleva subitement, ses dents se mirent à claquer... la crise, la redoutable crise qui l'avait si souvent terrassé, s'abattait sur lui...

Les ombres du crépuscule envahissaient la chambre.

Charles, assis sur son lit, les jambes pendantes, d'un geste d'horreur, repoussait de la main droite les spectres qui, peu à peu, envahissaient la chambre, tandis que, de la main gauche, il cherchait à remonter la couverture jusqu'à son cou, comme pour se cacher.

—Du sang! gronda-t-il. Qui a répandu tant de sang?... Grâce! Qui donc crie grâce et pitié?... Qui êtes-vous? Est-ce toi, Coligny? Et toi, Clermont, que veux-tu? Et toi. La Rochefoucauld? Et toi Chavaignes? Et toi, La Force? Et toi, Pont? Et toi, Ramus? Et toi, Briquemaut? Et toi, La Trémoille? Et toi, La Place? Et toi, Rohan? Que me voulez-vous? Et, vous tous, pourquoi entrez-vous ici? Oh!... la chambre se remplit... il y en a partout, partout, dans le couloir, dans la galerie, dans le château, dans la cour... Ils montent! Ils viennent tous! Qui êtes-vous? Que voulez-vous? A moi! A moi! Oh! c'est affreux! Quoi! vous me voulez tuer?... Quels effroyables gémissements! Quels cris d'agonie! Que sont ces mugissements par les airs? Les cloches! Les cloches! Cela hurle dans ma tête! Cela rugit! Assez! Arrêtez! Grâce!...

Charles IX se tut subitement. Sa voix, qui, peu à peu, s'était enflée, se termina par une plainte affreuse.

Alors, il prit sa tête à deux mains et pleura. Il murmurait:

—Mon Dieu! Mon Dieu! pardonnez-moi!

Tout à coup, il tendit ses bras décharnés vers cette foule de fantômes qui l'entouraient.

—Pardon! oh! pardon!... Que de malédictions sur moi!

La nuit devenait sombre au-dehors. Mais la chambre s'était éclairée de flambeaux.

En effet, maintenant, des êtres se glissaient vers ce lit où hoquetait l'épouvantable agonie.. non pas des fantômes, mais des vivants... des courtisans... le duc d'Anjou... et, toute noire, sinistre, effrayante, Catherine de Médicis!...

La vieille reine se pencha sur le lit et murmura:

—Mon fils...

De sa main glacée, elle toucha le roi au front.

Charles IX jeta une stridente clameur d'épouvante, chercha à repousser cette main, se souleva, les yeux hagards, fou de terreur, fou de remords, il rejeta les couvertures...

Il eut un râle, un souffle:

—Du sang!...

Et, cette fois, ce n'était pas une illusion!...

Il y avait réellement du sang dans ce lit! Les draps étaient piqués de petites taches rouges! Et c'était du sang! Une affreuse transpiration d'agonie et de délire coulait sur le corps du mourant. Et c'était du sang! Charles IX suait du sang3. Sa poitrine était à nu. De ses ongles, il avait lacéré sa chemise. Ses bras se tordaient, tordus par la crise.

Et tous ceux qui étaient là se regardèrent avec des yeux d'épouvanté et d'horreur!

Cette poitrine était rouge! Ces bras étaient rouges! Rouges de sang!...

Catherine eut un recul terrible et ferma les yeux.

Deux secondes, un silence mortel pesa sur cette scène.

D'un râle plus rauque, d'une voix plus rude, Charles répéta son cri:

—Du sang!...

Et, tout à coup, sa bouche se convulsa, ses lèvres se crispèrent, et son rire, le rire terrible, le rire funèbre qui jetait l'épouvante dans les âmes, ce rire semblable à un hurlement grinça, fusa, éclata, se gonfla, toujours plus fort, toujours plus sinistre...

Soudain, Charles se renversa... Mort!...

La reine se pencha, posa sa main sur la poitrine de Charles. Et cette main devint toute rouge.

Alors, lentement, elle se releva, se tourna vers le duc d'Anjou, livide, et, d'une étreinte farouche de sa main sanglante, elle empoigna la main de son fils bien-aimé, la main d'Henry d'Anjou... et, d'une voix éclatante, d'une clameur de triomphe qui s'entendit au loin, cria:

—Messieurs!... Vive le roi!...




XLIX

LE PRINTEMPS DE MONTMORENCY

Revenant de vingt et un mois en arrière, nous reprenons nos héros au point où nous les avons laissés, c'est-à-dire entrant au château de Montmorency, à l'aube du 25 août 1572.

On n'a peut-être pas oublié qu'après son enquête à Margency, enquête qui établissait d'une manière éclatante l'innocence de Jeanne de Piennes, le maréchal avait commandé à son intendant d'aménager toute une aile du château pour deux princesses qu'il comptait héberger. C'est dans cette partie du château que furent installées Loïse et Jeanne de Piennes.

Le maréchal voulait entreprendre de sauver la raison de celle qu'il avait adorée, qu'il adorait encore, et il imaginait de frapper vivement l'esprit de la pauvre folle en la conduisant un jour à Margency...

Mais, un devoir plus immédiat sollicita son courage et son dévouement. A peine Jeanne et sa fille furent-elles installées qu'il fit sonner le tocsin du manoir. Il ordonna à son capitaine d'armes de fermer les portes, de lever les ponts-levis, de faire couler dans les fossés les eaux qui en étaient détournées en temps de paix, de faire charger les vingt-quatre pièces d'artillerie, d'armer en guerre les quatre cents hommes de la garnison, enfin, de tout préparer pour soutenir au besoin un long siège.

En même temps, il envoyait des estafettes dans plusieurs directions.

François de Montmorency eut un entretien avec le chevalier de Pardaillan. Les dernières résolutions y furent prises.

Le 25 août 1572, vers trois heures, il y avait près du château deux mille quatre cents cavaliers bien montes, bien armés. Ce corps de cavalerie fut divisé en deux brigades, fortes chacune de douze cents hommes.

Le maréchal prit le commandement de l'une; Pardaillan fut mis à la tête de l'autre.

Puis, chacun d'eux s'élança dans une direction différente; et ces deux hommes, qui laissaient derrière eux tout ce qu'ils aimaient au monde, partirent sans regrets apparents pour remplir un devoir d'humanité.

Le maréchal s'élança vers Pontoise; de là, il battit le pays jusqu'à Magny, puis poussa droit au nord et arriva jusqu'à Beauvais. Partout où il passait, il rassemblait ceux qui étaient en état de porter les armes, leur parlait fortement, leur racontait les horreurs de Paris, et enfin les décidait à s'opposer, les armes à la main, à toute tentative de massacre.

Là où les ordres de Catherine étaient déjà arrivés, là où on commençait à tuer, il fondait tout à coup sur les massacreurs, faisait jeter en prison les plus enragés et décrétait que tout homme pris à violenter, molester ou piller, serait pendu haut et court, sans procès.

Pendant un mois, il battit la campagne, inspirant partout une terreur salutaire aux trop fervents catholiques.

Pardaillan opérait de son côté. mais avec plus de fougue encore et de rapidité. Pendant deux mois, il ne laissa pas un point inexploré dans les pays qu'il traversa.

De L'Isle-Adam, où il se dirigea tout d'abord, Pardaillan bondit jusqu'à Luzarches; de là, il remonta à Senlis, traversa Crépy, allant, revenant, courant à l'est, à l'ouest, entra en coup de foudre à Compiègne et poussa jusqu'à Noyon dans une course audacieuse.

Alors, obliquant à gauche, il redescendit sur Montdidier, et, par Crèvecoeur, gagna enfin Beauvais où le maréchal avait établi ses quartiers.

Cette campagne, faite de marches et de contre-marches, avait duré trois mois.

Grâce donc au maréchal de Montmorency et au chevalier de Pardaillan, toute cette province fut exempte des horreurs qui s'abattirent sur presque tout le reste du royaume.

Au bout de ces trois mois, le calme s'était complètement rétabli. Mais le maréchal, pendant un mois encore, promena sa petite armée pour achever d'intimider les forcenés.

Ce ne fut que le soir du 29 décembre par un temps de neige, que le maréchal rentra dans son manoir. Le 6 janvier, il licencia son armée.

L'hiver s'écoula paisiblement.

Le mariage de Pardaillan et de Loïse avait été fixé au mois d'avril, sur la prière de François.

Pendant la campagne du maréchal et du chevalier, la santé de Jeanne de Piennes avait achevé de se rétablir. Sa beauté était redevenue éclatante; toute pâleur avait disparu; cette ombre de mélancolie, qui couvrait son visage à l'époque où on l'appelait encore la Dame en noir, s'était dissipée. C'était dans ses yeux et sur ses lèvres un soupir de bonheur.

Hélas! ce bonheur n'était qu'un rêve!

C'est à son rêve que souriait la pauvre démente...

Quant à Loïse, la blessure qu'elle avait reçue de Maurevert sur la colline de Montmartre s'était cicatrisée moins promptement qu'on n'aurait pu s'y attendre, il est vrai; mais enfin, lorsque le maréchal et le chevalier étaient rentrés au château, il n'y avait plus qu'une légère trace rosée indiquant que Loïse avait été frappée là.

Sa santé, à elle aussi, s'était rétablie. Elle avait même pris une bonne mine qu'elle n'avait jamais eue. L'incarnat de ses lèvres, l'animation extraordinaire de son teint étonnèrent le maréchal. Il est vrai que, parfois, elle devenait soudain d'une pâleur mortelle et se mettait à grelotter; mais cela durait deux minutes, et ne pouvait paraître alarmant.

En même temps, le caractère de la jeune fille se transformait.

Elle avait toujours été un peu mélancolique; elle devint d'une gaieté dont les éclats, par moments, amenèrent de soudaines épouvantes dans l'âme du chevalier.

Seulement, lorsqu'elle était seule, elle croisait quelquefois ses mains sur sa poitrine, et murmurait:

«J'ai là un feu qui me brûle, et lentement me consume...»

Le 25 avril, devant toute la seigneurie de la province, tandis que les cloches de Montmorency sonnaient, et que les canons faisaient entendre des salves joyeuses, le contrat de mariage fut signé dans la grande salle d'honneur du château.

La veille, le maréchal dit à Pardaillan:

—Mon cher fils, voici les lettres et documents qui vous font maître et seigneur du comté de Margency... Prenez-les comme un gage de mon affection et de ma gratitude...

—Monseigneur, c'est un souvenir de tendresse et d'admiration que je veux offrir à celui qui fut mon maître, et me légua le nom de Pardaillan. Pauvre, sans sou ni maille, sans terres, n'ayant pour tout bien au monde que ce nom, je désire, en m'unissant à l'ange que vous me donnez, m'appeler seulement le chevalier de Pardaillan... Plus tard, monseigneur, il conviendra peut-être que je m'appelle le comte de Margency.

Ceci fut dit avec une belle simplicité d'orgueil que le maréchal comprit. Il serra le chevalier dans ses bras, et, sans insister, referma les parchemins dans un coffre.

Devant le bailli qui procédait au contrat, devant la foule des seigneurs accourus, le chevalier fut donc purement et simplement: le chevalier de Pardaillan.

La cérémonie fut suivie d'un de ces festins somptueux comme seul un Montmorency pouvait en offrir à de tels hôtes.

Le soir, les invités repartirent.

En effet, le mariage devait se faire à l'église, en la plus stricte intimité, vu le deuil du jeune époux.

Le matin du 26 avril se leva enfin.

Ce fut une radieuse journée de printemps. Les cerisiers étaient en fleur; les haies embaumaient; les bois d'alentour se couvraient d'une verdure tendre; la campagne parsemée de bouquets—pommiers blancs, poudrés à frimas—saturés de parfums—lilas, violettes, muguet—la campagne si douce et si plaisante à l'oeil, en ces jours où le monde renaît, offrait le spectacle et le charme d'un jardin comme timide et frileux encore. Cette journée passa comme un doux songe d'amour.

Le maréchal, pourtant, paraissait assiégé de sombres souvenirs... C'est que cette date du 26 avril était à jamais gravée dans son coeur. Vingt ans avant, la nuit du 26 avril, en la chapelle de Margency, s'était consommée son union avec Jeanne de Piennes! Et, en cette même nuit, il était parti pour Thérouanne... pour la guerre... pour l'inconnu... pour le malheur!...

Le soir vint. Onze heures sonnèrent.

Le maréchal avait revêtu son costume, semblable à celui qu'il portait le 26 avril de l'an 1553. Il donna le signal du départ: en effet, ce n'est pas dans la chapelle du château que devait s'accomplir la cérémonie... Loïse et Jeanne furent placées dans une voiture. Le maréchal et Pardaillan montèrent à cheval. On partit. On suivit la route sous un clair de lune d'une douceur infinie, et, enfin, on s'arrêta devant une pauvre petite église:

La chapelle de Margency, comme vingt ans avant!

Le mariage de minuit, comme vingt ans avant!

Presque les mêmes personnages!... Quelques paysans... et près de l'autel, une vieille, très vieille femme qui pleurait, nourrice de Jeanne! Le prêtre commença son office.

Pardaillan et Loïse, l'un près de l'autre, se tenaient par la main; leurs yeux ne se quittaient pas; et, dans ce double regard qui se croisait, il y avait comme de l'extase.

Le maréchal, avec une poignante anxiété suivait sur le visage Jeanne l'effet de cette scène. La mémoire allait-elle se réveiller? La raison allait-elle revenir? La martyre pourrait-elle donc entrevoir un peu de bonheur?...

Les anneaux furent échanges.

Le prêtre prononça les formules sacramentelles.

Loïse et Pardaillan étaient unis!...

Alors, comme autrefois Jeanne et, François s'étaient à cette minute même tournés vers le sire de Piennes Pour demander sa bénédiction suprême, d'un même mouvement instinctif et gracieux, les deux époux se tournèrent vers la pauvre folle, et, pâles tous deux de leur bonheur infini, s'inclinèrent doucement, ployèrent le genoux...

Dans le trajet de Montmorency à Margency, Jeanne de Piennes était demeurée indifférente, loin de ce monde, aux prises avec les pensées obscures qui évoluaient dans les ténèbres de son esprit.

Pendant la cérémonie, elle tint ses regards fixes tantôt sur le prêtre, tantôt sur cette vieille femme qui pleurait non loin d'elle. A un moment, elle passa ses mains sur son front, ses lèvres s'agitèrent... un prodigieux travail se faisait dans cette pauvre cervelle... Tout à coup, elle vit Loïse et le chevalier, qui s'inclinaient devant elle.

—Où suis-je? balbutia-t-elle.

—Jeanne! Jeanne! supplia François d'une voix ardente.

—Ma mère!... murmura Loïse en levant sur elle son beau regard noyé de larmes.

La folle se dressa toute droite. Pendant deux secondes qui furent longues comme des heures, dans le silence plein d'angoisse qui régnait dans l'église, elle contempla tout ce qui l'entourait.

Sa voix, de nouveau, se fit entendre, plus distincte, plus affermie:

—L'église de Margency... l'autel... Qui est là? ma fille?... oh!... est-ce bien toi, François?... Est-ce que je rêve?... Non... je suis morte et je vois ces choses du fond de la tombe!...

—Jeanne!...

—Ma mère!...

Ce double cri retentit dans l'église, déchirant, terrible, épouvanté.

Jeanne avait répété:

«Morte!»

Et, en même temps qu'elle prononçait ce mot, elle était tombée à la renverse dans le fauteuil, comme jadis le sire de Piennes, son père. Un instant, ses bras essayèrent de se soulever comme pour bénir les êtres qui sanglotaient autour d'elle... puis ses yeux s'ouvrirent et s'attachèrent à François... un céleste rayonnement d'amour intense et de bonheur surhumain jaillit de ces yeux... et ce fut tout!...

François, avec un atroce sanglot de désespoir, la saisit dans ses bras... la tête de Jeanne retomba mollement sur son épaule... C'était fini!...

Alors. la voix grave du vieillard qui venait d'officier l'union de Loïse et Pardaillan s'éleva, solennelle te tremblante:

—Mon Dieu, recevez dans votre sein celle qui vient à vous.

Un mois après cette scène, par un beau soir de mai, comme le soleil se couchait dans une gloire pourpre François de Montmorency, en grand deuil, l'âme noyée de regrets, se promenant dans le jardin du château. Il s'assit sur un banc de pierre, qu'ombrageait un énorme buisson de chèvrefeuille.

Dans une allée lointaine, il vit passer un couple qui marchait lentement parmi les fleurs, parmi les parfums du soir, dans l'auguste sérénité de ce beau crépuscule.

Pardaillan et Loïse s'arrêtèrent enlacés; ils échangèrent un long baiser, et leur amour paraissait infini, suave, parfumé comme la radieuse et sereine nature qui les enveloppait de ses caresses.

Les yeux du maréchal s'emplirent de larmes, il laissa tomber sa tête dans ses deux mains, et murmura:

«O mes enfants, aimez-vous, soyez heureux! Comme Loïse est fiévreuse depuis quelques jours!... comme ses yeux brillent d'un éclat funeste!... Est-ce que je n'ai pas assez payé ma dette au malheur? Est-ce que je vais souffrir encore?... Oh! non!... non!... Enfants, chers enfants, pour tant d'infortune et de tristesse, soyez heureux!...

Il releva la tête... regarda au loin la vision adorable des deux amoureux qui s'étaient remis en marche, lents, onduleux, enlacés... Dans l'ombre ils semblèrent ne former qu'un seul être... Puis ils disparurent au détour d'un massif de roses.

Alors, un sourire consolateur erra sur les lèvres de François de Montmorency.

Il se leva pour les voir encore, et il murmura le mot qui résume tout le doute et toute l'espérance des hommes:

«Qui sait?... Peut-être!...»




TABLE

I.—Où une minute de joie fait plus que dix-sept années de misère.

II.—Où la promesse de Pardaillan père est tenue par maître Gilles.

III.—L'astrologue.

IV.—Ordre du roi.

V.—L'orage gronde.

VI.—L'orage gronde (suite).

VII.—Premier coup de foudre.

VIII.—Gillot.

IX,—Panigarola.

X.—Où tout le monde se trouve heureux.

XI.—Entrevue de Damville et de Pardaillan.

XII.—Où Maurevert joue un rôle important.

XIII.—Le Temple.

XIV.—La reine Margot.

XV.—L'escadron volant de la reine.

XVI.—L'escadron volant de la reine (suite).

XVII.—Le moine.

XVIII.—Les fiancés.

XIX.—Les ribaudes.

XX.—La dernière farce de l'oncle Gilles.

XXI.—Dieu le veut!

XXII.—Le cimetière des SS Innocents.

XXIII.—Les amours de Pipeau.

XXIV.—L'amiral Coligny.

XXV.—La nuit terrible.

XXVI.—La chambre de torture.

XXVII.—Le messie de la Sainte-Inquisition.

XXVIII.—Étonnement de Montluc; suite des amours de Pipeau et

nouvelle ruine de Catho.

XXIX.—Ce qu'il y avait dans le silence.

XXX.—Les mystères de la réincarnation.

XXXI.—La mécanique.

XXXII.—Des visages penches sur la nuit.

XXXIII.—Le roi qui rit.

XXXIV.—Entrée de Catho dans la gloire.

XXXV.—Lions déchaînés.

XXXVI.—Ici l'on tue.

XXXVII.—La marche au gibet.

XXXVIII.—Parole mémorable de Bême.

XXXIX.—Le dimanche 24 août 1572, fête de la Saint-Barthélémy.

XL.—Profils de gargouilles.

XLI.—Visions tragiques.

XLII.—L'oasis.

XLIII.—«...que des chiens dévorants se disputaient entre eux...»

XLIV.—Entre le ciel et la terre.

XLV.—Comme à Thérouanne.

XLVI.—Les Titans.

XLVII.—La bonne étape.

XLVIII.—Suée sanglante.

XLIX.—Le printemps de Montmorency.







Chargement de la publicité...