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Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (3/6)

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NOTES
ET
ÉCLAIRCISSEMENTS.
CHAPITRE PREMIER.

Page 4, lignes 7 et 8: En écriture du temps.

Dans le recueil manuscrit, en 6 vol. in-folio, que nous avons souvent cité dans nos deux premières parties, on trouve plusieurs des couplets du cantique attribués à Bussy, mais détachés et mêlés avec d'autres, et non sous la forme d'un seul noël. Il y a celui sur Deodatus, celui sur mademoiselle de Vandis, avec laquelle Bussy n'a pas cessé d'entretenir des relations amicales, ainsi qu'avec Mademoiselle, qui figure dans le même couplet et qui cependant écrivit à Bussy de sa propre main après la publication de l'édition de l'Histoire amoureuse de France, où ce cantique, attribué à Bussy, était inséré, le 12 septembre 1666. (Voyez Nouvelles Lettres de messire Roger de Rabutin, chez la veuve Delaulne, 1727, in-12, t. V, p. 2.)—Mais je n'en finirais pas si j'entrais dans le détail des preuves qui établissent, d'après le seul texte de ce cantique, que Bussy n'a pu en être l'auteur.

Page 4, ligne 12: L'éditeur de l'Histoire amoureuse de France.

L'Histoire amoureuse des Gaules n'était pas encore imprimée en mai 1664, mais elle l'était en mars ou avril 1665 (voyez les Mémoires de Bussy; Amsterdam, 1721, t. II, p. 212 et 213); d'où je présume que les deux éditions anonymes portant sur le titre Liége avaient paru au commencement de l'année 1665. Il est difficile de dire quelle est la première des deux; peut-être est-ce la moins bien imprimée, qui n'a pas la croix de Saint-André.—La troisième édition est nécessairement celle avec la date de 1666 et le nom Liége, que je cite seulement d'après Barbier; quant aux éditions de cet ouvrage, dont l'intitulé est l'Histoire amoureuse de France, celles que je connais portent les dates de 1666, 1671, 1677, 1708, 1709 et 1710. Il y (a) aussi dans les bibliothèques plusieurs copies manuscrites de cet ouvrage; et, en comparant la copie qui est à la Bibliothèque de l'Institut, j'ai vu qu'elle différait en plusieurs endroits des éditions imprimées. Je possède les trois éditions primitives de cet ouvrage de Bussy, portant pour titre Histoire amoureuse des Gaules, avec la rubrique de Liége sur le frontispice, les deux premières sans date: la première la plus belle, et avec les types d'Elzevier, avec une croix de Saint-André; la seconde sans croix ni aucune figure sur le titre; la troisième avec la date 1666 et une sphère sur le titre, qui porte Nouvelle édition. Toutes les trois ont la même clef, mais aucune ne contient le fameux cantique qui est dans l'édition de 1666, avec nom d'auteur et un autre titre; celle-ci a été la tige de toutes les éditions qui portent pour titre Histoire amoureuse de France.

Page 8, lignes 16 et 17: Quatre hommes à cheval, également armés.

J'ai cité Ménage en note, parce qu'il se vengea à sa manière du ridicule rôle que Bussy lui fit jouer dans son Histoire amoureuse des Gaules, et que l'épigramme qu'il composa contre lui prouve que l'on connaissait la colère de Condé et de Turenne contre Bussy, et que les insultes que l'on suppose avoir été faites par ce dernier au roi et à la reine mère n'entraient pour rien dans les causes de sa détention. Voici l'épigramme de Ménage contre Bussy, qu'on ne trouve que dans la 8e édition de ses Poésies; Amstelodami, 1687, p. 147, no CXXXVIII.

IN BUSSIADEN.

Francorum proceres, media (quis credat?) in aula

Bussiades scripto læserat horribili.

Pœna levis: Lodoix, nebulonem carcere claudens,

Detrahit indigno munus equestre duci.

Sic nebulo gladiis quos formidabat Iberis,

Quos meruit Francis fustibus eripitur.

Ménage cite aussi un couplet de Bussy contre Turenne qui peut nous donner une idée de ceux qui furent chantés à Roissy:

Son altesse de Turenne,

Soi-disant prince très-haut,

Ressent l'amoureuse peine

Pour l'infante Guénégaud;

Et cette grosse Clymène

Partage avec lui sa peine.

Ménagiana, t. IV, p. 216.

Dans le paragraphe précédent (p. 215) Ménage dit: «C'est un bel et bon esprit que M. Bussy de Rabutin; je ne puis m'empêcher de lui rendre cette justice, quoiqu'il ait tâché de me donner un vilain tour dans son Histoire des Gaules.» Certes Ménage ne se fût point exprimé ainsi s'il avait cru Bussy capable d'écrire contre le roi les couplets publiés sous son nom.

Page 9, ligne 22: Les blessures qu'elle lui fait sont incurables.

C'est certainement faute d'avoir lu, comme nous avons été obligé de le faire, tous les écrits de Bussy imprimés et un grand nombre de ceux qui sont restés manuscrits que des auteurs d'ailleurs studieux ont pu, sans faire attention à ses dénégations, croire Bussy l'auteur de tous les couplets du cantique. Si l'on venait m'apporter une histoire sans style, sans esprit, sans goût, sans jugement, sans critique, imprimée à Bruxelles et portant le nom de l'auteur de l'Histoire de France sous le ministère du cardinal Mazarin, je prononcerais aussitôt que c'est une piraterie de nos voisins, et que cette histoire n'est pas de l'élégant et spirituel écrivain auquel on l'attribue. Comment donc, lors même qu'il n'y aurait pas bien d'autres raisons, ne pas croire Bussy lorsqu'il n'a pas, lui si indiscret, écrit une seule ligne qui puisse le démentir; quand il déclare devant un juge, devant un lieutenant criminel, après avoir levé la main et prêté serment, qu'il n'est point auteur des couplets qu'on lui attribue; lorsqu'il offre sa tête à l'échafaud si on peut administrer la moindre preuve contraire à cette assertion? (Mémoires, 1721, t. III, p. 304.) Sa vanité, son libertinage, son orgueil si déplaisant doivent-ils empêcher, à son égard, la critique d'être juste? Je m'étonne surtout que, pour la seule raison que Bussy, dans une de ses lettres à sa cousine, parlait de ce cantique impie autrefois chanté dans le repas de Roissy, on n'ait pas compris que ce noël, ou alléluia, ne pouvait être composé de tous les immondes couplets qui sont insérés dans l'Histoire amoureuse de France, très-connue et très-souvent réimprimée, lorsque Bussy écrivit cette lettre. Il est probable que le cantique chanté à Roissy était encore plus impie que libertin. Il y en a un de ce genre dans le recueil de vaudevilles mss., où la sainte Vierge est chansonnée avec les beautés galantes de l'époque, mais avec esprit et sans aucun terme obscène. Je reconnaîtrais plus volontiers dans cette pièce le cantique chanté à Roissy que dans celui qu'on a inséré dans l'Histoire amoureuse de France: ce qui appuie cette opinion, c'est la manière dont Bussy parle du premier dans le passage de la lettre dont j'ai fait mention, et que je vais citer:

«J'ai mille choses à vous dire et à vous montrer; je vous dirai que je viens de faire une version du cantique de Pâques, O filii et filiæ; car je ne suis pas toujours profane. Vivonne, le comte de Guiche, Manicamp et moi fîmes autrefois des alléluia à Roissy, qui ne furent pas aussi approuvés que le seraient ceux-ci et qui nous firent chasser tous quatre. Je dois cette réparation, pour mes amis et pour moi, à Dieu et au monde.» Sévigné, Lettres (17 avril 1692), t. X, p. 436, édit. G.; t. IX, p. 498, édit M.

CHAPITRE II.

Page 41, note 3: Ballet royal des Muses.

Dans la troisième entrée du Ballet des Muses, avant de commencer la pièce de Mélicerte, composée par Molière pour ce ballet, un des personnages du ballet récita ces vers, que Benserade avait composés pour le grand comique:

Le célèbre Molière est dans un grand éclat;

Son mérite est connu de Paris jusqu'à Rome.

Il est avantageux partout d'être honnête homme;

Mais il est dangereux, avec lui, d'être un fat.

Benserade, Œuvres, t. II, p. 359.

Ces vers seraient plats et insignifiants si on donnait aux mots honnête homme le sens qu'on leur donne aujourd'hui. Mais alors cette expression était le plus souvent employée dans le sens d'homme élégant, d'homme aimable et aimant le plaisir, à manières distinguées et qui cherchait à plaire aux femmes et à les séduire. L'exagération de ce caractère produisait la fatuité; le fat était à l'honnête homme ce que les précieuses ridicules étaient aux véritables précieuses. La comédie s'attaquait aux défauts, mais elle épargnait les vices.

Page 43, ligne 12: Il créa, en 1665, la compagnie des Indes.

Colbert fut nommé président; le prévôt des marchands, le président de Thou et Berner, un des premiers commis de Colbert, directeurs. Les commerçants, véritables directeurs de cette compagnie, furent Pocquelin (était-il de la famille de Molière?), Langlois de Faye, de Varennes, Cadeau, Hérin, Bachelier, Jaback et Chanlate.—Forbonnais ne dit rien de cette création, qui est rappelée cependant par le président Hénault.

Page 44, ligne 23, note 1: Bussy, Lettres.

Nous apprenons par la lettre du P. Rapin à Bussy, en date du 24 juillet 1671 (t. III, p. 378), que le livre du P. Rapin qui fut envoyé par madame de Scudéry à Bussy, avec sa lettre du 5 juillet 1671, était les Réflexions sur l'éloquence. M. Daunou, dans son article Rapin (Biographie universelle, t. XXXVII, p. 94), dit que ces Réflexions sur l'éloquence sont de 1672 (in-12). Peut-être le livre n'était-il pas encore rendu public.—Rapin dit dans cette même lettre à Bussy: «Je dois faire imprimer un recueil de trois comparaisons des six premiers savants de l'antiquité, de Platon et d'Aristote, de Démosthène et de Cicéron, d'Homère et de Virgile, pour faire, dans un même volume, une philosophie, une rhétorique et une poétique historique; et, dans l'idée du livre qui me paraît le plus faible des trois, un rayon de votre esprit que vous laisserez écouler sur ce livre le recommandera et le corrigera (p. 379).» Ce projet a-t-il reçu son exécution? Je le crois; et je présume que c'est le recueil qui parut en 1684, en 2 vol. in-4o; et Amsterdam, 2 vol. in-12.

CHAPITRE III.

Page 53, ligne 16: Ils ont eu tort de supprimer de ces lettres les passages qui concernaient les envois de pièces de vers.

Ainsi la lettre de Bussy à sa cousine, du 1er mai 1672, se termine par ces mots, qui ne se trouvent dans aucune édition des lettres de Sévigné:

«Je me suis amusé à traduire les épîtres d'Ovide; je vous envoie celle de Pâris à Hélène. Qu'en dites-vous?»

Madame de Sévigné n'en dit rien dans sa réponse (lettre du 16 mai 1672, t. III, p. 18-23, édit. de G. de S.-G.—Bussy, Lettres, p. 94 à 98. A la page 94 il faut lire, de madame S..., au lieu de madame B..., qui est une faute d'impression); elle dit seulement: «Je vous laisse à votre ami;» elle ne veut pas flatter ni courroucer ce poëte vaniteux, et elle charge Corbinelli, qui écrit dans sa lettre, de mentir pour elle. La louange que Corbinelli donne à Bussy paraîtrait aujourd'hui une dérision, et cependant je crois qu'elle était sincère.—Les deux pièces de vers de Bussy, quoique annoncées comme des traductions d'Ovide, ne sont ni des traductions ni même des imitations; ce sont des paraphrases de deux héroïdes d'Ovide, où les pensées de cet ancien sont travesties en ce style facile, cavalier et presque burlesque si fort à la mode alors, et qui semblait caractériser ce qu'on appelait la poésie galante. Considérées sous ce point de vue, ces deux pièces de vers de Bussy, qui sont fort longues, ne paraissent pas aussi mauvaises qu'elles le sont en effet. On n'y trouve aucune trace de l'antiquité: images, tournures, comparaisons, tout est à la française; et sans doute l'auteur se félicitait de cela comme d'un grand mérite.

Pâris, dans sa lettre à Hélène, lui dit, dans Ovide:

Interea, credo, versis ad prospera fatis,

Regius agnoscor per rata signa puer.

Læta domus, nato post tempora longa recepto;

Addit et ad festos hunc quoque Troja diem.

Utque ego te cupio, sic me cupiere puellæ.

Voici comme Bussy traduit ces vers:

Cependant le Destin, peut-être

Las de me faire tant de mal,

Me fait à la fin reconnaître

Enfant royal.

Pour dire la métamorphose

De tristesse en plaisir que cause mon retour

A la ville comme à la cour,

Il faudrait plus d'un jour,

A ne faire autre chose.

J'avais tout le monde charmé;

Et comme à présent je vous aime,

En ce temps-là j'étais aimé

Des princesses, des nymphes même.

Voilà ce que Corbinelli appelle embellir Ovide!

Page 55, ligne 3: Madame de Montmorency, etc.

L'auteur de la notice sur madame de Montmorency insérée dans l'édition des Lettres citée en note, p. XXVI, présume que cette dame était la mère du maréchal de Luxembourg. Cela n'est pas. La mère du maréchal de Luxembourg était Élisabeth, fille de Jean de Vienne, président de la chambre des comptes. Elle avait épousé Bouteville, cet ami du baron de Chantal, père de madame de Sévigné, qui, ainsi que nous l'avons dit (t. I, p. 5), eut la tête tranchée pour cause de duel. Sa veuve, après soixante-neuf ans de viduité, mourut en 1696, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. (Voyez Saint-Simon, Mémoires, t. I, p. 143 à 149.) Je crois qu'Isabelle de Palaiseau, qui correspondait avec Bussy et qui est un peu compromise par cette correspondance et par l'inscription de son portrait, était la femme de Montmorency-Laval.

Page 58, ligne 17: Madame de Scudéry..... on la confond avec la sœur de Scudéry.

Il est dit, dans le Carpenteriana, p. 383, que le continuateur de Moréri, en anglais, depuis 1688 jusqu'en 1705, a commis cette faute. M. Rœderer avait aussi fait cette confusion dans son Essai sur la société polie. Nous l'en avertîmes lorsqu'il nous lut, avant l'impression, cet écrit spirituel, mais peu exact. Il a effacé ce qu'il avait dit des prétendues lettres «de mademoiselle de Scudéry, la sœur de Scudéry, à Bussy-Rabutin.» Cependant il a encore laissé des traces de cette méprise, comme lorsqu'il dit, p. 169, chap. XIV, que le bon duc de Saint-Aignan se montrait très-assidu aux cercles de mademoiselle de Scudéry.—Charpentier dit: «Scudéry s'est marié avec une demoiselle de basse Normandie, nommée mademoiselle Martinvas, qui n'écrit pas moins bien que mademoiselle Scudéry.»

CHAPITRE V.

Page 89, lignes 13 et 17: «Elle eut lieu dans le château et les jardins de Versailles, qui, quoique non encore achevés, surpassaient déjà en magnificence toutes les demeures royales.»

J'ai, dans les notes de la deuxième partie (p. 506), fait observer de quelle manière les auteurs les plus sérieux et les plus renommés, qui subissaient l'influence des idées et des mouvements révolutionnaires de 1789, écrivaient l'histoire.

Mirabeau évaluait à douze cents millions les dépenses de Louis XIV pour Versailles; Volney, à quatre milliards, (Leçons d'histoire prononcées en l'an III, 1799, in-8o, p. 141.)

Les vérifications des états originaux de toutes les dépenses de constructions, d'embellissement, d'entretien, depuis 1661 jusqu'en 1689, pendant près de vingt ans qu'elles ont duré, ont constaté que la totalité de ces dépenses a été, au cours du temps, de 116,257,330{lt} 2s 7d, correspondant à 280,643,326 fr. 32 c. (Voyez Eckard, Dépenses effectives de Louis XIV en bâtiments; 1838, in-8o, p. 44.—Id., États au vrai de toutes les sommes employées par Louis XIV, p. 38.) Il faut ajouter à la somme ci-dessus 3,260,341{lt} 19s, pour les dépenses de la chapelle, depuis 1690 jusqu'en 1719. (Conférez encore Eckard, Recherches historiques et biographiques sur Versailles, p. 142 à 152.)—Id., A. Jules Taschereau, au sujet des dépenses de Louis XIV, 1836, in-8o.—Guillaumot, Observations sur le tort que font à l'architecture les déclamations hasardées et exagérées contre la dépense qu'occasionne la construction des monuments publics; Paris, an IX (1801). Guillaumot n'estimait cette dépense, d'après les états, qu'à 83 millions, cours d'alors; 165 millions, cours actuel.—Volney exagérait de même la dépense des monuments construits de son temps; ainsi il avançait que le Panthéon avait coûté 30 millions, et il avait coûté au plus 12 millions.—(Voyez Peignot, Dépenses de Louis XIV; 1827, in-8o, p. 167 et 173.)

Au reste, il paraît que, pour pouvoir apprécier au juste la dépense réelle de Versailles dans toute la durée du règne de Louis XIV en valeurs du jour, il faudrait consulter les archives de la Liste civile, où l'on peut puiser les matériaux nécessaires pour obtenir le chiffre total de toutes ces dépenses, et le combiner avec le prix moyen des journées de travail, celui des denrées, les salaires des artistes, etc. M. Eckard se plaint, dans un de ses écrits, qu'on lui ait refusé la faculté de compulser, dans les archives de l'administration de la Liste civile, les pièces relatives aux dépenses de Versailles sous Louis XIV. Je suis informé que des calculs ont été faits dans cette administration pour évaluer le montant de ces dépenses. Mon opinion est que, quels que soient les efforts que l'on fasse pour accroître le chiffre de ces dépenses, si l'on opère avec sincérité, il n'excédera pas, et probablement n'atteindra pas, 400 millions de notre monnaie actuelle, dans toute la durée du règne de Louis XIV.

CHAPITRE VI

Page 108, ligne 1 et 2: Je la mettrais volontiers dans mon Dictionnaire.

Bayle ajoute à cet endroit de sa lettre: «Elle sera sans doute dans le Moréri de Paris, et madame Deshoulières aussi;» et Prosper Marchand, éditeur des œuvres de Bayle, a mis en note (p. 653, note 16): «Elles ne sont ni l'une ni l'autre dans le Moréri de Hollande ni dans la dernière édition du Dictionnaire de Bayle, 1702.»

Les premiers renseignements sur madame de Sévigné furent donnés par M. de Bussy (qui n'est pas le comte de Bussy de Rabutin), dans la préface du recueil des Lettres de madame de Sévigné à sa fille, publié en 1726, sans nom de lieu, 2 vol. in-12; et dans l'édition de la Haye, chez P. Gosse et Jean Néaulme, 2 vol. in-12, donnée en 1726, simultanément avec l'autre, et dont l'éditeur, d'après une note de mon exemplaire, était un nommé Gendebien. Le chevalier Perrin donna enfin une notice plus détaillée dans l'édition de 1734, notice qui fut considérablement augmentée dans l'édition de 1754. C'est avec ces matériaux que Chauffepié, dans son Nouveau Dictionnaire historique et critique, pour servir de supplément ou de continuation, in-folio, 1756, à celui de Bayle, réalisa le vœu que Bayle avait formé, et composa un article Sévigné, qu'il inséra dans son Dictionnaire, t. IV, p. 245-258. Cet article est à la manière de Bayle, c'est-à-dire que le texte est accompagné de très-longues notes qui l'éclaircissent, le développent ou le complètent; de sorte que ce texte n'est autre chose que des sommaires de chapitres qui se composent des notes qui leur correspondent. Cette manière est fatigante pour les lecteurs, surtout pour les lecteurs paresseux; mais il faut convenir qu'elle est très-favorable à l'instruction; et, s'il faut dire toute notre pensée, malgré les notices, les volumes même que l'on a composés sur madame de Sévigné depuis Chauffepié, son article Sévigné, si peu vanté, si peu lu peut-être, était encore ce qu'on avait écrit de plus propre à la faire bien connaître; et cela parce que cet honnête compilateur a compris que, pour faire un bon article sur madame de Sévigné selon le plan de Bayle, il fallait joindre de longs et judicieux extraits de ses lettres aux faits que l'on pourrait puiser ailleurs que dans sa correspondance.

CHAPITRE VIII.

Page 126, lignes 26 et 28: Lorsque madame de Sévigné recevait quittance de deux cent mille livres tournois, etc.

Le propos de mauvais ton et de mauvais goût qu'on prête à madame de Sévigné au sujet de cette somme payée à compte sur la dot de sa fille est un conte absurde, qui n'est appuyé sur aucun témoignage valable et qui, inséré longtemps après sa mort dans un mauvais recueil d'ana, a été répété par tous ceux qui, en écrivant sur la vie de personnages célèbres, se croient obligés de n'omettre aucune des sottises qui ont été débitées sur leur compte. M. de Saint-Surin, qui a rapporté cette anecdote dans sa notice (t. I, p. 86 de l'édit. des Lettres de Sévigné, par Monmerqué), ne cite pas d'autre autorité que l'Histoire littéraire des dames françaises.

Page 133, ligne 1: Du duc de Retz, grand-oncle.

La procuration dressée à Machecoul, transcrite dans l'acte, par le duché de Rais et duc de Rais. Dans l'acte dressé à Paris, il est toujours écrit Retz.

Page 135, ligne 4: Marie d'Hautefort, veuve de François de Schomberg.

Dans sa note sur la lettre de madame de Sévigné, du 5 janvier 1674, un commentateur a dit (édit. de G. de S.-G., t. III, p. 294) que madame de Schomberg était la mère du maréchal, alors vivant: il y a deux erreurs dans ce peu de mots. Madame de Schomberg, dont parle madame de Sévigné, était la femme et non la mère du maréchal; et le maréchal avait alors cessé de vivre depuis plusieurs années.

Page 135, ligne 16: Olivier Lefèvre d'Ormesson, seigneur d'Amboille.

Ce nom d'Amboille ou Amboile a occasionné de fortes méprises de la part de nos rédacteurs de dictionnaires géographiques de la France, et sur nos cartes. Amboille est un hameau près de Paris, entre Chenevière et Noiseau, par delà le parc ou bois de Saint-Maur. Amboille, vers le milieu du XVIIIe siècle, en 1745, ne contenait que trente-huit feux, et formait cependant une paroisse distincte de celle de Noiseau, qui, sur le coteau opposé, n'en est séparée que par un ruisseau. Il est souvent fait mention d'Amboile sous le nom d'Amboella, dans les titres du XIIe siècle; mais l'héritier d'Olivier Lefèvre d'Ormesson ayant réuni à la terre d'Amboile celle de Noiseau et de la Queue, on laissa le nom d'Amboile au lieu où se trouvait le château d'Ormesson, et l'on attribua le nom d'Ormesson à Noiseau. (Voyez la carte des environs de Paris, de dom Coutance, no 11.) C'était une erreur: la carte de France dressée récemment par l'administration de la guerre (no 48, Paris) a fait disparaître le nom d'Amboile et inscrit en place Ormesson, et n'a rien ajouté au nom de Noiseau. Amboile se trouve encore sur la carte de Cassini (no 1, Paris), ainsi que Noiseau, tous deux sans le nom d'Ormesson; mais, dans le Dictionnaire universel de la France, de Prudhomme, il n'en est pas même fait mention. Sous le nom d'Ormesson, le compilateur a confondu l'Ormesson de la paroisse d'Amboile avec le lieu du même nom qui se trouve près de Nemours.—Valois a aussi omis Amboile, Amboella, dans sa notice du diocèse de Paris. Hurtaut, dans son Dictionnaire historique de la ville de Paris, t. I, p. 244, dit que c'est un village situé près de Villeneuve-Saint-George, et il en est éloigné de près de douze kilomètres. Ainsi le nom de ce lieu, important pour l'intelligence des écrits du XIIe et du XIIIe siècle, deviendrait, si on n'y mettait ordre, un desiderata en géographie. Cependant la famille d'Ormesson est encore, au moment où j'écris, propriétaire de la seigneurie d'Amboile, et y réside. Il y a une église à Amboile ou Ormesson, mais elle est moderne. Le château est curieux; il fut, dit-on, construit par Henri IV pour une demoiselle de Centeny ou Santeny, dont il était amoureux; son portrait y est encore comme en 1758, au temps de l'abbé le Boef, qui rapporte cette tradition, souvent reproduite depuis, sans qu'on ait encore découvert rien qui la justifie. (Conférez le Boef, Histoire du diocèse de Paris, t. XIV, p. 38 à 385.)

Page 136, ligne 4: Épouse du marquis de la Fayette; et en note, ligne 26: Delort, Voyage aux environs de Paris, t. I, p. 217 à 224.

La huitième des Lettres de madame de la Fayette, publiée par Delort, indiquée par cette citation, était depuis longtemps publiée lorsque M. Sainte-Beuve l'a redonnée, d'après le manuscrit, comme inédite, dans la Revue des Deux Mondes (t. VII, p. 325, 4e série, 5e livraison, 1er septembre 1836).

Page 136, ligne 15: Jean-Baptiste Adhémar de Monteil de Grignan, coadjuteur de son oncle l'archevêque d'Arles.

Je présume que c'est à celui-ci qu'est dédié un petit ouvrage de Pontier, prêtre et docteur en théologie, intitulé le Fare de la vérité; à Paris chez Michel Vavyon, 1660, in-12.—La dédicace commence ainsi: A monsieur de Grignan, abbé de Notre-Dame d'Aiguebelle; et à côté sont gravées, sur une feuille à part, les armes de la maison de Grignan, presque en tout semblables à celles que M. Monmerqué a fait graver dans son édition de Sévigné.

Pontès dit, dans cette dédicace:

«Monsieur,

«Vous tirez la naissance d'une maison dont l'ancienne grandeur est connue de toute la terre... Elle reluit encore aujourd'hui d'une manière extraordinaire en la personne de ses deux princes de l'Église, d'Arles et d'Uzez.»

Jean-Baptiste de Grignan, en 1660, étudiait probablement en théologie et recevait peut-être des leçons de Pontès.

Dans toutes les éditions des Lettres de madame de Sévigné (même celle de 1754, t. III, p. 35) on a imprimé, dans la lettre du 31 mai 1675: «L'abbé de Grignan reprendra le nom qu'il avait quitté depuis vingt-quatre heures, pour se cacher sous celui d'abbé d'Aiguebère.» Il faut lire l'abbé d'Aiguebelle. L'édition de 1754 est la première où cette lettre ait été donnée et où se trouve la faute: les éditeurs suivants s'y sont conformés.

Page 140, lignes 6 et 7: Avait perdu sa première femme, Angélique-Clarice d'Angennes, en janvier 1665.

Voilà pourquoi, dans une édition du troisième acte de la traduction du Berger fidèle de Guarini (Gabriel Quinet, 1665, in-12), l'auteur, dans la dédicace au comte de Grignan, le félicite de s'être allié «à une maison qui a toujours été l'asile des Muses, de l'honneur et de la vertu,» ce qui désigne les d'Angennes de Rambouillet, et non les Sévigné, comme l'a cru le savant auteur du catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, p. 60. Voyez la seconde partie de ces Mémoires, p. 381, note du chapitre IV de la première partie.

Page 140, lignes 10 et 11: La seconde femme qu'il avait épousée était d'une noblesse encore plus ancienne, quoique moins illustre que les d'Angennes.

La famille du Puy du Fou prétendait descendre de Renaud, seigneur du Puy du Fou, qui épousa Adèle de Thouars, fille d'Émery, vicomte de Thouars, en 1197, sous Philippe-Auguste.—Voyez le tableau cité.

Page 140, ligne 26: A cette époque, le gouvernement militaire du Languedoc.

Le gouvernement civil et financier de cette province était, comme celui de toutes les autres provinces, confié à un ou deux intendants. De 1665 à 1669, il y en eut deux, M. de Besons et M. de Tubœuf; de 1669 à 1673, M. de Besons fut le seul intendant; de 1674 à 1687, ce fut M. d'Aguesseau; de 1687 à 1719, M. de Basville. Conférez l'Essai historique sur les états généraux de la province de Languedoc, par le baron Trouvé; 1818, in-4o, chap. XIX, XX et XXI, p. 161, 191, 200, 211.

Page 141, ligne 17: Que vous connaissez il y a longtemps.

Sur ces mots, M. Monmerqué, t. I, p. 154, de son édition des Lettres de Sévigné, a mis cette note: «Mademoiselle de Sévigné avait vingt et un ans, le comte de Grignan trente-neuf.» Je crois qu'il y a erreur dans ce dernier chiffre soit de la part de l'imprimeur, soit de celle de l'auteur.—Saint-Simon, dans ses Mémoires (chap. V, t. XII, p. 59), dit, sous l'année 1715: «Le comte de Grignan, seul lieutenant général en Provence et chevalier de l'Ordre, gendre de madame de Sévigné, qui en parle tant dans ses Lettres, mourut à quatre-vingt-trois ans, dans une hôtellerie, allant de Lambesc à Marseille.» Donc le comte de Grignan était né en 1632, et au commencement de l'année 1669 il ne pouvait avoir que trente-sept ans accomplis ou trente-six ans et quelques mois; ce qui fait soupçonner que, dans la note de M. Monmerqué, le 9 est un 6 retourné. Madame de Grignan avait, lors de son mariage, vingt-trois ans et non vingt-deux ans; il n'y avait donc que douze ans de différence entre elle et son mari.

CHAPITRE IX.

Page 149, ligne 18: A Bouchet, le savant généalogiste.

Jean Bouchet, dont parle madame de Sévigné, a été un des plus savants généalogistes. Il fut chevalier de l'Ordre du roi, maître d'hôtel ordinaire, et mourut, en 1684, à l'âge de quatre-vingt cinq ans. On a de lui six à sept ouvrages in-folio, sur l'histoire et les généalogies, pleins de recherches et de pièces justificatives curieuses.

Page 159, ligne 18: Je ne sais pas ce que j'aurais fait d'un jobelin.

Cette épithète de jobelin, appliquée à un jeune homme novice auprès des femmes, était alors souvent employée à cause du fameux sonnet de Job; elle prouve que, dès l'époque où écrivait madame de Sévigné, cette patience auprès des femmes, ce respect qu'on leur portait, qui avait fait le succès du sonnet de Job, était tourné en ridicule, et que les uraniens avaient triomphé des jobelins. Ce qui dut y contribuer, c'est la paraphrase un peu longue, mais spirituelle, du poëte Sarrazin, contre le sonnet de Benserade. On sait que ce célèbre sonnet se terminait ainsi:

Il eut des peines incroyables;

Il s'en plaignit, il en parla:

J'en connais de plus misérables.

La paraphrase de Sarrazin finit ainsi:

Mais, à propos, hier, au Parnasse,

De sonnets Phébus se mêla;

Et l'on dit que, de bonne grâce

Il s'en plaignit, il en parla:

J'aime les vers uraniens,

Dit-il; mais je me donne au diable

Si, pour les vers des jobelins,

J'en connais de plus misérables.

(Conférez Sallengre, Mémoires de littérature, 1715, in-12, t. I, p. 127 à 134.)

Le mot jobelin n'a jamais été admis dans le Dictionnaire de l'Académie française; du moins il ne se trouve ni dans la première ni dans la dernière édition; il ne se trouve pas non plus dans le dictionnaire de Trévoux. Cependant Richelet l'avait inséré dans le sien, publié en 1680, et l'avait ainsi défini: «Jobelin, s. m., manière de c***. C'est un jobelin.» Boiste, de nos jours, l'a aussi inséré dans son lexique, avec la signification que lui donne madame de Sévigné, un niais, un sot; il le donne comme synonyme d'homme patient comme Job, et il cite Rabelais. Alors l'emploi de ce mot serait, dans notre langue, plus ancien que le sonnet de Job; et cela est certain, car je trouve jobelin dans le Dictionnaire anglais de Randle Cotgrave (1632) avec la signification que lui donne madame de Sévigné: Jobelin a sot, gull, doult, asse, cokes. Ainsi l'Académie a eu tort de ne pas admettre ce mot, qui n'a jamais cessé d'être en usage dans le langage familier.

CHAPITRE X.

Page 166, lignes 1 et 2: De la Rivière, son second mari, dont elle ne porta jamais le nom.

Elle prit celui de comtesse d'Aletz, et c'est de ce nom qu'elle a signé la fastueuse épitaphe qu'elle composa pour son père et qu'elle fit graver sur sa tombe dans l'église de Notre-Dame d'Autun. Cette épitaphe fait tous les frais de la notice que d'Olivet a insérée, sur Bussy, dans l'Histoire de l'Académie française, t. II, p. 251, édition in-4o.

Louise-Françoise de Bussy, marquise de Coligny, veuve de Gilbert de Langheac, avait trente-huit ans lorsqu'elle épousa de la Rivière; elle s'était mariée à M. de Coligny, à Chaseu, le 5 novembre 1675; le marquis de Coligny mourut en 1676, à Condé, dans l'armée de M. de Schomberg. Madame de Coligny en eut un enfant et tout son bien. (Voyez Lettres choisies de M. de la Rivière, t. I, p. 25 et 26, et sur la Rivière, avant le mariage, Bussy, Lettres, t. III, p. 233 et 234; et t. V, p. 165.)

CHAPITRE XII.

Page 199, ligne 27, note 1: Daru, Histoire de Venise.

M. Daru ne paraît point avoir connu les Mémoires du duc de Navailles; s'il les avait consultés, il n'aurait pas fait de cette partie de la guerre de Candie, à laquelle les Français prirent part, un récit si peu exact; il ne se serait pas contenté des seules assertions des auteurs vénitiens. Sans doute on ne saurait excuser l'historien qui, même dans un but patriotique, permet à sa plume d'altérer la vérité: c'est pour lui un devoir de n'épargner aucun soin pour la connaître, et d'avoir le courage de la dire même lorsqu'elle lui répugne; mais ce devoir est encore plus impérieux quand l'honneur national se trouve, comme dans cette circonstance, inculpé par des témoins suspects et intéressés à rejeter sur nos compatriotes leurs fautes et leurs malheurs.

Page 203, lignes 15 et 17: Il semble qu'on ne peut guère douter du fait, puisqu'il est attesté par une lettre de Boileau.

Je ne parle pas du témoignage de Louis Racine, parce que dans les Mémoires sur la vie de Jean Racine (Lausanne, 1747, p. 80) il s'appuie sur la lettre de Boileau, ce qui prouve qu'il ne savait pas la chose par son père ni même par tradition de famille; et Louis Racine n'a publié ses Mémoires que soixante-dix-sept ans après la première représentation de Britannicus.

Page 206, note 3, ligne dernière: Geoffroy, Œuvres de Racine, t. III, p. 11.

Les doutes de l'éditeur ne sont pas fondés; Henriette mourut avant l'impression de la pièce de Racine.

Page 207, lignes 19 et 21: L'abbé de Villars, le spirituel auteur des Lettres du comte de Gabalis sur les sylphes, les gnomes et les salamandres.

Pope a mis à profit ces lettres dans son poëme badin et médiocre, selon nous, de la Boucle de cheveux enlevée (The rape of the lock).

Page 209, ligne 23: Pour envoyer l'effroi de l'un à l'autre pôle.

Dans l'édition de 1692, donnée par Thomas Corneille, il y a:

Pour envoyer l'effroi sous l'un et l'autre pôle.

Si l'autre variante est autorisée par quelque édition antérieure, il faut la préférer; sinon, il faut rétablir celle de l'édition de Thomas Corneille, qui est la bonne.

Page 213, ligne 1: Un gentilhomme nommé Mathonnet.

Voici le passage de la lettre de Louvois: «Il est à propos que vous continuiez à garder soigneusement le sieur Mathonnet pour le faire parler, Sa Majesté sachant très-bien que, pendant qu'il a été à Paris, il allait souvent à Chaillot voir mademoiselle d'Argencourt; et il faut qu'il soit de cette cabale-là.»

Page 218, ligne 6: La Feuillade,..... laid de visage, ayant un teint bilieux et bourgeonné.

La mère du duc de la Feuillade fut cette demoiselle de Roannès à laquelle Pascal inspira de tels sentiments de dévotion qu'elle ainsi que son frère le duc de Roannès ne voulaient pas se marier, et firent vœu de chasteté; ce qui mit dans une telle fureur le père de ces deux personnes que le concierge de l'hôtel de Roannès monta à l'appartement de Pascal, logé dans cet hôtel, pour le tuer. M. de la Feuillade, cadet de l'archevêque d'Embrun, épousa mademoiselle de Roannès, à laquelle son frère qui voulut rester célibataire, transmit tous ses biens et son titre. Elle eut de ce mariage trois enfants avant de mettre au monde le duc de la Feuillade, qui fut maréchal. Le premier de ces enfants mourut en naissant, le second fut un fils contrefait et le troisième une fille naine, qui mourut à dix-neuf ans. Conférez un morceau curieux sur la biographie de mademoiselle de Roannès, par M. Victor Cousin, Bibliothèque de l'École des chartes, t. V, p. 1 à 7.

Page 221, ligne 12: S'abandonnant sans scrupule à des plaisirs réprouvés.

Nous avons déjà signalé les dangers de ces travestissements d'hommes en femmes, que la trop indulgente Anne d'Autriche permettait dans les ballets durant l'enfance et l'adolescence même du roi. L'exemple de l'abbé de Choisy, dans sa jeunesse, en fut une preuve bien étrange. Il a lui-même pris plaisir à écrire toutes les aventures amoureuses que ces travestissements lui ont procurées, et elles passent en libertinage licencieux les fictions du détestable roman de Louvet, auquel il a servi de modèle (Voyez l'Histoire de la comtesse Desbarres; Anvers, 1735, in-12, in-18, p. 138.—Vie de l'abbé de Choisy, 1742. in-8o, p. 22-26.—Monmerqué, Notice sur l'abbé de Choisy et sur ses Mémoires, t. LXIII de la collection des Mém. sur l'hist. de Fr., p. 123 à 146.)

Page 224, ligne 19: Mais lui n'eut aucun doute.

Sismondi est, de tous les historiens, celui qui a le mieux raconté cette mort; il hésite dans son opinion, et ne semble pas bien persuadé que le duc d'Orléans ne fut pas coupable; puis il incline ensuite pour le cholera-morbus. Les caractères de l'agonie de la princesse et de ses derniers moments, si bien décrits dans la relation de Feuillet, n'ont point le caractère de cette maladie; et le procès-verbal d'autopsie, quoique concluant qu'il n'y a pas eu d'empoisonnement, constate, suivant nous, le poison par la description de l'état des viscères. Ce procès-verbal a été publié par Bourdelot, et se trouve dans les Pièces intéressantes, de Poncet de la Grave, que j'ai citées. Les médecins anglais envoyèrent en Angleterre une relation toute contraire à celle des médecins français. Henriette elle-même, aussitôt qu'elle eut avalé le verre d'eau de chicorée et éprouvé des douleurs, déclara qu'elle était empoisonnée. Enfin, le rapport fait à Louis XIV par Vallot, son médecin, daté de Versailles le 1er juillet 1670, dont M. Gault de Saint-Germain a publié la conclusion, implique que l'opinion de ce médecin était pour l'empoisonnement. La lettre de Bossuet aura été fabriquée dans le temps, comme les avis des médecins, pour donner le change à l'opinion. Philibert de la Mare, qui demeurait en province, a pu croire à son authenticité, mais à la cour personne n'aurait pu s'y tromper; c'est probablement ce qui aura été cause qu'on n'a pas osé lui donner une grande publicité.

CHAPITRE XIII.

Page 227, ligne 31, note 3: Sévigné, Lettres (23 janvier 1671).

Cette lettre a été publiée pour la première fois par M. Monmerqué. Dans le recueil des Lettres de Bussy, comme dans celui des Lettres de madame de Sévigné au comte de Bussy, 1775, p. 21, no 12, on en avait donné les premières lignes, où il n'est pas dit un mot de la princesse de Condé. Ce récit, fait par Mademoiselle (Mémoires, t. XIII, p. 297), s'accorde plus complétement avec celui de Guy-Patin qu'avec celui de madame de Sévigné; Mademoiselle dit: «Un joueur qui avait été son valet de pied, à qui elle avait accoutumé de faire quelques largesses, entra dans sa chambre pour lui demander de l'argent; sa demande fut accompagnée de manières qui firent croire qu'il avait envie d'en prendre ou de s'en faire donner. L'abbé Lainé, sur l'avis qu'on avait donné que le valet de pied s'était sauvé dans le Luxembourg, me vint demander la permission de le laisser prendre; il ne s'y trouva point, et il fut pris hors la ville.»

Page 229, lignes 5 et 6: Des gens que le prince avait chargés de garder.

Mademoiselle accuse le duc d'Enghien, qu'elle n'aimait pas, d'avoir conseillé à Condé ce traitement envers sa mère: «Il était bien aise, disait-on, d'avoir trouvé un prétexte de la mettre dans un lieu où elle ferait moins de dépense que dans le monde.» D'après ce que mande madame de Montmorency à Bussy, ceci paraît être calomnieux. Le duc d'Enghien était un caractère dur, il est vrai; mais les autres mémoires du temps ne permettent pas de croire qu'il fût à ce point méchant, ingrat, fils dénaturé. Lord Mahon, dans sa Vie du grand Condé, a pris fait et cause avec chaleur pour la princesse, et il transcrit à ce sujet l'extrait d'une correspondance secrète tirée de la secrétairerie d'État de la cour de Londres, qui prouve seulement que le correspondant avait été mal informé, ou plutôt qu'il donnait le récit de cette affaire comme on désirait que la cour de Londres en fût instruite et conformément au bruit que l'on fit courir dans Paris. Cependant l'extrait de cette correspondance est curieux, et nous apprend que la princesse fit tous ses efforts pour sauver Duval, dont Condé voulait la mort. Il est facile d'atténuer les torts de la princesse par ceux que son époux eut envers elle, mais il n'est pas possible d'en douter. Le silence des contemporains après son malheur, et leur insensible indifférence, en dit encore plus que leurs témoignages accusateurs. Conférez lord Mahon's, Life of great Condé, 1845, in-12, part. II, p. 269 à 275.—Voici le passage de Coligny, p. 26, sur la conduite de la princesse en 1650: «Le marquis de Cessac, dont j'ai dit un mot, s'attacha à madame la princesse, ou plutôt la princesse à lui; car il faut que ces dames-là fassent plus de la moitié du chemin si elles veulent avoir des galants, qu'autrement le respect ferait taire. Comme elle n'était pas pourvue d'un grand esprit, ce défaut et la passion lui firent faire tant de minauderies indiscrètes que tout le monde connut aisément ses affaires.»

Ce témoignage est celui du plus virulent ennemi de Condé et de son plus grand détracteur.

Page 234, ligne 9, et page 235, ligne 7: La maréchale de la Ferté.

Quand il est fait mention, dans les mémoires et les libelles du temps, de madame de la Ferté ou de la duchesse de la Ferté, il faut se garder de confondre la belle-mère et la belle-fille, toutes deux pouvant être désignées de la même manière. La maréchale était Madeleine d'Angennes de la Loupe; la belle-fille était Marie-Isabelle-Gabrielle-Angélique de la Mothe-Houdancourt, duchesse de la Ferté, fille de la maréchale de la Mothe-Houdancourt, ancienne gouvernante des enfants de France et sœur cadette des duchesses d'Aumont et de Ventadour. La maréchale de la Ferté était la sœur de Catherine-Henriette d'Angennes, comtesse d'Olonne, dont les mœurs furent encore plus déréglées que celles de la duchesse.

CHAPITRE XIV.

Page 246, ligne 9: La faiblesse de la santé de la princesse de Condé.

Guy-Patin dit que dans cette prévision la reine mère écrivit à Gaston pour mettre obstacle à ce mariage.

Page 282, ligne 3: Il finit par subir une rigoureuse détention.

La chronologie des faits relatifs à la biographie de Lauzun n'est pas facile à déterminer. Saint-Simon place en 1669 l'affaire relative à l'espionnage de madame de Montespan par le moyen d'une femme de chambre séduite par Lauzun, et celle de la place de grand maître de l'artillerie sollicitée par lui, et le beau trait du roi jetant sa canne par la fenêtre dans la crainte de se laisser aller à en frapper un gentilhomme. Mais alors tout cela paraît antérieur au mariage, ce qui n'est pas probable. Saint-Simon a écrit plus de quarante ans après ces faits, et s'est évidemment trompé sur les dates. Je pense, avec M. Petitot (t. XL, p. 356), que ce fut la conduite insolente de Lauzun avec madame de Montespan qui détermina le roi à le faire arrêter.

Page 283, lignes 1 et 2: Il obtint par ses services de nouveaux grades et de nouveaux honneurs.

Des lettres de duc furent données à Lauzun en 1692. Lauzun mourut en 1723 et survécut huit ans à Louis XIV.

CHAPITRE XV.

Page 296, ligne 22: Mademoiselle Dugué-Bagnols.

Le chevalier Perrin nous apprend, dans son édition des Lettres de madame de Sévigné, que mademoiselle Dugué-Bagnols fut mariée depuis à M. Dugué-Bagnols, son cousin.

Page 297, ligne 19: C'était la première femme de Claude de Saint-Simon; elle succomba le 2 décembre 1670.

Diane-Henriette de Budos, duchesse de Saint-Simon, mourut, selon l'assertion de M. Monmerqué (Lettres de Sévigné, t. I, p. 208), à quarante ans; et comme Saint-Simon dit que son père l'épousa en 1644, il en résulterait qu'elle n'aurait eu que quatorze ans lorsqu'elle s'est mariée. Comme l'âge nubile était alors fixé par les lois à douze ans, cela n'est pas impossible, mais cela est peu probable.

C'est en 1743 que Saint-Simon a écrit le volume de ses Mémoires qui concerne les années 1722 et 1723. J'avais dit cela dans une note qui est à la page 453 de mon deuxième volume, 1re édition; mais je suis obligé de le répéter, parce qu'il y a deux fautes d'impression dans les chiffres de cette note. J'ajouterai ici que Saint-Simon, pour ce qui concerne les dates et les généalogies, s'est beaucoup servi des Mémoires manuscrits de Dangeau, c'est-à-dire de ses portefeuilles.

Page 298, ligne 12: Et, par la grande mortalité qu'éprouva la population.

D'après un recueil statistique de Paris, déposé à la Bibliothèque du Roi, le nombre des naissances dans cette capitale fut de 16,810, celui des décès de 21,460; le nombre des décès surpassa donc les naissances de 4,651.

CHAPITRE XVI.

Page 303, ligne 29: Le gouverneur et son lieutenant se trouvèrent tous les deux absents.

Dans une semblable circonstance, en 1673, Brulart, premier président du parlement de Bourgogne, écrivit à Louvois qu'en l'absence du gouverneur et de son lieutenant général le gouvernement de la province lui appartenait de droit. Voyez la lettre de Brulart à Louvois, dans l'ouvrage intitulé Une province sous Louis XIV, par M. Thomas, 1844, in-8o, p. 431.

Page 312, lignes 3 et 4: Elle écrivait à madame de Sévigné.

Il est probable que madame de Sévigné avait conçu cette aversion pour les filles de Sainte-Marie d'Aix par les lettres de sa filleule; elle la manifeste en toute occasion, et elle appelle ces religieuses des baragouines. Elle montre, au contraire, une prédilection particulière pour les filles de cet ordre, fondé par son aïeule, qui étaient dans d'autres couvents. Il est évident aussi, d'après le passage suivant de la lettre de madame de Sévigné, du 24 juillet 1680, que, pour avantager les autres enfants de madame de Grignan, on voulait que Marie-Blanche fît des vœux; sa vocation paraît au moins douteuse. «Votre petite d'Aix me fait pitié, d'être destinée à demeurer dans ce couvent perdu pour vous; en attendant une vocation, vous n'oseriez la remuer, de peur qu'elle ne se dissipe. Cette enfant est d'un esprit chagrin et jaloux, tout propre à se dévorer. Pour moi, je tâterais si la Providence ne voudrait pas bien qu'elle fût à Aubenas; elle serait moins égarée.» La sœur de M. de Grignan était abbesse du couvent d'Aubenas, et madame de Sévigné espérait que sa petite-fille pourrait un jour lui succéder. Nous reviendrons, dans la suite de ces Mémoires, sur ce passage de la lettre de madame de Sévigné et sur les mots perdu et égarée, que Grouvelle, M. Monmerqué et Gault de Saint-Germain ont expliqués diversement.

CHAPITRE XVII.

Page 325, ligne 12: Une très-belle femme, madame de Valence, qui s'était faite religieuse.

J'ai cité ici l'édition de la Haye, t. I, p. 20, parce que c'est la seule qui dans cet endroit nous semble donner le vrai texte de madame de Sévigné. Ce texte est ainsi:

«Vous me dites des merveilles du tombeau de Montmorency et de la beauté de madame de Valence.»

Les premiers éditeurs des Lettres de madame de Sévigné, ne trouvant aucune mention de cette madame de Valence dans toute la correspondance de madame de Sévigné, ont substitué aux mots qui la concernent «et de la beauté de mesdemoiselles de Valançai» (lettre du 18 février 1671, t. I, p. 332, édit. G.), parce qu'en effet madame de Sévigné, en passant aussi à Moulins cinq ans après madame de Grignan, lui avait écrit de cette ville que les petites-filles de madame de Valançai, que madame de Grignan y avait vues, sont belles et aimables (lettre du 17 mai 1676, t. IV, p. 440, édit. G.). Mais elles étaient, lorsque madame de Grignan les vit, trop jeunes et trop petites pour qu'il fût question de leur beauté; et la lettre de madame de Sévigné au comte de Guitaud, publiée pour la première fois dans l'édition de M. Gault de Saint-Germain (lettre 1693, t. X, p. 445, édit. G.), qui nous apprend que madame de Valence a été au couvent de la Visitation, explique celle qu'elle avait écrite précédemment, et ne laisse aucun doute sur l'exactitude de l'édition de la Haye. La preuve que les éditeurs ont altéré le texte de cette lettre en voulant la corriger se tire encore du passage qui suit immédiatement, où madame de Sévigné dit à sa fille (t. I, p. 20): «Personne n'écrit mieux que vous; ne quittez jamais le naturel, votre tour s'y est formé, et cela surpasse un style parfait.» Tous les éditeurs subséquents ont substitué (t. I, p. 332): «Vous écrivez entièrement bien, personne n'écrit mieux; ne quittez jamais le naturel, votre tour s'y est formé, et cela compose un style parfait.» Indépendamment du pléonasme dans les deux premiers membres de phrase, qui n'était pas dans madame de Sévigné, en mettant le mot compose à la place du mot surpasse on a fait disparaître une expression énergique et piquante pour y substituer une expression impropre et plate; et de plus, en croyant rendre la pensée plus logique, on l'a dénaturée, et on lui a ôté tout ce qu'elle a d'original et de profond. L'intention de madame de Sévigné est de faire distinguer ici l'écrivain du grammairien, le talent d'écrire d'avec l'art d'écrire. Le naturel dans le style, c'est la grâce:

Et la grâce, plus belle encor que la beauté,

dit la Fontaine quand il veut donner une idée des séduisants attraits de Vénus. C'est la même pensée que celle de madame de Sévigné, exprimée d'une manière analogue. Je dois dire que le savant et exact éditeur des Lettres de madame de Sévigné n'a pu ni rectifier ce texte ni éviter cette méprise, puisqu'il n'avait pu se procurer l'édition de la Haye, 1726, lorsqu'il fit la sienne; et que la publication de la lettre de madame de Sévigné au comte de Guitaud, qui fait mention de madame de Valence, est bien postérieure à celle de son édition. Voyez Lettres DE SÉVIGNÉ, édit. de Monmerqué, in-8o, t. I, p. 48.

Page 329, lignes 4-7: Une relation admirable, selon elle, adressée à M. de Coulanges par M. de Ripert, homme d'affaires de M. de Grignan.

Voici le texte de l'édition de la Haye:

«M. de Coulanges vient de m'apporter une relation admirable de tout votre voyage, que lui fait très-agréablement M. Ripert; voilà justement ce que nous souhaitons (p. 38).» ... «M. le marquis de Saint-Andiol m'est venu voir; je lui ai montré la relation de Ripert, dont il a été ravi pour l'honneur de la Provence... J'attends celle de Corbinelli (p. 39).»

On peut voir aux endroits cités de l'Histoire de Sévigné, par M. Aubenas, et surtout dans la note, p. 588, qui termine l'ouvrage de cet auteur, quelles sont les prétentions de la famille de Ripert. Du temps de madame de Sévigné, il y avait au moins quatre frères de ce nom; car, dans la lettre du 6 septembre 1676, t. V, p. 113, de l'édition de G. de S.-G., madame de Sévigné dit: «Mon fils me mande que les frères Ripert ont fait des prodiges de valeur à la défense de Maestricht; j'en fais mes compliments au doyen et à Ripert.» Ce doyen était le Ripert du chapitre de Grignan, et le dernier mentionné celui qui était attaché à M. de Grignan comme homme d'affaires.

Des deux lettres du 18 mars 1671 des éditions modernes, il n'y en a qu'une dans l'édition de la Haye; et dans les éditions modernes il y a beaucoup de suppressions, qui portent principalement sur les noms propres. Ainsi ces mots, «Bandol vous est d'un grand secours,» p. 34, ont été supprimés. Suppression ensuite d'un long paragraphe important, qui remplit la page 35; puis, page 36, le nom de Sessac, donné intégralement, remplacé par S***. Tout le paragraphe 37 de madame de Janson supprimé; page 39, le passage sur d'Harouys supprimé.

CHAPITRE XVIII.

Page 359, lignes 29 et 30, note 1: 20 septembre, Lettres de madame Rabutin-Chantal; la Haye, 1726, 20 septembre 1671.

Toute la première page de cette lettre ne se trouve que dans l'édition de la Haye, et a été supprimée dans toutes les autres.

Page 371, lignes 16 et 17: Molière lui lira samedi Trissotin.

On a écrit (voyez Taschereau, Histoire de Molière, 3e édit., 1844, grand in-12, p. 256) que, lors des premières représentations des Femmes savantes, le personnage de Trissotin portait le nom de Tricotin, pour que la satire contre l'abbé Cotin, dont ce rôle était l'objet, en pût ressortir sans aucun détour. Mais la lettre de madame de Sévigné semble être contraire à cette assertion peu vraisemblable, puisqu'elle désigne ce rôle, et par ce rôle toute la pièce, par le nom de Trissotin, qui est le seul qu'on trouve dans la pièce imprimée. Les Femmes savantes furent jouées le 11 mars 1672 (Taschereau, Histoire de Molière, 3e édition, p. 169). La lettre de madame de Sévigné est datée du mercredi 9 mars, c'est-à-dire de deux jours antérieure à la représentation, qui eut lieu le vendredi: ainsi dès lors le rôle portait le nom de Trissotin. La lecture de cette pièce par Molière, annoncée dans la lettre de madame de Sévigné pour le samedi 12 mars, n'eut probablement pas lieu, puisque le jour fixé au samedi était le lendemain même de la représentation. Cette pièce fut achevée d'imprimer le 10 décembre 1672, comme nous l'apprend le catalogue de la Bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, no 1296, p. 298. La mention de cette édition manque dans la bibliographie de Molière, de M. Taschereau.

Page 378, ligne 7: Pour laisser écrire dans ses lettres.

Surtout par Corbinelli. Des lettres de Corbinelli à Bussy, qui se trouvent dans la correspondance de ce dernier, il n'y en a qu'un petit nombre qui portent le nom de Corbinelli; il y en a beaucoup qui n'ont que l'initiale du nom C***; enfin il y en a sans initiale. Un lecteur familiarisé à la lecture des auteurs de ce siècle les reconnaît facilement. Toutes sont très-mal rangées, ainsi que toute cette intéressante correspondance, qui mériterait bien de trouver un éditeur savant et intelligent.

CHAPITRE XIX.

Page 387, ligne 12: Ce fut une grande joie pour madame de Sévigné lorsque de Pomponne...

Nous apprenons par le Portefeuille de Dangeau, manuscrit de la Bibliothèque du Roi, A, 253, que de Pomponne fut nommé secrétaire d'État, en remplacement de M. de Lyonne, le 10 septembre, et qu'il prêta serment le 12 septembre; la lettre de madame de Sévigné, qui donne cette nouvelle à sa fille, est datée du 13 septembre. Il ne faut pas confondre les Portefeuilles de Dangeau que nous citons ici et que nous citerons peut-être encore avec le Journal de Dangeau; c'est tout autre chose.

Page 396, ligne 4: Les lettres les plus remarquables qu'elle ait écrites.

Deux de ces lettres étaient ainsi désignées, la lettre sur le cheval et celle sur la prairie. Cette dernière est, comme on l'a très-bien remarqué, celle qui est relative au renvoi de Picard (du 22 juillet 1671) et où madame de Sévigné explique si agréablement à son cousin de Coulanges, tout à fait étranger, comme un vrai citadin, aux travaux ruraux, en quoi consiste l'opération du fanage.

Page 396, ligne 9: Elle gardait soigneusement les lettres du spirituel chansonnier.

«Ce petit Coulanges vaut trop d'argent; je garde toutes ses lettres.» (Sévigné, Lettre du 29 janvier 1685, t. VII, p. 229, édit. de M.)

Page 397, lignes 7 et 8: Elle avait dix ans moins que lui.

Philippe-Manuel de Coulanges était né à Paris vers 1631, Marie-Angélique Dugué en 1641. Elle se maria le 16 décembre 1659, et n'avait alors que dix-sept ans et quelques mois.

Page 399, lignes 16 et 17: Auxquels s'applique plus particulièrement le nom d'esprit.

Comme, par exemple, lorsqu'elle dit du duc de Villeroi, qui était amoureux d'une femme nullement éprise de lui: «Il est plus charmé qu'il n'est charmant.» Ce dernier mot, ainsi placé, est à la fois verbe et adjectif et applicable au duc dans sa double et maligne signification. (Voyez la lettre du 24 février 1673.)

Page 399, lignes 21 et 22: Son écriture et son orthographe ne répondaient pas à l'élégance de son style.

Coulanges a inséré ces mots dans une lettre de sa femme à madame de Grignan:

«Je viens de prendre la liberté de lire tout ce que madame de Coulanges vous écrit; c'est grand dommage que ce ne soit une meilleure écriture et une meilleure orthographe; son style assurément le mériterait bien, convenez-en, madame; mais il ne faut pas espérer qu'elle s'en corrige. Tout ce qui est à souhaiter, c'est que vous puissiez lire ce qu'elle vous mande.» (Lettre de madame de Coulanges à madame de Grignan, 7 juillet 1703, t. XI, p. 398.)

Page 401, lignes 3 et 4: Madame de Sévigné se plut toujours dans la société de la femme de son cousin.

Madame de Sévigné ne voulait pas que son cousin quittât la rue du Parc-Royal pour aller demeurer au Temple, parce que cela éloignait d'elle madame de Coulanges. «Au lieu de trouver, comme je faisais, cette jolie madame de Coulanges sous ma main, prendre du café avec elle, y courir après la messe, y revenir le soir comme chez soi; enfin, mon pauvre cousin, ne m'en parlez pas: je suis trop heureuse d'avoir quelques mois pour m'accoutumer à ce bizarre dérangement.» (Lettre du 1er décembre 1690, t. IX, p. 427.)

CHAPITRE XX.

Page 415, lignes 23 et 24: SOLI DEO HONOR ET GLORIA.

Cette inscription, qui est tirée du texte de l'épître de saint Paul aux Romains, a donné lieu au continuateur de Bayle (Chauffepié, Supplément au Dictionnaire de Bayle) de prêter à madame de Sévigné, dans l'intérêt du protestantisme, des sentiments contraires à l'invocation des saints, que ses lettres démentent en un grand nombre d'endroits.

Page 416, ligne 26: Racine passera comme le café.

L'usage du café n'ayant été introduit en France que vers l'an 1669, il en résulte que les premiers chefs-d'œuvre de Racine lui sont antérieurs; Andromaque date de 1669, les Plaideurs de 1668, Britannicus de 1669, Bajazet de 1672. Le premier traité, je crois, publié sur le café, en français, est celui qui est intitulé De l'usage du caphé, du thé, et chocolate (sic); Lyon, chez Girin, 1671, in-8o. Il est traduit du latin, et il est dit, page 30, «que la plupart de ceux qui usent du café y sont réduits par nécessité, et le prennent plutôt comme un médicament que comme un régal.» Il en était de même du thé et du chocolat. Mais dix ans plus tard il se faisait de toutes ces substances, et surtout du café, une très-grande consommation à Londres et à Paris, «non-seulement, dit de Blégny, chez les marchands de liqueurs, mais encore dans les maisons particulières et dans les communautés.» Du bon usage du thé, du café et du chocolat, pour la préservation et la guérison des maladies, par M. de Blégny; Paris, 1687, in-12, p. 96 et 166. De Blégny, d'après Bernier, dit que dans l'Inde et la Perse on use très-peu de café, et seulement dans les ports de mer; mais que par toute la Turquie on en fait un fort grand usage. «Peu s'en faut, ajoute de Blégny, que les Anglais et les Hollandais ne suivent l'exemple des Turcs, et peu s'en faut aussi que nous ne soyons aussi avancés que ceux-là sur cette habitude; mais en revanche les Espagnols, les Italiens et les Flamands ne s'y portent pas volontiers.» (P. 166.) Bien loin de dénigrer le café, et surtout le café au lait, madame de Sévigné fut une des premières à en prendre, et elle en recommandait l'usage à sa fille. (Sévigné, Lettres, 19 février 1690, t. X, p. 263, édit. de G.)

SUPPLÉMENT
AUX NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS DE LA PREMIÈRE PARTIE.

En développant dans la première et la seconde partie de cet ouvrage la politique de Mazarin, j'ai souvent eu occasion de citer des lettres autographes de Mazarin, de Colbert et de Louis XIV [902], qui appartiennent à la Bibliothèque royale. Des fragments de ces lettres avaient déjà été imprimés, mais très-incorrectement, par Soulavie, dans les Œuvres de Saint-Simon. Elles ont été très-bien publiées dans les Documents historiques sur l'histoire de France, par M. Champollion-Figeac, qui me les avait indiquées. Mais j'ai cité à la page 215 de la première partie une lettre autographe d'Anne d'Autriche au cardinal Mazarin, que je ne trouve point dans le recueil de M. Champollion-Figeac. Cette lettre n'a point été publiée ailleurs, et il est intéressant de la faire connaître, parce qu'elle vient à l'appui de ce que j'ai dit du refroidissement d'Anne d'Autriche pour le cardinal Mazarin, lorsque celui-ci, afin de conserver le pouvoir, se fit un appui du jeune roi, dont il avait capté toute la confiance, contre la reine sa mère, ou plutôt contre les intrigues des personnes qui l'entouraient.

LETTRE D'ANNE D'AUTRICHE AU CARDINAL MAZARIN.

«A Saintes, ce 30 juin 1660.

«Vostre letre ma donnee une grande joye je ne say si je seray asses heureuse pour que vous le croies et que si eusse creu qune de mes letres vous eust autant pleut j'en aurays escrit de bon cœur et il est vray que den voir tant et des transports avec lon les recent et je les voyes lire me fesoit fort souvenir d'un autre tant [903] don je me souviens presque a tout momants quoy que vous en puissiez croire et douter je vous asseure que tous ceux de ma vie seront enploies à vous tesmoigner que jamais il ni a euee damitie plus veritable que la mienne et si vous ne le croies pas jespere de la justice que jay que vous vous repâtires [904] quelque jour den avoir jamais douté et si je vous pouves aussi bien faire voir mon cœur que ce que je vous dis sur ce papier je suis asseurée que vous series contant, ou vous series le plus ingrat homme du monde et je ne croie pas que cela soiet. La Reyne [905] qui escrit eicy sur ma table me dit de vous dire que ce que vous me mandes du confidant [906] ne lui déplait pas et que je vous asseure de son affession, mon fils [907] vous remercie aussi et 22 [908] me prie de vous dire que jusques au dernier soupir quoique vous en croies .

«Et au dos est escrit: A Monsieur le Cardinal


La lettre était fermée par une petite faveur rouge, scellée des deux côtés du cachet d'Anne d'Autriche, et dont les bouts subsistent encore, ainsi que les cachets. Cette lettre, ployée, n'a que la grandeur d'un billet.


Cette lettre a été écrite lorsque Louis XIV, après son mariage, revint avec toute la cour, de Saint-Jean-de-Luz à Paris. D'après les nombreuses relations de ce voyage, le 23 juin on était à Bordeaux, le 27 à Blaye. «Le 29, dit Colletet dans sa relation (pag. 5), les reines partirent pour Saintes,» où elles arrivèrent le 30; c'est de là et de ce jour qu'est datée la lettre. Le roi s'était écarté, et avait été au Brouage avec le cardinal, qui rejoignit les reines le lendemain à Saint-Jean-d'Angely.

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