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Les voyageurs du XIXe siècle

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CARTE DU VOYAGE DE RENÉ CAILLIÉ

Ba-Simera était âgé de quatre-vingt-dix ans; «il avait la peau bigarrée et très ridée, de sorte qu'elle ressemblait plus à celle d'un alligator qu'à celle d'un homme; des yeux d'un vert sombre et très enfoncés; une barbe blanche et tortillée qui descendait à deux pieds au-dessous de son menton. De même que le roi de la rive opposée, il portait un collier de grains de corail et de dents de léopard; son manteau était brun et aussi sale que sa peau; ses jambes, gonflées comme celles d'un éléphant, n'étaient pas entièrement couvertes par un pantalon de toile de coton qui, dans l'origine, était peut-être blanche; mais, ayant été porté depuis plusieurs années, il avait pris une teinte verdâtre. Pour marque de sa dignité, ce chef tenait à la main un bâton auquel étaient suspendus des grelots de différentes dimensions.»

Laing aperçut la montagne de Loma. (Page 140.)

Comme ses prédécesseurs en Afrique, l'explorateur dut longuement discuter les droits de passage et les gages des porteurs; mais, grâce à sa fermeté, Gordon Laing sut se dérober aux exigences des rois nègres. Toma, où l'on n'avait jamais vu d'homme blanc, Balandeco, Roketchnick, dont le voyageur détermina la position par 12° 11´ de longitude à l'ouest de Greenwich et par 8° 30´ de latitude nord, Maboung, au delà d'une rivière fort large qui coule au nord de la Rockelle, Ma-Yosso, ville principale de la frontière du Timanni, forment les différentes étapes de la route suivie par le major Laing.

Le voyageur avait rencontré dans ce pays une institution singulière, espèce de franc-maçonnerie, portant le nom de «pourrah», dont Caillié avait déjà constaté l'existence sur les bords du Rio-Nunez.

«Son pouvoir, affirme Laing, l'emporte même sur celui des chefs des divers territoires. Tout ce qu'elle fait est enveloppé dans les ténèbres et couvert du mystère le plus profond. Jamais ses actes ne donnent lieu à la moindre enquête de la part de l'autorité, jamais même leur justice n'est mise en question. J'ai essayé inutilement de remonter à l'origine et aux causes de la formation de cette association extraordinaire; j'ai des motifs de supposer qu'aujourd'hui elles sont inconnues de la généralité des Timanniens et que peut-être elles le sont des membres mêmes du pourrah, dans un pays où il n'existe aucun monument traditionnel, soit dans les écrits, soit dans les chants...»

Le Timanni, d'après les renseignements que Laing put se procurer, serait divisé en quatre territoires, dont les chefs s'arrogent le titre de roi.

Le sol est assez fertile et produirait en abondance du riz, des ignames, de la cassave, des arachides et des bananes, n'était le caractère paresseux, indolent, débauché, avaricieux, des habitants, qui s'adonnent avec une émulation regrettable à l'ivrognerie.

«Je crois, dit Laing, qu'une certaine quantité de houes, de fléaux, de râteaux, de pelles et d'autres outils communs serait bien reçue par ce peuple, si l'on avait soin de lui en enseigner l'usage. Ces choses lui conviendraient mieux pour son intérêt et pour le nôtre que les fusils, les chapeaux retapés et les habits de charlatan qu'on a coutume de lui fournir.»

Malgré ce vœu philanthropique du voyageur, les choses n'ont pas changé depuis cette époque. On rencontre toujours chez les nègres la même passion pour les liqueurs fortes, et l'on voit encore leurs roitelets, coiffés d'un chapeau qui imite le soufflet d'un accordéon, revêtir, sans chemise, un habit bleu à boutons de cuivre. Nous devons à la vérité de dire que ce sont là leurs costumes de cérémonie.

Le sentiment maternel ne parut pas au voyageur être très développé chez les Timanniennes, car, deux fois, des femmes lui proposèrent d'acheter leurs enfants et l'accablèrent d'injures parce qu'il ne voulut pas y consentir. Quelques jours plus tard, un grand tumulte s'élevait contre Laing, l'un de ces blancs qui, en arrêtant la traite, avaient porté un coup sensible à la prospérité du pays.

Le première ville qu'on trouve en entrant dans le Kouranko est Ma-Boum. Il est curieux de noter en passant les sentiments que la vue de l'activité des habitants inspira au major Laing.

«J'entrai dans la ville, raconte-t-il, au coucher du soleil, et j'éprouvai d'abord une impression extrêmement favorable pour les habitants. Ils revenaient de leur travail; on reconnaissait que tous avaient été occupés pendant la journée. Les uns avaient préparé les champs pour la récolte, que les pluies très prochaines allaient favoriser; d'autres enfermaient dans des enclos le bétail, dont les flancs lisses et la bonne apparence annonçaient qu'il était nourri dans de gras pâturages. Le dernier coup de marteau du forgeron retentissait aux oreilles; le tisserand mesurait la quantité de toile qu'il avait fabriquée depuis le matin, et le tanneur enfermait dans un sac ses étuis à couteau, ses poches et ses autres objets artistement travaillés et colorés. Le muezzin, perché à l'entrée de la mosquée, répétait d'une voix grave et à intervalles mesurés le cri d'Allah Akhbar, pour appeler les dévots musulmans à la prière du soir.»

Ce tableau, reproduit par un Marilhat ou un Henri Regnault dans un paysage où la lumière éclatante du soleil commence à se fondre en teintes vertes et roses, ne pourrait-il porter ce titre si souvent employé pour peindre semblable épisode dans nos climats brumeux: le Retour des champs?

«Cette scène, continue le voyageur, par la nature et par le sentiment qu'elle inspirait, formait un contraste agréable avec le bruit, la confusion et la dissipation qui règnent à la même heure dans une ville timannienne; mais il ne faut pas se fier aux apparences, et j'ajoute avec beaucoup de regret que la conduite des Kourankoniens ne contribua nullement à justifier la bonne opinion que j'avais d'abord conçue d'eux.»

Le voyageur passa successivement à Koufoula, où il reçut un accueil bienveillant, traversa un pays à l'aspect agréablement varié, dont les montagnes du Kouranko formaient l'arrière-plan, s'arrêta à Simera, où le chef chargea son «guiriot» de chanter la venue de l'étranger; mais les maisons mal construites et couvertes d'un mauvais chaume laissaient filtrer la pluie, si bien qu'après un orage, comme la fumée n'avait pour s'échapper que les interstices du toit, Laing ressemblait plus, suivant ses propres paroles, à un ramoneur à demi décrassé qu'à l'étranger blanc du roi de Simera.

Laing visita ensuite la source du Tongolellé, affluent de la Rockelle, et quitta le Kouranko pour entrer dans le Soulimana.

Le Kouranko, dont le voyageur n'avait visité que la lisière, est d'une étendue considérable, et se divise en un grand nombre de petits États.

Les habitants ressemblent aux Mandingues par la langue et le costume, mais ils ne sont ni aussi bien faits ni aussi intelligents. Ils ne professent pas l'islamisme et ont une confiance illimitée dans leurs grigris.

Assez industrieux, ils savent coudre et tisser. Le principal objet de leur commerce est le bois de rose ou «cam», qu'ils exportent vers la côte. Les productions du pays sont à peu près les mêmes que celles du Timanni.

Komia, par 9° 22´ de latitude nord, est la première ville du Soulimana. Laing vit ensuite Semba, cité riche et populeuse, où il fut reçu par une bande de musiciens, qui l'accueillirent par leurs fanfares les plus assourdissantes, sinon les plus harmonieuses, et il parvint enfin à Falaba, capitale du pays.

Des témoignages d'estime tout particuliers lui furent donnés par le roi. Celui-ci avait réuni de nombreux corps de troupes dont il passa la revue, auxquels il fit exécuter différentes manœuvres et qui se livrèrent à une longue et curieuse fantasia, tandis que le bruit des tambours, les sons du violon et des autres instruments particuliers au pays écorchaient les oreilles du voyageur. Puis de nombreux «guiriots» se succédèrent pour chanter les louanges du roi, l'arrivée du major, les conséquences heureuses qu'aurait sa venue pour la prospérité du pays et le développement du commerce.

Laing profita de si heureuses dispositions pour demander au roi la permission de visiter les sources du Niger. Celui-ci lui fit à plusieurs reprises de fortes objections sur le danger de cette expédition; mais, sur les instances du voyageur et considérant que «son cœur soupirait après l'eau», il lui accorda enfin la permission qu'il sollicitait avec tant d'insistance.

Laing n'était pas à deux heures de Falaba que l'autorisation était révoquée et qu'il devait renoncer à une course qu'il considérait à bon droit comme très importante.

Il obtint, quelques jours plus tard, la permission de visiter la source de la Rockelle, ou Salé-Kongo, rivière dont, avant lui, on ne connaissait guère le cours au delà de Rokon.

Du haut d'un rocher élevé, Laing aperçut la montagne de Loma, la plus haute de toute la chaîne dont elle fait partie.

«On me montra, dit-il, le point d'où sortait le Niger; il me parut de niveau avec l'endroit où je me trouvais, c'est-à-dire à près de seize cents pieds au-dessus du niveau de la mer, car la source de la Rockelle, que je venais de mesurer, est à 1,400 pieds. Ayant exactement déterminé la position de Konkodongoré et de la hauteur sur laquelle je me trouvais, la première par observation et la seconde par estime, il me fut facile de fixer le gisement du Loma. Je ne puis me tromper beaucoup en donnant aux sources du Niger 9° 25´ de latitude nord et 9° 45´ de longitude occidentale.»

Le major Laing avait passé trois mois dans le Soulimana et y avait fait de nombreuses excursions. C'est une contrée extrêmement pittoresque, entrecoupée de collines, de grandes vallées et de prairies fertiles, bordées de bois et ornées de massifs d'arbres touffus.

Le terrain est fertile et exige peu de travail préparatoire; les récoltes sont abondantes, et le riz y vient très bien. Les bœufs, les moutons, les chèvres, une volaille d'une petite espèce, quelques chevaux, sont les animaux domestiques des Solimas. Les bêtes sauvages, assez nombreuses, sont l'éléphant, le buffle, une espèce d'antilope, des singes et des léopards.

Falaba, dont le nom vient du Fala-Ba, rivière sur laquelle elle est située, peut avoir un mille et demi de long sur un mille de large. Les maisons y sont très rapprochées comparativement aux autres villes de l'Afrique, et elle possède une population de six mille habitants.

Sa position comme place forte est bien choisie. Élevée sur une éminence au milieu d'une plaine inondée pendant la saison des pluies, elle est entourée d'une palissade en bois très dur, capable de résister à toutes les machines de guerre moins puissantes que l'artillerie.

Singulière observation: dans ce pays, les hommes et les femmes semblent avoir fait échange d'occupations. Ces dernières ont en partage tous les travaux de la culture, à l'exception des semailles et de la moisson; elles bâtissent les maisons et font l'office de maçon, de barbier et de chirurgien; les hommes s'occupent de la laiterie, vont traire les vaches, cousent et lavent le linge.

Le 17 septembre, Laing reprenait le chemin de Sierra-Leone, chargé des présents du roi, et, après avoir été accompagné jusqu'à plusieurs milles de distance par une foule considérable, il regagnait la colonie anglaise sans accident.

En résumé, cette course de Laing à travers le Timanni, le Kouranko et le Soulimana, n'était pas sans importance. Elle nous révélait des pays dans lesquels aucun Européen n'avait encore pénétré. Elle nous initiait aux mœurs, à l'industrie, au commerce des habitants comme aux productions de la contrée. En même temps, le cours et la source de la Rockelle étaient connus, et on avait pour la première fois des données certaines sur la source du Djoliba. Si le voyageur n'avait pu la voir par lui-même, il s'en était cependant assez approché pour en fixer la position d'une manière approximative.

Les résultats que Laing avait obtenus dans ce voyage ne firent qu'exalter sa passion des découvertes. Aussi résolut-il de tout tenter pour pénétrer jusqu'à Tembouctou.

Le 17 juin 1825, le voyageur s'embarquait à Malte pour Tripoli et quittait cette ville avec une caravane de laquelle faisait partie Hatita, prince Targhi ou Touareg, ami du capitaine Lyon, qui allait l'accompagner jusqu'à Touat. Après être resté deux mois entiers à Ghadamès, Laing abandonnait cette oasis au mois d'octobre et gagnait Inçalah, dont il assignait la position bien plus à l'occident qu'on ne le supposait. Après un séjour dans cette oasis qui dura depuis le mois de novembre 1825 jusqu'en janvier 1826, le major atteignit l'Ouadi Touat, se proposant d'aller ensuite à Tembouctou, de faire le tour du lac Djenné ou Dibbie, de visiter le pays de Melli et de suivre le cours du Djoliba jusqu'à son embouchure. Il serait ensuite revenu sur ses pas jusqu'à Sockatou, aurait visité le lac Tchad et aurait essayé de gagner le Nil. C'était là, on le voit, un projet grandiose, mais terriblement chanceux.

Au sortir de Touat, la caravane dont Laing faisait partie fut assaillie par des Touaregs, disent les uns, par des Berbiches, tribu voisine du Djoliba, au dire des autres.

«Laing, reconnu pour chrétien, raconte Caillié, qui recueillit ces renseignements à Tembouctou, fut horriblement maltraité; on ne cessa de le frapper avec un bâton que lorsqu'on le crut mort. Je suppose qu'un autre chrétien, qu'on me dit avoir péri sous les coups, était quelque domestique du major. Les Maures de la caravane de Laing le relevèrent et parvinrent, à force de soins, à le rappeler à la vie. Dès qu'il eut repris connaissance, on le plaça sur son chameau, où il fallut l'attacher tant il était faible et incapable de se soutenir. Les brigands ne lui avaient rien laissé; la plus grande partie de ses marchandises avait été pillée.»

Arrivé à Tembouctou le 18 août 1826, Laing guérit de ses blessures. Sa convalescence fut lente, mais du moins ne fut pas troublée par les vexations des habitants, grâce aux lettres de recommandation qu'il avait apportées de Tripoli, grâce aux soins dévoués de son hôte, qui était tripolitain.

Laing, d'après ce qu'un vieillard rapporta à Caillié,—ce qui semble bien extraordinaire,—n'avait pas quitté son costume européen et se proclamait envoyé par le roi d'Angleterre, son maître, pour visiter Tembouctou et décrire les merveilles que cette ville renferme.

«Il paraît, ajoute le voyageur français, que Laing en avait tiré le plan devant tout le monde, car ce même Maure me raconta, dans son langage naïf et expressif, qu'il avait «écrit» la ville et tout ce qu'elle contenait.»

Dès qu'il eut visité Tembouctou en détail, Laing, qui avait des raisons particulières pour se défier des Touaregs, alla, de nuit, visiter Cabra et contempler le Djoliba. Le major, au lieu de revenir en Europe par le Grand Désert, désirait vivement passer par Djenné et Sego afin de gagner les établissements français du Sénégal; mais à peine eut-il touché quelques mots de ce projet aux Foulahs accourus pour le voir, qu'ils déclarèrent ne pouvoir souffrir qu'un «nazareh» mît le pied sur leur territoire, et d'ailleurs, s'il l'osait, ils sauraient l'en faire repentir.

Laing dut donc choisir la route d'El-Arouan, où il espérait rallier une caravane de marchands maures qui portaient du sel à Sansanding. Mais il n'avait pas quitté Tembouctou depuis cinq jours, que la caravane dont il faisait partie fut rejointe par un fanatique, le cheik Hamed-ould-Habib, chef de la tribu de Zaouat. Laing fut aussitôt arrêté sous prétexte qu'il était entré sans permission sur le territoire de la tribu. Sollicité d'embrasser l'islamisme, le major résista et déclara préférer la mort à l'apostasie. Sur l'heure, le cheik et ses sicaires discutèrent le genre de supplice de leur victime, qui fut aussitôt étranglée par deux esclaves, et dont le corps fut abandonné dans le désert.

Tels sont les renseignements que Caillié put recueillir sur les lieux qu'il visitait, un an seulement après la mort du major Laing. Nous les avons complétés par quelques détails empruntés au Bulletin de la Société de Géographie, car, avec le voyageur, ont à jamais disparu et son journal de voyage et les observations qu'il avait pu recueillir.

Il a été raconté précédemment comment le major Laing avait pu déterminer approximativement la source du Djoliba. Nous avons décrit en outre les tentatives faites par Mungo-Park et Clapperton pour l'exploration du cours moyen de ce fleuve. Il nous reste à narrer les voyages qui eurent pour but la reconnaissance de son embouchure et de son cours inférieur. Le premier en date et le plus concluant est celui de Richard Lander, l'ancien domestique de Clapperton.

Richard Lander et son frère John avaient proposé au gouvernement anglais de se rendre en Afrique, pour explorer le cours du Niger jusqu'à son embouchure. Leur offre fut aussitôt acceptée, et ils s'embarquèrent sur un bâtiment de l'État pour Badagry, où ils arrivèrent le 19 mars 1830.

Le souverain du pays, Adouly, dont Richard Lander avait conservé le meilleur souvenir, était triste. Sa ville venait d'être brûlée; ses généraux et ses meilleurs soldats avaient péri dans un combat contre les Lagos; lui-même n'avait échappé qu'avec peine à l'incendie qui avait dévoré sa maison et ses richesses.

Il lui fallait reconstituer son trésor: il résolut de le faire aux dépens des voyageurs. Ceux-ci n'obtinrent la permission de pénétrer dans l'intérieur du pays qu'après s'être vu dépouiller de leurs marchandises les plus précieuses. Ils durent encore signer des traites pour l'acquisition d'un bateau à canons avec cent hommes, pour deux poinçons de rhum, pour vingt barils de poudre, enfin pour une quantité de marchandises qu'ils savaient bien ne devoir jamais être livrées par ce souverain aussi insatiable qu'ivrogne.

Carte du voyage de Laing.

Au reste, si le chef fit preuve d'égoïsme et d'avidité, s'il ne montra aucun sentiment généreux, ses sujets n'hésitèrent pas à se mettre à l'unisson, et, considérant les Anglais comme une proie, ils saisirent toutes les occasions de les dépouiller.

Enfin, le 31 mars, Richard et John Lander purent quitter Badagry. Ils passèrent par Wow, cité considérable, Bidjie, où Pearce et Morrison étaient tombés malades dans la précédente expédition, Jenna, Chow, Egga, toutes villes qu'avait visitées Clapperton, Engua, où mourut Pearce, Asinara, la première cité ceinte de murailles qu'ils aient rencontrée, Bohou, l'ancienne capitale du Yarriba, Jaguta, Léoguadda, Itcho, dont le marché est renommé, et ils arrivèrent, le 13 mai, à Katunga, précédés d'une escorte que le roi avait envoyée au-devant d'eux.

Le mont Késa.
(Fac-simile. Gravure ancienne.)

Suivant l'usage, les deux voyageurs firent halte au pied d'un arbre, avant d'être reçus par le roi. Mais bientôt, las d'attendre, ils se rendirent à la résidence d'Ebo, chef des eunuques et personnage le plus influent après le souverain. Mansolah, qui les reçut peu après au bruit diabolique des cymbales, des trompes et de la grosse caisse, les accueillit si bien, qu'il ordonna à Ebo de faire décapiter toute personne qui se permettrait d'importuner les voyageurs.

Cependant, craignant que Mansolah ne les retînt jusqu'à la saison des pluies, John et Richard Lander, sur le conseil d'Ebo, ne parlèrent pas au roi de leur désir de gagner le Niger. Ils se contentèrent de dire qu'un de leurs compatriotes étant mort à Boussa, il y avait une vingtaine d'années, le roi d'Angleterre les avait envoyés, vers le sultan de Yaourie, à la recherche de ses papiers.

Bien que Mansolah n'eût pas traité les frères Lander aussi gracieusement qu'il l'avait fait pour Clapperton, il les laissa cependant partir huit jours après leur arrivée.

Des nombreux détails que donne la relation originale sur la ville de Katunga et sur le Yarriba, nous ne retiendrons que la citation suivante:

«Sous le rapport de la richesse, du nombre de la population, Katunga n'a nullement répondu à l'idée que nous nous en étions faite. La vaste plaine au milieu de laquelle cette ville est située, quoique très belle, le cède en vigueur de végétation, en fertilité, en beaux aspects, au délicieux pays de Bohou, qui est bien moins renommé. Le marché est passablement approvisionné, mais tout y est excessivement cher. Les basses classes en sont réduites à se priver presque entièrement de nourriture animale ou à se contenter de la chair dégoûtante d'insectes, de reptiles et de vermine.»

L'incurie de Mansolah, l'imbécile pusillanimité de ses sujets, avaient permis aux Fellans ou Felatahs de s'établir dans le Yarriba, de s'y retrancher dans des villes fortifiées et de faire reconnaître leur indépendance, jusqu'au jour où ils se trouveraient assez forts pour établir une domination absolue sur le pays tout entier.

Les frères Lander passèrent ensuite par Atoupa, Bumbum, lieu très fréquenté des marchands du Haoussa, du Borgou et d'autres pays, qui trafiquent avec Gonja, par Kishi, sur les frontières du Yarriba, et par Moussa, sur la rivière du même nom. Au delà de cette ville, ils furent rejoints par une escorte que le sultan du Borgou envoyait à leur rencontre.

Le sultan Yarro reçut les voyageurs avec des témoignages de satisfaction et de bienveillance, et il parut particulièrement sensible au plaisir de revoir Richard Lander.

Bien que ce souverain fût mahométan, il avait plus de foi dans les pratiques superstitieuses de ses pères que dans sa nouvelle croyance. Des fétiches et des grigris étaient suspendus à sa porte, et, dans une de ses huttes, on voyait un tabouret carré dont les deux principaux côtés étaient soutenus par quatre petites figures d'hommes en bois sculpté.

Quant au peuple du Borgou, sa nature, ses mœurs, ses coutumes diffèrent essentiellement de ceux des Yarribani.

«Ces derniers, dit la relation, sont toujours occupés à trafiquer d'une ville à l'autre; les premiers ne quittent jamais leurs demeures qu'en cas de guerre ou pour quelque expédition de pillage. Les uns, pusillanimes et poltrons, les autres hardis, courageux, entreprenants, pleins d'énergie, ne semblant jamais plus à l'aise qu'au milieu d'exercices guerriers. Les Yarribani, généralement doux, tranquilles, humbles, honnêtes, mais froids et apathiques; les Borgouni, hautains, orgueilleux, trop vains pour être civils, trop rusés pour être probes, cependant comprenant la passion de l'amour, les affections sociales, chauds dans leurs attachements et vifs dans leurs haines.»

Le 17 juin, nos voyageurs aperçurent enfin la cité de Boussa. Leur surprise fut grande de voir que cette ville était située en terre ferme et non sur une île du Niger, comme le dit Clapperton. Entrés dans Boussa par la porte de l'ouest, ils furent presque aussitôt introduits près du roi et de la «midiki», ou reine, qui leur dirent avoir versé, tous deux, le matin même, des larmes abondantes sur le sort de Clapperton.

La première visite des frères Lander fut pour le Niger, ou Quorra, qui coule au pied de la cité.

«L'aspect de ce célèbre fleuve, raconte le voyageur, nous a grandement désappointés. Des roches noires et rugueuses s'élevaient au centre, occasionnant, à la surface, de forts bouillonnements et des courants qui se croisaient. On nous dit qu'au-dessus de Boussa, la rivière était divisée en trois branches par deux petites îles fertiles, et qu'au delà elle coulait unie et sans interruption jusqu'à Funda. Ici le Niger, dans sa partie la plus vaste, n'a guère qu'un jet de pierre de largeur. Le rocher sur lequel nous étions assis domine l'endroit où périrent Park et ses compagnons.»

Ce fut d'abord avec une certaine circonspection que Richard Lander prit des informations sur les livres et les papiers qui pouvaient rester du voyage de Mungo-Park. Cependant, encouragé par la bienveillance du souverain, il se décida à le questionner sur la triste fin de l'explorateur. Mais le sultan était trop jeune à cette époque, pour savoir ce qui s'était passé, cette catastrophe s'étant produite sous l'avant-dernier roi; au surplus, il ferait rechercher tout ce qui pouvait rester des dépouilles de l'illustre voyageur.

«Dans l'après-midi, dit Richard Lander, le roi est venu nous voir, suivi d'un homme portant sous son bras un livre qui avait été trouvé flottant sur le Niger, après le naufrage de notre compatriote. Il était enveloppé d'un morceau d'étoffe de coton, et nos cœurs battaient, pleins d'espérance, tandis que l'homme le développait lentement, car, à son format, nous avions jugé que ce devait être le journal de M. Park. Mais notre désappointement a été grand, lorsqu'en ouvrant le livre nous avons découvert que ce n'était autre chose qu'un vieil ouvrage nautique du dernier siècle.»

Il ne restait plus d'espoir de retrouver le journal du voyageur.

Le 23 juin, les frères Lander quittaient Boussa, remplis de reconnaissance pour le roi, qui leur avait fait des cadeaux importants et les avait engagés à n'accepter de vivres, de peur du poison, que de la part des gouverneurs des villes qu'ils traverseraient. Ils remontèrent le cours du Niger par terre jusqu'à Kagogie, où ils s'embarquèrent sur un des mauvais canots du pays, tandis que leurs chevaux s'en allaient par terre vers Yaourie.

«Nous n'avions guère parcouru que quelques centaines de toises, dit Richard Lander, quand la rivière commença à s'élargir graduellement; et aussi loin que notre vue pouvait atteindre, il y avait plus de deux milles de distance d'un bord à l'autre. C'était tout à fait comme un vaste canal artificiel, les bords à pic encaissant les eaux comme dans de petites murailles, au delà desquelles se montrait la végétation. L'eau, très basse dans quelques endroits, était assez profonde dans d'autres pour porter une frégate. On ne peut rien imaginer de plus pittoresque que les sites que nous avons parcourus pendant les deux premières heures; les deux rives étaient littéralement couvertes de hameaux et de villages. Des arbres immenses pliaient sous le poids de feuillages épais, dont la sombre couleur, reposant les yeux de l'éclat du soleil, contrastait avec la chatoyante verdure des collines et des plaines. Mais, tout à coup, ce fut un changement de scène complet. A cette rive unie de terreau, d'argile et de sable, succédèrent des rochers noirs, rugueux; et ce spacieux miroir qui réfléchissait les cieux, fut divisé en mille petits canaux par de larges bancs de sable.»

Un peu plus loin, le courant était barré par un mur de roches noires, ne laissant qu'une étroite ouverture à travers laquelle les eaux se précipitaient avec fureur. Il y a là un portage au-dessus duquel le Niger reprend son cours, large, tranquille et majestueux.

Au bout de trois jours de navigation, les frères Lander atteignirent un village où hommes et chevaux les attendaient. Ils ne tardèrent pas à gagner, à travers un pays qui s'élevait graduellement, la ville de Yaourie.

Les voyageurs furent reçus, dans une sorte de cour de ferme, proprement tenue, par le sultan, homme replet, sale et dégoûtant, mais qui avait l'air d'un bon vivant.

Très mécontent que Clapperton ne l'eût pas visité et que Richard Lander, dans son voyage de retour, se fût dispensé de lui rendre hommage, ce sultan se montra d'une rapacité révoltante. Il ne voulut pas fournir aux voyageurs les provisions dont ils avaient besoin, et mit en œuvre toutes ses ruses pour les retenir le plus longtemps possible.

Ajoutons que les vivres, à Yaourie, étaient très chers, et que Richard Lander n'avait plus guère comme marchandises que des aiguilles, «garanties superfines pour ne pas couper le fil», sans doute parce qu'elles manquaient du trou nécessaire à les enfiler. Aussi les voyageurs furent-ils obligés de les jeter.

Ils tirèrent cependant parti de plusieurs boîtes d'étain, qui avaient contenu des tablettes de bouillon, dont les étiquettes, bien que noircies et ternies, excitaient l'envie des naturels. L'un de ceux-ci obtint, un jour de marché, un succès des mieux caractérisés, en portant sur sa tête, affiché à quatre endroits différents: «Excellent jus de viande concentré.»

Ne voulant laisser les Anglais pénétrer ni dans le Nyffé, ni dans le Bornou, le sultan de Yaourie leur déclara qu'il ne leur restait qu'à regagner Boussa. Richard Lander demanda aussitôt par lettre au roi de cette dernière ville l'autorisation d'acheter un canot pour atteindre Funda, la route de terre étant infestée de Fellans, qui se livraient au pillage.

Enfin, le 26 juillet, un messager du roi de Boussa venait s'informer de l'inexprimable conduite du sultan de Yaourie et des causes du retard qu'il mettait à renvoyer les Anglais à Boussa. Après un emprisonnement de cinq semaines, les frères Lander purent donc quitter cette ville, alors presque entièrement inondée.

Ils remontèrent le Niger jusqu'au confluent de la rivière Cubbie, puis redescendirent à Boussa, dont le roi, charmé de les revoir, les accueillit avec la plus franche cordialité. Ils furent, toutefois, retenus plus longtemps qu'ils n'auraient voulu, aussi bien par la nécessité de faire une visite au roi de Wowou, que par la difficulté de se procurer une barque. Il y eut en outre le retard des messagers que le roi de Boussa avait envoyés aux différents chefs dont les États bordent le fleuve, et enfin la consultation du «Beken rouah» (l'eau noire), qui promit de conduire sains et saufs les voyageurs jusqu'à la mer.

En quittant le roi, les deux frères ne purent que lui exprimer les sentiments de reconnaissance que leur avaient inspirés sa bienveillance, son hospitalité, ses attentions, son zèle à défendre leurs intérêts, la protection dont il n'avait cessé de leur donner des marques, pendant un séjour de près de deux mois qu'ils avaient fait dans sa capitale. Ce sentiment de regret était également éprouvé par les naturels, qui, à genoux sur le passage des frères Lander, les mains levées au ciel, appelaient sur eux la protection de leurs divinités.

Alors commença la descente du Niger. Tout d'abord, il fallut s'arrêter dans la petite île de Mélalie, dont le chef pria les voyageurs d'accepter un fort beau chevreau, qu'ils étaient certainement trop polis pour refuser. Les deux Lander traversèrent ensuite la grande ville de Congi, la Songa de Clapperton, puis Inguazilligie, passage général des marchands allant et revenant du Nyffé aux pays situés au N.-E. du Borgou, et ils s'arrêtèrent à Patashie, grande île, riche, d'une beauté inexprimable, semée de bosquets de palmiers et de grands et magnifiques arbres.

Comme cet endroit n'était pas éloigné de Wowou, Richard Lander envoya un messager au roi de cette ville, qui se refusait à livrer le canot acheté à son compte. L'envoyé n'ayant pas obtenu gain de cause, les voyageurs furent donc obligés d'aller trouver ce monarque, mais ils n'obtinrent, comme il fallait s'y attendre, que des protestations équivalant à un refus. Dès lors, ils n'eurent d'autre ressource, pour continuer leur voyage, que de voler les canots qu'on leur avait prêtés à Patashie. Le 4 octobre, après de nouveaux retards, ils reprenaient leur course, et, emportés par le courant, ils perdirent bientôt de vue Lever ou Layaba et ses misérables habitants.

Près de cet endroit, les bords du fleuve s'élèvent d'environ quarante pieds au-dessus de l'eau et sont à peu près perpendiculaires. La rivière, libre de tout récif, se dirige droit au sud.

La première ville que rencontrèrent les deux frères est Bajiébo, grande et spacieuse cité, qui, pour la malpropreté, le bruit et le désordre, ne peut être dépassée. Puis ce furent Litchi, habitée par des Nyfféens, et Madjie, près de laquelle le Niger se divise en trois canaux. Au bout de quelques minutes, au moment où ils dépassaient une nouvelle île, les voyageurs se trouvèrent tout à coup en vue d'un rocher de deux cent quatre-vingt-un pieds de haut, appelé Kesa ou Késy, qui s'élève perpendiculairement au milieu du fleuve. Il est grandement vénéré des naturels, persuadés qu'ils sont qu'un génie bienfaisant en a fait sa demeure favorite.

Un peu avant Rabba, à l'île de Bili, les frères Lander reçurent la visite du roi des «Eaux noires», souverain de l'île de Zangoshie, qui montait un canot d'une longueur extraordinaire, d'une propreté inaccoutumée, décoré de drap écarlate et de galons d'or. Le jour même, ils atteignaient la ville de Zangoshie, située en face de Rabba, la seconde cité des Fellans après Sokatou.

Le roi de cette ville, Mallam-Dendo, était un cousin de Bello. Vieillard aveugle, très affaibli, à la santé délabrée; persuadé de n'avoir plus que peu d'années à vivre, il n'avait d'autre préoccupation que d'assurer le trône à son fils.

Bien qu'il eût reçu des présents d'une valeur considérable, Mallam-Dendo se montra très mécontent, déclarant que si les voyageurs ne lui faisaient pas des cadeaux plus utiles et d'un autre prix, il exigerait leurs fusils, leurs pistolets, leur poudre, avant de leur laisser quitter Zangoshie.

Désespéré, Richard Lander ne savait que faire, lorsque le don de la tobé (robe) de Mungo-Park, que lui avait rendue le roi de Boussa, jeta Mallam en de tels transports de joie, qu'il se déclara le protecteur des Européens, promit de tout mettre en œuvre pour les aider à gagner la mer, et leur fit présent de nattes tressées des plus riches couleurs, de deux sacs de riz et d'un régime de bananes. Ces provisions arrivaient à point, car toute la pacotille de drap, de miroirs, de rasoirs, de pipes était épuisée, et il ne restait plus aux Anglais que des aiguilles et quelques bracelets d'argent à distribuer aux chefs qu'ils rencontreraient sur le Niger.

«Vue de Zangoshie, dit Lander, Rabba donne l'idée d'une ville très grande, nette, propre, bien bâtie. Sans défense, sans fortifications, elle n'a pas d'enceinte de murailles. Elle est construite irrégulièrement sur le penchant d'une colline, au pied de laquelle coule le Niger. En grandeur, en population et en richesses, c'est la seconde ville des Fellans. La population est un mélange de Fellans, de Nyfféens, d'émigrés et d'esclaves de divers pays. Elle reconnaît l'autorité d'un gouverneur auquel on donne le titre de sultan ou roi. Rabba est célèbre pour le blé, l'huile et le miel. Le marché, quand nos hommes y allèrent, semblait bien approvisionné de bœufs, de chevaux, de mules, d'ânes, de moutons, de chèvres et de volailles. On offrait de tous côtés du riz, du blé, du coton, du drap, de l'indigo, des selles et des brides en cuir jaune et rouge, des souliers, des bottes, des sandales. Les deux cents esclaves que l'on avait remarqués le matin étaient encore exposés en vente le soir. Rabba n'a aucune renommée en industrie; cependant, sa fabrication en nattes et sandales est sans rivale, tandis que, dans tous les autres métiers, cette ville cède le pas à Zangoshie.»

L'activité, l'amour du travail des habitants de cette dernière ville cause une agréable surprise dans ce pays de paresseux. Hospitaliers, obligeants, ils sont protégés par la situation de leur île contre les Fellans; indépendants, ils ne reconnaissent d'autorité que celle du roi des «Eaux noires», encore parce qu'il est de leur intérêt de lui obéir.

Le 16 octobre, Richard Lander et son frère partirent enfin sur une mauvaise pirogue que le roi leur avait vendue fort cher, et après avoir volé des pagaies que personne ne voulait leur vendre. C'était la première fois qu'ils étaient en état de naviguer sur le Niger sans l'assistance d'étrangers.

Ils faillirent être submergés. (Page 152.)

Ils descendirent la rivière, dont la largeur variait beaucoup, en évitant autant que possible les grandes villes, car ils auraient été dans l'impossibilité de satisfaire aux exigences des gouverneurs.

Jusqu'à Egga, aucun incident ne vint marquer cette navigation paisible. Une nuit seulement, dans l'impossibilité de débarquer au milieu des marais qui bordaient le fleuve, les voyageurs avaient été forcés de se laisser emporter par le courant, lorsque éclata un orage épouvantable, pendant lequel ils faillirent être submergés par des troupeaux d'hippopotames, qui se jouaient à la surface des eaux.

Tabouret carré du sultan de Bornou.
(Fac-simile. Gravure ancienne.)

Le Niger coulait, pendant ce temps, presque toujours à l'est et au sud-est, large tantôt de huit milles, tantôt de deux seulement. Son courant était si rapide, que l'embarcation filait avec une vitesse de quatre ou cinq milles à l'heure.

Le 19 octobre, Richard Lander passa devant l'embouchure de la Coudounia, rivière qu'il avait traversée près de Cuttup, lors de sa première mission, et, quelque temps après, il aperçut Egga. Il gagna aussitôt le lieu de débarquement, en remontant une baie encombrée d'un nombre infini de grands et massifs canots chargés de marchandises, aux proues barbouillées de sang et couvertes de plumes,—charmes et préservatifs contre les voleurs.

Le chef, en présence duquel les voyageurs furent aussitôt conduits, était orné d'une longue barbe blanche, et il aurait eu l'aspect le plus vénérable et l'air d'un patriarche, s'il n'avait ri et joué comme un véritable enfant. Les naturels accoururent bientôt, par centaines, pour voir ces étrangers à la mine si singulière, et ceux-ci durent placer trois hommes en sentinelle à leur porte pour tenir les curieux à distance.

«Plusieurs des habitants d'Egga, dit Richard Lander, vendent des toiles et des draps de Benin et de Portugal, ce qui rend probable qu'il y a une communication de ce lieu à la côte. Les naturels sont spéculateurs, entreprenants, et beaucoup emploient tout leur temps à trafiquer, en descendant et en remontant le Niger. Ils vivent entièrement dans leurs canots, et le petit toit ou hangar qu'ils ont à bord leur sert de demeure; ils y habitent comme dans des huttes... La persuasion où sont les naturels que nous n'avons qu'à vouloir pour accomplir les choses les plus difficiles, nous a d'abord amusés; mais leur importunité est devenue des plus fatigantes. Ils nous demandent des charmes pour détourner les guerres et autres calamités nationales, des talismans pour s'enrichir, pour empêcher les crocodiles d'emporter les gens, pour pêcher tous les jours un plein canot de poissons. Cette dernière requête nous a été adressée par le chef des pêcheurs, avec un présent convenable, toujours offert à l'appui de la prière et d'une valeur proportionnelle à son importance.... La curiosité du peuple pour nous voir est si intense, que nous n'osons faire un pas dehors; et, pour avoir de l'air, nous sommes forcés, tout le jour, de tenir la porte ouverte, marchant et tournant autour de notre hutte, seul exercice qu'il nous soit permis de prendre, comme des bêtes féroces en cage. Les gens nous regardent fixement, avec des émotions de terreur et de surprise, à peu près comme on regarde en Europe les tigres d'une ménagerie. Si nous avançons du côté de la porte, ils reculent avec le plus grand effroi et tout frémissants; mais, dès qu'ils nous voient à l'autre bout de la hutte, ils se rapprochent autant que leur crainte le leur permet, en silence et avec les plus grandes précautions.»

Egga est une cité d'une étendue prodigieuse, et sa population doit être immense. Comme presque toutes les villes bâties au bord du Niger, elle est inondée tous les ans. Il faut croire que les naturels ont leurs raisons pour se construire des demeures dans des lieux qui nous paraîtraient si incommodes et si malsains.

Ne serait-ce pas parce que le sol des environs n'est qu'un terreau gras et noir, extraordinairement fertile, qui leur fournit sans grand travail toutes les productions nécessaires à l'existence?

Bien qu'il parût avoir plus de cent ans, le chef d'Egga était tout joie et tout gaieté. Les personnages les plus importants de la ville se réunissaient dans sa case et passaient des journées entières à causer.

«Cette société de barbes grises, raconte le voyageur, rit de si bon cœur et jouit de ses saillies avec tant d'expansion, qu'on voit invariablement les passants s'arrêter à l'extérieur de la hutte, écouter et se joindre aux bruyants éclats de joie qui retentissent au dedans; si bien que du matin au soir nous n'entendons de ce côté-là que des tonnerres d'applaudissements.»

Un jour, le vieux chef voulut faire montre devant les étrangers de ses talents de chanteur et de danseur, afin de les frapper de surprise et d'admiration.

«Gambadant sous le faix des années et secouant ses mèches de cheveux blancs, dit la relation, il fit nombre de sauts et de cabrioles, au grand délice des spectateurs, dont les rires, seuls applaudissements des Africains, chatouillèrent si fort la vanité et l'imagination du vieillard, qu'il fut obligé de s'aider d'une béquille pour continuer. Il alla encore un peu, clopin-clopant; mais, ses forces étant épuisées, il fut obligé de s'arrêter et de s'asseoir près de nous sur le seuil de la hutte. Pour le monde entier, il n'eût voulu nous laisser voir sa faiblesse. Tout haletant qu'il était, il tâchait de respirer bas et de retenir son souffle bruyant et pressé. Il fit une seconde tentative de danse et de chant; mais la nature ne seconda pas ses efforts, et sa voix faible et chevrotante s'entendait à peine. Cependant, les chanteurs et chanteuses, danseurs et musiciens continuèrent leur bruyant concert, jusqu'à ce que, las de les regarder et de les écouter, et la nuit arrivant, nous les priâmes de se retirer, au grand regret du gai et frivole vieillard.»

Cependant, Mallam-Dendo détourna les Anglais de continuer à descendre le cours de la rivière. Egga était, disait-il, la dernière ville du Nyffé; le pouvoir des Fellans ne s'étendait pas au delà, et l'on ne rencontrait plus, jusqu'à la mer, que des peuplades sauvages et barbares, toujours en guerre les unes contre les autres.

Ces récits et les contes que les habitants avaient faits aux compagnons des deux Lander sur le danger qu'ils allaient courir d'être égorgés ou pris et vendus comme esclaves, les avaient tellement terrifiés, qu'ils refusèrent de s'embarquer, voulant retourner à Cape-Coast-Castle par le chemin qu'ils avaient déjà parcouru.

Grâce à la fermeté des deux frères, cette sorte de révolte n'eut pas de suite, et, le 22 octobre, les explorateurs quittèrent Egga en la saluant de trois coups de mousquet.

Quelques milles plus loin, une mouette passait au-dessus de leurs têtes, indice de la proximité de la mer, certitude presque absolue qu'ils touchaient au terme de leur fatigant voyage.

Plusieurs villages, petits et pauvres, à demi ensevelis sous l'eau, une ville considérable, au pied d'une haute montagne qui semble l'écraser et dont les voyageurs ne purent savoir le nom, sont tour à tour dépassés. On croise un nombre immense de canots, construits comme ceux des rivières Bonny et Calabar. Leurs équipages regardent, non sans étonnement, ces hommes blancs avec lesquels ils n'osent converser.

Basses et au loin marécageuses, les rives du Niger deviennent bientôt plus élevées, plus riches, plus fertiles.

Kacunda, où les habitants d'Egga avaient recommandé à Richard Lander de s'arrêter, est située sur la rive occidentale du fleuve. Vue d'un peu loin, elle présente un aspect singulièrement pittoresque.

Les naturels furent d'abord alarmés de l'apparition des voyageurs. Un vieux Mallam, prêtre et instituteur musulman, les prit sous sa protection. Grâce à lui, les deux frères reçurent un accueil bienveillant dans cette capitale d'un royaume indépendant du Nyffé.

Les renseignements que les voyageurs réunirent dans cette ville, ou plutôt dans cette réunion de quatre villages, concordaient avec ceux recueillis à Egga. Aussi Richard Lander se détermina-t-il à ne plus voyager que la nuit et à charger de balles et de chevrotines les quatre fusils et les deux pistolets qui lui restaient.

Quoi qu'il en fût, nos explorateurs, au grand étonnement des naturels, qui ne pouvaient croire à un tel mépris de danger, quittèrent Kacunda en poussant trois acclamations bruyantes et «en remettant leur sort entre les mains de Dieu.»

Ils passèrent ainsi devant plusieurs villes importantes, qu'ils évitèrent avec soin. Le cours de la rivière, pendant ce temps, changea plusieurs fois, tournant du sud au sud-est, puis au sud-ouest, entre de hautes collines.

Le 25 octobre, les Anglais se trouvèrent devant l'embouchure d'une forte rivière. C'était la Tchadda ou Bénoué. A son confluent s'étalait une ville importante faisant face au Niger et à la Bénoué. C'était Cutumcuraffi.

Enfin, après avoir failli se perdre dans un gouffre et se briser contre des rochers, Richard Lander, découvrant un lieu commode et inhabité, sur la rive droite, se détermina à débarquer.

Cet endroit avait été visité peu de temps auparavant, comme en témoignaient des feux éteints, des calebasses brisées, des tessons de vases de terre épars sur le sol, des coquilles de noix de coco et des douves de baril de poudre, qu'on ne ramassa pas sans émotion, car c'était la preuve que les naturels entretenaient des relations avec des Européens.

Cependant, des femmes s'étaient enfuies, effrayées par trois hommes de la suite de Lander, qui s'étaient introduits dans un village pour y chercher du feu. Les voyageurs harassés se reposaient sur les nattes, lorsqu'ils se virent tout à coup entourés d'une troupe d'hommes presque nus, armés de fusils, d'arcs, de flèches, de coutelas, de crochets de fer et de fers de lance.

Le sang-froid et la présence d'esprit des deux frères prévinrent seuls une lutte qui paraissait inévitable et dont l'issue n'était pas douteuse. Jetant leurs armes à terre, ils s'avancèrent vers le chef de ces forcenés.

«Comme nous approchions, raconte Lander, nous fîmes bon nombre de signes avec nos bras, pour l'engager, ainsi que son peuple, à ne point tirer sur nous. Son carquois se balançait à son côté, son arc était bandé, et une flèche, visée à notre poitrine, tremblait, prête à partir, que nous n'étions qu'à quelques pas de lui. La Providence détourna le coup, car le chef s'apprêtait à lâcher la corde fatale, lorsque l'homme qui était le plus près de lui s'élança en avant et lui retint le bras. Nous étions alors face à face, et de suite nous lui tendîmes la main. Tous tremblaient comme la feuille. Le chef nous regarda fixement, se jeta à genoux. Sa physionomie prit une expression indéfinissable, mêlée de timidité et d'effroi, et où toutes les passions, bonnes et mauvaises, semblaient lutter; enfin il laissa tomber sa tête sur sa poitrine, saisit les mains que nous lui tendions et fondit en larmes. De ce moment, l'harmonie fut rétablie, les pensées de guerre et de sang firent place à la meilleure intelligence.

«J'ai cru que vous étiez les enfants du ciel tombés des nuages,» dit le chef pour expliquer son changement subit.

«Il est heureux pour nous, ajoute Lander, que nos figures blanches et notre conduite calme aient si fort imposé à ce peuple. Une minute plus tard, nos corps eussent été hérissés d'autant de flèches qu'un porc-épic a de dards.»

Ce lieu était le fameux marché de Bocqua, dont les voyageurs avaient si souvent entendu parler, où l'on vient en foule de la côte pour échanger les marchandises des blancs contre des esclaves amenés en grand nombre du Funda, qui se trouve sur la rive opposée.

Les renseignements recueillis en cet endroit étaient des plus favorables. La mer n'était plus qu'à dix journées de chemin. La navigation, ajoutait le chef de Bocqua, n'offrait aucun danger; seulement, les habitants des rives étaient «de très méchantes gens.»

Suivant les conseils de ce chef, les deux frères passèrent devant la belle et très grande ville d'Atta sans y atterrir, et se reposèrent à Abbazaca, où le Niger se sépare en plusieurs branches, et dont le chef fit preuve d'une avidité insatiable. Puis, ils refusèrent de descendre à deux ou trois villages où on les pressait de s'arrêter pour satisfaire la curiosité des naturels, et furent forcés de prendre terre au village de Damuggo, où un petit homme portant une veste d'uniforme les avait hélés en anglais au cri de: «Holà! Ho! Anglais, venez par ici.» C'était un messager du roi de Bonny, venu pour acheter des esclaves au compte de son maître.

Le chef de cette ville, qui n'avait jamais vu d'hommes blancs, reçut très bien les explorateurs, fit procéder à des réjouissances publiques en leur honneur et les retint, au milieu des fêtes, jusqu'au 4 novembre. Bien que le fétiche qu'il avait consulté présageât qu'ils seraient assaillis par mille dangers avant d'atteindre la mer, ce souverain leur fournit un autre canot, des rameurs et un guide.

Les sinistres prédictions des fétiches n'allaient pas tarder à se réaliser. John et Richard Lander s'étaient embarqués sur deux embarcations différentes. En passant devant une grande ville qu'ils apprirent être Kirri, ils furent arrêtés par de longs canots de guerre, montés chacun par une quarantaine d'hommes, couverts de vêtements européens, sauf les pantalons.

Ces canots portaient, à l'extrémité de longues tiges de bambou, de larges pavillons aux armes de la Grande-Bretagne; ils étaient décorés de chaises, de tables, de flacons ou d'autres emblèmes. Chacun de leurs noirs matelots avait un mousquet, et chaque embarcation montrait, amarrée à la proue, une longue pièce de quatre ou de six.

Les deux frères furent conduits à Kirri. Un palabre s'y tint sur leur sort. Par bonheur, des prêtres mahométans, ou mallams, parlèrent en leur faveur et leur firent restituer une partie des objets qui leur avaient été dérobés; mais la plus grande partie avait coulé à fond avec le canot de John Lander.

«A ma grande satisfaction, dit Richard Lander, je reconnus de suite la caisse qui contenait nos livres et un des journaux de mon frère; la boîte de pharmacie était auprès, mais toutes deux étaient pleines d'eau. Un grand sac de nuit en tapisserie, qui avait contenu nos vêtements, était ouvert et dévalisé; il n'y restait plus qu'une seule chemise, une paire de pantalons et un habit; plusieurs choses de valeur avaient disparu. Mes journaux, à l'exception d'un livre de notes où j'avais inscrit mes remarques depuis Rabba jusqu'ici, étaient perdus. Il manquait quatre fusils, dont un avait appartenu à Mungo-Park, quatre coutelas et deux pistolets. Neuf défenses d'éléphant, les plus belles que j'eusse vues dans le pays, présents des rois de Wowou et de Boussa, quantité de plumes d'autruche, quelques belles peaux de léopards, une grande variété de graines, tous nos boutons, nos cauries, nos aiguilles, si nécessaires comme monnaie pour acheter des provisions, tout cela avait disparu et était, à ce que l'on assurait, au fond de la rivière.»

C'était vraiment échouer au port! Avoir traversé toute l'Afrique depuis Badagry jusqu'à Boussa, avoir échappé aux dangers de la navigation du Niger, s'être heureusement tirés des mains de tant de souverains rapaces, pour faire naufrage à six journées de la mer, pour être réduits en esclavage ou condamnés à mort, au moment de faire connaître à l'Europe émerveillée le précieux résultat de tant de maux soufferts, de tant de dangers évités, de tant d'obstacles heureusement franchis; avoir déterminé le cours du Niger depuis Boussa, être sur le point de fixer définitivement son embouchure, et se voir arrêtés par de misérables pirates, c'en était trop, et bien amères furent les réflexions des deux frères, pendant tout le temps que dura cet interminable palabre.

Si leurs effets volés leur étaient en partie rendus, si le nègre qui avait commencé les hostilités était condamné à avoir la tête tranchée en expiation de sa faute, les deux frères n'en étaient pas moins considérés comme prisonniers; et ils devaient être conduits à Obie, roi du pays d'Éboe, qui statuerait sur leur sort.

Il était évident que ces pillards n'étaient pas originaires du pays et qu'ils n'y étaient venus que dans le but d'exercer leur piraterie. Ils comptaient, sans doute, commercer sur deux ou trois marchés comme Kirri, s'ils ne rencontraient que des flottilles trop fortes pour se laisser piller sans combat. Au reste, toutes les populations de cette partie du Niger montraient une excessive défiance les unes à l'égard des autres, et l'achat des provisions ne se faisait qu'en armes.

Au bout de deux jours de navigation, les canots arrivèrent en vue d'Éboe, à un endroit où le fleuve se partage en trois «rivières» d'une prodigieuse grandeur, aux bords plats, marécageux et couverts de palmiers.

Une heure plus tard, le 8 novembre, un des hommes de l'équipage, natif d'Éboe, s'écriait: «Voilà mon pays!»

Là, de nouvelles complications attendaient les explorateurs. Obie, le roi d'Éboe, était un jeune homme à physionomie éveillée et intelligente, qui reçut les voyageurs avec affabilité. Son costume, qui rappelait celui du roi de Yarriba, était orné d'une telle profusion de coraux, qu'on aurait pu lui donner le nom de «Roi-Corail».

CARTE DU COURS INFÉRIEUR DU DJOLIBA, KOUARA, QUORA OU NIGER d'après Lander.
Gravé par E. Morieu

Le canot mesurait plus de 50 pieds de long. (Page 163.)

Assurément, Obie parut touché du récit de l'attaque dans laquelle les Anglais avaient perdu toutes leurs marchandises; mais les secours qu'il leur distribua ne furent pas à la hauteur de ses sentiments, et il les laissa à peu près mourir de faim.

«Les habitants d'Éboe, comme la plupart des Africains, sont extrêmement indolents, dit la relation, et ne cultivent que l'igname, le maïs et le plantanier (bananier). Ils ont beaucoup de chèvres et de volailles, mais peu de moutons et point de bestiaux. La ville, d'une grande étendue, est située dans une plaine découverte et renferme une nombreuse population; comme capitale du royaume, elle ne porte d'autre nom que le «pays d'Éboe». Son huile de palmier est renommée. C'est, depuis une longue suite d'années, le principal marché d'esclaves où viennent s'approvisionner les indigènes qui font ce commerce sur les côtes, entre la rivière Bonny et celle du vieux Calabar. Des centaines de naturels remontent ces rivières pour venir trafiquer ici, et, dans ce moment même, il y en a un grand nombre qui habitent leurs canots, rangés en face de la ville. Presque toute l'huile achetée par les Anglais, à Bonny et dans les lieux environnants, vient d'ici, de même que tous les esclaves que les vaisseaux négriers français, espagnols et portugais viennent charger à la côte. Plusieurs personnes nous ont dit que le peuple d'Éboe est anthropophage, et cette opinion est plus accréditée parmi les tribus voisines que parmi celles de l'intérieur.»

D'après tout ce que les voyageurs apprenaient, il devenait certain pour eux qu'Obie ne les relâcherait que moyennant une forte rançon. Ce souverain pouvait, sans doute, y être poussé par les instigations de ses favoris; mais ce qui le fortifia dans cette détermination, ce furent, principalement, l'avidité et l'empressement des habitants de Bonny et de Brass, qui se disputaient à qui emmènerait les Anglais dans leur pays.

Un fils du dernier chef de Bonny, le roi Peper (Poivre), un nommé Gun (Fusil), frère du roi Boy (Garçon), et leur père, le roi Forday, qui, avec le roi Jacket (Jaquette), gouverne tout le pays de Brass, étaient les plus acharnés. Ils produisirent, en témoignage de leur honorabilité, les certificats que leur avaient donnés les capitaines européens avec lesquels ils avaient été en relation d'affaires.

Une de ces pièces, signée James Dow, capitaine du brick la Susanne, de Liverpool, et datée de la première rivière de Brass, septembre 1830, était ainsi conçue:

«Le Capitaine Dow déclare n'avoir jamais rencontré une troupe de plus grands misérables que les naturels en général et les pilotes en particulier.»

Puis, continuant sur le même ton, il les chargeait d'anathèmes, les traitant de damnés drôles, qui avaient essayé de faire échouer son vaisseau sur les brisants, à l'embouchure du fleuve, afin de s'en partager les dépouilles. Le roi Jacket y était traité de fripon fieffé et voleur enragé. Boy était le seul à peu près honnête et digne de confiance.

A la suite d'un interminable palabre, Obie déclara que, d'après les lois et les coutumes du pays, il avait le droit de regarder les frères Lander et leur suite comme sa propriété; mais que, ne voulant pas abuser de ses avantages, il se contenterait de les échanger contre la valeur de vingt esclaves en marchandises anglaises.

Cette décision, sur laquelle Richard Lander essaya vainement de faire revenir Obie, plongea les deux frères dans un violent désespoir, qui fut bientôt suivi d'une apathie et d'une indifférence telles, qu'ils auraient été incapables du plus petit effort pour recouvrer leur liberté. Qu'on joigne à ces peines morales l'affaiblissement physique causé par le manque de nourriture, et l'on comprendra l'affaissement dans lequel les deux voyageurs étaient tombés.

Sans ressources d'aucune sorte, dépouillés de leurs aiguilles, de leurs cauries et de leurs objets d'échange, ils furent réduits à la triste nécessité de mendier leur nourriture.

«Autant eût valu, dit Lander, adresser nos prières aux pierres et aux arbres; nous nous fussions, du moins, épargné l'humiliation du refus. Dans la plupart des villes et villages de l'Afrique, nous avions été pris pour des demi-dieux et traités, en conséquence, avec une vénération, un respect universels. Mais, ici, hélas! quel contraste! nous sommes rangés parmi les êtres les plus dégradés et les plus misérables esclaves, dans cette terre d'ignorance, objet des railleries et du mépris d'une horde de barbares.»

Ce fut enfin Boy qui l'emporta, parce qu'il consentit à payer à Obie tout ce qu'il demandait pour la rançon des deux frères et de leur suite. Quant à lui, il se montra très modéré, n'exigeant, pour sa peine et pour les risques qu'il courait en les transportant à Brass, que la valeur de quinze barres ou quinze esclaves et un tonneau de rhum. Bien que cette demande fût exorbitante, Richard Lander n'hésita pas à faire un billet de trente-six barres sur le capitaine anglais Lake, qui commandait un bâtiment à l'ancre dans la rivière de Brass.

Le canot du roi, sur lequel s'embarquèrent les deux frères, le 12 novembre, portait soixante personnes, dont quarante rameurs. Muni d'une pièce de quatre à la proue, d'un arsenal de coutelas et de mitraille, de marchandises de toute sorte, il était creusé dans un seul tronc d'arbre et mesurait plus de cinquante pieds de long.

Les immenses cultures qu'on voyait sur les bords du fleuve indiquaient que la population était bien plus considérable qu'elle ne le paraissait. Le pays était plat, ouvert, varié, et le sol, d'un riche terreau noir, portait des arbres et des arbustes d'une richesse de tons infinie.

Le 14 novembre, à sept heures du soir, le canot quitta le bras principal et s'engagea dans la rivière de Brass. Une heure plus tard, avec une joie inexprimable, Richard Lander sentit l'effet de la marée.

Un peu plus loin, le canot de Boy rejoignit ceux de Gun et de Forday. Ce dernier, vieillard d'aspect vénérable, quoique misérablement habillé, moitié à l'européenne, moitié à la mode du pays, avait une prédilection marquée pour le rhum, dont il but une immense quantité, sans que ses manières ou sa conversation s'en ressentissent.

C'était un étrange cortège que celui qui accompagna les deux Anglais jusqu'à la ville de Brass.

«Les canots, dit Lander, se suivaient à la file, avec assez de régularité, déployant chacun trois pavillons. A la proue du premier, le roi Boy se tenait debout, la tête couronnée de longues plumes, qui se balançaient à chaque mouvement de son corps, couvert des figures les plus fantasques, blanches sur fond noir. Il s'appuyait sur deux énormes lances barbelées, que, de temps à autre, il lançait avec force dans le fond du canot, comme s'il eût tué quelque animal sauvage et redoutable, gisant à ses pieds. A l'avant des autres canots, des prêtres exécutaient des danses et faisaient mille contorsions bizarres. Toutes leurs personnes, ainsi que celles des gens de la suite, étaient barbouillées de la même façon que le roi Boy, et, pour couronner le tout, M. Gun s'affairait, courant de la tête à la queue de la file, quelquefois le premier ou le dernier, ajoutant à l'effet imposant du cortège par les décharges répétées de son unique canon.»

Brass se compose de deux villes, l'une appartenant à Forday, l'autre au roi Jacket. Avant de débarquer, les prêtres procédèrent à des cérémonies mystérieuses, dont les blancs étaient l'objet évident. Le résultat de cette consultation du fétiche de la ville fut-il favorable aux étrangers? C'est ce que la conduite des naturels à leur égard devait révéler.

Avant même d'avoir pris terre, Richard Lander aperçut, avec une vive émotion de joie, un homme blanc sur le rivage. C'était le capitaine d'un schooner espagnol à l'ancre dans la rivière.

«De tous les endroits sales et dégoûtants, dit la relation, il n'en est pas un au monde qui puisse l'emporter sur celui-ci, ni offrir à l'œil d'un étranger plus misérable aspect. Dans cette abominable ville de Brass, tout n'est que fange et saleté. Les chiens, les chèvres et autres animaux encombrent les rues boueuses; ils ont l'air affamé et le disputent de misère avec de malheureuses créatures humaines à traits hâves et décharnés, à physionomie hideuse, dont le corps est couvert de larges pustules et dont les huttes tombent en ruines par suite de négligence et de malpropreté.»

Une autre localité, nommée par les Européens la Ville des Pilotes, à cause du grand nombre de pilotes qui l'habitent, est située à l'embouchure de la rivière Noun ou Nun, à soixante-dix milles de Brass.

Le roi Forday entendait s'opposer à ce que les deux frères Lander quittassent la ville sans lui payer quatre barres. C'était l'usage, disait-il, que tout homme blanc qui venait à Brass, par la rivière, fût soumis à ce tribut. Il n'y avait pas à résister, et Richard Lander tira un nouveau billet sur le capitaine Lake.

A ce prix, Richard Lander eut la permission de gagner, dans le canot royal de Boy, le brick anglais stationné à l'embouchure de la rivière. Son frère et les gens de sa suite ne devaient être relâchés qu'au retour du roi.

Mais, en arrivant sur ce brick, quelle ne fut pas la stupéfaction et la honte de Lander de voir le capitaine Lake lui refuser toute espèce de secours! Il lui fit lire alors les instructions qu'il avait reçues du ministère, afin de lui prouver qu'il n'était pas un imposteur.

«Si vous croyez, répondit le capitaine, avoir affaire à un imbécile ou à un fou, vous vous trompez. Je ne donnerais pas un fétu de votre parole ou de votre billet! Je m'en soucie comme de cela! Le diable m'emporte, si vous tirez de moi un seul liard!»

Puis, jurant, sacrant, Lake laissa échapper les paroles les plus offensantes pour les Anglais.

Accablé de douleur par ce malheur imprévu et cette conduite invraisemblable d'un compatriote, Richard Lander regagna le canot de Boy, ne sachant à quel parti s'arrêter, et demanda à ce dernier de le mener à Bonny, où se trouvaient quantité de navires anglais. Le roi ne voulut pas y consentir. Richard Lander se vit donc forcé d'essayer d'attendrir le capitaine, lui demandant de donner seulement dix fusils, dont le roi se contenterait peut-être.

«Je vous ai déjà dit que je ne vous donnerais même pas une pierre à fusil, répondit Lake. Ainsi, ne m'ennuyez plus!

—Mais j'ai laissé mon frère et huit personnes à Brass, reprit Lander, et si vous ne voulez pas absolument payer le roi, persuadez-lui, du moins, de les conduire à bord; sans quoi, mon frère sera mort de faim ou empoisonné, et tous mes gens seront vendus, avant que je puisse avoir du secours d'un vaisseau de guerre!

—Si vous trouvez moyen de les faire venir à bord, répliqua le capitaine, je les passerai; mais, je vous le répète, vous n'aurez pas de moi la valeur d'une amorce.»

Enfin Richard Lander obtint de Boy qu'il retournât chercher son frère et sa suite. Le roi n'y voulait consentir qu'après avoir reçu un acompte, et ce ne fut pas sans peine qu'il fut amené à se désister de cette prétention.

Quand le capitaine Lake apprit que la suite de Richard Lander se composait de solides gaillards en état de remplacer ses matelots, morts ou épuisés par les fièvres, il s'adoucit un peu. Ce ne fut cependant pas pour longtemps, car il déclara que, si dans trois jours, John et ses gens n'étaient pas rendus à bord, il partirait sans eux.

Encore bien que Richard Lander lui prouvât jusqu'à l'évidence que ces malheureux seraient vendus comme esclaves, le capitaine ne voulut rien entendre.

«Tant pis pour eux, répondit-il, je n'en peux mais, et n'attendrai pas davantage!»

Une telle inhumanité est heureusement fort rare. Aussi faut-il clouer au pilori un pareil misérable, qui ne fait pas plus de cas, non pas de ses semblables, mais d'hommes qui lui sont infiniment supérieurs.

Enfin, le 24 novembre, après qu'une forte brise, soufflant de la mer et refoulant les eaux sur la barre, en eut rendu le passage presque impossible, John Lander arrivait à bord.

Il avait dû subir les reproches et les invectives de Boy. Avoir, de ses propres deniers, racheté de l'esclavage les deux frères et leur suite, les avoir ramenés dans son canot et nourris,—fort mal il est vrai,—s'être vu promettre autant de bœuf et de rhum qu'il en pourrait boire et manger, pour être mal accueilli ensuite, se voir refuser la restitution de ses avances et être traité comme un voleur, avouez qu'il y avait de quoi être mécontent et que tout autre aurait fait payer cher aux prisonniers qui lui restaient tant d'espérances déçues, tant d'argent dépensé en pure perte!

Malgré cela, Boy s'était décidé à ramener John Lander à bord du brick. Le capitaine Lake reçut le voyageur avec assez de cordialité, mais il exprima aussitôt sa détermination bien arrêtée de congédier le roi sans lui donner une obole.

Celui-ci était plein de sombres pressentiments; ses manières hautaines avaient fait place à un air humble et rampant. On lui servit un repas abondant, auquel il toucha à peine.

Richard Lander, désolé de la ladrerie et de la mauvaise foi de Lake, étant dans l'impossibilité de tenir ses promesses, retourna toutes ses affaires, trouva cinq bracelets d'argent et un sabre de fabrique indigène qu'il avait apporté du Yarriba, et il les offrit à Boy, qui les accepta.

Enfin, le roi se décida à exposer sa réclamation au capitaine. Celui-ci, avec une voix de tonnerre, qu'on n'aurait jamais supposé sortir d'un corps aussi débile, lui répondit nettement:

«Je ne veux pas!»

Et il assaisonna ce refus d'un déluge de jurons et de menaces tel, que le pauvre Boy battit en retraite, et, voyant le navire prêt à mettre à la voile, regagna précipitamment son canot.

Ainsi se terminèrent les péripéties du voyage des deux frères Lander. Ils coururent bien encore risque de périr en franchissant la barre, mais c'était là leur dernière épreuve. Ils gagnèrent Fernando-Po, puis la rivière Calabar; là, ils s'embarquèrent sur le Carnarvon pour Rio-Janeiro, où l'amiral Baker, commandant de la station, leur procura passage sur un transport.

Le 9 juin, ils débarquaient à Portsmouth. Leur premier soin, après avoir remis la relation de leur voyage à lord Goderich, secrétaire d'État au département des colonies, fut de l'informer de la conduite du capitaine Lake,—conduite de nature à compromettre et à faire révoquer en doute la bonne foi du gouvernement anglais. Des ordres furent aussitôt donnés par ce ministre pour solder les sommes convenues, dont la demande était juste et motivée.

«Ainsi donc, et nous ne pouvons mieux faire que de reproduire l'appréciation de cet excellent juge, Desborough Cooley, ainsi donc le problème géographique qui, pendant tant de siècles, avait si vivement préoccupé l'attention du monde savant et donné lieu à tant de conjectures différentes, se trouvait définitivement et complètement résolu. Le Niger, ou, comme l'appellent les naturels, le Djoliba ou le Korra, ne se réunit pas au Nil, ne se perd ni dans les sables du désert ni dans les eaux du lac Tchad; il se jette dans l'Océan par une grande quantité de bras, sur la côte du golfe de Guinée, à l'endroit même de cette côte connu sous le nom de cap Formose. La gloire de cette découverte, prévue, il est vrai, par la science, appartient tout entière aux frères Lander. La vaste étendue de pays qu'ils avaient traversée depuis Yaourie jusqu'à la mer, était complètement inconnue avant leur voyage.»

Dès que la découverte de Lander fut connue dans tous ses détails en Angleterre, plusieurs négociants s'associèrent pour tirer parti des richesses naturelles du pays. Ils équipèrent, en juillet 1832, deux bâtiments à vapeur, le Korra et l'Alburka, qui, sous la conduite de MM. Laird, Oldfield et Richard Lander, remontèrent le Niger jusqu'à Bocqua. Les résultats de cette expédition commerciale furent déplorables. Non seulement le trafic avec les naturels fut absolument nul, mais encore les équipages se virent décimés par la fièvre. Enfin, Richard Lander, qui plusieurs fois avait monté ou descendu le fleuve, fut blessé mortellement, par des naturels, le 27 janvier 1834, et il mourut, le 5 février suivant, à Fernando-Po.

Il nous reste à parler, pour terminer ce qui est relatif à l'Afrique, des nombreuses reconnaissances accomplies dans la vallée du Nil, et dont les plus importantes sont celles de Cailliaud, de Russegger et de Rüppel.

Vue du temple principal de Sekkeh.
(Fac-simile. Gravure ancienne.)

Frédéric Cailliaud, né à Nantes en 1787, après avoir visité la Hollande, l'Italie, la Sicile, une partie de la Grèce, de la Turquie européenne ou asiatique, lorsqu'il faisait le commerce des pierres précieuses, était arrivé en Égypte au mois de mai 1815. Ses connaissances géologiques et minéralogiques lui procurèrent un excellent accueil de la part de Méhémet-Ali, qui le chargea aussitôt d'un voyage d'exploration le long du Nil et dans le désert.

Cette première excursion fut marquée par la découverte, à Labarah, de mines d'émeraudes, mentionnées par les auteurs arabes et abandonnées depuis de longs siècles. Cailliaud retrouva, dans les excavations de la montagne, les lampes, les leviers, les cordages et les instruments qui avaient servi à l'exploitation de ces mines par les ouvriers de Ptolémée. Près de ces carrières, le voyageur découvrit les ruines d'une petite ville, qui, selon toute vraisemblance, avait dû être habitée par les anciens mineurs. Pour donner toute sanction à sa précieuse découverte, Cailliaud se chargea de dix livres d'émeraudes qu'il rapporta à Méhémet-Ali.

Les explorateurs levèrent le plan du monument. (Page 170.)

Un autre résultat de ce voyage fut la découverte par l'explorateur français de l'ancienne route de Coptos à Bérénice pour le commerce de l'Inde.

Du mois de septembre 1819 à la fin de 1822, Cailliaud, accompagné de l'ancien aspirant de marine Letorzec, parcourut toutes les oasis connues à l'est de l'Égypte, et suivit le Nil jusqu'au dixième degré. Parvenu dans son premier voyage à Ouadi-Oulfa, Cailliaud choisit, au second, cette localité comme point de départ.

Une circonstance heureuse allait singulièrement faciliter ses recherches. Ismaïl-Pacha, fils de Méhémet-Ali, venait de recevoir le commandement d'une expédition en Nubie, et il l'accompagna.

Parti de Daraou en novembre 1820, Cailliaud arrivait, le 5 janvier suivant, à Dongola, et il gagnait le mont Barka dans le pays de Chaguy, où l'on remarque une multitude de ruines, de temples, de pyramides et d'autres monuments.

Le nom de Mérawé, que porte cet endroit, avait fait supposer que là se trouvait l'ancienne capitale de l'Éthiopie; Cailliaud devait dissiper cette erreur.

Accompagnant Ismaïl-Pacha comme minéralogiste, au delà de Berber, pour la recherche des mines d'or, l'explorateur français parvint à Chendy. Il alla ensuite, avec Letorzec, fixer la position géographique du confluent de l'Atbara, et, à Assour, non loin du dix-septième degré de latitude, il découvrit les ruines considérables d'une ville antique. C'était Méroé.

Continuant sa route au sud, entre les quinzième et seizième degrés, Cailliaud reconnut ensuite l'embouchure du Bahr-el-Abiad ou Nil Blanc, visita les ruines de Saba, le confluent du Rahad, l'ancien Astosaba, vit Sennaar, le cours du Gologo, le pays du Fazoele et le Toumat, affluent du Nil; enfin il atteignit, avec Ismaïl, le pays de Singué, entre les deux branches du fleuve.

Aucun voyageur n'était encore parvenu, de ce côté, aussi près de l'équateur. Browne s'était arrêté à 16°10´, Bruce à 11°.

On doit à Cailliaud et à Letorzec de nombreuses observations de latitude et de longitude, de précieuses études sur les variations de l'aiguille aimantée, d'inestimables renseignements sur le climat, la température et la nature du sol, en même temps qu'une collection fort intéressante d'animaux et de productions végétales. Enfin, les explorateurs levèrent le plan de tous les monuments situés au delà de la deuxième cataracte.

Les deux Français avaient préludé à ces découvertes par une excursion à l'oasis de Siouah. A la fin de 1819, ils étaient partis de Fayoum avec un petit nombre de compagnons et s'étaient engagés dans le désert de Libye. En quinze jours de marche, après un engagement avec les Arabes, ils étaient parvenus à Siouah, avaient pris toutes les mesures du temple de Jupiter Ammon, et avaient déterminé, comme Browne, sa position astronomique. Cette oasis allait être, quelque temps après, l'objet d'une expédition militaire, pendant laquelle Drovetti devait recueillir de nouveaux documents, très précieux, pour compléter ceux qu'avaient récoltés Cailliaud et Letorzec.

Ils avaient ensuite visité successivement l'oasis de Falafré, qu'aucun voyageur européen n'avait encore explorée, celle de Dakel et Khargh, chef-lieu de l'oasis de Thèbes. Les documents recueillis dans cette course furent expédiés en France à M. Jomard, qui les mit à profit pour la rédaction de l'ouvrage intitulé Voyage à l'oasis de Siouah.

Quelques années plus tard, Édouard Rüppell consacrait sept ou huit années à l'exploration de la Nubie, du Sennaar, du Kordofan et de l'Abyssinie, et il remontait le Nil Blanc, en 1824, jusqu'à plus de soixante lieues au-dessus de son embouchure.

Enfin, un naturaliste allemand, conseiller des mines d'Autriche, Joseph Russegger, visitant également, de 1836 à 1838, la partie inférieure du cours du Bahr-el-Abiad, préludait par ce voyage officiel aux grandes et fécondes reconnaissances que Méhémet-Ali allait envoyer dans les mêmes régions.

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