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Mémoires touchant la vie et les ecrits de Marie de Rabutin-Chantal, (4/6)

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NOTES
ET
ÉCLAIRCISSEMENTS.
CHAPITRE PREMIER.

Chapitre I, page 1, et chapitre III, p. 67.
Sur les voyages de madame de Sévigné de Paris aux Rochers et des Rochers à Paris.

Madame de Sévigné mit exactement le même temps pour se rendre de Paris aux Rochers que pour retourner des Rochers à Paris; dans ces deux fois, elle n'arriva au lieu de sa destination que le dixième jour. Partie le lundi matin, 18 mai, de Paris (lettre du lundi 18 mai 1671 en partant, t. II, p. 76, édit. G.), elle n'arriva aux Rochers que le mercredi de la semaine suivante (t. II, p. 85, édit. G.).

Pour retourner à Paris, elle partit le mercredi 9 décembre 1671 (t. II, p. 307, édit. G.), et elle n'arriva que le vendredi 18 décembre de la semaine suivante. Dans les deux fois, le calcul des distances nous donne le même nombre de lieues: quatre-vingt-trois lieues et demie. Elle faisait donc environ huit lieues et un quart par jour, et, en retranchant le jour de repos, neuf lieues et un quart.

La première fois, elle ne s'était arrêtée pour séjourner qu'après un trajet de soixante lieues, à Malicorne, chez le marquis de Lavardin. La seconde fois, à son retour à Paris, elle part des Rochers le mercredi; et, pour éviter le pavé de Laval, elle va coucher chez madame de Loresse, parente de madame de Grignan (lettres des 9 et 13 décembre 1671, t. II, p. 308 et 310, édit. G.), où elle paraît avoir séjourné. Là on la fait consentir à prendre deux chevaux de plus, et chacune de ses deux calèches est attelée de quatre chevaux. Loresse est un domaine situé à la gauche de la route de Vitré ou des Rochers, à mille ou douze cents toises de Beaulieu et de Montjean, près de trois autres lieux nommés la Brianterie, le Rocher, les Loges (voyez carte de Cassini, no 97). Ainsi madame de Sévigné, pour éviter le pavé de Laval, au lieu de continuer droit vers l'est, se dirigea au sud. Arrivée par Argentré à Loresse, où elle coucha, elle avait fait seulement le premier jour dix mille toises ou cinq lieues. De Loresse, il est probable qu'elle prit la route tracée dans Cassini, qui se dirigeait au nord-est depuis Montjean sur Saint-Berthevin, où elle rejoignit, après avoir traversé une partie de la forêt de Concise, la route de Laval. Ce trajet jusqu'à Laval est de neuf mille toises, quatre lieues et demie; mais nous voyons, dans la lettre du 13 décembre, que madame de Sévigné ne s'arrêta à Laval que pour prendre à la poste les lettres de sa fille: ainsi elle alla ce jour-là coucher à Mêlay.

De Laval à Mêlay on compte dix mille sept cents toises, ou cinq lieues de poste et un quart. Ainsi madame de Sévigné, en partant de Loresse, avait fait dix lieues de poste, ou quarante kilomètres. Par ces détours, elle allongea sa route de quatre lieues au moins entre les Rochers et Mêlay.

De Mêlay à Malicorne (lettre du dimanche 13 décembre 1671, t. II, p. 309), où madame de Sévigné alla probablement coucher, la distance (par Sablé) est de vingt mille toises, ou dix lieues de poste; de Malicorne au Mans, quinze mille cinq cents toises, ou sept lieues et un quart de poste; et du Mans à Paris, en passant par Chartres, d'après le livre de poste (les autres distances ont été mesurées par nous sur les cartes de Cassini), on compte cinquante-trois lieues de poste (lettre du vendredi 18, t. II, p. 313). Madame de Sévigné ne mentionne aucun lieu dans cet intervalle; il est probable qu'elle coucha à Chartres et à Bonnelle: ainsi elle avait mis dix jours à faire ces quatre-vingt-sept lieues.

J'apprends par une lettre de M. Grille, le savant bibliothécaire de la ville d'Angers, que l'ancienne famille de Loresse existe encore dans le département de la Mayenne. Une demoiselle de Loresse habite Laval, où elle a fondé une maison de refuge pour les orphelins. Sa terre est située dans la commune de Montjean, à dix-huit kilomètres au sud-ouest de Laval, sur la route stratégique, et sur l'ancien chemin de Vitré à Malicorne. Le château, qui remonte au XVIe siècle, avec des reconstructions et réparations des XVIIe et XVIIIe, est de fort belle apparence; il est entouré de bois, et on y arrive par de longues avenues. Tout annonce que la race des Loresse était de haut parage et possédait une grande fortune.

Page 37, ligne 7: Une maison avec cour et jardin, qu'on appelait la Tour de Sévigné.

Il paraît que cette maison de Vitré a été aliénée du vivant de madame de Sévigné, ou peu de temps après sa mort; car il n'en est pas fait mention dans l'état des biens-fonds de la maison de Sévigné, donné à la suite de la lettre du marquis de Sévigné, publiée pour la première fois en 1847, par M. Monmerqué. Dans cet état, il n'est parlé que des biens-fonds qui suivent, avec leur évaluation (p. 21):

francs
La terre des Rochers 120,000
La terre de Bodegat 120,000
La terre de Sévigné 18,000
Les terres données par madame d'Acigné a madame de Sévigné 60,000
La terre de Buron 100,000

Cependant, comme dans son acte mortuaire, daté du 28 mars 1713 (il mourut le 26), le marquis de Sévigné est qualifié de seigneur des Rochers, de Bodegat, d'Estrelles, de Lestremeur, de Lanroz et autres lieux, il est possible qu'à cause de leur peu de valeur, ou parce qu'elles étaient grevées de charges et d'hypothèques, il ait négligé de faire mention de la Tour de Sévigné aussi bien que des terres d'Estrelles, de Lestremeur, de Lanroz et autres lieux.

CHAPITRE II.

Page 48, ligne 17: Ce noble et grand édifice.

Pour juger ce qu'était le château de Grignan avec ses tourelles gothiques et l'élégance italienne de sa façade moderne, il faut voir les dessins qui en ont été faits dans le temps où il n'était point encore dégradé, et qui se trouvent dans le tome LXIX du grand recueil intitulé France (département de la Drôme), qui est au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale. Les gravures de ce château, qu'on a publiées depuis, n'en donnent qu'une idée imparfaite. Les vues, dans le volume indiqué, sont au nombre de trois: l'une représente la façade sur le chemin de Valréas; une autre, la façade du côté du potager, et enfin cette même vue moins étendue, mais plus en grand, pour ce qui concerne l'édifice seul. Il existe une bonne lithographie des ruines de ce château, dessinée par Sabattier, lithographiée par Eugène Ciceri, une autre plus petite dessinée par Veyran et gravée par Bonjan.

CHAPITRE III.

Page 68, ligne 12: Elle y coucha, pour la première fois, le 7 mai 1672.

J'apprends par M. Monmerqué qu'une quittance de Coulanges semble prouver que madame de Sévigné se trouvait dans cette maison le 7 avril, ce qui n'est pas en contradiction avec ses lettres, vu la proximité de la maison qu'elle devait quitter et de celle qu'elle devait occuper.

«Transaction signée par Philippe de Coulanges, abbé de Livry, demeurant rue Sainte-Anastase, paroisse Saint-Gervais, devant Gabillon, notaire, le 7 avril 1672.»

Un autre acte démontre que, le 18 avril 1671, elle demeurait rue de Thorigny.

«Acte de vente par dame Marie de Rabutin-Chantal, veuve de Henri, marquis de Sévigné, demeurant à Paris, en son hôtel, rue de Thorigny, paroisse Saint-Gervais, comme ayant les droits cédés de Françoise-Marguerite, dame de Grignan, sa fille, et se portant fort de son fils mineur, émancipé, à Jean Boisgelin, vicomte de Meneuf, président à mortier du parlement de Rennes, propre audit marquis de Sévigné, de la terre de la Baudière, située paroisse Saint-Didier, évêché de Rennes, moyennant quarante mille livres; cette vente passée, le 18 avril 1671, chez Gabillon, notaire à Paris, et ses collègues.»

Page 75, ligne 8: Et il fit insérer le programme de ce prix dans la Gazette.

Dans ce programme, il est dit que «c'est pour mettre au-dessus du corinthien et du composite qui est au dedans de la cour du Louvre; et que si quelqu'un a trouvé quelque belle pensée qu'il ne puisse modeler, il sera reçu à en apporter le dessin pour être modelé par les sculpteurs de Sa Majesté, s'il se trouve le mériter.» On ne songeait pas alors à revenir au gothique.

Page 81, ligne 5: Un grand nombre d'ouvrages.

D'Olivet a donné une liste des ouvrages de l'abbé Cotin, qui paraît complète; cependant il donne à ses Poésies chrétiennes la date de 1657, et j'ai un volume intitulé Poésies chrétiennes de l'abbé Cotin, à Paris, chez Pierre le Petit, M DC LXVIII. Le privilége porte: «Achevé d'imprimer, pour la première fois, le 15 mars 1668.» Ce volume commence par un poëme intitulé la Madeleine au sépulchre de Jésus-Christ, et il se termine par des Vers au roi sur son retour de la Franche-Comté, qui sont nécessairement postérieurs à 1657.—D'Olivet ni l'auteur de l'article Cotin dans la Biographie universelle n'ont point connu ce volume.

Page 82, ligne 2: Humilier son sot et insolent orgueil.

Pour donner une idée de la fatuité de Cotin, il suffira de citer un passage de ses Œuvres galantes, t. I, p. 14.

«Mon chiffre, c'est deux CC entrelacés, qui, retournés et joints ensemble, feraient un cercle. Je m'appelle Charles, comme vous savez; et parce que mes énigmes ont été traduits [769] en italien et en espagnol, et que mon Cantique des cantiques a été envoyé par toute la terre, à ce qu'a dit un deviseur du temps, ou, si vous voulez, un faiseur de devises, il m'a bien voulu, de sa grâce, appliquer ce mot des deux chiffres d'un grand prince et d'une grande princesse, Charles, duc de Savoie, et Catherine d'Autriche:

Juncta orbem implent.

Cela veut dire un peu mystiquement que mes œuvres rempliront le rond de la terre, quand elles seront toutes reliées ensemble.» Nous pourrions transcrire beaucoup d'autres passages de ce genre qui justifient ce que Molière a dit de lui:

Je vis, dans le fatras des écrits qu'il nous donne,

Ce qu'étale en tous lieux sa pédante personne,

La constante hauteur de sa présomption,

Cette intrépidité de bonne opinion,

Cet indolent état de confiance extrême,

Qui le rend en tout temps si content de soi-même,

Qui fait qu'à son mérite incessamment il rit,

Qu'il se sait si bon gré de tout ce qu'il écrit,

Et qu'il ne voudrait pas changer sa renommée

Contre tous les honneurs d'un général d'armée.

(Les Femmes savantes, act. I, sc. III, t. VI, p. 111 et 112, édit. de 1676.)

Que dire de M. Rœderer, qui, dans son Mémoire pour servir à l'histoire de la société polie, p. 314, prétend que Molière n'a pas eu en vue Cotin dans le rôle de Trissotin, parce que Trissotin est un homme marié et non un prêtre, et parce que Boscheron, l'auteur de l'insipide recueil intitulé le Carpenteriana, a rapporté une anecdote évidemment fausse sur les Femmes savantes, qu'à tort a copiée l'exact auteur de la vie de Molière? M. Rœderer croit que cette application de Trissotin à Cotin est une supposition gratuite des commentateurs de Molière. M. Rœderer ignore donc que le sonnet et le madrigal ridiculisés dans les Femmes savantes se trouvent textuellement dans les Œuvres de Cotin; que Visé, en rendant compte dans le Mercure galant (t. I, lettre du 12 mars 1672) de la première représentation des Femmes savantes, nous apprend que Molière lui-même, pour prévenir les suites que pouvait avoir l'outrage qu'il allait se permettre contre un homme de lettres, un prêtre ridicule, mais estimé, crut devoir faire au public, avant la représentation de sa pièce, une déclaration pour désavouer l'intention d'aucune application qu'on pourrait en faire? Visé prétend que l'idée de cette application du personnage de Trissotin à Cotin est due à une querelle que Molière avait eue avec ce dernier huit ans avant la représentation des Femmes savantes; il termine en faisant l'éloge de Cotin, et en disant qu'un homme de son mérite ne doit pas se mettre en peine d'une telle application. Enfin M. Rœderer oublie l'épigramme qui fut composée sur Trissotin et Cotin en 1682, et ce qu'ont dit et écrit sur ce sujet Boileau, Brossette, son commentateur, le P. Niceron, d'Olivet, Bayle, Baillet et tous ceux qui ont le mieux connu l'histoire de ces temps. Contre l'usage, un silence absolu sur Cotin paraît avoir été gardé par l'abbé Dangeau lorsqu'il lui succéda à l'Académie française, et aussi par le directeur de l'Académie, chargé de répondre au récipiendaire. Cotin mourut en janvier 1682; et l'obscurité où il vécut dans ses dernières années fut telle que des hommes comme Richelet et Baillet ont ignoré l'époque de sa mort et ont commis des erreurs qui ont été reproduites dans plusieurs ouvrages.

Page 84, ligne 18: Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, mourut trois mois avant la première représentation des Femmes savantes.

La duchesse de Montausier n'était pas non plus à la première représentation des Précieuses ridicules, qui eut lieu le 18 novembre 1659; car alors elle se trouvait à Angoulême, soignant sa fille, malade de la petite vérole. (Mémoires sur la vie de M. le duc de Montausier, t. I, p. 142.)

Ceci n'infirme en rien, mais plutôt confirme ce qu'on fait dire à Ménage dans le Ménagiana, t. II, p. 65, que mademoiselle de Rambouillet, madame de Grignan et tout l'hôtel de Rambouillet étaient à cette première représentation des Précieuses ridicules. «Nous remarquons, dit un auteur, de singulières bévues sur les personnages accessoires, qui ôtent toute autorité à ce récit. A cette époque, mademoiselle de Rambouillet était, depuis quatorze ans, madame de Montausier, et elle n'avait pas manqué de se rendre à Angoulême avec son mari. Madame de Grignan avait suivi le sien en Provence.» Ces lignes, écrites par un historien sérieux et de beaucoup de mérite, sont vraiment singulières. Les paroles prêtées à Ménage ou dites par lui (peu importe) prouvent qu'il n'y avait que deux des filles de madame de Rambouillet à la représentation des Précieuses ridicules. Celle qui était mariée (madame de Grignan) ne pouvait avoir été rejoindre son mari en Provence, puisqu'il n'y était pas, et qu'il n'avait rien à y faire; mademoiselle de Rambouillet n'était pas non plus avec son mari, puisqu'elle n'en avait pas et qu'elle était mademoiselle de Rambouillet, et non madame de Montausier. Le même auteur dit qu'il est las de lire cette anecdote, tant elle lui paraît suspecte. Nous croyons pouvoir assurer que cette anecdote, en ce qui concerne la présence des personnes désignées, quand elle aurait été avancée sans autorité, n'en est pas moins véritable. En effet, elle n'est pas seulement vraisemblable, mais il nous paraît impossible qu'elle ne soit pas vraie. Qu'on se reporte à cette époque où, dans la haute société, il n'existait pas un seul mari, un seul père qui ne fût flatté d'entendre mettre sa femme ou sa fille au rang des précieuses, au rang des femmes qui fréquentaient l'hôtel de Rambouillet; qu'on juge de l'effet que dut produire sur un tel public cette simple annonce des comédiens: Première représentation des Précieuses ridicules! Pas une seule des personnes qui étaient admises chez madame de Rambouillet, si elle n'était empêchée, ne dut manquer à cette représentation.

Page 89, ligne 7: Et que madame de Montespan jeûnait austèrement tous les carêmes.

Ce ne fut point cette année (1671), comme le prétend M. Rœderer dans son Histoire de la société polie, p. 299, ch. XXVII, que, par des scrupules de religion, Louis XIV fut sur le point de se séparer de madame de Montespan, mais à la fin de l'année 1675. M. Rœderer a été trompé par la mauvaise édition qu'a donnée la Beaumelle des Lettres de madame de Maintenon, t. II, p. 100, lettre 2e à madame de Saint-Géran. Les dernières lignes n'appartiennent pas à cette lettre, qui est bien donnée, d'après l'autographe, par Sautereau de Marcy dans son édition des Lettres de Maintenon, t. II, p. 110. Dans cette édition, le passage sur lequel s'appuie M. Rœderer et les lignes qui suivent ne s'y trouvent pas. L'Histoire de Bossuet par le cardinal de Bausset (liv. V, VIII, t. II, p. 44, 4e édit., 1824, in-12) et les lettres de Bossuet (20 juillet 1675, t. XXXVII des Œuvres) ne laissent aucun doute sur l'époque et les circonstances de cette tentative infructueuse pour engager le roi à répudier sa maîtresse.

Page 90, ligne 5: La place d'honneur était réservée à la Vallière.

Les Mémoires de Maucroix, que je cite en note, ont été publiés par la Société des bibliophiles de Reims, et tirés à un très-petit nombre d'exemplaires. De Maucroix fut député par le chapitre de Reims pour complimenter le Tellier, qui, de coadjuteur, avait été nommé archevêque. De Maucroix se rendit pour cet objet, en août 1671, avec trois autres chanoines ses collègues, à Fontainebleau, où la cour était alors; et voici comme il raconte ce qu'il vit, en attendant qu'il pût être reçu par l'archevêque:

«M. Barrois et moi, ayant vu les carrosses de S. M. qui étaient dans la cour de l'Ovale, nous attendîmes près d'une heure; et enfin nous vîmes le roi monter en calèche, madame la Vallière placée la première, le roi après, et ensuite madame de Montespan, tous trois sur un même siége, car la calèche était fort large. Le roi était fort bien vêtu, d'une étoffe brune avec beaucoup de passements d'or; son chapeau en était bordé. Il avait le visage assez rouge. La Vallière me parut fort jolie, et avec plus d'embonpoint qu'on ne me l'avait figurée. Je trouvai madame de Montespan fort belle; surtout elle avait le teint admirable. Tout disparut en un moment. Le roi, étant assis, dit au cocher: Marche! Ils allaient à la chasse du sanglier.» Mémoires de M. Fr. de Maucroix, ch. XX, 2e fascicule, p. 33.

CHAPITRE IV.

Page 107, lignes 5 et 9: Madame de Brancas avait été une des femmes les plus compromises... On crut que la beauté de mademoiselle de Brancas...

La femme du comte de Brancas se nommait Suzanne Garnier. Au volume III, p. 217, du Recueil de chansons historiques, mss. de la Bibliothèque nationale, un des couplets porte:

Brancas vend sa fille au roy,
Et sa femme au gros Louvoy.

Ménage disait que l'on ne pouvait faire l'histoire de son temps sans un recueil de vaudevilles; mais dans ces recueils, si pleins d'impureté, toujours les faits vrais et scandaleux sont exagérés, et ils en renferment un grand nombre évidemment calomnieux. Il est cependant remarquable qu'on ne trouve pas un seul couplet qui inculpe madame de Sévigné, et ils en renferment plusieurs qui font son éloge. Quant à Suzanne Garnier, comtesse de Brancas, ces recueils en font presque une autre comtesse d'Olonne, et il y est dit (t. III, p. 195, année 1668):

Brancas, depuis vingt ans,
A fait plus de cent amants.

Dans le nombre de ces amants, l'annotateur cite d'Elbœuf, Beaufort, d'Albret, Lauzun, Bourdeilles, comte de Matha, Monnerot, Partisan, Fouquet.

Page 112, ligne 18: On sut d'autant plus gré à mademoiselle de Lenclos d'en prendre la peine.

En 1672, on fit sur Ninon un couplet qui ne peut être cité en entier, car les muses des chansonniers de cette époque étaient presque toujours ordurières, même lorsque le sujet semblait appeler d'autres idées et d'autres expressions:

On ne reverra, de cent lustres,

Ce que de notre temps nous a fait voir Ninon,

Qui s'est mise, en dépit.....,

Au nombre des hommes illustres.

(Recueil de chansons historiques, mss. de la Biblioth. nationale, vol. III, p. 551.)

Page 117, lig. 22: A un bon mot de Ninon sur la comtesse de Choiseul.

Le passage de madame de Sévigné est ainsi: «La Choiseul ressemblait, comme dit Ninon, à un printemps d'hôtellerie. La comparaison est excellente.»

Ce passage de la lettre de madame de Sévigné a été mal compris. On a cru qu'il s'agissait de mauvais tableaux représentant le Printemps, exposés dans les cabarets. Nullement. D'assez bons artistes de cette époque avaient fait graver des têtes de femmes d'une beauté idéale, pour représenter toutes les expressions et toutes les formes que la beauté peut revêtir; ils désignaient ces têtes par un titre qui indiquait leurs intentions allégoriques: c'était la Langueur, le Désir, la Dévotion, les Muses, les Grâces, le Printemps, l'Été, etc. Des copistes imitèrent ces gravures d'une manière grossière, et les enluminèrent de couleurs fortes, pour les cabarets, les hôtelleries de passage et les gens du peuple; et c'étaient là les seules gravures qu'on y voyait, comme aujourd'hui des Bonaparte et des scènes de la révolution. Comparer une femme à l'élégante et gracieuse figure nommée le Printemps était en faire un grand éloge et dire qu'elle était fort belle; mais dire qu'elle ressemblait à la caricature de cette gravure, beaucoup plus connue que l'original, c'était la rendre ridicule, c'était exciter le rire, et faire, comme dit madame de Sévigné, une excellente comparaison.»

CHAPITRE V.

Page 123, ligne 16: On ouvrit à Cologne des conférences.

Charles-Albert, dit d'Ailly, duc de Chaulnes, conduisait ces conférences. Dans le Recueil de chansons historiques (mss. de la Bibl. nationale, 1673, vol. IV, p. 73), on trouve une chanson qui prouve que le sérieux des négociations n'empêchait pas les intrigues amoureuses des personnages français réunis à Cologne. Élisabeth Férou, femme du duc de Chaulnes, avait avec elle, comme demoiselle de compagnie, une très-belle personne nommée mademoiselle Auffroy, qu'on appelait par plaisanterie la Princesse. Elle fut aimée de Berthault et par Anne Tristan de la Baume; mais, selon l'annotateur de la chanson, un certain abbé de Suze parvint à supplanter tous ses rivaux.

Page 124, ligne 10: La duchesse de Verneuil.

La duchesse de Verneuil était cette Charlotte Seguier, fille du chancelier Seguier, qui, d'abord duchesse de Sully, avait épousé en secondes noces Henri, duc de Verneuil, fils naturel de Henri IV et d'Henriette de Balzac, comtesse d'Entragues. Par ce mariage, les Seguier avaient l'honneur de se trouver alliés à une princesse du sang. Quand la duchesse de Verneuil mourut en 1704, Louis XIV, qui voulait élever à un haut rang ses enfants naturels, porta quinze jours le deuil, comme pour une princesse du sang. (Saint-Simon, Mémoires, t. IV, p. 311.) Elle était, par son premier mariage, la mère du duc de Sully et de la princesse de Lude. (Sévigné, Lettres, 3 et 9 février 1672, 26 mars 1680, t. I, p. 311; t. II, p. 372; t. VI, p. 416; t. IX, p. 295, édit. G.; t. I, p. 236; t. II, p. 311; t. VI, p. 210; t. VIII, p. 457, édit. M.)

Page 124, ligne 14: Et Barillon.

Barillon, qui joua comme ambassadeur un si malheureux rôle en Angleterre, était petit, vif, empressé auprès des femmes. Fort riche, il n'épargnait pas l'argent pour réussir auprès d'elles: c'est ce que nous apprend une des plus intéressantes historiettes de Tallemant des Réaux, qui nous fait connaître une madame de Marguenat. Cette madame de Courcelles-Marguenat était une coquette aussi habile et aussi séduisante que Ninon et qui aurait pu être aussi célèbre, «puisqu'on disait qu'elle avait Brancas pour brave, le chevalier de Gramont pour plaisant, Charleval et le petit Barillon pour payeurs.» Brancas et Gramont sont bien connus des lecteurs de madame de Sévigné et d'Hamilton; Charleval l'est par ses poésies, et Barillon par l'histoire et divers mémoires. Assurément cette femme, qui finit par se faire épouser par Bachaumont, son dernier amant [770], savait se bien pourvoir.

Page 126, ligne 11: Sa tante de la Troche.

Cette dame était amie et non tante de madame de Sévigné; et dans la 3e partie, 2e édition de ces Mémoires, p. 376, ligne 9, il y a une faute de copiste, et, au lieu de la Troche, il faut lire la Trousse.

Page 130, ligne 28: En s'adressant à sa fille.

Je m'étonne que les éditeurs de madame de Sévigné ne se soient pas aperçus que ce paragraphe avait été transposé, et à tort intercalé dans le post-scriptum du comte de Grignan, qui, après ces mots, ne vient pas de moi, doit continuer par ceux-ci: vous avez fait faire à ma fille le plus beau voyage.

Le comte de Grignan savait la musique, puisque madame de Sévigné lui envoya des motets; mais son âge et sa position prouvent assez que ce qu'elle dit ici ne peut s'appliquer à lui.

Page 133, lignes 5 et 12: La comtesse de Saint-Géran.

L'annotateur des Chansons historiques dit que la comtesse de Saint-Géran (1673) passait sa vie aux Feuillants. Sa liaison avec Seignelay est postérieure à cette époque.

Page 134, ligne 3: Le marquis d'Harcourt.

Le marquis Henri d'Harcourt était colonel du régiment de Picardie. L'annotateur des Chansons historiques, selon son usage, ajoute à cette liste des amants de la duchesse de Brissac et lui donne pour amant payant un riche financier nommé Louis Béchameil, secrétaire du roi.

Page 139, ligne 13: Était due à sa jeune et jolie femme.

C'est ici le lieu de rectifier une faute de copiste qui s'est glissée dans la 3e partie de ces Mémoires, 2e édition (p. 213, lig. 11). Il faut substituer dans cette ligne la princesse de Soubise à la duchesse de Sully. Jamais l'on n'accusa celle-ci d'intrigues galantes avec Louis XIV ni avec aucun autre.

Page 140, ligne 7: Un propos fort graveleux du prince d'Orange.

Bussy lui écrit: «Et sur cela, madame, il faut que je vous dise ce que M. de Turenne m'a conté avoir ouï dire au frère du prince d'Orange, Guillaume: que les jeunes filles croyaient que les hommes étaient toujours en état, et que les moines croyaient que les gens de guerre avaient toujours, à l'armée, l'épée à la main.» A quoi madame de Sévigné répond fort gaillardement: Votre conte du prince d'Orange m'a réjouie. Je crois, ma foi, qu'il disait vrai, et que la plupart des filles se flattent. Pour les moines, je ne pensais pas tout à fait comme eux; mais il ne s'en fallait guère. Vous m'avez fait plaisir de me désabuser.»

Page 143, ligne 12: Le Genitoy est un château, etc., etc.

Sur quelques cartes des environs de Paris, ce lieu est écrit le Génitoire; il est situé entre Bussy-Saint-George et Jossigny, à deux kilomètres de l'un et de l'autre (voyez la feuille 11 des environs de Paris, de dom Coutans); le Dictionnaire universel de la France (1804, in-4o, t. II, p. 549) place ce château dans la commune de Jossigny; et le Dictionnaire de la poste aux lettres, publié par l'administration des postes, 1837, in-folio, dans la commune de Bussy-Saint-George, dont il est plus éloigné. Avant la révolution, il était de cette dernière paroisse. Le vrai nom est Genestay; et l'abbé le Bœuf donne l'histoire de cette seigneurie sans interruption, depuis Aubert de Genestay, miles, mort le 30 septembre 1246. Lorsque l'abbé le Bœuf écrivait (en 1754), la maison de Livry était encore en possession de cette terre. L'abbé le Bœuf termine en disant: «L'antiquité du nom de Genestay me dispense de réfuter ceux qui s'étaient imaginé que le vrai nom est Génitoire, qui lui serait venu, selon eux, de l'accouchement d'une dame d'importance.» (Le Boeuf, Histoire du diocèse de Paris, t. XV, p. 97 à 99.)

Les éditeurs de madame de Sévigné ont ignoré ce qu'avait écrit l'abbé le Bœuf sur le Genitoy; et l'un d'eux a cru que madame de Sévigné faisait un calembour sur le mot italien Genitorio ou Genitoio, et qu'aucune maison ou château de ce nom n'existait. (Monmerqué, édit. de Sévigné, 1820, in-8o, t. II, p. 419; Gault de Saint-Germain, t. II, p. 4 et 5; Grouvelle, édit. in-12, 1812, t. III, p. 83.)

CHAPITRE VI.

Page 147, ligne 4 du texte: Sa mère, etc.

Elle vivait encore lorsque Sidonia était en prison à la Conciergerie, et peut-être lui a-t-elle survécu; elle avait épousé un nommé Bunel, dont on ne sait rien.

Page 152, ligne 27: S'introduisit subitement dans sa chambre.

Par le moyen d'une fille d'honneur de la princesse de Carignan, qui se nommait madame Desfontaines et depuis fut madame Stoup et non Stoute, comme il est écrit dans la Vie de madame de Courcelles.

Page 154, ligne 8: A peine âgée de seize ans.

Le mariage de la marquise de Courcelles a dû avoir lieu lors du premier voyage de Louvois en Flandre, à la fin de 1666 ou au commencement de 1667. Gregorio Leti dit qu'elle s'est mariée à treize ans, ce qui n'est pas, puisqu'elle-même dit qu'elle avait treize ou quatorze ans lorsqu'elle sortit du couvent. Il faut bien accorder deux ans pour les démarches interventives faites pour la marier d'abord avec Maulevrier, alors en Espagne, et ensuite avec Courcelles, qui voyageait en pays étranger quand on forma le projet de le marier avec Sidonia: morte en décembre 1685, à l'âge de trente-quatre ans, madame de Courcelles, qui avait seize ans à la fin de 1666, était donc née en 1650, et non en 1659, comme il est dit à son article dans la Biographie universelle. (Vie de madame de Courcelles, p. 14.)

Page 156, lig. 17: La marquise de la Baume, cette maîtresse de Bussy.

Au volume III, page 67 du Recueil de chansons historiques, on trouve un couplet intitulé «Sur la.... femme de Hostun, marquis de la Baume

Ce couplet commence par ce vers:

«La Baume, maigre beauté;»

et à la suite du couplet se trouve, sur madame de la Baume, la note suivante:

«Elle était grande, friponne, espionne, rediseuse, aimant à brouiller tout le monde et ses plus proches pour le seul plaisir de faire du mal. D'ailleurs infidèle et fourbe à ses amants, qu'elle n'aimait que par lubricité, en ayant toujours plusieurs à la fois, qu'elle jouait et desquels elle se souciait peu.»

Page 161, ligne dernière: L'abbé d'Effiat.

L'abbé d'Effiat possédait l'abbaye Saint-Germain de Toulouse et celle de Trois-Fontaines.

Page 166, ligne 19: Avec la comtesse de Castelnau.

La comtesse de Castelnau était devenue veuve du maréchal de Castelnau en 1658, et mourut le 16 juillet 1696, âgée de quatre-vingts ans. (Voyez Dangeau.) Elle fut du nombre de ces femmes qui acquirent une scandaleuse célébrité par leurs intrigues galantes. Elle eut pour amants Villarceaux, le marquis de Tavannes, Jeannin de Castille.

Page 168, ligne 8: M. de Marsan.

Peut-être cette aventure de bal avec Charles de Lorraine, comte de Marsan, que madame de Sévigné, dans ses Lettres, nomme le petit Marsan, contribua-t-elle, quelques années plus tard, à la rupture de son mariage avec la maréchale d'Aumont, qui eut lieu par l'opposition du chancelier le Tellier, père de Louvois. (Voyez Sévigné, Lettres, 24 novembre 1675, t. IV, p. 118, édit. G.; t. IV, p. 97, édit. M.)

Page 168, ligne 19: La marquise de Courcelles se lia avec la duchesse de Mazarin.

On composa dans ce temps plusieurs couplets sur la duchesse de Mazarin et la marquise de Courcelles: nous nous contenterons de citer celui sur Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, et madame de Marolles, marquise de Courcelles, que le duc de Mazarin avait fait enfermer dans un couvent pour leurs galanteries:

Mazarin et Courcelles

Sont dedans un couvent;

Mais elles sont trop belles

Pour y rester longtemps.

Si l'on ne les retire,

On ne verra plus rire

De dame assurément.

Page 175, ligne 4: S'enferme dans le château d'Athée, près d'Auxonne.

Athée, petit hameau de 500 âmes, est dans le département de la Côte-d'Or, arrondissement de Dijon, canton d'Auxonne, à 11 kilomètres de Saint-Jean de Loos. C'est un lieu fort ancien, dont il est fait mention en 880 dans le cartulaire de Saint-Bénigne de Dijon, sous le nom d'Atéias; il était du diocèse de Châlon et de l'archidiaconé d'Oscheret. (Voyez J. Garnier, Chartes bourguignonnes, p. 69 et 70.)

Page 175, ligne 23: De M. le comte d'Hona.

L'auteur de la lettre qui est dans le manuscrit de M. Aubenas avait un oncle dans les bureaux de la chancellerie, sous le ministre le Tellier; il donne une relation très-détaillée de ce qui concerne le rasement du château d'Orange. Sa lettre (p. 239 du manuscrit) est intitulée Lettre écrite d'Orange, le 25 juillet 1712, à M. le baron de Roays, pour M. l'abbé de ***, chanoine de la cathédrale; puis après est une seconde lettre du même au même, datée du 3 août.

Dans la première (p. 250), il fait du comte d'Hona le portrait suivant: Il était de belle taille; il avait le visage en ovale, le nez aquilin, les joues couvertes d'une petite rougeur naturelle, le teint blanc, les cheveux noirs, les yeux de la même couleur, bien fendus. Il avait encore de très-belles qualités de corps, beaucoup d'esprit, robuste, infatigable, sage, assez éloquent à bien parler, bon ami, assez libéral, magnifique quand il donnait à manger. Il était beaucoup aimé des catholiques et des huguenots de la ville et de toute cette principauté, ce qui aurait fait le comble de toutes ces belles vertus qu'il possédait, n'eût été l'hérésie de Calvin qu'il professait.» Le comte Frédéric d'Hona eut Bayle pour gouverneur de son fils, et il résidait alors à Copet. La célèbre aventurière dont il est fait mention dans la lettre de Bayle à M. Minutoli, datée de Copet le 8 mars 1674 (Lettres choisies de M. Bayle; Rotterdam, 1714, t. I, p. 30), est la marquise de Courcelles, dont Bayle ignorait alors le nom.

Page 177, ligne 21: C'est de ce lieu qu'il a écrit à Manicamp.

Longueval de Manicamp, dont parle ici madame de Sévigné, était cousin germain de Bussy (voyez la lettre de Corbinelli, du 10 février 1652, t. I, p. 230, édit. Amst., 1721), et par conséquent aussi parent de madame de Sévigné. Il est souvent fait mention de lui dans l'Histoire amoureuse des Gaules de Bussy; nous y voyons que Manicamp était du nombre de ceux qui firent la fameuse partie de débauche au château de Roissy. C'est Manicamp qui, dans l'Histoire amoureuse des Gaules, introduit, par les questions qu'il fait à Bussy, l'histoire de madame de Sévigné. «Je m'étonne, dit Manicamp, que vous parliez comme vous faites, et que madame de Sévigny ne vous ait pas rebuté d'aimer les femmes.» (Recueil des histoires galantes; à Cologne, chez Jean le Blanc, p. 180.) Je cite ce livre de préférence, parce qu'il contient une édition de l'Histoire amoureuse de France, dont je n'ai point encore parlé. Ce volume sans date a 545 pages numérotées et 4 pages non numérotées; il est ancien, et en mauvais type elzévirien; il contient: 1o l'Histoire amoureuse de France; 2o Recueil de quelques pièces curieuses, servant d'éclaircissement à l'histoire de la vie de la reine Christine; 3o l'Histoire du Palais-Royal; 4o l'Histoire galante de M. le comte G. [Guiche] et de M. [Madame, duchesse d'Orléans]; 5o la Relation de la cour de Savoye ou des Amours de Madame Royale; 6o Comédie galante de M. de Bussy; 7o la Déroute et l'Adieu des filles de joye de la ville et des fauxbourgs de Paris.

La sixième pièce, la Comédie galante de M. de Bussy, est la plus curieuse du volume. C'est une pièce infâme, semblable au fameux Cantique qu'on a si faussement attribué à Bussy: elle est écrite dans un style ordurier et stupide, tel que celui de portiers ou de domestiques de mauvais lieux; avec cette différence que le nom de Bussy qu'on lit en tête de cette composition, écrit en toutes lettres ainsi que les mots obscènes, ne se retrouve plus dans ce volume comme auteur des autres pièces, pas même à l'Histoire amoureuse de France. Le Cantique, dans cette édition, est à la page 178; l'Histoire de madame de Sévigny commence à la page 182, celle de madame de Monglas à la page 198.

Page 181, ligne 2: Entre les bras d'un homme.

En marge d'une copie des Mémoires de la marquise de Courcelles, M. Monmerqué a trouvé, à côté du billet qui est à la page 153, ces mots en italien, qui sont probablement de Gregorio Leti: «Lei s'era imbertonata d'un palafreniere inglese, col quale venne sorpresa dal Boulay.»

Page 181, ligne 24: Le mal que vous m'avez fait à l'avenir m'empêchera, etc.

Il y a là une forte ellipse, mais l'on en saisit bien la raison et le sens; la phrase est claire pour celui qui sait lire. Les grammairiens et le prote, ou peut-être Chardon de la Rochette lui-même, n'ont pas compris cette phrase, et, pour la rendre plus régulière et plus claire, ils ont corrigé ainsi: «Le mal que vous me ferez à l'avenir,» sans s'apercevoir qu'ils changeaient un reproche en injure.

Page 182, ligne 17: La marquise de Courcelles se retira en Savoie, et y resta cachée.

Je crois que la marquise de Courcelles rejoignit à Chambéry la duchesse de Mazarin, qui y tenait une petite cour, et s'occupait à dicter ses Mémoires à l'abbé de Saint-Réal; et que ce fut sous la protection de cette duchesse qu'elle y résida. Mais je n'ai rien trouvé de positif à cet égard. (Voyez Saint-Évremond, Œuvres, t. VIII, p. 249, édit. 1753, petit in-12; t. IV, p. 272, édit. 1739.)

Page 185, note 464, ligne 2: A la suite du Voyage de MM. de Bachaumont et Chapelle.

Une de ces pièces fut composée lors de la première phase du procès, pendant le temps de la première captivité de madame de Courcelles et lorsque son mari vivait. Dans cette pièce, on la suppose aux pieds de ses juges, et on lui fait dire:

Pour un crime d'amour, dont je ne suis coupable

Que pour avoir le cœur trop sensible et trop doux,

Dois-je prendre un tyran sous le nom d'un époux?

Arbitres souverains de mon sort déplorable,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ah! consultez, de grâce, et vos yeux et vos cœurs;

Ils vous inspireront d'être mes protecteurs.

Tout ce que l'amour fait n'est-il pas légitime?

Et vous qui tempérez la sévère Thémis,

Pourrez-vous vous résoudre à châtier un crime

Que la plupart de vous voudrait avoir commis?

Ce sonnet sur madame de Courcelles fut envoyé à Bussy par le comte de L*** (Limoges?), et Bussy le trouva fort beau. (Bussy, Lettres, 3 mars 1673; t. IV, p. 38, édit. 1738.)

Je remarque qu'il y a dans ce singulier Recueil de 1698 cité dans la note, qui fut imprimé en France et non en Hollande, le Chapelain décoiffé (p. 60-63), qui n'est point attribué à Boileau dans ce livre.—Ce volume, qui porte une sphère sur le frontispice, a 164 pages, et se termine par des Centuries du style de Nostradamus, faites par monseigneur le duc et envoyées à madame de la Fayette, qui les a expliquées.

CHAPITRE VII.

Page 190, ligne dernière: Un père et une sœur.

Je transcrirai le couplet qui se trouve dans les Chansons curieuses, avec le préambule et les notes qui l'accompagnent.

Chansons historiques (1673), vol. IV, p. 61.

Sur l'air: Amants, ainsi vos chaînes.

«Chanson dans laquelle l'auteur fait parler Philippe de Coulanges, maître des requêtes, sur toute la famille.

«Cette chanson fut faite par de Guilleragues, secrétaire du cabinet du roi, lequel était à l'abbaye de Livry avec le sieur de Coulanges. Elle fut cause de la ruine de Coulanges, parce que Michel le Tellier, chancelier de France, crut que cette chanson était de lui, et qu'il s'opposa toujours à ce qu'il obtînt une intendance.» (Cela est peu vraisemblable. Ce fut l'éloignement de Coulanges pour les affaires qui l'empêcha de pouvoir obtenir aucun emploi.)

«J'aime mon beau-frère

Le comte de Sanzei [771],

J'aime ma belle-mère [772],

Mon beau-père du Gué [773],

Mon cousin de la Trousse [774],

Mon frère de la Mousse [775],

Mon oncle le Tellier [776];

Mais j'aime mieux Gautier [777]

Page 191, ligne 2: Un Virgile, non pas travaillé, mais dans toute la majesté du latin et de l'italien.

L'abbé Faydit nous a conservé un fragment de lettres de Ménage qui prouve bien que madame de Sévigné n'était pas indigne de la majesté du latin, si ce passage (extrait des Remarques sur Virgile et sur Homère, et sur le style poétique de l'Écriture sainte; Paris, 1705, in-8o, p. 168, § III) est authentique.

«M. Ménage écrivant à madame la marquise de Sévigné, en cour, pendant un carnaval où l'on se divertit beaucoup et où il y eut de grandes fêtes et quantité de bals et de mascarades, lui dit: «Ce sont des jeux et des bourdonnements d'abeilles que tous ces grands mouvements que vous vous donnez dans le carnaval. Un peu de poussière jetée sur la tête des abeilles fait cesser tous leurs combats, et les oblige de se retirer dans leurs trous. Je vous attends au mercredi des Cendres. Celles que l'on vous mettra sur la tête et sur celle de vos jeunes seigneurs feront cesser tous les divertissements de la cour, et vous ramèneront ici, selon la prophétie de Virgile, liv. IV, v. 86:

Hi motus animorum atque hæc certamina tanta
Pulveris exigui jactu compressa quiescunt.
»

Cette application des vers de Virgile au jour des Cendres se trouve dans le Ménagiana, mais sans aucune mention de madame de Sévigné ni de la lettre que lui a adressée Ménage; et cependant la Monnoye, qui a fort allongé cet article du Ménagiana, cite l'ouvrage de Faydit sans faire non plus mention du fragment de lettres. S'il ne croyait pas à son authenticité, il fallait le dire; s'il y croyait, il devait transcrire le fragment de Ménage. (Ménagiana, 3e édit., 1715, t. II, p. 308.)

Page 191, ligne 13: Dans le beau château de Montjeu.

La terre et la seigneurie de Montjeu est une ancienne baronnie, que Charlotte Jeannin, fille du célèbre Pierre Jeannin, président à mortier au parlement de Bourgogne, apporta en mariage, avec celle de Dracy et de Chailly, à Pierre de Castille, contrôleur et intendant des finances, ambassadeur en Suisse, décédé en 1629. Le fils de ce dernier, Nicolas, joignit à son nom le nom plus illustre de sa mère, et se nomma Nicolas Jeannin de Castille, et le plus souvent Jeannin. Il obtint, ainsi que je l'ai dit dans le texte, que sa baronnie serait érigée en marquisat, ce qui se fit par lettres patentes en 1655, registrées à la chambre des comptes de Dijon le 30 mars 1656. Il ne prit pas le titre de marquis de Montjeu, qui lui appartenait; son fils fut ainsi nommé, et le marquisat de Montjeu appartint au prince d'Harcourt, qui avait épousé la fille unique du fils de Jeannin. Les biens du prince d'Harcourt et de Guise sur Moselle ayant été mis en direction, la présidente d'Aligre acheta, en 1748, le marquisat de Montjeu. En 1734, lorsque Garreau publiait sa seconde édition de la Description de la Bourgogne, Montjeu appartenait encore à madame Jeannin de Castille, princesse de Guise. Il y a une vue de ce château dans le Voyage pittoresque de Bourgogne, in-fol., 1835, feuille 7, no 25.

Page 193, ligne 12: Auprès de la comtesse d'Olonne, et note 484.

Je cite deux éditions du célèbre libelle de Bussy, qui sont peu connues, que je possède, et que je n'ai pas encore eu occasion de mentionner. La première est un in-18 de 258 pages, qui offre au frontispice une gravure finement exécutée, où il a trois hommes et trois femmes sur le premier plan, et un homme et une femme sur le second plan, dont on ne voit que les têtes: en haut, sont deux Amours lançant des flèches. Au bas de cette gravure-frontispice sont écrits ces mots: Histoire amoureuse des Gaules, P. M. De Bussy Sn (Salon?) de la Bastille; mais l'intitulé de la page 1 porte: Histoire amoureuse de France. Les noms, loin d'être déguisés, sont en toutes lettres; ainsi Jeannin, qui se nomme Castillante dans les éditions ordinaires, est nommé ici Jeannin. Les Maximes d'amour et la lettre de Bussy au duc de Saint-Aignan (p. 239 et 247) s'y trouvent; le fameux Cantique est à la page 196; l'Histoire de madame de Sévigny, à la page 200; celle de madame de Monglas et de Bussy, p. 218. L'autre édition est intitulée Recueil des histoires galantes; à Cologne, chez Jean le Blanc, sans date. Ce volume in-18, carré, a 545 pages paginées, et de plus trois pages non paginées; j'en ai déjà parlé.

Je dirai, à l'occasion de ces libelles, que, dans la 3e partie de ces Mémoires, p. 9, ch. 1, on lit: «Deux femmes d'un haut rang étaient diffamées.» Il fallait ajouter en note, comme citation, Villefort, Vie de madame de Longueville; Amsterdam, 1729, in-12, t. II, p. 161, ou Paris, 1738, p. 169.

Le passage est important, et confirme par un témoignage si formel ce que nous avons dit de Bussy et de son libelle que nous allons le transcrire d'après l'édition de Hollande, où le nom du comte de Bussy-Rabutin est en toutes lettres, tandis qu'il n'y a que les initiales (C. de B. R.) dans l'édition de Paris.

«Le comte de Bussy-Rabutin, dans son ouvrage satirique contre tout ce qu'il y avait à la cour de personnes distinguées par leur mérite, avait osé s'attaquer à M. le Prince, lequel, indigné de son insolence, en témoigna publiquement sa surprise. Un gentilhomme, plein de zèle pour son maître, proposa de le venger, et fit armer tous les bas domestiques de l'hôtel de Condé, dans le dessein de se mettre à leur tête pour aller assommer Bussy. Madame de Longueville, qu'il n'avait pas plus épargnée dans son libelle, fortuitement avertie de cette conspiration, vint en hâte trouver son frère, et se jeta à ses genoux, et, les larmes aux yeux, le conjura de sauver la vie au coupable.»

Page 195, ligne 19: Son fils possédait la terre d'Alonne.

Bussy nous apprend qu'il s'était marié avec Gabrielle de Toulongeon, à la terre d'Alonne, près d'Autun, le 28 avril 1643. (Bussy, Mémoires, édit. 1721, p. 93.) Elle mourut le 26 décembre 1646: il en eut trois filles: Diane, Charlotte et Louis-Françoise. Ainsi, dans l'espace de trois ans et huit mois, il eut trois enfants de sa première femme; aussi dit-il que l'aîné n'avait que deux ans lorsqu'il perdit sa femme. (Bussy, Mémoires, t. I, p. 125, édit. d'Amsterdam, 1721.)

Page 195, ligne 22: Toulongeon.—Page 196, ligne 1: Chazeul.

Chazeul ou Chazeu fut acquis en 1641, par le comte Roger de Rabutin, de Catherine de Chissey (voyez Girault, Détails historiques, dans les Lettres inédites de madame de Sévigné, 1819, in-12, p. LIV). Garreau, dans sa 2e édition seulement, dit: «Chazeul, dans la paroisse de Laizy, seigneurie du bailliage d'Autun.»

Lors de la première édition de l'ouvrage de Garreau (Dijon, 1717, in-12, p. 320), Toulongeon appartenait encore à un Toulongeon. Lors de la 2e édition de ce livre, in-8o, 1734, p. 641, cette terre était la propriété de madame de Longhal, épouse du marquis de Dampierre.

Page 197, ligne 20: Elle n'arriva, le jour suivant, qu'à six heures du soir.

L'exactitude de ces détails résulte de la lettre même de madame de Sévigné et du mode de voyager pratiqué encore en 1833, quoiqu'il y eût déjà un bateau à vapeur. A neuf heures du soir, les patrons de la diligence (coches d'eau) appelaient les voyageurs après que les paquets, chevaux, voitures, bestiaux avaient été embarqués. Le bateau était traîné par des chevaux, et ne faisait qu'une lieue et demie à l'heure: cela était bien lent. A cette même époque de 1833, nous fîmes ce trajet avec des chevaux de poste beaucoup plus rapidement; mais madame de Sévigné voyageait avec ses chevaux, et, en suivant la marche ordinaire de onze lieues par jour, elle eût mis trois jours.

Page 198, ligne 1: Je soupai chez eux.

On voit, par la satire III de Boileau, que l'on dînait alors entre midi et une heure, immédiatement après la messe; le souper devait être de six à sept heures du soir.

J'y cours, midi sonnant, au sortir de la messe,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le couvert était mis dans ce lieu de plaisance...

. . . . . . . Cependant on apporte un potage.

(Satire du sieur D**, 1666, in-12, p. 20.)

Page 198, ligne 25: Il n'en est pas de même d'un monsieur M.

Une autre maison qu'on admirait alors à Lyon, bâtie sur la place de Bellecour par un architecte italien, était celle de M. Cazes.—Madame Deshoulières a adressé plusieurs pièces de vers à ce M. Cazes, avec lequel elle avait sans doute fait connaissance lorsqu'au printemps de l'année 1672, et environ six mois avant le voyage de madame de Sévigné, cette femme poëte fit un voyage à Lyon. C'est dans cette année que furent aussi imprimés ses premiers vers, dans le tome I du Mercure galant. (Voyez l'Éloge historique de madame Deshoulières, t. I, p. XIX des Œuvres, édit. 1764, in-12.) Elle se rendit dans le Forez, et ensuite en Dauphiné, et après chez la marquise de la Charce, près de la ville de Nyons, où elle séjourna trois ans. La première édition de ses poésies parut en 1668, en un vol. in-8o, chez Sébastien Cramoisy. On y trouve, p. 33, des vers adressés à mademoiselle de la Charce (Philis de la Tour du Pin de la Charce, qui combattit vaillamment, le pistolet au poing, sous les ordres de Catinat), pour la fontaine de Vaucluse. Mais les vers à M. Cazes et les réponses de celui-ci ne parurent que dans la seconde édition des Poésies de madame Deshoulières, en deux volumes, 1693, in-8o, avec un beau portrait dessiné par mademoiselle Chéron et gravé par Van Schuppen. Les vers de M. Cazes à madame Deshoulières et les réponses de celle-ci sont dans le t. II, p. 257 à 266, de cette édition. Dans une autre édition il y a une lettre de M. Cazes, datée de Bois-le-Vicomte le 24 octobre 1689, dans laquelle on dit qu'on célèbre en ce jour la fête de madame d'Hervart. Il en résulte que ce M. Cazes, qui faisait facilement des vers, a aussi connu la Fontaine, et a dû se trouver avec lui à Bois-le-Vicomte et avec le poëte Vergier. Les stances que fit madame Deshoulières après la mort de M. Cazes et qui commencent ainsi,

J'ai perdu ce que j'aime, et je respire encor

prouvent, ainsi que d'autres pièces imprimées dans la dernière édition, que la liaison de madame Deshoulières avec M. Cazes fut très-intime et de longue durée.

CHAPITRE VIII.

Page 205, note 510.

La France galante, ou Histoire amoureuse de la cour; nouvelle édition, augmentée de pièces curieuses, chez Pierre Marteau, 1695. Ce n'est pas la première édition de ce recueil impur, qu'il faut lire malgré soi.

Page 209, ligne 20: Fi! je hais les médisances.

Ce trait est joli après ce qu'elle vient de dire. Voilà un exemple de ces mots vifs et piquants, fins et imprévus, que les contemporains appelaient les épigrammes de madame de Coulanges et qui faisaient dire à l'abbé Gobelin, après avoir entendu d'elle une confession générale: «Chaque péché de cette dame est une épigramme.»

Page 210, note 523: Sévigné, Lettres (30 octobre 1672).

Grouvelle est le premier auteur des notes sur cette lettre (30 octobre 1672); du moins je n'ai point trouvé cette lettre dans les deux éditions de 1726, ni dans celles de 1734 et de 1754, publiées par le chevalier Perrin. C'est donc à tort que M. G. de S.-G. a supposé que ces notes étaient de Perrin; mais je n'ai point consulté les éditions intermédiaires entre les éditions de Perrin et leurs Suppléments et l'édition de Grouvelle. Les suppositions de cet éditeur, qui dit que le gros cousin de madame de Coulanges est Louvois, et Alcine la comtesse de Soissons, mais qui se trouve démenti formellement par la lettre où madame de Sévigné la traite de vieille Médée, ont passé comme des faits non contestés dans toutes les éditions de madame de Sévigné faites depuis Grouvelle, et ensuite dans le Recueil de Lettres de madame de Coulanges, données par Auger (Lettres de madame de Villars, Coulanges, etc.; Paris, 1805, in-12, 2e édition, t. I, p. 69), et dans l'article du maréchal de Villeroi de la Biographie universelle (t. XLI, p. 59, etc., etc.).

Page 216, ligne 2: Apparenté avec les le Tellier.

Les deux fils du duc d'Aumont, l'un, qui devint duc d'Aumont, l'aîné, était fils de la sœur de l'archevêque de Reims; l'autre fut duc d'Humières: ils étaient seulement frères de père.

Page 219, ligne 1: Dans les chansons du temps et dans les notes historiques de ces chansons.

Ce fut surtout lorsque, dans un âge avancé, la duchesse d'Aumont eut réellement tourné à la grande dévotion qu'elle se trouva le plus en butte aux traits satiriques des faiseurs de vaudevilles. Les persécutions contre les protestants et l'extrême dévotion du roi avaient animé la jeune cour et l'opinion publique contre les prêtres et contre les jésuites, et l'on cherchait à rendre suspects et à flétrir les directeurs spirituels. Voici ce qu'on trouve dans le Recueil des chansons historiques, sur la duchesse d'Aumont (1691):

Chanson historique sur Françoise-Angélique de la Mothe-Houdancourt, seconde femme de Louis-Marie, duc d'Aumont, pair de France, chevalier des ordres du roi, premier gentilhomme de sa chambre, gouverneur de Bretagne et du pays de Bolonois.

Sur l'air: Je ne saurois.

Seras-tu toujours éprise

De toutes sortes de gens?

A ton âge est-on de mise?

D'Aumont quitte tes galants.—

Je ne saurois.—

Quitte au moins les gens d'Église.—

J'en mourrois.

«La duchesse d'Aumont étoit dévote de profession; et comme elle avoit toujours eu quelque directeur en affection, qu'étant fort vive elle étoit souvent avec lui et en parloit sans cesse, on avoit toujours médit d'elle et de ses directeurs. Les deux plus fameux qu'elle eût eus jusqu'à cette présente année 1691 étoient le P. Gaillard, jésuite, qu'elle quitta pour un prêtre de l'Oratoire, appelé le P. de la Roche. Mais ce qui avoit encore, plus que tout cela, donné lieu à la médisance, c'est que Charles-Maurice le Tellier, archevêque-duc de Reims, pair de France, etc., prélat très-décrié du côté de la continence, avoit été très-longtemps amoureux d'elle. Cette passion avoit d'autant plus fait de bruit que la duchesse d'Aumont ayant aigri contre elle, quelques années auparavant, le marquis de Villequier son beau-fils, celui-ci parloit publiquement contre le commerce de sa belle-mère avec l'archevêque de Reims. Le public renchérit encore là-dessus, et n'épargna pas les directeurs; et peut-être avoit-il raison, car il faut toujours se défier des femmes, et surtout des dévotes.»

Page 219, ligne 10: Pour la marquise de Créquy, sa nièce.

Le Tellier l'archevêque défrayait sa maison, et lui laissa ses biens. Saint-Simon donne ensuite pour amant à la marquise de Créquy l'abbé d'Estrées; mais la conversion de la marquise de Créquy fut entière et de la bonne espèce, comme celle des la Vallière, des la Sablière, des comtesse de Marans et de tant d'autres femmes de ce siècle, si fécond en singuliers contrastes.

Page 220, ligne 1: Sous le nom de mademoiselle de Toucy.

La maréchale de la Mothe était la seconde fille de Louis de Brie, marquis de Toucy; de là le nom que portait sa fille aînée. (Voyez Saint-Simon, Mémoires authentiques, t. VII, p. 4.) Le duc d'Aumont était pair de France, et avait prêté serment pour la charge de premier gentilhomme de la chambre (ils étaient quatre gentilshommes de la chambre) le 11 mars 1669. Lorsque, huit mois après, en décembre 1669, il épousa mademoiselle de Toucy, âgée de dix-neuf ans, lui, né le 9 décembre 1632, avait trente-sept ans. Il avait épousé, le 21 novembre 1660, Madeleine-Fare le Tellier, morte le 22 juin 1668, dont il avait eu deux filles et deux fils.

Page 220, lignes 1 et 3: Mademoiselle de Toucy,... ainsi que le duc de Villeroi.

Villeroi, comme compagnon d'enfance du roi et à cause de sa jolie figure, jouait dans presque tous les ballets.

En 1655, il représentait avec M. de Rassant, dans le Ballet des Plaisirs, deux garçons baigneurs; et voici les vers que l'on chantait à leur entrée sur la scène:

Nous ne connaissons point l'Amour ni ses trophées,

Et sommes seulement jolis aux yeux de tous;

Mais quand nous serons grands, toutes les mieux coiffées

Pourraient bien se coiffer de nous.

Louis XIV avait dix-sept ans quand il dansa dans ce Ballet des Plaisirs. Dans la première partie, ce ballet représentait les divertissements de la campagne, et dans la seconde les divertissements de la ville; le roi figurait, dans la première entrée de la seconde partie, un débauché, et voici les vers que, tandis qu'il dansait, Vénus lui adressait:

Il n'est ni censeur ni régent

Qui ne soit assez indulgent

Aux vœux d'une jeunesse extrême,

Et, pour embellir votre cour,

Qui ne trouve excusable même

Que vous ayez un peu d'amour.

Mais d'en user comme cela,

Et de courre par ci, par là,

Sans vous arrêter à quelqu'une;

Que tout vous soit bon, tout égal,

La blonde autant comme la brune,

Ah! sire, c'est un fort grand mal.

Et cela s'imprimait pour la première fois en 1696, avec privilége du roi (alors âgé de cinquante-huit ans), et se vendait au Palais, chez Charles de Sercy, au 6e pilier de la grand'salle, vis-à-vis la montée de la cour des aydes, à la Bonne Foi couronnée. (Voyez Benserade, Œuvres, 1697, t. II, p. 130 et 138.) Les Contes de la Fontaine étaient alors proscrits par sentence de police.

En 1656, dans le ballet de Psyché, Villeroi représentait Cupidon, et madame de Bonneuil Alcine. (Benserade, p. 150 et 157.)

En 1658, dans le ballet d'Alcidiane, Villeroi était en femme, et jouait une Bergère et ensuite un Amour. (Id., p, 200 et 204.) Il avait alors quinze ans.

En 1659, dans le ballet de la Raillerie, il représentait une fille de village (p. 212); en 1661, dans le ballet des Saisons, un masque (p. 226); et cette année, dans le ballet de l'Impatience, il représentait un grand amoureux. C'est à lui que Benserade prête les plus jolis vers de cette scène (p. 235); et, dans le même ballet, Villeroi figurait dans la danse un jeune débauché. Dans les vers qu'on lui chantait, on suppose le cas où son père pourrait lui refuser de l'argent pour la satisfaction de ses plaisirs, et l'on termine ainsi:

Et comme il ne s'agit, auprès de la plus chiche,

Que de gagner son cœur pour avoir son argent,

Que vous allez devenir riche!

En 1662, dans le ballet d'Hercule amoureux, le roi et la reine dansaient; la comtesse de Soissons et mademoiselle de Toucy dansaient; Villeroi n'y figure pas. Benserade, dans les vers qu'on chantait pour la comtesse de Soissons, fait allusion à son amour avec le roi, malgré la présence de la reine dans ce ballet.

Ces aimables vainqueurs, vos yeux, ces fiers Romains,

Semblent n'en vouloir pas aux vulgaires humains,

Mais des plus élevés permettre la souffrance:

Et ces grands cheveux noirs, alors qu'ils sont épars,

Ont un air de triomphe et toute l'apparence

De savoir comme il faut enchaîner les Césars.

Et à mademoiselle de Toucy (depuis duchesse d'Aumont), qui représentait une étoile, on chantait:

Dirait-on pas que c'est l'Amour

Qui ne fait encor que de naître?

Ou l'étoile du point du jour

Qui déjà commence à paraître?

Elle n'avait alors que douze ans; elle naquit en 1650, et mourut en 1711. (Voyez Benserade, t. II, p. 258 et 279.)

Le marquis de Villeroi joua encore dans le ballet de la Naissance de Vénus, en 1665, et représentait un dieu marin et aussi Achille (p. 339 et 352). C'est dans ce ballet que mademoiselle de Sévigné (madame de Grignan) joua le rôle d'Omphale. (Voyez 2e partie de ces Mémoires, p. 333.)

Dans la Mascarade royale de 1668, le marquis de Villeroi, à côté du roi, comme lui figura le Plaisir.

Dans le dernier ballet composé par Benserade en 1681, joué en imitation de ceux de Louis XIV pour divertir le Dauphin, et qui fut non dansé par le roi, mais devant le roi, c'était une autre génération de beautés; ce n'est plus, dans ce Triomphe de l'Amour, alors le marquis de Villeroi qui représentait l'Amour, mais c'était son fils, le marquis d'Arlincourt. Je remarque que la sœur de la duchesse d'Aumont, la duchesse de la Ferté, plus jeune qu'elle, figure encore dans ce ballet. Le monarque était vieux; la muse du poëte a changé de ton et est beaucoup plus réservée. (Benserade, t. II, p. 412 et 425.)

Page 210, ligne 30, note 524: Histoire amoureuse des Gaules, 1754, in-12.

Ce recueil, qui est en cinq volumes, contient, sous le nom de Bussy, une grande partie des libelles qui ont paru à différents temps. L'éditeur n'indique pas la date de la publication de ces divers opuscules, si importants à connaître pour la critique historique; et il n'a pas connu les premières éditions ni celles qui sont les meilleures.

J'ai parlé des diverses éditions de l'Histoire amoureuse des Gaules ou de l'Histoire amoureuse de France de Bussy, par où commence le recueil de 1754. J'ai fait connaître aussi le recueil des Histoires galantes, à Cologne, chez Jean le Blanc, qui contient les ignobles scènes intitulées Comédie galante de Bussy. Dans les recueils suivants, rien n'est attribué à Bussy.

I. La France galante, ou histoires amoureuses de la cour, in-12 de 492 pages, contenant: 1o la France galante, ou histoires amoureuses de la cour; 2o les Vieilles amoureuses; 3o la France devenue italienne; 4o le Divorce royal, ou la Guerre civile dans la famille du grand Alexandre; 5o les Amours de monseigneur le Dauphin et de la comtesse du Roure.

II. Amours des dames illustres de notre siècle, 1680, in-12; à Cologne, chez Jean le Blanc, 384 pages de pagination suivie; puis, le Passe-temps royal, ou les Amours de mademoiselle de Fontanges, 71 pages; le frontispice gravé, qui est un Amour ailé, est daté de 1681. La première partie, de 384 pages, renferme: 1o Aosie, ou les Amours de M. T. P. (Montespan); 2o le Palais-Royal, ou les Amours de madame de la Vallière; 3o Histoire de l'amour feinte du roi pour Madame; 4o la Princesse, ou les Amours de Madame; 5o le Perroquet ou les Amours de Mademoiselle; 6o Junonie, ou les Amours de madame de Bagneux; 7o les Fausses Prudes, ou les Amours de madame de Brancas; 8o la Déroute, ou l'Adieu des filles de joie (il y a une édition séparée de cet opuscule; Elzév., 1667). On attribue ces libelles à Sandraz de Courtils.

Dans le même genre sont: le Tombeau des amours de Louis le Grand et ses dernières galanteries; à Cologne, chez Pierre Marteau, 1695, in-18, avec un titre gravé.—La Vie de la duchesse de la Vallière, par ***; à Cologne, chez Jean de la Vérité, 1695, in-12, 321 pages.—La Chasse au loup de monseigneur le Dauphin; à Cologne, chez Pierre Marteau, 1695, in-12, avec un frontispice gravé; 312 pages in-12.

J'ai un recueil en deux volumes in-12, avec des gravures assez bien exécutées, intitulé la France galante, ou Histoire amoureuse de la cour sous le règne de Louis XIV; à Cologne, chez Pierre Marteau (sans date); mais un joli frontispice, gravé par P. Yvert, donne la date de 1736. Ce recueil est en partie la traduction de ceux dont on vient de donner les titres.

Le tome 1er, qui a 366 pages, renferme: 1o la France galante, ou Histoire amoureuse de la cour; 2o Suite de la France galante, ou les Derniers déréglements de la cour; 3o les Vieilles amoureuses.

Le tome II a 472 pages, et renferme: 1o le Perroquet, ou les Amours de Mademoiselle; 2o Junonie, ou les Amours de madame de Bagneux; 3o les Fausses Prudes, ou les Amours de madame de Brancas et autres dames de la cour; 4o la Déroute et l'Adieu des filles de joie; 5o le Passe-temps royal, ou les Amours de madame de Fontanges; 6o les Amours de madame de Maintenon, sur de nouveaux mémoires très-curieux; 7o les Amours de monseigneur le Dauphin avec la comtesse du Roure.

On est surpris de ne pas trouver dans aucun de ces recueils le curieux libelle de Sandraz de Courtils, intitulé les Conquestes amoureuses du grand Alcandre dans les Pays-Bas, avec les intrigues de la cour; Cologne, chez Pierre Bernard, 1685, in-12 de 144 pages.

CHAPITRE IX.

Page 254, note 591: Sévigné, Lettres (Lambesc, le mardi 20 décembre à dix heures du matin).

La date de cette lettre est certaine, car elle s'accorde avec l'extrait manuscrit des délibérations de l'assemblée des communautés, qui commencèrent le 17; mais on s'aperçoit en lisant les quatre lettres qui précèdent celle-ci qu'elles ont besoin d'être replacées dans leur ordre, et qu'il est nécessaire de rétablir leur date. Aix étant sur le chemin de Lambesc à Marseille, il était naturel de supposer que la date du 11 décembre devait être convertie en celle du 21; mais deux considérations démontrent que cette lettre est bien datée du 11 décembre, qui, en l'année 1672, tombe un dimanche. C'est dans ce jour que madame de Sévigné, lorsqu'elle était à Livry, avait coutume d'aller à Pomponne rendre visite à Arnauld d'Andilly, ce qui explique les premiers mots de la lettre. En outre, ces mots, «Vous seriez bien étonné si j'allais devenir bonne à Aix; je m'y sens quelquefois portée par esprit de contradiction,» indiquent un séjour de près d'une semaine, ou plus, à Aix avant la tenue de l'assemblée, en compagnie avec M. de Grignan. D'ailleurs, si cette lettre avait été écrite en passant à Aix pour aller à Marseille, elle devrait être datée du mardi 20, puisqu'il résulte de ce qui est dit dans la lettre datée de Marseille le mercredi que madame de Sévigné et M. de Grignan reçurent à Marseille des visites aussitôt leur arrivée, le mardi soir (t. III, p. 124 et 125, 5e édit. G.). Une autre preuve du séjour, pendant une semaine ou deux, de madame de Sévigné à Aix avant la tenue des assemblées, résulte de ces mots contenus dans une lettre que lui adresse madame de la Fayette, en lui demandant de faire remettre une lettre à la duchesse de Northumberland, lettre datée du 30 décembre: «Je vous supplie donc, comme vous n'êtes plus à Aix...» (t. III, p. 137, édit. G.). Donc madame de Sévigné était restée quelque temps à Aix, et ce séjour ne peut trouver sa place qu'avant l'ouverture de l'assemblée. Madame de la Fayette savait qu'au 30 décembre madame de Sévigné était retournée à Grignan. D'après ces observations, les lettres se classent de la manière suivante:

1o Lettre du dimanche 11 décembre, à Arnauld d'Andilly (d'Aix), t. III, p. 129, édit. G.;

2o Lettre du mardi 20 décembre (de Lambesc), t. III, p. 121, édit. G.;

3o — du mercredi 21 décembre (de Marseille), t. III, p. 124, id.;

4o — du jeudi 22 déc., à midi (de Marseille), t. III, p. 126, id.;

5o — du jeudi 22 déc., à minuit (de Marseille), t. III, p. 128, id.

Page 259, ligne 23: J'ai bien envie de la faire voir à madame du Plessis.

Madame de Sévigné a connu plusieurs dames du Plessis. D'abord madame du Plessis-Bellière, la courageuse amie de Fouquet, la belle-mère du maréchal de Créqui, Susanne de Buc; mais ce n'est point de celle-là qu'il est ici question. Ce ne peut être non plus la comtesse du Plessis, dont madame de la Fayette parle dans cette même lettre, puisqu'elle les distingue non-seulement dans cette lettre, mais dans celle du 19 mai 1673; celle-ci était Marie-Louise le Loup de Bellenave, veuve d'Alexandre de Choiseul, comte du Plessis, tué au siége d'Arnheim en juin 1672, à l'âge de trente-huit ans. (Sévigné, Lettres [20 juin 1672], t. III, p. 71; Saint-Simon, Mémoires complets et authentiques, t. III, p. 332.) Ce Choiseul, comte du Plessis, était fils de César, duc de Choiseul, maréchal de France; il était cousin de la femme de Bussy, et il y a plusieurs lettres de lui et de sa femme dans le Recueil des lettres de Bussy (t. V, p. 157, 162, 131 et 230; t. III, p. 196); il mourut trois ans avant son père, et laissa un fils unique, qui devint duc et pair et fut tué devant Luxembourg sans avoir contracté d'alliance. La veuve du comte du Plessis devint amoureuse de Clérembault, l'écuyer de Madame, et l'épousa; elle n'avait cependant que trente ans, et lui en avait cinquante. (Suite des Mémoires de Bussy, p. 25, mss. de l'Institut.) Madame du Plessis que nous cherchons n'est pas madame du Plessis-Guénégaud retirée du monde et faisant son séjour à Moulins. La madame du Plessis de cette lettre du 30 décembre 1672 et du 19 mai 1673 est donc madame du Plessis-d'Argentré, la mère de cette demoiselle du Plessis qui aimait tant madame de Sévigné, dont elle était la bête noire par ses ridicules et ses importunités. Madame de Sévigné écrivit à cette madame du Plessis lorsqu'elle était en Provence; et madame de la Fayette lui mande, le 19 mai 1673: «Madame du Plessis est si charmée de votre lettre qu'elle me l'a envoyée; elle est enfin partie pour la Bretagne.» Madame de la Fayette, malgré sa paresse, correspondait avec madame du Plessis, comme on le voit par ce passage d'une de ses lettres à madame de Sévigné: «J'ai mandé à madame du Plessis que vous m'aviez écrit des merveilles de son fils.» Ainsi, madame du Plessis avait un fils en Provence, ce qui explique ses relations avec l'évêque de Marseille, et pourquoi madame de la Fayette voulait lui montrer la lettre de madame de Sévigné. Je crois que madame du Plessis était pour madame de la Fayette une connaissance de sa jeunesse, lorsque, étant demoiselle de la Vergne, elle passait une partie de la belle saison à Champiré, dans la terre de son beau-père Renaud de Sévigné. Madame du Plessis-d'Argentré mourut en avril ou mai 1680. (Voyez Sévigné, lettre du 6 mai 1680, t. VI, p. 474, édit. G.; t. VI, p. 255, édit. M.)

CHAPITRE X.

Page 268, ligne 9: Louis la dota de la terre d'Aubigny-sur-Nière.

Cette terre était en Berry, actuellement dans le département du Cher; le village est chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Sancerre, et la forêt, qui en formait probablement la principale partie, a trois lieues de long sur une lieue de large. C'est un apanage du duc de Richmond, et la mort du duc de Richmond, sans enfant mâle, avait fait retourner cette terre à la couronne de France. Le fils aîné de la duchesse de Portsmouth devint ainsi la tige des nouveaux ducs de Richmond.

Je crois devoir donner ici une lettre de Louis XIV, assez importante, que M. de Cherrier, le savant historien de la maison de Souabe, a lui-même transcrite sur l'autographe qui est en la possession de la famille de Trogoff.

Lettre de Louis XIV à M. de Kérouet (sic), pour essayer de lui faire retirer sa malédiction donnée à sa fille mademoiselle de Kérouet, nommée duchesse de Portsmouth et reconnue maîtresse du roi Charles II.—(M. de Kérouet était frère du grand-père de madame de Trogoff.)

«Mon féal et cher sujet, les services importants que la duchesse de Portsmouth a rendus à la France m'ont décidé à la créer pairesse, sous le titre de duchesse d'Aubigny, pour elle et toute sa descendance.

«J'espère que vous ne serez pas plus sévère que votre roi, et que vous retirerez la malédiction que vous avez cru devoir faire peser sur votre malheureuse fille. Je vous en prie en ami, mon féal sujet, et vous le demande en roi.

«Louis.»

Page 268, ligne 17: Selon les exigences de sa dévotion.

Le 29 décembre 1672 (c'était un jeudi), Louis XIV, dans sa lettre datée de Compiègne, écrit à Louvois: «Je ne partirai que dimanche (c'était le 1er janvier 1673), la reine m'ayant prié d'attendre ce jour-là pour qu'elle fît ses dévotions avant de partir. Je serai mardi à Saint-Germain.» Puis, à la fin de la lettre, il dit: «Depuis ma lettre écrite, j'ai résolu de partir samedi pour arriver lundi à Saint-Germain, la reine ayant changé de sentiment depuis ce que je vous ai marqué ci-dessus.»

Le 23 avril (c'était un dimanche), Louis XIV alla, ainsi que la reine, rendre visite à l'abbesse de Montmartre, et retourna en chassant jusqu'à Saint-Germain par la plaine Saint-Denis. (Gazette, 1673; Paris, in-4o, 1674, p. 388.)

Page 272, ligne 3: Madame de la Fayette ridiculisait M. de Mecklenbourg.

Je présume que ce M. de Mecklenbourg, dont il est fait mention dans cette lettre de madame de la Fayette, est le même personnage qu'on trouve mentionné dans la Gazette du 13 juillet, p. 691, dans ce curieux article:

«Paris, 13 juillet 1673.

«La duchesse de Mecklenbourg est arrivée à Paris, et est logée à l'hôtel Longueville. Le duc l'a vue pour la première fois chez la duchesse de Longueville, en son logement des Carmélites au faubourg Saint-Jacques, où ils eurent, en présence de cette princesse, une conversation de laquelle ils furent tous deux fort satisfaits.»

Dans les deux éditions de la Vie de madame de Longueville et ailleurs, j'ai en vain cherché sur ce fait des éclaircissements qui, sans aucun doute, donneraient lieu à d'intéressants détails sur les mœurs de cette époque.

Page 272, ligne 17: Grand joueur, dissipateur, galant et spirituel, de Tott....

L'abbé de Choisy (Mémoires, t. LXIII, p. 268) l'accuse d'avoir dépensé et mangé pour son compte personnel les premiers payements des six cent mille écus du subside annuel que la France s'était engagée à payer à la Suède. M. Mignet, dans son Analyse des documents des Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. IV, p. 140, dit que Louis XIV fit payer au comte de Tott cent mille écus sur le subside dû à la Suède.

Page 279, ligne 21: Le père du marquis d'Ambres, colonel au régiment de Champagne.

Les colonels qui précédèrent le marquis d'Ambres dans le commandement du régiment de Champagne furent deux Grignan, Gaucher de Grignan en 1656 et le comte de Grignan en 1654.

Page 280, ligne 6: il refusa net le titre de monseigneur au maréchal d'Albret.

Saint-Simon n'a pas connu les lettres de madame de Sévigné, et était fort mal instruit des détails de cette affaire lorsqu'il dit que d'Ambres s'est retiré du service pour avoir refusé le monseigneur au ministre Louvois.

Page 287, ligne 7: Aussi transi que la Fare.

Madame de la Fayette fait ici allusion aux soins passionnés que la Fare rendait alors à la marquise de Rochefort, qui fut peu après madame la maréchale de Rochefort. La Fare lui-même avoue qu'il y avait plus de coquetterie de sa part et de la sienne que de véritable attachement; et il ajoute que cela lui attira l'inimitié de Louvois, qui, lorsque cette dame devint veuve, fut son consolateur. Une faute de copiste, qui est dans la notice sur la Fare par M. Monmerqué, attribue à tort cette lettre du 19 mai 1673 à madame de Sévigné, tandis que c'est une lettre qui lui est adressée par madame de la Fayette. L'amour de la Fare pour madame de la Sablière fut tout autre que pour la marquise de Rochefort. La Fare ne fait pas difficulté d'avouer qu'il fut éperdument amoureux de madame de la Sablière. (La Fare, Mémoires, t. LXV, p. 184.)

Page 291, ligne 12: «Pulchérie n'a point réussi.»

L'auteur de l'Histoire de la Vie et des Ouvrages de Corneille, Paris, 1829, in-8o, p. 239, attribue ces mots, «Pulchérie n'a point réussi,» à madame de Sévigné, ne faisant point attention que la lettre qui les contient lui est adressée, mais n'est pas d'elle.

Page 291, ligne 20: La main qui crayonna, etc.

Ces vers sont de Corneille, dans son Remercîment à Fouquet.

Page 292, ligne 11: Tandis que Racine avait affadi.

A une telle assertion il faut des preuves. Je me bornerai à une simple citation, et le lecteur en jugera.

Dans Corneille, Pulchérie, impératrice d'Orient, ouvre la scène avec Léon son amant par une déclaration d'amour:

Je vous aime, Léon, et n'en fais point mystère;

Des feux tels que les miens n'ont rien qu'il faille taire.

Je vous aime, et non point de cette folle ardeur

Que les yeux éblouis font maîtresse du cœur;

Non d'un amour conçu par les sens en tumulte,

A qui l'âme applaudit sans qu'elle se consulte,

Et qui, ne concevant que d'aveugles désirs,

Languit dans les faveurs, et meurt dans les plaisirs:

Ma passion pour vous, généreuse et solide,

A la vertu pour âme et la raison pour guide,

La gloire pour objet, et veut sous votre loi

Mettre, en ce jour illustre, et l'univers et moi.

Passons à Racine. Mithridate, le fier et féroce Mithridate, obligé de fuir, a fait courir le bruit de sa mort; il arrive, et ouvre la scène avec Monime par une déclaration d'amour:

Je ne m'attendais pas que de notre hyménée

Je pusse voir si tard arriver la journée,

Ni qu'en vous retrouvant mon funeste retour

Fît voir mon infortune, et non pas mon amour.

C'est pourtant cet amour qui, de tant de retraites,

Ne me laisse choisir que les lieux où vous êtes;

Et les plus grands malheurs pourront me sembler doux

Si ma présence ici n'en est point un pour vous.

Page 293, ligne 16: Avait succombé à l'entraînement de cette vie animée, mais trop laborieuse, âgé seulement de cinquante-un ans.

QUE SAIT-ON SUR LA VIE DE MOLIÈRE?

Reprenons cette question, si souvent agitée dans ces derniers temps.

Du vivant même de Molière, lorsque sa réputation fit explosion dans le monde par les représentations des Précieuses, on chercha à connaître les aventures de sa jeunesse déjà écoulée, car il avait alors trente-sept ans. Avant, «ce garçon nommé Molière,» ainsi que nous le dit Tallemant, n'était connu que comme le chef d'une troupe de comédiens de campagne, pour laquelle il composait des pièces, «où, dit encore Tallemant, il y a de l'esprit, et qui sont comiques [778].» Cette troupe avait joué un instant à Paris, et s'était fait remarquer par le talent supérieur d'une actrice nommée Madeleine Béjart, sublime dans le rôle «d'Épicharis, à qui Néron venait de donner la question.»

A Paris et dans la société, on sut bien ce qu'était la famille de Molière et la vie qu'il avait menée avant que sa troupe vînt s'établir à Paris. Mais le premier qui ait entretenu le public de la vie de cet auteur d'une farce célèbre, de ce comédien devenu tout à coup illustre, fut un de ses critiques, un de ses détracteurs. Dès l'année 1663, il donna une vie abrégée de Molière [779], qui n'était pas encore le Molière du Misanthrope et du Tartuffe, de l'École des Femmes et de l'École des Maris. Il est curieux de voir de quelle manière un critique malveillant parlait alors d'un auteur que Boileau, par un louable sentiment d'indignation de ce qui s'était passé à sa mort, prétend, dans de beaux vers, n'avoir pas été apprécié de son vivant.

«Comme il (Molière) peut passer pour le Térence de notre siècle, qu'il est grand auteur et grand comédien quand il joue ses pièces et que ceux qui ont excellé dans ces deux choses ont eu place en l'histoire, je puis bien vous faire ici un abrégé de sa vie, et vous entretenir de celui dont l'on s'entretient presque dans toute l'Europe, et qui fait si souvent retourner à l'école tout ce qu'il y a de gens d'esprit à Paris.» Tout ce que dit Visé sur la vie de Molière, sauf ce qui concerne la critique des Précieuses, est parfaitement vrai et convenable. Visé ne parlait pas de sa famille; mais il eut soin d'apprendre «que, si ce fameux auteur s'était jeté dans la comédie, c'était par une inclination toute particulière pour le théâtre; car il avait assez de bien pour se passer de cette occupation et pour vivre honorablement dans le monde.»

Comme le père de Molière vivait alors, et avait un grand nombre d'enfants de sa première femme, ceci prouve que son fils aîné avait eu sa part de l'héritage de sa mère, morte en 1632, et que cette part était considérable.

Ces détails sur la vie de Molière ne suffisant pas à la curiosité publique, on interrogea ses camarades, et alors ils firent à leur manière le roman de sa jeunesse. Les ana faux, absurdes et ridicules se multiplièrent, et accrurent le magasin des anecdotes dramatiques. C'est avec ces ana qu'en 1670 un pauvre versificateur composa sa pièce d'Élomire hypocondre, ou les Médecins vengés, qui est une satire contre Molière, mais qui paraît avoir été supprimée par sentence de police [780]. C'est avec ces ana, qui allaient altérant la vérité à mesure qu'ils passaient par un plus grand nombre de bouches, que Grimarest composa un volume sur la vie de Molière, trente ans après sa mort. Boileau dit, en parlant de cette vie, que l'auteur avait ignoré sur Molière ce que tout le monde savait, et qu'il se trompait dans tout. C'était, de la part de Boileau, une vérité poétique, c'est-à-dire fort exagérée et en partie fausse.

La préface de l'édition des Œuvres de Molière de 1682, écrite par deux acteurs ses camarades, contenait une vie abrégée, mais très-exacte et complète pour les faits principaux: il eût fallu la placer comme notice dans toutes les éditions qu'on a données de notre grand comique. Ce n'est pas ainsi qu'on a cru devoir procéder, et les éditeurs ont mis en tête de leurs éditions de longues vies de Molière, et ont ajouté de nouveaux ana à ceux qu'on avait entassés précédemment. Un auteur récent a recueilli avec un laborieux soin tout ce qu'il a pu trouver sur Molière, et en a recomposé une vie qui a eu trois éditions et qui méritait son succès par l'abondance des recherches. En profitant de ce travail, exécuté avec conscience, on a pensé qu'il restait encore à la critique un rôle à remplir: c'était d'écarter des témoignages qu'on avait recueillis sur Molière tout ce qui n'a aucune valeur historique, et, en s'en tenant à ceux qui en ont, de donner une idée précise et exacte de ce qu'on sait de sa vie, jusqu'à l'époque où elle se confond avec l'histoire de ses pièces et du théâtre français. L'explication d'un fait important dans la vie de Molière, qu'on n'a pas remarqué et d'où dépend l'intelligence complète de cette vie, manque, suivant nous, dans tout ce qu'on a écrit sur ce sujet, et nous allons tâcher d'y suppléer.

D'abord, que l'on se rappelle bien toutes les découvertes faites de notre temps, par des recherches obstinées dans les actes de l'état civil sur la famille des Poquelin, sur le mariage et la naissance de Molière; que l'on ait présent à la pensée les mœurs et les habitudes de ces temps; que l'on combine ces données avec les seules assertions des contemporains qui méritent confiance, c'est-à-dire celles de Donau de Visé dans les Nouvelles nouvelles; de Lagrange et de Vinot, dans la préface des Œuvres de Molière, et de Tallemant, le premier en date, dans ses Historiettes, on trouvera que les faits suivants ressortent seuls avec certitude de toutes ces autorités.

Molière était le fils aîné d'un bourgeois de Paris qui exerçait une profession lucrative et dont les chefs, depuis Louis XIII, avaient la charge de tapissiers valets de chambre du roi. Cette continuité de la même profession et de la même charge, donnée toujours en survivance à l'aîné comme une chose héréditaire, nous montre que cette famille avait conservé l'austérité de mœurs de l'ancienne bourgeoisie parisienne et l'ordre et l'économie qui la distinguaient; enfin, que cette famille était dans l'aisance, et jouissait de l'estime publique.

Il ne s'ensuit pas, comme on l'a très-bien observé, de ce que le père de Molière avait, avec la charge de tapissier valet de chambre du roi, la survivance pour son fils aîné, qu'il eût résolu invariablement de transmettre cette charge exclusivement à ce fils: il devait désirer que cette charge fût d'avance, après lui, maintenue dans sa famille, soit pour pouvoir la vendre, soit pour en disposer en faveur d'un de ses autres enfants, si celui auquel elle était conférée y renonçait.

Il est certain que le père de Molière ne destinait pas son fils aîné à l'exercice de la profession de tapissier, puisqu'il le mit au fameux collége de Clermont, tenu à Paris par les jésuites, et qui portait de nos jours le nom de Collége de Louis le Grand. On sait que l'on y élevait tous les enfants de la plus haute noblesse et des plus riches familles bourgeoises.

Molière y fit des études complètes; «il s'y distingua, dit son camarade la Grange, et il eut l'avantage de suivre feu M. le prince de Conti dans toutes ses classes. La vivacité d'esprit qui le distinguait de tous les autres lui fit acquérir l'estime et les bonnes grâces de ce prince [781].» Ce frère du grand Condé, protecteur de Molière et de sa troupe avant Louis XIV, était spirituel et malin. Très-pieux dans sa vieillesse, il faisait des livres pieux; mais dans sa jeunesse il faisait tout autre chose, et avait des inclinations toutes différentes. Comme il était contrefait, on l'avait destiné à l'Église: les jésuites du collége de Clermont durent donc diriger ses études vers la théologie. Poquelin fut son condisciple dans cette étude, puisqu'on nous assure «qu'il eut l'avantage de suivre M. le prince de Conti dans toutes ses classes;» et cela ne peut s'appliquer qu'aux hautes classes, puisque, le prince étant né en 1629, Molière avait sept ans plus que lui. On dut faire franchir rapidement à Conti les classes élémentaires (si toutefois il les fit au collége). Ce prince soutint ses thèses de philosophie au collége des jésuites le 18 juillet 1644; puis il sortit de ce collége pour aller à Bourges faire un cours de théologie, et revint à Paris soutenir ses thèses de théologie le 10 juillet 1646.

Qu'était devenu son condisciple, le jeune Poquelin, dans cet intervalle? Le souvenir des études théologiques qu'il avait faites avec le prince de Conti s'était conservé. La Grange dit dans sa Préface: «Le succès de ses études fut tel qu'on pouvait l'attendre d'un génie aussi heureux que le sien: s'il fut fort bon humaniste, il devint encore plus grand philosophe,» c'est-à-dire qu'il brilla comme écolier en philosophie. Or, la philosophie, dans un collége de jésuites, devait se distinguer peu de la théologie; et le père de Molière, après les succès obtenus par son fils au collége, dut nécessairement penser à lui faire embrasser la carrière qui ouvrait le plus de chances à ses talents et à son ambition; et comme les le Camus, marchands drapiers, qui avaient leurs boutiques à l'enseigne du Pélican et dont la postérité occupa les plus belles places dans la magistrature et dans l'Église, Jean Poquelin, riche bourgeois de Paris et tapissier valet de chambre du roi, estimé pour ses mœurs et sa probité, avait fondé de grandes espérances sur Jean-Baptiste Poquelin, son fils aîné. Les services que, comme condisciple plus âgé et plus instruit, il avait pu rendre au prince de Conti dans sa classe de philosophie le confirmaient dans l'idée de lui faire embrasser la carrière ecclésiastique. Jean Poquelin, s'étant vu frustré dans ses projets relativement à ce fils aîné, les réalisa plus tard par un autre de ses fils, Robert Poquelin, qui mourut docteur en théologie de la maison et société de Navarre et doyen de la faculté de Paris.

Quant à Jean-Baptiste Poquelin, il fut impossible de songer à lui faire prendre ce parti, parce que, né avec des passions ardentes pour les femmes et pour le théâtre, il devint amoureux de Madeleine Béjart, alors que, bien jeune encore, il siégeait souvent sur les bancs de la Sorbonne pour assister, dans les jours solennels, aux thèses qu'on y soutenait. Cette circonstance de sa vie fut celle que lui, sa famille et ses maîtres étaient les plus intéressés à cacher. Mais Tallemant et d'autres la connurent; on le voit clairement par ce passage de Grimarest, qui dit, en finissant sa Vie de Molière [782]: «On s'étonnera peut-être que je n'aie point fait M. de Molière avocat. Mais ce fait m'avait été absolument contesté par des personnes que je devais supposer en savoir mieux la vérité que le public, et je devais me rendre à leurs bonnes raisons. Cependant sa famille m'a si positivement assuré du contraire que je me crois obligé de dire que Molière fit son droit.» Jusque-là tout est bien; mais vient ensuite une historiette absurde, et qu'il est d'autant plus étonnant que Grimarest ait adoptée qu'elle est en quelque sorte la contrefaçon de celle qui a été rapportée par Perrault [783]. J'ai donc dû m'arrêter à ces mots, «Molière fit son droit,» parce qu'en effet le même fait se trouve attesté par la Grange et Vinot, dans leur Préface [784]: «Au sortir des écoles de droit, il choisit la profession de comédien par l'invincible penchant qu'il se sentait pour la profession de comédien: toute son étude et son application ne furent que pour le théâtre.» Ainsi la Grange et Vinot ne disent pas que Molière se fit avocat, mais qu'il fit son droit. Ce témoignage n'est nullement opposé à celui de Tallemant; il le corrobore au contraire. Pour être d'Église, s'avancer et faire fortune dans l'état ecclésiastique, l'étude du droit canonique était nécessaire. L'abbé d'Aubignac, qui composa des pièces de théâtre, était docteur en droit canonique.

Le droit canonique était même alors le seul qu'on enseignât à Paris. L'étude du droit civil, rétablie par Philippe le Bel à Orléans, ne le fut à Paris qu'en 1679 [785]. Voilà pourquoi ceux qui surent que Molière avait étudié en droit et qui écrivaient postérieurement à cette époque, sachant qu'il n'avait pu alors étudier le droit civil à Paris, qu'on n'y enseignait pas de son temps, l'ont fait étudier à Orléans; et c'est sur cette supposition qu'a été bâtie la pièce d'Élomire, vingt-cinq ans après que le jeune Jean-Baptiste Poquelin abandonna l'école de droit et celle de la Sorbonne. Il fréquenta l'une et l'autre; Tallemant et la Grange sont unanimes sur ce point, mais ils ne disent rien de plus: par conséquent, ils s'accordent à prouver qu'il ne fut ni séminariste ni avocat; et ce dernier rectifie tous les biographes de Molière, dont aucun n'a apprécié avec assez de justesse les matériaux dont ils faisaient usage.

Continuons de recueillir le témoignage de Tallemant, qui est le plus ancien, et qui n'avait rien à déguiser: «Donc Jean-Baptiste Poquelin quitta les bancs de la Sorbonne pour la suivre (Madeleine Béjart): il en fut longtemps amoureux....»

C'est dans les premiers temps de cette liaison qu'il faut placer ce que dit Perrault, qui, chef de service dans la maison du roi, devait être bien instruit de ce qui concernait l'estimable Jean Poquelin, tapissier du roi et de sa famille. «Jean-Baptiste Poquelin, dit Perrault, prit la résolution de former une troupe de comédiens pour aller dans les provinces jouer la comédie. Son père, bon bourgeois de Paris et tapissier du roi, fâché du parti que son fils avait pris, le fit solliciter, par tout ce qu'il avait d'amis, de quitter cette pensée, promettant, s'il voulait revenir chez lui, de lui acheter une charge telle qu'il la souhaiterait, pourvu qu'elle n'excédât pas ses forces. Ni les prières ni les remontrances de ses amis, soutenues de ces promesses, ne purent rien sur son esprit [786].» Cela était trop simple et trop vrai; et il faut que Perrault y ajoute sur le grand comique une de ces mille historiettes qui couraient les rues.—Laissons-la, et continuons Tallemant: «...Il en fut longtemps amoureux, donnait des avis à la troupe, et enfin s'en mit, et l'épousa.» Il n'y a pas là l'erreur ni la confusion qu'on a cru y voir. Tallemant écrivait ces lignes lorsque aucune pièce de Molière n'était encore connue à Paris; Molière était alors dans le midi de la France; l'on savait que c'était la Béjart qui l'avait enlevé à sa famille, et qu'ils faisaient ménage ensemble. Entre comédiens, cela suffisait pour les considérer comme mari et femme. Et ce mariage dura longtemps, puisqu'on a la preuve que, plus de quatorze ans après l'origine de leur liaison, c'était Madeleine Béjart qui tenait la caisse et touchait l'argent qui revenait à Molière [787]. Lorsqu'il épousa Armande Béjart, elle était si jeune qu'on crut qu'elle était la fille de sa sœur Madeleine Béjart, qui l'avait élevée; et comme l'union de Madeleine avec Molière était déjà ancienne, on l'accusa d'avoir épousé sa propre fille. On a récemment trouvé un document [788] qui prouve que Madeleine Béjart était réellement considérée comme le personnage principal de la troupe de comédiens où se mit Molière, et que Tallemant avait raison lorsqu'il en parlait ainsi. Dans un recueil de vers imprimé en 1646, on apprend que lorsque le duc de Guise partit pour Naples, il fit présent de ses habits aux comédiens de toutes les troupes de Paris, dont les noms se trouvent dans ce livre avec ceux des principaux acteurs qui les dirigeaient, à savoir: la troupe du Marais, Floridor; celle du Petit-Bourbon, le Capitan; celle de l'hôtel de Bourgogne, Beauchâteau; et enfin une quatrième troupe qui n'est pas autrement désignée que par les noms de la Béjart, de Beys et de Molière.

De ces trois personnes qui sont ici nommées comme chefs d'une quatrième troupe, deux étaient connues comme auteurs: c'étaient Madeleine Béjart et Charles Beys; ils faisaient des pièces de théâtre; Molière se contentait d'en jouer [789].

Ceci, et ce que dit Tallemant, que la Béjart avait joué à Paris avec une troupe qui n'y fut que quelque temps, se trouve confirmé par ce paragraphe important de la Préface de la Grange et Vinot:

«Il tâcha, dans les premières années, de s'établir à Paris avec plusieurs enfants de famille qui, par son exemple, s'engagèrent comme lui dans la partie de la comédie, sous le titre de l'Illustre théâtre; mais ce dessein ayant manqué de succès (ce qui arrive à beaucoup de nouveautés), il fut obligé de courir les provinces du royaume, où il commença de s'acquérir une fort grande réputation [790]

La première mention de l'Illustre théâtre serait bien plus ancienne, s'il est vrai qu'une pièce de Magnon, imprimée en 1645, porte, sur le titre, qu'elle y a été représentée [791].

Voilà tout ce qu'on sait de certain pour les premières années de la vie de Molière. Résumons. En 1632 il avait perdu sa mère; et lorsque la Béjart l'emmena en province, majeur, maître de ses actions et de sa part de bien maternel, il n'est plus Poquelin, il est Molière; il n'appartient plus à sa famille, et sa famille ne lui appartient plus; il appartient tout entier à sa troupe: sa troupe, c'est sa famille; sa troupe, c'est l'instrument de sa gloire; en elle est la source de ses jouissances, les objets de ses plus chères affections: c'est par elle enfin qu'il satisfait sa triple passion de comédien, de poëte et d'amant; car il fut tout cela toute sa vie. Si vous voulez la connaître, cette vie; si vous voulez savoir quels sont les labeurs, les succès, les jouissances, les tristesses qu'elle a accumulés dans le court espace de quinze ans, lisez cette Préface, dont je ne vous ai rapporté que ce qui concerne Poquelin, et non Molière; relisez ses œuvres; relisez les Œuvres de madame de Sévigné et les Œuvres de Boileau, annotées par Brossette de Saint-Marc; surtout n'oubliez pas que Molière n'est plus Poquelin, et que tout ce qui se trouve rapporté dans les biographies sur ses relations avec son père et avec sa famille est faux et controuvé. Son père et sa famille, dès qu'il eut pris le nom de Molière, dès qu'il fut comédien, n'eurent plus rien de commun avec lui; et cela dura jusqu'à sa mort, et après sa mort.

Mais le mot de Belloc, et le voyage de Narbonne, et cette assistance que Molière prêtait à son père dans ses fonctions de valet de chambre du roi; mais cette cession que Poquelin le père fit à son fils de sa charge de valet de chambre, qu'il ne pouvait plus exercer à cause de son grand âge, et tant d'autres faits si singuliers, si amusants, qui nous montrent Molière s'élevant des occupations manuelles de simple ouvrier jusque sur les hauteurs où son génie l'a placé; qu'en faites-vous?—Tout cela est faux, controuvé; ce sont des contes populaires inventés pour l'amusement des oisifs et dont tous ceux qui étaient bien instruits de la vie de Molière, la Grange et Vinot, de Visé, Tallemant, n'ont pas dit un mot. Ce qu'ils ont dit prouve que tout cela ne pouvait être vrai. Tout cela a été dit seulement par les collecteurs d'ana, par les Grimarest, les de Bret et autres, et répété ensuite par tous les biographes, qui n'ont voulu rien laisser échapper de ce qui avait été imprimé avant eux.

En voulez-vous la preuve? c'est que ce père de notre grand comique, ce Jean Poquelin, mort le 27 février 1669, se trouve porté sur tous les états de la France comme exerçant la charge de tapissier valet de chambre du roi, depuis celui qui a été rédigé par de la Marinière, d'après les Mémoires de M. de Saintot, maître des cérémonies, le 16 août 1657 (p. 84, lig. 11), jusqu'à celui de M. N. de Besongne, dressé suivant les états portés à la cour des aides, qui parut au commencement de l'année 1669, c'est-à-dire un mois avant la mort de Jean Poquelin, père de Molière (p. 86). Jean Poquelin est inscrit dans le livre de Besongne non-seulement comme possesseur du titre et de la charge, mais comme étant encore en exercice pour le quartier de janvier en avril 1669, concurremment avec Nauroy, son collègue: ils servaient à deux par quartier.

Jean Poquelin, comme «sa défunte honorable femme, Marie Cressé (mère de Molière),» fut enterré avec pompe, ainsi que le constate son acte de décès inscrit dans les registres de la paroisse Saint-Eustache [792]:

«Convoi de 42, service complet.—Assistance de M. le curé, quatre prêtres-porteurs, pour défunt Jean Poquelin, tapissier du roy, bourgeois de Paris, demeurant sous les piliers des Halles, devant la fontaine.»

Ceux qui voudraient faire une objection contre la preuve ici donnée de l'époque où Molière a pu commencer à exercer la charge de valet de chambre du roi et du peu de temps qu'il a exercé cette charge diront qu'il est prouvé que le titre lui en a été donné dans l'acte de baptême de Madeleine Grésinde, dont il fut le parrain le 29 novembre 1661 [793]. Mais ces critiques oublient avec quelle facilité on prenait alors d'avance les titres dont on devait hériter. Depuis les ordonnances de Charles IX et de ses successeurs [794], ceux qui se trouvaient attachés à la maison du roi étaient, comme les nobles, exempts de certaines charges, et avaient de certains priviléges dont ne jouissait pas la bourgeoisie. Il en était de même de ceux qui possédaient le premier degré de noblesse et avaient le titre d'écuyer. Ce titre est donné à Molière par sa femme, dans un acte de baptême où elle figure comme marraine (23 juin 1663); et cependant Molière n'avait assurément aucun droit de le prendre. Pour s'être laissé ainsi titrer indûment dans des actes authentiques, la Fontaine fut condamné à 4,000 francs d'amende. Comme lui, Boileau prit aussi ce titre, et fut également poursuivi par le fisc; mais il gagna son procès, et prouva qu'il possédait ce premier degré de noblesse. L'acte du 29 novembre 1661 ne prouve donc rien contre ce que nous avons avancé.

Jean Poquelin avait eu dix enfants de deux mariages différents: de ces neuf frères et sœurs de Molière, plusieurs, au moment de son décès, étaient mariés, et ils eurent tous un grand nombre d'enfants: son second frère en eut seize; Robert Poquelin, son proche parent, en eut vingt; et, de cette nombreuse famille, pas un seul ne parut lorsqu'il fallut réclamer pour Molière une sépulture décente et les prières de l'Église, ni pour protéger son domicile contre les égarements fanatiques d'une populace hostile [795]. C'est que tous voulaient être bien avec leurs curés, et enterrés honorablement. Aucun Poquelin ne signa ni n'appuya la requête que la veuve de Molière adressa au roi; et dans cette requête on ne parle ni de son père ni de sa parenté avec les Poquelin. Personne, dans les Poquelin ni dans leurs descendants, ne voulut alors, ni après, être beau-frère, belle-sœur, nièce ou neveu, parent ou allié des Béjart, ni même de M. de Molière. On n'a pas trouvé un seul acte, une seule lettre, un seul écrit qui établissent quelque rapport entre Jean Poquelin et Jean-Baptiste Poquelin dès que celui-ci eut pris le nom de Molière; et aucun de ceux qui ont parlé de lui, et dont le témoignage doit compter, ne constate qu'il y eut de leur temps aucune liaison entre le père et le fils, ou entre ce fils et ses frères, ses sœurs et ses parents. Pas un seul Poquelin ne contribua à grossir le cortége nombreux qui, à la lueur des flambeaux, conduisit à leur dernier asile les restes de l'immortel auteur du Misanthrope. Molière ne paraît avoir eu d'autre part à l'héritage paternel que la survivance de la charge de tapissier valet de chambre du roi, que son père ne pouvait lui ôter et que notre poëte, aux termes où il en était avec Louis XIV, se serait bien gardé de dédaigner. Il exerça donc cette charge; la Grange et Vinot n'ont pas manqué de constater ce fait, page 2 de la Préface.

«Son nom fut Jean-Baptiste Poquelin; il était Parisien, fils d'un valet de chambre tapissier du roi, et avait été reçu dès son bas âge en survivance de cette charge, qu'il a depuis exercée dans son quartier jusqu'à sa mort.»

Il ne l'exerça pas longtemps. Entré en fonctions après la mort de son père, en février 1669, avec Nauroy, son collègue pour le premier quartier, il dut n'exercer que pendant un mois. Dans les trois années qui suivirent, il exerça chaque année pendant six semaines seulement, car ils étaient huit tapissiers valets de chambre, servant à deux par quartier. Ainsi, Molière n'a pu exercer que par intervalle (en tout dix mois) sa charge de valet de chambre du roi, en supposant qu'il n'en fût jamais dispensé. Ce service, dans ce qui avait rapport à aider à faire le lit du roi, était pour la forme [796]: c'était plutôt un privilége qu'un emploi, car il y avait, outre les huit tapissiers valets de chambre, huit valets de chambre et barbiers, qui étaient appointés au double des tapissiers [797]. Mais Louis XIV avait accordé à Molière une pension de mille francs en 1663, c'est-à-dire six ans avant que son père, en mourant, lui eût transmis la survivance de la charge de valet de chambre, ce qui a fait croire à tort que ce fut en 1663 que Molière eut cette charge.

Aucun Poquelin ne prétendit à la survivance de Molière comme tapissier valet de chambre du roi; Jean Poquelin, et après lui Jean-Baptiste Poquelin, son fils, furent successivement inscrits en tête de la liste des tapissiers valets de chambre dans leur quartier; mais, après eux, c'est le sieur Nauroy qu'on trouve inscrit le premier [798].

J'ajouterai à cette longue note sur Molière une dernière observation qui concerne ses éditeurs. J'ai dit ailleurs que lorsqu'un auteur avait lui-même donné une édition de ses Œuvres, il était du devoir des éditeurs de conserver l'ordre que l'auteur a établi, parce que cet ordre fait partie de ses pensées, et repose toujours sur une idée principale. La Grange et Vinot ont manqué à cette règle dans leur édition de 1682, et ils ont été à tort imités par tous les éditeurs subséquents. Molière a donné, en 1666, une édition de ses Œuvres; il en avait commencé une autre lorsqu'il mourut en 1673, puisque le privilége est daté du 16 mars 1671, et la continuation du 20 avril 1673 [799]. Dans ces deux éditions (1666 et 1673), Molière s'est écarté, pour une seule pièce, de l'ordre qu'il a suivi pour toutes les autres, qui est de les ranger selon les dates de leur représentation. D'après cet ordre, la comédie des Précieuses doit être placée après l'Étourdi et le Dépit amoureux, comme elle se trouve en effet dans l'édition de 1682. Mais Molière, dans les deux éditions qu'il a données, a placé cette pièce la première; et cette dérogation à l'ordre chronologique qu'il avait adopté est assez significative pour qu'elle fût respectée par ses éditeurs. Il est évident qu'il a voulu montrer que de cette pièce des Précieuses dataient pour lui les faveurs du public et cette espèce d'alliance qui s'était contractée entre lui et tous ceux qui fréquentaient son spectacle. Ce n'est pas tout: en 1663 il avait été gratifié d'une pension du roi, et il saisit l'occasion de la représentation des Plaisirs de l'Ile enchantée, le 16 mai 1664, pour lui adresser un remercîment en vers. Cette pièce, qui n'a rien de fade comme toutes celles de cette nature, mais qui est, au contraire, à elle seule une excellente scène de comédie, est, dans l'édition de 1682, placée à sa date et avant la pièce des Plaisirs de l'Ile enchantée (t. II, p. 289 à 292 de l'édit.), tandis que, dans les deux éditions données par Molière (1666 et 1673), elle commence le premier volume, et se trouve avant la Préface. Évidemment Molière avait eu l'intention de convertir ce remercîment en une réjouissante et joviale dédicace de toutes ses Œuvres, une dédicace à Louis XIV. En replaçant cette pièce à sa date, les éditeurs lui ont ôté la plus grande partie de sa valeur, et ont ainsi frustré les intentions de l'auteur.

Page 295, ligne 7: Les attaques contre Molière et la comédie, que Nicole, Bourdaloue et Bossuet, etc.

Les reproches de Bossuet contre la comédie et Molière sont sévères, mais d'une vérité incontestable:

«... On répond que, pour prévenir le péché, le théâtre purifie l'amour... Ce n'est, après tout, qu'une innocente inclination pour la beauté, qui se termine au nœud conjugal. Du moins donc, selon ces principes, il faudra bannir du milieu des chrétiens les prostitutions dont les comédies italiennes ont été remplies, même de nos jours, et que l'on voit encore toutes crues dans les pièces de Molière; on réprouvera les discours où ce rigoureux censeur des grands canons, ce grave réformateur des mines et des expressions de nos précieuses étale cependant au plus grand jour les avantages d'une infâme tolérance dans les maris, et sollicite les femmes à de honteuses vengeances contre leurs jaloux. Il a fait voir à notre siècle le fruit qu'on peut espérer de la morale du théâtre, qui n'attaque que le ridicule du monde, en lui laissant cependant toute sa corruption.»

CHAPITRE IX.

Page 300, ligne 19: Le temps de ses métamorphoses en jeune et jolie fille était passé.

Dans l'Histoire de la comtesse des Barres, Choisy nous apprend que ce fut madame de la Fayette qui lui donna l'idée de se déguiser en femme (p. 12-14).

«Je n'étais donc contraint par personne, et je m'abandonnai à mon penchant. Il arriva même que madame de la Fayette, que je voyais fort souvent, me voyant toujours fort ajusté avec des pendants d'oreille et des mouches, me dit, en bonne amie, que ce n'était point la mode pour les hommes, et que je ferais bien mieux de m'habiller tout à fait en femme. Sur une si grande autorité, je me fis couper les cheveux, pour être mieux coiffé. J'en avais prodigieusement; il en fallait beaucoup en ce temps-là, quand on ne voulait rien emprunter. On portait sur le front de petites boucles, de grosses aux deux côtés du visage, et tout autour de la tête un gros bourrelet de cheveux cordonné avec des rubans ou des perles, qui en avait. J'avais assez d'habits de femme: je pris le plus beau, et j'allai rendre visite à madame de la Fayette avec mes pendants d'oreille, ma croix de diamants et mes bagues, et dix ou douze mouches. Elle s'écria en me voyant: «Ah! la belle femme! Vous avez donc suivi mon avis? et vous avez bien fait. Demandez plutôt à M. de la Rochefoucauld.» Il était alors dans sa chambre. Ils me tournèrent et retournèrent, et furent contents. Les femmes aiment qu'on suive leur avis; et madame de la Fayette se crut engagée à faire approuver dans le monde ce qu'elle m'avait conseillé peut-être un peu légèrement. Cela me donna courage, et je continuai, pendant deux mois, à m'habiller tous les jours en femme. J'allai partout faire des visites, à l'église, au sermon, à l'Opéra, à la Comédie, et il me semblait qu'on s'y était accoutumé. Je me faisais nommer, par mes laquais, madame de Sanzy. Je me fis peindre par Ferdinand, fameux peintre italien, qui fit de moi un portrait qu'on allait voir. Enfin, je contentai pleinement mon goût. J'allais à la cour d'un grand prince.... Il eût bien souhaité s'habiller aussi en femme.» Ce grand prince était le duc d'Orléans, le frère de Louis XIV, alors fort jeune.

Page 312, ligne dernière: l'avis de l'abbé de Coulanges, et la note 737.

Outre la date, qui est différente dans le manuscrit de l'Institut et dans les imprimés, et la généalogie des Rabutin, qui ne se trouve pas dans ces imprimés, je remarque aussi une différence dans la rédaction entre ce manuscrit et les imprimés, pour les premières phrases de cette lettre. Ce texte, dans le manuscrit, est plus semblable à l'édition de 1735, et doit, je crois, être préféré à celui des éditions modernes, comme étant conforme à ce qu'avait écrit Bussy.

Page 325, ligne 15: Ma grand'mère.

Comme Jean de la Croix, Françoise Fremyot de Chantal fut seulement béatifiée du vivant de madame de Sévigné, et ne fut canonisée que longtemps après la mort de sa petite-fille.

Page 328, ligne 23: Sa jeunesse, les plus belles années de sa vie.

J'ai essayé, dans les chapitres III à XVI de la première partie de cet ouvrage, de retracer ces temps de la brillante jeunesse de madame de Sévigné. Malgré la disette de renseignements historiques pour ce qui la concerne, on a pu voir, par les extraits de la Gazette de Loret, du Dictionnaire des Précieuses, des Miscellanea de Ménage (1652, p. 105), que sa réputation de femme d'esprit, belle, aimable, gracieuse était grande et bien établie, non-seulement dans la société, mais dans le public, puisqu'elle était l'objet des éloges donnés par les écrivains de ce temps dans des ouvrages imprimés et alors fort répandus. Il en est un de ce genre que je n'ai pas cité, parce qu'alors je ne le connaissais pas. C'est celui d'un sieur de Saint-Gabriel, conseiller du roi et ci-devant avocat à la cour des aides de Normandie, qui, dans un livre bizarre destiné, comme le Dictionnaire des Précieuses, à célébrer toutes les beautés de l'époque (le Mérite des Dames; Paris, 1660, in-12), surpasse tous les autres auteurs par l'excès de son admiration pour madame de Sévigné. Voici la transcription du court article qu'il lui a consacré:

Page 310 de la 3e édition, article 85: «Madame de Sévigny la sublime, une ange en terre, la gloire du monde.»

D'après une note manuscrite mise à un exemplaire de ce livre de Saint-Gabriel, la seconde édition porterait la date de 1657. Je n'ai aucun renseignement sur la date de la première; lors de la seconde, madame de Sévigné avait vingt-huit à vingt-neuf ans.

FIN.

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