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Madame de Longueville: La Jeunesse de Madame de Longueville

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«D'Orléans la gente pucelle
N'étoit si bonne et si belle
Que la pucelle de Bourbon, etc.»

A propos d'épithalame, on a celui qu'un poëte très médiocre, nommé Arbinet, composa et imprima en 1642: Le Génie de la maison de Longueville, sur le mariage de Mgr. le duc de Longueville et de Mlle de Bourbon, in-4o, Paris, 1642. Au t. XXIV des manuscrits de Conrart, p. 647, sont des vers attribués à Desmarets, mais qui ne se peuvent trouver dans son recueil, puisque ce recueil est de 1641 et antérieur au mariage. Desmarets y compare M. de Longueville à son ancêtre Dunois, qui passait pour avoir fait la cour à la Pucelle d'Orléans:

«Vous brûlez comme lui, mais d'un feu différent;
Il brûla pour l'amour d'une sainte pucelle;
Vous, pour une aussi sainte et d'un cœur aussi grand,
Mais plus noble, plus douce et mille fois plus belle.»

Autre pièce, ibid., t. XVII, p. 823:

POUR LE ROI DES SARMATES A Mlle DE BOURBON.

«Adorable beauté qui, dessous votre empire,
Voyez brûler les dieux d'une secrète ardeur,
Si vous ne voulez pas soulager mon martyre,
Au moins lisez ces vers où j'ai peint sa grandeur.
Je suis bien malheureux si votre esprit estime
Que plutôt que parler un amant doit mourir,
Et que, contre l'honneur, c'est faire un même crime
De lui prêter l'oreille et de le secourir, etc.»

[301] Manuscrits de Conrart, in-4o, t. X, p. 945. Un poëte inconnu écrit au nom de Mme de Longueville et de ses amies de l'hôtel de Rambouillet, au duc d'Enghien, qui était alors à l'armée, pour lui raconter leurs occupations, leurs brillantes toilettes et leurs succès au bal:

«Madame votre sœur m'oblige à vous écrire,
Et dans une prison qui vaut bien un empire,
C'est-à-dire, Seigneur, dedans son cabinet,
M'enferme seul à seule avecque Rambouillet.
Notre charge, Seigneur, est de vous rendre conte,
Et dire franchement, et sans aucune honte,
La peur qu'ont nos beautés de manquer de galants,
Tandis que vous errez parmi les Allemands.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mademoiselle enfin, comme chef de cabale,
Avec un des Elbeuf fit le tour de la sale;
Puis prit pour le second le prince Palatin,
Qui prit soudainement la duchesse d'Enghien.
Elle fit dignement: car, au lieu d'un Vieuxville,
Elle prit l'un de nous. C'est lors que Longueville,
Comme un soleil levant venant faire son tour,
A ravi tout l'éclat des dames de la cour.
Elle ne manqua pas de prendre Roquelaure
Afin qu'il fît danser l'agréable de Faure (Mlle Fors Du Vigean l'aînée).
Après, les Saint-Simon, les Brissac, Miossen (pour Miossens)
Prirent et Rambouillet et la jeune Vigean.»

[303] Ibid., t. XIII, p. 340. Autre épître au duc d'Enghien:

«Si nous avions ou rimes ou rimeur,
Nous vous dirions, très illustre seigneur,
Combien de maux nous cause votre absence, etc.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nous vous dirions que votre aimable sœur
Est maintenant fort pleine de douceur;
Et quelque froid semblant ou mine qu'elle face,
L'heureux flambeau d'hymen a su fondre sa glace.
Nous vous dirions que, durant ces beaux jours,
On voit briller dans le milieu du Cours
Son char plus beau que celui de l'Aurore.
A ses côtés étaient Marton et Fore, etc.»

Ce dernier vers, qui s'applique évidemment à Mlles Du Vigean, est une preuve de plus que la jeune Du Vigean s'appelait Marthe. Dans une autre pièce de vers adressée à Mlle Du Vigean et qui pourrait bien être de Condé, manuscrits de Conrart, t. X, p. 1033, la jeune Du Vigean est encore appelée Marthe:

«Hélas! ô grands dieux! se dit-on,
Qu'est devenue Fore et Marton?
Et quelques-uns disent encore:
Qu'est devenue Marton et Fore?
. . . . . . . . . . . . . . . .
Et tout cela n'approche pas
De la fraîcheur et des appas
De Marton, la douce pucelle,
Ni de Fore, à mes yeux si belle, etc.»

[304] Manuscrits de Conrart, in-4o, t. X, p. 968:

«Princesse, au teint de satin blanc,
Princesse du plus noble sang
Qui régna jamais dans le monde,
Et dont l'aimable tresse blonde
Surpasse en beauté les rayons
De l'astre par qui nous voyons:
Bien que de l'aimable demeure
Que nous habitons à cette heure,
Les ennuis qui troublent les sens
Sembleroient devoir être absents,
Quand nous pensons à votre absence,
Tout nous déplaît et nous offence.
Nous avons beau jeter les yeux
Sur un jardin délicieux,
Ou charmer notre esprit malade
Des plaisirs de la promenade,
Ouïr des rossignols chantants,
Voir des ruisseaux et des étangs,
Des fontaines et des cascades,
Des arbres et des palissades:
Tous ces plaisirs n'ont point d'appas,
Puisque nous ne vous voyons pas.
Nous ne voyons point cette grâce
En quoi nulle ne vous surpasse,
Ni cette admirable beauté
Par qui tout cœur est arrêté,
Et cette majesté divine,
Cette taille, ni cette mine,
Ni ce port noble et gracieux;
Bref, l'on ne voit point dans ces lieux
Cette merveilleuse personne,
Digne qu'on ferme sa couronne.
Mais s'il vous plaît nous consoler,
Ne pouvant de loin nous parler,
A vos servantes, quoique indignes,
Envoyez quelque peu de lignes;
Que nous admirions dans l'écrit
Des marques de ce bel esprit
Dont il est tant de bruit en France, etc.»

Ces vers inédits pourraient bien être de Sarasin, car on trouve dans ses Nouvelles Œuvres des vers adressés à Mme de Longueville pour la remercier d'une lettre que, pendant une absence, elle avait écrite à ses amies de l'hôtel de Rambouillet, et qui pourrait bien être la lettre ici réclamée. Il serait assez naturel que l'auteur du remerciement fût aussi celui de la plainte et de la réclamation. Nouvelles Œuvres, t. II, p. 249: «Princesse en tous lieux adorable, etc.»

[305] Édit. Michaud, partie inédite, p. 450.

[306] Collect. Petitot, t. LI, p. 370 et 386.

[307] Plus haut, p. 189.

[308] Bibliothèque nationale, Supplément français, no 925.

[309] Sa valeur, pour ce qu'il valait, son mérite. Il ne peut pas être ici question de courage, un Coligny, un ami de Condé n'ayant jamais pu être soupçonné d'en manquer.

[310] Le Polexandre de Gomberville, ou du moins la dernière partie, dédiée à Richelieu, parut en 1637. Ce roman eut un grand succès et en peu de temps plusieurs éditions; la meilleure et la plus complète est celle de 1645, en cinq parties formant huit volumes.

[311] Voyez plus bas sur Rocroy et sur les autres batailles de Condé le chap. IV, et aussi La Société Française, t. Ier.

[312] Disons aussi qu'en 1643 Lesueur commençait l'Histoire de saint Bruno, et Poussin la seconde suite des Sept Sacrements.

[313] Voiture, lettre au duc d'Anguyen sur la bataille de Rocroy, t. Ier, p. 296; La Mesnardière, pour Mme de Saint-Loup après la bataille de Rocroy, etc.

[314] Nous ne pouvons nous refuser au plaisir de citer un fragment d'une lettre inédite de Mazarin, des premiers jours de son ministère, adressée au maréchal duc de Brézé, gouverneur d'Anjou, beau-frère de Richelieu, père du vaillant amiral de Brézé et de la jeune duchesse d'Enghien. Bibliothèque Mazarine, manuscrits, 1719, no 1, fol. 48.

«28 Mai 1643.

«Monsieur, bien que je ne puisse recevoir de douleur plus sensible que d'ouïr déchirer la réputation de M. le Cardinal, si est-ce que je considere qu'il faut laisser prendre cours, sans s'en émouvoir, à cette intemperance d'esprit dont plusieurs François sont travaillés. Le temps fera raison à ce grand homme de toutes ces injures, et ceux qui le blâment aujourd'hui connoîtront peut-être à l'avenir combien sa conduite eust été necessaire pour achever la felicité de cet État dont il a jeté tous les fondemens. Laissons donc evaporer en liberté la malice des esprits ignorans ou passionés, puisque l'opposition ne serviroit qu'à l'irriter davantage, et consolons nous par les sentiments qu'ont de sa vertu les étrangers qui en jugent sans passion et avec lumière... Quant à moi vous devez faire un état certain que je ne perdrai jamais occasion de vous servir, et que ce que je dois à la memoire de M. le Cardinal m'étant plus cher que la vie, et l'estime que je fais de votre merite ne pouvant être plus grande, ces deux considerations m'obligeront toujours à desirer avec passion de vous pouvoir faire paroître que personne n'est plus veritablement que moi, etc.»

[315] Les parties des Carnets inédits de Mazarin qui sont écrites en espagnol semblent bien destinées à la Reine; ce sont du moins presque toujours les endroits les plus intimes et les plus confidentiels.

[316] Mazarin était né en 1602, comme la reine Anne. Ils avaient donc l'un et l'autre quarante et un ans en 1643. Nous avons un portrait de Mazarin, gravé par Michel Lasne, de cette même année. Le cardinal est représenté dans une bordure, tenant un livre, et entre deux Termes: grands traits, vaste front, bouche pleine de finesse et de résolution. Pour la reine Anne, voyez ses mille portraits peints et gravés, et, pour ne pas sortir de l'année 1643, la belle gravure qui la représente entre ses deux enfants, déjà en veuve, et la bataille de Rocroy dans le lointain. Voyez enfin le Portrait de la reine Anne d'Autriche, par Mme de Motteville, dans ses Mémoires, et dans les Divers Portraits de Mademoiselle.

[317] Voyez sur ce point délicat Madame de Hautefort, chap. IV, p. 87.

[318] T. II, p. 108.

[319] T. Ier, p. 231.

[320] Ces faits et ces dates sont dignes de confiance: nous possédons la protestation même d'Anne de Gonzagues avec plusieurs pièces à l'appui. Si vous voulez voir une beauté accomplie, à la fois italienne et française, et unissant la force et la grâce, allez voir à Versailles, au premier étage, salon d'Apollon, le portrait d'Anne de Gonzagues, princesse Palatine.

[321] Voyez les deux ouvrages que nous leur avons consacrés.

[322] Voyez plus haut, chap. II, la note 211 de la p. 152.

[323] Tallemant, t. III, p. 407.

[324] T. Ier, p. 46.

[325] T. Ier, p. 221. Il en cite, ainsi que Tallemant et même Mme de Motteville, des choses incroyables.

[326] T. V, p. 246.

[327] T. Ier, p. 410.

[328] Plus haut, Introduction, p. 4, etc.

[329] T. III, p. 410.

[330] Sur la beauté de Mme de Montbazon, nous avons uni ce que disent Tallemant, t. III, p. 411, et Mme de Motteville, t. Ier, p. 146. Le lecteur peut juger de la vérité de notre description en allant voir à Versailles, dans la curieuse galerie de l'attique du nord, sous le no 2030, un petit tableau où Mme de Montbazon est représentée en buste, vers l'âge de trente-cinq ans, avec un collier de perles, un beau front très découvert, de beaux yeux noirs, une gorge magnifique; mais le tout un peu fort et sans beaucoup de distinction. Vis-à-vis ce portrait mettez celui de Mme de Longueville, tel qu'on le voit dans le salon de Mars à Versailles, et tel que nous le donnons ici, et vous avez les deux côtés différents de la beauté.

[331] Voyez la fin du chap. II, p. 199.

[332] Voyez sur toute cette affaire Mademoiselle, Mme de Motteville, La Châtre et La Rochefoucauld. Nous en trouvons un récit inédit et assez étendu dans la collection Dupuy, vol. 631.

[333] Sur l'hôtel de Montbazon, voyez Sauval, t. II, p. 124.

[334] Mademoiselle, t. Ier, p. 62 et 63. Le manuscrit de Dupuy ne donne que des variantes insignifiantes.

[335] La Rochefoucauld, ibid., p. 387.

[336] Mme de Motteville, t. Ier, p. 83.

[337] T. Ier, p. 65.

[338] Manuscrit déjà cité, fol. 22.

[339] Nous suivons d'Ormesson qui reproduit plus fidèlement, ce semble, les deux discours, tandis que les Mémoires de Mademoiselle leur donnent une tournure un peu plus moderne, ayant eux-mêmes été arrangés et altérés de la façon la plus étrange, en dépit du manuscrit original conservé à la Bibliothèque nationale et que nul éditeur ne s'est encore avisé de consulter.

[340] Les habiles ne s'y trompèrent pas, et le maréchal de La Meilleraie écrit de Bretagne à Mazarin le 9 août, Archives des affaires étrangères, France, t. CV: «Je viens d'avoir avis de différends survenus à la cour pour le sujet des lettres de Mme de Montbazon, et pour cet effet j'ai envoié trouver Mme de Longueville et Mme la Princesse. L'on m'assure que vous avez entrepris cet accommodement; je ne doute point que vous n'en veniez à bout, pour ce qui sera de l'apparence; mais pour l'effet je le tiens plus difficile, puisque c'est une suite de tous les commencements que j'ai vus.»

[341] Voyez la charmante gravure d'Israël Sylvestre.

[342] La Société française, t. II, chap. XVI, p 308.

[343] Cette lettre avec la réponse est à la fois dans le manuscrit de Dupuy, déjà cité, et aux Archives des affaires étrangères, France, t. CV, pièce II: «Ma cousine, le mécontentement que la Reyne, madame ma mère, a du peu de respect que vous fîtes paroître ces jours passés en ce qu'elle vous fit paroître de son intention, m'oblige d'envoyer partout où vous serez le sieur de Nevily (le manuscrit de Dupuy: Neuilly), un de mes gentilshommes ordinaires, avec cette lettre que je fais pour vous dire que vous vous rendiez en votre maison de Rochefort, et que vous y demeuriez jusques à ce que vous ayez autre ordre de ma part; ce que me promettant de votre obéissance, je ne vous en ferai de commandement plus exprès, et prie Dieu cependant qu'il vous aie, ma cousine, en sa sainte garde. Écrit de Paris, 22 août 1643, Louis, Guenegaud.» La réponse de la duchesse est à la fois très humble et très fière, comme l'avait été son discours à Mme la Princesse: elle se soumet, mais elle proteste de son «mépris de la vie quand il sera question de choses qui blesseroient son honneur et son courage.»

[344] Mme de Chevreuse, chap. IV.

[345] Mme de Chevreuse, chap. V.

[346] Sœur de Charles IV et deuxième fille du duc François. Ce mariage, contracté en 1632, est un roman qu'on peut lire dans tous les Mémoires du temps.

[347] En parlant de la beauté du duc de Guise, nous suivons la tradition et l'opinion des contemporains, car nous n'en connaissons pas de portrait peint, et ses nombreux portraits gravés ne lui donnent pas une très noble figure. Il y en a un assez joli dessin en couleur dans la collection de Gaignières, au cabinet des estampes. Ce dessin, fait, dit-on, sur un portrait de Vandyck, représente Henri de Guise à son avantage, en grand costume de cour.

[348] Bibliothèque nationale, Supplément français, no 925, fol. 11.

[349] Mémoires, ibid., p. 391.

[350] Mémoires, p. 301.

[351] Tome V, p. 230.

[352] Le comte d'Estrades était d'Agen. Il fut un des plénipotentiaires de la paix de Nimègues en 1678, et mourut en 1686. On a de lui des Lettres et Mémoires très estimés, 9 vol. in-12, La Haye, 1743.

[353] Voyez Triomphe de la ville de Guise sous le règne de Louis le Grand, ou Histoire héroïque du siége de Guise en 1650, par le R. P. Jean Baptiste de Verdun, minime. Paris, 1687.—Histoire de la ville de Guise, etc., 2 vol., Vervins, 1851, t. II, p. 86, etc.

[354] La Place Royale, avec ses alentours, était le plus beau quartier d'alors. Commencée en 1604 (Les Antiquités et choses plus remarquables de Paris, 1608, par Bonfons et par Du Breuil, p. 430) sur les ruines du palais des Tournelles, elle fut achevée en 1612 (Le Théâtre des Antiquités de Paris, par Du Breuil, in-4o, 1613, p. 1050). C'est, comme on le sait, un grand carré ou plutôt un rectangle bordé de tous côtés par trente-sept pavillons soutenus par des piliers formant une galerie qui règne tout autour de la place. Au milieu était un vaste préau divisé en six beaux tapis de gazon; et au centre la statue équestre de Louis XIII. La statue était de Biard, et le cheval de Daniel de Volterre. Sur une des faces du piédestal de marbre blanc, on lisait cette inscription: «Pour la glorieuse et immortelle mémoire du très grand et invincible Louis le Juste, XIIIe du nom, roi de France et de Navarre, Armand, cardinal de Richelieu, son principal ministre, a fait élever cette statue pour marque éternelle de son zèle, de sa fidélité et de sa reconnaissance, en 1639.» Sous Louis XIV, ce beau Square fut entouré d'une grille d'un travail excellent. Lemaire disait, en 1685, t. III, p. 307: «On y fait présentement une balustrade de fer admirablement travaillée, qui régnera tout autour et qui renfermera un jardin très agréable, dans lequel il y aura quatre grands bassins d'eaux aux quatre coins. Les particuliers qui y ont des hôtels contribuent pour cette dépense chacun la somme de mille livres: la ville fournira le reste.» Germain Brice, dans la 1re édition de son curieux ouvrage qui parut en 1685, comme celui de Lemaire, dit la même chose, ajoutant que les habitants seuls de la place auront le droit de jouir du jardin que l'on prépare: «Personne n'entrera que ceux des maisons qui en auront la clef.» Dans la seconde édition de Brice, de 1687, la belle grille n'est pas encore posée: elle l'est dans l'édition qui suit, de 1701; on la voit dans La Caille, en 1714, et dans la gravure de Defer, en 1716. Pour le jardin et les quatre bassins, ils ne sont pas même encore dans le plan de Turgot, en 1740: c'est la Restauration qui a accompli les desseins de l'administration de Louis XIV.

Que d'événements publics et domestiques n'a pas vus cette place pendant tout le XVIIe siècle, que de nobles tournois, que de fiers duels, que d'aimables rendez-vous! Quels entretiens n'a-t-elle pas entendus dignes de ceux du Décaméron, que Corneille a recueillis dans une de ses premières comédies, la Place Royale, et dans plusieurs actes du Menteur! Que de gracieuses créatures ont habité ces pavillons! quels somptueux ameublements, que de trésors d'un luxe élégant n'y avaient-elles pas rassemblés! Que d'illustres personnages en tout genre n'ont pas monté ces beaux escaliers! Richelieu et Condé, Corneille et Molière ont cent fois passé par là. C'est en se promenant sous cette galerie que Descartes causant avec Pascal, lui a suggéré l'idée de ses belles expériences sur la pesanteur de l'air. C'est là aussi qu'un soir, en sortant de chez Mme de Guymené, le mélancolique de Thou reçut de Cinq-Mars l'involontaire confidence de la conspiration qui devait les mener tous deux à l'échafaud. C'est là enfin que naquit Mme de Sévigné et c'est à côté qu'elle habitait. En arrivant à la Place Royale par sa véritable entrée, la rue Royale, du côté de la rue Saint-Antoine, on trouvait à l'angle de droite, l'hôtel de Rohan, occupé longtemps par la duchesse douairière, veuve de ce grand duc de Rohan, l'un des premiers généraux et le plus grand écrivain militaire de son siècle. A l'angle de gauche était l'hôtel de Chaulnes, dont Bois-Robert a célébré les magnifiques appartements, et qui plus tard a passé aux Nicolaï. Aux deux autres coins de la place étaient, à droite, du côté de la rue des Tournelles et du boulevard, le vaste et somptueux hôtel de Saint-Géran, et à gauche, du côté de la rue Saint-Louis, l'hôtel qu'habitait le duc de Richelieu, petit-neveu du Cardinal. Les quatre galeries étaient remplies par des hôtels qui n'étaient pas indignes de ceux-là. Il y avait l'hôtel du maréchal de Lavardin, avec celui de M. de Nouveau, et celui de M. de Villequier qui le vendit à M. des Hameaux, lequel en 1680, le revendit aux Rohan-Chabot, et de là cet hôtel, même en passant par d'autres mains, a gardé le nom d'hôtel Chabot. Tous ces hôtels étaient autant de musées, surtout celui de Richelieu, si longtemps célèbre par sa riche galerie, ainsi que l'hôtel de M. de Nouveau pour lequel avait travaillé Lesueur et qui sert aujourd'hui de mairie. Brice, dès 1685, signale l'hôtel du marquis de Dangeau, et en 1713, à droite en entrant par la rue Saint-Antoine, l'hôtel du baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs, et de l'autre côté la maison du président Carrel. Nous savons certainement que Mme de Sablé logeait à la Place Royale, ainsi que la comtesse de Maure, avec Mlle de Vandy; mais la difficulté serait de découvrir les habitants de tous les autres pavillons et de faire ainsi une histoire exacte et complète de la Place Royale jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Nous indiquons ce sujet d'études à quelque élève de l'École des chartes ou à quelque jeune artiste; ils y trouveraient la matière des plus fines recherches ainsi que des descriptions les plus charmantes, et une gloire modeste ne leur manquerait pas après quelques années du travail le plus attrayant. Nous nous permettrons de leur signaler, outre Félibien, t. II, Sauval, t. II, p. 624, le plan de Gomboust de 1652 et les plans postérieurs, les ouvrages suivants: 1o la Guide de Paris, etc. par le sieur Schayes, 1647; 2o Le Livre commode, contenant les adresses de la ville de Paris; par Abraham Pradel, philosophe et mathématicien, Paris, petit in-8o; 3o l'Almanach Royal de 1699; 4o la suite des diverses éditions de G. Brice, de 1685 à 1725; 5o la pièce de vers de Scarron, Adieux au Marais et à la Place Royale, édition d'Amsterdam, de 1752, t. VII, p. 29-35; 6o un manuscrit de la Bibliothèque nationale, fonds de Lancelot, no 7905, où se trouve un Supplément des Antiquités de Paris, avec tout ce qui s'est fait et passé de plus remarquable depuis 1610 jusques à présent, par D. H. J., avocat en parlement. Jusques à présent est à peu près 1640. Terminons par cette dernière remarque: il n'y a qu'un seul hôtel de la Place Royale qui soit resté dans la même famille de 1612 jusqu'à nos jours, à savoir, l'hôtel qui porte le no 25, et qui, de père en fils, est arrivé à son propriétaire actuel, M. le comte de L'Escalopier.

[355] Madame de Sablé, Appendice, p. 421.

[356] Tandis que les uns imputent à Mme de Longueville, en dépit de la modération bien certaine de sa conduite, d'avoir poussé Maurice de Coligny à provoquer le duc de Guise, d'autres veulent que le malheureux Maurice ait cédé aux suggestions de ses ennemis qui l'auraient comme forcé de se battre en l'accusant d'abandonner la cause d'une femme compromise par ses empressements. Du moins trouvons-nous dans un manuscrit précédemment cité, le t. 630-631 du fonds Dupuy, la lettre suivante adressée à Coligny. Elle n'a ni vérité ni vraisemblance. Coligny ne quittait pas l'armée au milieu d'une campagne, il était à Paris, comme le duc d'Enghien, parce que la campagne était finie et qu'on était au milieu de l'hiver. Le prince de Marcillac, loin d'animer les esprits, avait tout fait pour les adoucir, et il était un des amis particuliers de Coligny. Mais il serait presque ridicule de prendre au sérieux cette lettre, et nous la donnons seulement comme une invention de messieurs les Importants, et comme un trait de ce même esprit de raillerie qui un peu après produisit la chanson: Essuyez vos beaux yeux, Mme de Longueville, etc.

«Monsieur, on croit que vous n'êtes venu en cette ville que pour témoigner votre valeur en tel rencontre. Vous êtes cause qu'une princesse est tombée dans le plus sensible malheur qui pouvoit arriver à une princesse de sa condition, et qu'elle demeure par votre imprudence exposée à toute la rigueur d'un mari outragé. Que votre épée venge donc et répare par votre sang ou par celui de ses calomniateurs l'affront qu'elle a reçu. Vous êtes en estime de fin et d'artificieux et vous êtes tenu pour mauvais soldat; c'est ici la pierre de touche qui fera voir ce que vous êtes et qui peut détromper un chacun de la mauvaise opinion qu'on a de vous. Ne sortez pas d'une méchante affaire par un mauvais procédé. Il faut s'adresser au plus beau de la bande. Marcillac, Barrière et Rouville, et quelques autres plus hauts et plus huppés, attendent de voir l'événement de ce rencontre. La Cour ne sauroit croire que vous ayez quitté l'armée au milieu de la campagne que pour une particulière et très importante occasion. Adieu. Cette lettre ne veut pas être secrète, puisqu'il y en a plus de vingt copies qui courent partout.»

[357] C'est d'Ormesson qui donne cette date. Gaudin (Archives des affaires étrangères, France. t. CV) dit que ce fut un samedi.

[358] D'Ormesson, le manuscrit sur la Régence, et Gaudin.

[359] La Rochefoucauld.

[360] D'Ormesson.

[361] D'Ormesson et Gaudin.

[362] D'Ormesson, le manuscrit sur la Régence, Gaudin et la Rochefoucauld.

[363] D'Ormesson.

[364] D'Ormesson. Le manuscrit sur la Régence et Gaudin disent au côté.

[365] D'Ormesson, le manuscrit sur la Régence, Gaudin, La Rochefoucauld, Mme de Motteville.

[366] Il y eut encore le duel du comte d'Aubijoux en 1654.

[367] Gaudin, t. CVII, 2 janvier 1644: On a trouvé un billet attaché an cheval de bronze de la Place Royale, contenant ces mots: «Henricus, dux Guysius, aulico molimine ad duellum vocatus ac superbo fastu in arenam regiam ductus, Colinæum, antiquum religionis nec non familiæ Guysianæ hostem debellavit, inflixit, ac inermem reliquit, anno Domini millesimo sexcentesimo, etc., etc.»

[368] Gaudin, t. CV, lettre du 19 décembre 1643: «La Reyne est fort irritée. Le lendemain matin elle manda à M. le Prince qu'il fît sortir Coligny de sa maison, autrement qu'elle l'enverroit prendre. Son Altesse tout aussitôt alla à l'hôtel de Saint-Denys où est logé le duc d'Anguyen, pour faire déloger Coligny, et fit une rude réprimande aux petits maîtres. Depuis il s'est retiré à Saint-Maur.» On appelait petits maîtres la troupe de jeunes gentilshommes qui entouraient le duc d'Enghien et partageaient ses dangers et ses périls, Voyez Madame de Sablé, chap. Ier, p. 44.

[369] Gaudin, ibid.: «Cette action a aussi fort fâché Monsieur qui a porté l'affaire très haut en faveur du duc de Guise, et a dit au duc d'Anguyen qu'il trouvoit bien mauvais le procédé de Coligny qui n'a pas craint de violer les édits du Roy, pour appeler un prince qui ne l'a point offensé et qui est son beau-frère.»

[370] D'Ormesson: «Le mardi 29 décembre, vint me voir le marquis de Pardaillan et me dit que M. de Coligny étoit à Saint-Maur et avoit pensé mourir de la gangrène qui s'étoit mise à son bras.»—Le mercredi 30 décembre, M. de Coligny étoit hors d'espérance, sa playe ne faisoit ni chair ni pus, à cause de sa mauvaise condition naturelle. M. le duc d'Enghien y étoit allé pour le résoudre à avoir le bras coupé.» Gaudin, t. CVII, 2 janvier 1644: «M. le duc de Guise est à Meudon, où il demeure entièrement soumis aux intentions de la Reine. Pour M. de Coligny, il est encore à Saint-Maur où on lui a pensé couper le bras.»—Ibid., 30 janvier 1644: On a dit ici que M. de Coligny est encore dans le château de Dijon (une des places de la maison de Condé), où on lui a fait une cruelle incision à la main. Mais pour moi je crois qu'il est encore à Ablon (entre Saint-Maur et Corbeil).»

[371] Le manuscrit sur la Régence dit que le duc de Guise et Coligny comparurent devant le Parlement et se justifièrent, le duc de Guise avec le plus grand succès, Coligny de très mauvaise grâce. D'Ormesson: «Le lundi 14 décembre, je fus chez M. Gilbert, conseiller. Il me dit que le Parlement, les chambres assemblées, avoit donné commission au procureur général pour informer du duel, et avoit permis d'obtenir monitoire (ordonnance que l'autorité ecclésiastique faisoit lire au prône pour inviter tous ceux qui avoient connaissance d'un crime à le dénoncer).»—Gaudin, t. CV, 19 décembre, 1643: «Messieurs du Parlement s'assemblèrent lundi à la réquisition du procureur général pour en informer (de ce duel); mais personne ne veut déposer.»—T. CVIII, 26 décembre: «Il a été sursis aux conclusions de M. le procureur général contre les duellistes, qui devoient se donner mardi passé, quoiqu'il ne se trouve point de personnes qui veuillent déposer; et il y a apparence qu'on n'approfondira pas davantage cette affaire, et que MM. de Coligny et d'Estrades en seront quittes pour un éloignement en Hollande. Ils sont pourtant encore à Saint-Maur, et M. de Guise à Mendon. M. d'Angoulême a refusé la retraite du sieur de Coligny dans sa maison de Grosbois à la recommandation de M. le Prince et de M. de Châtillon.»—T. CVII, 13 février 1644: «M. de Guise revient dès samedi à Paris. Les conclusions de Messieurs les gens du Roi lui sont favorables, ne portant qu'ajournement personnel, mais décret de prise de corps contre M. de Coligny, quoique M. le Prince ait pu remontrer qui vouloit les faire égaux. Aujourd'hui M. de Guise va se purger en Parlement.»—Ibid., 20 février: «L'affaire du duc de Guise n'a point encore été jugée au Parlement qui trouve plus à propos de retirer les conclusions des gens du Roi, et de laisser l'affaire en l'état où elle est, sans l'approfondir, que de donner un arrêt de justification touchant une action qui passe pour un duel manifeste. Le dit seigneur n'a point encore salué la Reine, mais paroît dans les assemblées comme le brave de la cour. L'hôtel de Guise ne vide pas de cordons bleus et autres personnes de condition.» Ibid., 6 mars: «M. de Guise revint hier au Parlement, et même M. de Coligny, et les seconds, qui furent remis à ce jourd'hui, à cause de l'absence de deux présidents.»—Ibid., 12 mars: «Le dit seigneur pensoit bien aller accompagné de grand nombre de ducs et pairs et de maréchaux de France samedi au Parlement; mais M. le duc d'Anguyen voulut aussi accompagner M. de Coligny. Il y eut défense à l'un et à l'autre d'y comparoître qu'avec deux de leurs amis peur de jalousie; ce qu'ils firent, et il fut ordonné que plus amplement il serait informé (ce qui étoit une remise indéfinie). M. de Guise aussitôt alla saluer la Reine qui lui fit une douce réprimande et le reçut parfaitement bien.»

[372] La Rochefoucauld dit avec raison que Coligny mourut quatre ou cinq mois après son duel. Nous lisons en effet dans la correspondance de Gaudin, t. CVII, 21 mai 1644: «On tient que M. de Coligny a expiré ce matin.» Et dans la Gazette de Renaudot pour l'an 1644, p. 779: «De Paris, 28 may. Cette semaine sont ici morts la dame de Bouillon La Marck, sœur du défunt connétable de Luynes, et le comte de Coligny, fils aîné du maréchal de Chastillon, seigneur de grande espérance.» Aussi Gaudin, dans une lettre du 3 juin annonce-t-il que d'Andelot, qui était en Hollande, a pris le nom de comte de Coligny.—Les lettres d'abolition du duc de Guise sont du mois d'août 1644, et elles furent entérinées au mois de septembre. Jusque-là il n'avait eu que la permission de venir présenter ses hommages à la Régente.

[373] Mademoiselle, t. Ier, p. 74.

[374] Mme de Motteville, t. Ier, p. 201.

[375] Elle est aussi dans Mme de Motteville, ibid.

[376] Bibliothèque de l'Arsenal, petit in-4o coté sur le dos: Fr. Jurisprudence, 19 (B). «Il contient: 1o Avis donné au Roy pour la réforme des abbayes et prieurés en commande; 2o Fable du Lion et du Renard; 3o Histoire de M. de Coligny et de Mme de Longueville.—Bibliothèque nationale, fonds Clerambault, Mélanges, vol. 261, in-12, comprenant une foule de chansons, les lettres de Mme de Courcelles, de prétendues lettres de diverses dames à Fouquet, et au milieu l'histoire d'Agésilan et d'Isménie. En comparant les deux manuscrits, nous n'y avons rencontré que de petites variantes de style parfaitement indifférentes.

[377] Mme de Motteville, t. IV, p. 42.

[378] T. Ier, p. 174-197.

[379] La Rochefoucauld, ibid., p. 393.

[380] Gazette de février 1644: «Le 4 de ce mois à quatre heures et demie du soir, naquit Mlle de Dunois, fille du duc de Longueville, dans son hôtel où elle fut baptisée le lendemain sur les trois heures et demie après midi par le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, et nommée Charlotte Louise; la princesse de Condé fut la marraine et le duc d'Anguyen son fils le parrain.»—Gazette du 6 mai 1645: «Le 30 avril, sur les deux heures du matin, mourut dans l'hôtel de Longueville, la comtesse de Dunois, âgée de quatorze mois, fille du second mariage du duc de Longueville; toute la cour ayant témoigné beaucoup de regret de la mort de cette jeune princesse, dont le corps ayant été embaumé et mis dans un cercueil de plomb fut porté le deuxième de ce mois (de mai) au grand couvent des Carmélites, où la duchesse de Longueville sa mère a voulu qu'elle fût enterrée près le tombeau de la mère Magdeleine de Saint-Joseph, les pages et valets de pied des duc et duchesse de Longueville avec chacun un flambeau de cire blanche environnant le carrosse de deuil où il étoit, suivi de grand nombre d'autres. Il fut présenté à la porte de l'église, tendue de serge blanche avec deux lés de satin chargés des écussons de Bourbon et de Longueville, par le curé de Saint-Germain-l'Auxerrois à l'évêque d'Utique, coadjuteur de Montauban, assisté de plusieurs ecclésiastiques et des pères de l'Oratoire de Saint-Magloire, qui le reçut au nom de ce monastère; et l'ayant mis sous un dais de toile d'argent orné des mêmes armoiries, couvert d'un poêle de même étoffe bordé d'hermine et d'une couronne ducale d'or couverte d'un voile de gaze, après les bénédictions et encensements ordinaires, les religieuses au nombre de soixante vinrent en procession à la porte du monastère recevoir le corps, qui fut porté dans la fosse faite au cloître et inhumé par cet évêque avec les cérémonies de l'ordre des Carmélites dont cette petite princesse portoit l'habit.»

[381] Les Carnets, passim.

[382] Ve Carnet, p. 53: «La detta Dama ha tutto il potere soprà il fratello. Fà vanità di disprezzar la corte, di odiare il favore e di sprezzar tutto quello che non vede a suoi piedi. Vorrebbe veder il fratello dominare e disporre di tutte grazie. È donna simulatissima; riceve tutte le deferenze e grazie come dovuteli; vive d'ordinario con gran freddezza con tutti; ama la galanteria più per acquistar servitori e amici al fratello che per alcun male; insinua nel fratello concetti alti alli quali per tanto egli è naturalmente portato; non fà conto della madre perchè la crede troppo attaccata alla corte; crede con il fratello che tutte le grazie che si accordano alla sua persona, casa, parenti e amici, li sieno dovute, e che si vorrebbe bene poter le negare, mà che non vi è coraggio di farlo per timore di disgustarli. Grande intelligenze con la marchesa di Sablé e duchessa di Lesdiguieres. In casa di Sablé vi è un commercio continuo d'Andilli, la principessa di Ghimené, Anghien, sua sorella, Nemur, e molti altri; e vi si parla di tutti libramente. Bisogna aver qualcheduno là che possi avertire di quello vi passerà.»

[383] Mazarin, dans ses Carnets, se plaint de la lenteur de M. de Longueville à se rendre à son ambassade, et l'impute aux répugnances de sa femme. «M. de Longueville, dit-il, Carnet Ier, p. 114, voudroit bien ne pas partir sans sa femme et celle-ci ne veut pas quitter Paris.» «Longavilla non parla d'andar alla pace; non vuol lasciar sua moglie, e ella non vuol andarvi.» Et un peu plus tard, Carnet VI, p. 54: Mme de Longueville feint en public de vouloir aller à Münster, mais sous main elle fait agir son frère pour l'empêcher.» «Madama di Longavilla finge in pubblico e con suo marito di voler in ogni modo andar a Münster, ma sotto mano faceva agire suo fratello per toglierne il pensiero al marito, e Madama di Chavigni mi ha detto haver saputo per via dell'abbate della Victoria che si valeva di M. di Chavigni per far parlare al detto marito.»

[384] Nous nous bornerons à citer les suivants: Histoire de la prison et de la liberté de M. le Prince, 1651.—Recueil des Maximes véritables pour l'institution du Roy contre la pernicieuse politique du cardinal Mazarin, 1652, écrit brûlé par la main du bourreau.—Statuts et Règlements des petites écoles de grammaire de la ville de Paris, 1672.—Traité historique des Écoles épiscopales, 1678.—Voyage fait à Münster en Westphalie et autres lieux voisins, 1670.—Avis chrétiens et moraux pour l'institution des enfants, 1675, excellent ouvrage dédié à Mme de Longueville.

[385] Sur Esprit, voyez plus haut, chap. II, p. 149, et la note 206.

[386] Les Epistres en vers et autres œuvres poétiques de M. de Bois-Robert Metel, conseiller d'Estat ordinaire, abbé de Châtillon-sur-Seine, Paris, 1659, in-8o, p. 11. A Monsieur Esprit: il l'entretient des beautés de Mme la duchesse de Longueville et de l'accueil favorable qu'il avoit reçu d'elle à son départ.

[387] Voyez entre autres dans les manuscrits de Conrart, t. V, p. 167-178, et dans le Recueil de Sercy, t. III, p. 118, une lettre en vers à Mme la duchesse de Longueville sur son voyage à Münster:

Allez, grande princesse, allez où vous appelle
De votre illustre époux l'amour chaste et fidelle, etc.

L'auteur de cette élégie nous apprend lui-même qu'il est celui de la pièce adressée à Mme de Longueville, au temps de son mariage, au nom du roi des Sarmates, et dont nous avons dit un mot, chap. III, p. 208. Comme ce poëte déclare qu'il a vu Mlle de Bourbon jeune et qu'il la croit pieuse, et que lui-même il a depuis consacré sa muse à la seule piété, nous soupçonnons que ce pourrait bien être Desmarets devenu dévot.

[388] Lettres et Mémoires de M. de Turenne, par Grimoard, in-fol., 1782, t. Ier, lettre du 20 juillet 1646: «Ma chère sœur, je vous écrivis d'auprès de Cologne, il y a quatre ou cinq jours, et passai hier le Rhin à Vésel. Mme de Longueville y étoit arrivée le même jour, et s'en vient aujourd'hui voir l'armée. De là nous marcherons en même temps qu'elle une journée ou deux. Je vous avoue qu'il n'y a rien au monde de plus surprenant. Elle n'est point du tout changée...»

[389] Gazette pour l'année 1646, no 94, p. 690: «Le 26 juillet sur les cinq ou six heures, cette princesse richement parée fit son entrée dans la ville de Münster en cette sorte: Le trompette du comte de Servien, et celui du comte d'Avaux marchoient en tête des pages, écuyers et gentilshommes de leurs maisons, suivis de vingt-quatre pages de la chambre et écurie du duc de Longueville, tous chamarrés de passements d'argent, et ceux-ci devant leurs écuyers et quarante gentilshommes tous superbement vêtus, conduits par le sieur Désarsaux: après lesquels marchoient seize Suisses avec la hallebarde et toque de velours chargée de belles plumes, aussi couverts de riches livrées, conduisant une litière houssée de velours cramoisi chamarré d'un grand passement d'or et d'argent. Quatre autres trompettes richement vêtus venoient après au-devant du carrosse en broderie, où étoient le duc et la duchesse de Longueville ayant à leurs portières trente valets de pied des mieux couverts. Puis venoit le sieur de Montigny à la tête de la compagnie des gardes fort lestes. Six carrosses de suite et huit autres des comtes d'Avaux et de Servien (qui étoient dans le premier carrosse avec le duc et la duchesse de Longueville), tous à six chevaux, venoient en queue de ce cortége qui passa entre les soldats de la garnison et la bourgeoisie en armes, jusqu'à la grande place où six compagnies d'infanterie firent plusieurs décharges, en présence des plénipotentiaires étrangers et autres seigneurs et dames de grande condition qui admiroient la beauté de ce superbe train. Les trois jours suivants cette princesse fut visitée par les Hollandois et les Hessiens, puis par le nonce de Sa Sainteté, le comte de Nassau, l'un des plénipotentiaires de l'Empereur, l'évêque d'Osnabruck, ambassadeur en Pologne, et les ambassadeurs portugais et vénitiens; chacun n'admirant pas moins, en cet abrégé des ministres de l'Europe, les grâces qui reluisent en cette princesse et qui accompagnent toutes ses actions, que l'on avoit fait sur tout son chemin; telles que les ennemis ont déjà attribué à l'inclination que les Liégeois ont eue pour elle à son passage par leur État, les témoignages qu'ils ont naguères rendus de leur affection envers la France. Et il n'y a ici aucun qui ne préjuge que la douceur de ses mœurs, incompatible avec les cruautés de la guerre, servira beaucoup à confirmer de plus en plus son cher époux dans les fortes résolutions qu'il a pour la paix, suivant les saints mouvemens et les ordres précis de Leurs Majestés.»

[390] Joly, Voyage fait à Münster, p. 168.

[391] Auteur d'une histoire de son temps en latin, depuis la mort de Louis XIII, jusqu'à l'année 1652, in-4o, 1671. Depuis ambassadeur en Suisse.

[392] De la famille des Groulart, du parlement de Normandie.

[393] Depuis ambassadeur en Portugal et en Suisse, et mêlé à toutes les grandes négociations.

[394] Voyez Madame de Sablé, chap. Ier, p. 49, etc.

[395] Bibliothèque de l'Arsenal, manuscrits de Conrart, in-4o, t. X, fol. 651-673. Il y a quatre lettres. La première est du 15 octobre 1644, et antérieure à l'arrivée de Mme de Longueville. Elle nous apprend que depuis qu'il était à Münster, d'Avaux avait déjà reçu cinq lettres de Voiture, tandis qu'auparavant celui-ci ne lui écrivait point. «Votre impatience ne souffre pas que de cinq lettres reçues je puisse sans crime me contenter de faire réponse à trois... Autrefois vous ne m'aimiez pas moins sans doute, quoique vous ne m'écrivissiez jamais. Quatorze ans de silence n'avoient garde de passer pour un manquement et pour un oubli. C'étoit plutôt, disiez-vous alors, une preuve de la haute opinion que vous aviez de ma constance qui n'avoit pas besoin de ces devoirs qui entretiennent les amitiés vulgaires. Maintenant il vous plaît de m'aimer d'une autre sorte...» Nous donnons ici des extraits de la seconde et de la troisième lettre. La quatrième est à peu près sans intérêt pour nous.

[396] Œuvre de Voiture, t. Ier, p. 368.

[397] D'Avaux, né en 1595, avait cinquante-deux ans en 1647.

[398] Jean Adler Salvius, un des plénipotentiaires suédois; Jean Vulteius, un des envoyés du landgrave de Hesse-Cassel; Jacques Lampadius envoyé du duc de Lunebourg Grübenhagen. Voyez l'ouvrage du P. Bougeant dont nous parlerons plus bas.

[399] Très vraisemblablement l'Épître en vers au duc d'Enghien, dont nous avons cité le début plus haut, p. 140, et qu'on peut voir dans les Œuvre de Voiture, t. II, p. 190.

[400] Œuvre de Voiture, t. Ier, p. 371, etc.

[401] Voyez Mme de Sablé, chap. Ier, p. 50.

[402] Papiers de Conrart, in-4o t. X, p. 681.

[403] In-folio, Rotterdam, 1697. Voyez l'Introduction, p. 13.

[404] Villefore, 1re partie, p. 58.

[405] Le bonhomme Joly nous raconte sans malice que Saint-Ibar commandait l'un des yachts envoyés par le prince d'Orange. Voyage à Münster, etc., p. 270: «Le dernier jour de mars, nous nous mîmes sur le Rhin dans trois hyacques envoyées à nos princesses par M. le prince d'Orange, et conduite par monsieur de Saint-Tybal.» On disait indifféremment Saint-Tybal, ou Tibalt, ou Ibal, ou Ibar.

[406] Mme de Chevreuse, chap. V, p. 208.

[407] Voyez un Mémoire du 27 septembre 1647, par un agent espagnol, l'abbé de Mercy, sur les intrigues de Saint-Ibar en Hollande et au congrès de Münster, Mme de Chevreuse, Appendice, p. 422.

[408] Le Mémoire de l'abbé de Mercy exprime cet espoir, et montre au moins que la trame était habilement ourdie.

[409] En attendant Mme de Longueville pendant la Fronde, voyez La Société Française au XVIIe siècle, t. Ier, chap. Ier, p. 41.

[410] On en a trois très bons portraits in-fol. de Daret, de Rousselet et de M. Lasne de cette année 1647. Dans tous les trois, Armand de Bourbon a une figure assez fine, et il porte déjà les marques de quelque haute dignité ecclésiastique. M. Lasne l'entoure de tous les symboles de la science. Daret soutient son médaillon par de petits anges qui se jouent avec le chapeau du futur cardinal, charmante composition gravée sur les dessins de Lesueur, que Mme la Princesse se plaisait à employer. Dans Rousselet, la Renommée porte le médaillon du jeune prince; la Religion lui présente une mitre, la Guerre une armure, la Politique une couronne, la Philosophie le soleil de l'intelligence et le serpent mystérieux. C'était bien là l'image de la destinée incertaine du prince de Conti.

[411] Archives des affaires étrangères, France, t. CVII, le baron d'Auteuil à Chavigny, juillet 1644: «Je me suis rendu à cinq heures auprès de M. le cardinal. Il a été tout l'après-dîné aux Jésuites pour les thèses de M. le prince de Conty qui véritablement a fort bien répondu, et il y avoit grande assemblée de personnes de qualité.» Gazette, 1644, p. 651: «Le 3 août, le prince de Conty reçut le degré de maître ès arts dans la salle de cet archevêché, en présence du prince de Condé son père, et du coadjuteur de notre archevêque (Retz récemment nommé coadjuteur). L'action commença par un beau discours que fit ce jeune prince, dans lequel il témoigna l'estime qu'il faisoit de cette Université, et le désir qu'il avoit de la maintenir, à l'exemple des cardinaux de Bourbon, qui avoient été proviseurs de la Sorbonne, à savoir, Louis, cardinal de Bourbon, l'an 1517, Charles, cardinal du même nom, l'an 1575, et en outre Charles aussi cardinal de Bourbon et archevêque l'an 1594. Puis le Chancelier fit une harangue en laquelle il représente le bonheur qui arrivoit à l'Église et à ladite Université des études de ce prince; lequel ayant été ensuite interrogé par le Chancelier et par les examinateurs des quatre nations sur les plus belles questions de la philosophie, il y répondit si exactement que toute l'assistance en fut ravie. De sorte que ledit Chancelier ayant pris les voix des examinateurs et témoigné la satisfaction qu'il avoit de ses réponses, ce prince reçut la bénédiction apostolique et le bonnet.»—Gazette, 1646, p. 603: «Le prince de Conty ayant ci-devant donné des preuves des grands progrès qu'il a faits sous les pères Jésuites aux lettres humaines et en la philosophie, fit aussi voir le 10 de ce mois (de juillet) les fruits de son étude de deux ans en théologie qu'il continue encore à présent, ayant ce jour-là soutenu, dans la grande salle de Sorbonne, ses thèses de la Grace et de l'Eucharistie, en suite de deux autres qu'il soutint l'année passée au collége de Clermont, sur d'autres matières théologiques. Encore que vous ne conceviez d'un esprit si bien cultivé qu'une capacité digne du fils d'un si grand prince qu'est le prince de Condé qui voulut être présent à cette célèbre action à lui dédiée; néanmoins je vous puis dire sans flatterie que ce prince en sa dix-septième année surpassa tout ce qu'on en pouvoit attendre, et ravit en admiration son président, qui fut l'archevêque de Corinthe, coadjuteur de Paris, qui ouvrit très doctement la dispute, laquelle fut continuée de même par l'archevêque de Bourges, les évêques d'Utique et de Chartres, le fils du sieur de Chanvalon et autres, au grand contentement de toute l'assistance, composée, outre les susdits, des chefs du conseil et de plusieurs cours souveraines, de plus de quarante évêques et de grand nombre d'autres prélats, docteurs en théologie et personnes de mérite, qui tous prenoient part à la grande satisfaction que reçoit le prince de Condé de ses deux fils, l'un desquels se fait admirer dans les armes pour la défense de l'État, et l'autre dans les lettres pour le maintien de l'Église.»

[412] T. II, p. 17.

[413] Les Devoirs des grands, par monseigneur le prince de Conti, avec son testament, Paris, 1667.—Traité de la Comédie et des Spectacles selon la tradition de l'Église, 1667.—Mémoire de M. le prince de Conti touchant les obligations des gouverneurs de provinces et ceux servant à la conduite et direction de sa maison, 1667.—Lettres du prince de Conti, ou l'accord du libre arbitre avec la grâce de Jésus-Christ, Cologne, 1689.

[414] Il faut voir une description détaillée scène par scène de cet opéra dans la Gazette, 1647, no 27, sous ce titre: «La représentation naguères faite devant Leurs Majestés, dans le Palais-Royal, de la tragi-comédie d'Orphée en musique et vers italiens, avec les merveilleux changements de théâtre, les machines et autres inventions jusqu'à présent inconnues à la France.»—Ibid., no 51, p. 372: «Le 8 mai, la duchesse de Longueville ayant désiré à son retour de Münster d'entendre la belle tragi-comédie d'Orphée, et voir les merveilleux ornements de son théâtre, Leurs Majestés lui en firent donner le divertissement.»

[415] T. III, p. 14-20.

[416] Voyez le portrait qu'il a tracé de lui-même, et le charmant émail de Petitot, gravé par Choffart, en tête de l'édition des Maximes de 1778.

[417] Mémoires, collect. Petitot, t. LI, p. 353.

[418] Mme de Hautefort, chap. Ier.

[419] Mme de Chevreuse, chap. Ier.

[420] Voyez l'Appendice, notes sur le chap. IV.

[421] Mémoires, ibid., p. 363.

[422] Bibliothèque nationale, Collection Dupuy, vol. 915. Ce précieux manuscrit contient une lettre assez touchante de Marie de Gonzagues; elle devait bien ce souvenir à l'infortuné confident de son fol ami. Il est triste de voir que dans tous ces papiers il n'y a pas une seule ligne de celle à qui de Thou mourant écrivit une lettre si touchante, la princesse de Guymené.

[423] Mémoires, ibid., p. 378.

[424] Voyez Mme de Chevreuse, chap. III, p. 142, etc.

[425] Mme de Motteville, t. Ier, p. 136.

[426] IIe Carnet, p. 78: «Marsigliac y otros que me han prometido amistad, pesan en una balanza a onzas el modo con que deben venir con migo.»

[427] IVe Carnet, p. 61.

[428] Ibid., p. 80.

[429] Voyez-en quelques billets agréables, Mme de Sablé, Appendice, p. 409-411, et p. 484-493.

[430] Voyez (Montglat) l'Introduction.

[431] Napoléon avait vingt-six ans à son premier combat, celui de Montenotte, et trente à son dernier, celui de Marengo; Condé n'avait pas tout à fait vingt-deux ans à Rocroy et il en avait vingt-sept à Lens.

[432] Le général Bonaparte entra en Italie en 1796 avec 30,000 soldats présents sous les armes: il avait à peine 15 à 20,000 hommes à Montenotte, 20,000 à Castiglione, 13,000 seulement à Arcole, et 16,000 tout au plus à Rivoli. Il est vrai qu'à Marengo il avait 28,000 hommes; mais qui voudrait comparer, pour la conception et l'exécution, Marengo avec Arcole et Rivoli? Ce sont là les deux affaires les plus savantes et les plus hardies des campagnes d'Italie, les plus semblables à celles de Rocroy et de Fribourg.

[433] Le général Bonaparte est loin d'avoir eu affaire, en Italie, à des adversaires tels que Mercy, Guillaume et Montecuculli. Beaulieu, se croyant trop fort, à ce qu'il paraît, avait tellement dispersé ses troupes qu'à Montenotte il ne combattit qu'avec la moitié de son armée. Wurmser, à Castiglione, fit la même faute. D'Alvinzy leur était fort supérieur, et à Arcole et à Rivoli il ne céda qu'à la grandeur inattendue des manœuvres du général français. Melas se battit à merveille à Marengo, comme aussi le général Bonaparte, mais sans que ni l'un ni l'autre ait inventé aucune manœuvre remarquable, et cette bataille était perdue sans l'arrivée de Desaix, comme celle de Waterloo le fut parce que Grouchy n'était pas Desaix.

[434] Rien de plus noble que les dépêches de Condé annonçant ses différentes victoires. Il y parle très peu de lui et beaucoup des autres. Dans sa retraite de Chantilly, ses amis l'engageaient à écrire ses mémoires militaires; il s'y refusa, disant qu'il serait obligé de blâmer quelquefois des généraux estimables et de dire quelque bien de lui-même. Jamais personne n'a été moins charlatan. Ce qui nous gâte un peu les mémoires de Napoléon, est cette ardente et continuelle préoccupation de sa personne, qui partout ne voit que soi, rapporte tout à soi, n'avoue aucune faute, relève les moindres actions, ne loue guère que les hommes médiocres, rabaisse les mérites éminents, traite Moreau et Kléber comme il eût fait quelques-uns de ses maréchaux, et se dresse partout un piédestal. Mais il ne faut pas oublier que Napoléon écrivait dans l'exil et dans le malheur, et qu'il en était réduit à défendre sa gloire.

[435] Plus haut, chap. III, p. 215, dans l'Appendice la note sur la Bataille de Rocroy, surtout La Société Française, chap. IV. Bossuet, dans son admirable récit de la bataille de Rocroy, en a parfaitement peint la fin, la destruction de l'infanterie espagnole; mais il n'a pas même indiqué la manœuvre qui décida du sort de la journée. Combien n'est-il pas à regretter que Napoléon n'ait pas fait sur les campagnes de Condé le même travail que sur celles de Turenne et de Frédéric, et qu'après avoir incidemment jugé, avec la supériorité du maître, et dignement relevé la judicieuse audace qui remporta la bataille de Nortlingen, il n'ait pas même consacré un chapitre à l'examen de la bataille de Rocroy, qui commence la nouvelle école militaire!

[436] La manœuvre de Napoléon quittant Vérone pour aller tourner Caldiero, qu'il ne pouvait emporter de front, et surprendre Alvinzy sur ses derrières dans des marécages où la valeur pouvait compenser le petit nombre, a été beaucoup louée, et elle ne peut assez l'être. Tout y est, prudence et audace. Le général Bonaparte, se sachant perdu s'il ne passait le pont d'Arcole, y fit tuer ses meilleurs lieutenants et manqua de s'y faire tuer lui-même. Là, il fut doublement grand par le génie qui conçoit et par l'héroïsme qui exécute, et il se plaça d'abord au rang des Alexandre et des Condé.

[437] Mémoires, tome V, p. 20.

[438] Ce même Arnauld, le mestre de camp des carabiniers, dont nous avons tant de jolis vers dans le genre de ceux de Voiture, et dont Mme de Rambouillet regrette l'absence pour répondre à Godeau dans son style. Voyez plus haut, chap. II, p. 127, (note 173) et surtout La Société Française, t. II, chap. X.

[439] Qu'il nous soit permis de rappeler que Mercy, comme Fontaine, dont les Espagnols ont fait le comte de Fuentès, sont deux gentilshommes français, l'un lorrain, l'autre bourguignon.

[440] Voyez plus haut, à la fin du chapitre II, p. 195 et 196.—Veut-on avoir une idée de la modestie de Condé? qu'on lise cette lettre inédite où quelques jours après la victoire de Nortlingen il s'empresse de féliciter le duc d'Orléans de ses succès en Flandre, et lui parle à peine des siens. Bibliothèque nationale, armoire de Baluze, paquet I:

«Au camp de Nortlingue, ce 7 aoust 1645.

«Monseigneur,

«Si j'eusse plustot apris les heureux succès de vos armes en Flandre, et si le chemin eust été un peu plus libre, je n'aurois pas manqué de vous envoier tesmoigner la part que j'y prens. Elle est telle que le plus passionné de tous vos serviteurs y doit prendre; je vous supplie de n'en pas douter, et de croire que j'ai pour vous tout le respect que je dois. Le chevalier de Rivière vous rendra conte de ce qui s'est passé en ce pais, et vous assurera que je suis,

Monseigneur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Louis de Bourbon.

Il appelle la victoire de Nortlingen ce qui s'est passé en ce pais. Mais voici qui est plus grand encore. C'était, comme on vient de le voir, avec l'aile gauche commandée par Turenne et composée en grande partie de la cavalerie allemande, les fameux Weymariens, qu'il avait rétabli le combat et remporté la victoire. Sur le champ de bataille il rendit une éclatante justice aux troupes et au général, et déclara qu'on leur devait le gain de la journée. Nous n'avons pas trouvé au ministère de la guerre et nous ignorons où peut être la relation de l'affaire qu'il avait envoyée avec sa ponctualité accoutumée et dont il parle dans une dépêche à Le Tellier, du 7 août 1645. Cette dépêche est très remarquable en ce qu'elle expose en détail l'état et les besoins de l'armée sans faire la moindre allusion à lui-même, à ses blessures, à sa maladie. Elle est écrite par un secrétaire, mais en la signant, Condé ne put s'empêcher, malgré sa faiblesse, d'ajouter de sa main le suivant post-scriptum: «Je vous envoye le mémoire de ceux pour qui je souhaite les charges vacantes. Je vous prie de le montrer à M. le cardinal Mazarin. Vous m'obligerez en cela. Il faut satisfaire la cavalerie allemande. C'est elle qui a gaigné la bataille, et M. de Turenne a fait des choses incroyables.» Dépot de la guerre, Correspondance militaire, 1642 à 1646.

[441] Nous avons fait voir, chap. Ier, p. 73, avec quel soin, dans sa première jeunesse, Condé avait étudié la science de la fortification, et dans La Société Française, t. Ier, chap. III, nous avons raconté en détail le siége de Dunkerque. Les grands siéges de Condé firent dans le temps l'admiration et l'entretien des gens du métier. Depuis son retour en France, en 1660, il ne cessa d'être consulté sur tous les projets de fortification, et son nom ainsi que ses avis paraissent dans la correspondance officielle de la guerre, surtout en 1664, 1670 et 1673 jusqu'en 1675, où il se retira entièrement du service et laissa un des grands ingénieurs formés à son école, Vauban, agir seul. Fontenelle, dans l'éloge de Sauveur, dit que c'est dans ses fréquentes visites à Chantilly et dans les conversations de Condé que Sauveur prit l'idée de son traité de fortification.

[442] Voyez l'explication détaillée de cette manœuvre, Société Française, t. Ier, chap. IV.

[443] Après Lens, Condé fit comme après Nortlingen: il adressa à Mazarin une relation officielle de la bataille; puis écrivant au ministre de la guerre pour lui envoyer les drapeaux pris sur l'ennemi, quand on lui donna cette lettre à signer, il ajouta de sa main cette ligne: «Souvenez-vous des pauvres gendarmes; ils ont bien gaigné ce qu'on leur doit.» Dépôt de la guerre, Correspondance militaire, 1647-1648. Dans la relation, le secrétaire du Prince avait mis: nostre victoire. Condé effaça ce mot et le remplaça par celui de combat. Mémoires de Lenet, édit. Michaud, p. 499-515.

[444] Histoire des Guerres et des Négociations qui précédèrent le Traité de Westphalie, 3 vol. in-4o. A cet ouvrage il faut joindre les Négociations secrètes touchant la paix de Münster et d'Osnabruck, ou Recueil général des préliminaires, instructions, lettres, mémoires concernant ces négociations, depuis leur commencement jusqu'à leur conclusion en 1648, 2 vol. in-fol., La Haye, 1725.

[445] Dans le t. XXX des Mélanges de Clerambault, à la Bibliothèque nationale, se trouve un dépouillement bien fait de toute la correspondance du cabinet français et de l'ambassade. En voici quelques extraits:

Année 1645. 3 Juin, Mazarin à M. de Longueville encore à Paris, pour le presser de hâter son départ pour Münster. A peine arrivé, M. de Longueville écrit à Mazarin, le 2 juillet, pour lui dire qu'il a réconcilié d'Avaux et Servien. Dépêche de Brienne, du 19 août, sur la victoire de Nortlingen.

Année 1646. 22 Juin, Mazarin annonce à M. de Longueville le départ de Mme de Longueville pour Münster. 24 Juillet, M. de Longueville avertit Mazarin qu'il va au-devant de sa femme. Mazarin à d'Avaux, le 20 juillet, sur le voyage de Mme de Longueville. 23 Octobre, M. de Longueville remercie Mazarin de la promesse qu'il lui a faite de la charge de colonel général des Suisses.

Année 1647. 16 Janvier, Mazarin à M. de Longueville: le Roi lui envoie un gentilhomme, ainsi qu'à Mme de Longueville pour lui annoncer la mort de M. le Prince. 15 Mars, Mazarin mande à M. de Longueville qu'on ne peut lui donner la charge de colonel général des Suisses, mais qu'on lui donne en compensation le château de Caen. 22 Mars, Mazarin informe Servien de la «sollicitation de M. Esprit pour être de la maison de Monsieur.» 25 Mars, M. de Longueville à la Reine, sur la charge de colonel général des Suisses. Le même, à Mazarin sur le même sujet. Mécontentement de M. de Longueville; il demande un congé; on le lui accorde. 17 Mai. M. de Longueville remercie Mazarin du congé qu'il lui a procuré; il ne partira que quand il sera temps. 22 Juin, Mazarin se plaint à M. de Longueville de sa dernière lettre où il est taxé de ne pas vouloir la paix; il proteste du contraire, et montre son ressentiment de la manière dont les Espagnols ont agi. «La France vent la paix et la fera glorieuse.» 1er Juillet, M. de Longueville assure Son Éminence que sa lettre est entièrement éloignée de l'interprétation qu'il lui a donnée; qu'il n'est pas connu de lui, ce qui l'a obligé de souhaiter son retour en France. Le même jour d'Avaux écrit à Mazarin qu'il n'a eu aucune part à la lettre de M. de Longueville. 2 Juillet, Servien à Mazarin. L'accident arrivé à M. de Turenne (abandonné de son armée, composée de Weymariens et autres alliés allemands qui n'avaient pas voulu aller servir en Flandre), cause beaucoup de joye aux Hollandais. Cela et le prochain départ de M. de Longueville obligent de conclure avec les États. La Hollande pourrait conclure seule et même faire une ligue avec l'Espagne. 13 Juillet, Mazarin à M. de Longueville: Il est bien aise que l'intention de sa lettre ait été telle qu'il l'a dit; il ne souhaite au monde rien avec tant de passion que la paix, et voudrait que Pegnaranda (l'ambassadeur d'Espagne) partît de Münster pour lui donner cette occasion de faire un tour à Paris. Même jour, Mazarin témoigne à d'Avaux le plaisir qu'il a de s'éclaircir avec ses amis. Même jour, dépêche importante de Mazarin à Servien où il expose toute sa pensée: Traiter avec l'Allemagne, ou en obtenir au moins une trève dans les Pays-Bas. «Si on n'avoit rien à faire en Flandre et en Allemagne, on feroit avec facilité la guerre en Espagne et en Italie.» 22 Juillet, M. de Longueville à Mazarin: On ne peut satisfaire les Suédois sans leur donner des assurances positives de l'établissement du luthérianisme. Les protestants proposent de conclure sans la France. Le départ du comte de Trautmansdorf (ambassadeur impérial) lui donnant la liberté de s'en aller, il la prendra le plus tôt qu'il pourra. 29 Juillet, Mazarin prie M. de Longueville de différer son départ. 9 Août, Mazarin à M. de Longueville: Comme on doit se conduire avec les Suédois. On a arrêté et conduit à Nancy un gentilhomme de M. de Vandôme, qui portait des lettres à l'Archiduc. Les Espagnols sont très éloignés de la paix. Le roi d'Espagne fait changer la manière d'agir de l'Empereur. Trautmansdorf pourrait bien avoir conclu quelque chose d'avantageux pour la Suède aux dépens de la France. 19 Août, M. de Longueville à Mazarin: Les Napolitains ont chassé les Espagnols. Pegnaranda ne fera rien qu'à la fin de la campagne. Il prendra ce temps pour aller voir Son Éminence. 30 Août, Mazarin exprime à M. de Longueville quelque crainte sur le dessein de son voyage. Même jour, lettre confidentielle de Lyonne à Servien: Il le prie de découvrir les cabales que M. d'Avaux a faites contre Son Éminence. Ordre à M. de Turenne d'abolir le nom de Weymariens. Qu'on ne doit pas différer de conclure la paix pour l'absence de M. de Longueville. Que M. d'Avaux s'agite et cherche la protection de M. le Prince et de M. le duc d'Orléans. 6 Septembre, Mazarin à M. de Longueville: Bons effets que semble produire le retardement de son voyage. 16 Septembre, M. de Longueville se plaint du peu d'avancement des affaires; il recommande à Mazarin le maréchal de La Mothe (qui venait d'être arrêté). 7 Octobre, nouvelles sollicitations de M. de Longueville pour le maréchal de La Mothe. 15 Octobre, M. de Longueville à Mazarin: Il craint que les Hollandais n'achèvent leur traité sans la France. Les ennemis ont reçu avec une joie singulière la nouvelle de la mort de M. de Gassion (tué devant Lens). Le 18 Octobre, Mazarin fait part à M. de Longueville de la promotion de sept cardinaux, parmi lesquels est son frère le cardinal de Sainte-Cécile. 29 Octobre, M. de Longueville recommande son beau-frère le prince de Conti pour le siége de Trèves ou de Liége. 1er Novembre, Mazarin informe M. de Longueville que toutes leurs dépêches sont tombées entre les mains des Espagnols. 8 Novembre, Mazarin fait part à M. de Longueville d'une proposition de mariage de l'Empereur avec Mademoiselle (voir les Mémoires de Mademoiselle, et plus haut, chap. Ier, p. 104). 22 Décembre, Mazarin à M. de Longueville: Les Espagnols ne veulent pas la paix. Tâcher d'avoir une déclaration que si la paix ne se termine, c'est l'Espagne qui ne l'a pas voulu.

Année 1648. 6 Janvier, M. de Longueville à Mazarin: Il ne tient qu'aux Impériaux et aux Espagnols que la paix ne s'achève; tout le reste la veut. 17 Janvier, Mazarin fait part à M. de Longueville d'une proposition de mariage entre sa fille Mlle de Longueville et le duc de Mantoue. 28 Janvier, lettre confidentielle de Lyonne à Servien: On est mal satisfait de M. d'Avaux; on le rappellerait, s'il n'avait engagé M. de Longueville dans son opinion; tâcher de regagner M. de Longueville. 3 Février, M. de Longueville annonce son départ. 23 Février, arrivé à Trie, il écrit à Mazarin une lettre de compliments. 23 Mars, d'Avaux trouvé trop favorable à M. de Lorraine et trop empressé de faire la paix à tout prix, s'apprête à partir. 27 avril, Mazarin informe Servien qu'il est nommé ministre et chargé d'achever les négociations. Dans la correspondance du mois de juillet, il est souvent fait mention des troubles du parlement. Mazarin prie Servien de ménager quelque chose en Alsace pour M. de Turenne, afin de l'attacher. 14 Août, Servien expose à Mazarin les raisons pour ne pas presser le traité avec l'Espagne. 21 Août, dépêche de Mazarin: M. le Prince vient de gagner une bataille contre l'Archiduc. La France ne laisse pas pour cela de vouloir la paix. 4 Septembre, dépêche de Mazarin. Son intérêt et son inclination sont pour la paix. Si les Espagnols la veulent, ils la concluront aux conditions proposées, sinon il ne servirait de rien de se relâcher. 17 Septembre: Il invite Servien à presser la paix avec l'Allemagne à cause des troubles.

[446] Le P. Bougeant, t. III, p. 141, etc.

[447] Dans le précédent chapitre, p. 240.

[448] Le traité de Münster donna à la France la souveraineté des trois évêchés de Metz, Toul et Verdun, dont elle s'était emparée depuis longtemps; la souveraineté de l'Alsace tout entière, haute et basse, bien entendu sans la ville libre de Strasbourg, mais avec Brissac et Landau, et avec le droit de garnison dans la forteresse de Philipsbourg; enfin la souveraineté de Pignerol, qui nous ouvrait au besoin l'entrée de l'Italie.

[449] Condé gagna la bataille de Senef, en 1674, avec 45,000 hommes contre 65,000 commandés par Guillaume d'Orange. Si l'infanterie suisse n'eût pas refusé de se battre, il détruisait toute l'armée ennemie.

[450] L'état des finances en 1648 a été une des causes les plus puissantes et les plus directes de la Fronde. Il appartenait à Colbert de la signaler; et il l'a fait avec force dans un Mémoire sur les finances où, en attaquant la conduite du contrôleur général d'Emery, alors en possession de la confiance de Mazarin, il ne tient pas assez de compte des circonstances et des nécessités impérieuses sous lesquelles il plia lui-même dans les derniers temps de son ministère. «Le sieur d'Emery, dit-il, quoique d'ailleurs homme d'esprit et connoissant l'État, se servit plus qu'aucun autre de ses prédécesseurs des maximes pernicieuses sur lesquelles la conduite des finances étoit établie... En suivant ces mauvaises maximes il fit des traités pour le renouvellement des tailles; quelquefois il donnoit le quart de remise, et comme le paiement de ce qui revenoit au Roi, ces grandes remises déduites, ne se faisoit qu'en dix-huit mois, il donnoit quinze pour cent pour en faire l'avance. Il observa la même chose pour les fermes; en sorte que les revenus ordinaires étant diminués presque de la moitié, et sa complaisance ne lui permettant pas de s'opposer aux dépenses, il se trouvoit qu'en une année de dépense, il consommoit toujours la recette d'une année et demie, et ensuite les intérêts et les remises augmentant par le reculement, celle de deux années. Cet état, qui menaçoit une ruine entière en cinq on six années, l'obligeoit d'avoir recours aux affaires extraordinaires qui ne consistoient qu'en des aliénations des revenus ordinaires, des créations d'offices nouveaux, en augmentations d'impositions, des taxes, et en toutes autres affaires de cette qualité, pour lesquelles il falloit en toutes occasions avoir recours aux vérifications des compagnies souveraines. Les fortunes prodigieuses que les gens d'affaires faisoient par les grandes remises, intérêts et autres voies, et leurs dépenses immenses, aigrissoient les compagnies, aliénoient les esprits des peuples, et leur donnoient en toute occasion des mouvements de révolte et de sédition.» Mémoire autographe de Colbert, Bibliothèque nationale, supplément français, Ms. 3695.

[451] M. le comte de Saint-Aulaire, dans son Histoire de la Fronde, écrite en quelque sorte sous la dictée des deux beaux esprits du parti, Retz et La Rochefoucauld.

[452] La Société Française au XVIIe siècle, t. Ier, chap. V, p. 230.

[453] Sur les Importants, voyez plus haut, chap. III, p. 224, etc., Mme de Chevreuse, chap. III et IV, et Mme de Hautefort, chap. V.

[454] Voyez cette scène déplorable dans Retz lui-même, t. Ier, p. 247.

[455] Voyez là-dessus un curieux passage de Mme de Motteville, t. IV, p. 359, etc.

[456] Les prieures et les sous-prieures étaient en charge pour trois ans. Elles pouvaient être réélues, rarement plus d'une fois. La religieuse qui devenait prieure s'appelait Mère, et gardait ce titre après être sortie de charge.

[457] Sur la mère Madeleine de Saint-Joseph, Mlle de Fontaines, voyez ce que nous en avons dit chap. Ier, p. 86, et les documents que nous recueillons plus bas. (p. 392))

[458] Sur la mère Marie de Jésus, la marquise de Bréauté, voyez p. 88, et plus bas sa vie.

[459] Mlle Anne de Viole. Elle était fille de Nicolas de Viole, seigneur d'Osereux, conseiller au parlement de Paris, dont descendait le président de Viole, et son frère l'abbé de Viole, célèbres Frondeurs. Elle entra au couvent de la rue Saint-Jacques, en 1606, à vingt-deux ans: fut sous-prieure en 1614, puis prieure à Amiens, enfin à Saint-Denis, maison nouvelle qu'elle fonda avec sa sœur, Mme de La Grange-Trianon. Morte à Saint-Denis en 1630.

[460] On ne dit pas son nom de famille. Nous savons seulement qu'elle était de Tours, qu'elle entra aux Carmélites à l'âge de dix-huit ans, et y mourut en odeur de sainteté.

[461] Mlle de Bains était née en Picardie, au château de Bains, le 25 janvier 1598, et baptisée dans l'église de Notre-Dame de Boulogne, diocèse d'Amiens. Elle se nommait Marie, et garda ce nom au couvent; on y ajouta celui de Madeleine pour la distinguer de Mme de Bréauté. Voyez ce que nous en disons, p. 91, et sa vie plus bas.

[462] Mlle Du Thil. Elle était fille du président Du Thil. La lettre circulaire, composée par la mère Claire du Saint-Sacrement, ne nous fournit sur elle aucun détail historique. On y apprend seulement que Marie de la Passion garda un cancer au sein quatorze ans sans en parler. Morte à soixante-huit ans, dont quarante-huit en religion; elle était donc entrée au couvent à vingt ans.

[463] Sur la mère Agnès de Jésus Maria, Mlle de Bellefond, voyez ce que nous en disons p. 95, plus bas la circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement, et Mme de Sablé, chap. V, p. 253, etc. Voici quelques détails nouveaux que nous tirons d'une déposition juridique de la mère Agnès dans l'affaire de la béatification de la mère Madeleine de Saint-Joseph:

«J'ai nom Judith de Bellefons dite en religion sœur Agnès de Jésus-Maria. Je suis née à Caen, et âgée de près de quarante-quatre ans. Mon père s'appeloit Bernard de Bellefons, seigneur de la Haye, de l'Isle Marie, du Chef du Pont et du Guillin; ma mère avoit nom Jeanne aux Espaules, sa légitime épouse. Je suis religieuse professe du premier monastère des Carmélites de France dans lequel j'ai exercé la charge de prieure..... Je ne suis point née à Paris, ainsi que j'ai dit, mais j'y suis venue à l'âge de douze ans, et j'y ai toujours demeuré depuis, excepté quelques voyages que j'ai faits de plusieurs mois chacun en Normandie et en Bourbonnois. Dans la demeure que j'ai faite en cette ville, avant que d'être religieuse, j'ai en particulière connoissance du premier monastère des Carmélites, et y suis allée plusieurs fois..... J'ai commencé à connoître notre vénérable mère au commencement de l'année 1629 qu'elle me fit la grâce de me recevoir pour être religieuse en ce monastère où elle étoit prieure. Elle me donna l'habit de novice au mois de mars de cette même année, et me fit faire profession après l'an révolu de mon noviciat. J'ai eu la très grande bénédiction de demeurer avec elle jusqu'à sa sainte mort, qui arriva huit ans et demi après mon entrée, pendant lequel temps il ne s'est passé quasi pas un jour qu'elle ne me parlât..... Elle portoit les âmes avec grande suavité à la pratique de la vertu..... Il m'est arrivé plusieurs fois qu'en faisant des imperfections devant elle que je ne croyois point fautes, je les ai vues telles par sa présence, et me sembloit qu'elle étoit comme un flambeau qui éclaire au milieu des ténèbres et fait voir et connoître ce qui est. Je ne puis exprimer combien elle versoit une vertu solide dans les âmes et avec quel soin elle cherchoit de l'y établir, ne prisant non plus tout le reste, quand cela y manquoit, que de la poussière, quoique ce fussent choses élevées et apparemment belles. Entre autres je me souviens qu'elle avoit une très grande estime et affection pour la condition religieuse, et qu'elle nous en parloit souvent avec tant de lumière et d'élévation qu'elle nous en ravissoit de joie dans la vue que nous possédions cette heureuse condition. Pour moi j'en ai reçu un si grand contentement lorsque je l'entendois en parler, que je ne sais à quoi le comparer. Elle m'imprimoit en même temps un grand désir d'acquérir la perfection renfermée dans cet état si saint, et nous faisoit voir les grandeurs de la terre comme de la poussière, en sorte que je me souviens que quand quelque princesse entroit dans ce monastère et qu'on m'ordonnoit d'aller avec elle, j'en avois un si grand déplaisir que je cherchois toute voie pour m'en exempter..... Quoiqu'elle fût extrêmement douce et familière, on ne pouvoit abuser de sa bonté, car elle avoit une certaine majesté qui donnoit respect aussi bien que confiance, et faisoit que chacun n'osoit approcher d'elle qu'avec la vénération qu'on approche des choses saintes. Les plus grands mêmes se tenoient si au-dessous d'elle que j'ai vu Mlle de Bourbon lui parler à genoux, et la Reine étoit devant elle comme une religieuse eût été devant sa supérieure, ne s'osant pas même asseoir sans lui faire apporter un siége.»

[464] Mlle Du Vigean. Voyez son histoire, chap. II, p. 180, etc. Voyez aussi la note particulière que nous lui consacrons dans cet Appendice, notes du chap. II (p. 503).

[465] Mlle de Gourgues. Elle était petite-fille de Mme Seguier d'Autry, sœur Marie des Anges, et fille de M. de Gourgues, premier président au parlement de Bordeaux, et de Mlle Seguier, sœur du chancelier de ce nom. Restée orpheline à dix-neuf ans, elle entra aux Carmélites par le conseil du cardinal de Bérulle, qui était son cousin germain. Elle mourut à soixante-huit ans, en ayant passé quarante-huit en religion. Il y a sur elle une circulaire de la mère Agnès qui met surtout en lumière son zèle pour l'ordre.

[466] Mlle Chabot de Jarnac. Son nom dit assez sa noble naissance. Elle entra au couvent à dix-sept ans, y mourut prieure pour la troisième fois à soixante-dix ans d'âge, et cinquante-trois ans de religion. Voici sur elle un extrait de la circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement: «Son esprit naturel étoit grand et solide. La sagesse et la prudence faisoient son caractère propre. Dieu, joignant aux dons de la nature ceux de la grâce, lui donna une oraison très élevée et la conduisit par la voie de l'amour. Il l'unit si intimement à lui qu'elle conçut un dégoût extrême de toutes les choses de la terre, ne désirant plus que d'y être cachée et oubliée. Sa profonde humilité lui donnoit les plus bas sentiments d'elle-même, ne se croyant propre à rien..... Dieu lui avoit donné un tel éloignement des charges que sans la déférence qu'elle avoit pour la révérende mère Agnès de Jésus-Maria jamais elle n'en eût accepté aucune..... Les vertus qu'elle avoit pris tant de soin de cacher étant particulière ont paru avec éclat lorsqu'elle a été à la tête de la communauté, ayant eu une application extrême à en remplir les devoirs, surtout dans cette dernière charge, qui étoit pour la troisième fois. Mais nous n'avons pas joui longtemps de l'avantage de conserver un si grand bien.»

[467] Mlle de La Thuillerie. Extrait de la circulaire de la mère Marguerite Thérèse de Jésus sur Mlle de la Thuillerie: «... M. son père, qui étoit homme d'un grand mérite et qui a servi le Roi et l'État dans plusieurs ambassades considérable [467-a]; perdit Mme sa femme lorsqu'il étoit ambassadeur à Venise. Se voyant chargé de plusieurs enfants, il s'appliqua avec un soin particulier à l'éducation de notre chère défunte, afin de la mettre à la tête de la famille et de s'en reposer sur elle. Dès l'âge de douze ans, maîtresse d'elle-même, et possédant toute la confiance d'un père qui l'aimoit uniquement, considérée et aimée de tous ceux qui abordoient dans sa maison, menant une vie douce et tranquille, elle sentit son danger. Dieu par sa grâce puissante sut la soutenir et la préserver des écarts qu'elle rencontroit à chaque pas. Son esprit étoit grand et élevé, son jugement solide, sa compréhension vive, ses expressions belles et naturelles, ses manières toutes nobles, également capable des grandes et des petites affaires, ayant un cœur d'une générosité inépuisable. Toutes ces grandes qualités lui avoient attiré la tendresse et la confiance de M. son père qui la regardoit non-seulement comme sa fille, mais comme une personne en qui il trouvoit de très bons conseils. Elle l'aimoit aussi de toute la tendresse de son cœur. Mais elle rompit tous ces liens quand Dieu lui fit la grâce de l'appeler à la religion. M. son père combattit son dessein, il lui représenta sa vieillesse et ses infirmités; il lui dit qu'il n'avoit plus qu'un pas pour aller au tombeau, et qu'elle feroit ce qu'elle voudroit après sa mort. Elle nous dit plusieurs fois que c'étoit l'endroit de sa vie où elle avoit le plus combattu; mais elle sentit intérieurement qu'il falloit obéir à un autre père, et elle entra dans notre maison âgée de près de vingt-cinq ans. Au bout de six mois il mourut; elle porta cette affliction avec une soumission admirable aux ordres de Dieu. Elle demanda la permission d'être plusieurs années sans avoir aucun commerce avec le monde, même avec ses plus proches parents. Ce fut dans cette solitude qu'elle se remplit de Dieu...» Elle a été successivement portière, sacristine et infirmière, plusieurs fois dépositaire, puis sous-prieure, enfin, prieure fort souvent. Morte à soixante-dix huit ans et de religion cinquante-trois.

[467-a] Les Négociations secrètes touchant la paix de Münster et d'Osnabrug. La Haye, 1725, in-fol., disent au t. II, p. 202, que, pendant que M. de La Thuillerie était en Allemagne, il fut commis un attentat sur sa personne.

[468] Mlle Lebouts. Extrait de la circulaire de la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin, Mlle Langeron de Maulevrier, qui la remplaça comme prieure: «Elle avoit été élevée dans une célèbre abbaye où deux de mesdames ses sœurs ou de mesdames ses tantes et plusieurs autres de ses parentes, étoient religieuses. Messieurs ses parents la retirèrent du cloître pour l'établir dans le monde. Le penchant qu'elle sentit pour ce qui pouvoit la séduire lui en fit sentir le danger, et la détermina à se faire religieuse et à choisir un ordre austère. Un jour qu'elle entroit ici à la suite de la Reine, son cœur fut touché d'un mouvement si extraordinaire qu'il la détermina pour notre maison. Elle vint y demander place et y fut reçue avec joie. Messieurs ses parents firent tous leurs efforts pour la faire sortir, et ce ne fut pas sans beaucoup de peine qu'elle demeura victorieuse dans un combat où la tendresse maternelle mit tout en usage pour la vaincre... C'est la révérende mère Marie de la Passion (Mlle Du Thil) qui la forma à la vie intérieure. Elle découvrit dans cette âme tant de grâces et de si hautes dispositions pour la contemplation qu'elle dit en mourant à notre mère Agnès de Jésus-Maria, qu'elle ne connoissoit personne de plus propre pour lui succéder dans l'emploi de maîtresse des novices que la sœur Madeleine du Saint-Esprit, quoiquelle fût à peine elle-même sortie du noviciat... Elle fut élue prieure la première fois pour succéder à la mère Marie du Saint-Sacrement. Après le premier triennal, elle ne put refuser de reprendre le soin des novices dont elle s'étoit si dignement acquittée. Elle demeura dans cet emploi jusqu'à la mort de la révérende mère Marguerite Thérèse de Jésus qu'elle fut élue prieure de nouveau... Au mois de juillet dernier, elle voulut faire une retraite pour se disposer à la mort dont elle sentoit les approches. M. Hequet, notre médecin, la trouvant fort foible, lui dit: Ma mère, votre métier gâte le mien. Vous vous appliquez trop. Monsieur, lui répondit-elle, il y a plus de cinquante ans que toute ma joie est de m'occuper de Dieu; s'il falloit à présent travailler pour m'en distraire, cela me feroit beaucoup de peine... M. Vivant, notre très honoré père supérieur, étant venu lui donner la dernière bénédiction, la trouva dans une présence de Dieu si élevée qu'il sortit d'auprès d'elle dans l'admiration... Elle est morte âgée de soixante-quinze ans, et de religion cinquante-cinq. Elle a été trente-deux ans maîtresse des novices, et neuf ans prieure.»

[469] Mlle Du Merle de Blanc-Buisson. Extrait de sa circulaire: «Elle fut élevée dès l'âge de quatre ans auprès de sa grand'mère qui l'aimoit tendrement, et qui, désirant lui inspirer les sentiments de piété dont elle étoit remplie, se servoit de cette jeune enfant pour distribuer les aumônes abondantes qu'elle faisoit aux pauvres. La mort lui ayant enlevé cette pieuse mère, étant encore jeune, elle retourna auprès de Messieurs ses parents qui étoient fort distingués dans la province, et comme elle avoit toutes les qualités du corps et de l'esprit qui pouvoient la rendre agréable au monde, elle ne fut pas longtemps sans se laisser séduire à ses faux plaisirs. Mais Dieu qui l'avoit choisie de toute éternité pour faire éclater ses miséricordes, ne permit pas qu'elle goûtât les douceurs quelle s'étoit promises. Son cœur étoit continuellement déchiré de mille remords. A chaque divertissement qu'elle s'accordoit, elle entendoit une voix intérieure qui lui disoit: Si vous suivez ce chemin, vous ne serez point sauvée. Ne pouvant plus soutenir ce combat de la chair et de l'esprit, elle se résolut d'être religieuse... Plusieurs communautés désirèrent de l'attirer; mais, se défiant de son goût pour le monde, elle crut qu'elle devoit choisir ce qu'elle croyoit le plus austère pour s'en séparer entièrement. C'est ce qui la fit jeter les yeux sur notre maison. Elle y entra avec toute la violence que la nature peut faire souffrir à une personne jeune, d'un esprit vif et qui n'aimoit que le plaisir. La mère Agnès de Jésus-Maria, qui étoit prieure, connoissant les semences de grâce qui étoient cachées dans cette âme, prit un soin particulier de sa conduite. Cependant la jeune novice étoit toujours dans une situation remplie d'amertume; elle ne sentoit point encore cette pleine joie qui est le partage de ceux qui sont à Dieu sans réserve. La mère Agnès, que sa grande expérience rendoit si éclairée dans le gouvernement des âmes, lui fit faire une revue générale de toute sa vie qui, en l'humiliant sous la main de Dieu, lui fit comprendre la nécessité de faire pénitence, et la miséricorde infinie que Notre-Seigneur lui faisoit de la retirer de la corruption du siècle. Dès ce moment, elle embrassa toutes les pratiques de la vie religieuse avec les sentiments de la plus solide piété, ajoutant à la règle beaucoup d'austérités extraordinaires, croyant qu'il n'y avoit rien de trop dur pour elle, ce qu'elle a continué tant qu'elle a eu de la santé... Sa capacité parut dans l'office de dépositaire où elle succéda à notre très honorée sœur Anne Marie (Mlle d'Épernon qui n'a jamais rempli d'autre charge)... dans celui de sous-prieure... Tant de vertus réunies la firent choisir d'un consentement unanime pour remplacer notre révérende mère Marie du Saint-Sacrement. On ne peut exprimer la peine que l'on eut à la résoudre à se soumettre à l'ordre de Dieu en cette occasion; il ne s'est presque point passé de jour en sa vie qu'elle n'en répandît des larmes... Il fallut tout le pouvoir de l'obéissance pour la faire consentir à sa réélection, son éloignement des charges la tenant dans une violence continuelle, et la tendresse pleine de respect avec laquelle elle se voyoit aimée ne la consolant point de se voir privée de la dernière place qu'elle avoit toujours désirée pour son partage... Le pressentiment qu'elle avoit de sa mort n'étoit que trop bien fondé. Son agonie fut longue et douloureuse; mais une demi-heure avant que d'expirer elle parut ne plus souffrir, et passa dans une grande douceur, âgée de soixante ans et de religion quarante-un.»

[470] Mlle de Bailly. Extrait de sa circulaire: «..... Nos mères, qui connurent dès l'abord son grand mérite, lui donnèrent l'entrée avec joie. Elle étoit d'une famille distinguée dans sa province, possédant des biens considérables, ne se refusant aucune des commodités de la vie, étant maîtresse d'elle-même. Son esprit étoit solide, son âme noble, libérale et bienfaisante. Toutes ces qualités la rendoient aimable dans le commerce, et lui attiroient le cœur de ceux qui la connoissoient; elle faisoit beaucoup d'aumônes, étant très compatissante à la misère des pauvres. Dieu la touchoit de temps en temps pour lui faire quitter le monde, mais elle ne pouvoit s'y résoudre par l'amitié qu'elle avoit pour un frère unique, parfaitement honnête homme, dont elle étoit chèrement aimée. Elle a dit plusieurs fois que ce sacrifice lui avoit plus coûté que tout le reste. Mais enfin elle résolut d'entrer dans notre couvent, et pour lui cacher son dessein elle prit le temps qu'il étoit allé faire un voyage. A son retour il fit tout ce qu'il put pour l'engager de sortir, mais tous ses efforts furent inutiles: elle demeura fidèle à sa vocation... On la chargea des affaires de la maison en l'élisant première dépositaire; de cet emploi qu'elle avoit si bien exercé elle fut élue à celui de sous-prieure... et je ne croyois pas être sitôt privée d'un si grand secours.» Morte à cinquante-sept ans et vingt-cinq de religion.

[471] Mlle Langeron de Maulevrier. Elle était vraisemblablement de la famille des Maulevrier, qui est elle-même une branche de la vieille et illustre famille des Gouffier. Une Langeron a été gouvernante des enfants de Gaston, duc d'Orléans; voyez les Mémoires de Mademoiselle, t. V, p. 127, et Mme de Sévigné, t. IV, p. 104, et t. V, p. 114. Le marquis de Maulevrier était un des beaux et des élégants du XVIIe siècle; voyez notre chap. III, p. 237. Un autre Maulevrier, fils d'un frère de Colbert, avait épousé une fille du maréchal de Tessé, et mourut de douleur de n'être pas maréchal dans la promotion où Villeroi le devint, Saint-Simon, t. IV, p. 253. Voici un extrait de la lettre circulaire consacrée à la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin:

«Celle que nous pleurons avoit passé quarante-huit ans dans ce monastère; elle y avoit été maîtresse des novices, prieure et sous-prieure. Elle nous avoit presque toutes reçues; nous nous regardions comme ses filles; nous la respections et l'aimions comme notre mère, car elle n'avoit pas besoin d'art pour se rendre propre ce que notre mère Sainte-Thérèse recommande aux prieures, de se faire aimer pour être obéies. On n'avoit à craindre avec celle-ci que de s'y trop attacher; et peut-être Dieu dans sa miséricorde auroit-il exaucé les prières que nous avons faites pour sa conservation et les larmes que nous n'avons cessé de répandre dans sa dernière maladie, s'il n'eût été juste de punir ce qu'il y avoit peut-être de trop humain dans le vif et tendre attachement que nous avions pour elle et dont il étoit presque impossible de se défendre. Un extérieur des plus aimables, des manières pleines de candeur et de simplicité, et tout ensemble accompagnées de la politesse et de tout l'agrément que peuvent donner une naissance distinguée et la plus excellente éducation; une belle âme qui se marquoit en toute occasion par l'égalité de sa conduite, par la noblesse des sentiments, par des soins sans affectation, et par une tendre sollicitude qui ne se refusoit à rien et qui n'avoit jamais rien d'emprunté, en un mot un caractère accompli et qui sembloit avoir été fait pour être aimé, étoit celui de notre digne mère et s'étoit fait sentir en elle dès ses plus tendres années. Fille unique d'un premier lit, elle perdit Mme sa mère dès le berceau; et M. son père s'étant remarié, elle gagna si parfaitement les bonnes grâces de sa belle-mère, que celle-ci l'aima toujours et la regarda comme un de ses propres enfants, dont cette belle-fille à son tour se fit non-seulement aimer comme une sœur, mais regarder comme une véritable mère par les tendres sentiments de respect qu'elle sut leur inspirer et qu'ils ont toujours conservés pour elle. Trop capable de plaire au monde par les heureuses dispositions et par les avantages peu communs qu'elle avoit reçus de la nature, le monde cependant lui déplut parce qu'elle n'étoit de son côté que trop portée à l'aimer. Aussi n'a-t-elle jamais regardé ni les biens qu'elle avoit quittés, car elle étoit riche, ni les établissements auxquels elle avoit renoncé, comme un sacrifice dont elle dût retirer quelque gloire, mais comme des liens dangereux que le Dieu des miséricordes avoit brisés pour elle, l'obligeant par là à se donner tout entière à lui. Elle en avoit formé la résolution dès le vivant de M. son père, qui, l'aimant uniquement, en retarda l'exécution jusqu'après sa mort. Libre alors et n'ayant environ que vingt ans, elle ne pensoit plus qu'à se consacrer à Dieu dans le Carmel, lorsqu'elle trouva de nouveaux obstacles dans la tendresse de Mme sa belle-mère qui, chargée d'un grand nombre d'enfants, lui représenta qu'elle ne pouvoit, sans manquer aux sentiments de la nature et de la religion, lui refuser deux ans au moins pour être dans son veuvage sa consolation et son soutien. Ce terme expiré, rien ne put désormais la retenir: elle rompit tous les obstacles que Mme sa belle-mère ne cessoit de mettre à cette rude séparation, et, ce qui lui coûta le plus encore, comme elle nous l'a quelquefois avoué, elle s'arracha à la tendre amitié qui s'étoit formée entre elle et une sœur de Mme sa belle-mère. Sacrifiant tout pour obéir au mouvement de l'esprit qui l'appeloit au désert, elle entra à notre couvent de Lyon où elle fit son noviciat; mais parce qu'elle se trouvoit au milieu de sa famille, ne jugeant pas son sacrifice assez parfait, elle s'ouvrit à M. l'abbé de Maulevrier, son oncle, du désir qu'elle avoit de se retirer dans notre monastère. Il y consentit et s'offrit même à lui en fournir les moyens que son intime relation avec nos anciennes mères lui rendoit plus faciles qu'à tout autre. Arrivée à Paris, sans prendre aucune part à ce qui pouvoit y exciter sa curiosité, la postulante ne pensa qu'à s'ensevelir parmi nous et recommença son noviciat. La révérende mère Marie du Saint-Sacrement, si connue et si respectée, étoit alors prieure et reconnut bientôt l'excellence du sujet qu'elle avoit reçu. Cette digne prieure donna tous ses soins à former la novice dans l'exercice des vertus intérieures d'obéissance et d'humilité et dans toutes les pratiques de la régularité la plus exacte... Après sa profession, on ne tarda pas à lui donner le soin de conduire les postulantes et d'instruire les novices dans les pratiques et cérémonies extérieures sous les yeux de la révérende mère Madeleine du Saint-Esprit, cette maîtresse si renommée que nos anciennes mères avoient formée et que l'esprit intérieur dont elle étoit animée rendoit si recommandable. On s'empressa de faire passer sœur Anne Thérèse de Saint-Augustin par les différents emplois de la maison; et, parce qu'elle étoit d'un caractère propre à tout, elle remplit parfaitement tous ceux où l'obéissance l'appliqua. Chargée du noviciat aussitôt que la révérende mère Madeleine du Saint-Esprit l'eut quitté et qu'elle eut été élue prieure, elle lui succéda dans cette charge lorsque cette pieuse mère eut fini son temps. Ce fut alors qu'on vit éclater cette sagesse, cette prudence, cette discrétion et cette grandeur d'âme qui, dans toute sa conduite, faisoient sentir une supérieure accomplie. Respectée du dehors comme du dedans, et des personnes les plus éminentes, dont plusieurs l'honoroient de leur confiance et de leur amitié, elle sut toujours parfaitement accorder les agréments de l'esprit avec un éloignement absolu des manières du siècle. Marchant toujours en la présence de Dieu, l'annonçant à tous, appliquée à sanctifier son âme sous ses yeux, et à se rendre parfaite parce que notre Père céleste est parfait, elle étoit, comme les élus de Dieu, remplie de tendresse, de miséricorde, de patience et de modestie; exacte et sévère même par rapport à l'observance, mais d'ailleurs bonne, douce et bienfaisante, sensible et tendre aux maux du prochain, elle n'en connoissoit point qu'elle n'eût voulu soulager.» Décédée à soixante-treize ans après quarante ans de religion.

On conserve encore et nous avons vu au couvent de la rue d'Enfer un portrait peint de Mlle Langeron de Maulevrier, qui la représente avec une petite figure des plus agréables.

[472] Mlle Marie d'Hannivel était fille du grand audiencier de France. Elle était belle, instruite, et aima d'abord le monde; puis elle se convertit à vingt ans à l'occasion de la mort subite d'une de ses amies, par le ministère du fameux père capucin Ange de Joyeuse. Le duc de Villars la demanda en mariage pour son neveu. Elle refusa. M. de Bretigny, son cousin, et Mme Acarie l'engagèrent à entrer aux Carmélites; elle y reçut le nom de Marie de la Trinité. Elle fut fort utile au commencement de l'institution, parce qu'elle savait l'espagnol, et elle servit à accomplir le passage du Carmel espagnol au Carmel français. Elle eut pour amis saint Vincent de Paul et Mme de Chantal. Son principal caractère était l'humilité. Elle fut prieure à Pontoise et dans d'autres maisons, et mourut dans celle de Troyes.

[473] Mlle de Fontaines était la propre sœur de la mère Madeleine de Saint-Joseph. Elle entra au couvent un peu après sa sœur, à l'âge de vingt-trois ans et y mourut à l'âge de soixante et onze.

[474] Fille de M. le duc de Brissac.

[475] Elle était fille de Pierre Seguier, Ier du nom, président à mortier du Parlement de Paris, femme de Claude de Bérulle, conseiller au Parlement de Paris, et mère de Pierre de Bérulle, le cardinal. Après la mort de son mari, elle entra aux Carmélites à l'âge de cinquante-cinq ans, et devint la fille spirituelle de son fils. Elle fut assistée par lui à sa mort. La reine Marie de Médicis, suivie de plusieurs princesses et grandes dames de sa cour, assista à ses obsèques.

[476] Marguerite Acarie, la seconde fille de Mme Acarie. Elle devint prieure au couvent de la rue Chapon.

[477] On ne dit pas son nom de famille. Henri IV donna Gratienne à la reine Marie de Médicis pour sa première femme de chambre et une de ses filles d'honneur. Elle entra au couvent à près de soixante ans.

[478] La fille aînée de Mme Acarie.

[479] La troisième fille de Mme Acarie.

[480] Sur Mlle Nicolas, sœur Catherine de Jésus, voyez chap. I, p. 100 et la note 140.

[481] Mlle Deschamps, née en 1583 à Paris d'une famille bourgeoise; à huit ans est confiée à Mme Acarie, entre au couvent à seize ans, fait profession en 1610. D'abord maîtresse des novices, puis prieure à Dieppe. Le père Bourgoing de l'Oratoire la consultait sur ses ouvrages. Successivement prieure à Bordeaux, à Toulouse, à Riom, à Poitiers. Morte à Bordeaux à l'âge de soixante et onze ans, cinquante-cinq de religion.

[482] Elle était sœur du cardinal de La Rochefoucauld. Élevée à la cour de la reine Marie de Médicis, elle épousa M. de Chandenier, et, quoique sa vie fût irréprochable, elle aimait le monde et toutes les délicatesses de la vie. Devenue veuve quelques années après son mariage, la mort d'une de ses filles et les exhortations de Mme Acarie la convertirent; elle entra au couvent à l'âge de quarante-huit ans, et y décéda à soixante-quatorze ans, en ayant passé vingt-sept en religion.

[483] Mlle Le Bouthillier fit profession à vingt-six ans. «Dieu, dit sa circulaire, lui avoit donné un attrait particulier pour assister de ses prières les agonisants.»

[484] Cette religieuse d'une grande naissance, n'ayant fait que passer au couvent de la rue Saint-Jacques, n'y a point laissé de traces.

[485] Marie Tudert avait épousé Jean Seguier d'Autry, lieutenant civil au Parlement de Paris: elle était belle-sœur de Mme de Bérulle, et mère du chancelier Pierre Seguier, de Dominique Seguier, évêque de Meaux, de plusieurs filles, entre autres de Jeanne Seguier, Carmélite à Pontoise, sous le nom de Jeanne de Jésus, successivement prieure à Pontoise, à Gisors, à Saint-Denis, si respectée dans son ordre, dans sa famille, dans le monde, que son frère consultait, qu'Anne d'Autriche honorait beaucoup, et qui mourut à Pontoise en 1675, à quatre-vingts ans. Sa mère, dont il est ici question, Marie Tudert, Mme d'Autry, était fort belle, et Henri IV lui fit une cour aussi vive qu'inutile. Un jour, la voyant dans une église qui priait sans livre à la main, il lui envoya ses Heures couvertes de pierreries. Elle les refusa. Il vint chez elle; elle le reçut les mains sales, et lui demanda la permission d'aller les laver. Elle sortit et ne revint point. Veuve à vingt-neuf ans, elle resta dans le monde pour élever et établir ses enfants, mais en faisant vœu de chasteté perpétuelle et en se remettant sous la direction de son neveu de Bérulle. Elle entra aux Carmélites de Paris un an après que sa fille Jeanne était entrée aux Carmélites de Pontoise. Elle avait quarante-huit ans. Elle fut envoyée quelque temps au couvent de Bordeaux, fondé par une de ses filles qui avait épousé le président de Gourgues. Une de ses petites-filles entra aussi aux Carmélites de Paris. Marie de Jésus-Christ mourut à soixante et onze ans. On a conservé d'elle une belle lettre qu'elle écrivit à ses enfants avant de mourir.

[486] Entrée à vingt-quatre ans, morte à soixante. Fille de M. Poille, seigneur de Saint-Gratien, conseiller au Parlement de Paris, dont on a des Œuvres de Jacques Poille, sieur de Saint-Gratien, etc., Paris, 1621, 1 vol. in-8o.

[487] Nièce du pape Urbain VIII. En 1639, elle fut envoyée au couvent de Verdun, où elle mourut à l'âge de soixante et onze ans. Charles-François d'Anglure de Bourlemont et Louis d'Anglure de Bourlemont ont été, l'un archevêque de Toulouse, mort en 1669, et l'autre archevêque de Bordeaux, mort en 1697.

[488] Petite-fille du garde des sceaux de Marillac, reçue au couvent par un privilége unique à l'âge de treize ans, morte à vingt-sept.

[489] Elle s'appelait Marie, était fille de Raymond Phelypeaux, seigneur d'Herbault et de la Vrillière, secrétaire d'État, et resta veuve, à dix-neuf ans, de Henri de Neuville de Villeroy, comte de Bury. Elle était de la cour de Marie de Médicis, qui l'aimait beaucoup et fit bâtir pour elle un hermitage à la Vierge. Morte à cinquante-huit ans.

[490] Mlle de La Haye fit ses vœux au couvent de Tours, mais le cardinal de Bérulle la fit venir à la rue Saint-Jacques. Elle fut envoyée successivement pour gouverner cinq maisons de carmélites. Elle a eu la principale part dans l'affaire de la béatification de la mère Madeleine de Saint-Joseph.

[491] Fille du baron d'Anglure, premier gentilhomme de la chambre du duc de Lorraine.

[492] Fille du marquis de Lenoncourt.

[493] Prieure dans divers couvents de l'ordre, revint mourir au couvent de la rue Saint-Jacques.

[494] Autre petite-fille du garde des sceaux de Marillac.

[495] Mlle de Chateignier devait être riche ou belle ou de grande naissance si on en juge par ce début de la lettre circulaire écrite par la mère Agnès: «Notre-Seigneur l'avoit appelée à la religion d'une manière pressante, lui ayant fait quitter ce que le monde estime davantage et qui est le plus agréable aux sens, et résister avec force à la tendresse d'un père qui n'oublia rien pour la retirer de l'état qu'elle avoit choisi.» Était-elle de la famille des Chateignier de La Roche-Posay? Alors elle eût été parente de Mme de Saint-Loup, si fort aimée du duc de Candale, le frère de Mlle d'Épernon. Morte à soixante-sept ans, après quarante-trois passés en religion.

[496] Extrait de sa circulaire: «Elle fut appelée à notre saint ordre d'une manière peu commune. Sa famille qui l'aimoit tendrement l'avoit élevée pour le monde, pour lequel elle avoit beaucoup de goût, et le monde en avoit beaucoup pour elle. Mais Dieu, jaloux de son cœur, brisa tout à coup ses liens, et la toucha si vivement que, ne pouvant résister à cette grâce, elle entra en ce monastère, âgée de vingt ans, sans le consentement de M. son père, qui fit tout ce qu'il put pour la faire sortir. Elle demeura également ferme à ses caresses et à ses menaces.» Morte à quatre-vingt-trois ans.

[497] C'est la seule religieuse du grand couvent qui ait porté le nom de Louise de la Miséricorde avant Mlle de La Vallière.

[498] Voyez chap. II, p. 180, etc., et plus bas les notes du chap. II (p. 503) .

[499] Elle a été sous-prieure six ans, on ne sait à quelle époque précise.

[500] Voyez chap. I, p. 102, etc.

[501] Était-elle de la famille de Colbert? Entrée à dix-huit ans, morte à vingt-huit. «C'étoit, dit la circulaire, une âme de grande vertu et des plus silencieuses. Son attrait particulier étoit l'humanité sainte de Notre-Seigneur Jésus-Christ.»

[502] Elle avait été de la cour de Monsieur, Gaston, duc d'Orléans, et avait beaucoup d'esprit. Nous en possédons plusieurs lettres fort agréables adressées à la marquise d'Huxelles.

[503] Son père, M. de Liverdy, était doyen des conseillers de la grand'chambre du Parlement de Paris.

[504] Ce n'était pas moins qu'Émilie Éléonore, une des filles du duc de Bouillon, le frère aîné de Turenne, dont Émilie était la nièce. Elle était donc sœur du cardinal de Bouillon, du duc de Bouillon, grand chambellan de France, et des duchesses d'Elbeuf et de Bavière. Extrait de sa circulaire: «Sa vocation a été des plus fortes, ce qui a bien paru par toutes les circonstances qui l'ont accompagnée. Ses grandes qualités la rendoient aimable, et lui attachoient son illustre famille, qu'elle quitta dans un temps où elle connoissoit tous ses avantages, les sacrifiant à l'unique désir de son salut. Les paroles de l'Évangile furent le premier mobile de sa vocation, et l'ont soutenue dans tout le cours de sa vie. Elle trouvoit dans ce livre sa force et sa consolation, et c'étoit une de ses pratiques de ne point passer de jour sans en lire quelques chapitres. Elle fut heureuse d'y puiser la force qui lui étoit nécessaire pour accomplir son dessein, et vaincre les difficultés que l'autorité de messieurs ses parents y opposoit. Elle les quitta même sans leur dire adieu, ne pouvant autrement surmonter leur tendresse et la sienne. Elle embrassa dès son entrée la règle dans toute son étendue, y joignant même plusieurs autres austérités... Elle désira d'être employée aux offices les plus bas, comme de balayer les lieux les plus pénibles, porter le bois, laver la lessive, et autres choses de cette nature qui se pratiquent dans nos maisons... Elle tomba dans des infirmités qu'aucun remède ne put guérir, de sorte qu'on peut dire que sa vie n'a été qu'une souffrance perpétuelle portée avec le plus grand courage... Son affection pour nos maisons lui a fait obtenir bien des aumônes du Roi pour les secourir dans leurs besoins. Ce n'est qu'en tremblant que nous osons dire quelque chose de cette chère sœur, m'ayant demandé avec instance et fait demander par le révérend Père, général de l'Oratoire, son confesseur, de ne rien mettre que son âge et sa mort dans la circulaire, me priant même que je ne fisse pas connoître que j'en usois de la sorte à sa réquisition, afin que mon silence fît paroître à tout l'ordre qu'il n'y avoit rien de bon à en dire.» Morte à cinquante-sept ans, dont trente-sept en religion.

[505] Jacqueline d'Arpajon était la fille du duc d'Arpajon et de Gloriande, fille du marquis de Thémines, maréchal de France, belle-fille de cette belle Catherine Henriette d'Harcourt que son père épousa depuis, qui fut dame d'honneur de la dauphine, et dont il y a un très beau portrait à Versailles dans l'attique du nord. Extrait de la circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement: «Dès ses plus tendres années elle désira se consacrer à Dieu dans notre ordre, mais la tendresse qu'elle avoit pour Mme sa grand'mère (Jacqueline de Castelnau), qui l'avoit élevée, lui en fit différer l'exécution. M. son père, qui l'aimoit tendrement et qui vouloit l'établir selon sa qualité et les grands biens qu'il lui vouloit donner, la fit venir à Paris. Le séjour qu'elle y fit ne diminua pas ses premiers désirs; au contraire ils s'augmentèrent dans une grande maladie qu'elle eut où Dieu lui fit connoitre l'instabilité des choses humaines. Elle se détermina à suivre son appel. L'opposition que M. son père avoit à son dessein et la délicatesse de sa complexion étoient deux obstacles invincibles pour l'exécuter. Cependant elle témoigna tant de ferveur et de courage que nos mères ne purent résister à ses empressements, ce qui fit qu'on la reçut avant d'avoir le consentement de M. son père. Elle soutint avec fermeté tous les efforts qu'il fit pour la retirer du monastère, et elle demanda et prit l'habit le 7 juillet 1655.» Morte à soixante-dix ans, dont quarante en religion.

[506] C'est la sœur puînée d'Émilie Éléonore. Elle entra aux Carmélites à quinze ans. Elle s'appelait Hippolyte. Extrait de la circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement: «Quoique notre très honorée sœur Hippolyte eût été élevée après la mort de Mme sa mère dans un couvent d'une régularité parfaite, Dieu qui avoit des desseins sur cette âme à laquelle il avoit donné des désirs particuliers de pénitence, lui inspira celui de se consacrer à lui dans notre saint ordre. Quoique très jeune, la mère Marie Madeleine fut si touchée de sa ferveur et de la fermeté de sa résolution, jointe au respect qu'elle avoit pour son illustre maison, qu'elle ne lui put refuser l'entrée de la nôtre... Sa famille et ses tuteurs firent pendant son noviciat toutes les tentatives propres à éprouver sa vocation... Dieu l'avoit douée de beaucoup d'esprit, de pénétration et d'élévation; mais son humilité l'a toujours portée à rechercher les travaux les plus bas et les plus humiliants du monastère; elle demanda avec tant d'avidité de laver le linge et d'aider à la cuisine qu'on n'a pu lui refuser pendant plusieurs années cette consolation...» Morte âgée de soixante ans, et de religion quarante-cinq.

[507] Elle s'appelait Marguerite et était une des filles de François de Crussol, duc d'Usez, chevalier d'honneur de la reine Anne, mort en 1680, et de Marguerite d'Apchier. Son frère, Emmanuel de Crussol, épousa la fille de Montausier et de Julie d'Angennes. Voici l'extrait de sa circulaire par la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin: «La puissance de la grâce s'est manifestée dans sa vocation à notre saint ordre. Élevée auprès d'une de ses sœurs, religieuse à la Ville-l'Évêque (Anne-Louise), et lui étant plus unie par les liens de l'amitié que par ceux de la nature, elle ne pouvoit se résoudre à s'en séparer. Cependant la voix de Dieu qui l'appeloit ailleurs ne lui permettoit pas de jouir de la douceur qu'elle cherchoit dans une si tendre union. Un jour qu'elle se sentoit plus pressée d'obéir à Dieu, elle lui dit dans l'amertume de son âme: Seigneur, si c'est votre volonté que je sois carmélite, envoyez-moi une maladie afin que je puisse quitter ma sœur. Sa prière fut exaucée; elle tomba si dangereusement malade que ses parents furent obligés de la retirer du cloître. A peine fut-elle guérie qu'elle eut à livrer de nouveaux combats pour l'exécution de son dessein. M. son père et Mme sa mère, à la première proposition qu'elle leur en fit, lui représentèrent la délicatesse de sa complexion, la tendresse qu'ils avoient pour elle, et les grands établissements qu'ils lui préparoient. Mais celui qui l'avoit choisie pour son épouse la rendit victorieuse de toutes les tentations. La Reine mère, dont elle avoit l'honneur d'être filleule, lui avoit promis une abbaye si elle étoit jamais religieuse. Cette princesse ayant appris son entrée dans notre maison voulut la voir. Je vous avois promis de vous faire abbesse, lui dit la Reine avec amitié, pourquoi me mettez-vous hors d'état de tenir ma parole? Je ne souhaite rien, Madame, lui répondit ma sœur Anne des Anges, que d'être la dernière dans la maison de Dieu. Sa joie de se voir parmi nous fut si grande qu'elle ne pouvoit assez remercier Dieu de l'avoir retirée de la corruption du siècle. Nos mères ayant moins compté sur ses forces que sur son courage, la délicatesse de son tempérament ne fut point un obstacle à sa réception. Elles ne furent pas trompées dans leur préjugé sur sa ferveur. C'est ce qui l'a soutenue dans les longues infirmités qui pendant sa vie ont exercé sa patience...» Morte à soixante-quinze ans, et cinquante-cinq de religion.

[508] Il paraît qu'elle avait assez longtemps vécu dans le monde. Extrait de la circulaire de la mère Agnès: «Elle se donna à Dieu avec beaucoup de courage, quittant dans le siècle une grande famille dans laquelle elle étoit fort aimée et respectée, et sacrifiant à Dieu toute sa tendresse pour le servir plus parfaitement. Il seroit difficile d'exprimer avec quelle humilité elle a vécu dans ce monastère, et combien elle a été éloignée de ce que l'on craint des personnes qui ont passé plusieurs années dans le monde avec autorité... Elle avoit l'esprit de pauvreté en un très haut degré, ne trouvant jamais rien de trop vil ni de trop chétif pour son usage, étant bien aise de pouvoir par cette pratique réparer les superfluités où la vanité fait tomber les personnes qui tiennent rang dans le monde...» Morte à soixante-quinze ans, dont dix-sept de religion.

[509] Extrait de la circulaire de la mère Agnès: «Quoiqu'elle eût beaucoup d'avantages naturels, jamais elle ne parut les connoître, se tenant toujours au-dessous de toutes intérieurement et extérieurement.» Morte à trente ans, quatorze en religion.

[510] Nul détail, sinon que pour entrer aux Carmélites elle eut à vaincre les plus grands obstacles pendant quatre ans, qu'elle y entra à vingt-cinq ans et mourut un an après. Était-elle de la famille d'Aumont?

[511] Extrait de la circulaire de la mère Agnès: «Cette aimable enfant a passé son noviciat dans une ferveur angélique, pratiquant toutes les vertus avec autant de perfection qu'on en eût pu attendre d'une religieuse très avancée, surtout la douceur et l'humilité... Trois ou quatre jours après sa consécration à Dieu, elle a été saisie d'une fluxion de poitrine à laquelle tout remède a été inutile... elle est expirée à l'âge de vingt ans, dont elle a vécu vingt-deux mois parmi nous.»

[512] Certainement celle dont parle Mme de Sévigné, lettre du 5 janvier 1680: «Mme Stuart, belle et contente.» Qui était-elle? M. de Montmerqué n'en dit rien. Voici toute sa circulaire: «Cette très honorée sœur est décédée le 20 juin 1722 dans ce monastère où elle avoit fait profession le 30 mai 1680.» Une lettre de la célèbre Marguerite Périer, nièce de Pascal, nous apprend la naissance, le pays, les aventures et la conversion de Mlle Stuart. Voyez p. 379.

[513] Il s'agit ici de Mlle Marie Hippolyte de Béthune Charost, fille d'Armand de Béthune, marquis, puis duc de Béthune Charost, chevalier des ordres du Roi, capitaine des gardes du corps, et de Marie Fouquet, fille du surintendant. Elle était née en 1664, entra au couvent vers 1682, à dix-huit ans, et fit ses vœux en 1684. Elle avait pour frère aîné Armand de Béthune, deuxième du nom, duc de Charost, né en 1663, lieutenant général en 1702, capitaine des gardes en 1711 après la mort du maréchal de Bouflers, gouverneur de Louis XV, mort en 1747. Il épousa en 1680 Marie Thérèse de Melun, sa cousine germaine, fille du prince d'Espinoy, morte le 20 octobre 1689. Ces détails sont nécessaires pour comprendre l'extrait suivant de sa circulaire: «Cette honorée sœur quitta avec le plus grand courage M. son père et Mme sa mère, de qui elle étoit tendrement aimée. Ils s'opposèrent d'abord fortement à son dessein; mais aussi distingués par leur piété que par leur naissance, ils donnèrent enfin leur consentement. Il ne lui falloit pas une foi moins vive que la sienne pour la soutenir dans les commencements. Dieu la privant de la grâce qui l'avoit attirée, il ne lui resta qu'une opposition qui lui paroissoit invincible pour la manière de vie qu'elle avoit choisie. La mère Marie du Saint-Sacrement, sa proche parente, à qui son entrée avoit donné beaucoup de joie, ayant jugé par les grandes qualités qu'elle voyoit en elle que ce seroit un excellent sujet, la voyant dans un état si pénible, se crut obligée de la résoudre à sortir; mais elle répondit que convaincue que c'étoit la volonté de Dieu qu'elle se donnât toute à lui, cet état dût-il durer jusqu'à la mort elle s'y soumettoit sans balancer... Cette chère sœur reconnut que l'attachement qu'elle avoit pour Mme sa belle-sœur étoit la cause du trouble qui s'étoit répandu dans son esprit. La douleur qu'elle eut presque aussitôt de la voir mourir de la petite vérole, affermit encore sa vocation, ne pouvant se lasser de louer la bonté de Dieu à son égard: Que serois-je devenue, Seigneur, disoit-elle, si je vous avois quitté pour une créature mortelle que je perds avant que d'avoir consommé le sacrifice que vous demandez de moi! Dès ce moment, elle ne pensa plus qu'à se préparer à sa profession...» Morte à quarante-cinq ans, vingt-six de religion.

[514] Était-elle de la famille des Ségur? Extrait de sa circulaire: «Sa douceur, l'inclination naturelle qu'elle avoit à faire plaisir, son esprit vif et pénétrant, sa conversation aisée et agréable, et d'autres grandes qualités la rendoient extrêmement aimable... Les contradictions qu'elle eut à soutenir, la foiblesse de sa santé, la violence qu'elle eut à se faire pour embrasser une vie si contraire à ses inclinations, firent sur elle ce que l'attrait fait sur plusieurs. Plus elle se sentit de goût pour le monde, plus elle se crut indispensablement obligée de le quitter... Elle mourut âgée de cinquante-quatre ans et de trente-six de religion.» Elle s'était donc faite religieuse à dix-huit ans.

[515] Extrait de la circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement: «Dieu lui avoit donné un esprit naturel fort au-dessus du commun, lequel avoit été fort cultivé, dont jamais elle ne se prévalut, et qui l'auroit rendue capable de tout. Mais Dieu vouloit la sanctifier par d'autres voies. Peu de temps après sa profession, elle tomba dans de telles infirmités que l'on peut dire que le reste de sa vie s'est passé sur la croix.» Morte à trente ans, cinq de religion.

[516] Il ne paraît pas que Charlotte Fouquet fût de la famille du surintendant. La circulaire de la mère Marie du Saint-Sacrement ne nous apprend absolument rien sur elle.

[517] L'histoire de cette sœur est un vrai roman, et fort triste. Elle était de Hongrie, et fille d'un pacha. Mariée de bonne heure à un des principaux officiers de l'armée de Turquie, l'armée autrichienne vint assiéger la ville qu'elle habitait avec son mari. Celui-ci mourut pendant le siége. Les chrétiens prirent la ville d'assaut, et passèrent la garnison au fil de l'épée. La jeune veuve fut arrachée de sa maison par des soldats qui lui enlevèrent ses pierreries et ses habits, ne lui laissèrent que sa chemise, et en cet état la traînèrent par-dessus les corps morts pour la vendre ou la faire périr. Le prince de Commercy, de la maison de Lorraine, la tira de leurs mains, et la donna à M. le prince de Conti, qui chargea deux officiers de sa maison d'en prendre soin, et l'envoya à Paris, à sa femme. On la fit instruire par le père de Byzance, Turc de naissance, et devenu Père de l'Oratoire; on la baptisa, et quelque temps après elle entra aux Carmélites. Elle y mourut à l'âge de vingt-huit ans, dont neuf et demi en religion.

[518] Nièce de la mère Agnès. Élue très jeune sous-prieure (on ne dit pas en quelle année), puis prieure, morte à l'âge de soixante-trois ans, après quarante-trois ans de religion. Elle était donc entrée au couvent à vingt ans.

[519] Était-elle de la famille de Bouflers? Sa circulaire insignifiante ne laisse rien conjecturer à cet égard.

[520] Extrait de sa circulaire: «Après avoir quitté les grands avantages que sa naissance lui offroit, elle choisit ce monastère pour lieu de sa retraite où elle vouloit ensevelir les grandes miséricordes dont Dieu l'avoit comblée. S'il m'étoit permis d'en faire le détail, j'aurois de grands sujets d'édification à vous exposer; mais ses instances réitérées me forcent à demeurer dans le silence...» Morte à soixante-treize ans, et de religion quarante-sept.

[521] Marie Anne de La Tour d'Auvergne de Bouillon était la fille cadette de Frédéric Maurice de La Tour, deuxième du nom, fils du duc de Bouillon, comte d'Auvergne, lieutenant général et gouverneur du Limousin. Marie Anne était donc petite-nièce de Turenne, et nièce d'Émilie Éléonore et d'Hippolyte de Bouillon dont il a été question plus haut, p. 366.

[522] Extrait de sa circulaire: «Dieu l'avoit douée de toutes les qualités qui pouvoient l'attacher au monde et attacher le monde à elle, naissance, bien, esprit, agrément, douceur, politesse; aussi faisoit-elle les délices de sa famille. Mais la solidité de son esprit lui fit sentir le vide de ces avantages et en craindre le danger. Fidèle à la voix de l'esprit qui l'appeloit à la solitude, malgré les répugnances de la nature, elle préféra la qualité d'épouse d'un Dieu crucifié à tout ce que le monde lui offroit de plus flatteur. Elle demanda avec empressement une place à nos anciennes mères, qui, ravies d'offrir à Dieu une victime dont le monde se feroit seul honneur, la lui accordèrent avec joie... Son humilité lui faisant croire qu'on ne pouvoit dire du bien d'elle sans blesser la vérité, me force au silence par la prière qu'elle m'a faite en présence de la communauté de ne faire de lettre circulaire que pour demander les suffrages de l'ordre. Je respecterai ses intentions, etc...»

[523] Extrait de sa circulaire: «Sa première éducation fut confiée aux dames de l'Assomption où une de Mmes ses sœurs étoit déjà religieuse. Un extérieur aimable, un esprit capable de tout comprendre, et de juger sainement des choses, des manières pleines de candeur, de politesse et d'une noble simplicité, lui méritèrent l'estime et l'amour de ceux qui composoient cette sainte maison. Mme sa mère qui l'aimoit tendrement l'en retira et lui présenta pour la fixer près d'elle ce que le monde avoit de plus brillant... Cependant elle consentit qu'une de Mmes ses tantes, retirée aux dames Jacobines de la Croix, achevât une éducation si heureusement commencée. Ce fut dans ce saint asile que Mlle de Nointel conçut le généreux désir de sacrifier à Dieu le brillant avenir que paroissoient lui assurer dans le monde ses richesses et sa naissance. Quoiqu'elle eût plusieurs de ses sœurs religieuses ou pensionnaires aux dames de la Visitation du faubourg Saint-Germain, elle imposa silence à la chair et au sang, et fidèle à la voix de Dieu qui l'appeloit à notre saint ordre, elle joignit, pour lui obéir, au sacrifice des avantages considérables que le monde lui offroit, un sacrifice qui coûta peut-être plus à son cœur, son attachement pour sa famille, surtout pour Mme la comtesse de Madaillan, dont l'amitié tendre et généreuse l'a toujours pénétrée de la plus vive reconnoissance. Elle entra dans ce monastère âgée seulement de vingt et un ans...»

[524] L'histoire de cette religieuse semble intéressante; mais nous n'avons trouvé de renseignements sur sa famille ni dans Moréri ni ailleurs. Voici l'extrait de sa circulaire par la mère Anne Thérèse de Saint-Augustin: «Sa vocation fut l'effet de cette grâce victorieuse qui triomphe des cœurs les plus rebelles. Chérie d'une famille qui vouloit l'établir dans le siècle, elle se livroit à ce qu'il présente de plus séduisant, lorsque la Providence répandit de salutaires amertumes sur ce qu'elle croyoit devoir faire son bonheur. Elle ouvrit les yeux sur le néant des choses de la terre, et sensible aux attraits de la grâce qui la prévenoit avec tant d'amour, elle résolut de quitter le monde. Indécise sur le choix de sa retraite, et pour préparer sa famille à une séparation qui devoit lui coûter tant de larmes, elle se retira à leur insu dans le couvent des religieuses de Saint-Magloire. Mme sa mère fit tous ses efforts pour l'obliger d'en sortir; mais voyant sa fermeté dans le dessein de racheter les jours de sa vanité par la pénitence, elle s'en retourna outrée de douleur. Pour sa fille, elle commença le plan d'une nouvelle vie par une retraite de huit jours et une confession générale. Dieu l'éclaira d'une manière si sensible qu'elle résolut de chercher un genre de vie où elle pût être entièrement cachée au monde. Une dame de ses amies, dont la sœur étoit parmi nous, lui ayant parlé de notre maison, elle crut y trouver ce qu'elle désiroit si ardemment. Ne pouvant résister à ses prières, nous la reçûmes avec joie... Deux mois avant sa profession, elle fut éprouvée par une tentation si violente de sortir qu'elle y pensa succomber. Tout occupée de sa douleur, elle passa devant un oratoire dédié à la passion du Sauveur; elle y entra, et se prosternant contre terre, le visage baigné de larmes, elle demanda à Dieu le secours dont elle avoit besoin. Sa prière fut exaucée, elle sortit de cet oratoire, tranquille, pleine de joie, et plus résolue que jamais à se consacrer à Dieu... Dès qu'elle fut engagée par ses vœux, elle ne soupira plus que pour le ciel. Elle désiroit la mort avec ardeur. «Je vous avoue, nous disoit-elle, que j'appréhende ma foiblesse; je crains de pécher, et je voudrois voir mon Dieu.» C'est dans ces dispositions que l'époux est venu frapper à sa porte. Pendant sa maladie, elle ne parloit que de ses désirs de l'éternité. Ma sœur l'infirmière lui dit un jour en riant: «Vous êtes trop hardie dans votre confiance; il y en a plusieurs parmi nous qui ont peu connu le monde et qui tremblent à la vue des jugements de Dieu; et vous qui avez passé la plus grande partie de votre vie dans le plaisir, vous envisagez la mort sans crainte. Après tout ce que Dieu a fait pour moi, lui répondit-elle, je ne saurois entrer en défiance. S'il n'avoit pas voulu me faire miséricorde, m'auroit-il amenée ici?» Elle expira âgée de près de trente-cinq ans, et de cinq ans et demi de religion.»

[525] Du Vrai, du Beau et du Bien, 10e leçon, de l'Art français.

[526] Brice, 1re édition: «Toute la voûte est fort bien peinte en cartouches. Entre les cordons on y doit remarquer un crucifix accompagné de la sainte Vierge et de saint Jean qui sont dessinés avec tant d'industrie et d'artifice qu'il semble que les figures soient sur un plan droit, ce qui trompe fort agréablement ceux qui les regardent.»—Gérard des Argues, de Lyon, avait donné le trait pour la perspective de cette pièce si habilement exécutée par Champagne.

[527] Les deux bas-reliefs représentent: l'un, le Sacrifice de Noé au sortir de l'arche; l'autre, celui de la messe.

[528] Un des plus beaux tableaux du Guide, fait exprès pour la reine Marie de Médicis, qui en a fait cadeau au monastère.

[529] Ce sont probablement les six tableaux que Brice décrit ainsi dans l'édition de 1713: «De l'autre côté, à main droite, les six qui répondent à ceux dont on vient de parler (les six qui suivent dans l'inventaire) sont tous de Philippe de Champagne, lequel y travailloit en 1631 et en 1632. Le premier en entrant représente la Résurrection du Lazare; le second, la Circoncision de Notre-Seigneur; le troisième, l'Adoration des mages; le quatrième, l'Assomption de la Vierge; le cinquième, la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres; le dernier enfin est la Nativité de Notre-Seigneur avec les bergers dans l'étable. Ces pièces sont d'une grande perfection et satisfont beaucoup ceux qui aiment les ouvrages de peinture.» D'Argenville fait remarquer que trois de ces tableaux seulement sont de Champagne, à savoir: la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres, la Résurrection du Lazare et l'Assomption de la Vierge; et les autres d'après ce maître.—La Descente du Saint-Esprit sur les apôtres que Brice et d'Argenville ont vue tous deux aux Carmélites et qu'ils attribuent à Philippe de Champagne, est sans doute un des tableaux que Champagne s'était engagé de faire pour les Carmélites et qu'il désigne lui-même dans une lettre précieuse, vendue à Londres, en 1851, par M. Donnadieu, parmi beaucoup d'autres curiosités et objets d'arts. Voici les lignes de cette lettre citée dans le catalogue de cette vente: «Premièrement deux grands tableaux sur coutil où seront représentées, en l'un l'Ascension de Notre-Seigneur, en l'autre la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres. A la façade du chœur, au-dessus de la corniche, on peindra un Moïse et un Élie.» Plusieurs des tableaux ici mentionnés n'auront pas été achevés et livrés par Champagne; car ils ne se trouvent ni dans l'un ni dans l'autre des deux inventaires que nous publions.

[530] Gravé par J. B. Poilly.

[531] Gravé par Mariette.

[532] D'Argenville dit Champagne au lieu de Verdier: «La première chapelle auprès du chœur est celle de Sainte-Thérèse. Philippe de Champagne a représenté sur le mur, en face de l'autel, saint Joseph averti en songe de ne pas quitter sainte Vierge. Jean Baptiste de Champagne a exécuté l'histoire de ce saint sur les lambris de cette chapelle, d'après les dessins de son oncle.»

[533] D'Argenville: «Sur l'autel de la troisième chapelle, Lebrun a peint sainte Geneviève avec un ange. Sa vie est représentée sur les panneaux des lambris par Verdier, d'après les dessins de Lebrun.»

[534] Brice, 1re édition: «Dans la chapelle qui est dédiée à la Madeleine (la quatrième selon d'Argenville), il y a un excellent tableau de cette sainte, de M. Lebrun, un des plus beaux peut-être qu'il ait jamais faits. Cette sainte est représentée pleurant sous un rocher, qui arrache ses ornements de tête et ses parures, et qui les foule aux pieds; elle a les yeux baignés de pleurs, dont l'éclat de son teint paroît obscurci. Enfin, on ne peut s'imaginer une disposition plus touchante, et l'on a de la peine à ne pas avoir de la compassion en voyant cette pénitente.» Gravé par Gérard Edelinck.

[535] Brice paraît attribuer cette peinture à Lebrun lui-même.

[536] Brice, d'Argenville et les Curiosités de Paris s'arrêtent ici et n'indiquent que les tableaux placés dans l'église des Carmélites, l'intérieur du monastère étant fermé au public.

[537] Sur cette admirable statue de Sarasin, voyez l'ouvrage Du Vrai, du Beau et du Bien, 10e leçon. L'Oratoire avait élevé de son côté une statue à son premier et saint général. On la voit encore aujourd'hui à Juilly. Elle est de la main de Michel Anguier.

[538] Voyez chap. I, p. 108, dans la note 150. L'un de ces portraits est attribué à Mignard; l'autre, plus petit, est l'original ou une très bonne copie du charmant portrait de Beaubrun, gravé par Edelinck.

[539] Ibid., p. 94.

[540] Ibid., p. 89.

[541] Ibid., p. 88.

[542] Voyez chap. Ier, p. 96.

[543] Ibid., p. 101.

[544] Ibid., p. 353.

[545] Nous avons, chap. Ier, p. 84, indiqué diverses pièces trouvées aux Archives nationales, qui prouvent que Mme de Combalet, depuis la duchesse d'Aiguillon, avait été une des bienfaitrices du couvent de la rue Saint-Jacques et surtout de celui de la rue Chapon. C'est qu'elle avait eu sa propre sœur carmélite à ce dernier couvent. La preuve s'en trouve dans la lettre suivante, adressée en 1626 à Richelieu par la supérieure des Carmélites de la rue Chapon, Archives des affaires étrangères, France, t. XXXIX:

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